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LES CHEMINS DU PAYSAGE,
LE PAYSAGE DES CHEMINS
RAPPORT DE SYNTHESE DU SEMINAIRE
RENNES - 24, 25 ET 26 JUIN 2009
MATHILDE MANCEAU
Coordinatrice du séminaire
Laboratoire Costel - UMR LETG 6554 - Université Rennes 2
2
SOMMAIRE
I. Les chemins du paysage, le paysage des chemins 4
A. Présentation du programme de recherche 4
B. L'intégration sociale des chemins et de leurs réseaux 5
C. La dynamique spatiale des réseaux de chemins 7
D. Les réseaux de circulation agricole : des territoires aux paysages 10
E. Diversité des pratiques d’entretien des bords de chemins et de routes 12
F. L’effet des activités humaines sur la végétation herbacée des bordures de routes et chemins 14
G. Les chemins, porte ouverte sur l’espace agricole 17
II. Les chemins du paysage et le paysage des chemins au quotidien 21
A. La qualité et la variété des paysages, des critères essentiels pour la création d'itinéraires de randonnées 21
B. L'homme, le paysage, la randonnée 23
C. Aperçu de la gestion des chemins par la communauté de communes du Pays de Bécherel 25
1. Plantation de haie sur talus en bordure d’un chemin de randonnée 26 2. L'entretien des chemins de randonnées par un chantier d'insertion 27
D. La zone atelier de Pleine-Fougères 28
1. L’effet des activités humaines sur la végétation herbacée des bordures de routes et chemins observé
sur le terrain 28 2. La valorisation des chemins de randonnée par la communauté de communes de la Baie du Mont
Saint-Michel 29
III. Les chemins du paysage et le paysage des chemins à l'étranger 31
A. La matérialisation de la vitesse : l'analyse d'un siècle de modification du paysage dans une aire périurbaine dans le sud de la Suède 31
B. La réappropriation des chemins oubliés en Belgique 32
IV. Programme Paysage et développement durable : les autres projets en interaction 35
A. Les trames vertes dans les paysages : fonctions sociales et écologiques 35
B. L'organisation de l'entretien de la voirie locale en milieu rural 38
BIBLIOGRAPHIE
3
INTRODUCTION
Le 19 juillet 2000, la convention européenne du paysage est adoptée par le Conseil de l’Europe.
Elle vise avant tout à établir une définition consensuelle de la notion de paysage afin qu’elle soit
prise en compte dans les politiques publiques. Elle désigne ainsi le paysage comme « … une partie de
territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs
naturels et/ou humains et de leurs interrelations » (art. 1a).
En ratifiant la convention le 20 octobre 2000, la France s’engage « à intégrer le paysage dans
les politiques d’aménagement du territoire, d’urbanisme et dans les politiques culturelle,
environnementale, agricole, sociale et économique, ainsi que dans les autres politiques pouvant avoir
un effet direct ou indirect sur le paysage » (art. 5d). A cet effet, le ministère de l'environnement a
financé, de 1998 à 2004, un premier programme de recherche intitulé Politiques publiques et
paysages1. Dans le prolongement de celui-ci, un second appel à propositions de recherche sur le
thème Paysage et développement durable a été lancé en 2005. Dans ce contexte, le projet Les
chemins du paysage, le paysage des chemins a été retenu avec seize autres projets afin de produire
des connaissances susceptibles d'éclairer la décision publique à propos de la durabilité des processus d'évolution des paysages, de développer les échanges avec d'autres expériences européennes et de
mettre l'accent sur la dimension économique du paysage.
Ce séminaire international, qui s'est tenu à Rennes, les 24, 25 et 26 juin 2009, visait à
valoriser les recherches du projet Les chemins du paysage, le paysage des chemins, à permettre les
échanges de connaissances et partager les points de vue de chacun autour de cette problématique.
Une trentaine de chercheurs issus de disciplines différentes, de chercheurs étrangers, de
représentants de collectivités territoriales ou d'associations et d'étudiants concernés par le sujet ont
présenté leurs travaux et expériences ou participé aux discussions. En enrichissant le débat, ce
séminaire ouvre de nouvelles perspectives, notamment pour l'articulation des diverses disciplines
engagées autour de ce projet et pour la comparaison avec d'autres contextes européens.
Ce séminaire s'est déroulé en deux temps, d'une part deux journées de conférences et de
discussions, d'autre part une journée de visite des sites d'étude. Le présent rapport ne suit pas le
déroulement du programme du séminaire2. La volonté d'une articulation la plus cohérente possible
entre les interventions s'est heurtée aux contraintes de disponibilité des divers intervenants
professionnels. Ce compte-rendu s'efforce donc d'organiser les exposés par thématique et intègre les
discussions au fil du discours.
La première partie est une exploration des différentes entrées du projet Les chemins du
paysage, le paysage des chemins et fait le point sur l'état d'avancement de chaque discipline investie.
La deuxième partie est consacrée aux témoignages d'acteurs associatifs ou institutionnels,
qui vivent le paysage au quotidien, en particulier dans son intégration aux politiques publiques, et ce, à différentes échelles.
La troisième partie élargit la thématique des chemins et du paysage à une dimension
européenne et rend compte des recherches et des actions menées à l'étranger a ce sujet.
Enfin, la dernière partie présente deux autres projets retenus pour la proposition de
recherche du ministère, qui sont étroitement liés au projet Les chemins du paysage, le paysage des
chemins.
1 http://www.ecologie.gouv.fr/Politiques-publiques-de-paysages.html
2 Voir annexe 1
4
I. Les chemins du paysage, le paysage des chemins
A. Présentation du programme de recherche
Par Laurence Le Du-Blayo
Laurence Le Du-Blayo, maître de conférences en géographie à l'université de Rennes 2, est la
responsable scientifique du projet Les chemins du paysage, le paysage des chemins.
Le projet Les chemins du paysage, le paysage des chemins s'efforce de répondre aux trois
axes de questionnement de l'appel à propositions de recherche du ministère en charge de
l'environnement. Selon le premier axe, l’étude porte sur la durabilité des processus d’évolution des
paysages et des actions paysagères, via la durabilité des chemins et de leurs réseaux. Selon le
deuxième axe, les recherches visaient à rendre compte de la viabilité économique du paysage -
l’accès au paysage étant indispensable à la valorisation des actifs environnementaux. Cependant,
cette entrée "économie" a finalement été insuffisamment traitée, faute de spécialiste disponible le
temps du programme de recherche. Toutefois, le volet Analyse économique de l’offre d’entretien du
paysage rural : organisations et emplois du projet Les nouveaux enjeux économiques des actions
paysagères : éléments pour une nouvelle orientation de l’économie du paysage, mis en œuvre par des chercheurs en économie de l’UMR Métafort de Clermont-Ferrand3 et de l’université de Vienne en
Autriche comble en partie cette lacune. Selon le troisième axe, ce projet aborde la durabilité du
paysage dans sa dimension sociale à partir des objectifs de la convention européenne du paysage.
L’approche législative reste peu abordée mais Patrick Le Louarn4 constitue une référence5 pour
toutes les questions soulevées quant à l'accès aux paysages d'un point de vue juridique et
règlementaire et pour les comparaisons à établir avec les législations à l’étranger (Angleterre,
Belgique, etc.).
Le thème chemin et paysage est abordé à différentes échelles : à celle du réseau, le chemin
est un moyen d'accès au paysage et à celle de l'objet, le chemin est alors un paysage en soi. Les
relations entre les chemins et le paysage mettent en jeu tous les aspects du développement durable : contraintes techniques et économiques pour l’agriculture concernant l’usage des chemins et leur
entretien, demande sociale d’accès aux paysages ruraux, besoin écologique en termes de trame
verte et zones de refuge pour la biodiversité. Cela explique le choix d'une orientation
pluridisciplinaire de la recherche autour d'une équipe constituée de géographes, sociologues,
agronomes, écologues etc., s'appuyant sur des partenaires institutionnels ainsi que sur les travaux
d'étudiants et de chercheurs associés, notamment étrangers.
L'objectif du projet Les chemins du paysage, le paysage des chemins est donc de décrire les
mutations des réseaux de chemins, d'en comprendre les fonctionnements nouveaux et anciens pour
évaluer leur modalité d’insertion dans le territoire et leur contribution au développement durable du
paysage. Six axes - non exclusifs - ont été dégagés pour cette étude : l'évaluation de la demande sociale de chemins, l’usage des chemins, la dynamique spatiale des réseaux de chemins, l'évolution
du droit d’accès et analyse des perceptions de ce droit, la gestion et l’entretien des chemins et leur
conséquences sur la biodiversité, la médiatisation des chemins. Ce dernier axe est surtout illustré par
les exemples concrets mis en œuvre par la communauté de communes de la Baie du Mont Saint-
Michel et celle du Pays de Bécherel ou encore le département des Côtes d'Armor, qui représentent
une part des partenaires institutionnels investis dans le projet.
Plusieurs sites d'études sont mobilisés pour ce programme de recherche. Toujours à
différentes échelles, ils ont en commun la volonté des chercheurs de construire une base de
données, statistiques, spatiales et visuelles. Le plus important est celui de la zone atelier de Pleine-
3 Voir partie IV. B. L'organisation de l’entretien de la voirie en milieu rural, pp. 38-40
4 Patrick Le Louarn est professeur de droit public à l'université de Rennes 2. Il participe au programme de recherche
concernant l'aspect législatif et juridique de la thématique ‘chemins et paysage’ mais ne pouvait être présent lors de ce
séminaire.
5 Le Louarn P., 2002, Le droit de la randonnée pédestre, Victoires Editions, Paris, 208 p.
5
Fougères6, d'une surface de 8500 hectares et totalisant environ 1000 kilomètres de routes et
chemins. Situé sur la communauté de communes de la Baie du Mont Saint-Michel, il fait partie du
réseau français des Zones Ateliers « Bidiversité » et du réseau international des sites de recherches
écologiques et sociales à long terme (Long Term Social-Ecological Research LTSER Sites). D'autres sites bretons sont impliqués tels, le département de Côtes d'Armor, les communes de Réguiny et
Guern dans le Morbihan, etc. Des expériences étrangères autour du même thème sont par ailleurs
suivies, en Belgique notamment.
B. L'intégration sociale des chemins et de leurs réseaux
Par Véronique Van Tilbeurgh
Véronique Van Tilbeurgh, maître de conférences en sociologie à l'université de Rennes 2, est en
charge de l'approche sociologique du projet.
L'approche sociologique du projet se concentre sur les modalités d'intégration sociale des
chemins et de leurs réseaux deans les collectivités locales. Plusieurs études7 ont déjà caractérisé la
variabilité des formes d'intégration des chemins, en termes de conflictualité, de densité, de fonctionnalité, etc. Liée aux caractéristiques des collectivités locales, cette variabilité est estimée
grâce à l'étude principalement des relations de pouvoir - domination et exclusion - et à des analyses
comparatives.
Chaque société se construit d'une façon différente, un des éléments essentiels pour
comprendre ce processus étant la structuration du pouvoir local. Les modalités d'intégration sociale
des chemins et de leurs réseaux sont donc à rechercher à l'intérieur des sociétés locales en fonction
des caractéristiques de leur structuration. Il est alors nécessaire d'identifier les groupes sociaux et les
rapports de pouvoir entre ceux-ci mais également l’ensemble des usages de l’espace rural de la
collectivité. L'hypothèse est que les modalités d'intégration des chemins et de leurs réseaux dans la collectivité locale sont liées à sa structure et à son organisation ainsi qu'au statut du chemin attribué
par les acteurs locaux. Elles seront identifiées par une mise en regard des chemins et de leurs
réseaux avec la composition et le mode de fonctionnement des collectivités locales.
Trois terrains d'études sont actuellement en cours d'investigation: la zone atelier de Pleine
Fougères (communes de Saint-Georges-de-Grehaigne, Trans-la-Forêt, Vieux-Viel) où s’effectue
l'analyse de l'évolution des chemins et des réseaux ; les communes de Réguiny et Guern, dont les
réseaux ont déjà été sujets à une analyse spatiale diachronique, sont les terrains d'observation des
pratiques récréatives ainsi que d'autres communes au sud du Morbihan. La collecte des données est
réalisée au moyen d'entretiens semi-directifs, de questionnaires et de documents.
Les premiers résultats confirment, du moins sur les territoires étudiés, les hypothèses initiales. Les acteurs interrogés reprennent les constats d'évolution de la distribution spatiale et
fonctionnelle des réseaux mis en avant par les recherches en agronomie et géographie8, à savoir que
la transformation récente de l'agriculture et de l'espace rural a eu des effets sur la disparition ou la
création de chemins. Parallèlement, ils constatent une évolution socio-fonctionnelle des réseaux. La
double fonctionnalité, agricole et récréative, des chemins et des réseaux de chemins, s'organise en
fonction de la structure de la collectivité locale, en particulier de la place de l'agriculture et des
caractéristiques du pouvoir local. Une analyse comparative de deux communes le démontre : Saint-
Georges-de-Grehaigne et Vieux-Viel sont deux communes faiblement peuplées, respectivement 380
et 275 habitants, situées dans la communauté de communes de la Baie du Mont Saint-Michel. Tandis
que la première possède une population stable et diversifiée, répartie en différentes professions et catégories socioprofessionnelles - ouvriers, agriculteurs et retraités, la seconde connaît une légère
augmentation de sa population dont les actifs sont majoritairement des agriculteurs. Dans les années
1980, les agriculteurs gréhaignois ont ouvert le pouvoir local aux nouveaux arrivants, notamment aux 6 http://www.caren.univ-rennes1.fr/pleine-fougeres/
7 MERMET L., MOQUAY P. (dir.), 2002, L’accès du public aux espaces naturels. Outils d’analyse et méthodes de gestion,
Lavoisier, 392 p. et Le Caro, Y., 2007, Les loisirs en espace agricole. L’expérience d’un espace partagé, Presses universitaires
de Rennes, 432 p. 8 Voir partie I. C. La dynamique spatiale des réseaux de chemins, pp. 7-9
6
membres de l'association de randonnée. A Vieux-Viel, ce pouvoir reste encore organisé autour des
réseaux agricoles. Ces deux communes possèdent un réseau d'itinéraires balisés mais organisent la
fonctionnalité des chemins différemment. Deux tendances émergent de cette observation comparée
confortant l'hypothèse initiale. Une commune où l'agriculture n'est plus dominante et où le pouvoir local ne repose plus sur les réseaux agricoles a plutôt tendance à organiser la multifonctionnalité des
réseaux, dédiés à la fois à l'agriculture et aux pratiques récréatives. Une commune dominée par
l'agriculture tend plutôt à être marquée par une spécialisation des chemins, alors affectés soit à
l'agriculture soit aux pratiques récréatives. Dans le cas de figure d'un développement conjoint de ces
deux activités, les agriculteurs ne sont plus en capacité d'imposer ou n'éprouvent pas le besoin d'une
différenciation spatiale des activités. A l'inverse, les activités évoluent séparément selon la volonté
du maire et de son conseil municipal ou sur des territoires où soit les agriculteurs sont en capacité
d’imposer le développement séparé des activités, soit les tensions avec l'agriculture sont
importantes. Dans l’espace rural éloigné d’un centre urbain, on parle de tensions plus que de conflits,
lesquels sont surtout identifiés en zone périurbaine où la pression foncière est forte. Dans ce cas, le vieux chemin apparaît comme une référence locale, un symbole fort du patrimoine qu'il faut à tout
prix conserver : ceux qui ne sont plus utilisés par les agriculteurs sont alors balisés, entretenus et
affectés à une pratique récréative. Deux figures illustrent ces phénomènes de spécialisation et de
multifonctionnalité : le chemin creux, balisé et intégré à un itinéraire pédestre et le chemin agricole
en impasse desservant une parcelle.
L’analyse des entretiens conduit au constat d’un refus des interlocuteurs de construire des
conflits autour des chemins et de leurs réseaux : le statut de chemins dans la collectivité locale n'est
pas un enjeu dans le débat public. Divers faits relevés renforcent ce constat : les désaccords à leur
sujet sont souvent réglés à l'amiable entre le maire et la personne concernée. Ces conflits sont donc plutôt liés à un comportement individuel. Ils se traduisent par des arrangements entre habitants,
dont peu sont officialisés et portés devant le notaire. Toutefois, si l'intégration sociale des chemins
n'est plus posée collectivement comme un enjeu, elle le fut dans les années 1970, lorsque certains
chemins furent ouverts et convertis à des fins récréatives. A cette époque, les conflits étaient réels et
importants. Le chemin serait donc une sorte d'espace commun sans enjeu politique fort dans les
collectivités locales étudiées, c'est-à-dire inscrit de façon consensuelle dans l'ordre social local. Cet
espace est alors plus soumis à des règles d'usages qu'à une réglementation précise sur lequel
s'appliquent un droit de propriété et un entretien strictement défini. Le chemin devient un lieu de
négociation. Son entretien, sa gestion et ses usages sont discutés au gré à gré entre les individus et
les débordements possibles font l'objet de transactions pour trouver une solution.
Les dernières conclusions de ces études portent sur les perceptions des chemins récréatifs.
Au regard des enquêtes en cours, deux profils de randonneurs se dessinent : l'hygiéniste (le sportif,
pour lui ; le maître, pour son chien ; le parent, pour son enfant) et le contemplatif (le promeneur, le
naturophile, le naturaliste). Par ailleurs, on remarque que l'appréciation paysagère varie d'un
individu à l'autre autour de deux pôles de ‘nature attendue’. On identifie, d'une part, l'attrait pour
une nature plutôt domestiquée avec des éléments du paysage rappelant cette domestication
(vergers, champs, etc.) et, d'autre part, le désir d'une nature plus ensauvagée mais toujours dans un
espace sécurisé. Cette seconde représentation de la nature s'incarne par la vue de petits animaux
dont le spectateur peut jouir grâce aux itinéraires balisés. Un paradoxe réside dans la volonté
d'échapper à l'artificialisation humaine dans une nature aménagée discrètement pour la sécurité du randonneur9. Afin d'approfondir cette étude des attentes paysagères, il reste à les analyser en
fonction des critères sociodémographiques ; le niveau de diplôme des personnes, par exemple,
pouvant être discriminant dans le rapport à la perception de la nature.
L'intégration des chemins est donc influencée par la structure de la collectivité locale et par
les représentations des usagers. L'absence de fortes tensions autour de cette intégration traduit
l'existence d'un accord au sein de la collectivité locale sur la multifonctionnalité des chemins.
Cependant, l'étude présente des limites dues au fait que les collectivités représentées reposent
plutôt sur un consensus au sujet de la place de l’agriculture et de son rôle au sein de la collectivité.
9 Voir partie II. B. L'homme, le paysage, la randonnée, pp. 23-25
7
Néanmoins, il existe des exemples10 non consensuels dans lesquels l'intégration des chemins diffère
radicalement quand justement il n’existe plus de consensus autour de l’agriculture comme c’est, en
particulier, dans les espaces périurbains.
C. La dynamique spatiale des réseaux de chemins
Par Laurence Le Du-Blayo et Kévin Vappreau
Kévin Vappreau, ingénieur d’étude cartographe du programme, a réalisé l'étude diachronique des
réseaux de chemins de la commune de Guern (Morbihan). Il travaille actuellement au sein de l'unité
Sad-Paysage de l'INRA de Rennes sur le même thème pour la zone atelier de Pleine-Fougères.
Il s'agit là de se pencher sur la question des évolutions actuelles et passées des réseaux de
routes et chemins, en mobilisant le regard du géographe et les concepts de l'analyse spatiale. Il
convient de rappeler le caractère multiscalaire du chemin : son réseau participe à la structure du
paysage, en conditionne l'accès, de même que chaque chemin est un élément de ce paysage.
A échelle régionale, lorsque l'on s'interroge sur les formes des réseaux des chemins de
randonnées, certaines formes d'inégalités spatiales d'accès aux paysages se dégagent. Si l'on regarde les densités de sentiers dits institutionnalisés du département des Côtes d'Armor, c'est-à-dire les
sentiers de grande randonnée (GR), de grande randonnée de pays (GRP), de petite randonnée (PR)
ainsi que l'ensemble des routes et chemins inscrits au Plan Départemental des Itinéraires de
Promenades et de Randonnées (PDIPR), il appert une demande forte d'accès à la campagne. Elle se
traduit par une forte densité du réseau de ces chemins labellisés aux abords des agglomérations,
telle Saint-Brieuc. De même, certains paysages présentent davantage d'intérêts, en particulier les
vallées et le littoral. Dans l'arrière-pays, certains paysages ne sont accessibles, sur la carte, que du
fait de la volonté des politiques publiques d'investir ces lieux et de leur fournir une reconnaissance
officielle par une marque déposée. Afin de poursuivre les recherches à cette échelle, il serait intéressant de procéder à un analyse croisée des réseaux de ces chemins institutionnalisés avec la
cartographie des paysages et de créer une base de données associée répertoriant les unités de
paysages, les curiosités naturelles recensées dans les guides touristiques et les paysages protégés
comme les sites inscrits et classés, les réserves naturelles, etc.
L'analyse historique des réseaux de chemins est menée à échelle locale, celle de la commune,
du fait notamment du problème de disponibilité des sources nécessaires à diverses dates, sauf dans
le cas de la zone atelier de Pleine-Fougères : elle comprend plusieurs communes mais constitue un
observatoire pour lequel les données diachroniques ont été structurées. Il s'agit en effet de recenser
et d'expliquer les disparitions et les créations de chemins des années 1950 à nos jours. Parallèlement
à la cartographie, une base de données caractérisant le statut des chemins, leur revêtement et leurs usages présumés a été renseignée grâce aux observations sur le terrain. Ce type de cartographie
diachronique, réalisée par des étudiants de master, est disponible pour plusieurs communes
présentant des contextes agricoles, paysagers et socioculturels variés (Saint-Armel11, Sainte-Marie de
Redon12, Réguiny13, Guern14). Suite à ces analyses diachroniques, de grandes tendances d'évolution
communes aux différents sites sont identifiées, notamment une forte diminution du nombre de
chemins ruraux et une augmentation des liaisons intra-bourg. Cette redéfinition du réseau de
chemins s'explique surtout par la période d'aménagements fonciers des années 1960-1980 réalisés
afin d'optimiser le travail agricole : les parcelles sont alors mieux connectées aux routes mais moins
interconnectées entre elles par des chemins. Ce phénomène, flagrant en comparant les
photographies aériennes des deux époques, induit un allongement des distances entre des hameaux
10
MERMET L., MOQUAY P., op. cit, p. 5 11
QUIMBERT E., 2006, Diagnostic et étude prospective des cheminements piétons : étude de cas de Saint Armel, master 2
géographie, Rennes 2 12
PASQUIER L., 2007, Le réseau des chemins à Sainte Marie : évolution et état des lieux, master 2 géographie, Rennes 2 13
MANCEAU M., 2007, Evolution diachronique des réseaux de routes et chemins - Accès aux paysages ruraux ordinaires -
« Les chemins du paysage, le paysage des chemins » : exemple de la commune de Réguiny (56), master 2 géographie,
Rennes 2 14
VAPPREAU K., 2008, Accès aux paysages ruraux ordinaires - Evolution diachronique des réseaux de routes et chemins :
analyse comparative de Guern et de Réguiny (56), master 2 géographie, Rennes 2
8
et, de ce fait, leur isolement. C'est la notion d'accessibilité à son propre territoire qui est alors remise
en cause. Une autre manifestation visible de ce déclin des chemins ruraux se traduit par une
dichotomie entre les plateaux cultivés et les vallées en friche. Autrefois fréquentées par les charrois
de blé alimentant les moulins, ces dernières sont progressivement abandonnées par l'agriculture intensive, s'enfrichent et se trouvent isolées hors du réseau des chemins. Toutefois, ces fonds de
vallées tendent à être réappropriés de manière sélective pour un usage de loisirs. Des chemins sont
alors rouverts ou créés. D'ailleurs, ces vallées sont le plus souvent les seules zones protégées dans les
documents d'urbanisme communaux. Cependant, dans les zones d'études du projet, les moulins ou
bâtiments anciens de ces fonds de vallées sont très souvent acquis au titre de résidences
secondaires15. Cet autre type de réappropriation de l'espace est restrictif pour l'accès aux paysages
et le cheminement continu.
En ce qui concerne les deux communes du Morbihan, Guern et Réguiny, sciemment choisies
pour leurs caractéristiques différentes, l'étude diachronique débute dès le XIXème siècle grâce aux
cadastres napoléoniens disponibles. La méthodologie de cartographie de l'évolution des réseaux de routes et chemins de ces deux communes est mobilisée afin de l'appliquer aux trois sites de la zone
atelier de Pleine-Fougères pour établir une comparaison la plus juste possible de leurs processus de
mutation. Le procédé réside en une analyse rétrodiachronique : on cartographie le réseau existant
puis on remonte dans le temps grâce aux photographies aériennes, préalablement traitées
(numérisation, géoréférencement et mosaïquage). A chaque période, un code attributaire de
présence/absence est associé au tronçon de chemin cartographié. Une base de données qualitatives
est également créée pour l'année de référence. Celle-ci est renseignée par des observations sur le
terrain (largeur, substrat, statut, usage présumé et connectivité). Une fois les cartographies
évolutives dressées, les trois sites d'étude de la zone atelier (A, B, C) sont confrontés aux communes de référence, Guern et Réguiny. Si Guern a connu une régression globale de la densité de son réseau
de cheminement, le linéaire de Réguiny reste stable en total kilométrique, la disparition des chemins
étant compensée par les créations intra-bourg liées à une plus forte croissance urbaine. D'un côté, le
réseau se dédensifie, de l'autre il se reconfigure. Si l'on raisonne en termes de connectivité, le réseau
de chemins de Réguiny n'est plus que faiblement connexe, le nombre d'impasses ayant doublé
depuis les années 1950. Guern dispose encore d'un réseau de chemins connexes conséquent. Un
autre critère de différenciation de l'évolution des réseaux est aussi la qualité de revêtement : tandis
que Guern maintient un réseau plutôt traditionnel, Réguiny l'a modernisé en goudronnant une
majorité de ces chemins, y compris les chemins d'exploitation en impasse. Les conséquences de ces
évolutions divergentes sont révélatrices de l'importance de la configuration du réseau pour le développement durable, notamment du point de vue de la demande sociale d'accès aux paysages
ordinaires. Ainsi, Guern met en valeur les qualités de son réseau grâce à quatre sentiers de
randonnées, un circuit pédagogique et voit le GR 341 et l'Equibreizh passer sur sa commune. La
proportion de chemins connexes non goudronnés lui laisse de l'amplitude pour prolonger ses actions
touristiques. Par contre, Réguiny compte seulement deux sentiers de randonnées et le passage de
l'Equibreizh. L'exploitation du potentiel de son réseau sur son territoire est quasiment maximale.
La zone atelier de Pleine-Fougères a été choisie comme site d’étude il y a plus de 10 ans,
parce qu’elle présentait un gradient de paysage bocager sur une faible distance (une dizaine de
kilomètres). Ce gradient (qui persiste encore aujourd’hui) se caractérisait, du Sud au Nord, par un
accroissement de la taille des parcelles, une diminution de la densité de haie ainsi qu’une augmentation des surfaces en cultures par rapport aux surfaces en prairie (permanentes et semées).
Initialement, trois sites d’étude séparés avaient été définis sur la base de ce gradient : le site A
(bocage dense), le site B (bocage intermédiaire) et le site C (bocage ouvert)16. Au vu des
caractéristiques paysagères et agricoles des sites A, B, C de la zone atelier par rapport à celles des
communes morbihannaises de référence dans la présente étude, on postule que le site A a dû
connaître une évolution telle que celle de Guern, le site B constituerait une situation intermédiaire et
15
Voir partie III. A. La qualité et la variété des paysages, des critères essentiels pour la création d'itinéraires de randonnées,
pp. 21-23 16
Baudry, J (dir.), 1997, L'arbre en réseau, INRA Editions, Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement,
83 p.
9
l'évolution des réseaux site C se rapprocherait du modèle de Réguiny. Pour nourrir ces hypothèses,
ces trois sites sont caractérisés selon les mêmes critères de densité du réseau, de connectivité, de
revêtement et d'offre de randonnée. Il apparaît cependant que l'hypothèse d'origine ne peut être
retenue, les sites A, B et C apparaissant plutôt comme des situations d'évolution intermédiaires à celles de Guern et Réguiny. Les paramètres de mutations des réseaux de routes et chemins sont donc
fortement variables d'un territoire à l'autre. Si des tendances globales se dégagent, à échelle plus
fine il est nécessaire de raisonner au cas par cas. L'analyse des réseaux soulève donc plusieurs
questions quant à leur spécialisation et leur intégration : comment caractériser la multifonctionnalité
des chemins ? Quelles sont les fonctions prédominantes ? A quelle échelle ?
La recherche sur les réseaux de chemin ambitionne aussi d'autres objectifs en analyse
spatiale : étudier la connectivité des réseaux en modélisant routes et chemins et en intégrant les
données du linéaire bocager selon les critères qualitatifs disponibles. Traiter conjointement les
problématiques de connectivité du bocage et des chemins est un défi d'un point de vue
méthodologique. La difficulté réside dans le nombre considérable de facteurs à intégrer et à croiser : quels descripteurs du tronçon élémentaire du chemin et de la haie choisir ? Par exemple, une voie a
un statut (voie communale, chemin rural, voie privée, chemin d'exploitation), une largeur (moins de
1 mètre, entre 1 et 3 mètres, plus de 3 mètres), un revêtement (goudron, pierre, terre, herbe,
embroussaillé), est bordée - ou non - par une haie plus ou moins dense (continue, discontinue,
arbustive, végétation éparse, absence) sur le côté droit ou le côté gauche ou les deux ! A cela
s’ajoute la complexité des croisements d’informations relatives à des surfaces et à des linéaires. Ce
genre d'étude est actuellement en cours17. L'intention est de mieux comprendre comment s'articule
les réseaux de chemins et de haies afin de soumettre des propositions avisées de restauration
conjointe de haies et chemins, en particulier dans le cadre des politiques publiques existantes comme Breizh Bocage18. Les zones d'études sont généralement choisies dans des contextes bocagers,
paysagers et agricoles divers dans le but d'établir un lien entre la qualité sanitaire des haies, le
parcellaire adjacent et l'emprise du chemin. En parallèle, des entretiens menés auprès des
randonneurs visent à apprécier leur perception du paysage et d'établir un rapport entre les critères
qualitatifs du bocage vécu et les chemins parcourus.
L'étude spatiale des réseaux de chemins se mesure aussi par la perception des paysages
environnants, de prime abord ou à l'horizon. L'intention est d'intégrer le paysage des chemins et les
chemins du paysage dans les bases de données des documents d'urbanismes (PLU, SCOT, etc.) et des
outils juridiques (PDIPR) en développant un inventaire et une évaluation systématique facilement
reproductible. A l'aide par exemple de fiches d'évaluation d'itinéraires prévoyant un arrêt tous les 500 mètres, une multitude d'informations peuvent être prises en compte : caractérisation et
appréciation du chemin, degré d'ouverture et de visibilité, caractérisation et appréciation du paysage
vu du chemin. Ce type d'expérimentation, réalisée aussi dans le cadre d'un stage de fin d'études19, a
été testé au cours du projet par l'étudiant lui-même et des associations locales de randonnées sur
des boucles couvrant le département des Côtes d'Armor. Les données recueillies sont
géoréférencées afin d'être renseignées dans un SIG et associées à l'itinéraire concerné. Elles
permettent la production de cartes thématiques en fonction du degré d'ouverture du paysage d'un
circuit par exemple, qui, diffusées, constituent un outil d'aide à la décision20.
17
L'étude de la connectivité des réseaux de haies et de chemins est en cours sur la zone atelier de Pleine-Fougères et pour
quelques zones de la communauté de communes du Pays de Bécherel. 18
Voir partie II. C. 1. Plantation de haie sur talus en bordure de chemin de randonnée, pp. 26-27 19
Pickeroën M., 2006, Les chemins du paysage et le paysage des chemins : méthodes d’évaluation de la qualité paysagère
des chemins de randonnées en Côtes d’Armor, master 2 géographie, Rennes 2 20
Voir partie II. B. L'homme, le paysage, la randonnée, pp. 23-25
10
D. Les réseaux de circulation agricole : des territoires aux paysages
Par Claudine Thenail et Donovan Frémy
Claudine Thenail, chargée de recherche en agronomie, est directrice de l'unité Sad-Paysage de l'INRA
de Rennes. Elle coordonne les recherches dans le domaine de l'agronomie et de l'écologie,
notamment les stages de master inhérents au projet tel celui de Donovan Frémy traitant de la
circulation agricole21
.
En se focalisant sur l'approche technique de la circulation agricole, on cherche à étudier la
manière dont les agriculteurs utilisent les réseaux de routes et de chemins. Diverses questions
s'imbriquent : quelles tensions ou convergences existe-il entre leurs fonctions de ces réseaux sur nos
territoires ? Comment tenir compte des contraintes techniques pour la durabilité socioéconomique
des exploitations agricoles et dans un même temps des propriétés écologiques, des valeurs
patrimoniales et récréatives du paysage ? Deux objectifs sont visés dans cet aspect du projet : d'une
part, développer une méthode de représentation des réseaux des routes et chemins en termes
d'utilisations et de contraintes techniques perçues par les agriculteurs et d'autre part, établir une relation entre les logiques agricoles de gestion territoriale avec d'autres modes d'utilisation et de
fonctions de ces réseaux. Les références scientifiques sont peu abondantes mais les besoins exprimés
en aménagement sont réels. Le travail exploratoire mené a donc étendu son champ de recherche en
s'appuyant sur une bibliographie des transports plus étoffée que celle des chemins et de la
circulation agricole au quotidien. En effet, on trouve des références relatives aux coûts des
transports liés aux distances et à la qualité des voies. Plus spécifiquement, certaines études traitent
de l'organisation des réseaux de déplacement (transports publics), des déplacements d'engins
agricoles dans le cadre de chantiers (problématique périurbaine) et de troupeaux (entre fermes et
estives) ou témoignent d'expériences d'aménagements fonciers. On constate cependant que certains déplacements agricoles, hors des périodes d'intense activité (labour, semis, récolte), sont sous-
estimés alors que leur fréquence est élevée, en particulier pour la surveillance des cultures, le
déplacement du bétail, les apports de fertilisants et d'engrais, etc. Ici encore, c'est la zone atelier de
Pleine-Fougères qui a été le lieu d'expérimentation de la méthode par enquête et cartographie
participative soumise à huit agriculteurs vus individuellement.
S'intéresser à la circulation agricole suppose connaître les principes de la gestion territoriale
de l'exploitation agricole. Elle s'articule autour de l'organisation des pratiques et des moyens dédiés
à la production (système de culture, pâturage, etc.) et de ceux dédiés à l'entretien (désherbage,
entretien des clôtures) et à l'aménagement (réorganisation parcellaire, etc.) du territoire de
l'exploitation, chacun de ces systèmes techniques fonctionnant en interdépendance. De fait, il n'existe pas de gestion territoriale sans déplacements agricoles. Ces flux de circulation s'observent à
plusieurs échelles : au sein du territoire de l'exploitation, vers ou encore à partir ce dernier. Ils ont
pour origine diverses raisons : le transport (récoltes, animaux, etc.), la réalisation d'opérations
techniques (labour, semis, etc.), la surveillance nécessaire à la prise de décisions (état des clôtures,
apparition de ravageurs, etc.).
La démarche expérimentale se décompose en trois phases. Tout d'abord, l'enquête auprès
des agriculteurs s'attache à repérer les besoins de circulation pour la conduite des cultures et de
l'élevage dans l'exploitation agricole en lien avec l'organisation de l'utilisation des parcelles agricoles,
au préalable caractérisée (successions culturales, types d'animaux en pâture, etc.). Les besoins sont
identifiés grâce à une série de questions pratiques : qui circule (exploitant, employé d'entreprise de travaux agricoles, agriculteurs en entraide, etc.) ? Quoi (animaux ; matériel léger, produit apporté,
semence ; engin utile pour effectuer la tâche ; produit et fourrage) ? Pour faire quoi (culture,
élevage) ? Avec quel type d'engin (liste exhaustive des engins utilisés classés selon le nombre de
roues, avec second module ou non, en fonction de la largeur) ? Quel mode de propriété des
véhicules et du matériel (exploitant, location, etc.)? Comment (à pied ou en véhicule) ? D'où à où
(intra exploitation, inter exploitation, entre l'exploitation et d'autres entités territoriales) ? Ce
21
Frémy D., 2008, Méthode de caractérisation de la circulation agricole et de son influence sur la gestion territoriale des
exploitations agricoles : approche par le réseau des voies de communication, master 2 géographie, Rennes 2
11
premier croisement entre besoins et mode d'organisation révèle un large panel de modalités de
déplacements. Ensuite, une autre composante de la méthode vise à relier les besoins de circulation
avec les caractéristiques du réseau de routes et chemins afin de construire une cartographie des
tronçons du réseau selon l'utilisation et les contraintes perçues par les agriculteurs et de déterminer un ensemble de règles de décisions pour la circulation. Ces règles définissent les types et l'exclusivité
d'utilisation des tronçons en fonction des types et du degré de contraintes des tronçons pour la
compatibilité avec les besoins. Les notions de contraintes mineures, de contraintes majeures et de
tronçon d’utilisation systématique - lorsqu'il n'existe pas d'alternative possible - émergent alors. Les
contraintes rencontrées sont extrêmement variées : mauvaise qualité du revêtement, mauvaise
visibilité, pente, voie étroite, longueur en terme de temps de parcours, etc. Dans l'étude menée,
l’importance du trafic sur certaines voies, la présence de zones urbaines et le stationnement gênant
de véhicules représente 29% des types de contraintes identifiées par tous les agriculteurs et pour
tous les types de tronçons. La caractérisation des réseaux sur la cartographie s'effectue en fonction
de l'intensité de la contrainte (faible, moyenne, forte) et du choix d'itinéraire possible ou obligé. Lorsqu'elle est subie, cette contrainte est entièrement intégrée dans le choix du déplacement. Par
cette approche, on observe encore une fois une diversité importante des modes de déplacements.
Toutefois, aucune tension n'a été relevée auprès des agriculteurs enquêtés concernant la
fréquentation des voies de communication par des randonneurs à pied, à vélo ou à cheval, ce qui
conforte les premières conclusions de l'approche sociologique22 : le conflit n'existe pas ou peu, ce
sont plutôt des tensions résolues par des accords amiables. A ce propos, Yvon Le Caro23 précise que,
au regard des enquêtes réalisées dans le cadre de ses recherches doctorales24, il semble plus
approprié d'employer le terme de gêne. Ces comportements sociaux, ces attitudes renforcent la
légitimité de l’agriculteur ; il est reconnu pour l’offre de services qu’il fournit. Par contre, les rapports de l’agriculture à l’environnement - au sens naturaliste - sont plus tendus que ceux en termes d’accès
à l’espace, notamment concernant l'entretien. Enfin, le dernier point de ce travail exploratoire
consiste à déterminer en retour le rôle des caractéristiques du réseau de routes et chemins dans la
définition des règles de décision relatives aux modes d'exploitation des terres. L'hypothèse soumise
au début de l'étude est validée : les facteurs de distance, parcellaire, type de terre, etc. interviennent
généralement en premier lieu mais la qualité des réseaux opère en modulation, avec des effets de
seuils variables suivants les exploitations.
A ce stade de la recherche, cette méthode d'investigation a l'avantage de combiner enquêtes
et cartographie participative ce qui constitue un support intéressant d'acquisition de connaissances
et qui produit un outil potentiellement opérationnel dans le cadre des politiques publiques. Elle nous permet de mieux appréhender la perception et la prise en compte du réseau par les
agriculteurs, de caractériser la circulation agricole sur un territoire local à l'échelle fine de
l'exploitation mais aussi, de repérer différentes formes de conflits avec d'autres usagers. Néanmoins,
quelques limites méthodologiques subsistent, comme la non prise en considération des
déplacements directs entre parcelles contiguës ou ceux réalisés par les chauffeurs de coopératives
d'utilisation du matériel agricole ou d'entreprises de travaux agricoles. Or, ces flux sont
particulièrement importants par leur quantité et par la taille des engins. Les fréquences annuelles
d'exécution des tâches nécessitant un déplacement ne sont pas non plus prises en considération. De
plus, la cartographie cumulée des différentes exploitations peut devenir rapidement très complexe
d'où la nécessité de définir des indicateurs et de simplifier l’acquisition des données. De tels indicateurs seraient aussi utiles pour caractériser l’évolution de cette circulation. De même que pour
l'approche sociologique, le territoire étudié présente la spécificité d'un contexte agricole bien connu,
celui de la zone atelier de Pleine-Fougères.
22
Voir partie I. B. L'intégration sociale des chemins et de leurs réseaux, pp. 5-7 23
Voir partie I. G. Les chemins, porte ouverte sur l'espace agricole, pp. 17-21 24
Le Caro, Y., 2007, op. cit., p. 7
12
E. Diversité des pratiques d’entretien des bords de chemins et de routes
Par Claudine Thenail et Christophe Codet
Christophe Codet est technicien de recherche « Enquêtes et observations sur les pratiques agricoles »
au sein de l'unité Sad-Paysage à l'INRA de Rennes.
L'objectif de cette étude est d'identifier les acteurs, les pratiques et les modes d'organisation
de l'entretien des bords de routes et chemins, en lien avec leurs statuts, leurs moyens techniques et
la configuration de leurs réseaux. Dans le cadre du projet interdisciplinaire, l'intention est aussi
d'articuler ces résultats avec ceux d'autres disciplines, en particulier par un croisement avec les
travaux de l'écologie sur la flore des bords de routes et chemins25, dans une perspective d'aborder la
continuité écologique potentielle de ces réseaux mais aussi en sociologie, concernant les hypothèses
de sources de conflits. Cette étude a, elle aussi, été mise en œuvre sur l'ensemble de la zone atelier
de Pleine-Fougères. Elle est basée sur une approche encore une fois exploratoire, à base d’enquêtes
auprès des acteurs des collectivités territoriales, suivies d’observations photographiques
complémentaires. Cette étude n’a pas abordé les pratiques d’entretien des particuliers, compte tenu du temps disponible et parce que la diversité et la spécificité des acteurs particuliers aurait supposé
une étude à part entière.
Les résultats permettent l'identification des acteurs et des principales finalités de l'entretien.
Par type de voie sont donc recensés les acteurs en charge de leur entretien, en distinguant les
employés des collectivités des prestataires externes, et les raisons de cet entretien. Concernant les
chemins de randonnées, dont le but évident de l'entretien est de maintenir l'accès, la communauté
de communes mobilise ses employés territoriaux si l'entretien de ces chemins est mécanisable. Dans
le cas contraire, elle sollicite des prestataires, en l'occurrence d'une manière originale de plus en plus
pratiquée aujourd'hui, puisqu'ils sont issus d'instituts médicaux (chantier thérapeutique) ou sociaux26 (chantier d'insertion). Les routes départementales sont à la charge du Conseil Général, qui garantit
les conditions de sécurité nécessaires à la circulation en s'assurant, par l'entretien des bords de
routes, de la bonne visibilité, de l'évacuation des eaux, etc. Dans le cas des routes communales, la
finalité sécuritaire est aussi recherchée par les employés communaux qui assurent leur entretien. Par
contre, si des reprises sur la structure du réseau sont indispensables (curage, recalibrage), la
commune fait alors appel à des entreprises de travaux agricoles ou de travaux publics. Les
communes s'occupent aussi de certains chemins de remembrement et d'entrées de ferme afin de
garantir l'accès. Toutefois, elles ont de plus en plus tendance à transférer ce type d'entretien aux
prestataires privés.
Les linéaires de chemins et de routes sous la responsabilité des collectivités territoriales du territoire d'études sont variables : 230 kilomètres de chemins de randonnées pédestres et équestres
pour la communauté de communes et 135 kilomètres de routes départementales - plus le cas
spécifique de la digue de la Duchesse Anne située sur les polders - pour le Conseil Général d'Ille-et-
Vilaine. On peut noter, sur la cartographie des routes et chemins de la zone d'étude, la présence de
nombreux chemins en impasse27, souvent issus des travaux connexes au remembrement et destinés
exclusivement à l'accès aux parcelles agricoles. Quelques ébauches de traitements statistiques, à
partir des données communales, ont été effectuées et restent à approfondir, notamment en termes
de densité de linéaire par commune ou encore par habitant. A première vue, on constate une
variabilité des situations d'une commune à l'autre.
Les pratiques d'entretien des chemins peuvent se différencier selon qu'elles sont prises en charge par la commune ou par la communauté de communes. Dans le cas de la commune, un
planning d'entretien régulier est établi. Néanmoins, des interventions ponctuelles sont possibles en
prévision d'évènements spécifiques (courses de vélos, etc.). L'entretien se localise sur différentes
zones des bordures et est séquencé selon les saisons. En effet, on s'aperçoit qu'aujourd'hui la gestion
différenciée est souvent de mise. L'accotement est ici sujet au broyage la deuxième quinzaine de mai
25
Voir partie I. F. L'effet des activités humaines sur la végétation herbacée des bordures de routes et chemins, pp. 14-17 26
Voir partie II. C. 2. L'entretien des chemins de randonnées par un chantier d'insertion, pp. 27-28 27
Voir partie I. C. La dynamique spatiale des réseaux de chemins, pp. 7-9
13
et la première quinzaine de juillet tandis que le fossé et le talus sont entretenus, eux aussi par
broyage, seulement à partir de novembre, par des entreprises de travaux agricoles. La tendance
générale est à l'évolution des pratiques dans les communes : arrêt de l'entretien chimique, moins
d'intervention sur les talus, interventions plus soutenues sur les endroits "à risques" (visibilité). Concernant cette gestion différenciée, les critères économiques sont souvent mis en avant dans les
enquêtes. Dans celles-ci est aussi mentionnée l'existence de la charte des bonnes pratiques éditée
par le Conseil Général. Toutefois, aux vues des différentes réponses, on se questionne quant à
l'efficacité de la diffusion et de l'échange de ce type d'informations. La communauté de communes
quant à elle organise son entretien en chantiers, selon la pousse de la végétation afin de préserver le
cheminement sur les itinéraires de randonnées. La totalité du chemin est concernée pour assurer au
moins le passage de deux personnes se croisant. Deux grands types d'opérateurs interviennent selon
le degré de mécanisation possible de l'entretien, soit les agents intercommunaux, soit les chantiers
thérapeutiques ou d'insertion.
Quelques exemples de gestion des bords de routes et de chemins, basés sur les observations photographiques, permettent de discuter des liens possibles entre les pratiques et les états produits
ainsi que de se questionner sur les règles de décision des opérateurs et des gestionnaires. L'étude
photographique est axée sur des situations problématiques qui n'ont cependant aucune valeur
statistique. Il reste donc à réfléchir sur un moyen d'évaluation des situations illustrées, d'un point de
vue quantitatif. On peut ainsi observer une évolution des accotements sur lesquels on laisse
généralement les résidus du broyage ou de la fauche. Du point de vue des gestionnaires, cela génère
un épaississement progressif de la surface de l'accotement que l'on est ensuite obligé, de manière
plutôt drastique, d'araser pour sa mise à niveau, ceci étant accompagné d'un curage du fossé. D'un
point de vue écologique, ce régime de fauche sans exportation a des incidences sur la biodiversité, particulièrement sur la richesse floristique. On signalait précédemment que la gestion différenciée
tend à devenir le schéma général d'entretien des bords de routes et chemins mais l'on remarque
encore des signes d'un entretien mécanique trop agressif ; dans de tels cas, le sol est mis à nu par le
grattage des outils réglés trop bas. L'observation photographique met aussi en évidence les effets
cumulés des pratiques agricoles sur la parcelle, comme un labour repoussant la limite de champ, de
l'entretien agressif du talus et des précipitations. En présence de sols limoneux, cela peut provoquer
un effondrement de talus et un entrainement des limons vers la route ce qui induit la mise en œuvre
de travaux particulièrement lourds de restauration. Ensuite, malgré l'arrêté préfectoral d'interdiction
d'entretien chimique en bord de cours d'eau et fossés même non actifs, des entorses sont
constatées. Elles sont le fait de collectivités territoriales parfois mais aussi de particuliers. Bien que non étudiés par l'enquête, les cas d'entretien par les particuliers ont tout de même été relevés,
notamment en bords de chemins privés, parfois dans le cadre de conventions avec la communauté
de communes lorsque le réseau de chemins de randonnées s'y superpose, ou encore "devant chez
soi" jusqu'au bord de la route entretenu normalement par les collectivités. Les photographies
illustrent aussi les différences significatives de pratiques entre voisins.
Les résultats de cette étude fournissent une première description de la diversité de pratiques
relevant de modes d'organisation des différents acteurs. Il est donc possible d'étendre les recherches
en termes de typologie, de suivi de l'évolution de la gestion et de ses logiques. Dans une perspective
interdisciplinaire, l'étude fournit aussi des hypothèses sur des conflits potentiels (pratiques
"débordantes" des riverains perçues par les collectivités, influence écologique des nouveaux modes de gestion des collectivités) et sur des trajectoires d'état possibles des bords de routes et chemins.
Cependant, cette étude est limitée dans ces résultats quant à la compréhension des logiques
d’action. Il serait en effet utile de faire le "lien retour" de façon systématique avec les acteurs, entre
les pratiques observées sur le terrain et les modes d'organisation qu'ils ont formulés. En effet, on
constate des écarts entre observations et formulations d’acteurs : sont-ils le fait de divergences entre
l'organisation vue par le gestionnaire et les choix des opérateurs ou entre des décisions tactiques à
des moments sur le terrain et la volonté d'une stratégie à mettre en place ? Par ailleurs, comme
évoqué ci-dessus, l'évaluation du rôle des particuliers dans l'entretien des bords de routes et
chemins n'a pas été étudiée. Cet aspect important demande la construction d'enquêtes spécifiques.
Enfin, pour mettre en place une méthode générique, il serait important de la tester sur d'autres territoires.
14
F. L’effet des activités humaines sur la végétation herbacée des bordures de routes et chemins
Par Didier Le Cœur et Jean-Luc Roger
Didier Le Cœur, maître de conférences en écologie des peuplements végétaux à AGROCAMPUS
OUEST, et Jean-Luc Roger, technicien de recherche « Observations biologiques », travaillent sur le
volet écologique du projet au sein de l'unité Sad-Paysage de l'INRA de Rennes.
De nombreuses caractéristiques confèrent aux bordures de routes et chemins leur intérêt
écologique. Elles sont tirées de la littérature scientifique, de l'expérience d'un autre type de bordures
- les bordures de champs entre biodiversité et activités humaines - et de facteurs appliqués aux
principes élémentaires de l'écologie. Ces bordures, habitées par des plantes et des animaux
sauvages, diffèrent de celles présentes dans d'autres biotopes tels que les forêts, les prairies, etc. Ce
sont des constructions humaines plus ou moins anciennes, donc susceptibles d'être colonisées par de
médiocres colonisateurs, c'est-à-dire des espèces qui mettent beaucoup de temps à s'implanter dans
des environnements nouvellement créés dans le paysage du fait de leur faible mobilité. Ces milieux sont gérés par une diversité d'acteurs28 (collectivités, associations, agriculteurs, etc.) qui influencent
les compositions floristiques de ces bordures au gré de leur choix de gestion et de leur période
d'application. Contrairement à une majorité des milieux de l'espace rural, ces bordures présentent,
d'une part, une grande stabilité au cours du temps favorisant l'installation de populations d'espèces
vivaces et, d'autre part, sont relativement pauvres en nutriment puisqu'elles ne sont pas soumises à
une fertilisation directe par l'agriculture. Ainsi, certaines espèces végétales peu compétitrices y sont
présentes, du fait de la pauvreté du sol en azote. Un intérêt fort de cet objet de recherche est sa
grande variabilité microclimatique, en termes de lumière et d'humidité, créant ainsi une multitude
de situations d'étude, du bord de route très lumineux à celui du chemin creux très sombre. Ces bordures sont par ailleurs fréquemment associées à un fossé. Ceci induit un gradient hydrique
important sur une courte distance et favorise ainsi la diversité des espèces présentes depuis le fond
du fossé - où l'on pourra trouver des plantes de milieux humides voire aquatiques - jusqu’au haut du
talus - où les plantes pourront être celles de milieux très secs. Enfin, l'occupation du sol adjacent à
ces bords de routes et chemins influencent également la flore de ces derniers du fait des différences
de nature et d’intensité des perturbations issus de ces éléments29.
A partir de ces caractéristiques, diverses hypothèses ont été testées. A l'échelle locale de la
bordure de chemin, la question se pose de connaître l'influence des variables de sa structure
(hauteur du talus, profondeur du fossé, recouvrement par les ligneux) sur la qualité de la biodiversité
végétale présente. Dans le même ordre d'idée, les différents modes de gestion (désherbage chimique, débroussaillage chimique, fauche, pâturage, broyage) ont été notés par les traces visibles
au moment des relevés de terrain. Cependant, plus que l'évènement ponctuel de l'entretien, c'est le
cumul de ces évènements qui influence à long terme l'état floristique de la bordure. On est donc
confronté ici aux contraintes du suivi nécessaire mais complexe à mettre en place. Lors des relevés
de végétation sur le terrain est aussi prise en compte l'occupation du sol adjacente (prairie, culture,
bois, bâti). Enfin, l'usage du chemin est déduit de son substrat et de sa largeur (randonnée,
circulation d’animaux, desserte agricole, toute circulation, statut de PR ou GR).
Toutes les espèces présentes n'ont pas été inventoriées pour l'étude. Seules quelques unes
ont été sélectionnées comme indicateurs. Tout d'abord, 31 espèces (11 forestières préférant les
environnements sombres, 10 prairiales, 10 adventices ou mauvaises herbes des cultures), caractérisant de manière fine l'état écologique des bordures de champs, ont servi par analogie à
comprendre les logiques de peuplement en bordures des routes et chemins. Les forestières et
prairiales sont des espèces qui ont une valeur importante en matière de conservation de qualité de
nature, elles jouent le rôle d'indicateurs écologiques. En cas de perturbations importantes (broyage,
herbicide), les bordures sont colonisées par des adventices. Cela permet d'apprécier visuellement
28
Voir partie I. E. Diversité des pratiques d’entretien des bords de chemins et de routes, pp. 12-14 29
Voir partie II. D. 1. L’effet des activités humaines sur la végétation herbacée des bordures de routes et chemins observé
sur le terrain, p. 28-29
15
l'intensité de la perturbation. 17 espèces supplémentaires ont été ajoutées à cette sélection afin de
couvrir au mieux la longueur des gradients écologiques (lumière, eau, fertilité) rencontrés par les
plantes de bordures de champ. Enfin, 9 espèces très forestières (ambiance très sombre, lents
colonisateurs) ont également été sélectionnées a priori. Produisant très peu de graines et favorisant la croissance de leurs feuilles au sol pour capter la lumière, ces plantes se propagent le plus souvent
de manière végétative. Très peu présentes en bords de champs, elles sont susceptibles de montrer
l'aspect complémentaire - ou non - des bordures de chemins par rapports à celles des champs.
La cartographie exhaustive du réseau de routes et chemins de la zone atelier de Pleine-
Fougères constitue le document de travail de base. Plusieurs variables étaient donc disponibles
(nature du substrat, largeur, ombrage du chemin, statut PR ou GR). Le principe de construction a été
de répartir au mieux les relevés en fonction du type d’ombrage et du type de substrat puis de
répartir les huit combinaisons sur l'ensemble du site. La zone atelier présente un gradient bocager
décroissant du sud vers le nord constituant une variable non négligeable pour la flore. Ensuite, il a
fallu inclure équitablement les GR et PR à ces types. Le croisement de toutes ces modalités a donné lieu à 286 relevés de végétation dans lesquels on repère les espèces choisies a priori. La limitation du
nombre d'espèces rend le travail de relevé floristique abordable sans compétences naturalistes
pointues. De même, les espèces retenues sont caractéristiques et donc aisément reconnaissables. La
cartographie issue d'un SIG, dans lequel les données ont été intégrées, illustre la diversité de ces
combinaisons de structures à petite échelle.
Encore une fois, les photographies sont un support utilisé afin de rendre compte de la
diversité des situations étudiées : chemin creux terreux très ombragé, chemin terreux support de
randonnée, chemin empierré à usage agricole, bord de route ombragé, bord de route exposé, etc. Au
regard des caractéristiques croisées des chemins, quelques situations expliquent particulièrement bien le rôle des diverses variables sur la diversité floristique des bordures à petite échelle. Dans le cas
d'un chemin empierré non ombragé, concerné par une utilisation mixte (agriculture et loisirs), géré
par broyage à l'épareuse, la flore dominante est de type prairiale, compte tenu de la lumière
prédominante et de la manière dont est réalisé le broyage - assez éloigné du sol. Elle est
particulièrement intéressante du point de vue de la conservation d'espèces sauvages. Dans un
chemin embroussaillé - pour lequel l'entretien est nul - la diversité floristique est faible avec une
nette dominance de la ronce : quelques forestières persistent dans cet environnement obscur et
quelques adventices s’installent à la faveur des trouées de lumière. Ce type de situation montre
l’intérêt de l’entretien pour la diversité floristique et la qualité écologique d'une bordure. Par contre,
ce cas de figure est favorable à une certaine faune, les sangliers et les chevreuils par exemple. Dans un chemin creux ombragé, support de tous types de randonnées (pédestre, équestre, cycliste) et
entretenu manuellement (débroussailleuse à dos), la flore présente est, dans ces conditions de
microclimat, de structure et de gestion, à dominance forestière. Une route goudronnée ombragée,
destinée à toute circulation et dont les bords sont entretenus au moyen d'une épareuse, présente
une flore forestière bien marquée. Dans ces conditions d’ombrage, les adventices, qui sont des
plantes de lumières, s’installent difficilement en réponse à la perturbation liée au mode de gestion à
l’épareuse. Dernier exemple, un chemin terreux semi-ombragé, dédié exclusivement à la circulation
agricole, où l'entretien mis en place par l'agriculteur est le débroussaillage chimique, présente une
flore à dominante adventice.
Une représentation synthétique, sous forme de plan factoriel d’ordination sous contrainte, des relations entre variables structurant la composition floristique des bords de chemins permet de
mettre en évidence les principaux patrons suivants. Aux deux extrêmes de qualités écologiques
traduites par la flore s’opposent le chemin terreux, creux (talus très haut), très ombragé
(recouvrement arborescent et arbustif dense), très étroit et le plus souvent adjacent à des bois, et le
chemin goudronné (route), large, sec, aux fossés profonds, sans ombrage avec une forte influence
des activités agricoles mises en œuvre sur les parcelles adjacentes. Entre ces deux situations
extrêmes, on constate la variation suivante de la composition floristique : d'une flore typiquement
forestière à laquelle on attribue souvent un caractère patrimonial fort en situation de chemin creux,
on passe, en bord de route, à une flore de type prairiale. En situation intermédiaire, on retrouve les
chemins utilisés par l'agriculture, longeant les parcelles de cultures (céréales, maïs) qui sont l'objet
16
d'un désherbage chimique, présentant souvent une flore traduisant la réalité de perturbations
importantes de la végétation (ronces et adventices) qui constitue un couvert beaucoup moins
intéressant d'un point de vue écologique. Un questionnement préalable - est-ce que les chemins de
randonnée ont de belles plantes ? - amène quelques observations surprenantes. On constate en effet qu'une majorité des itinéraires de randonnée emprunte des chemins creux, en terre et/ou ombragés
correspondant quasiment systématiquement à une flore dite de lisière forestière, aux couleurs
attrayantes (violettes, primevères, etc.). Sont-ils choisis pour cette raison ? Font-ils l’objet d'une
gestion destinée à maintenir cette flore ? Cela pourrait faire l'objet de recherches approfondies sous
l'angle anthropologique, entre la nature sauvage qui effraie et la nature domestiquée de la
civilisation paysanne.
Dans cette étude de la végétation des bordures de chemins, un facteur particulièrement
influant sur l'évolution récente de la flore a été approfondi à l'aide d'un suivi photographique : l'effet
des pratiques modernes d'entretien. Une plante de lisière forestière, abondante, la stellaire holostée,
sert d'exemple pour illustrer les conséquences des différents modes de gestion des bordures sur la flore. Plante témoin de la présence ancienne d’une ambiance de lisière forestière, elle se maintient
longtemps en situation lumineuse, après suppression du couvert forestier qui avait permis sont
installation. Néanmoins, certaines techniques d'entretien sont susceptibles d’affecter la dynamique
de ses populations de bords de routes et chemins. Lors d'un entretien chimique, le talus est mis à nu.
A noter que le glyphosate est désormais interdit mais si les collectivités ne l'utilisent plus, certains
agriculteurs et particuliers s'en servent encore. Dans ce cas, les espèces végétales se trouvent alors à
niveau de concurrence égal pour la reconquête de ce talus mais les graminées sont en général les
colonisateurs les plus rapides. Dans un scénario d'entretien mécanique (gyrobroyage), le broyat
laissé sur place composte, l'humus produit enrichit le sol et engendre une dégradation de la qualité biologique. Dans les deux cas, la stellaire se réfugie alors en haut de talus alors qu'auparavant elle
poussait sur son ensemble. Un fait révélateur des effets de l'entretien mécanique est la présence des
stellaires autour des piquets de clôture de champs, aux abords inaccessibles pour l'épareuse. De plus,
si ces modes d'entretien sont répétitifs et importants, le talus peut s'éroder. Alors, aucune espèce ne
repousse. Il existe aussi des situations où un entretien collectif néfaste par gyrobroyage est combiné
à un débord - volontaire ou non - d'herbicide en provenance de la parcelle. L'observatoire
photographie révèle que la dynamique de disparition des populations est parfois très rapide. On
identifie un effet obstacle à ces disparitions. Ainsi en l’espace d’un an, des stellaires ont disparu
d'une bordure suite au retrait d’un poteau qui ne joue plus un rôle d'obstacle au passage des engins
d’entretien. Tous les obstacles de bords de route tiennent lieu de "musée" et sont parfois de nature surprenante (calvaire en bord de route, poubelles, etc.). Il est aussi indispensable de signaler que
cette diminution de la diversité floristique a des conséquences sur la faune, en particulier les insectes
tels que le bourdon, qui ont des besoins importants en nectar, pollen, etc.
Cette étude a montré la diversité des situations écologiques que l'on peut résumer en trois
principales : bordures plutôt pauvres en nutriments, peu perturbées avec des espèces végétales
prairiales (luminosité) ou de lisières forestières (obscurité), fréquemment associées aux chemins de
randonnées ; bordures colonisées par des adventices, enrichies en nutriments, perturbées par la
gestion ; bordures les plus forestières de l’espace rural hors forêt. Ces états sont directement soumis
à la gestion mise en œuvre. Choisir un mode d'entretien se révèle toutefois complexe car cela
soulève des problématiques diverses de sécurité, maintien de la biodiversité, etc. Cette étude est donc à poursuivre en articulation avec celles de la gestion des bordures30 et de la circulation
agricole31. Il serait aussi primordial de pouvoir intégrer l'âge des chemins mais cela pose d'autres
questions d'ordre méthodologique…
Cet exposé a suscité tant de questionnements et de commentaires que, contrairement aux
autres, ils sont résumés dans les paragraphes suivants au lieu d'être intégrés au fil du discours.
30
Voir partie I. E. Diversité des pratiques d’entretien des bords de chemins et de routes, pp. 12-14 31
Voir partie I. D. Les réseaux de circulation agricole : des territoires aux paysages, pp. 10-12
17
Jacques Lemaître32 souligne le rôle de corridors écologiques des bordures de chemins et de
champs, notamment dans le contexte actuel de mise en œuvre des trames vertes33. Il mentionne la
prise de conscience récente de l'intérêt des chemins pour la biodiversité. Au regard de son
expérience, il insiste sur la nécessité d'une gestion concertée entre les collectivités, les agriculteurs, les chasseurs, les randonneurs, notamment dans la mise en place d'un entretien respectueux
répondant aux intérêts communs. A ce propos, Didier Le Cœur attire l'attention sur la circulation des
animaux et leur importance pour la dispersion des graines de certaines espèces34. De ce fait,
Laurence Le Du-Blayo s'interroge sur l'intérêt écologique de la conservation d'un chemin : faut-il le
maintenir dans son ensemble pour l'effet corridor induit ou seulement en partie, là où il présente un
habitat exceptionnel même restreint ? C'est-à-dire, faut-il considérer le réseau dans son intégralité,
dans le sens connectivité, ou bien faut-il établir une typologie des formes patrimoniales à préserver ?
Selon Didier Le Cœur, reprenant l'exemple des plantes forestières des bords de chemins - donc hors
de leur habitat originel qui est la forêt dense, cela dépend de la problématique adoptée, qu'elle
traduise une volonté de maintien des espèces ou de colonisation. Concernant les espèces rares ou patrimoniales liées à des reliques d'habitats, on s'interroge alors sur la légitimité de reproduction des
conditions idéales. En Bretagne, où l'arbre est un élément identitaire et le bocage très présent, les
études et les politiques publiques contribuent au maintien de la biodiversité mais le réel intérêt
écologique réside toujours dans le peuplement spontané. Enfin, Laurence Le Du-Blayo rappelle qu'en
Europe, la notion de pourcentage sauvage maintenu en espace naturel est prépondérant, fortement
visible au travers des nombreuses protections (Natura 2000, ZNIEFF, etc.) mais comment expliquer
quantitativement que les liens entre les structures du paysage ordinaire (bordures, chemins, haies,
etc.) contribuent au maintien d’une biodiversité à l’échelle régionale par rapport aux espaces
naturels reconnus nationalement (tourbières, zones humides, etc.) ? Sur ce sujet, Didier Le Cœur intervient sur le fait que l'homme, la faune et la flore évoluent conjointement. La biodiversité résulte
essentiellement de l'occupation humaine et de ses actions en espace ordinaire ; elle est fortement
corrélée à l’occupation du sol et aux pratiques agricoles.
G. Les chemins, porte ouverte sur l’espace agricole
Par Yvon Le Caro
Yvon Le Caro, maître de conférences en géographie et aménagement des espaces ruraux à l'université
de Rennes 2, est associé au projet pour ses recherches en lien avec les problématiques du projet.
Randonner, c’est fréquenter l’espace agricole. Pourtant, dans les publicités, les dépliants
touristiques, les topoguides, ce dernier est un grand absent alors qu’il représente une très forte
proportion des paysages désirés par le promeneur.
Les chemins représentent une relation singulière à l'espace agricole. Ils incarnent l'espace
public au travers d'un espace privé que sont les cultures, les prés. Ils correspondent en quelque
sorte à l'espace public de l’espace agricole. Dans cette présente réflexion, l'espace agricole considéré
est l'espace ouvert non bâti excluant bâtiment de ferme, etc. Ici, c'est du chemin rural dont il est
question bien que généralement, dans la pratique, les chemins d'exploitation et les chemins privés
ne sont pas perçus comme tels par les usagers de loisirs et se confondent. De précédents travaux de
recherche35 définissent deux catégories d'usagers de l'espace agricole, les accédants à cet espace et
les titulaires de droit de cet espace. La question sociale de l'usage des chemins repose alors sur des
accédants - les usagers - essayant de conquérir des droits sur des titulaires - les agriculteurs - qui
tentent de défendre les leurs. En réalité, cette distinction est réductrice puisque sur le chemin, c'est plutôt l'agriculteur qui est un accédant, en monopolisant par exemple un tronçon de chemin, soit
pour la conduite de ses animaux ou pour le passage de son tracteur, soit en se l'appropriant, soit le
32
Voir partie II. A. La qualité et la variété des paysages, des critères essentiels pour la création d'itinéraires de randonnées,
pp. 21-23 33
Voir partie IV. A. Les trames vertes dans les paysages : fonctions sociales et écologiques, pp. 35-38 34
Voir partie II. D. 1. L’effet des activités humaines sur la végétation herbacée des bordures de routes et chemins sur le
terrain, p. 28-39 35
Michel, C, 2003, L’accès du public aux espaces naturels, agricoles et forestiers et l’exercice du droit de propriété : des
équilibres à gérer, Thèse de doctorat, Paris, Engref
18
modifiant physiquement jusqu'à parfois le rendre impropre à d'autres usages. Ces statuts sont de fait
plutôt réciproques si l'on considère le citoyen comme titulaire sur des chemins communaux puisque
juridiquement ouverts au public. Du fait de pratiques moins tranchées, l'espace agricole revêt un
caractère hybridé qu'on ne peut donc clairement identifier comme public ou comme privé. En effet, les terrains privés sont largement fréquentés par les usagers pour la cueillette, la chasse, la pêche,
etc. De même, à l'échelle de l'exploitation agricole, les chemins publics utilisés par l'agriculteur font
partie intégrante de cet espace agricole, d'un point de vue fonctionnel car ils concourent au bon
fonctionnement de celle-ci. Néanmoins, le chemin est donc un ferment de publicité (dans le sens
public). L'idée que l'espace agricole puisse être un espace public vient par les chemins et qu'il puisse
être un espace privé par le bâti. Le chemin procède du paysage agraire traversé, il est un espace de
cohabitation et de rencontres donc un espace vécu à l'intérieur du paysage. L’espace agricole est un
espace hybridé mais tout de même parasité par l’espace commun, d’un point de vue politique :
l’urbanisation de la société et le développement des loisirs de plein-air amènent à penser l’accès non
plus comme commun - au sens ancien de communauté paysanne - mais comme public - généralisé à une collectivité garante de l'application des lois. Le problème de la régulation se pose alors. Autrefois
régie par des gardes champêtres, elle devient aujourd'hui difficile et délicate. Dans ce contexte, le
territoire agricole est un espace topologique construit autour du siège d’exploitation et de
l’habitation. On y observe deux niveaux : la ferme (habitation, bâtiments, jardin) et l’exploitation au
sens large (parcelles de culture et d’élevage). Un troisième niveau peut être associé, à une échelle
plus large, lors du passage de l'espace agricole à l'espace urbain ou à l'espace forestier. Dans cet
espace vécu, le chemin constitue une porte pour franchir les clôtures symboliques - marquées ou
non - entre ces niveaux. Le chemin est un vecteur de franchissement de leurs limites. Le chemin est
donc un objet - la porte - avec un seuil. L'effet de seuil se matérialise lorsque des usagers de ce chemin sont, à un instant t, au seuil de l'exploitation. A ce moment, l'entrée est permise ou non,
symboliquement ou concrètement. Ces seuils sont des endroits stratégiques. Le seuil est un moyen
de présentation de soi et le chemin un mode d'accès à soi : lorsque l’on fréquente le chemin, on
franchit les seuils, on passe alors devant l’exploitation mais aussi parfois l’habitation. Le promeneur a
alors vue sur la maison, sur le mode de vie de ses habitants, etc. C'est d'ailleurs un des aspects sous-
estimés lors de la création d'itinéraires de randonnée ; autant le chemin peut être performatif autant
il peut être invasif.
Quelques exemples, issus des travaux de recherche, illustrent ces propos sur les relations des
chemins et de leurs usagers à l'espace agricole. La première exploitation observée est une
exploitation laitière rurale en agriculture biologique sur laquelle passe un chemin de grande randonnée (GR). On remarque que les usagers ne se cantonnent pas au GR, d'autres promenades se
font sur le reste de l'exploitation, sur ses chemins et dans ses parcelles (motocross, raccourcis,
présence d'une source, champignons, chasse, etc.). Par ailleurs, si l'on aborde la thématique des
conjonctions des circulations agricole36 et de loisirs, l'agriculteur concerné est contraint de conduire
son bétail de la salle de traite aux pâtures sur un chemin plutôt qu'à travers champs du fait d'une
forte pente. Ce kilomètre de chemin est aussi emprunté par des randonneurs (équestres, pédestres,
vététistes). Ce chemin terreux étant parfois humide, l’agriculteur a choisi de réaliser lui-même
l’entretien de ce chemin public sur les 300 mètres "critiques" en empierrant pour permettre le
passage du bétail et des engins. Un autre exemple est celui d'une exploitation maraîchère en bord de
mer longée par le sentier de servitude littorale. Les cavaliers du centre équestre proche, plutôt que de fréquenter la route - domaine de l'automobile - coupaient une parcelle légumière pour rejoindre
la plage. L'agriculteur, que le passage des chevaux gênait, a lui-même créé une banquette de trois
mètres entre deux parcelles pour leur ouvrir un accès. Par ailleurs, cet agriculteur laisse la totalité de
ces terres à disposition pour la chasse communale car il estime qu'il a suffisamment de surface. Cette
même ferme est sur le domaine d'un château aux chemins privés très fréquentés, sans que cela ne
pose problème. Le châtelain aurait pu opter pour le droit de se clore, notamment en raison de la
sensibilité de cette zone légumière, située sur le littoral. Dans le même état d'esprit, Jacques
36
Voir partie I. D. Les réseaux de circulation agricole : des territoires aux paysages, pp. 10-12
19
Lemaître37 signale l'exemple d'un propriétaire, qui, bénéficiant de subventions de l'Etat pour
l'entretien son château et son domaine forestier, ouvre son territoire au public dans un sens d'équité
sociale. La non-clôture et la tolérance de passage constituent un autre mode de gestion des chemins
et de leur accès. Ces exemples sont révélateurs de l'hybridation juridique de l'espace agricole, de sa dimension public-privé mais aussi de l'expression des rapports sociaux. Ces tolérances sont des
formes de transaction sociale. Enfin, le dernier exemple est celui d'une exploitation céréalière
périurbaine. Ici, le chemin limite l’usage du sol : d’un coté se trouvent les grandes cultures et de
l’autre des prés humides en fond de vallée. Une politique de restauration de haies et de recalibrage
du chemin a été menée par la commune pour la randonnée. L’agriculteur voisin ne l’utilise pourtant
plus, il fait le choix d'emprunter une voie plus longue par la route car il a conscience des besoins
sociaux et de l’importance de son rôle dans le maintien des itinéraires. Dans ce cas de figure, les
promeneurs préfèrent les boucles et reviennent même par la route dans une logique d’exploration
de l’espace et de sa diversité même si le paysage n’est pas "beau" partout, en l'occurrence une
grande plaine céréalière. Ce sentiment donnant-donnant entre agriculteurs et randonneurs n'est pas nouveau. Jacques Lemaître rappelle qu'en 1976, l’impôt exceptionnel mis en place pour financer les
pertes agricoles dues à la sécheresse a très mal été perçu par les populations en général sauf par les
randonneurs, qui ont vu les effets de cette dernière par leur pratique de l’espace agricole. Selon lui,
les agriculteurs sont de réels pivots locaux pour la randonnée pédestre.
Toujours en considérant ces chemins comme des portes, on constate donc que certains ont
des serrures - sont obstrués - et que d'autres sont grand ouverts - balisés. La question de l'accès au
paysage est alors omniprésente et soulève de multiples questionnements autour de l'espace agricole
et de la qualité paysagère des chemins : le chemin est un mode d'accès au paysage mais à quel
paysage ? Un sondage38 réalisé sur les chemins inscrits au PDIPR d'Ille-et-Vilaine met en évidence l'importance des paysages agricoles. 75% des paysages vus de part et d'autre du chemin sont
agricoles, surtout concernant les chemins intéressants pour la randonnée, c'est-à-dire non revêtus de
goudron. Dans cette mesure, la majeure partie des chemins traversent des espaces considérés banals
mais dans la pratique, même en paysage de plaine, les chemins sont autant fréquentés. Un paradoxe
résiste à ce constat : souvent, les élus aimeraient à tout prix mettre en valeur le petit patrimoine
remarquable alors que de nombreux espaces en sont dépourvus. Cette étude démontre que ces
chemins en espace agricole ne sont pas destinés à tous. Les touristes recherchent évidemment le
dépaysement, cet espace n'est donc pas leur destination prioritaire. Pour les citadins, les chemins
sont un mode d'accès privilégié à l'espace rural, à l'échelle de l'excursion. L'enjeu serait alors de les
intéresser à cet espace avec, par exemple, des sentiers d'interprétations, des sentiers pédagogiques agricoles mais cela reste considérable à réaliser. La question de l’accès aux paysages est une bonne
carte de visite pour les agriculteurs - sauf dans le contexte de la destruction des chemins mais lors
des remembrements et des aménagements fonciers, leur volonté n’était pas de détruire les chemins
dans le seul but d’empêcher le passage. En fait, les chemins sont avant tout destinés aux habitants
locaux, d'où une vraie revendication du droit à la promenade car on constate qu'il est réellement
plus difficile de sortir de chez soi en campagne qu'en ville, où les sentiers piétons sont de plus en plus
fréquemment créés. Les agriculteurs sont eux aussi des usagers récréatifs de ces chemins. Si l'on
considère maintenant l'espace agricole du point de vue des politiques publiques, on note qu'il est
partagé entre des espaces où l'on prête attention et des espaces oubliés. Dans le cas de
l’agglomération rennaise, certains chemins inscrits au PDIPR ne sont pas ouverts au public, ils sont "en réserve" pour les générations futures mais aucun autre itinéraire n'est mis en valeur pour les
populations locales. Le quartier de Villejean, où réside une population au niveau social
majoritairement faible, a accès à l'espace rural en deçà de la rocade par une passerelle et un
souterrain mais aucun des nombreux chemins physiquement présents n'est mis en valeur ni
médiatisé ce qui induit une méconnaissance de cet espace, alors pratiqué de manière sauvage. Les
adolescents constituent une tranche de cette population qui profite de cet espace agricole, vu
37
Voir partie II. A. La qualité et la variété des paysages, des critères essentiels pour la création d'itinéraires de randonnées,
pp. 21-23 38
Cette enquête se base sur un tirage aléatoire d'une commune par communauté de communes afin d'avoir 10% de
représentativité - cette dernière ayant été vérifiée objectivement.
20
comme terre d’aventure et espace de liberté. On se rend compte que le chemin est un espace public
qui se mérite. En France, l’idéologie de l’accès, de la liberté de passer est très évoluée, très poussée
alors qu’en Angleterre, où prime la logique restrictive de terrain privé, la possibilité de se promener à
partir de chez soi est incarnée par le fameux Public Right of Way, qui n'est juste que le droit de passage sur la parcelle. D'ailleurs, très peu d’itinéraires sont balisés Public Right of Way et établir un
circuit de randonnée se révèle très difficile. Par contre, l’idéologie du paysage est plus marquée
qu’en France et les agriculteurs se sentent intimement liés à la question de nature. Que le statut d'un
chemin soit public ou privé, il existe toujours des obstacles à franchir, ce qui remet en cause la
question de l'accessibilité physique au paysage. A titre d'exemples, on peut citer quelques cas de
chemins français protégés juridiquement, c'est-à-dire officiellement inscrits au PDIPR et ouverts au
public, qui, sur le terrain, sont entièrement embroussaillés et donc impraticables. En Angleterre, ce
sont des obstacles type échelles de franchissement de clôture qui limite l'accès aux personnes à
mobilité réduite. Par contre, selon Mattias Qviström39, en Suède, on n’observe pas de conflits pour
l’accès en lui-même mais pour le gain financier relatif à cet accès, c'est la question du coût de droit de passage sur un espace privé qui se pose. Economiquement, la randonnée en France n'est pas
payante mais génère des flux monétaires par tous les services connexes (guide de randonnée, gîte
d'épate, location de vélos, etc.). En espace agricole, défiant le statut juridique ou le support
physique, c'est comme si le caractère hybridé public/privé empêchait le chemin d’être une simple
circulation, qui est aussi un espace d'ancrage de l'agriculture et empêche finalement l’agriculture
d’ignorer ses significations sociales, c'est-à-dire de poursuivre ses activités sans s'occuper des autres
usagers. L'aménagement de l'espace agricole doit-il assumer ce frottement multifonctionnel ou bien
l'éviter par une séparation des flux ? Du point de vue de la vie sociale, une séparation destinée à
éviter les problèmes provoque un effet tunnel - on passe à travers l'espace agricole - qui bloque les échanges entre populations. L’étude des chemins et de l’accès aux paysages reste confrontée à un
problème majeur : l'absence de sources directes et de statiques concernant la densité des chemins.
Donc comment quantifier les linéaires disparus? Pour un échantillon choisi et délimité, c’est
réalisable40 mais comment extrapoler à un territoire plus large, chacun présentant son propre
contexte historique d'évolution? On assimile volontiers bocage dense et réseau de chemins
important alors qu'en réalité on trouve une diversité de situations. Quels sont les critères à : retenir,
chemins ruraux ou chemins d’exploitation, statut juridique ou caractéristique physique ?
39
Voir partie III. A. La matérialisation de la vitesse : l'analyse d'un siècle de modification du paysage dans une aire
périurbaine dans le sud de la Suède, pp. 31-32 40
Voir partie I. C. La dynamique spatiale des réseaux de chemins, pp. 7-9
21
II. Les chemins du paysage et le paysage des chemins au quotidien
A. La qualité et la variété des paysages, des critères essentiels pour la création d'itinéraires de randonnées
Par Jacques Lemaître
Jacques Lemaître, ancien vice-président de la Fédération Française de la Randonnée Pédestre, fut l'un
des initiateurs du développement de la randonnée en France dès les années 1970. Il est entre autre à
l'origine de la structuration du réseau de sentiers d'Ille-et-Vilaine.
La randonnée n'est pas pratiquée exclusivement pour l'exercice des pieds. C'est aussi
découvrir le paysage environnant avec tous ses sens. Le paysage du randonneur est complexe,
chacun l'interprète à sa manière et il en est d'autant plus difficile de le définir. Pour la Fédération
Française de la Randonnée Pédestre (FFRP), il signifie aussi bien le patrimoine naturel, historique,
architectural que le patrimoine culturel et gastronomique. En espace agricole, le patrimoine rural est
un élément du paysage et ce type de paysage fait aussi partie du patrimoine local. Le paysage ne se
limite donc pas à des clichés de panoramas, tels les paysages remarquables du littoral. Il a avant tout
cette caractéristique de représenter une multiplicité de visions à différentes échelles, de celle des pas à celle du panorama. Pour le randonneur, la lecture du paysage se fait selon le temps de ses
enjambées, selon sa vitesse contrairement à l'automobiliste qui est projeté d'un paysage à un autre.
Cet emboîtement d'échelles crée, à chaque distance d'approche, un nouveau paysage. Celui-ci n'est
pas statique, il évolue, plus ou moins rapidement, dans le temps et dans l'espace au fil des actions de
l'homme ou de la nature.
Ces observations amènent des organismes de terrain, tels que la FFRP à se poser
constamment des questions lors de la création d'itinéraires : comment les randonneurs perçoivent-ils
le paysage? En quoi les actions menées agissent sur le paysage? Du fait de ces interrogations, la
fédération inscrit ses actions dans le développement durable, et cela, sans en avoir forcément
conscience - du moins à ses débuts avant la politisation de cette notion. La FFRP assure à la fois la création et le suivi des itinéraires ainsi que la formation d'animateurs et de professionnels. Le chemin
est un élément des itinéraires, l'itinéraire est une succession de chemins choisis. Ces choix résultent
d'études menées par la FFRP, qui propose donc des circuits complexes puisque composés de chemins
aux statuts juridiques et fonciers différents, gérés par une multitude d'acteurs. Le cheminement
retenu est alors balisé de couleurs différentes suivant le label apposé (GR, GRP, PR, etc.). Ce label a
été créé du fait de l'ampleur de la pratique de la marche. La fédération compte 200 000 adhérents
mais des études convergent sur le chiffre de 15 à 20 millions de randonneurs et promeneurs en
France. Il faut donc créer et entretenir des sentiers mais aussi encadrer la pratique de la randonnée
afin d'éviter les débordements grâce au balisage notamment.
Dans les années 1970, Jacques Lemaître s'engage en faveur de la randonnée et initie des sorties, auparavant préparées. Lors de ses repérages, il est le témoin de la disparition des chemins,
liée aux travaux connexes de remembrement41. Les pratiquants des sports de plein-air prennent alors
conscience que ces disparitions entraîneront à terme la disparition de leur loisir. A cette époque,
l'intérêt d'ouvrir de chemins dédiés à la pratique de la randonnée dans les régions non
montagneuses et de les baliser semblait injustifié aux yeux des populations locales. Le réseau était
encore dense et diffus car tous les espaces agricoles n'étaient pas encore concernés par les
aménagements fonciers. A titre d'exemple, l'idée du GR 34 - l'actuel tour de Bretagne, née en 1947
avec la création du Comité national des sentiers de grande randonnée, est rapidement abandonnée
au regard des incrédulités. En 1968, ce projet est relancé par la Délégation à l'Aménagement du
Territoire et à l'Action Régionale et n'est finalement créé qu'en 1972. Cet itinéraire permet de contempler la diversité des paysages littoraux bretons. Connecté à d'autres GR ultérieurement créés,
il assure une continuité pour la découverte d'autres paysages intérieurs. Ainsi le GR 37 reliant Vitré à
la pointe de Crozon parcourt l'Ille-et-Vilaine sur la limite de partage des eaux et ses paysages ont été
implicitement déterminants dans le choix du parcours. Suite à ces créations, les idées en amenant
41
Voir partie I. C. La dynamique spatiale des réseaux de chemins, pp. 7-9.
22
d'autres, des liaisons aux paysages différenciés sont nées, telle celle de Guérande en Loire-Atlantique
vers la Baie du Mont Saint-Michel. Cette dernière emprunte la vallée de la Vilaine dont les paysages
sont difficilement accessibles autrement, sauf par la voie ferrée qui ne permet pas de les apprécier à
son rythme. Ces créations sont parfois difficiles du fait de la disparition continue des chemins. Les randonneurs se mobilisent donc tant au niveau local qu'au niveau national. Ainsi, à Châtillon-en-
Vendelais, l'association des randonneurs a créé une pépinière d'essences locales pour accompagner
le remembrement en replantant le long des chemins après les travaux d'aménagement afin qu'ils
préservent leurs caractères. La fédération lance aussi des actions pour leur préservation. Ainsi, en
1994-1995, 1,5 millions de signatures sont récoltées lors d'une pétition pour la défense des chemins
de France. Cette même année, la mise à jour d'une charte du balisage, adressée essentiellement aux
élus, garantit l’entretien, l’itinéraire et la qualité de ces chemins. La charte a récemment été rééditée
avec l'intégration de la signalétique afin de l'homogénéiser et ce, dans un souci de qualité et de
respect du paysage et de la nature - leurs éléments servant souvent de supports.
La réflexion autour du chemin et du paysage est au cœur des préoccupations de la fédération, notamment pour la création d'outils éducatifs. Ainsi, l'opération Un chemin, une école
42
confie à des écoliers la création ou la réhabilitation d'un chemin à des fins pédagogiques. Par ailleurs,
les rando challenges43 sont des courses d'orientation ludiques, adaptées à tous les âges et tous les
niveaux, conjuguant le défi sportif et la découverte de l'environnement local en s'apparentant aux
sentiers d'interprétation. La fédération agit en faveur de la préservation de l'environnement. Le
réseau Eco-veille44, entre autre, mise sur l'importance de la chaîne opérationnelle pour traiter les
problèmes rencontrés au cas par cas. L'objectif est de responsabiliser le randonneur qu'il ne soit pas
qu'un consommateur d'espace mais aussi un acteur de cet espace. Par l'intermédiaire de fiches,
chacun peut relever les atteintes à l'environnement du sentier et faire remonter l'information par le biais des offices du tourisme et des associations locales aux comités départementaux.
La fédération de la randonnée pédestre endosse aussi parfois le rôle de médiateur pour
l'accès aux paysages. L'exemple de la randonnée en forêt de Brocéliande est particulièrement
explicite. S'y promener semble naturel aujourd'hui mais n'était pas une évidence quelques années
auparavant. C'est un massif forestier essentiellement privé où la chasse représente un revenu non
négligeable. A l'initiative de la fédération, en collaboration avec des juristes45, une convention
tripartite a été signée afin d'ouvrir un accès légal, règlementé et sécurisé à ces paysages forestiers
légendaires. Les propriétaires tolèrent ainsi le passage en échange d'une période annuelle de
fermeture pour les activités cynégétiques. Le comité départemental assure le balisage et l'entretien
des chemins. Le Conseil Général est pour sa part le souscripteur de l'assurance incendie, principal crainte émise. A propos des forêts, Jacques Lemaître souligne leur fragilité et l'évolution parfois
rapide de leurs paysages pour le randonneur. Ce sont des paysages fortement bouleversés suite à
des tempêtes ou des incendies ou soumis à des phénomènes plus lents comme l'enclosure de
l'espace dans certaines régions ou l'enfrichement dans d'autres. L'accessibilité aux fonds de vallée est
aussi limitée par la privatisation de nombreuses parcelles, en particulier les anciens moulins
parsemant les abords des cours d'eau. Réhabiliter ces fonds de vallées reste complexe car cette
situation implique une multitude d’acteurs. C’est un travail lourd et important qui demande du
temps et de l’argent dont la fédération ne dispose pas suffisamment.
La fédération est une structure qui se mobilise pour garantir la continuité des itinéraires et la
qualité des paysages parcourus. A ce titre, elle se doit d'être présente partout, auprès des maires, des intercommunalités, des conseils généraux, des commissions régionales forestières, des comités
départementaux de tourisme, des commissions des espaces, sites et itinéraires, etc. lors de
réflexions en amont d'aménagements ou de grands travaux comme la création de lignes à grande
vitesse, par exemple. Cette présence, le randonneur ne peut soupçonner son importance lorsqu'il
emprunte un itinéraire balisé. La fédération constate aussi, par sa présence auprès des institutions,
42
http://www.ffrandonnee.fr/randoJeune.aspx 43
http://www.ffrandonnee.fr/randochallenge/randoChallenge.aspx 44
http://www.ffrandonnee.fr/ecoVeille.aspx 45
LE LOUARN P., op. cit., p. 4
23
des limites à cette coopération. En France, les crédits à la création en général sont accordés
facilement mais qu’en est-il pour la pérennisation des actions ? Quand on créé, il est pourtant
indispensable de penser au futur et mobiliser les acteurs en ce sens. Il faut donc surmonter les
stratégies territoriales du moment et favoriser la cohérence à long terme. A cet effet, la fédération et la DATAR sont à l'initiative de guides pour la création, raisonnée et réfléchie, d'itinéraires dans les
pays touristiques. Aujourd'hui, si l'on compare les topoguides édités depuis les débuts, on remarque
une considération grandissante pour les paysages. De simples indicateurs de directions à prendre,
ces topoguides sont devenus des ambassadeurs des territoires traversés. Cependant, si ils décrivent
le paysage au travers du patrimoine vernaculaire et les cultures locales, ces livrets ne mentionnent
quasiment jamais le paysage ordinaire, difficile à qualifier, et encore moins les paysages ruraux
banals.
Depuis sa création, la fédération a vécu les évolutions des pratiques, des représentations
sociales de la randonnée mais aussi les difficultés d'encadrement et de réglementation de l'activité. A
l'origine, les grands clubs œuvraient en faveur de la grande randonnée et faisaient peu cas des chemins. La randonnée était prestigieuse (Alpes) et se pratiquait sur des espaces remarquables (forêt
de Fontainebleau, les Vosges, la Provence). La prise en compte de la petite randonnée a été ardue.
L'exercice encadré de la randonnée a connu des complexités de structuration, de cohérence et de
coopération. Ensuite sont apparus des conflits spécifiques, par exemple lors de la création d'une
servitude littorale. Sa mise en œuvre, difficile par l’ampleur de la tâche, a créé des heurts entre les
esprits protecteurs de la nature et du littoral et les visions d'urbanistes partisans d'un bétonnage du
sentier. D'un point de vue technique, sa réalisation par les agents de l’Equipement n'a pas été aisée,
ceux-ci plutôt habitués à la construction de routes goudronnées. Par contre, les conflits autour de
l'usage des chemins sont rares mais lorsqu'ils existent, ils sont sévères comme depuis peu ceux engendrés par la circulation des quads. Sinon, on remarque que les clubs et associations de
randonnées sont composés d’un panel étendu en termes de type de fréquentation. Certains
pratiquent pour l’effort physique mais la plupart s’y retrouve pour la convivialité et les échanges.
Très peu de naturalistes sont adhérents de ces associations. Cependant, l’impact social de la
randonnée reste peu étudié. Aujourd'hui, la fédération oriente plus largement ses réflexions en
termes de paysage, notamment avec l'apparition des éoliennes, la dévitalisation de l'agriculture et
leurs effets. Elle réfléchit aussi sur la notion de proximité des itinéraires et de mobilité douce pour y
accéder. Des efforts restent à mener sur l'articulation des notions d'aménités écologiques,
paysagères et sociales.
B. L'homme, le paysage, la randonnée
Par Jacqueline Lebert
Jacqueline Lebert est en charge des politiques de randonnée et des espaces naturels sensibles au sein
du département aménagement et environnement du Conseil Général des Côtes d'Armor.
Le département des Côtes d'Armor est l'un des plus fréquentés par les randonneurs.
Officiellement, 3500 sont licenciés à la FFRP et 80 associations regroupent en moyenne une
cinquantaine de marcheurs hebdomadaires. Dans la pratique, nombre de marcheurs ne sont pas
répertoriés : les individuels, les familles qui se promènent sur les 6000 kilomètres de sentiers inscrits
au PDIPR. Parmi eux, certains pratiquent la randonnée pédestre, équestre, cycliste, d'autres sont
dépendants de leur mobilité réduite. La diversité des paysages costarmoricains influence
considérablement ces loisirs de plein-air. Tous ces aspects de la randonnée doivent être intégrés aux politiques d'aménagement du territoire. C'est pourquoi le Conseil Général met en œuvre une gestion
durable et solidaire de ses chemins de randonnée. De plus, il accorde une importance particulière
aux impacts de sa politique sur le paysage, notamment en œuvrant pour une gestion participative. Le
promeneur, le randonneur, l'habitant sont attachés aux paysages vécus. Dès l'émission de projet
d'aménagement, le public réagit puis, en cours de travaux, il perd ses repères pour, au final,
s'adapter à un autre paysage. Ceci se constate dans la plupart des domaines d'intervention des
politiques publiques mais si l'appréhension est forte en début de projet, le consentement est
finalement généralement de mise.
24
Face à la demande du public de randonner dans un environnement sécurisé, le Conseil
Général s'engage dans une politique globale de randonnée en articulant plusieurs critères. Les
objectifs sont d'ouvrir un grand nombre d'espaces au public et d'offrir des paysages de qualité dans
une nature vivante et diversifiée en menant une action discrète, efficace et harmonieuse afin de valoriser mais aussi de sécuriser les lieux et de rendre accessible à tous publics des milieux variés. Un
paradoxe revient souvent dans les témoignages : la plupart des randonneurs disent aimer cette
pratique dans une nature vierge et accueillante - existe-elle encore vraiment ? - mais parallèlement,
demandent une sécurité maximum sans aménagements visibles46.
Sur le territoire du département, il existe de nombreux projets de création d'itinéraires à
l'initiative d'acteurs multiples. Dans l'optique d'un développement durable du territoire, le Conseil
Général a donc conçu une charte de qualité afin de les accompagner dans leurs démarches. Elle
traite de la nécessité d’articuler le développement de la randonnée et la préservation des milieux.
Elle porte aussi sur la conception des itinéraires, de la réflexion à l'aménagement, et énonce des
recommandations pour des aménagements de sentiers dans des milieux naturels fragiles. Elle préconise avant tout la construction participative qui garantit une meilleur durabilité et
appropriation des itinéraires. Cette charte est légitimée car validée par différents organismes
institutionnels et associatifs (préfecture, FFRP, Conseil Supérieur de la Pêche, etc.). Par ailleurs,
l’attribution de subventions d'aide à la création d'itinéraires est soumise à la signature d’un acte
d’engagement à respecter cette charte pour l’aménagement et l’entretien des sentiers.
Outre les initiatives locales, le Conseil Général assure aussi la maîtrise d'ouvrage pour la mise
en place de boucles de randonnées. Souvent, ces circuits à vocation touristique sont sélectionnés
pour leurs beaux paysages mais peu pour leurs paysages agricoles classiques. Cependant, le
remembrement, ses raisons économiques et son influence sur la construction des paysages sont expliqués dans les livrets de randonnées. Le département œuvre essentiellement pour les sites
d'intérêts touristiques départementaux. Ainsi, 970 000 euros et quelques années ont ainsi été
investis dans la réalisation du sentier autour du lac de Guerlédan. Les parcelles contigües au lac
étaient privées pour la plupart. Les négociations, menées afin d'en acquérir une partie pour créer un
cheminement, ont mené à des arrangements à l'amiable permettant de débuter les travaux avant
l'officialisation. Une seule expropriation a eu lieu. Suivant la ligne politique départementale, ce
sentier a essentiellement été créé manuellement, notamment dans les pierriers et entre les arêtes
schisteuses, en utilisant au maximum les matériaux présents sur place, dans le but de l'intégrer le
plus naturellement possible dans le paysage. Dans le cadre de la récente loi sur le handicap47, le
département réalise l'ouverture de tronçons aux personnes à mobilité réduite dans un maximum de milieux possibles tels que les secteurs les plus touristiques, en milieu humide, en milieu forestier, etc.
Par exemple, des linéaires de platelages en bois non traité parcourent une partie de zone humide ou
encore une passerelle mène à une large plate-forme de pêche aménagée pour des personnes
handicapées. Ces aménagements peuvent au départ paraître secs mais ils s'intègrent rapidement
dans le paysage grâce à la reconquête de la végétation. Les lieux les plus fréquentés sont sécurisés de
manière la plus invisible possible : ainsi, les grillages tendus pour prévenir la chute de pierre
n'affectent pas le regard. Un autre exemple d'aménagement est celui de l’ancienne voie ferrée de
Saint-Méen à Carhaix sur toute sa longueur soit 120 kilomètres en une voie verte. Appartenant au
département depuis 1975, elle est reconnue voie verte par la région Bretagne en 2004. Cette voie
verte symbolise la colonne vertébrale de la randonnée en Côtes d'Armor avec de nombreuses boucles s'y rattachant afin de varier les plaisirs. Interdit à tout véhicule à moteur, cet axe structurant,
très fréquenté par les randonneurs pédestres et équestres, les vélos, les attelages et les calèches est
géré dans l'esprit du développement durable et solidaire depuis 2007. Cette nouvelle gestion, qui se
veut respectueuse des milieux, a un impact réel sur le paysage. La voie a donc été réaménagée pour
pouvoir l’entretenir sans produit chimique, ce qui a suscité d'importantes réflexions quant au choix
d'un revêtement résistant aux multiples usages et quant à l'entretien possible. L'axe sablé est donc
balayé de ses feuilles afin d'éviter la production d'humus et la repousse de mauvaises herbes. Ses
46
Voir partie I. B. L’intégration sociale des chemins et de leurs réseaux, pp. 5-7 47
Loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des
personnes handicapées
25
bas-côtés sont entretenus par fauche avec exportation des végétaux dans le but de favoriser une
végétation prairiale48. Cette pratique est encore expérimentale. La difficulté est de trouver les
partenariats avec des entrepreneurs adéquats, les agents techniques du Conseil Général n'étant pas
formés à ces pratiques. L’évolution de la flore fera l’objet d’un suivi scientifique selon la question suivante : que faire du produit de la fauche et comment le valoriser (fourrage, combustion,
méthanisation)? Une gestion forestière concertée permet d'aérer la voie, de favoriser la
régénération naturelle, de limiter la tombée des feuilles, de mettre en valeur les beaux arbres et de
filtrer le regard. 20 kilomètres de paysages sont ainsi bousculés annuellement. Une charte engage les
bûcherons à valoriser le bois ainsi obtenu. Ces multiples actions, indissociables les unes des autres,
pour gérer de façon satisfaisante la pousse de l’herbe sur un axe sablé, façonnent le paysage.
L'impact sur le paysage passe aussi par la restauration du patrimoine comme l'aménagement de
l’ancienne gare de Rostrenen. Issue d'une démarche participative, cette recréation de paysage
suscite beaucoup de questions et d'inquiétudes mais participe à la mémoire de ce paysage ancien
des activités de l'homme aujourd'hui disparues. Une des réflexions du Conseil Général pour ses actions est l'amélioration du cadre de vie et du paysage de ses habitants afin qu'ils en deviennent les
ambassadeurs auprès des touristes. Enfin, toujours en matière de gestion, le Conseil Général
fonctionne beaucoup sur le principe des conventions : avec des agriculteurs pour l'entretien des
fonds de vallées qui s'enfrichent ou encore pour inciter les communes à déléguer l'entretien des
chemins à des structures thérapeutiques49. D'un point de vue financier, cela permet de répartir les
charges et ainsi de faciliter l'adhésion et l'engagement des communes. L'externalisation de
l'entretien des chemins50 est un choix politique dans une perspective de développement social mais
ce n'est pas forcément le plus simple, notamment en matière de suivi.
La valorisation des paysages et de ses chemins de randonnées s'accompagne d'une politique publique de promotion. Une collection de guides patrimoniaux est éditée par le Conseil Général à
destination d'un public familial. L'ambition est de valoriser le paysage, le patrimoine naturel et bâti
avec des boucles pas trop longues (jusqu’à 12km) qui n'apparaissent pas dans les topoguides de la
FFRP. Les circuits ainsi valorisés répondent évidemment aux critères de la charte de qualité, sont
donc balisés de façon efficace, discrète et soignée. Enfin, ces itinéraires, accessibles toutes l'année,
présentent un revêtement au maximum naturel (moins de 30% de goudron). Par ailleurs, le Conseil
Général, partenaire du projet Les chemins du paysage, le paysage des chemins, s'est appuyé sur le
travail d'un stagiaire de master, en s'appropriant de manière simplifiée la grille d'évaluation
paysagère de circuit qu'il avait mise en place51.
C. Aperçu de la gestion des chemins par la communauté de communes du Pays de Bécherel
L’idée est de présenter, à travers un échange sur le terrain avec des acteurs locaux (élus,
associations, techniciens), le mode de gestion du patrimoine des chemins à l’échelle d’une
communauté de communes, présentement celle du Pays de Bécherel. Cette partie relate les visites
effectuées lors de la matinée consacrée à la sortie sur le terrain. Localisé sur la commune de Romillé,
le premier site a pour objet la visite d'un talus planté le long d'un chemin de randonnée. La deuxième
visite est consacrée à la rencontre avec l'association DECLIC52, qui, depuis les débuts de la politique
communautaire de randonnée, est chargé de l'entretien des chemins inscrits au PDIPR.
48
Voir partie II. D. 1. L’effet des activités humaines sur la végétation herbacée des bordures de routes et chemins sur le
terrain, p. 28-29 49
Voir partie II. C. 2. L'entretien des chemins de randonnées par un chantier d'insertion, pp. 27-28 50
Voir partie IV. B. L'organisation de l'entretien de la voirie locale en milieu rural, pp. 38-40 51
Voir partie I. C. La dynamique spatiale des réseaux de chemins, pp. 7-9 52
http://www.cc-paysdebecherel.fr/files/Dossier%20Presentation%20DECLIC%20-%20V2_0.pdf
26
1. Plantation de haie sur talus en bordure d’un chemin de randonnée
Par Olivier Lelièvre, Maryvonne Texier et Patrick Souben
Olivier Lelièvre est le chargé de mission environnement de communauté de communes du Pays de
Bécherel.
Maryvonne Texier, maire de Saint-Brieuc-des-Iffs, est membre de la commission environnement de la
communauté de communes du Pays de Bécherel.
Patrick Souben, technicien à la Direction Régionale de l'Agriculture et de la Forêt de Bretagne, est à la
fois conseiller municipal de Saint-Pern, membre de la commission environnement de la communauté
de communes du Pays de Bécherel et membre de l'association de randonneurs "Animation sentiers et
patrimoine".
L'ouverture des chemins sur le territoire de l’intercommunalité, à l'initiative des associations
locales, date d'une vingtaine d'années. Les associations ont ensuite été rapidement relayées dans
cette démarche par la communauté de communes, quasiment dès sa création en 1994, en
partenariat avec le pays touristique de Brocéliande, qui gère les conventions de passage. Le réseau PDIPR actuel est donc le résultat d'une coopération efficace entre élus et associations. Parmi les
quelques 200 kilomètres inscrits, environ la moitié sont des chemins de terre, plus attractifs pour les
randonneurs, mais le passage sur route goudronnée est inévitable pour garantir la continuité des
itinéraires. Certains passages sont règlementés par des conventions entre le Conseil Général et des
propriétaires privés. La plupart des chemins inscrits, s'ils sont destinés à d'autres usages, notamment
agricoles, sont majoritairement dédiés à la randonnée pédestre et équestre. 120 kilomètres
présentent ce double usage. Par ailleurs, le circuit équestre régional - l'Equibreizh - emprunte 25
kilomètres de ce réseau et le GR 37 traverse le territoire de l'intercommunalité sur 16 kilomètres.
Selon la législation en vigueur, aucun engin motorisé n'est toléré sur ces chemins. D'autres restent disponibles pour les quads par exemple, mais le dialogue avec les associations de ce loisir est plutôt
fermé. Les associations de randonnées jouent un rôle essentiel au sein de la politique de la
communauté de communes. Elles veillent sur le réseau, gèrent le balisage des chemins avec du
matériel fourni par l’intercommunalité et aident à leur valorisation et leur médiatisation en
participant à la création de cartes et de guides. Deux fois par an, l'ensemble des acteurs se réunissent
pour faire le point sur la politique des chemins de randonnées, soumettre des propositions, éclaircir
les dysfonctionnements, etc. Actuellement, la communauté de communes n'ouvre plus de chemins
de randonnées, du fait de la contrainte de l'entretien mais se concentre sur la création de connexions
avec les communes voisines. Elle oriente aussi sa politique sur l'intégration des personnes à mobilité
réduite et sur la découverte du patrimoine.
La politique communautaire œuvre aussi en faveur des paysages, en particulier par la
restructuration du bocage. Dès 1999, la communauté de communes s'est engagée dans un Contrat
Eau Paysage Environnement (CEPE) avec le Conseil Général d'Ille-et-Vilaine afin de mettre en place
des actions concertées notamment en matière de restauration des haies bocagères. Cette démarche
repose sur différentes étapes, du diagnostic préalable à la réalisation d'un inventaire exhaustif du
réseau de haies. Désormais la campagne de plantation est entièrement à la charge de la
communauté de communes. La première année, 16000 plants ont été fournis à 70 planteurs
volontaires ne comprenant quasiment aucun agriculteur hormis celui du site visité. Au fur et à
mesure des campagnes, les connaissances et les techniques ont évoluées pour aujourd'hui être
relativement bien rodées.
27
La plantation de la haie sur talus le long
du chemin visité a été réalisée en 1998. L'emploi
d'une charrue forestière a permis la levée du talus
sur 70 à 80 centimètres de hauteur et son tassement. Son paillage a été immédiat, avec des
céréales, du lin, etc. Cette haie nouvelle le long du
chemin de randonnée parcoure le fond de vallée
en bordure d'un cours d'eau sur environ 600
mètres. Ce site symbolise le nouvel engagement
de l'intercommunalité en la matière, c'est-à-dire
utiliser le chemin comme support pour l'action
bocagère et le présente comme un levier pour le
programme Breizh Bocage.
La démarche Breizh Bocage dans laquelle s'investit la communauté de communes reflète la volonté de passer d'un mode de volontariat à un mode plus directif. La présence d'un animateur
auprès d’agriculteurs susceptibles d'être intéressés a pour ambition de provoquer l'adhésion d'autres
et d'entraîner ainsi une démarche volontaire du milieu agricole à plus grande échelle. Si ce
programme est surtout centré sur la problématique des bassins versants et de la qualité de l'eau, le
chemin peut faire figure de levier, comme le prouve le lieu visité, notamment par rapport une société
agricole encore peu impliquée. En effet, le territoire n’a pas été soumis au remembrement,
exception faite d’une commune. Par ailleurs, les deux tiers des exploitations sont en fermage. De ce
fait, l'éclatement des parcelles des exploitations a essentiellement conduit à une réorganisation et à
un remaniement des territoires des exploitations au coup par coup. Le bocage, quoiqu'encore très présent, s’est peu à peu morcelé. L'idée est donc de replanter au bord des ripisylves et dans les fonds
de vallée, souvent longés par des chemins. Les chemins sont alors réappropriés et leur emprise est
renforcée par une haie.
2. L'entretien des chemins de randonnées par un chantier d'insertion
Par Olivier Lelièvre, Gilles André et Gwénolé Leverge
Gilles André est le coordinateur-encadrant de l'association DECLIC.
Gwénolé Leverge est l’animateur technique de l'association DECLIC.
Ce chantier d'insertion est un dispositif de réinsertion socioprofessionnelle pour les
personnes en difficulté. Ces opérations de maintenance des chemins représentent 50% de leurs
activités. Le financement est partagé entre la communauté de communes et le Conseil Général.
L'adoption d'une démarche de qualité pour la gestion raisonnée des chemins est récente. En 2008, il apparaît que l’entretien des chemins et leur gestion ne répond plus à la demande sociale, aux
besoins des randonneurs. La réunion des acteurs impliqués (associations, élus, chantier d'insertion) a
permis un balayage exhaustif de la thématique des chemins et la prise en compte des souhaits de
chacun. Ce processus d'évaluation et de concertation a abouti à l'élaboration d'une charte précise
sur les pratiques d'entretien à adopter.
Cette gestion raisonnée s'avère toutefois difficile à mettre en place. D'une part, les agents
techniques ne sont pas forcément sensibilisés à ces pratiques. De plus, l'association est soumise à un
roulement important de ses employés, auxquels il faut donc assurer une formation régulière. D'autre
part, il n'est pas aisé de trouver des interlocuteurs experts pour savoir comment adapter l'entretien
en fonction de la nature du chemin, de sa largeur, des espèces floristiques présentes, etc. Enfin, la logistique adéquate à cette gestion est contraignante pour l'association en termes de moyens
matériels et financiers. Cette démarche naissante doit donc encore être réfléchie afin de trouver un
équilibre entre les intérêts de chacun. Néanmoins, cette adaptation du mode d'entretien s'inscrit
parfaitement dans une démarche de développement durable, non seulement d'un point de vue
écologique (pas d'utilisation de phytosanitaires) mais aussi d'un point de vue économique et social
puisqu'elle a permis à l'association de créer un nouvel emploi permanent et de se doter d'une équipe
verte.
Haie plantée sur talus en bord de chemin
28
L'entretien s'effectue selon un calendrier réfléchi et mis en
place en partenariat avec les différents acteurs impliqués dans la
politique des chemins de randonnée. L'entretien d'hiver, de janvier à
mars, est centré sur les travaux plus importants d'élagage. L'entretien de pleine saison, d'avril à la mi-septembre, assure le continuum pour
le cheminement. Les chemins les plus larges, permettant le passage
d’un véhicule sont entretenus à l’aide d’un gyrobroyeur tracté. Les
bordures et les chemins plus étroits sont parcourus par des ‘fantassins’
qui sont en charge de la fauche.
Une soixantaine de points noirs ont été identifiés, notamment
un grand nombre de chemins assurant une fonction de collecte des
eaux de surface qui posent problème pour les loisirs. Leur
aménagement est envisagé mais nécessite des travaux lourds dont le
coût estimé avoisinerait les 100000 euros.
D. La zone atelier de Pleine-Fougères
La découverte de deux types de chemins présents sur la zone atelier de Pleine-Fougères a
permis d’illustrer concrètement les effets conjugués de la structure de la bordure d'un chemin et des
pratiques de gestion de celle-ci sur sa composition floristique53. La fin de journée est consacrée à la
rencontre avec des acteurs d’une autre communauté de communes, dont le territoire constitue
l’espace de recherche de la zone atelier.
1. L’effet des activités humaines sur la végétation herbacée des bordures de routes
et chemins observé sur le terrain
Par Didier Le Cœur et Jean-Luc Roger
Les caractéristiques du premier chemin parcouru se rapprochent d'un des extrêmes identifiés
dans l’analyse des données écologiques recueillies dans le cadre de ce programme. C'est un chemin
creux terreux, aux talus très élevés, densément ombragé car bordé, de part et d'autre, de haies
denses. Il fait à la fois l’objet d’usages agricoles (circulations d’animaux et de petit matériel) et
récréatifs (randonnées équestres et pédestres). On remarque aussi des sentes transversales
témoignant d'une circulation animale importante. Compte tenu de son
microclimat, ce chemin devrait présenter une flore de type forestière.
Avant d'étudier la flore de ce chemin, Didier Le Cœur invite à se
pencher sur celle du bosquet adjacent. On constate que les
châtaigniers de ce bois sont exploités en cépées pour la fabrication de piquets de clôture. Le rythme d’exploitation de ce taillis fait qu’il ne
connaît jamais un véritable microclimat forestier. Ainsi seulement
quelques espèces forestières telles le blechnum, le houx ou la mélique
s’y rencontrent très localement, dans les situations qui sont le moins
affectées par l’ouverture du milieu lors de l’exploitation. Le chemin
creux situé en bordure présente un caractère forestier beaucoup plus
marqué que le bosquet. De plus, ce chemin est fréquenté par des
animaux favorisant la dissémination d’espèces végétales zoochores.
Certains fruits, comme ceux de la circée de Paris ou de la benoîte sont
en effet munis de crochets ou d'aiguillons pour d'accrocher au pelage des animaux. On constate d'ailleurs sa dispersion tout au long des
corridors de circulation d'animaux. Cet exemple de zoochorie met en
avant le rôle de la faune pour le maintien de la flore forestière et donc
pour la préservation du paysage du chemin.
53
Voir partie I. F. L'effet des activités humaines sur la végétation herbacée des bordures de routes et chemins, pp. 14-17
Entretien par les 'fantassins' du chantier
L'absence de végétation sur ce talus révèle le passage fréquent d'animaux qui
favorisent la colonisation de certaines plantes
29
Le deuxième tronçon de chemin observé, dans le prolongement
du précédent, présente deux situations différentes, sur chacune de ses
bordures, dues essentiellement à l'occupation du sol adjacente. C'est
un chemin terreux, aux bordures faiblement élevées, avec une haie discontinue peu dense, aux usages multiples. Il est à la fois dédié à la
randonnée pédestre et équestre, fréquemment emprunté par
l'agriculteur voisin pour l'accès à ses parcelles ou la conduite de son
bétail aux pâtures mais aussi parfois parcouru par les quads. D'un côté,
ce chemin est bordé par une prairie, la plupart du temps utilisée en
pâture. Sur le haut du talus, plus exposé à la lumière, on trouve une
flore de type prairiale et vers l'intérieur du chemin, plus à l'ombre, c'est
une flore de lisière forestière que l'on observe (euphorbe des bois,
géranium herbe à Robert, digitale, benoîte, etc.). De l'autre côté, la parcelle est cultivée d'année en année pour les céréales. Les débords
des traitements herbicides sur la parcelle, combiné à un entretien
chimique de la strate herbacée au moyen d’herbicides non sélectifs, provoque l’ouverture de trouées
dans la végétation du talus. Ces dernières sont colonisées par des espèces du type mauvaises herbes
des cultures et peuvent être le siège de processus d’érosion.
2. La valorisation des chemins de randonnée par la communauté de communes de la
Baie du Mont Saint-Michel
Par Arnaud Nivot
Arnaud Nivot est responsable du service environnement de la communauté de communes de la Baie
du Mont Saint-Michel.
A Roz-sur-Couesnon, le panorama sur la baie
du Mont Saint-Michel et ses polders montre un
aspect de la richesse des paysages du territoire de la
communauté de communes de la baie du Mont
Saint-Michel. Sur une dizaine de kilomètres du nord
au sud, on rencontre une diversité de milieux et de
paysages : la bande littorale recouverte au rythme
des marées, les herbus, les polders, la falaise morte
avec sa lande parsemée d’affleurements granitiques
(massif de Saint-Broladre) et ses pentes descendant vers la dépression de Pleine-Fougères aux paysages
ouverts de grandes cultures puis un paysage au
gradient bocager s'intensifiant, le massif forestier de
Trans et le marais de Sougéal.
A l'instar de la communauté de communes du pays de Bécherel, celle de la Baie du Mont
Saint-Michel s’est engagée dans la politique des sentiers de randonnée dès sa création en 1993. Elle
s’est notamment appuyée sur l’association des sentiers Gallo qui pratiquait déjà l'ouverture de sentiers. L’entretien des sentiers est pris en charge financièrement par la communauté de communes
et le Conseil Général. Il est effectué par un chantier d’insertion et un chantier thérapeutique. En
moyenne, l’entretien du réseau de chemins coûte 20000 euros par an à la commune mais cette
année 40000 euros ont été déboursés du fait d'un nouveau balisage et de l’achat d’un nouveau
tracteur.
Les travaux menés par les équipes de recherche de la zone atelier ont entrainé une prise de
conscience du potentiel du territoire en termes de paysage et du manque de connaissances de la
part de la population locale de l’histoire des polders, de sa faune, de sa flore, etc. Pour y remédier,
l'intercommunalité a en premier lieu procédé à un balisage total et homogène des sentiers avec des
panneaux d’informations sur les sites au départ de chaque boucle. Par ailleurs, afin de sortir de l'idée de marcher pour marcher, elle s'est lancée dans la création de sentiers d'interprétation. Leur mise en
Talus mis à nu et flore perturbée par les adventices
Photo 1 : panorama sur le Mont Saint-Michel vu de Roz-sur-Couesnon
30
œuvre s'est faite en vulgarisant les connaissances des chercheurs et en valorisant celles des
agriculteurs. Ces sentiers sont volontairement courts (6 à 7 kilomètres) et apportent des
informations tous les 500 mètres environ par des bornes et des plaques en vitrophanie qui
permettent de lire le paysage d’une année à l’autre. L’un des panneaux d’information, par exemple, explique la taille des ragosses. La thématique principale des sentiers est axée sur le paysage et la
biodiversité mais elle est déclinée selon les sites : les polders, les vallées de Saint-Broladre, les marais
de Sougéal - reconnu espace remarquable de Bretagne - et le bocage dense. L'objectif de la
communauté de communes est de mobiliser à la fois les scientifiques et les usagers autour d'une
action commune et de créer ainsi une passerelle entre leurs mondes respectifs.
De manière plus classique, les chemins de randonnées sont valorisés par l'attribution de
labels. Le territoire est traversé par les GR 37 et 34, par une voie verte et un circuit labellisé VTT.
Toutefois, l'investissement financier de la communauté de communes s'oriente avant tout vers la
valorisation touristique. Les sentiers ne sont pas l'élément attractif pour les séjours sur le territoire
mais celui-ci, situé dans l'arrière-pays de hauts lieux touristiques (le Mont Saint-Michel, Cancale, Saint-Malo), est plus abordable. Par contre, les touristes et résidents utilisent ces chemins et
participent à leur mise en valeur.
Plusieurs constats marquent les limites de cette politique. D'une part, l'intercommunalité
regrette la démobilisation grandissante des associations locales de randonnées - hormis pour les
loisirs cyclistes - et s'appuie donc de plus en plus sur des associations extérieures, notamment pour la
réalisation des guides. Une autre contrainte est l’inscription obligatoire des chemins au PDIPR tous
les ans. Du point de vue de la communauté de communes, cela représente un réel danger pour le
maintien des chemins alors que c'est l’objectif premier de ce plan. En effet, la procédure est longue
et peu décourager certains propriétaires privés avec lesquels il faut alors signer une convention de passage tous les ans. Cette inscription reste une garantie contre les engins à moteur. Néanmoins, la
circulation des quads posent toujours un problème même si des arrêtés municipaux sont effectifs sur
l’ensemble du territoire. L'absence de contravention démontre la difficulté d'exercer le pouvoir de
police.
De plus en plus, les petites communes rurales prennent conscience que l'environnement est
une opportunité pour leur développement. La coopération entre la communauté de communes de la
baie du Mont Saint-Michel et les chercheurs de la zone atelier de Pleine-Fougères est réellement
bénéfique grâce au partage des connaissances et à la valorisation des données. Actuellement, le
principe d'éco-conditionnalité est à l'étude : une commune intégrant le schéma bocager au PLU se
verrait accorder des aides. Il apparaît aussi intéressant de réfléchir sur un couplage des politiques sentiers et bocage. En attendant, l'intercommunalité s'engage dans une expérimentation de la
gestion raisonnée des bords de routes54 en appliquant le mode opératoire défini par l'association du
Comité Opérationnel des Elus et des Usagers de la Rance et de la Côte d'Emeraude (CŒUR)55.
54
Voir partie I. E. Diversité des pratiques d’entretien des bords de chemins et de routes, pp. 12-14 55
http://www.coeur.asso.fr/
31
III. Les chemins du paysage et le paysage des chemins à l'étranger
A. La matérialisation de la vitesse : l'analyse d'un siècle de modification du paysage dans une aire périurbaine dans le sud de la Suède
Par Mattias Qviström
Mattias Qviström est professeur associé au département d’architecture du paysage de l'université des
sciences agricoles de Suède.
Cet exposé vise à présenter un axe des recherches menées en Suède dans le domaine du
paysage, soit comment l'évolution des transports et de la vitesse a transformé le paysage et quelles
sont les interactions entre les changements de la politique des transports et l'évolution du paysage.
La notion d'accessibilité est essentielle pour expliquer le développement des transports
modernes. En effet, ce développement s'est attaché à rechercher l'augmentation de la vitesse de
déplacement dans le but d'accroître l'accessibilité des espaces au plus grand nombre. L'idée générale
de cette politique est qu'il existe des liens entre l'accessibilité, la mobilité et la vitesse. En effet,
lorsque l’on augmente l’accessibilité à un lieu, on modifie ce dernier. L’existence et l'importance d’un
lieu est dépendante de la présence ou de l’absence de personnes en activité, donc de leur mobilité pour atteindre ce lieu. La planification des transports modernes visait à des améliorations générales
mais du fait de la confusion entre les notions de mobilité et d'accessibilité, elle a plutôt favorisé
certains espaces, certaines populations et certaines activités. Comme le démontre l'analyse de la
distribution spatiale des réseaux de transport des années 1940 à aujourd'hui, l'augmentation de la
vitesse a permis de joindre Stockholm et Malmö plus rapidement mais cela au détriment d'autres
dessertes en réduisant leur accessibilité. Cette focalisation sur l'idée d'accessibilité et de vitesse est
présente dans l'historique de la planification des transports en Suède.
En Suède, la construction de routes destinées aux automobiles a débuté au début du XXème
siècle. Ces réalisations étaient essentiellement le fait des fermiers, premiers utilisateurs du réseau
pour leur activité. Contrairement au réseau français, le réseau suédois s'est tout d'abord mis en place à un niveau local. Déjà, la recherche de la vitesse était omniprésente comme l'illustrent des
plaquettes publicitaires de l'époque véhiculant l'idée de voler littéralement au travers du paysage.
Pendant les années 1920-1940, la saisonnalité d'entretien des routes est remise en question et leur
accessibilité redéfinie. Les conditions climatiques allant d'un extrême à l'autre, il est nécessaire de
tenir compte des variations et des conditions locales lors de la planification des transports. Par
exemple, dans certains endroits, une route doit être adaptée à l’enneigement pour accueillir le
transport en traineau. La mise en place au niveau régional de routes d'été et de routes d'hiver crée
une séparation du pays avec les premières situées essentiellement dans la partie sud de la Suède.
Dès cette période, le réseau des routes est classifié en routes locales, régionales et nationales, par
échelle d'importance selon la vitesse de déplacement adoptée sur chacune. Dans les années 1930, la route devient un objet clairement défini, en termes légaux aussi bien sur des cartes que sur le
terrain. Le but est désormais de séparer les usages des routes, en particulier la circulation agricole
des autres types de transport. Les routes de cette époque sont en effet de largeur hétérogène.
Recouverte de neige l’hiver, à nu l’été, la route ne se distingue pas vraiment du champ et ses limites
sont floues. De plus, il est difficile de trouver des documents légaux comme le cadastre en cas de
litige. Toujours à la même période, l'obsession de culture du trafic est remplacée par celle de sécurité
du trafic, une nouvelle morale ajustée à l'idée vitesse et au droit exclusif de la route pour
l'automobile. Le nouveau mot d'ordre est l'introduction du concept de sécurité pour la réalisation
des routes. Ce principe se matérialise dans la conception du réseau routier. Durant les années 1920-
1940, les routes suédoises ont donc connu de profondes transformations. Tout d'abord, les routes basiques, gérées localement, selon la saisonnalité sont devenues essentiellement des routes d'été,
pensées régionalement et de haute qualité. A l'origine élément intégré des activités environnantes,
notamment agricoles, la route est devenue un espace limité et défini. Construites au départ selon
une multitude de variables, les routes sont désormais conçues uniquement autour des limitations de
vitesse. A l'initiative des fermiers, les premières routes sont réalisées grâce à des matériaux locaux
puis progressivement planifiées au niveau national, leur mode de construction s'est standardisé. Les
32
premières routes étaient considérées comme un espace commun, multifonctionnel, dédié à tous les
usages puis elles sont devenues des espaces exclusifs, monofonctionnels, pour le transport sécurisé à
grande vitesse. Des lieux véritables sont devenus désormais des corridors. L'étude des photographies
aériennes révèle l'organisation du réseau de routes fondée une différenciation selon la vitesse. Ce sont ainsi les grandes voies qui structurent et délimitent les paysages périurbains.
La différenciation du réseau de routes basée sur la vitesse est une conception qui commence
seulement à être remise en cause aujourd’hui pour la planification des transports. Dans le contexte
de développement durable, les réflexions autour des modes de déplacements alternatifs amènent à
repenser la politique des transports. Le développement des voies vertes amènent d'ailleurs à revenir
sur les critères oubliés des routes du début du XXème siècle. Ainsi les variations saisonnières sont à
nouveau prises en compte pour la mise en œuvre des voies vertes, considérées comme des espaces
limités et définis mais intégrés aux activités environnantes, seulement c'est l'automobile qui en est
désormais exclue. La réalisation de ces voies est spécifique aux usages, en particulier basée sur la
limitation de la vitesse et utilise des matériaux de construction locaux. Planifiées localement, ces voies vertes sont, à l'opposé des routes, de véritables lieux de vie, des espaces communs et
multifonctionnels, c'est-à-dire dédiés à divers usages.
Toutefois, il est nécessaire d'approfondir les études sur la planification des transports
modernes afin de révéler son ambiguïté envers le paysage. L'exemple des voies vertes illustre
comment la perspective contemporaine des routes modernes est ancré dans notre société. Les
notions d'accessibilité et d'autres concepts doivent être redéfinir afin d'analyser d'un point de vue
critique la planification des transports modernes. Planifier l'accessibilité à un niveau global se révèle
impossible. De plus, des études historiques sont indispensables pour trouver des moyens alternatifs
pour comprendre les liens les transports, les routes, la vitesse et les lieux et pour trouver des solutions pour le développement d'un réseau de transport durable. L'augmentation de la vitesse et
de l'accessibilité à l’échelle nationale a diminué la mobilité et l'accessibilité à échelle locale mais s'il
on considère qu'il y a un siècle les voitures n'existaient pas, les endroits les plus isolés sont plus
accessibles qu'avant l'automobile même si certains subissent les effets des grandes voies rapides.
B. La réappropriation des chemins oubliés en Belgique
Par Andy Vandevyvere
Andy Vandevyvere, spécialiste de la sociologie urbaine, est le coordinateur de l'association Trage
wegen vzw.
Organisation belge à but non lucratif créée en 2002, Trage wegen vzw56
a pour objet la
protection des chemins lents existants, la restauration ou la reconstruction de ceux disparus et leur création dans la région des Flandres en Belgique. Elle regroupe une quarantaine d'associations
actives dans divers domaines : environnement, architecture du paysage, loisirs, conservation du
patrimoine, etc. Elles agissent ainsi de manière complémentaire et multifonctionnelle autour d'une
problématique commune.
En Belgique, on s'accorde à définir les chemins lents comme des voies publiques de
différentes natures, situées tant en milieu urbain que rural, et dédiées à un usage non-motorisé. Cet
héritage ancien décline progressivement et continuellement, du fait de multiples pressions et
contraintes. Le trafic automobile grandissant, d'anciens sentiers ont été transformés en route,
d'autres déconnectés ou obstrués, d'autres privatisés ou clôturés. Parallèlement, l'intensification de
l'agriculture et l'augmentation des surfaces exploitées accentuent le déclin de ces chemins. Par ailleurs, ces chemins subissent la pression de l'étalement urbain, les effets d'un système permissif de
planification et la négligence des autorités locales quant à leur entretien. Cette combinaison de
facteurs provoque ainsi une perte importante de connectivité du réseau. Pourtant, on observe un
regain d'intérêt pour ceux-ci du fait des opportunités qu'ils offrent. Traduisant une réelle demande
sociale, ces chemins lents ne sont pas exclusivement réservés à la randonnée. Ils sont sollicités pour
d'autres raisons de déplacement, en milieu urbain notamment. Employés à de nombreux usages, ils
56
http://www.tragewegen.be/
33
sont porteurs des enjeux et des valeurs du développement durable. D'une part, ils favorisent les
mobilités douces. D'autre part, ils véhiculent les notions de protection de l'environnement, par
exemple pour le maintien des trames vertes et de la qualité des paysages. Ils constituent aussi des
outils économiques pour l'agriculture. L'existence des chemins lents reflète les changements de perceptions des besoins en termes d'accessibilité et de prise en compte du paysage. Toutefois, le
tissu existant de chemins lents n'est qu'une part minuscule du réseau potentiel. Il subsiste encore
des doutes quant à l'accessibilité publique de beaucoup de ces chemins. Ces constats font des
chemins lents un outil politique pour certaines collectivités locales qui considèrent désormais leur
réhabilitation comme un moyen de développement pour l'avenir. Dans le cadre d'initiatives de ce
genre, Trage wegen vzw joue un rôle de conseiller, d'accompagnateur et de médiateur. Pour la
réappropriation de ces chemins lents, un document juridique ancien est la référence en Belgique. Il
s'agit de l'Atlas des routes vicinales résultant d'une vaste opération de cartographie du réseau de
routes et de chemins publics, de 1841 à 1845. Les procédures législatives relatives à leur privatisation
ou à leur suppression y sont inscrites. Chaque collectivité locale en Belgique possède un extrait de l'Atlas, couvrant son territoire. Cependant, il existe de sérieuses discontinuités entre les statuts des
chemins dans cet atlas et leur réelle accessibilité sur le terrain. On peut donc supposer que les
chemins cartographiés, dont l'utilisation publique n'a jamais été formellement suspendue, sont
encore accessibles aujourd'hui. En réalité, beaucoup de ces routes ont cessé d'être praticables mais
possèdent toujours un statut légal qui peut permettre leur restauration. Pour beaucoup de
collectivités, mettre en place une politique de réhabilitation des chemins lents implique la remise en
cause des positions laxistes passées qui ont engendrées la disparition de chemins lents sur leur
territoire.
Pour stimuler le développement et l'utilisation de chemins lents, Trage Wegen vzw propose
l'élaborer un plan de réhabilitation et de développement des chemins lents au niveau local. Un projet de chemins lent se construit sur la base d'un partenariat engageant des autorités locales, des parties
prenantes telles que les associations, les usagers et Trage Wegen vzw. L’organisation intervient en
appui au déroulement du processus. Elle n'a en aucun cas l’objectif d'imposer la restauration d'un
chemin à une population mais cherche plutôt à identifier les souhaits de celle-ci. Il ne s'agit pas non
plus de réhabiliter de façon systématique les chemins disparus ou acquis illégalement. En adoptant
une vision à long terme, l'association plaide pour une approche intégrée reflétant les enjeux et les
interactions multiples liés aux chemins lents en termes de loisirs, d’écologie, de mobilité, de
conservation du patrimoine, d’usage agricole entre autre. Un projet se fonde sur les habitudes, les
expériences et la connaissance de la population locale utilisant des chemins lents au quotidien. La
principale volonté est de sensibiliser le public et de lui faire prendre conscience du rôle primordial des chemins lents dans le contexte du développement durable de leur territoire. Chaque projet se
compose de plusieurs étapes. Au départ, un groupe technique de travail restreint est formé en
mobilisant des volontaires. La première phase consiste à cartographier, sur une partie du territoire
communal délimitée au préalable, le réseau des chemins lents existants. Ensuite, grâce aux données
de l'Atlas des routes vicinales, de cartes topographiques et administratives, les chemins
théoriquement présents sont repérés. C'est à cet instant qu'apparaissent les chemins lents oubliés. La carte théorique obtenue est alors analysée par comparaison avec la réalité du terrain. Les
attributs du chemin sont relevés : accessibilité, largeur, surface, obstructions possibles, etc. Cette
phase de terrain nécessite une mobilisation considérable de volontaires. Les résultats des relevés de
terrain sont ensuite condensés dans une nouvelle version de la carte de projet permettant d'établir une distinction entre les chemins accessibles et les chemins problématiques. De plus, les éléments
générateurs de mobilité douce sont notés comme les écoles, les pôles touristiques et de loisirs, les
correspondances de transport en commun, par exemple. Cette carte offre une vision d'ensemble de
la situation du réseau existant et du réseau potentiel de chemins lents. Lors d'une première réunion,
la carte ainsi que les enjeux du projet sont présentés à un plus large public. Une copie de la carte et
un questionnaire sont remis à chacun afin de prendre un temps de réflexion quant aux suggestions à
émettre pour le projet de réhabilitation et développement des chemins lents sur le territoire
concerné. Ils sont ainsi encouragés à identifier les qualités et défauts du réseau et à informer les
autorités de situations d'usage problématiques. Cette enquête publique n'est en rien la soumission d'un plan d'action préétabli mais permet la construction commune du projet dans lequel les
34
propositions de décisions correspondent à la réalité des besoins. Deux à trois mois plus tard, les
suggestions sont commentées et discutées lors d'une seconde réunion publique. Trage wegen vzw
met l'accent sur une négociation basée sur la construction d'un consensus. Effectivement, tous les
chemins lents ne sont pas destinés aux mêmes usages et usagers d'où la nécessité de trouver un accord satisfaisant l'ensemble des acteurs du processus. Par exemple, un chemin de campagne se
prête volontiers à une promenade et à la randonnée, tandis qu'un chemin pavé représente peut-être
un accès sécurisé privilégié pour se rendre au travail ou à l'école. Suite aux délibérations, un rapport
de recommandations spécifiques croisant les demandes et les besoins de chacun est produit.
Quelques suggestions sont apparues récurrentes lors des différents projets déjà menés : restaurer ou
réhabiliter des chemins lents oubliés, décourager les décharges d'ordures sauvages, faciliter les
passerelles entre chemins, enlever les différentes obstructions (barrières, extensions de jardin, etc.),
élaborer des conventions pour l'entretien et pour le maintien du passage, compléter les connexions
fragmentées ou discontinues du réseau, limiter l'utilisation de certains chemins lents à certaines
catégories d'utilisateurs, afficher une signalétique, etc. Enfin, les décideurs doivent approuver le rapport et développer des stratégies de mise en œuvre. Basé sur les propositions des utilisateurs
locaux, un plan d'action départemental peut être élaboré, comprenant les modalités de financement
nécessaires à la construction, à la conception, à l'entretien, à la gestion, à l'application de la loi et
l'organisation des travaux. Sur le terrain, cela se traduit concrètement par la création de connexions
entre des chemins existants, la réouverture de chemins tombés en désuétude par le biais de
pourparlers avec des propriétaires fonciers voisins, l'aménagement de chemins existants, la mise en
place de panneaux augmentant la lisibilité des itinéraires, la mise en place d'aménagement pour la
protection des ressources naturelles, etc. La signalétique d'un chemin est particulièrement
importante car elle facilite son appropriation. En effet, la destination publique du chemin devient alors apparente, limitant fortement les risques qu'il soit de nouveau privatisé, clôturé, labouré ou
oublié dans l'avenir. Comme elles sont élaborées en fonction du contexte local, les suggestions du
public sont mieux considérées par les décideurs locaux. Les aménageurs peuvent alors développer
des chemins lents adaptés aux circonstances locales, aux comportements et aux attitudes existantes.
Les nouveaux itinéraires créés ont alors davantage de chance être utilisés et appréciés.
Cette expérience encore récente suscite l'émergence de nouvelles problématiques. Il s'avère
que la mise en pratique des recommandations est loin d'être aisée. Parfois, la volonté de faire
machine arrière sur les attitudes permissives qui ont conduit à la disparition de chemins lents fait
défaut. D'autres fois, la faisabilité du projet est limitée par des questions budgétaires, légales,
politiques ou techniques. De plus, les négociations restent difficiles avec les propriétaires fonciers. Ces contraintes risquent de décevoir quant aux espérances émises en début de projet. Pour que ce
type de processus réussisse, l'engagement fort des usagers locaux et l'approbation des décideurs
sont fondamentaux. Par ailleurs, il se révèle nécessaire d'agir au-delà du fossé rural-urbain. En effet,
la Flandre se présente comme un secteur rurbain polynucléaire. Il est important de saisir les
occasions pour permettre de combiner aménagement paysager urbain et mobilité urbaine durable.
L'appui dans les zones urbaines et périurbaines reste relativement plus important pour la
réappropriation de chemins lents que dans les régions où l'espace libre est considérablement occupé
par l'agriculture. Le chemin représente un lieu significatif. Il ne mène pas seulement à des endroits
mais reflète aussi tant les pratiques quotidiennes que les représentations symboliques des individus.
Il est donc nécessaire d'associer la perception des chemins lents (vécue, sensorielle, esthétique, affective, etc.) et la réalité du chemin comme lieu.
35
IV. Programme Paysage et développement durable : les autres projets en interaction
A. Les trames vertes dans les paysages : fonctions sociales et écologiques
Par Jacques Baudry et Laure Cormier
Jacques Baudry, directeur de recherche en écologie du paysage au sein de l'unité Sad-Paysage de
l'INRA de Rennes, est responsable scientifique du projet. Il est aussi coordinateur de la Zone Atelier de
Pleine-Fougères
Laure Cormier, doctorante en géographie à AGROCAMPUS OUEST au centre d'Angers-INHP, mène des
recherches pour sa thèse sur la gestion des trames vertes en milieu périurbain.
Le concept de trames vertes a beaucoup évolué avant d'aboutir à l'acception actuelle. Depuis
une dizaine d'années, ce terme est largement employé chez les aménageurs et aujourd'hui mobilisé
dans le cadre du Grenelle de l'environnement.
En France, la notion de trame verte renvoie à un maillage continu d'espaces naturels et/ou
agricoles, les définitions variant selon les documents d'urbanisme et selon la vision des aménageurs.
Au niveau international, trame verte ou greenway qualifie « un réseau d'espaces linéaires qui est
conçu, planifié et géré à différentes fins : écologiques, récréatives, culturelles, esthétiques ou tout
autre objectif compatible avec la notion d'usage durable du territoire »57. Cette définition développe
une problématique multifonctionnelle qui intègre la notion de développement durable du territoire.
La trame verte est de ce fait un concept multiscalaire qui se décline du niveau régional au niveau
local58. Débuté en 2007, le Grenelle de l'environnement consacre un axe spécifique aux trames vertes
et préconise la réalisation de schémas régionaux de cohérence écologique à adapter ensuite à
l’échelle des agglomérations dans les documents d’urbanisme.
La genèse des trames vertes trouve ses origines dans l'aménagement des villes nord-
américaines de la fin du XIXème siècle. Cette philosophie de connexion d'espaces verts en milieu
urbain est introduite dès 1867 aux Etats-Unis, par des architectes paysagistes tel Olmstead puis en
Angleterre avec Howard et sa cité-jardin. En France, l'intérêt pour les trames vertes décline après la seconde guerre mondiale, les préoccupations s'orientant vers la reconstruction. Vers les années
1970, la montée des inquiétudes environnementales entraîne l’émergence d’une prise de conscience
de la fragmentation des habitats. Elle est influencée par l'écologie du paysage qui, à cette période,
développe les concepts de connectivité des espaces et des corridors et par un regain d'intérêt pour la
notion de trame verte dans la planification urbaine comme en témoigne la mise en place des
schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme de la région parisienne en 1976 et de Rennes en
1983. Les mots ‘trame verte’ apparaissent alors clairement dans les documents d'urbanisme. En
France, la trame verte devient une notion valorisée par le développement durable autant dans les
projets territoriaux (région, Parcs Naturels Régionaux, etc.) que dans la planification écologique au
niveau national (Grenelle de l’environnement). Elle devient un véritable leitmotiv : d'un concept discret et non médiatisé, on se trouve face à un concept désormais omniprésent dans les projets
d’aménagement. Cette normalisation pose alors des questions quant à son l’efficacité réelle. La
mutation du concept de trame verte a été particulièrement prononcée, traduisant le passage d’un
simple objectif à de multiples objectifs : d'une idée de linéaire végétal liant parcs reflétant une
certaine vision hygiéniste, l'attention s'est ensuite portée sur la protection de la biodiversité pour
devenir un espace de loisirs, de protection environnementale, de déplacements alternatifs et de
régulation urbaine. En agglomération, la trame verte apparaît le moyen de lier urbanité et ruralité
comme en témoigne sa déclinaison sémantique : coulée verte, infrastructure verte, liaison verte,
coupures vertes. Ces termes sont associés à différents objets du paysage : parcs, parcelles agricoles
périurbaines, base de loisirs, zone humide, forêt, bocage, etc. L’objectif est d’homogénéiser les différents types d’espaces pour les fédérer sous une même politique.
57
Ahern J., 1995, Greenways as a Planning Strategy, Landscape and Urban Planning, vol. 33, pp. 131-155. 58
Fabos J.G., Ryan R.L. (2004) International greenway planning: an introduction, Landscape and Urban
Planning, vol. 68, pp. 143-146
36
Le projet Trames vertes partage une zone d'étude avec le projet Les chemins du paysage, le
paysage des chemins, la zone atelier de Pleine-Fougères. Les autres travaux de recherche menés se
situent sur une partie du territoire ligérien des basses vallées angevines et dans les zones
périurbaines de Rennes et de Marne-la-Vallée. Ce projet s'intéresse essentiellement aux structures linéaires végétales type haies et bandes enherbées. Tout comme celui des chemins, il concentre ses
efforts sur l'interdisciplinarité autour de concepts socio-écologiques. Il mobilise ainsi diverses
disciplines telles que l'écologie, la géographie, l'anthropologie, le droit, l'ethnologie afin de construire
des objets d'études communs. Véritable héritage culturel, ce type de haies d'émonde existe parfois
depuis le néolithique. Naturellement, leurs traces ne sont pas visibles mais, grâce aux cernes de
croissance des arbres, on peut lier les pratiques d’émondages du Moyen-âge avec les pratiques
actuelles. La continuité de ces structures leur donne toute leur importance dans l'histoire des
paysages ruraux.
Avec l'affirmation de la demande sociale en paysage, ces structures agraires apparaissent
comme des éléments identitaires forts, notamment en territoires périurbains. L'urbanisation discontinue crée en effet une mosaïque, où les paysages ruraux pénètrent dans les villes et vice-
versa. Ainsi, concernant des haies rurales, on observe de plus en plus leur maintien lors de la création
de lotissements en espace agricole. Ces trames vertes participent avant tout à l'amélioration
paysagère du cadre de vie des habitants, qui exercent alors une forte pression auprès des
agriculteurs pour leur préservation. En milieu périurbain, des études s'intéressent aux haies de
lotissements et aux relations entre les pratiques des résidents et l’état de biodiversité. Les
observations menées révèlent par exemple que la conservation des ragosses de l'aire périurbaine de
Rennes soulève de nombreux problèmes. N’appartenant plus au domaine privé d'agriculteurs, leur
émonde doit être prise en charge par des services techniques municipaux ou communautaires qui ne sont pas forcément formés à cette technique et qui n'ont pas non plus idée de leur mode de
conservation. De plus, l'établissement de lotissement provoque un tassement du sol qui n’est pas
forcément bénéfique aux racines de ces arbres. Le paysage se dote alors d'une multitude de formes
de ragosses alors qu'auparavant celles-ci étaient entretenues selon un modèle traditionnel
normalisé. En espace rural, la gestion des haies a aussi fortement évolué vers des formes mécanisées
d'entretien comme le montre l'examen des photographies aériennes de la zone atelier. On
dénombre une diminution drastique de la longueur des haies émondées annuellement. De nouvelles
pratiques de gestion des haies apparaissent. Traditionnellement, le tronc était entièrement émondé.
Aujourd'hui par exemple, les branches susceptibles d'occasionner une gêne pour le passage du
matériel agricole peuvent être taillées sauf celles du sommet. On note aussi l'apparition d’émondage en été, en pleine phase de végétation. Cette pratique existait autrefois mais seulement pour les
arbres fourragers et non pour la production de bois. Auparavant, les pratiques d'émonde étaient
réglées par des normes très fortes, dans les us et coutumes ayant force de loi et dans les baux
ruraux. Désormais, chaque agriculteur adapte ses pratiques à son propre environnement.
Autre élément du paysage, récent celui-ci, la bande enherbée est désormais obligatoire d’un
point de vue juridique dans le cadre de l’allocation des aides de la Politique Agricole Commune (PAC)
aux exploitations agricoles, et vont le devenir dans le cadre de la directive européenne nitrates. La
perception de ces bandes enherbées par les agriculteurs s'est modifiée par rapport aux débuts de
leur imposition dans les pratiques agricoles. Dans le cadre de la Zone Atelier de Pleine-Fougères, des
travaux de recherche ont pris appui sur la mise en place de ce nouvel élément de trame verte dans le paysage, pour évaluer les convergences ou divergences de points de vue entre agriculteurs et
chercheurs, afin d’améliorer les propositions de gestion. A l'origine, les agriculteurs se sont soumis
aux règles édictées alors qu’ils étaient opposés à leur mise en place, les considérant comme une
contrainte pour leur activité. Les chercheurs, quant à eux, ont été surpris par le caractère imposé de
cette mesure et par la réaction des agriculteurs. La formalisation de cet objet d'étude leur ouvre de
nouvelles perspectives pour la recherche en environnement. Depuis un an environ, une coopération
se met en place via l'installation de bandes expérimentales dans les exploitations d’agriculteurs
volontaires. Les relations entre les agriculteurs et les chercheurs au travers de leurs discussions à
propos de ces bandes enherbées ont fortement évoluées.
37
Les trames vertes sont avant tout reconnues pour leurs fonctions écologiques : conservation
de la nature, protection des sols et de l'eau, préservation d'écosystèmes, etc. L'enjeu de qualité de
l'eau apparaît primordiale dans le Grenelle de l'environnement et de ce fait, de nombreuses
politiques publiques prônent la complémentarité des trames vertes et bleues (cours d'eau, zones humides, etc.). Dans le projet Trames vertes, leur rôle est étudié d'un point de vue systémique, les
haies ne sont pas considérées comme des éléments indépendants, isolés des champs et des
successions culturales. L'incidence des récoltes successives des parcelles adjacentes aux haies est
effectivement importante sur la présence de certaines espèces plus que l'usage du moment. La
succession des cultures joue un rôle important dans la présence ou non de certaines espèces comme
les coléoptères, indicateurs biologiques fiables. L'histoire des fauches, des pâtures, des pulvérisations
d'herbicides, des labours est plus explicative que les pratiques actuelles sur l'abondance de certaines
espèces. L’étude des pratiques agricoles et de leur histoire est essentielle pour comprendre les
motifs actuels de la distribution des espèces. D'autres hypothèses, sur l'influence écologique des
trames vertes, sont posées dans ce projet : la densité des trames vertes dans le paysage est-elle un facteur clé pour la distribution des espèces et pour la préservation d'écosystèmes ? Quelle est
l’influence sur la biodiversité d’un bocage avec une forte densité de haies ou celle d’un bocage avec
une faible densité de haies ? Pour de nombreuses espèces, un paysage à grain fin présente un
meilleur habitat. Lorsque le paysage s’ouvre, le rôle de régulation des haies diminue. Ainsi, on
observe une colonisation plus importante des pucerons sur les céréales en paysage ouvert. Pour
l’approche écologique des trames vertes, la forte variabilité liée à la gestion contraint à pratiquer des
observations à plusieurs échelles. Pour cela, les données de la télédétection sont mobilisées afin de
détecter des bordures de champs boisées. La cartographie de terrain représente un lourd travail sur
l’étendue du territoire local, d'où la question de savoir si l'utilisation des capteurs et de leurs images satellites est pertinente d’un point de vue écologique aux échelles locales. Il n'est pas prévu une
cartographie fine des haies mais une identification de structures paysagères pertinentes pour la
biodiversité.
Au final, il ne faut pas considérer les trames vertes comme des unités autonomes dont les
caractéristiques écologiques ne peuvent être analysées que par échantillonnage mais comme des
unités incorporées dans les hiérarchies spatio-temporelles de systèmes socio-écologiques, dont les
caractéristiques doivent être évaluées en tenant compte des héritages, des paysages et des modes
de gestion. Cette étude permet de dégager des pistes pour intégrer ces trames vertes dans la
planification et la gestion du paysage mais soulève aussi diverses interrogations. Ainsi, quelles
méthodes participatives mettre en place dans la conception des plans d'aménagement paysagers ? De nombreux guides proposent de mobiliser des bases scientifiques pour proposer des plantations et
d'utiliser des méthodes participatives pour permettre aux populations d’exprimer leurs points de
vue. Toutefois, cela pose le problème des méthodes participatives qui ne permettent pas à tous les
acteurs d’exprimer leur point de vue et de la vulgarisation des connaissances scientifiques.
Actuellement, la notion clé de réseau de trames vertes et bleues est ancrée dans le discours politique
mais comment la traduire au niveau institutionnel et comment, en mobilisant la concertation et les
compétences juridiques, peut-on arriver à une politique concrète de trame verte ? De plus, les
discours actuels s'intègrent dans les diverses hiérarchies institutionnelles et reflètent ainsi des points
de vue se positionnant à de multiples échelles. A l'échelle européenne est mise en place la stratégie
paneuropéenne pour la biodiversité. A l’échelle nationale, la loi Voynet de 1999 propose des schémas de services collectifs des espaces naturels et ruraux en référence aux réseaux écologiques et
le Grenelle de l’environnement demande une cartographie régionale des trames vertes. A l’échelle
régionale, quelques régions développent depuis le milieu des années 1990 la notion de trames vertes
et tentent de la traduire dans leurs politiques départementales (Nord-Pas-de-Calais, Alsace, Rhône-
Alpes). A l’échelle départementale, l’Isère met en place une politique de classement des espaces
agricoles en espaces corridors dans les Plans Locaux d'Urbanisme afin de stopper l’urbanisation.
Enfin, à l’échelle de parcs naturels régionaux (massif central, Normandie Maine) ou encore à l’échelle
des agglomérations (Lyon, Rennes, Angers) les réflexions autour de cette notion sont en cours sans
toutefois être véritablement concrétisées. Selon ces niveaux de réflexion, les trames vertes peuvent
se classer en deux catégories. Les trames vertes comme maillage écologique, dont le but est de favoriser la biodiversité en luttant contre la fragmentation des habitats, à échelle nationale et
38
régionale, en s'appuyant sur des outils de cartographie SIG ainsi que des indicateurs de résultats. Le
vocabulaire associé à cette notion est alors restreint au champ lexical scientifique. On parle de
corridor, de noyau. Cette conception s'appuie sur les travaux de l'écologie du paysage. D'un autre
côté, les trames vertes sont associées à un réseau plus ou moins physiquement connecté d’espaces « naturels » et agricoles dont l'objectif est de favoriser le cadre de vie et enrayer le mitage urbain des
espaces périurbains. Cette vision se décline souvent dans le discours mais se traduit à échelle locale
sans exigences ou cohérences écologiques fortes et est finalement peu prise en compte dans la
traduction du projet. Ces trames vertes sont structurées autour d’éléments paysagers tels que les
bois, les chemins de promenades, les zones humides. Le vocabulaire associé est large : coupure
verte, liaison verte, infrastructure verte, etc. Les recherches s'orientent donc actuellement sur le
transfert des connaissances scientifiques vers l'aménagement, en développant, par exemple, des
scénarios visuels intégrant à la fois les dimensions sociales et écologiques de ces trames vertes.
Dans ce projet, l'étude des éléments du paysage prouve la nécessité de la recherche
interdisciplinaire, puisqu'ils sont tous formés par des règles juridiques, sociales et techniques qui influent, à différentes échelles spatio-temporelles, sur leurs fonctions écologiques et les services
qu'ils fournissent. Le paysage permet de dépasser les logiques sectorielles et de considérer l’espace
dans sa globalité. L'interdisciplinarité est nécessaire pour comprendre les facteurs de production
d’un paysage de trames vertes, quels sont les éléments qui le construisent, à quelles fins, etc.
Ce projet permet d'articuler les facteurs de dynamiques des trames vertes (physiques,
économiques, sociaux, politiques, démographiques, historiques, écologiques, de représentations de
l’espace) qui entrent en jeu dans la production de leurs fonctions en terme de développement
durable - sociale (aménités paysagères, marquage de territoire), économique (production de bois,
activités de loisirs), écologique (biodiversité, services écosystémiques).
B. L'organisation de l'entretien de la voirie locale en milieu rural
Par Olivier Aznar, Laurence Amblard et Hélene Revol
Olivier Aznar, chercheur en économie rattaché au Cemagref, coordonne les recherches sur l’approche
économique des éléments du paysage que sont les routes et les chemins.
Laurence Amblard, chercheuse en économie rattachée au Cemagref, est essentiellement en charge
de la deuxième phase de l'étude.
Hélène Revol, ingénieur d'études à l'Enita de Clermont-Ferrand, a participé au projet à lors de ces
travaux de fin d'études.
Dans le cadre du programme Paysage et développement durable, le projet Les nouveaux
enjeux économiques des actions paysagères : éléments pour une nouvelle orientation de l’économie
du paysage rassemble des enseignants-chercheurs en économie du Cemagref, de l'Institut National
d'Horticulture, de l'université de Nantes, de l'université de Vienne en Autriche et de l'Unité Mixte de
Recherche Métafort de Clermont-Ferrand. Ces derniers s'intéressent au volet Analyse économique de
l’offre d’entretien du paysage rural : organisations et emplois de ce projet disciplinaire. L'UMR
Métafort rassemble une soixantaine de chercheurs issus de diverses structures. Le lien conséquent
de ce projet avec celui Les chemins du paysage, le paysage des chemins, a suscité des hésitations
quant à une possible association des recherches. Elle ne s'est finalement pas concrétisée mais les
échanges réguliers entre les deux équipes garantissent une complémentarité des deux projets59. Les
chercheurs de l'UMR Métafort s'intéressent donc à l'organisation de l’entretien de la voirie locale en
milieu rural, c'est-à-dire à la façon dont les sociétés se structurent pour mener à bien l’entretien et dont la coordination est instaurée, et à la position des agriculteurs par rapport à cette
problématique. L'objectif n'est pas d'évaluer la valeur du paysage mais plutôt de déterminer les flux
économiques réels et les contrats qui participent à la gestion de ce paysage.
La première phase de l'étude s'intéresse à toute voie, quelque soit son statut juridique, ne
ouverte et utilisable par le public mais qui ne permet pas le déplacement à longue distance et ne
59
Voir partie I. E. Diversité des pratiques d’entretien des bords de chemins et de routes, pp. 12-14
39
relève pas de la gestion du département, de la région ou de l'Etat. Elle est donc centrée sur les voies
communales, les chemins ruraux, les chemins privés ouverts au public et les chemins d’exploitation
agricoles ou forestiers. Différents constats ont servi de base pour formuler des hypothèses sur
l'organisation de l'entretien de la voirie locale. D'une part, le développement de la campagne non plus seulement comme espace productif pour l'agriculture mais aussi comme cadre de vie pour de
nouveaux résidents et pour les loisirs amène les communes à être le support de nouveaux usages
collectifs de la voirie. D'autre part, dans un contexte de décentralisation territoriale, la compétence
de la voirie en matière d'entretien et d'aménagement est déléguée aux intercommunalités, en lien
étroit avec la compétence tourisme par l'aménagement des sites, notamment le long des chemins
(signalétique, parking, mobilier, etc.). Dans ce contexte, l'étude pose les questions suivantes : quel
est le mode de gestion de cette voirie locale à usage collectif ? Quels sont les acteurs impliqués ?
Comment sont réparties les tâches ? Deux domaines théoriques de l'économie sont mobilisés pour
émettre des hypothèses de travail : celui de l'économie des services pour l'identification des acteurs
et celui de l'économie des coûts de transaction. Le premier soulève l'hypothèse que l'entretien de la voirie est considéré comme un service et fait donc intervenir des commanditaires - qui seraient
principalement les communes et groupement de communes, et des prestataires. Le deuxième mène
à penser que les services d'entretien font l'objet d'une internalisation en mobilisant le personnel et le
matériel des collectivités ou d'une externalisation en faisant appel à des prestataires tels que des
entreprises de travaux publics, des associations locales d'usagers, des agriculteurs, etc. La vérification
de ces hypothèses est basée sur des enquêtes et statistiques menées auprès des maires et des
services techniques de trois communes du Puy-de-Dôme. Le choix de celles-ci s'est fait selon des
critères différenciatifs. Situées sur le territoire du parc naturel régional, elles appartiennent à trois
communautés de communes différentes : l'une d'elle est orientée vers le tourisme, une autre a essentiellement une fonction résidentielle et la troisième est une commune agricole isolée. Le
traitement de l'information est à la fois qualitatif grâce au enquêtes par entretiens semi-directifs et
quantitatif grâce aux renseignements chiffrés de fiches techniques relatives aux opérations
d'entretien. Ce dispositif de recherche amène plusieurs conclusions. Tout d'abord, l'entretien de la
voirie est diversifié entre les communes étudiées. Les communes ont souvent en charge l’entretien
de la voirie, qu'elles réalisent personnellement pour les aménagements connexes et la signalisation
ou emploie à un prestataire dans le cas de la réfection de voies. Les agriculteurs sont très peu
impliqués dans l’entretien, du fait du facteur limitatif du temps ainsi que d’un manque de
coordination avec les mairies. Par contre, les associations locales des usagers de la voirie sont
généralement fortement impliquées, notamment pour le balisage et le débroussaillage des chemins utilisés pour la randonnée, effectués par des bénévoles. Le parc naturel régional intervient, quant à
lui, sur les espaces classés en zones naturelles protégées. Des conventions avec le Conseil Général
sont aussi engagées. Ensuite, on constate que le choix de l’externalisation ou de l’internalisation
dépend des compétences techniques internes de la commune, selon l'importance de sa taille de ses
moyens. Par contre, la spécificité du matériel employé ne constitue pas un critère discriminant.
Cependant, les acteurs et les institutions impliqués sont nombreux, ce qui crée un enchevêtrement
des compétences, lié à la décentralisation territoriale et de ce fait, un manque de coordination des
organismes intervenant dans l'entretien de la voirie locale. Généralement, même si des services
techniques sont présents dans la majorité des collectivités, près de deux tiers des opérations
relevées sont externalisées. Certaines passent sous le couvert d'arrangements comme un échange de services. Ce comportement s'observe aussi sur la zone atelier de Pleine-Fougères, où quelques
communes passent des accords tacites avec la communauté de communes pour l'entretien. Enfin, il
apparaît un manque de connaissance certain du statut de la voirie. On constate le même problème
au niveau du cadastre. Malgré ces résultats, quelques limites sont à noter : l'étude n'est pas assez
précise pour dissocier les différents facteurs expliquant l'arbitrage du choix entre internalisation ou
externalisation et les motivations des différents acteurs ne sont parfois pas clairement identifiables.
La deuxième phase de l'étude vise à identifier les facteurs impliqués dans le choix des
communes commanditaires entre les différents modes d'organisation pour l'entretien des chemins.
L'analyse repose sur la théorie des coûts de transaction, c'est-à-dire à un arbitrage entre le coût de
production et le coût de la transaction associé à ce service, sachant que la commune vise à diminuer les coûts. La recherche d'une économie d'échelle influence donc le choix des communes
40
d'internaliser ou d'externaliser l'entretien, si elles mobilisent directement leur régie interne ou bien
délèguent l'entretien à un prestataire extérieur. L'étude postule que si le service suppose un
investissement important en matière de compétences techniques ou de matériel, la commune
choisira de faire appel à un prestataire. On suppose aussi que le gain des coûts de production variera pour certains services spécifiques en fonction de la taille de la collectivité, d'où l'intervention du
critère des ressources financières disponibles. Cette deuxième partie de l'étude portera aussi sur les
coûts de contractualisation. On émet l'hypothèse qu'ils sont potentiellement importants selon
l'incertitude du service considéré, comme par exemple la difficulté de mesurer la qualité de
l'entretien, et par conséquent pourrait provoquer un comportement opportuniste du prestataire. A
ce propos, Laurence Le Du-Blayo signale que la question de la qualité écologique ne se pose pas
toujours aux collectivités et n’est pas toujours mentionnée dans le cahier des charges de l’entretien.
Il se peut même que le prestataire se sente plus concerné par l'impact de son travail que le
commanditaire. Christophe Codet souligne qu'il est difficile pour un prestataire non spécialisé de
nuancer ses pratiques pour diminuer les coûts de prestations. Ces différents points de vue rappellent l'intérêt de l'interdisciplinarité des recherches. Enfin, cette étude cherchera à déterminer si le niveau
de spécificité des compétences à mobiliser crée une dépendance bilatérale, d'où une possibilité
d'augmentation des coûts. L'objectif est de tester l’ensemble des facteurs par l’organisation de la
collecte de données des services d’entretien au sein d’un échantillon d'une quarantaine de
communes et par l'évaluation des caractéristiques - qualité, spécificité, investissement nécessaire -
de quatre types de services, élagage, débroussaillage, balisage et réfection des voies.
41
CONCLUSION :
Chaque intervention, chaque discussion et chaque débat menés lors de ce séminaire marque
l’intérêt de mobiliser une approche interdisciplinaire pour l’étude du paysage et de ses objets tels le
chemin. Le paysage ordinaire est avant tout un paysage d’activités humaines, qui, occulté autrefois,
prend toute sa dimension par la mise en commun des recherches dans différents domaines.
Le programme de recherche Les chemins du paysage, le paysage des chemins touche bientôt
à sa fin. Ce séminaire a permis de mieux articuler les diverses approches de chaque discipline et d’en
dégager les liens les plus conséquents. De plus, les apports d’intervenants étrangers enrichissent les
réflexions et favorisent les comparaisons des expériences entre pays, en particulier dans le contexte
de la convention européenne du paysage. Ce séminaire a aussi fait émerger de nouvelles orientations
et démontre ainsi que l’exploration de la thématique des chemins est loin d’être terminée. Par
exemple, il serait intéressant de mettre en regard l’évolution des chemins et celle de l’habitat,
élément structurel fort du paysage. En ce qui concerne la zone atelier de Pleine-Fougères, les
chemins de fonds de vallée sont typiques d’une activité intense passée. Aujourd’hui beaucoup de
sièges d’exploitation et d’anciens moulins de fonds de vallée ne sont plus en activité ou sont devenus des résidences secondaires. Ce phénomène, fortement influant pour l’accessibilité et la connectivité
d’un réseau, semble systématique. Il serait utile d’approfondir les recherches en ce sens afin d’en
vérifier l’importance.
Le droit de chemin n’a pas été traité lors du séminaire mais au fil des interventions, il est
apparu que le cadre légal des chemins était densément fourni mais qu’il était pourtant peu mobilisé.
Dans la pratique, nombre de régularisation de situations conflictuelles se résolvent à l’amiable. Le
refus d’un aménagement traduit souvent la peur du changement et sera mal perçu en cas d’emploi
de méthodes coercitives. Pour les politiques publiques, il apparaît plus judicieux d’élaborer les
projets d’aménagement du paysage en coopération avec les parties concernées que de leur imposer.
De plus, l’appropriation de ces actions n’en sera que plus aisée. En France, ce phénomène d’arrangement à l’amiable est réellement remarquable d’un point de vue sociologique par rapport à
la Belgique où est mise en place une vraie procédure de concertation et de négociation. Toutefois,
certains publics sont souvent exclus de ce genre de processus. Dans le paysage français, le chemin
représente un espace d’entre-soi et d’intérêts communs. Il fait l’objet d’accords tacites sans valeurs
juridiques. Le problème de pérennisation des chemins sur le cadastre reste réel, notamment pour la
question de la transmission des biens. En Belgique, suite aux discussions, les accords sont formalisés
alors qu’en France les négociations verbales, parfois inégales, ne sont inscrites nulle part. Toutefois,
on constate un nombre grandissant d’enregistrements chez les notaires, dû notamment à l’arrivée de
nouvelles populations dans les espaces ruraux. Il est rare que les conflits autour d’un bien soient
gérés comme tel. Le statut du chemin est essentiel pour la régulation des usages car il symbolise un espace à part …
42
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4. MEMOIRES DANS LE CADRE DU PROGRAMME « PAYSAGE ET DEVELOPPEMENT DURABLE »
BARRAY F., en cours, Corrélation des structures du réseau de haies et de chemins sur la communauté
de communes de Bécherel, master 2 géographie, université Rennes 2
ESNAULT A., en cours, Evolution diachronique des changements du réseau bocager de la
communauté de communes du Pays de Bécherel, master 2 géographie, université Rennes 2
FREMY D., 2008, Méthode de caractérisation de la circulation agricole et de son influence sur la
gestion territoriale des exploitations agricoles : approche par le réseau des voies de communication,
master 2 géographie, université Rennes 2
LE JELOUX A., en cours, Mise en œuvre du volet 2 Breizh Bocage à l’échelle de deux territoires : étude
comparée, master 2 géographie, université Rennes 2
MANCEAU M., 2007, Evolution diachronique des réseaux de routes et chemins - Accès aux paysages
ruraux ordinaires - « Les chemins du paysage, le paysage des chemins » : exemple de la commune de
Réguiny (56), master 2 géographie, université Rennes 2
PASQUIER L., 2007, Le réseau des chemins à Sainte Marie : évolution et état des lieux, master 2
géographie, université Rennes 2
PICKEROËN M., 2006, Les chemins du paysage et le paysage des chemins : méthodes d’évaluation de
la qualité paysagère des chemins de randonnées en Côtes d’Armor, master 2 géographie, Rennes 2
QUIMBERT E., 2006, Diagnostic et étude prospective des cheminements piétons : étude de cas de
Saint Armel, master 2 géographie, université Rennes 2
VAPPREAU K., 2008, Accès aux paysages ruraux ordinaires - Evolution diachronique des réseaux de
routes et chemins : analyse comparative de Guern et de Réguiny (56), master 2 géographie, université
Rennes 2
45
Annexe 1 : Programme du séminaire
9h30 Accueil des participants
10h00 LES CHEMINS DU PAYSAGE, LE PAYSAGE DES CHEMINS - 1
• Laurence Le Du-Blayo Enseignant-chercheur en géographie - Laboratoire Costel - UMR LETG - université Rennes 2
Présentation du projet « Les chemins du paysage, le paysage des chemins »
10h15 • Mathilde Manceau Vacataire sur le programme « Paysage et développement durable »
Synthèse bibliographique
10h30 • Claudine Thenail et Donovan Frémy Chargée de recherche en agronomie - INRA-SAD Paysage - Rennes
Etudiant de Master de géographie - université Rennes 2
Les réseaux de circulation agricole : des territoires au paysage
• Claudine Thenail et Christophe Codet Chargée de recherche en agronomie - INRA-SAD Paysage - Rennes
Technicien de recherche « enquêtes et observations sur les pratiques agricoles » - INRA-SAD Paysage -
Rennes
Diversité des pratiques d’entretien des bords de chemins et routes
11h00 Pause - café
11h15 • Yvon Le Caro Enseignant-chercheur - Laboratoire RESO - université de Rennes 2
Les chemins, porte ouverte sur l’espace agricole
11h45 Discussion
12h30 Déjeuner
14h00 LES CHEMINS DU PAYSAGE, LE PAYSAGE DES CHEMINS - 2
• Didier Le Cœur Maître de conférences en écologie des peuplements végétaux - Agrocampus Ouest - INRA-SAD Paysage -
Rennes
Ecologie des chemins
14h30 PAYSAGES ET CHEMINS AU QUOTIDIEN
• Jacques Lemaître Ancien vice-président de la fédération française de la randonnée pédestre
La qualité et la variété des paysages : des critères essentiels pour la création d’itinéraires de randonnée
15h00 Discussion
15h45 Pause - café
16h00 CONTEXTES A L’ETRANGER
• Mattias Qviström
Associate professor - Department of Landscape Architecture - Swedish University of Agricultural
Sciences
Materialising speed: an analysis of hundred years of landscape change in a peri-urban area in southern
Sweden.
16h30 • Andy Vandevyvere et Steven Clays Coordinateur - Trage wegen vzw - Belgique
Hydrogéologue - Trage wegen vzw - Belgique
Cette ONG œuvre pour la conservation et le développement multifonctionnel de chemins lents. Leur
méthode se base sur un partenariat avec les collectivités locales, les usagers, les habitants et Trage
Wegen vzw. A partir d’une cartographie du réseau, les demandes et propositions sont prises en
compte, discutés et décidées grâce à un important processus de concertation.
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17h00 Discussion
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9h00 Départ de Rennes - Villejean
10h00 COMMUNAUTE DE COMMUNES DU PAYS DE BECHEREL
• Olivier Lelièvre
Technicien du service environnement de la communauté de communes
• Maryvonne Texier
Mairesse de Saint-Brieuc des Iffs / commission environnement de la communauté de communes
Commune de Romillé
→ Haie sur talus restaurée le long d’un chemin, au bord d’un cours d’eau
• Patrick Souben
Conseiller municipal de Saint-Pern / commission environnement de la communauté de communes /
technicien de la Draf / membre de l’association « Animation sentiers et patrimoine »
La connexion entre le réseau de haies et celui des chemins ou les chemins comme outil, support de
restauration du bocage.
Commune des Iffs ou de La Chapelle-Chaussée
→ Entretien des chemins : visite du chantier d’insertion de l’association « Déclic »
• Gilles André
Coordinateur-encadrant de l’association « Déclic »
Les chemins d’un point de vue social (réinsertion) et économique (création d’emploi, coûts de gestion
et d’entretien,…). Les modes d’entretien.
12h30 DOL-DE-BRETAGNE
Déjeuner à la crêperie « Le Dol’Mene aux saveurs »
14h30 COMMUNAUTE DE COMMUNES DE LA BAIE DU MONT SAINT-MICHEL
Découverte de trois chemins à la flore différente
→Chemin de bocage dense à la flore de type forestière
→Chemin de bocage moyen-dense à la flore perturbée (flore adventice) et aux usages multiples
(bétail, randonneurs, quads…)
→Chemin de paysage ouvert à la flore de type prairiale
• Jean-Luc Roger
Technicien de recherche «Observations biologiques»- INRA-SAD Paysage - Rennes
• Didier Le Cœur Maître de conférences en écologie des peuplements végétaux - Agrocampus Ouest - INRA-SAD
Paysage - Rennes
Roz-sur-Couesnon
→Panorama : vue sur la baie du Mont Saint-Michel
• Arnaud Niveau
Technicien du service environnement de la communauté de communes
• Jean-Pierre Héry
Vice-président de la communauté de communes
Les sentiers d’interprétation : les chemins sont un outil au service du développement local car ils
permettent la découverte et l’appropriation d’un territoire
18h30 LE MONT SAINT-MICHEL
Quartier libre sur le Mont
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20h30 Dîner au Restaurant « La Digue »
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10h00 PROGRAMME « PAYSAGE ET DEVELOPPEMENT DURABLE » : AUTRES PROJETS EN INTERACTION
• Jacques Baudry et Laure Cormier
Directeur de recherche en écologie du paysage - INRA-SAD Paysage - Rennes
Doctorante en géographie - Agrocampus Ouest - Centre d’Angers - INHP
Projet « Trames vertes »
Trames Vertes : fonctions sociales et écologiques
10h30 • Olivier Aznar, Laurence Amblard et Hélène Révol (en visioconférence)
Ingénieur-chercheur - UMR Métafort - Cemagref - Clermont-Ferrand
Chargée de recherche en économie - UMR Métafort - Cemagref - Clermont-Ferrand
Ingénieur d’études - UMR Métafort - Enita - Clermont-Ferrand
Projet « Les nouveaux enjeux économiques des actions paysagères : éléments pour une nouvelle
orientation de l’économie du paysage »
Organisation et entretien de la voirie en milieu rural
11h00 Pause - café
11h30 Discussion
12h30 Déjeuner
14h00 PAYSAGES ET CHEMINS AU QUOTIDIEN
• Jacqueline Lebert Chargée de la politique randonnée - Conseil général des Côtes d’Armor
La gestion durable et solidaire des chemins de randonnée et son impact sur le paysage - exemple des
Côtes d’Armor
14h30 LES CHEMINS DU PAYSAGE, LE PAYSAGE DES CHEMINS - 3
• Laurence Le Du-Blayo et Kévin Vappreau Enseignant-chercheur en géographie - Laboratoire Costel - UMR LETG - université Rennes 2
Vacataire sur le programme « Paysage et développement durable »
La dynamique spatiale des réseaux de chemins - La cartographie diachronique et fonctionnelle des
réseaux de chemins à partir de différents cas concrets nous permet de dresser une première analyse
spatiale des chemins, de leur insertion dans les mutations du territoire rural (structure du réseau,
connectivité) et de leurs adaptations à la demande en paysage (lien avec le réseau bocager).
15h00 • Véronique Van Tilbeurgh Enseignant-chercheur - laboratoire Costel - UMR LETG - université Rennes 2
L’intégration sociale des chemins et de leurs réseaux
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16h00 Discussion
Recommended