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Introduction à la Nano-électronique
Généralités – Rappels
1. Qu'est-ce que la nano-électronique ?
2. Rappels sur les bases de la mécanique quantique
Ce paragraphe résume de façon très succincte et avec peu de démonstrations les concepts de base de la mécanique quantique et leurs principales conséquences qui seront utiles pour la suite de ce cours. On peut en trouver les détails dans les ouvrages tels que "Mécanique quantique", C. Cohen-Tannoudji, B. Diu, Laloë, Ed. Hermann (1973).
2.1. Equation de Schrödinger pour une particule
A toute particule d'énergie E et de quantité de mouvement pr est associée une onde de pulsation
hE=ω et de vecteur d'onde hrrpk = . La longueur d'onde correspondante, dite longueur d'onde
de de Broglie, est donc :
kπλ 2
= (2.1)
C'est en l'observant à une échelle en deçà de sa longueur d'onde que les propriétés ondulatoires de la particule sont susceptibles de se manifester. Pour donner un exemple (en anticipant ce que nous verrons dans le cas des cristaux semiconducteurs), considérons un électron de masse 0m et
d'énergie =E 25 meV. Sa longueur d'onde est alors nm7,72 0 == Emhλ . Si la masse effective
de l'électron est 02,0 mm = (silicium), sa longueur d'onde devient nm17≈λ à même énergie.
A toute particule est associée une fonction d'onde ( )tr ,rΨ qui caractérise entièrement son état (c'est-à-dire qu'elle contient toute l'information qu'il est possible de connaître sur la particule) et qui
représente physiquement son amplitude de probabilité de présence. Ainsi, ( ) rdtr rr 3*2, ΨΨ=Ψ
est la probabilité de trouver la particule entre rr et rdr rr+ à l'instant t . La particule devant
nécessairement se trouver quelque part, sa fonction d'onde doit être normalisée de telle sorte que :
( ) 1, 32 =ΨΨ=Ψ∫ rdtr rr (2.2)
Introduction à la nanoélectronique 2
Soit m la masse de la particule ; la fonction d'onde est alors solution de l'équation de Schrödinger :
( ) ( ) ( ) ( )trtrVtrm
trt
i ,,,2
, 22 rrrrhr
h Ψ+Ψ∇−=Ψ∂∂
(2.3)
où ( )trV ,r est le potentiel ressenti par la particule (terminologie couramment utilisée en
physique mais il s'agit en fait d'une énergie potentielle) et 2222222 zyx ∂∂+∂∂+∂∂=∆=∇r
est l'opérateur laplacien.
Dans le cas classique, l'état d'une particule est déterminé par les 6 paramètres caractérisant sa position et sa vitesse dont l'évolution dans le temps définit une trajectoire. En revanche, l'état d'une particule quantique est déterminé par une infinité de paramètres qui sont les valeurs de sa fonction d'onde aux divers points de l'espace. La notion de propagation de l'onde associée à la particule doit alors être substituée à la notion de trajectoire classique.
2.2. Potentiel indépendant du temps – Etats stationnaires
Si le potentiel (scalaire) vu par la particule est indépendant du temps, c'est-à-dire ( ) ( )rVtrV rr=, ,
on montre que l'on peut séparer les variables d'espace et de temps sous la forme :
( ) ( ) ( )tirtr ω−Φ=Ψ exp, rr (2.4)
où ( )rrΦ vérifie l'équation :
( ) ( ) ( )rrrVm
rh
rrrhΦ=Φ⎥
⎦
⎤⎢⎣
⎡+∇− ω2
2
2 (2.5)
Une telle fonction d'onde ( )tr ,rΨ est alors dite solution stationnaire de l'équation de
Schrödinger. La densité de probabilité de présence ( ) ( ) 22, rtr rrΦ=Ψ est indépendante du temps.
L'onde se propage avec une pulsation unique ω qui doit vérifier l'équation (2.5). Un état stationnaire est donc un état d'énergie bien définie ωh=E .
On appelle hamiltonien l'opérateur différentiel linéaire H définit par :
( )rVm
H rrh+∇−= 2
2
2 (2.6)
L'équation (2.5) peut donc s'écrire comme une équation aux valeurs propres, appelée équation de Schrödinger indépendante du temps :
( ) ( )rErH rrΦ=Φ ou encore Φ=Φ EH (2.7)
Les énergies possibles de la particule sont les valeurs propres de son hamiltonien H dont les fonctions ( )rrΦ sont les fonctions propres (ou états propres Φ ).
Principe de superposition : toute combinaison linéaire de fonctions propres de H est une fonction propre de H.
Introduction à la nanoélectronique 3
2.3. Observables
Toute grandeur physique mesurable est décrite par un opérateur agissant dans l'espace des états (fonctions d'onde). Cet opérateur est l'observable associée à la grandeur physique. Toute mesure de cette grandeur ne peut donner comme résultat qu'une des valeurs propres de cette observable.
Soit une grandeur d'observable A, de vecteurs propres nu associés aux valeurs propres na .
Lors de la mesure de cette grandeur sur un système dans l'état Φ la probabilité ( )naP d'obtenir
comme résultat la valeur na est :
( ) 2Φ= nn uaP
L'observable associée à l'énergie totale est l'hamiltonien H défini par la relation (2.6).
L'observable associée à la quantité de mouvement est ∇−=r
hr ip .
L'observable associée à l'énergie cinétique est 222
22∇−=
mmp h
.
Pour un système dans l'état Φ on définit également la densité de courant de probabilité :
[ ]**2
1Φ∇Φ−Φ∇Φ=rrhr
miJ (2.8)
Cette définition découle de la conservation locale de la probabilité de présence ( )trP ,r . On
obtient alors l'équation de continuité ( ) 0, =⋅∇+∂∂ JtrPt
rrr.
2.3. Relations d'incertitude de Heisenberg
Il découle du caractère ondulatoire d'une particule une propriété spécifique de la mécanique quantique : il est impossible de définir à un instant donné à la fois la position de la particule et son impulsion (quantité de mouvement) avec une précision arbitraire. Le produit des incertitudes sur la position x∆ et sur l'impulsion p∆ a en effet une limite inférieure imposée par la relation suivante, dite relation d'incertitude de Heisenberg :
h≥∆⋅∆ px (2.9)
Nous verrons une illustration de cette importante relation dans un cas de paquet d'ondes en 2.4. En trois dimensions, cette relation s'applique aux trois jeux de coordonnées : ( )xpx, , ( )ypy, ,
( )zpz, . Il existe une autre relation d'incertitude très importante pour un système qui évolue dans le temps, c'est la relation d'incertitude temps-énergie : si t∆ est un intervalle de temps au bout duquel le système (ou la particule) a évolué de façon significative et si E∆ est l'incertitude sur l'énergie du système, le produit t∆ E∆ a lui aussi une limite inférieure. Cette limite est fixée par la relation :
h≥∆⋅∆ Et (2.10)
Il est clair qu'un système qui se trouve dans un état propre de son hamiltonien a son énergie parfaitement définie, c'est-à-dire 0=∆E . Un tel état est stationnaire et le système n'évolue pas (ou son temps d'évolution est infini).
Introduction à la nanoélectronique 4
Cette relation (2.10) est très importante en nanoélectronique pour l'étude de l'évolution des systèmes quantiques instables (les systèmes parfaitement stables n'ayant aucun intérêt pratique) et des temps caractéristiques de cette évolution (temps de traversée d'une barrière tunnel, par exemple).
2.4. Particule libre – Paquet d'ondes
Considérons une particule de masse m dans un espace à une dimension (1D) où son énergie potentielle est uniformément nulle, c'est-à-dire ( ) 0, =txV . C'est donc une particule libre. L'équation de Schrödinger indépendante du temps (2.7) correspondante se réduit donc à :
( ) ( )x
xdxd Em Φ−=
Φ2
22
2
h (2.11)
qui a pour solution toute fonction de la forme :
( ) xkieAx =Φ avec 22h
Emk = (2.12)
ce qui correspond à une onde plane :
( ) tixki eeAtx ω−=Ψ , (2.13)
où k et ω sont liés par la relation : mk
2
2h=ω (2.14)
Toutefois, à l'onde plane correspond une densité de probabilité 22 A=Ψ uniforme sur tout
l'espace. Ainsi, l'incertitude sur la position de la particule est totale, alors qu'en revanche on connaît parfaitement son vecteur d'onde k (et par conséquent sa pulsation ω et son énergie E). Une telle fonction d'onde, qui n'est pas de carré sommable, ne peut pas représenter un état physique, ce qui est fort dommage car, mathématiquement, c'est un objet assez simple à manipuler. Pour construire une fonction d'onde acceptable physiquement nous allons utiliser le principe de superposition : toute combinaison linéaire de fonctions propres de l'hamiltonien est une fonction propre de cet hamiltonien.On décrit une particule libre par une combinaison d'ondes planes de la forme :
( ) ( ) ( )∫+∞
∞−−=Ψ dkeekgtx tkixki ω
π21, (2.15)
( )kg
k
k∆
0k
La fonction ( )kg décrit la forme du paquet d'ondes. Notons qu'ainsi définie, elle n'est rien d'autre que la transformée de Fourier de ( )0,xΨ .
Supposons que son module ( )kg présente un
pic de largeur k∆ en 0kk = (Figure 2.1). Pour
un paquet gaussien, k∆ représente habituellement la largeur sur laquelle ( )kg
décroît de 1/e. Dans un cas général, on peut considérer la largeur à mi-hauteur. Soit ( )kα
l'argument de la fonction ( )kg , c'est-à-dire : Figure 2.1. Allure de la fonction ( )kg
Introduction à la nanoélectronique 5
( ) ( ) ( )kiekgkg α= (2.16)
Si on suppose k∆ suffisamment petit, on peut développer ( )kα autour de 0kk = :
( ) ( ) ( )000 kkxkk −−≈αα avec 0
0kkdk
dx=
⎥⎦⎤
⎢⎣⎡−=α
(2.17)
On peut alors écrire la fonction d'onde (2.15) à l'instant 0=t sous la forme :
( )( )( )
( ) ( ) ( )∫∞+
∞−−−
+=Ψ dkekgex xxkki
kxki00
00
20,
π
α (2.18)
En 0xx = , la fonction à intégrer sur k n'oscille pas, les différentes contributions s'ajoutent et le
module de la fonction d'onde est maximal. Mais si 0xx − est grand, la fonction à intégrer oscille
rapidement avec k et les contributions s'annulent les unes les autres (interférences destructives). La position 0x est donc le centre du paquet d'onde. La décroissance du module de ( )0,xΨ lorsque x
s'écarte de 0x est significative si ( ) 10 ≥−⋅∆ xxk (ce qui correspond à au moins une oscillation).
Ainsi, si x∆ est la largeur spatiale du paquet d'onde, on a la relation approximative :
1≥∆⋅∆ xk (2.19)
qui est à rapprocher de la relation générale d'incertitude de Heisenberg (2.9).
Evolution dans le temps du paquet d'ondes :
Une onde plane de la forme (2.13) se déplace sur l'axe Ox avec la vitesse, dite vitesse de phase :
( )mk
kE
kkv
2h
h===
ωϕ (2.20)
Ainsi, dans un paquet d'ondes, chaque composante a une vitesse différente. On s'intéresse alors à la vitesse du maximum du paquet d'ondes, c'est-à-dire de l'endroit de l'espace où les composantes interfèrent de façon constructive. Pour déterminer la position ( )txm de ce maximum à l'instant t, on
peut procéder de la même façon que pour déterminer sa position 0x à 0=t (relation 2.17). Pour
passer de ( )0,xΨ à ( )tx,Ψ , il suffit de remplacer ( )kg par ( ) ( )tikg ω−exp . On peut donc obtenir
( )txm en remplaçant dans (2.17) ( )kα par ( ) ( ) tkk ωα − . On obtient :
( )00 kkkk
m dkdt
dkdtx
==⎥⎦⎤
⎢⎣⎡−⎥⎦
⎤⎢⎣⎡=
αω (2.21)
D'où la vitesse du maximum du paquet d'ondes, appelée vitesse de groupe :
( )mp
mk
dkdkv
kkg
000
0
==⎥⎦⎤
⎢⎣⎡=
=
hω (2.22)
On a donc ( ) ( )00 2 kvkvg ϕ= .
Introduction à la nanoélectronique 6
De plus, la vitesse de groupe du paquet d'onde est la même que la vitesse d'une particule classique d'impulsion 0p et de masse m, c'est-à-dire de la particule que le paquet d'ondes est censé
représenter sous une forme ondulatoire.
C'est un premier aspect de la différence ou de la limite entre physique classique et physique quantique :
- Lorsque l'on peut se contenter de décrire une particule comme un point qui se déplace à la vitesse de groupe de son paquet d'ondes, on reste dans l'approximation classique.
- Lorsqu'il faut distinguer les différentes composantes du paquet d'onde de la particule, on doit étudier sa dynamique quantique.
Relation d'incertitude temps-énergie pour le paquet d'ondes :
A l'incertitude en impulsion kp ∆=∆ h (relation 2.19) correspond une incertitude en énergie E∆ . En effet, étant donné les relations kp h= et ωh=E et (2.22), on a :
pvpkd
dppdEdE g ∆=∆=∆=∆
ω
Par ailleurs, le temps d'évolution t∆ caractéristique du paquet d'ondes est le temps mis par ce paquet pour défiler à la vitesse gv en un point de l'espace. Si x∆ est l'extension spatiale du paquet
d'ondes, on a :
gvxt ∆
=∆
D'où finalement la relation d'incertitude que l'on peut rapprocher de (2.10) :
h≥∆⋅∆≈∆⋅∆ xptE (2.23)
2.5. Les cas simples : états stationnaires pour des potentiels carrés 1D
Propriétés de continuité des fonctions d'onde :
Même en présence d'une discontinuité finie du potentiel ( )xV , la fonction d'onde ( )xΦ doit être suffisamment régulière pour assurer la continuité de la probabilité de présence et du courant de probabilité. Si la discontinuité de potentiel sépare deux milieux ou la masse effective de la particule est différente, ces deux conditions entraînent :
( )xΦ et ( )xdxd
mΦ1
sont continues (2.24)
Bien sûr, si la masse ne change pas de part et d'autre de la discontinuité de potentiel, on considère que c'est la fonction d'onde et sa dérivée qui sont continues.
Introduction à la nanoélectronique 7
2.5.1. Etats liés dans un puits carré
x
0V
( )xV
0V
2a
2a
−
I II III
0
On considère le puits carré de potentiel de la figure 2.2, avec une largeur a et une hauteur
0V . On ne s'intéresse ici qu'au cas où l'énergie
est inférieure à cette hauteur ( )0VE < . On
distingue trois régions (I, II et III) dans lesquelles nous devons résoudre l'équation de Schrödinger indépendante du temps (2.7).
Figure 2.2. Schéma du puits carré de potentiel
En (I) et (III) : ( ) Φ−=Φ EVm
xdd
022
2 2h
(2.25a)
En (II) : Φ−=Φ Em
xdd
22
2 2h
(2.25b)
On pose : ( )EVm−= 02
2h
ρ et Emk2
2h
= (2.26)
Les solutions dans les milieux I, II et III sont alors respectivement :
( )( )( )⎪
⎪⎩
⎪⎪⎨
⎧
′+=Φ
′+=Φ
′+=Φ
−
−
−
xx
xkixki
xx
eBeBx
eAeAx
eBeBx
ρρ
ρρ
333
222
111
(2.27)
Les constantes d'intégration 1B , ′1B , 2A , ′
2A , 3B et ′3B sont à déterminer de façon à assurer
les conditions de continuité (2.24). On peut déjà remarquer que, la fonction d'onde devant être
bornée dans les régions I et III, on a nécessairement 031 ==′ BB . La continuité de ( )xΦ et de sa
dérivée en 2ax −= et 2ax = impose la condition suivante :
( )akikiki 2exp
2=⎟⎟
⎠
⎞⎜⎜⎝
⎛+−
ρρ
(2.28)
Cette relation ne peut être satisfaite que pour certaines valeurs de k et de ρ , c'est-à-dire pour certaines valeurs de l'énergie E. Les conditions physiques imposées à la fonction d'onde conduisent ainsi à la quantification de l'énergie. L'équation (2.28) a deux types de solutions, correspondant aux
deux systèmes (avec 200 2 hVmk = ) :
⎪⎪⎩
⎪⎪⎨
⎧
>⎟⎠⎞
⎜⎝⎛
=⎟⎠⎞
⎜⎝⎛
02
tan
2cos
0
ak
kkak
ou
⎪⎪⎩
⎪⎪⎨
⎧
<⎟⎠⎞
⎜⎝⎛
=⎟⎠⎞
⎜⎝⎛
02
tan
2sin
0
ak
kkak
(2.29)
Introduction à la nanoélectronique 8
aπ aπ2 aπ3 aπ4 aπ500
1
Vecteur d'onde k
Figure 2.3. Résolution graphique des sytèmes d'équations (2.29).
Les systèmes (2.29) peuvent être résolus graphiquement sur la Figure 2.3 où l'on a tracé en fonction de k un exemple des fonctions
( )2cos ak , ( )2sin ak et de la droite 0kk .
Les niveaux d'énergie sont déterminés par les valeurs de k correspondant aux intersections de la droite avec les fonctions sinusoïdales. Ces intersections sont marquées par des points noirs. Les fonctions d'onde associées sont alternativement paires (1er système) et impaires (2ème système).
Cas du puits infini :
On se place maintenant dans le cas très idéalisé où ∞=0V . Ainsi la fonction d'onde doit être
nulle partout, sauf dans la région II du puits, l'intervalle [ ]0, a (changement d'origine). La nullité de
la fonction d'onde aux bornes de cet intervalle entraîne 22 AA −=′ (donc ( ) 2 sinx i A k xΦ = ) et
( ) .0sin =ak Ainsi, les valeurs de k possibles vérifient la relation :
a
nk π= (2.30)
où n est un entier positif. Les énergies quantifiées et les fonctions d'onde stationnaires normalisées correspondantes sont donc de la forme :
2
222
2 amnEn
hπ= , ( ) 2 sinn
n xxa a
π⎛ ⎞Φ = ⎜ ⎟⎝ ⎠
(2.31)
On vérifie facilement (sur la figure 2.3) que lorsque l'on fait tendre la profondeur du puits 0V
(donc 0k ) vers l'infini, on retrouve les niveaux d'énergie du puits infini.
Le résultat important de cet exemple est que lorsqu'une particule est confinée dans un espace étroit (par rapport à sa longueur d'onde), ses niveaux d'énergie accessibles sont quantifiés et parfaitement déterminés. Les fonctions d'onde associées sont réelles, ce qui donne lieu à un courant de probabilité partout nul. Ces états sont appelés états liés (sous-entendu liés au puits).
2.5.2. Barrière carrée de potentiel
x
0V
( )xV
I II III
00 a
On considère maintenant le cas d'une barrière carrée de largeur a et de hauteur 0V ,
comme indiqué sur la figure 2.4. Nous allons étudier la propagation d'une onde incidente venant de la droite dans les deux cas où l'énergie E est supérieure ou inférieure à 0V .
Ces deux cas permettent d'illustrer deux phénomènes ondulatoires importants : la résonance et l'effet tunnel.
Figure 2.4. Barrière carrée de potentiel
Introduction à la nanoélectronique 9
a) Résonance ( )0VE >
Dans les trois régions (I, II et III) l'énergie est supérieure au potentiel. Les solutions de l'équation de Schrödinger y sont donc de la forme :
( )( )( )⎪
⎪⎩
⎪⎪⎨
⎧
′+=Φ
′+=Φ
′+=Φ
−
−
−
xkixki
xkixki
xkixki
eAeAx
eAeAx
eAeAx
11
22
11
333
222
111
avec
( )⎪⎪⎩
⎪⎪⎨
⎧
−=
=
022
21
2
2
VEmk
Emk
h
h (2.32)
Dans le cas d'une onde plane incidente venant de la gauche, on a 03 =′A . En appliquant les lois
de continuité (2.24) en 0=x et en ax = , on obtient les coefficients de réflexion et de transmission R et T du courant de probabilité :
( )
( )
22 2 2 21 2 21
22 2 2 2 211 2 1 2 2
sin
4 sin
k k k aAR
A k k k k k a
⎡ ⎤′ −⎣ ⎦= =⎡ ⎤+ −⎣ ⎦
(2.33)
( )( )
( ) ( )( )
2 2 23 1 2
22 2 2 2 211 2 1 2 2
0
2 20 0 0
4
4 sin
4
4 sin 2
A k kT
A k k k k k a
E E V
E E V V m E V a
= =⎡ ⎤+ −⎣ ⎦
−=
− + − h
(2.34)
On vérifie facilement que 1=+TR . Comme l'illustre la figure 2.5a, pour des valeurs données de E et 0V , le coefficient de transmission représenté en fonction de la largeur a oscille
périodiquement entre 1 et une valeur minimale ( )[ ] 10
20min 41
−−+= VEEVT . La condition de
résonance 1=T apparaît chaque fois que a est un multiple de la demi longueur d'onde dans la région II, ce qui correspond physiquement à l'établissement d'un système d'ondes stationnaires dans cette région. On observe également ces résonances lorsque l'on trace T en fonction de l'énergie pour une largeur de barrière donnée (figure 2.5b). Il est à noter que ces résultats ne dépendent pas du signe de 0V .
T
1
00 2kπ 22 kπ 23 kπ
minT
Largeur de barrière a
0
1
0,8
0,6
0,4
0,2
Energie E (eV)
a = 5 nm
eV10 =V
1 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5
Figure 2.5a. Coefficient de transmission en fonction de la largeur de barrière pour
eV2,1=E et eV10 =V .
Figure 2.5b. Coefficient de transmission de la barrière en fonction de l'énergie pour
eV10 =V et nm5=a .
Introduction à la nanoélectronique 10
b) Effet tunnel ( )0VE <
La fonction d'onde dans la région II est alors de la forme :
( ) xx eBeBx 22 222 ρρ −′+=Φ avec ( )EVm−= 022
2h
ρ (2.35)
Un calcul analogue au cas précédent conduit à l'expression suivante du coefficient de transmission :
( ) ( )
( )
( ) ( )( )
2 2 23 1 2
22 2 2 2 211 2 1 2 2
0
2 20 0 0
4
4 sinh
4
4 sinh 2
A kT
A k k a
E V E
E V E V m V E a
ρ
ρ ρ ρ= =
+ +
−=
− + − h
(2.36)
Dans la barrière, la fonction d'onde a un caractère évanescent de portée 21 ρ qui dépend donc de l'énergie E. Lorsque la largeur de la barrière est inférieure à cette portée, la probabilité de transmission par effet tunnel est non négligeable, comme illustré sur les figures 2.6a et 2.6b.
1
210−
410−
610−0 0,5 1,51
Largeur a (nm)
E = 0.05 eV
E = 0.3 eV
E = 0.8 eV
1
210−
410−
610−
810−
a = 0.5 nm
a = 1 nm
a = 1.5 nm
0 0,2 0,4 0,6 0,8Energie E (eV)
1
Figure 2.6a. Coefficient de transmission tunnel en fonction de la largeur de barrière pour
eV10 =V et différentes valeurs de E.
Figure 2.6b. Coefficient de transmission tunnel de la barrière en fonction de l'énergie pour
eV10 =V et différentes valeurs de largeur a.
Ces exemples illustrent deux résultats importants de la mécanique quantique, nouveaux par rapport à la mécanique classique :
1) Le passage au-dessus d'une discontinuité de potentiel peut donner lieu à une réflexion partielle, alors qu'en théorie classique, il y a transmission totale avec changement d'énergie cinétique.
2) Une barrière de potentiel d'épaisseur finie a une probabilité non nulle d'être franchie, alors que classiquement il y a réflexion totale.
Introduction à la nanoélectronique 11
2.5.3. Marche de potentiel
x
0V
( )xV
I II
00
Ce cas simple et apparemment anodin (figure 2.7) permet d'illustrer facilement un phénomène ondulatoire important : le déphasage subi par une onde pénétrant dans une barrière et le retard de propagation qu'il induit pour l'onde réfléchie. Nous allons l'examiner en détail en étudiant successivement la réflexion d'une onde plane puis d'un paquet d'ondes sur la marche de potentiel.
Figure 2.7. Marche de potentiel
a) Réflexion partielle d'une onde plane ( )0VE >
Les solutions de l'équation de Schrödinger dans les régions I et II sont de la forme :
( )( )⎪⎩
⎪⎨⎧
′+=Φ
′+=Φ
−
−
xkixki
xkixki
eAeAx
eAeAx
22
11
222
111 avec
( )⎪⎪⎩
⎪⎪⎨
⎧
−=
=
022
21
2
2
VEmk
Emk
h
h (2.37)
En utilisant les conditions de continuité habituelles, on détermine les coefficients de réflexion et de transmission du courant de probabilité :
( )221
212
1
1 41kk
kkAAR
+−=
′= et
( )221
212
1
2
1
2 4
kk
kkAA
kkT
+== (2.38)
Remarque : On peut noter que si 0VE >> , on a 21 kk ≈ et 1≈T .
Intéressons-nous maintenant aux coefficients de réflexion r et de transmission t de la fonction d'onde :
21
21
1
1kkkk
AAr
+−
=′
= et 21
1
1
2 2kk
kAAt
+== (2.39)
Le point important à souligner est que ces deux rapports sont réels. La fonction d'onde incidente ne subit donc aucun retard de phase, ni à la réflexion, ni à la transmission. Il s'ensuit que ces deux phénomènes sont instantanés.
b) Réflexion totale d'une onde plane ( )0VE <
Un calcul analogue en remplaçant 2ki− par ( )EVm−= 022
2h
ρ nous donne les coefficients
de réflexion de la fonction d'onde et du courant de probabilité suivants :
21
21
1
1ρρ
ikik
AAr
+−
=′
= et 12
1
1 =′
=AAR (2.40)
Introduction à la nanoélectronique 12
Cette fois, la réflexion est totale, mais le rapport des ondes réfléchie et incidente est complexe : l'onde subit un déphasage qui est dû au retard pris par la particule en pénétrant dans la région II avant d'en ressortir. En mécanique classique, une telle réflexion sur une marche est instantanée.
Cette notion de retard lié au déphasage lors d'une réflexion ou d'une transmission sur ou à travers une barrière est très importante. On le rencontre dans de nombreux problèmes dans les dispositifs électroniques, et a fortiori en nano-électronique. Nous allons maintenant l'expliciter dans le cas d'un paquet d'ondes incident, qui correspond mieux à un vrai problème physique.
c) Réflexion d'un paquet d'ondes
k0
( )kg
0k 0K
Considérons un paquet d'ondes planes venant de la gauche. Chaque onde plane est caractérisée par son vecteur d'onde
22 hEmk = . Par rapport à ce qui précède,
plutôt que la variable 2ρ , nous utiliserons la
variable 200 2 hVmK = . Le paquet d'ondes
est caractérisé par la fonction réelle ( )kg
centrée sur 0k et nulle en 0K (figure 2.8). Figure 2.8. Forme du paquet d'ondes
Ainsi, d'après la relation (2.40), pour chaque composante k le coefficient de réflexion est un nombre complexe de module 1 qui peut être mis sous la forme :
( )( ) ( )
2 201
2 21 0
exp 2k i K kA k
r i kA k k i K k
θ′ − −
⎡ ⎤= = = −⎣ ⎦+ −
(2.41)
A l'instant 0=t et pour 0<x , le paquet d'ondes résultant de la superposition des ondes incidentes et réfléchies s'écrit alors :
( ) ( ) ( )( )∫ −−+=Ψ0
02
210,
Kkixkixki dkeeekgx θ
π (2.42)
Et à un instant t quelconque il devient :
( ) ( ) ( )( ) ( ) ( ) ( )( )∫∫ ++−− +=Ψ00
02
0 21
21,
Kktkxki
Ktkxki dkekgdkekgtx θωω
ππ (2.43)
D'après la relation (2.22), les vitesses de groupe des paquets incident igv et réfléchi
rgv sont
respectivement :
mk
kddv
kkgi
0
0
h=⎥
⎦
⎤⎢⎣
⎡=
=
ω (2.44)
( )
00
2
kkkkg kd
kdtkd
dvr
==⎥⎦
⎤⎢⎣
⎡−⎥
⎦
⎤⎢⎣
⎡=
θω (2.45)
Introduction à la nanoélectronique 13
Nous utilisons l'expression (2.41) pour déterminer la relation liant θ et k :
( )[ ]θθθθθ
tan1tan12sin2cos2exp
2201
2201
iiiki
kKik
kKikr
+−
=−=−=−+
−−=
D'où, par identification, la relation kkK 220tan −=θ , que l'on différencie pour obtenir :
22
0
1
kKkdd
−−=
θ (2.46)
L'expression (2.45) de rgv devient alors :
2
02
0
0 12
kKtmk
vrg
−+−=
h (2.47)
On suppose que le centre du paquet d'ondes incident arrive sur la barrière ( )0=x à 0=t . Les
positions ix et rx du centre des paquets incident et réfléchi sont alors :
⎪⎪⎩
⎪⎪⎨
⎧
−+−=
=
20
20
0
0
2
kKt
mk
x
tmk
x
r
i
h
h
(2.48)
Pour t négatif, la relation (2.48) indique que rx est positif, c'est-à-dire au dehors de la région où l'expression de la fonction d'onde est valable. Il n'y a donc pas dans ce cas de paquet réfléchi.
Pour t positif, c'est le paquet d'onde incident pénètre dans la barrière et disparaît ( ix est positif),
et ce n'est qu'au bout d'un certain temps τ que le paquet réfléchi ressort ( rx est négatif) et se propage vers la gauche à la vitesse donnée par (2.47). Au bout d'un temps suffisamment long, sa vitesse devient égale et opposée à celle qu'avait le paquet incident. Sa forme est inchangée mais il a subit un retard τ dont l'expression est :
2
02
00
22
0 kKk
mkd
dv kkgi −
=⎥⎦
⎤⎢⎣
⎡=
= h
θτ (2.49)
Il est important de noter que mathématiquement ce retard est entièrement lié à la dérivée par rapport à k de la phase θ du coefficient de réflexion en 0kk = , c'est-à-dire au centre du paquet
d'ondes. C'est une propriété souvent utilisée pour étudier les problèmes temporels purement ondulatoires, tel que le temps de traversée d'une barrière tunnel (cas de la fuite tunnel de grille à travers un oxyde mince, par exemple).
Introduction à la nanoélectronique 14
2.5.4. Potentiel lentement variable
x
( )xV
E
Dans le cas présent, "lentement variable" sous-entend "lentement devant la longueur d'onde". Supposons donc qu'une particule se déplace dans un tel potentiel ( )xV avec une
énergie ( )xVE > . Compte tenu de la remarque du 2.5.4.a, on considère dans ce cas que le potentiel peut être assimilé à une succession de petites marches n'ayant pas d'effet sur la fonction d'onde, qui se propage sans interférences avec un coefficient de transmission égal à 1.
Figure 2.9. Potentiel lentement variable
La vitesse de groupe du paquet d'ondes de la particule est alors :
( ) ( )m
xkxvgh
= avec ( ) ( )[ ]2
2h
xVEmxk −= (2.50)
Notons par ailleurs que dans un semiconducteur les interactions subies par l'électron (notamment avec les phonons) font rapidement perdre toute information sur la phase initiale de la fonction d'onde. Cette perte de cohérence de phase annule toute possibilité de construction d'interférences. Dans ce cas, l'électron peut être considéré comme une particule classique avec la vitesse et le vecteur d'onde donnés par les relations (2.50).
2.6. Les perturbations
La théorie des perturbations est très souvent employée en physique, non seulement car elle permet dans bien des cas de rendre abordables des calculs qui ne le seraient pas autrement, mais surtout car elle constitue une démarche pragmatique : dans l'étude d'un problème on commence par décrire les effets principaux de façon rigoureuse, puis on tente d'introduire des corrections dues aux effets secondaires que l'on a négligés dans un premier temps. C'est pour traiter ces corrections que l'on utilise la théorie des perturbations qui donne des méthodes d'approximation. On distingue deux types de perturbations : les perturbations stationnaires et les perturbations dépendant du temps.
2.6.1. Perturbations stationnaires
Supposons que l'hamiltonien du système étudié peut se mettre sous la forme :
pHHH += 0 (2.51)
où les états et énergies propres de 0H sont connus, et où l'hamiltonien pH , dit de perturbation,
est petit devant 0H , c'est-à-dire que les éléments de matrice de pH sont petits devant ceux de 0H .
Soient 0iΦ les états propres de l'hamiltonien non perturbé 0H de valeurs propres 0
iE . La
théorie des perturbations nous dit alors que la prise en compte de l'hamiltonien de perturbation modifie ces états et énergies propres sous la forme de corrections d'ordre 1, 2, 3,…etc. Ils s'écrivent alors respectivement :
...3210 ++++= iiiii EEEEE (2.52)
Introduction à la nanoélectronique 15
...3210 +Φ+Φ+Φ+Φ=Φ iiiii (2.53)
La correction d'ordre 1 en énergie est donnée par :
001ipii HE ΦΦ= (2.54)
La correction d'ordre 2 en énergie est donnée par :
∑≠
−
ΦΦ=
ij ji
ipji EE
HE 00
2002 (2.55)
La correction d'ordre 1 de la fonction d'onde est donnée par :
000
001
jij ji
ipji EE
HΦ
−
ΦΦ=Φ ∑
≠
(2.56)
On peut remarquer que la correction d'ordre 2 en énergie fait intervenir les mêmes éléments que la correction d'ordre 1 de la fonction d'onde. Ainsi, on fait généralement une correction sur la fonction d'onde d'un ordre immédiatement inférieur à celle sur l'énergie de l'état propre.
2.6.2. Perturbations dépendant du temps
On considère maintenant un système d'hamiltonien 0H ayant des états propres 0iΦ d'énergie
propre 0iE . A l'instant 0=t , une perturbation d'hamiltonien ( )tH p est appliquée au système. Là
encore, ( )tH p est supposé toujours faible devant l'hamiltonien stationnaire 0H .
Dans ce cas, une particule dans l'état propre 0iΦ peut évoluer et passer dans un autre état
propre 0fΦ sous l'effet de ( )tH p . La théorie des perturbations permet de calculer la probabilité
pour que cette transition ait lieu au bout d'un temps t.
La règle d'or de Fermi donne la densité de probabilité par unité de temps ifS pour qu'une
particule dans l'état 0iΦ transite dans l'état 0
fΦ :
( ) ( )0002
002iffipfif EEEHS −ΦΦ= δρπ
h (2.57)
où ( )0fEρ est le nombre ou la densité d'états finals (dans le cas d'une base d'états continue) et δ
représente la fonction delta.
On obtient la probabilité par unité de temps pour qu'une particule dans l'état 0iΦ ait une
transition vers un autre état propre quelconque en sommant ifS sur tous les états finals possibles.
Introduction à la nanoélectronique 16
3. Cas des semiconducteurs – Les limites de l'approche semi-classique du transport
Nous avons vu précédemment que l'on pouvait définir le concept de nanoélectronique comme étant de l'électronique dans laquelle on inclut des phénomènes quantiques. Cette définition simpliste et un peu arbitraire ne doit pas faire oublier que beaucoup de notions fondamentales de la microélectronique classique reposent déjà sur la mécanique quantique. Citons notamment la notion de structure de bande (d'où découle celle de masse effective), et aussi le principe du traitement des interactions subies par les porteurs dans un semiconducteur, en particulier avec les phonons et les impuretés.
En fait, ce n'est qu'au niveau du transport que l'on néglige les aspects quantiques (ou ondulatoires) en microélectronique classique, ce qui conduit à l'équation de transport de Boltzmann. Ce que nous allons faire maintenant va consister, à partir de l'hamiltonien global du système formé par les électrons et les atomes du semiconducteur :
- à séparer les aspects structure de bande / interactions / transport - à préciser les hypothèses faites pour décrire ces trois aspects, - à établir l'équation de Boltzmann, - à en préciser les limites de validité
Nous pourrons alors introduire brièvement les orientations possibles pour décrire les phénomènes de transport en nanoélectronique.
3.1. Equation de Schrödinger pour un électron dans un potentiel cristallin
L’hamiltonien décrivant un cristal parfait constitué de noyaux et d’électrons s’écrit d’une manière générale :
( ) ( ) ( )∑∑∑∑∑ −+−++−+=li
liji
jii
i
mlml
l
l RrVrrWm
pRRU
Mp
H,,
2
,
2
21
221
2rrrrrr
(3.1)
où les indices l et m repèrent les noyaux; les indices i et j repèrent les électrons M est la masse des noyaux, m celle des électrons R
r est la position d’un noyau, rr celle d’un électron
M
pl2
2 est l’énergie cinétique du noyau l
m
pi2
2 est l’énergie cinétique de l’électron i
( )ml RRUrr
− est le potentiel d’interaction entre les noyaux l et m
( )ji
jirr
qrrW rrrr
−=− 02 4 επ
est le potentiel coulombien d’interaction entre les électrons i et j
( )li RrVrr
− est le potentiel d’interaction entre l’électron i et le noyau l.
Nous allons faire une série d’approximations de cet hamiltonien pour décomposer l’équation de Schrödinger globale sous la forme d’un système d’équations décrivant chacune l’état d’un électron.
Introduction à la nanoélectronique 17
Première approximation
Elle consiste à distinguer les électrons de valence des électrons des orbitales profondes. Celles-ci sont localisées près du noyau et forment avec lui une entité que l’on appellera “ion” (ion core). L’approximation revient donc à considérer dans l’équation (3.1) que les indices l et m repèrent les “ions” (c’est-à-dire, dans Si, les noyaux plus les orbitales pleines 1s2, 2s2, et 2p6), et que les indices i et j ne repèrent que les seuls électrons de valence (c'est-à-dire, dans Si, ceux des orbitales externes 3s et 3p).
Deuxième approximation
(dite “adiabatique” ou de “Born-Oppenheimer”)
Les ions, beaucoup plus lourds que les électrons, bougent beaucoup plus lentement que ceux-ci (typiquement un ion est 100 fois plus lent qu’un électron). On peut donc considérer que les électrons ajustent instantanément leur trajectoire à celle des ions, ou bien que par rapport aux électrons les ions sont pratiquement immobiles. A contrario les ions ne peuvent pas répondre au mouvement des électrons qui se déplacent très vite ; ils ne voient qu’un potentiel moyen. Dans ces conditions la fonction d’onde du système peut se mettre sous la forme :
( ) ( )RRr ionerrr
ΨΨ=Ψ 0, (3.2)
où ( )Rionr
Ψ est la fonction d’onde pour l’ensemble des ions, indépendante de la position des
électrons, ( )0, Rre
rrΨ est la fonction d’onde pour l’ensemble des électrons, dépendante de la position
d’équilibre 0Rr
des ions.
Et l’hamiltonien s’écrit comme la somme de trois termes :
( ) ( ) ( )RrHRrHRHH ioneeionrrrrr
δ,, 0 −++= (3.3)
où ( ) ( )∑∑ −+=ml
mll
lion RRU
Mp
RH,
2
21
2rrr
(3.4)
n’agit que sur les ions,
( ) ( )∑∑∑ −+−
+=li
iji jii
ie l
RrVrr
qm
pRrH
,0
,
022
04
21
2,
rrrr
rr επ (3.5)
n’agit que sur les électrons
( )RrH ionerr δ,− décrit l’effet sur les électrons du déplacement 0RRR
rrr−=δ des ions autour
de leur position d’équilibre. C’est l’interaction électron-phonon que l’on ne prend pas en compte dans le calcul de la structure de bande, mais qui est traitée ensuite comme une perturbation dans le transport.
Compte tenu de ces approximations l’équation de Schrödinger se sépare en deux équations : - 1 équation purement ionique, ( ) ( ) ( )RERRH ionionionion
rrrΨ=Ψ (3.6)
- 1 équation purement électronique, ( ) ( ) ( )000 ,,, RrERrRrH eeeerrrrrr
Ψ=Ψ (3.7)
Troisième approximation
(dite du “champ moyen”, de “Hartree-Fock”, ou de “l’électron seul”)
Introduction à la nanoélectronique 18
Elle consiste à dire que chaque électron voit le même potentiel moyen. Le terme d’interaction coulombienne entre les électrons qui figure dans He est négligé pour le calcul de la structure de bande et traité éventuellement ensuite comme une perturbation (interaction électron-électron). Ainsi chaque électron interagit avec le cristal indépendamment des autres électrons. La fonction d’onde
eΨ peut se mettre sous la forme :
( ) ( )∏Ψ=Ψi
iie RrRr 00 ,,rrrr
(3.8)
où iΨ est la fonction d’onde du seul électron i.
L’équation de Schrödinger électronique (3.7) se réduit alors à un système d’équations indépendantes pour chaque électron :
( ) ( ) ( )000 ,,, RrERrRrH ieiie ii
rrrrrrΨ=Ψ (3.9)
avec, d'après (3.5), l'hamiltonien de l'électron i :
( ) ( )∑ −+=l
ii
ie liRrV
mp
RrH 0
2
0 2,
rrrr (3.10)
Pour simplifier les notations on peut supprimer les indices i et l, les coordonnées 0Rr
et écrire :
( ) ( )∑ −=l
ic lRrVrV 0rrr
(3.11)
( )rVcr
est le potentiel moyen vu par chaque électron. Il a la périodicité du réseau cristallin et est
appelé potentiel cristallin. L’équation de Schrödinger décrivant l’état d’un électron est finalement :
( ) ( ) ( )rErrVm
pc
rrrΨ=Ψ⎥
⎦
⎤⎢⎣
⎡+
2
2 (3.12)
C'est la résolution de cette équation qui conduit à la notion de structure de bande d'un cristal "parfait", et en particulier d'un semiconducteur.
Bilan :
Si l'on introduit dans l'équation (3.12) les termes d'interaction négligés, que l'on regroupe sous le potentiel ( )rV r
int , ainsi qu'un éventuel potentiel ( )rVextr
dû à une influence extérieure (par exemple
l'application d'une tension), on obtient l'équation globale impossible à résoudre :
( ) ( ) ( ) ( ) ( )rErrVrVrVm
pc
rrrrrΨ=Ψ⎥
⎦
⎤⎢⎣
⎡+++ intint
2
2 (3.13)
En fait, les potentiels ( )rV rint et ( )rVext
r sont traités comme de faibles perturbations qui ne
modifient pas les états possibles de l'électron dans le cristal parfait. Pour résumer :
* Les états propres de l'hamiltonien principal ( )rVmpH cr
+= 22 (équation 3.12) donnent les
états permis pour les électrons du semiconducteur parfait, sous forme d'une structure de bandes d'énergies. Le traitement de ce problème est donc purement quantique.
Introduction à la nanoélectronique 19
* Les potentiels regroupés sous le terme ( )rV rint sont traités comme des perturbations
instantanées qui donnent lieu à des transitions, appelées interactions, entre états permis sans modifier ces états (c'est-à-dire la structure de bande). Ils sont pris en compte de façon purement quantique, en appliquent la règle d'or de Fermi.
* Le potentiel "extérieur" ( )rVextr
donne lieu aux phénomènes de transport. Ce n'est
généralement qu'à ce niveau que l'on fait une distinction profonde entre transport classique et transport quantique, suivant que l'on considère les trajectoires de particules ponctuelles non corrélées ou l'évolution et les interférences de leur fonction d'onde.
On distingue alors essentiellement trois cas de figure dans le traitement des problèmes de transport (par ordre de difficulté croissante) :
1. Transport classique avec interactions : équation de Boltzmann (éventuellement simplifiée).
2. Transport quantique sans interaction : approche dite "quantique/balistique" qui décrit la propagation des fonctions d'onde dans un milieu "parfait", c'est-à-dire où la phase des fonctions d'onde évolue de façon purement cohérente.
3. Transport quantique avec interactions : prend en compte l'effet de décohérence de phase dû aux interactions. La relaxation de cette phase détruit plus ou moins partiellement les phénomènes ondulatoires. Pratiquement, "tout" reste à faire dans ce domaine pour la modélisation de dispositifs réalistes.
3.2. Structure de bande
Déterminer les états possibles pour un électron dans un cristal parfait consiste à résoudre l'équation (3.12), c'est-à-dire à déterminer les états propres de l'hamiltonien principal.
Le théorème de Bloch énonce que les solutions de l’équation (3.12), où ( )rVcr
est périodique,
sont de la forme de fonctions de Bloch :
( ) ( ) ( )rurkir kkrrrr rr exp=Ψ (3.14)
où ( )rukrr a la périodicité de ( )rVc
r, c'est-à-dire celle du réseau cristallin
Nous admettrons ce théorème dont la démonstration, assez simple au demeurant, repose davantage sur des concepts mathématiques que physiques (voir par exemple: “Physique de l’état solide”, C. Kittel, Ed. Dunod, 1983).
Tout le problème est ensuite de connaître le potentiel cV ou d'en faire une approximation
raisonnable pour résoudre l'équation (3.12) et en particulier déterminer les énergies propres. Il existe différentes méthodes dont on peut trouver la description dans les ouvrages de physique du semiconducteur tel que "Fundamentals of semiconductors", P. Yu et M. Cardona, Ed. Springer (1996). On peut aussi trouver une approche simple mais très pédagogique de cette question dans "Physique des semiconducteurs", B. Sapoval et C. Hermann, Ed. Ellipses, 1991.
Le résultat important à retenir est que la périodicité du potentiel cristallin entraîne la formation de bandes d'énergies permises séparées par des bandes interdites. Ces bandes sont elles-mêmes périodiques dans l'espace réciproque. On en restreint donc l'étude au plus petit volume qui contient une période de la structure de bande : c'est ce que l'on appelle la première zone de Brillouin.
Introduction à la nanoélectronique 20
Pour un réseau à une dimension de période a, la première zone de Brillouin est l'intervalle [ ]aa ππ ,− de l'espace réciproque. Les bandes d'énergie y ont l'allure de celle représentées sur la figure 3.1.
k
E
bande interdite
aπ
−aπ
aπ2
aπ2
− 0
Figure 3.1. Bandes d’énergie dans un cristal 1D. La zone grisée représente la 1ère zone de Brillouin
Les semiconducteurs ont une propriété particulière fondamentale concernant l'occupation de ces bandes : dans un semiconducteur pur à température nulle, la dernière bande occupée est entièrement pleine (c'est la bande de valence). Les bandes situées au-dessus sont donc totalement vides (bande de conduction). C'est la possibilité de contrôler le peuplement de la bande de conduction (impuretés de dopage, température, tension,…), et donc de contrôler la conductivité, qui constitue le principal intérêt des semiconducteurs en électronique.
La notion de structure de bande a des conséquences très importantes pour la dynamique des électrons dans un semiconducteur et pour ses propriétés de confinement quantique en présence de potentiels internes pouvant donner lieu à un tel confinement (hétérostructures, puits quantiques, boîtes quantiques,…).
3.2.1. Dynamique de l'électron dans un cristal
La vitesse d'un électron de vecteur d'onde kr
est la vitesse d'un paquet d'ondes de Bloch centré
sur kr
, c'est-à-dire :
kE
kvg ∂
∂=
∂∂
=h
1ω (1D) ou Ev kg ∇=
r
h
r 1 (3D) (3.15)
L’influence du cristal sur le mouvement de l’électron est ainsi entièrement contenue dans la relation ( )kE
r, c'est-à-dire la structure de bande qui prend donc, on le voit maintenant, toute son
importance pour l’étude du transport.
Supposons que l’électron soit soumis à une force Fr
. La variation de son énergie pendant td est
égale au travail de la force : dtvFrdFdE rrrr== . D'où d'après la relation (3.15) :
h
rrF
tdkd= (3.16)
Introduction à la nanoélectronique 21
Remarquons au passage que si la force Fr
est nulle, le vecteur d’onde kr
est constant. En calculant l’accélération subie par l’électron grâce à (3.15) et (3.16), on obtient en 1D :
FkE
dtdv
⎟⎟⎠
⎞⎜⎜⎝
⎛∂∂
= 2
2
21h
(3.17)
On retrouve une équation de la dynamique du même type que dans le vide, à condition de remplacer la masse de l'électron par une masse effective définie par :
⎟⎟⎠
⎞⎜⎜⎝
⎛∂∂
= 2
2
21
*1
kE
m h (3.18)
Cette notion de masse effective et l'expression (3.17) se généralisent en 3D en définissant un tenseur de masse effective :
Fmtd
vd rrr
⎥⎦⎤
⎢⎣⎡==
*1γ avec ⎟
⎟⎠
⎞⎜⎜⎝
⎛
∂∂∂
=⎟⎠⎞
⎜⎝⎛
jiij kkE
m
2
21
*1
h (3.19)
Enfin remarquons qu'au voisinage d'un extremum de bandes, c'est-à-dire là où ont lieu l'essentiel des phénomènes de transport, situé en un point 0k
r, on peut développer l'énergie (en 1D) :
( ) ( ) ( )0
22
0 0212
k k
EE k E k k kk =
⎛ ⎞∂= + −⎜ ⎟⎜ ⎟∂⎝ ⎠
(3.20)
Soit, compte tenu de la relation (3.18) et en prenant ( )0kE comme origine des énergies :
( ) 22
*2k
mkE h= (3.21)
On retrouve donc la même relation énergie-vecteur d'onde que dans le vide, en remplaçant la masse de l'électron par sa masse effective caractéristique du cristal.
3.2.2. Confinement dans un puits de potentiel
x
cE
pV
Considérons par exemple le cas 1D où le bas de bande de conduction présente un puits de potentiel ( )xVp , qui ne peut pas être
considéré comme lentement variable, et qui s'ajoute au potentiel cristallin (figure 3.2). Il peut être dû à la présence d'une hétérostructure. Figure 3.2. Puits de potentiel de confinement
La présence de ( )xVp est susceptible de modifier les états propres des électrons et en particulier
de créer des états quantifiés liés au puits. Dans ce cas les fonctions d'onde associées ne sont plus des fonctions de Bloch (3.14). En toute rigueur, l'équation de Schrödinger à résoudre n'est plus l'équation (3.12) mais :
Introduction à la nanoélectronique 22
( ) ( ) ( ) ( )xExxVxVxd
dm pc Ψ=Ψ⎥
⎦
⎤⎢⎣
⎡++− 2
22
2h
(3.22)
En fait, on peut montrer que sous certaines conditions (puits "pas trop étroit"), il est possible de faire l'approximation de la masse effective. Dans cette approximation, les fonctions d'onde sont de la forme :
( ) ( ) ( )xuxFx kk =Ψ (3.23)
où les fonctions ( )xF , appelées fonctions d'enveloppe, sont solutions de l'équation :
( ) ( ) ( )xFExFxVxd
dm p =⎥
⎦
⎤⎢⎣
⎡+− 2
22
*2h
(3.24)
Ainsi, une fonction d'enveloppe suit une équation très simple, du même type que dans le vide, dans laquelle toute l'information sur le potentiel cristallin (qui ne figure plus dans l'équation) est contenue dans la masse effective *m .
On voit là encore que le concept de masse effective est extrêmement fort et permet, tant qu'il reste valable (c'est-à-dire surtout aux faibles énergies cinétiques), de simplifier énormément les approches numériques à mettre en place pour étudier les phénomènes de transport (aussi bien en microélectronique qu'en nanoélectronique).
3.3. Interactions
Pour établir l'équation de Schrödinger (3.12) qui permet de calculer les états propres d'un électron dans un cristal parfait, nous avons laissé de côté certains termes d'interaction supposés faibles devant l'hamiltonien principal dans lequel la seule énergie potentielle considérée est le potentiel cristallin (3.11). Nous allons maintenant réintroduire ces termes négligés en les traitant comme de faibles perturbations dépendant du temps, c'est-à-dire qui ne modifient pas les états propres du système (la structure de bande) mais donnent lieu à des transitions entre ces états propres stationnaires (voir paragraphe 2.6.2). Ces transitions, considérées comme instantanées, sont caractérisées par une fréquence ( )k
rλ (ou probabilité par unité de temps) en fonction de l'état initial
kr
de la particule.
On considère en particulier les trois hamiltoniens suivants correspondant à trois types d'interaction (en reprenant les notations du paragraphe 3.1) :
( )RrH ionerr δ,− interaction électron-phonon (émission ou absorption d'un phonon)
( )ji rrW rr− interaction électron-électron (potentiel coulombien)
( )impimpe RrHrr
−− interaction électron-impureté ionisée (potentiel coulombien)
Lorsqu'un électron subit une telle interaction, son vecteur d'onde, la phase de sa fonction d'onde et éventuellement son énergie sont modifiés. Ces différents processus on tendance à replacer la population de porteurs vers son état d'équilibre lorsque des actions extérieures ont pour effet de la déplacer hors de cet état. Ainsi, les interactions électron-phonon et électron-impureté tendent à relaxer la vitesse ; les interactions électron-phonon et électron-électron contribuent à relaxer la phase ; la relaxation de l'énergie est essentiellement due aux interactions électron-phonon.
Introduction à la nanoélectronique 23
Pour chaque processus d'interaction, caractérisé par l'hamiltonien de perturbation pH , lui-
même caractéristique du mécanisme physique en jeu, on calcule la densité de probabilité pour qu'un
électron passe de l'état kr
à l'état k ′r
par ce processus. Cette densité est donnée par la règle d'or
de Fermi (2.57) :
( ) ( )EEMkkS k ′−=′ ′ δρπ 22,h
rr (3.25)
où 38πρ Ω
=′k est la densité d'états finals (ici dans l'espace réciproque 3D)
( ) ( )∫ ′′ ΨΨ=′= rdrHrkHkM kpkprrrr
3** est l'élément de matrice de transition
On calcule alors la fréquence ( )kr
λ de transition en intégrant ( )kkSrr′, sur tous les états finals :
( ) ( )∫ ′′= kdkkSkrrrr
3,λ (3.26)
Cas des interactions électron-phonon dans le silicium :
Dans la théorie du couplage électron-phonon par potentiel de déformation (voir par exemple "The Monte Carlo method for semiconductor device simulation", C. Jacoboni et P. Lugli, Ed. Springer-Verlag (1989)), l'élément de matrice de transition s'exprime d'une façon générale sous la forme :
222222
12
GDiNM ppp
⎟⎠⎞
⎜⎝⎛ −+
Ω=
ωρ h
h
Où 1=i correspond à l'émission et 1−=i à l'absorption d'un phonon. Le coefficient de couplage pD est le potentiel de déformation du mode de vibration considéré. ρ est la masse
volumique du semiconducteur, Ω est le volume du cristal, pωh est l'énergie du phonon, pN est la
fonction d'occupation des phonons, et 2G est le facteur de recouvrement des fonctions de Bloch
initiale et finale.
Dans le silicium, on distingue essentiellement deux types de transition électron-phonon : les interactions intravallée avec les phonons acoustiques de faible énergie et de faible vecteur d'onde (on néglige souvent l'énergie du phonon échangé dans cette interaction alors considérée comme élastique), et les interactions intervallées avec les phonons d'énergie constante. Ces dernières transitions font passer l'électron qui la subit d'une vallée ∆ à une autre et joue un rôle considérable dans la relaxation de l'énergie des porteurs. On considère généralement six phonons intervallées d'énergie respective 11,4 meV, 18,8 meV, 21,9 meV, 46,3 meV, 59,1 meV et 63,2 meV.
Nous reportons en Figure 3.3 les fréquences d'interaction à 300 K en fonction de l'énergie des électrons pour les interactions avec les phonons acoustiques (élastique) et pour l'interaction intervallée par le phonon d'énergie 63,2 meV (émission et absorption). On peut noter que l'émission d'un phonon présente un seuil en énergie égal à l'énergie du phonon. En effet, un électron ne peut pas émettre un phonon, c'est-à-dire perdre l'énergie d'un phonon, s'il n'a pas au moins cette énergie avant interaction.
Introduction à la nanoélectronique 24
1010
1011
1012
1013
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3
Fré
quen
ce d
'inte
ract
ion
(s-1
)
Energie (eV)
acoustique
intervallée émission
intervallée absorption
Figure 3.3. Exemples de fréquences d'interaction dans Si à 300 K (phonon acoustique, émission et absorption de phonon intervallée d'énergie 63,2 meV).
3.4. Transport
3.4.1. Approche classique – Fonctions de distributions – Equation de Boltzmann
Dans cette approche, les propriétés quantiques des électrons sont négligées. On peut donc spécifier à chaque instant la position et le vecteur d'onde de chaque particule. Le système délectrons libres dans le semiconducteur est entièrement décrit par la fonction de distribution ( )tkrf ,,
rr qui
donne la probabilité de trouver un électron à l'état kr
au poinr rr à l'instant t.
La connaissance complète de ( )tkrf ,,rr
et de la structure de bandes ( )kEr
permet en effet de déduire toutes les grandeurs physique associées à la population électronique en tous points de l'espace, telles que (par exemple) la densité ( )trn ,r , la vitesse suivant x ( )trvx ,r ou l'énergie
( )trE ,r :
( ) ( ) ( ) ( )∫∑ == kdtkrfktkrftrnk
rrrrrr 3,,,,, ρ (3.27)
( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( )∫∑ == kdtkrfkvktkrfkvtrv xk
xxrrrrrrrr 3,,,,, ρ (3.28)
( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( )∫∑ == kdtkrfkEktkrfkEtrEk
rrrrrrrr 3,,,,, ρ (3.29)
A l'équilibre thermodynamique, les électrons suivent la statistique de Dermi-Dirac ; leur fonction de distribution est donc de la forme :
Introduction à la nanoélectronique 25
( ) ( ) ( ) 1
0,
exp1,,,
−
⎥⎥⎦
⎤
⎢⎢⎣
⎡
⎟⎟
⎠
⎞
⎜⎜
⎝
⎛ −+==
TkEkrE
krftkrfB
frr
rrrr (3.30)
où fE est le niveau de Fermi, ( )krErr, est la somme de l'énergie potentielle (bas de bande de
conduction) ( )rEcr
et de l'énergie cinétique ( )kr
ε :
( ) ( ) ( )krEkrE crrrr ε+=, (3.31)
Dans le cas le plus simple ou la bande de conduction peut être considérée comme isotrope et parabolique, l'énergie cinétique s'écrit, d'après (3.21) :
( ) 22
*2k
mk h=ε (3.32)
Le problème est alors de connaître l'évolution dans le temps de la fonction de distribution lorsque des perturbations tendent à déplacer la population électronique hors d'équilibre, ce qui donne lieu aux phénomènes de transport. C'est l'équation de Boltzmann qui décrit cette évolution. Elle n'est rien d'autre qu'une équation de conservation locale du nombre d'électrons.
Flux entrant Flux sortant
( )tdxdxf ( )
tdxdxdxf +
x
k
x xdx +
k
kdk +
( )tdkdkdkf +
( )tdkdkf
génération-recombinaison
collisionsortante
collisionentrante
Figure 3.4. Les différentes causes de variation de la fonction de distribution dans un élément de volume de l'espace des phases
Pour l'établir, on peut s'aider de la figure 3.4 qui illustre les différentes causes de variation de la fonction de distribution dans un élément de volume de l'espace des phases à deux dimensions défini par les intervalles [ ]xdxx +, et [ ]kdkk +, . On considère l'accroissement fδ de la fonction f durant l'intervalle de temps tδ . La conservation du nombre d'électrons s'exprime alors pour cet élément de volume par :
( ) ( )[ ] ( ) ( )[ ]
( ) ( ) xdkdtt
tkxftkx
xdtFkdkfkfkdtvxdxfxfkdxdf
collRG δλ
δδδ
⎥⎥⎦
⎤
⎢⎢⎣
⎡
∂∂
++
+−++−=
−,,,,
h (3.33)
Introduction à la nanoélectronique 26
où RG−λ est le taux de génération-recombinaison et l'indice "coll" signifie collision (ou
interaction). En divisant cette les termes de cette équation par xdkdtδ on obtient :
( ) ( )[ ] ( ) ( )[ ] ( )coll
RG tftkxF
kdkdkfkfv
rdxdxfxf
tf
∂∂
+++−
++−
= − ,,λδδ
h (3.34)
En faisant tendre tδ , kd et xd vers 0, et en généralisant à un espace de dimensions quelconques, on obtient l'équation de Boltzmann :
( )tkrtffFfv
tf
RGcoll
kr ,,rrr
h
rrr
−+∂∂
+∇⋅−∇⋅−=∂∂ λ (3.35)
Le terme de collision figurant dans cette équation peut être évalué à partir des densités de probabilités d'interaction (3.25) en faisant le bilan de tous les processus menant des états k ′
r vers k
r
et des processus inverses, puis en intégrant sur tous les états k ′r
:
( ) ( )[ ] ( ) ( ) ( )[ ] ( )∫∫ ′′′−−′′−′=∂∂ kdkkSkfkfkdkkSkfkf
tf
coll
rrrrrrrrrr33 ,1,1 (3.36)
Si le semiconducteur n'est pas dégénéré on peut considérer que les états sont peu occupés, c'est-à-dire que pour tout k
r on a ( ) 1,, <<tkrf
rr. Ainsi la relation (3.36) se simplifie en :
( ) ( ) ( ) ( )∫∫ ′′−′′′=∂∂ kdkkSkfkdkkSkf
tf
coll
rrrrrrrr33 ,, (3.37)
Ainsi, si nous savons calculer les ( )kkS ′rr
, , nous avons tous les éléments pour résoudre l'équation de Boltzmann (3.35) et déterminer les propriétés de transport d'un semiconducteur ou même au sein d'un dispositif si l'on couple cette résolution avec celle de l'équation de Poisson pour connaître la distribution du champ électrique qui agit sur les porteurs de charge.
Résolution de l'équation de Boltzmann :
On distingue essentiellement trois classes de méthodes de résolution de l'équation de Boltzmann.
1. Résolution déterministe directe : cette méthode consiste à résoudre numériquement l'évolution de la fonction de distribution discrétisée dans l'espace réciproque à 3 dimensions. Elle peut aussi être utilisée pour la modélisation de dispositifs à 1 dimension dans l'espace réel, mais n'est pas bien adaptée au cas de dispositifs plus complexes en raison des ressources informatiques importantes qu'elle nécessite, notamment pour la discrétisation de f.
2. Résolutions simplifiées : moyennant quelques approximations plus ou moins sévères sur le terme de collision et sur la forme des fonctions de distributions, on peut simplifier notablement l'équation de Boltzmann. Les équations simplifiées (dérive-diffusion, relaxation de la vitesse, relaxation de l'énergie,…) sont alors utilisables pour la simulation de dispositifs de géométrie quelconque. Elles sont à la base de logiciels commerciaux.
3. Résolution statistique "Monte Carlo" : dans cette approche, on calcule l'évolution de particules individuelles plutôt que celle des fonctions de distribution. La gestion des trajectoires suivies et des interactions subies par les porteurs est faite par des séquences de tirages au sort sur la
Introduction à la nanoélectronique 27
base des fréquences (probabilités) d'interaction. Par rapport à la méthode déterministe, celle-ci offre l'avantage de ne pas nécessiter de discrétisation dans l'espace réciproque. Elle peut donc être utilisée pour la simulation de dispositifs 3D avec un coût informatique "raisonnable".
3.4.2. Les limites de l'approche classique
Il est important de comprendre les limitations de l'équation de Boltzmann appliquée à l'étude du comportement d'un système d'électrons dans un cristal. Cette approche constitue une approximation semi-classique du transport de particules individuelles dont on néglige les propriétés ondulatoires. La mécanique quantique n'est utilisée que pour décrire la structure de bande et les collisions, c'est-à-dire uniquement pour traiter des phénomènes liés à des variations rapides de potentiel, dans le temps ou dans l'espace. En effet, le potentiel cristallin variant fortement sur des distances inférieures à la longueur d'onde des électrons, son influence doit être considérée par une approche quantique (qui conduit au concept très pratique de masse effective). De même, les collisions sont supposées "instantanées", c'est-à-dire de durée beaucoup plus courte que le temps entre deux collisions. Même en se limitant à des collisions binaires et indépendantes, un traitement quantique de ces perturbations est nécessaire.
Pour déterminer l'état et l'évolution d'un ensemble d'électrons en mouvement, l'équation de transport de Boltzmann se place alors sous la double hypothèse suivante :
1) chaque électron est un corpuscule classique (parfaitement localisé) qui obéit aux lois de la dynamique de Newton : il se déplace à une vitesse égale à la vitesse de groupe du paquet d'ondes constituant sa fonction d'onde réelle.
2) le système d'électrons libres est entièrement décrit par la fonction de distribution ( )tkrf ,,rr
qui
donne la probabilité d'occupation de l'état kr
au poinr rr à l'instant t. Ce concept est purement classique car il sous-entend notamment que la position et le vecteur d'onde de chaque particule sont parfaitement connus à l'instant t, ce qui est incompatible avec le principe d'incertitude de Heisenberg.
Ces hypothèses "semi-classiques" ne sont donc valables que lorsque :
* l'énergie des électrons n'est pas quantifiée dans la (les) directions(s) du transport, ce qui suppose que les dimensions caractéristiques du dispositif soient supérieures à la longueur d'onde typique des électrons.
* il n'y a pas de réflexion possible sur une barrière d'énergie inférieure à l'énergie cinétique de l'électron. Cette approximation est justifiée si le potentiel vu par l'électron ne varie pas trop fortement sur une distance inférieure à la longueur d'onde, c'est-à-dire si le profil de potentiel peut être assimilé à une succession d'un grand nombre de petites marches, de telle sorte que les petites réflexions aux interfaces interfèrent de façon destructive. Il n'y a alors pas de réflexion globale. En corollaire, il y réflexion instantanée sur une barrière de hauteur supérieure à l'énergie cinétique.
* les phénomènes d'interférence n'ont pas lieu. De manière générale, en combinant deux ondes de forme 11 ϕieA et 22 ϕieA l'amplitude de probabilité résultante est de la forme
( )212*12
22
1 cos4 ϕϕ −++ AAAA . Le terme d'interférence lié au déphasage 21 ϕϕ − peut être
négligé si l'information initiale sur la phase des électrons entrant dans la zone active du dispositif est perdue avant qu'ils n'en sortent ; la formation du système d'interférence est alors impossible. Ceci sous-entend que la longueur de relaxation de phase est plus petite que les dimensions caractéristiques du composant.
Introduction à la nanoélectronique 28
La validité de l'approche semi-classique de Boltzmann est donc essentiellement liée aux dimensions du système considéré par rapport à deux longueurs caractéristiques : la longueur d'onde des électrons, qui est reliée à leur énergie cinétique, et la longueur de relaxation de phase, qui est la longueur sur laquelle peut se déplacer un électron sans que l'information sur la phase initiale de sa fonction d'onde ne soit détruite. Ces deux grandeurs dépendent du matériau considéré et varient fortement avec la température. Nous allons en discuter brièvement.
Longueur d'onde :
Nous avons vu (relation 2.1) que la longueur d'onde d'un électron de vecteur d'onde k est kπλ 2= . Pour en semiconducteur usuel non dégénéré, la longueur d'onde caractéristique à
considérer est celle d'un électron thermique d'énergie :
22
223
thBth km
Tk h==ε (3.38)
ce qui donne pour longueur d'onde :
thm
hε
λ2
= (3.39)
Quelques valeurs caractéristiques de cette longueur d'onde sont données ci-dessous pour GaAs et Si. 300 K 77 K 4,2 K Si ( )019,0 mmt = 14,3 nm 28,2 nm 120,8 nm
Si ( )092,0 mml = 6,5 nm 12,8 nm 54,9 nm
GaAs ( )0063,0 mm = 24,8 nm 49 nm 209,8 nm
On voit que pour le cas du silicium à 300K, la distance limite à considérer pour la prise en compte des phénomènes de quantification est d'environ 15 nm pour les électrons à masse transverse.
Dans le cas limite d'un matériau fortement dégénéré et/ou à très basse température (cas limite usuel pour les métaux), seuls les électrons au niveau de Fermi participent à la conduction. On définit le vecteur d'onde de Fermi :
h
ff
mk
ε2= avec =fε quelques eV (3.40)
Typiquement, pour eV10=fε et 0mm = , on a nm39,0=fλ . Cette faible valeur de longueur
d'onde justifie que l'on néglige généralement les effets de quantification de l'énergie dans les nanostructures métalliques.
Longueur de relaxation de phase :
De même que l'on définit classiquement un temps de relaxation de la vitesse (ou du moment)
mτ à partir de la fréquence des collisions qui tendent à dévier de façon significative (et
éventuellement isotrope) la trajectoire des électrons, on peut définir un temps de relaxation de la phase ϕτ , qui dans certains cas peut être très différent de mτ . La vitesse de phase d'une onde est
définie par le rapport kω . Les collisions qui ne modifient pas l'énergie et le module du vecteur d'onde de l'électron ne perturbent donc pas l'évolution de sa phase. Seules les interactions avec les
Introduction à la nanoélectronique 29
diffuseurs dynamiques, c'est-à-dire qui ont un degré de liberté interne et sont susceptibles de changer d'état, peuvent contribuer à relaxer la phase de l'électron. Il s'agit donc des interactions inélastiques, essentiellement les interactions électron-phonon et électron-électron. Il est donc à noter qu'à l'inverse des interactions électron-impureté, les interactions électron-électron contribuent à la relaxation de la phase mais pas de la vitesse.
A partir de ce temps de relaxation de la phase, on peut définir une longueur de relaxation ϕL en
multipliant ce temps par la vitesse thermique des électrons thv
m
TkvL Bth
2ϕϕϕ ττ == (3.41)
Cette définition convient pour les semiconducteurs à forte mobilité dont les temps de relaxation du moment et de la phase sont proches. Ce sont les cas qui nous intéressent. Pour les matériaux à faible mobilité tels que mττϕ >> , il convient de tenir compte de la multiplicité de petites
trajectoires désordonnées effectuées par l'électron avant de subir une collision inélastique. La longueur de cohérence de phase ϕL résultante est alors liée au coefficient de diffusion D par :
ϕϕ τDL =2 (3.42)
Nous allons tenter d'estimer les grandeurs ϕτ et ϕL pour les électrons dans Si à 300K en
supposant que les seules interactions efficaces dans la relaxation de la phase sont les six transitions intervallées usuellement considérées dans la modélisation du transport. Il a été montré (voir par exemple "Transport in mesoscopic systems", S. Datta, Ed. Cambridge (1995) ou B.L. Altshuler et al. J. Phys. C: Solid State Phys. 15 (1982) 7367) que pour un type de phonon d'énergie ωh , le temps de relaxation ϕτ peut être défini à partir du temps entre deux collisions cτ par :
3/1
2 ⎟⎠
⎞⎜⎝
⎛=ωτ
τϕc (3.43)
Cette expression indique que les phonons sont d'autant plus efficaces à relaxer la phase que leur énergie est élevée.
Pour estimer ϕL dans le cas de Si à 300K nous pouvons sommer les contributions de chacune
des six transitions intervallée caractérisée par une énergie iωh et une probabilité par unité de temps
iλ :
( )∑∑==
==6
1
3/126
1
11
i
ii
i i
ωλττ ϕϕ
(3.44)
En considérant les valeurs de iλ à l'énergie thermique thε (c'est-à-dire en dessous du seuil
d'émission des phonons de forte énergie), on obtient ps077,0=ϕτ . Pour une masse effective
moyenne 032,0 mm = , la vitesse thermique des électrons est cm/s1068,1 7×=thv , ce qui conduit à
Introduction à la nanoélectronique 30
nm9,12=ϕL . En considérant des porteurs un peu plus chauds ( meV100=ε ) soumis à toutes les
transitions intervallée, on obtient ps042,0=ϕτ et nm1,7=ϕL .
Ces calculs ne constituent qu'une estimation simpliste. Ils indiquent simplement que sur des distances supérieures à 20 nm on doit pouvoir raisonnablement continuer d'ignorer les effets ondulatoires et appliquer le formalisme de Boltzmann dans Si à 300 K, ce qui est certainement beaucoup plus discutable sur des distances inférieures à 10 nm pour lesquelles des formalismes quantiques doivent être mis en œuvre.