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« Un chagrin partagé diminue de moitié. Une joie partagée augmente du double »1
28 juin 2015, extrait du CR de mon 1er Ironman, à Nice : « Autour du 55ème km (je crois) je suis interpellé
par une compétitrice, c’est Sandrine (future licenciée de l’ASTRE) qui vient de me retrouver. On monte
un bon 10 km ensemble avant qu’elle ne me lâche (j’aurais ma revanche :) ! »
Ça, c’était notre première rencontre ! Nos vies étaient bien différentes à l’époque. Unique point
commun, c’était notre premier Ironman à tous les deux.
Quatre ans plus tard, nous voici de retour à Nice. Je m’apprête à attaquer mon 4ème Ironman, Sandrine
son 3ème. Comme toujours la famille et les enfants sont à nos côtés. L’heure de ma revanche a sonné !
Eh bien non. Ce n’est pas vraiment l’état d’esprit qui nous anime en fait. Cela fait un an et quelques
jours que notre poto Julian a franchi sa dernière a finish line. Une fois encore avant nous. Ce 30 juin
2019, jour de la course (qu’il avait fait 5x) il aurait dû avoir 31 ans. Nous sommes donc 28 copains,
membre de sa famille, à s’apprêter à prendre le départ de cette course. Nous avons d’ailleurs renommé
cette course l’Ironjuw en référence à l’association créé pour aider à la recherche contre le cancer.
Voici donc le contexte dans lequel nous sommes pour cette course. Bien sûr je me suis fixé des objectifs
personnels. Réussir à être à mon niveau sur full distance. J’ai beaucoup progressé sur tous les formats
mais je bloque encore sur l’épreuve reine. L’idée sera donc de nager comme je peux (au regard de mon
faible entrainement cette année), faire un bon vélo (en 4 ans j’ai clairement plus du tout le même
niveau) et enfin faire un marathon digne de ce nom (-4h, si possible -3h45). Au niveau club, je ne me
fixe qu’un but : que tout le monde termine la course.
J- Quelques mois :
Prépa au top. Tout est passé nickel. Les résultats sur les courses sont en progressions, les voyants sont
au vert ! On c’est fini avec ma Jeujeu (Sandrine) il y a 15 jours sur un stage en altitude à la montagne.
Bref, on a la dalle 😊
1 Proverbe Suédois
J- Quelques jours :
Hello Nice, c’est nous ! Bon y’a pas à dire, quand tu as passé tous tes
étés sur la côte atlantique depuis que tu es né, la côte d’azur ce n’est
pas trop ta tasse de thé ! M’enfin y’a plus compliqué que d’être en
famille en vacances ici 😉
L’avantage quand tu participes à ta 6ème course labélisé Ironman (en
comptant aussi les half) tu as beaucoup moins de stress que les copains
qui découvrent ! L’orga et ce qu’il faut faire les jours précédents ainsi que le jour J ne sont plus
anxiogènes. En clair on profite grave !
J-2 :
Je viens de casser le bracelet de ma montre GPS. Cool, David, un copain du club peut m’en filer un
autre ! Moi qui aime savoir exactement quels sont mes données pendant la course je n’aurais pas aimé
la faire sans. Mouais… Petite natation en mer en fin de matinée… Et là en plein milieu de la
méditerranée, ça me prend comme une envie de pisser ! « Jeujeu, je vais le faire sans montre !». On
parlait souvent des sensations en course avec Juw. Il faut que je vive cette course spéciale autrement.
En pensant juste au moment. Juste à ce que je ressens. C’est décidé, j’aurais mon compteur sur le vélo
et pour le reste je file a décath m’acheter une montre à 10 sesterces histoire d’avoir quand même un
chrono.
Breaking news du soir l’organisation nous annonce une réduction des distances. La raison : canicule
associée à pic de pollution + pas de vent dans la région = vous allez en chier grave les tio pères ! Ce
sera donc 3,8 en nat, 152 de vélo versus 174 et 30 à pieds versus marathon. « It’s not a big deal »
comme disent nos amis Anglais ! L’objectif étant d’en chier pour notre poto et de vivre un top moment
tous ensemble.
J-1 :
L’équipe est au complet. RDV pris sur la plage après avoir déposé le matériel pour immortaliser ce
moment de partage tous ensemble. Cerise sur le gâteau, Triathlète magazine se joint à nous pour la
photo. Résultats nous avons accès à la ligne de départ pour cette belle photo.
A quelques heures du départ je suis très calme. Je veux vraiment que chacun puisse profiter
pleinement de ses heures qui nous attendent demain. Nous connaissons tous notre leçon, cela fait des
années, des mois, des semaines que nous répétons les exercices. Il n’y a plus qu’à réciter. Ah si j’avais
été si studieux à l’école 😉
Demain va être un jour qui ne va pas marquer une fin, mais un début. Nous avons tant partagé depuis
un an. Pour se souvenirs, pour comprendre, pour commémorer. Le père de Julian, celui de Laura, Laura,
le beau-frère de Juw, des Compiegnois, des Creillois, il aura réussi à tous nous réunir. Au bout de cette
finish line nous ne serons pas seulement des Ironmans comme les 3 000 autres inscrits. Nous nous
serons des Ironjuw. Nous sommes tous présent pour fêter la vie, le sport, la camaraderie. A Nice ou
partout en France l'esprit Ironjuw vit. Soyons fier. Fier d'être là. Fier d'être en bonne santé. Fier d'avoir
le choix. Demain c'est jour d'anniversaire et sur la finish line, un astre soufflera ses bougies unes à
unes…
Il est temps de dormir (comprenez, passer la nuit).
Jour de fête :
Whaou, là tu prends conscience du truc. Les visages sont concentrés. Que c’est bon d’être tous
ensemble. On respecte les rituels -> gonfle les pneus, installe les gourdes, la bouffe, enfile la combi
direction les galets. Echauffement (enfin refroidissement vu la température ; 27°C à 4 h du matin).
Mon petit plaisir, faire la planche dans l’eau et regarder la plage. Ce matin la baie des anges porte bien
son nom. Il est temps d’aller dans le sas de départ.
Le DJ met une ambiance de ouf, le public est présent en masse. Et au milieu de tout ça quelques
Creillois. Vous ne pouvez pas imaginer ce qu’on se sent vivant dans ses instants. L’émotion, les larmes,
les visages fermés, les tapes dans les mains, les silences, les mots d’encouragements avant le départ.
Ses instants sont inoubliables. Juw nous a tous réuni, lui qui aimait tant partager. Place au plaisir
désormais. Ça bouillonne à l’intérieur, j’ai l’impression que ça va exploser. Mais ce n’est pas le moment.
Il faut rester concentré. Le relâchement se sera la finish line.
Dernier bisou à ma Jeujeu, coucou à mes parents, Momo et mon p’tit Léo. Et c’est parti ! Près de 4 km
à nager, détendu comme jamais. J’ai rarement pris autant de plaisir à nager. D’ailleurs c’est déjà fini.
Coup d’œil au chrono : Merde ! J’ai super bien nagé ! Mais bon on s’en fou un peu, il reste encore du
chemin !!!
Je croise les copains à la transition, ma chérie me vole un baiser et fonce à
son vélo pendant que je me prépare. Je sens que je vais kiffer cette partie
de manivelles. Les 10 premiers kil sont top moumoutte, j’ai de superbes
jambes et la patate. Première côte, patatra. Les voyants passent au rouge
sans prévenir. Je manque terriblement d’oxygène. L’impression que mes
poumons sont incapables de se gonfler. Du calme mon Bénouille. Tu te
détends et ça va revenir. Je décide donc de le faire « en dedant » en
tachant de profiter de ce que je peux. Première descente, boum. Deux
mecs s’accrochent et se foutent en l’aire à près de 55/60 km/h. Un
troisième les évite et fini dans le fossé. On manque de justesse de se les
taper nous aussi. Pour un mec qui n’aime pas les descentes, je vous laisser
imaginer l’état d’esprit derrière ça… La suite du vélo va être dans le même esprit. Sans oxygène. Mon
père a embarqué Maureen en scooter. Ils font le lien entre Sandrine et moi. Elle qui ne comprend pas
ce que je fou et moi qui veut m’assurer qu’elle va bien.
Bientôt la fin, retour sur la promenade des Anglais.
Quelques Astres sont déjà en course, dont une qui brille
plus que les autres à mes yeux ! Je regarde vite fait ma
montre. Ok elle me colle 20 minutes la bourrique ! A cet
instant j’ai plus du tout de jambes. Ma transition est
lonnnnnnngue. Je visse ma casquette Ironjuw sur ma
tête en me disant que finalement 30 km c’est plutôt court. Je me met en mode trail (sur du bitume,
sans dénivelé lol) et me dis qu’on avance toujours plus vite en courant qu’en marchant (lucide le mec !).
Les sensations reviennent peu à peu. La course à pieds est loin d’être mon point faible. Allez je peux le
dire, j’ai confiance. Je fini par croiser Sandrine vers le 4ème km pour moi. Facile de calculer les écarts
puisque le parcours est en allez retour. Elle me dit que c’est dure. Je me dis que ne n’ai plus que 17
minutes de retard ! Kilomètre 9, nouveau pointage. De mémoire plus que 11’ de retard. Allez, faut la
retrouver. Kilomètre 15, je la croise avant le demi-tour, je n’ai plus que 200 m de retard. La jonction se
fait. Quel soulagement ! J’ai à ce moment l’impression que ma course est réussie. Je lui propose donc
ce que jamais je n’aurais pu imaginer : « vient on termine ensemble ? ». Sourires mutuels. Après toutes
ses heures d’entrainement en commun, on s’apprête à courir 14 kilomètres ensemble sur un Ironman,
qui plus est celui-ci. Nous supporters venus de partout sont au top. Ils nous poussent, ont toujours un
mot d’encouragement. Quel pied cette course ! Km 28 Seb avec qui j’ai fini mon dernier IM bras dessus
bras dessous nous rejoint. Ce coup-ci, je ne te suivrais pas. Il faut que nous bouclions cette histoire de
Nice à deux. L’ambiance monte dans les derniers mètres.
Il est temps de prendre à droite direction la pancarte « finish line »…
We did it ! Ensemble.
J’avais écrit après le Frenchman que mon 1er IM était pour découvrir, mon 2ème pour vérifier, mon 3ème
pour confirmer. A n’en pas douter, le 4ème était fait pour PARTAGER.
A la fin de cette aventure, nous serons tous finisher. Là ou 11 % des partants n’ont pas eu la chance de
franchir la ligne d’arrivée (versus 7 % en moyenne, quand les distances sont completes). Beaucoup de
choses à retenir. A commencer par ce petit bout de femme dont je suis très fière. Bravo ma Laura, tu
l’auras sacrément fait briller ton étoile.
Mais on n’allait pas s’arreter là. Coup de pousse du destin, au classement des 5 meilleurs chronos,
l’Astre remporte le classement des clubs de quelques points seulement. Direction la cérémonie des
récompenses le lundi soir.
Nous ne pouvions pas mieux honorer celui avec qui nous avons tant partagés. Tu auras gagné seul.
Nous nous y serons mis à 28 mais on a gagné pour toi. Tous ensemble. Cette victoire c’est celle de tous
ceux qui se battent pour partager, profiter et vivre.
De mon côté je grandis, j’apprends et je partage. Merci Juw, sans toi nous n’aurions jamais osé. J’avais
peur que tout le monde ne finisse pas. Finalement je suis heureux, heureux de voir que tout le monde
veut recommencer à vivre ça. Une fois du plus, tu auras gagné mon pote.
A l’Astre, comme dans nos cœurs, les étoiles ne meurent pas, elles brillent à jamais.