3 Etude que Ra10

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tude thmatique

tude thmatique :

concurrence et distributionIntroduction _______________________________________Un secteur conomique structurant ___________________________ Linvestissement de lAutorit________________________________57 57 60

Les barrires limplantation de nouveaux tablissements ___________________________

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Les barrires rglementaires __________________________Les barrires rglementaires lies la lgislation sur lurbanisme commercial ______________________________________________ Les barrires rglementaires dans les dpartements doutre-mer _____

Des barrires non rglementaires lies certaines pratiques de gestion du foncier commercial ______________________Le diagnostic gnral ______________________________________ Les recommandations______________________________________

Organisation des acteurs de la distribution et pouvoir de march ______________________

74 75 77 78 82 84 85 91 96

Analyse des relations au sein des rseaux de distribution ___Gestion du foncier commercial_______________________________ tanchit des rseaux de distribution _________________________ Les propositions formules par lAutorit ______________________

Le contrle des concentrations ________________________La question des seuils de contrlabilit ________________________ La question du niveau dindpendance des magasins dans le cadre du contrle ___________________________________ Les dlimitations des marchs pertinents et limportance des parts de march dans lanalyse concurrentielle ________________

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Relations fournisseurs distributeurs ________

101 101 103 105 110 112 119 121 124 127 128 133 134 134 136 137

La puissance dachat des distributeurs __________________Les sources de la puissance dachat____________________________ Les effets de la puissance dachat sont souvent positifs pour les consommateurs ____________________________________ Les constats de pratiques anticoncurrentielles fondes sur la puissance dachat demeurent relativement rares _____________ Les effets ambigus de la puissance dachat sur les producteurs et sur lamont ____________________________________________ Les effets ambigus de la puissance dachat sur la concurrence entre distributeurs _________________________________________

Distribution exclusive et slective ______________________La distribution exclusive ____________________________________ La distribution slective ____________________________________ Commerce en ligne et rseau de distribution slective ou exclusive ___

Le management catgoriel: analyse dune nouvelle pratique

Une pratique nouvelle et relativement peu formalise _____________ Les risques identifis_______________________________________ La mise en place dune grille danalyse _________________________

Conclusion ______________________________

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tude thmatique :Introduction

concurrence et distribution

La distribution peut se dfinir comme la fonction conomique consistant assurer lcoulement des produits du stade de la production celui de la consommation 1. Elle est lune des incarnations de la notion conomique de march , lieu de rencontre de loffre et de la demande. Ainsi, le principe fondamental de la libert dentreprendre doit y prvaloir. Mais cette libert sexerce dans les limites poses par la loi. Dans ce contexte, la distribution entre dans le champ dapplication du droit de la concurrence, lequel a pour mission de veiller lgalit des conditions daccs aux marchs des entreprises tout en contribuant protger les intrts des consommateurs et satisfaire ainsi lquilibre conomique gnral. Les entreprises oprant dans ce secteur ont donc toute latitude dorganiser comme elles lentendent leur rseau, leur stratgie, leurs contrats, pour autant quelles ne portent ce faisant atteinte la concurrence. LAutorit de la concurrence, qui est comptente pour y veiller comme en tout autre secteur, a fait de celui-ci une priorit compte tenu de son importance pour lconomie et de son incidence sur le bien-tre et le pouvoir dachat des Franais. Elle sest penche au cours des trois dernires annes sur de trs nombreux aspects du fonctionnement concurrentiel, que ce soit en examinant au cas par cas des dossiers individuels (de concentration ou de pratique anticoncurrentielle allgue) ou en effectuant un travail plus gnral de veille et, en tant que de besoin, dalerte et de recommandation, travail qui ne se substitue en aucun cas au contentieux au cas par cas, mais permet de le replacer dans une perspective plus gnrale dexplication et dexpertise au bnfice des acteurs eux-mmes et des autres intresss.

Un secteur conomique structurant

La distribution, qui fait le lien entre les activits conomiques menes en amont et en aval, joue un rle dterminant pour permettre aux producteurs daccder au march aval, grce aux distributeurs qui sont en relation directe avec les consommateurs. Le secteur de la distribution exerce une influence majeure sur la qualit de vie des citoyens car il conditionne laccs un large choix de biens, parmi lesquels1. G.Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 2007.

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des produits de premire ncessit. En amont, les distributeurs interagissent avec une grande varit dacteurs, notamment des fournisseurs, mais galement des entreprises de transport, des socits de logistique ou encore des fournisseurs dnergie ou des collecteurs de dchets. Toute mesure impactant le fonctionnement de ce secteur transversal a ainsi une incidence sur dautres activits conomiques et leurs acteurs respectifs. Les rponses apportes un problme identifi doivent donc prendre en compte linfluence quelles auront galement tout au long de la chane conomique. Les volutions qua connu ces dernires dcennies le secteur de la distribution, avec notamment lmergence de la grande distribution et des magasins de discount, ont offert aux consommateurs un choix plus large mais ont surtout particip activement la lutte contre les hausses de prix, y compris en priode de crise. Les consommateurs ont ainsi pu disposer dune part plus importante de leur revenu pour la consommation dun ventail plus large de biens et de services, ce qui a stimul en retour linnovation et la croissance de lconomie. Par ailleurs, la combinaison de la concentration et de lintgration verticale a donn certains distributeurs une puissance dachat qui leur permet de ngocier des conditions dachat avantageuses. Ce pouvoir de ngociation a induit une restructuration des activits des fournisseurs, lesquels cherchent une flexibilit et un pouvoir de ngociation quivalents dans leurs chanes dapprovisionnement respectives pour rpondre aux exigences des distributeurs. Mme si elles ont contribu laugmentation de la concurrence, de la pression sur les marges et de la comptitivit de la chane conomique, ces volutions nont pas t sans effets sur les petits magasins indpendants, les producteurs de matires premires agricoles, les PME industrielles ou encore certaines catgories de consommateurs. Le secteur de la distribution, enjeu central des conomies librales, cristallise ainsi beaucoup dattentes tant de la part des pouvoirs publics que des acteurs de la chane conomique. Un exemple en a t donn ces dernires annes dans les importantes fluctuations de prix qua connues le secteur agro-alimentaire. Entre2007 et2008, les prix de plusieurs produits agricoles se sont ainsi fortement accrus, ce qui a entran une augmentation des prix des denres alimentaires pour les consommateurs. Une nouvelle volution en ce sens samorce depuis lautomne 2010. De nombreuses questions sont ainsi poses quant au fonctionnement de la chane agro-alimentaire. Ces interrogations ne sont pas nouvelles. Elles ont fait lobjet de plusieurs rapports, dont le celui remis par Guy Canivet en octobre2004, intitul Restaurer la concurrence par les prix Les produits de grande consommation et les relations entre industrie et commerce 2, le rapport de la Commission pour la libration de la croissance franaise du 23janvier 2008, rdig sous la prsidence de M.Jacques Attali 32. G.Canivet, Restaurer la concurrence par les prix Les produits de grande consommation et les relations entre industrie et commerce, Paris, La Documentation franaise, coll. Rapports officiels , octobre2004. 3. J.Attali, Rapport de la Commission pour la libration de la croissance franaise: 300 dcisions pour changer la France, Paris, La Documentation franaise, coll. Rapports officiels , janvier2008.

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tude thmatiqueou encore le rapport sur la ngociabilit des tarifs et des conditions gnrales de vente remis par MmeMarie-Dominique Hagelsteen le 12fvrier 2008 4. Les parlementaires sont galement particulirement actifs dans ce domaine, comme lont montr les dbats ayant prcd ladoption de la loi de modernisation de lconomie. Cette attention porte au secteur de la distribution nest pas propre la France. Ce secteur a fait lobjet denqutes sectorielles dans de nombreux tats membres de lUnion europenne comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas, les pays nordiques, lIrlande, lEspagne, le Portugal ou la Roumanie. En Allemagne, le Bundeskartellamt vient dannoncer le lancement dune enqute sectorielle qui visera examiner les conditions de la concurrence sur les marchs de lapprovisionnement dans le secteur des produits alimentaires. Au niveau de lUnion europenne, les questions lies la distribution sont aussi particulirement dbattues. Ainsi, le Parlement europen sest-il dclar sur la ncessit denquter sur les abus de pouvoir des grands supermarchs tablis au sein de lUnion europenne et de remdier la situation (dclaration du 19fvrier 2008 5). Ladoption de cette dclaration a recueilli la signature de plus de 430 parlementaires. Ce document tmoigne dune certaine mfiance vis--vis des grands supermarchs et de leurs supercentrales europennes , accuss dabuser de leur position dominante en portant atteinte tout la fois aux fournisseurs, lemploi et lenvironnement, entranant, en outre, une diminution de la palette de produits proposs [] un appauvrissement du patrimoine culturel reprsent et [] une diminution du nombre de points de vente . La Commission europenne, quant elle, a publi le 9dcembre 2008 une communication sur les prix des denres alimentaires en Europe . Cette communication, adopte dans le contexte de la hausse des prix des denres alimentaires, porte sur lensemble de la chane dapprovisionnement alimentaire. Dans ce document, la Commission a constat un phnomne de consolidation concernant aussi bien les fournisseurs que les distributeurs. Elle a observ que ce mouvement de concentration pouvait conduire des gains defficience grce des conomies denvergure et dchelle, notamment par le biais de la baisse des cots logistiques, ce qui peut entraner des pressions la baisse sur les prix. Elle a nanmoins relev un certain nombre de pratiques susceptibles de poser des problmes de concurrence, comme les accords dachats en commun, les prix de ventes imposs, mais galement la commercialisation de produits sous marque de distributeurs, les ventes lies ou les accords dapprovisionnement. La communication de la Commission a ainsi dress un bilan nuanc, sagissant notamment de la question des centrales dachat, qui peuvent avoir des effets positifs ou ngatifs pour la concurrence selon les circonstances et ncessitent donc une analyse au cas par cas. La Commission europenne a galement adopt le 5juillet 2010 un rapport intitul Vers un march intrieur plus efficace et plus quitable du commerce et de la4. M.-D.Hagelsteen, La ngociabilit des tarifs et des conditions gnrales de vente, Paris, La Documentation franaise, coll. Rapports officiels , fvrier2008. 5. Publi au JOUE du 6aot 2009, 2009/C 184 E/04.

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distribution lhorizon 2020. Le rapport et le document de travail des services de la Commission qui laccompagne fournissent une analyse factuelle du secteur visant identifier les ventuels dysfonctionnements de ce march. Dans ces documents, la Commission analyse le fonctionnement de la chane dapprovisionnement, des fournisseurs aux consommateurs, identifiant une srie de problmes susceptibles de nuire au fonctionnement concurrentiel du secteur de la distribution, comme la complexit des rgles sur lurbanisme commercial. La Commission a aussi fait le constat dun manque de rgles ou de mise en uvre efficace des rgles rgissant les pratiques commerciales dloyales et les relations contractuelles entre les diffrents acteurs. Enfin, la Commission a adopt rcemment le rglement (UE) no330/2010 du 20avril 2010 concernant lapplication de larticle101, paragraphe3, du trait sur le fonctionnement de lUnion europenne (TFUE) des catgories daccords verticaux et de pratiques concertes 6, en application duquel il faut dsormais tenir compte, dans lexamen des accords verticaux, non seulement de la part de march du fournisseur, comme ctait le cas sous lempire du prcdent rglement (CE) no2790/99, mais galement de la puissance dachat des distributeurs.

Linvestissement de lAutorit

Les interactions, parfois conflictuelles, de la distribution avec les oprateurs prsents aux divers stades du processus de production peuvent ainsi induire des comportements susceptibles dtre apprhends par le droit de la concurrence. Lactivit du Conseil puis de lAutorit de la concurrence, en matire consultative comme en matire contentieuse, reflte la diversit et labondance de ces problmatiques concurrentielles. Les relations de distribution peuvent, dabord, conduire certaines entreprises mettre en uvre des pratiques anticoncurrentielles, dentente ou dabus de position dominante. Ainsi, certains producteurs ou certains distributeurs peuvent sentendre horizontalement avec un ou plusieurs de leurs concurrents sur les prix quils pratiquent ou sur la rpartition de certains marchs gographiques ou de certains clients. Des oprateurs, figurant des niveaux diffrents du processus de production, peuvent aussi sentendre verticalement, afin de sabstraire du jeu de la concurrence. Enfin, des oprateurs en situation de position dominante peuvent, par certaines de leurs actions, abuser de cette position pour saffranchir du jeu concurrentiel. Certaines de ces pratiques peuvent nanmoins savrer justifies, au cas par cas, par des gains defficience dont une partie quitable est retransmise aux consommateurs. Outre lexamen des pratiques individuelles des oprateurs, lAutorit a pour attribution dapprhender des questions structurelles, notamment dans le cadre du contrle des concentrations, les oprations de croissance externe des entreprises cherchant parfois accrotre ainsi leur pouvoir de march.6. JOUE noL 102, 23avril 2010.

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tude thmatiqueSi ces problmatiques et dautres, comme lincidence des rglementations applicables ou la monte en puissance du commerce en ligne, valent quel que soit le secteur conomique concern, elles se posent avec une acuit particulire dans le cas du commerce et de la distribution alimentaire, dont la dynamique concurrentielle est aujourdhui fragile certains gards. En France, les barrires lentre, notamment rglementaires, sont peut-tre plus importantes que dans le reste de lUnion europenne. Lexistence dune rglementation telle que par exemple la loi no96-588 du 1erjuillet 1996 sur la loyaut et lquilibre des relations commerciales, dite loi Galland , qui visait rendre effective linterdiction de la revente perte en imposant une dfinition du seuil de revente perte, a eu, en pratique, pour effet de faciliter le dplacement des ngociations commerciales du prix unitaire factur vers les rductions de prix hors factures et les accords de coopration commerciale, cest--dire en faveur de laugmentation des marges arrire . La pratique dcisionnelle du Conseil de la concurrence a montr que la loi Galland avait pu constituer le terreau de pratiques dententes et dabus de position dominante. Une autre particularit du secteur de la distribution en France est sa forte concentration. LAutorit a ainsi relev dans un rcent avis sur les contrats daffiliation 7 quen 2008, les grandes surfaces dalimentation gnrale (hypermarchs, supermarchs et magasins de hard discount) fournissaient plus des deux tiers du march des produits alimentaires, lalimentation spcialise et lartisanat commercial (boulangeries, boucheries, charcuteries) environ un sixime, les petites surfaces dalimentation gnrale et les magasins de produits surgels ne reprsentant que moins dun dixime du march. Les grandes surfaces dalimentation gnrale se partagent en deux formats principaux: les supermarchs reprsentaient 41% du chiffre daffaires du secteur et les hypermarchs 56%. Au premier semestre 2009, les six principaux groupes de distribution dominante alimentaire, tous dorigine franaise (Auchan, Carrefour, Casino, E.Leclerc, ITM Entreprises et Systme U), dtenaient prs de 85% de parts de march. Au niveau des zones de chalandise, une mme configuration semble exister, notamment sur les formats des hypermarchs et du commerce de proximit, comme le montrent les donnes rcoltes durant lenqute sectorielle mene par lAutorit dans le cadre de lavis prcit. Ainsi, sagissant des hypermarchs, au moins 40% des zones de chalandise o taient prsents les distributeurs ayant rpondu lenqute peuvent tre considres comme concentres. Sagissant du commerce de proximit, la concentration y est leve dans plus de 85% des communes chantillonnes et 65% des communes de plus de 100 000 habitants. Le cas de Paris est particulirement rvlateur cet gard puisquun oprateur (le groupe Casino) y dtient, soit par le biais de magasins intgrs, soit par le biais de magasins affilis, plus de 60% des surfaces de vente, son suiveur immdiat en dtenant moins de 20% (le groupe Carrefour).

7. Avis 10-A-26 du 7 dcembre 2010.

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Avant sa transformation en Autorit, le Conseil de la concurrence avait consacr de nombreuses ressources au secteur de la distribution. Il avait ainsi publi plusieurs avis notables comme lavis 97-A-04 du 21janvier 1997 relatif diverses questions portant sur la concentration de la distribution, lavis 00-A-02 du 4fvrier 2000 relatif une demande davis sur un projet de rforme de lordonnance du 1erdcembre 1986, lavis 04-A-18 du 18octobre 2004 relatif aux conditions de la concurrence dans le secteur de la grande distribution non spcialise ou encore lavis 07-A-12 concernant la lgislation relative lquipement commercial. Le secteur de la distribution figure galement au premier rang des priorits de la politique de concurrence de lAutorit. En effet, cest compte tenu du caractre prioritaire de ce secteur que lAutorit a mis en uvre, ds le premier semestre 2010, son nouveau pouvoir dintervenir de sa propre initiative en matire consultative. Ainsi, le 25fvrier 2010, elle a dcid de procder une enqute sectorielle concernant les contrats daffiliation des magasins indpendants et les modalits de gestion du foncier commercial. Le 19mars 2010, elle a galement lanc une enqute sectorielle concernant les contrats de management par catgorie entre les oprateurs de la grande distribution dominante alimentaire et certains de leurs fournisseurs. Ces deux enqutes ont dbouch sur deux avis rendus le 7dcembre 2010 8. Ces avis sinscrivent dans la continuit des analyses antrieures de linstitution. Par son rle consultatif, lAutorit peut sexprimer sur toute question de concurrence et, le cas chant, faire des propositions dans ses avis. la diffrence dune dcision contentieuse, ces avis, visant fournir des grilles danalyse et nourrir la rflexion, ne comportent pas de qualification juridique ni ne mettent en cause des pratiques qui pourraient tre individuellement reproches tel ou tel acteur. Ils sappuient simplement sur des premires analyses, fouilles mais ncessairement moins individualises que celles qui seraient effectues dans le cadre daffaires individuelles, pour en tirer des enseignements sur le fonctionnement dun secteur, sur les enjeux concurrentiels dun type de pratique donn,etc. Ces enseignements, non contraignants pour les intresss, peuvent nanmoins les clairer, les guider et, dans certains cas, les faire rflchir lopportunit de faire voluer leur comportement sils lestiment appropri. Ils peuvent aussi, en particulier lorsquils sont assortis de recommandations, inspirer des rflexions, voire des rformes, aux pouvoirs publics. Au cours de la priode rcente, lAutorit a ainsi pleinement utilis ses fonctions de recommandation aux pouvoirs publics et dtude sectorielle. Son exprience en la matire rejoint les conclusions de la Commission europenne relatives lurbanisme commercial et linterdiction de la revente perte, et les complte sur dautres questions, comme celle du commerce en ligne. Lavis quelle a rendu sur les relations contractuelles entre groupes de distribution et magasins affilis devrait contribuer affiner lanalyse de la concurrence au niveau local et de la gestion du foncier commercial.8. Avis 10-A-25 et 10-A-26 du 7 dcembre 2010.

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tude thmatiqueLa prsente tude a pour objet de dresser un bilan concurrentiel du secteur travers les principales problmatiques rencontres par le Conseil puis par lAutorit au cours des dernires annes. Dans sa premire partie, elle prsente les facteurs, lis tant lenvironnement quaux pratiques des diffrents acteurs, qui peuvent entraver limplantation de nouveaux tablissements. Dans sa deuxime partie, elle sintresse la faon dont les oprateurs du secteur structurent leurs organisations, tant du point de vue interne que par le biais dacquisitions, ventuellement susceptibles dtre examines sous langle de loutil spcifique du contrle des concentrations. Dans une dernire partie, elle aborde les principales problmatiques verticales du secteur.

Les barrires limplantation de nouveaux tablissementsEn France, la croissance rapide de la grande distribution ds les annes 1960 a suscit des craintes relatives laffaiblissement du petit commerce. Le lgislateur a cherch, par le contrle du dveloppement des grandes surfaces alimentaires, concilier les objectifs de protection du petit commerce et de promotion dune offre varie et de prix aussi concurrentiels que possible pour les consommateurs. Il a ainsi introduit des dispositions visant rguler les implantations commerciales. Toutefois, cet environnement rglementaire, qui renforce la difficult intrinsque de trouver des emplacements adapts limplantation dune grande surface, tend parfois freiner le libre jeu de la concurrence, au dtriment des consommateurs. A ces barrires lentre de source rglementaire semblent sen ajouter dautres, qui sont dues certaines pratiques de gestion du foncier commercial par les oprateurs eux-mmes. Ainsi, sur lensemble du territoire franais, de nombreuses contraintes limitent les possibilits dimplantation de nouveaux tablissements.

Les barrires rglementairesLes barrires rglementaires lies la lgislation sur lurbanisme commercial

Le foncier commercial destin accueillir un commerce alimentaire ou dominante alimentaire doit rpondre des critres en termes de surface (par exemple, en priphrie, le foncier ncessaire limplantation dune surface est quatre six fois plus important que la surface de vente), de localisation (de faon tre facilement accessible, situ proximit des principaux bassins de vie et des axes de circulation), dagencement (par exemple, pour le commerce de proximit, il est prfrable que les locaux soient de plain-pied), et enfin de conformit au regard des plans locaux durbanisme, des schmas de cohrence territoriale et des plans doccupation des sols.

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Ds lors, les terrains ou immeubles permettant limplantation dune surface commerciale suffisamment tendue pour tre attractive sont rares. Le 12dcembre 2006, la Commission europenne adressait la France un avis motiv dans lequel elle mettait en cause la lgislation relative lurbanisme commercial. La Commission estimait que certains aspects de la lgislation franaise taient contraires aux principes de libert dtablissement et de prestation de services, ainsi qu la directive no2006/123/CE, du Parlement europen et du Conseil, du 12dcembre 2006, relative aux services dans le march intrieur, dite directive Services . Dans ce contexte, le gouvernement a mis en place une Commission de modernisation de lquipement commercial, charge de proposer une rforme de la lgislation. Cette commission a fait une liste de propositions, sur lesquelles le gouvernement a souhait obtenir lavis du Conseil de la concurrence. Ainsi, dans lavis 07-A-12 du 11octobre 2007 relatif la lgislation sur lquipement commercial, le Conseil a examin limpact sur la concurrence des dispositions qui taient alors en vigueur. Au vu dun bilan concurrentiel qui sest avr ngatif, il a formul au gouvernement plusieurs propositions ayant induit certaines modifications lgislatives. la date de la saisine du Conseil, la lgislation sur lquipement commercial consistait en un rgime dautorisation pralable des ouvertures et extensions de surfaces commerciales. Ce rgime dautorisation rsultait de la loi no73-1193 du 27dcembre 1973 dorientation du commerce et de lartisanat, dite loi Royer . La loi Royer avait pour objectif dencadrer le dveloppement de la grande distribution, en vue dassurer un dveloppement quilibr des diffrentes formes de commerce et, en particulier, de prserver les petits commerces de proximit en centre-ville. cette fin, elle avait dfini quatre orientations: laffirmation de la libert dentreprendre dans le cadre dune concurrence saine et loyale ; la rcapitulation des objectifs caractristiques du commerce (animation de la vie sociale, contribution la comptitivit de lconomie nationale et la qualit de vie) ; linterdiction de lcrasement de la petite entreprise et du gaspillage des quipements commerciaux ; la prservation des activits commerciales en centre-ville et dans les zones rurales. En vue datteindre ces objectifs, la loi avait transform la procdure dexamen pralable la dlivrance du permis de construire, instaure par la loi no69-1263 du 31dcembre 1969 portant diverses dispositions dordre conomique et financier, pour les commerces de plus de 3 000m, en procdure dautorisation dordre conomique, distincte du droit de lurbanisme. Initialement, la loi Royer exigeait une autorisation pour toute cration ou extension de plus de 200m de commerces de plus de 1 000m dans les communes de

Le cadre lgislatif de lurbanisme commercial

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tude thmatiquemoins de 40 000 habitants et de plus de 1 500m dans les communes de plus de 40 000 habitants. Les autorisations taient dlivres par des commissions dpartementales durbanisme commercial. Ces commissions statuaient essentiellement au regard du principe dinterdiction de lcrasement de la petite entreprise, la mise en uvre des trois autres orientations tant, dans les faits, passe au second plan. Par la suite, la loi Royer avait t modifie par la loi no96-603 du 5juillet 1996 relative au dveloppement et la promotion du commerce et de lartisanat, dite loi Raffarin . Cette dernire avait abaiss le seuil dautorisation de 1 000 300m2 et avait transform les commissions dpartementales durbanisme commercial en commissions dpartementales dquipement commercial. La loi Royer avait galement t amende par la loi no93-122 du 29janvier 1993 relative la prvention de la corruption et la transparence de la vie conomique et des procdures publiques, dite loi Sapin , et la loi no2000-1208 du 13dcembre 2000, relative la solidarit et au renouvellement urbain, dite loi SRU . Ces lois avaient largi le champ dapplication de la loi Royer aux htels et quipements cinmatographiques, institu une instance dappel au niveau national et introduit de nouveaux critres prendre en considration, de nature conomique, environnementale, urbanistique ou encore tenant la politique des transports. Lapplication de la lgislation relative lquipement commercial pouvait ainsi paratre contestable en raison de son bilan concurrentiel ngatif.

Un bilan concurrentiel ngatif

Dans son avis 07-A-12, le Conseil a dress le bilan de la lgislation relative lurbanisme commercial. Il a dabord relev que le rgime dautorisation pralable des ouvertures et extensions de surfaces commerciales navait quimparfaitement atteint son objectif principal de maintien dun quilibre entre les diffrentes formes de commerce. Ce succs mitig devait tre mis en balance avec les effets sur la concurrence du rgime dautorisation pralable. En effet, en instaurant une autorisation spcifique pour les surfaces de plus de 1 000m2, la loi Royer avait institu une barrire rglementaire lentre sur le march et en durcissant les conditions dobtention de cette autorisation, la loi Raffarin avait renforc cette barrire. cet gard, la France tait dans une situation extrme par rapport aux autres tats pour lesquels des donnes taient disponibles, ainsi que lavait constat lOCDE 9. En effet, dans lensemble des tats tudis, le secteur de la distribution se caractrisait par ses nombreuses barrires lentre relatives, notamment, la disponibilit et au prix du foncier. Mais, en France, lobligation dobtenir une autorisation administrative pralable, en fonction dautres critres que ceux relevant de lconomie de linstallation envisage, constituait un obstacle supplmentaire.9. V. O. Boylaud et G. Nicoletti, La rforme de la rglementation dans le commerce de dtail , Revue Economique de lOCDE, no32, 2001, pp.282-305.

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De plus, cette barrire pesait sur les oprateurs de faon ingale en raison, dune part, de lexistence dun seuil et, dautre part, dun biais constat dans lattribution des autorisations en faveur des projets dextension. Ainsi, le seuil exprim en mtres carrs incitait les oprateurs privilgier les petits formats, quand de plus grands formats auraient pu tre plus efficaces. Tel a notamment t le cas sagissant des ouvertures de maxi-discomptes. De plus, les commissions dpartementales dquipement commercial taient davantage disposes accorder des autorisations dextension que des autorisations douverture, ce qui a favoris les oprateurs en place. Le rgime dautorisation pralable a donc engendr des distorsions de concurrence et modifi les incitations des oprateurs dans un sens qui ntait pas toujours celui recherch ni mme anticip par le lgislateur. Cette barrire lentre tait plus importante encore pour les oprateurs trangers car, pour ces derniers, la constitution du dossier de demande dautorisation tait complexe et la probabilit de se voir accorder une autorisation plus faible. In fine, le rgime dautorisation pralable a eu des effets distorsifs sur le nombre doprateurs et sur les choix de ces derniers en matire dinvestissement, de localisation, de mode de dveloppement et, en dfinitive, sur la structure concurrentielle du march. En particulier, il a limit les possibilits de croissance interne et, ce faisant, incit les oprateurs se dvelopper par croissance externe, favorisant alors la concentration du secteur et contribuant renforcer la position des distributeurs en place dans leurs relations avec les fournisseurs. Cette concentration du secteur et la consolidation de la puissance financire des principaux groupes de distribution qui en a rsult ont, en retour, pu contribuer renforcer les barrires lentre sur le march pour les plus petits oprateurs et pour les nouveaux entrants. En effet, certains groupes ont pu acqurir la matrise foncire des zones ligibles limplantation dquipements commerciaux, ce qui a abouti faire obstacle limplantation de concurrents potentiels. Au niveau local, la concentration du secteur sest manifeste par lexistence de zones dans lesquelles seules une ou deux enseignes dhypermarchs taient prsentes. La prise en compte des conditions dexercice de la concurrence parmi les objectifs poursuivis par la lgislation sur lquipement commercial na donc pas permis dviter lapparition de zones dans lesquelles lintensit de la concurrence est insuffisante. Cette pnurie de concurrence a pu avoir un effet ngatif sur les prix et sur lemploi, en engendrant des hausses tarifaires dfavorables aux consommateurs et en pnalisant les crations demplois. En dfinitive, le rgime dautorisation pralable avait cr et renforc des barrires lentre sur le march. Ds lors, le bilan en demi-teinte, sagissant de lobjectif principal dquilibre entre les diffrentes formes de commerce, et ngatif, sagissant de la concurrence, militait en faveur dune rforme en profondeur.

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tude thmatique

Les propositions formules par le Conseil

Le Conseil a estim que le rgime dautorisation administrative pralable stait avr insuffisant pour freiner le dclin du petit commerce, la dvitalisation des centres-villes et la dsertification des zones rurales, lesquels avaient dautres causes que le dveloppement incontrl des grandes surfaces et pouvaient tre rsolus autrement, notamment grce lattribution daides directes, par exemple, dans le cadre dune politique damnagement du territoire. En outre, lexemple des autres tats europens montrait quil tait possible de ne soumettre limplantation des surfaces commerciales qu une seule autorisation, sur la base de documents durbanisme, sans pour autant renoncer aux objectifs poursuivis par la lgislation franaise. Aussi, titre principal, le Conseil a recommand, dune part, de supprimer le dispositif de consultation des commissions dpartementales dquipement commercial et, dautre part, de rduire lexamen des projets dinstallation et dextension de surfaces commerciales la seule instruction du permis de construire au regard du droit commun de lurbanisme et des documents durbanisme de porte gnrale. Nanmoins, une telle suppression prsentait des risques, compte tenu du poids du pass et des caractristiques propres la grande distribution. En particulier, la prsence doprateurs disposant dune puissance financire importante et lexistence de positions dominantes locales pouvaient priver les consommateurs dune partie des bnfices attendus dune telle rforme. Le Conseil a donc prconis daccompagner la suppression du rgime dautorisation pralable par des mesures de nature assurer un meilleur contrle des risques lis la constitution de positions dominantes. Il a ainsi recommand dabaisser les seuils du contrle des concentrations pour tenir compte des intrts des consommateurs et des enjeux de concurrence sur les zones de chalandise, spcifiques au secteur de la distribution. Il a galement appel de ses vux la mise en place dun dispositif permettant dimposer des remdes structurels, pour remettre en cause, en cas dabus, les positions dominantes acquises, lorsque les seuls remdes comportementaux se rvleraient insuffisamment efficaces. Toutefois, dans lhypothse o le lgislateur opterait plutt pour un amnagement de la lgislation, le Conseil a propos des amliorations de nature rduire les atteintes la concurrence. tout le moins, il a donc prconis de: rehausser les seuils dautorisation, en rtablissant, a minima, le niveau antrieur celui de la loi Raffarin ; supprimer les critres de nature conomique en ce que ces critres tendaient se substituer au march en formulant des anticipations sur lvolution de la demande et en portant un jugement sur la capacit dun projet satisfaire cette demande ; revoir la composition des commissions dpartementales dquipement commercial ; abaisser le seuil dexamen des concentrations dans le commerce de dtail, afin de mieux prvenir la constitution ou le renforcement de positions dominantes locales et de contrler lincidence des changements denseigne.

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Ces recommandations ont t confortes par les propositions de la Commission pour la libration de la croissance, prside par M.Jacques Attali, qui a remis son rapport au prsident de la Rpublique en janvier2008. Ds le 1erfvrier 2008, le Premier ministre et le ministre de lconomie, de lIndustrie et de lEmploi ont annonc le dpt dun projet de loi de modernisation de lconomie destin stimuler la croissance, le pouvoir dachat et lemploi, grce un ensemble de mesures concernant, notamment, lquipement commercial. Ces annonces ont t concrtises dans le projet de loi de modernisation de lconomie dpos aux assembles dans les semaines qui ont suivi. Sagissant de la modification de la lgislation sur lurbanisme commercial, la loi no2008-776 du 4aot 2008 de modernisation de lconomie, dite LME , a finalement repris la seconde srie de prconisations du Conseil de la concurrence 10. Elle a ainsi: relev le seuil dautorisation de 300 1 000m2 ; supprim les critres de nature conomique, les commissions dpartementales devant se prononcer sur les effets du projet en matire damnagement du territoire, de dveloppement durable et de protection des consommateurs ; transform les commissions dpartementales dquipement commercial et la commission nationale dquipement commercial, respectivement, en commission dpartementale damnagement commercial et en commission nationale damnagement commercial, et modifi leur composition. Sagissant plus spcifiquement du droit de la concurrence, la LME a abaiss les seuils de notification des oprations de concentration dans le secteur de la distribution, offrant ainsi lAutorit la possibilit dassurer un contrle plus vigilant 11. Paralllement, elle a fourni lAutorit un outil lui permettant de traiter les abus rendus possibles en raison de positions dominantes acquises par le pass, que ce soit par le biais dune concentration ou dune ouverture denseigne 12. Cet outil autorise lAutorit imposer des injonctions structurelles quand les autres outils disponibles ont chou assurer le rtablissement de lordre concurrentiel. Toutefois, la LME ne devait tre quune tape de la rforme de la lgislation sur lquipement commercial. En effet, le Premier ministre a confi M.Jean-Paul Chari, qui tait rapporteur de la LME, la prparation dune rforme de plus grande ampleur. Dans son rapport prsent le 2janvier 2009, M.Chari prconisait labrogation des dispositions lgales encadrant limplantation des grandes surfaces de vente 13. linitiative de M.Chari, la commission des affaires conomiques de lAssemble nationale a, depuis lors, engag une rflexion en vue dune intgration du droit de

10. Art.102 de la LME. Voirart. L.750-1 ets. du Code de commerce. 11. Art.L.430-2 II du Code de commerce. Voir partie Le contrle des concentrations de cette tude. 12. Art.L.752-26 du Code de commerce. 13. J.-P.Chari, dput, Pas de cit russie sans commerce, pas de vitalit sans intrt gnral Avec le commerce, mieux vivre ensemble, Paris, La Documentation franaise, 2009.

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tude thmatiquelurbanisme commercial dans le droit commun et dune suppression du pouvoir davis conforme des commissions dpartementales damnagement commercial 14. Ainsi, en juin2010, une proposition de loi de MM.Ollier et Piron a t adopte en premire lecture par lAssemble nationale et transmise au Snat 15. Le principe directeur de cette proposition de loi, qui se concentre essentiellement sur certaines zones du centre-ville, est dintgrer lurbanisme commercial au droit commun de lurbanisme. Si cette proposition tait adopte, une seule autorisation serait ncessaire: le permis de construire.

Le cas particulier des dpartements doutre-mer (DOM) mrite une analyse spcifique. En effet, lisolement et lexigut de ces marchs ne suffisent pas eux seuls expliquer les fortes diffrences de prix constates par rapport la mtropole et, l encore, le contexte rglementaire local joue un rle dfavorable pour la concurrence. Si des objectifs tels que lamnagement du territoire ou le dveloppement local peuvent appeler des rponses adaptes au moyen doutils ad hoc, une rglementation trop intrusive, aux effets mal anticips, pourrait savrer parfois contre-productive. La meilleure forme de rgulation de la distribution, en mtropole comme outre-mer, est celle qui permet de fluidifier le jeu concurrentiel, afin de stimuler la comptitivit des entreprises. LAutorit de la concurrence, dont la cration a concid avec la crise de 2009 dans les dpartements doutre-mer (ci-aprs DOM ), a fait de la question du pouvoir dachat dans les DOM une de ses priorits 16. En particulier, saisie pour avis par le secrtaire dtat loutre-mer de la situation de la concurrence dans les DOM, elle a rendu un avis 09-D-45 relatif aux mcanismes dimportation et de commercialisation des produits de grande consommation dans les DOM. Cet avis constituait le second volet de son intervention consultative dans les DOM, aprs lavis 09-A-21 du 24juin 2009 relatif la situation de la concurrence sur les marchs des carburants dans les DOM. Tout en prenant en compte la situation spcifique des DOM et les particularits du contexte rglementaire local, lAutorit a soulign, dans lavis 09-A-45, quune approche interventionniste par la rgulation des prix tait contre-productive, le dveloppement de la concurrence tant le meilleur moyen de promouvoir une conomie locale moins dpendante et plus comptitive, au bnfice de la collectivit tout entire.14. P.Ollier, J.Gaubert, dputs, Rapport dinformation no2312 sur la mise en application de la loi no2008-776 du 4aot 2008 de modernisation de lconomie, 18fvrier 2010. 15. AN, proposition de loi relative lurbanisme commercial, no2490, 3mai 2010. Voir M.Piron, dput, Rapport no2566 fait, au nom de la Commission des affaires conomiques, sur la proposition de loi relative lurbanisme commercial, 1erjuin 2010, ainsi que D.Braye, snateur, Rapport no180, fait au nom de la Commission de lconomie, du dveloppement durable et de lamnagement du territoire, sur la proposition de loi, adopte par lAssemble nationale, relative lurbanisme commercial, 15dc. 2010. 16. Voir Autorit de la concurrence, Outre-mer. Dynamiser la concurrence au service de tous, Paris, La Documentation franaise, coll. Dclic , 2011, 157p.

Les barrires rglementaires dans les dpartements doutre-mer

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Dans les DOM, la petite taille des marchs et leur loignement des principales sources dapprovisionnement constituent des obstacles naturels lobtention de prix. Aux surcots qui en rsultent, sajoute la taxe doctroi de mer qui accrot mcaniquement les prix de vente aux consommateurs 17. LAutorit a donc prconis de rexaminer les dispositifs daides aux entreprises implantes dans les DOM, quil sagisse de loctroi de mer, des exonrations de charges ou encore des subventions verses aux industriels locaux. De telles mesures napparaissent justifies que si leurs cots court terme, en termes de prlvement ou de renchrissement des prix, sont compenss par le dveloppement, moyen terme, dune industrie locale comptitive. ce stade, les lments recueillis ont enseign que ces mesures daide taient peu incitatives lamlioration de la comptitivit des entreprises locales, voire encourageaient des prix levs. titre dillustration, les marges et les prix des yaourts, du caf ou de leau de source produits localement sont parfois plus levs que ceux des produits imports ou vendus en mtropole, en dpit des aides et protections dont bnficiaient les producteurs locaux. Ces exemples pourraient conduire envisager une suppression progressive de loctroi de mer et instaurer un mcanisme dvaluation des diffrentes aides alloues, notamment en termes de comptitivit des entreprises locales. De manire gnrale, lAutorit a recommand de faciliter le jeu concurrentiel en supprimant les barrires rglementaires lentre et en amliorant linformation des consommateurs. Plus prcisment, elle a recommand de lever les obstacles rglementaires qui sopposent larrive de nouveaux acteurs, condition ncessaire la pleine mise en uvre du processus concurrentiel. cet gard, elle a considr que, outre les rformes dj engages dans le cadre de la LME, la suppression du contrle exerc par les commissions dpartementales damnagement commercial sur les projets dimplantation de plus de 1 000m et la diminution des seuils de notification pour les oprations de concentration impliquant des grandes surfaces implantes dans les DOM taient de nature promouvoir une structure du march de la distribution de dtail plus concurrentielle. Le lgislateur, dont le diagnostic a rejoint ces recommandations, a dores et dj abaiss le seuil de notification des oprations de concentration de 15 7,5millions deuros, pour les oprations relatives au commerce de dtail outre-mer. Par ailleurs, lAutorit a soulign que le contrle des prix ne pouvait pas constituer une solution aux problmes de concurrence identifis: en raison des risques de dfinition errone des prix de vente, de revente ou des marges quelle comporte et des difficults de mise en uvre, la rglementation des prix doit demeurer une mesure dexception portant sur des secteurs ou des tapes du circuit dapprovisionnement clairement identifis sur lesquels le jeu de la concurrence est mis en chec. dfaut, une telle mesure pourrait aggraver le dficit de concurrence17. Depuis la loi no84-747 du 2aot 1984, le rgime de loctroi de mer autorise les conseils rgionaux lever des taxes sur les produits introduits ou produits dans les dpartements doutre-mer. Les biens produits localement peuvent bnficier dexonration pour des motifs de dveloppement conomique local.

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tude thmatiquedj constat dans les DOM sans pour autant parvenir faire diminuer les prix de faon durable. En parallle de son intervention en faveur de labaissement des barrires rglementaires limplantation de nouveaux tablissements en mtropole comme dans les dpartements doutre-mer, lAutorit a galement identifi des barrires non rglementaires. Elle a ainsi pu constater que certains comportements mis en uvre par les oprateurs en place et reposant, en partie, sur la raret du foncier commercial, pouvaient entraver les nouvelles implantations.

Des barrires non rglementaires lies certaines pratiques de gestion du foncier commercialDans son avis 10-A-26 relatif aux contrats daffiliation de magasins indpendants et aux modalits dacquisition de foncier commercial dans le secteur de la distribution alimentaire, lAutorit a observ que le niveau de concentration de certaines zones de chalandise, sagissant des hypermarchs et du commerce de proximit, paraissait fig un niveau lev en raison de barrires lentre, en partie lies certains comportements des oprateurs, ladresse desquels elle a formul des observations.

Le diagnostic gnral

Le rgime dautorisation administrative pralable, qui forme en tant que tel un premier obstacle lentre, peut se doubler dune seconde barrire lorsque de nombreux recours sont exercs contre les autorisations dimplantation et les permis de construire. En effet, les autorisations sont frquemment contestes devant les tribunaux administratifs et les permis de construire font galement lobjet de recours, forms tant par les concurrents que par des associations, notamment environnementales. Ces recours ne sont pas a priori abusifs en eux-mmes. Nanmoins, ils accroissent sensiblement le cot et la longueur des procdures dautorisation et rendent incertaine lissue des processus dimplantation. Ces incertitudes conduisent les oprateurs assortir les actes dacquisition de foncier commercial de conditions suspensives lies lobtention des diffrents permis et autorisations. La dure de ces clauses suspensives est en gnral de dixhuit mois et nexcde trente-six mois quexceptionnellement. Globalement, la dure ncessaire limplantation dun hypermarch, entre la recherche du foncier commercial et la finalisation du projet, peut prendre entre sept dix ans. Certains projets peuvent mme tre abandonns lorsque la dure des diffrentes procdures administratives excde les dlais permis par les conditions suspensives. En plus de ces difficults procdurales, lAutorit a exprim des proccupations lgard de certains types de comportements en matire de foncier commercial.

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Trois types de pratiques ont retenu lattention dans la mesure o elles sont susceptibles de constituer, par leur objet ou par leurs effets, une barrire lentre de nouveaux oprateurs: la dtention de foncier inexploit ; la saturation de zones de chalandise par limplantation de plusieurs magasins sur une mme zone ; linsertion de clauses de non-concurrence dans les contrats de cession et dacquisition du foncier commercial. La dtention de foncier inexploit repose frquemment sur des justifications a priori raisonnables, telles que le projet dagrandissement dun magasin, lattente dun permis de construire ou dune autorisation administrative,etc. Elle peut toutefois traduire, dans certains cas, des stratgies anticoncurrentielles. Ainsi, pour un oprateur souhaitant empcher lentre dun concurrent, des stratgies consistant, soit en la revente dun site accompagne dune clause de non-concurrence ou de prfrence, soit en la location dun site des oprateurs non concurrents, sont moins onreuses quun gel du foncier commercial. De mme, limplantation, dans une mme zone de chalandise, de plusieurs magasins dune mme enseigne ou denseignes diffrentes appartenant un mme groupe, pourrait tre qualifie dabus de position dominante , si elle sinscrivait dans une stratgie dexclusion des entrants potentiels. Pour leur part, les pratiques consistant assortir la revente de terrains btis ou non btis de clauses de non-concurrence dune dure pouvant aller jusqu cinquante ans, pour celles de ces clauses qui comportent une limitation de dure, et transmises lors des oprations de revente ultrieures, contribuent accrotre les barrires lentre sur le march de la distribution dominante alimentaire et pourraient constituer, dans certains cas, des pratiques anticoncurrentielles. Il en est de mme de la prsence, dans certains contrats de vente, de droits de priorit pouvant durer jusqu cinquante ans et donnant un avantage concurrentiel important au bnficiaire en lui permettant davoir connaissance des offres faites par des acqureurs potentiels et danticiper, voire dempcher larrive dun concurrent en faisant jouer son droit de priorit. Les oprateurs avancent gnralement trois justifications ces clauses de non-concurrence: les clauses de non-concurrence tendraient dabord prserver la diversit commerciale et lattractivit dune zone commerciale, en empchant quun second magasin alimentaire ne vienne sinstaller en lieu et place dun magasin de vtements, de bricolage,etc. ; les clauses de non-concurrence viseraient ensuite empcher limplantation de magasins susceptibles dagir en passager clandestin. Souvent, lenseigne alimentaire, par ses oprations publicitaires, par le nombre de ses clients et par sa comptitivit, engendre des flux de clientle et donc des externalits positives pour les autres magasins de la zone commerciale. Les clauses de non-concurrence

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tude thmatiqueauraient alors pour but de protger cette enseigne en raison de son rle moteur dans le dynamisme de la zone ; enfin, les clauses de non-concurrence permettraient de prserver la rentabilit dun nouveau magasin en cas de transfert ou dagrandissement. Un oprateur peut, en effet, tre amen fermer un magasin pour se rinstaller plus loin, soit la demande dune collectivit territoriale ou dune administration, soit de sa propre initiative. Une telle opration entranant un cot significatif, les oprateurs auraient donc recours aux clauses de non-concurrence pour garantir la profitabilit du nouveau magasin. Cependant, dans ces situations, les oprateurs eux-mmes indiquent que les clauses de non-concurrence ne sont pas utiles car, le plus souvent, lacheteur du terrain est une municipalit ou un promoteur souhaitant y btir des logements. Dans son avis, lAutorit a estim que ces justifications ntaient pas a priori toutes galement convaincantes, en particulier celles relatives la protection des investissements. En effet, les investissements raliss dans le secteur de la distribution ne sont pas particulirement risqus, au dire mme des oprateurs. En outre, une large proportion des investissements effectus ne sont pas des actifs spcifiques, si bien que lentre dun concurrent ne cause pas de dommage irrmdiable aux concurrents dj implants, qui peuvent, sils le dsirent, revendre leur foncier bti et non bti. De mme, les externalits positives engendres par limplantation dun commerce alimentaire sur une zone de chalandise peuvent tre montises (via une hausse des loyers ou du prix de vente du foncier disponible sur la zone aprs linstallation dune grande surface alimentaire, par exemple) par le propritaire des terrains voisins et rtrocdes au commerce alimentaire, qui paierait moins cher son installation initiale, ds lors que le vendeur du terrain dtient encore du foncier commercial proximit des terrains vendus. Enfin, largument tir de la protection de la diversit des commerces est relativiser dans la mesure o il sagit dun intrt dj protg par le droit de lurbanisme: dune part, dimportants obstacles, notamment administratifs, existent dj lentre de commerces alimentaires et, dautre part, il revient aux consommateurs par leurs actes dachat, de dterminer le niveau souhaitable de diversit commerciale (magasins alimentaires, de vtements, de bricolage,etc.). Du reste, ces derniers pourraient prfrer disposer de davantage de magasins alimentaires dans la mme zone de chalandise, si cela accrot la concurrence et diminue les prix. Ds lors, les clauses de non-concurrence ne semblent pas pouvoir tre justifies de manire gnrale et abstraite, sur la base des analyses effectues ce stade par lAutorit, alors mme quelles prsentent des risques notables pour la concurrence. LAutorit a donc formul un certain nombre de recommandations cet gard.

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Les recommandations

Dans son avis 10-A-26, lAutorit a formul des propositions afin de faciliter limplantation de nouveaux magasins. Sagissant en particulier du foncier commercial, elle a propos de supprimer les clauses de non-concurrence et de droits de priorit dans les contrats de vente et dacquisition de foncier commercial. Plusieurs options ont t examines dans lavis. Il pourrait, par exemple, tre envisag de ne supprimer les clauses de nonconcurrence et les droits de priorit que dans les zones o le degr de concentration dpasse un certain seuil. Une autre possibilit consisterait autoriser des clauses de non-concurrence limites dans le temps et relatives des surfaces foncires peu susceptibles daccueillir un nouvel oprateur. LAutorit a relev que ces deux solutions prsenteraient un certain nombre de difficults de mise en uvre. Dans ces conditions, elle a suggr, en ltat, que la solution la plus adapte serait de supprimer les clauses de non-concurrence tant dans les contrats venir que dans les contrats passs. Lanalyse de lAutorit rejoint celle de la Competition Commission britannique. En effet, cette dernire a soulign la porte anticoncurrentielle des clauses restrictives dexploitation par lesquelles un groupe de distribution vendant un terrain interdit lacheteur dexploiter ce terrain pour une activit de distribution ou de revendre ce terrain un autre groupe de distribution (restrictive covenant). Elle a galement considr que la dure de certaines exclusivits territoriales par lesquelles un distributeur se protge de limplantation de distributeurs concurrents tait excessive 18. La mise en uvre des recommandations de lAutorit est entre les mains des oprateurs conomiques concerns, notamment des groupes de distribution, qui ont le pouvoir de modifier leurs contrats dans le sens prconis par lavis. Une intervention du lgislateur pourrait cependant savrer, par ailleurs, opportune pour assurer durablement la fluidit du secteur.

Organisation des acteurs de la distribution et pouvoir de marchLa libert, pour un distributeur, de choisir son mode dorganisation interne, est essentielle au fonctionnement concurrentiel des marchs. Ainsi, un distributeur peut choisir un modle intgr, dans lequel la tte de rseau est propritaire des magasins, ou bien prfrer sappuyer sur un rseau de commerants franchiss ou affilis auxquels il transmet son enseigne et son savoir-faire. Les diffrents modles dorganisation ont chacun leur justification en termes defficacit conomique, et il nappartient pas une autorit de concurrence de marquer une prfrence pour18. Voir Competition Commission, The supply of groceries in the UK market investigation , 2008 (disponible sur le site Internet de la Competition Commission: http://www.competition-commission.org.uk).

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tude thmatiquelun ou pour lautre, mais seulement de dterminer dans quelle mesure ces structures fonctionnent de faon concurrentielle, partir de leurs donnes propres. Pour autant, compte tenu du contexte dfavorable aux implantations nouvelles, voques dans la premire partie de cette tude, il est important de permettre une mobilit interenseignes en faisant en sorte que la comptition entre les diffrents groupes de distribution attire des magasins affilis des enseignes concurrentes qui souhaitent pntrer dans les zones de chalandise auxquelles ils nont pas accs. La prservation de la concurrence passe donc par la capacit dune mobilit effective, et conforme leur statut juridique, des magasins indpendants, quils soient franchiss de grands groupes intgrs ou adhrents dun groupement coopratif. LAutorit de la concurrence a donc port une attention particulire aux modalits des relations contractuelles entre magasins indpendants et groupes de distribution. Cette analyse de lorganisation interne des grands rseaux de distribution est complmentaire de lexamen des oprations de croissance externe des oprateurs, ventuellement susceptibles dtre examines sous langle de loutil spcifique du contrle des concentrations.

Analyse des relations au sein des rseaux de distributionDans son avis 10-A-26 prcit, lAutorit a regroup sous les termes magasins indpendants ou magasins affilis lensemble des magasins exploits par des commerants indpendants et affilis soit lun des groupements coopratifs (tels que les groupes E.Leclerc, ITM Entreprises, SystmeU), soit lun des groupes intgrs (tels que Casino, Carrefour, Auchan) par un contrat de franchise ou autre contrat assimil. Alors que les magasins intgrs sont dtenus et grs directement par un groupe de distribution, qui dcide de la politique commerciale des magasins en sappuyant sur ses salaris pour la mettre en uvre, les magasins indpendants disposent dune certaine libert commerciale, dans les limites de la politique commerciale fixe par la tte de rseau et spcifie dans les statuts et les rgles de fonctionnement. En France, les magasins indpendants sont majoritaires dans lensemble des hypermarchs, supermarchs et commerces de proximit. Cette situation peut sexpliquer par lintrt que trouve un groupe de distribution dlguer un oprateur indpendant la responsabilit de dvelopper lactivit dun commerce plutt que de la confier un salari. Le groupe peut ainsi limiter sa prise de risque et sappuyer sur des commerants ayant une connaissance dtaille des caractristiques des marchs locaux. Loprateur autonome, quant lui, a tout intrt dvelopper son activit commerciale, puisquil conserve les revenus qui en rsultent, aprs versement des paiements dus au groupe auquel il est affili. Comme le souligne lavis 10-A-26, si, en thorie, les magasins indpendants affilis un mme groupe de distribution sont mme de se concurrencer les uns les autres en exploitant leur autonomie en matire de dfinition de leur politique commerciale, plusieurs facteurs sont susceptibles de limiter lintensit de cette concurrence.

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Tout dabord, la tte de rseau peut exercer une influence significative sur la stratgie commerciale des magasins indpendants, par exemple, en termes dassortiment de produits. La tte de rseau peut en effet dfinir un assortiment minimum commun tous les magasins exploits sous la mme enseigne (en particulier en ce qui concerne les marques propres ), et ce afin de maintenir limage et lidentit de lenseigne. La capacit des linaires tant limite, les magasins indpendants voient donc leur libert dapprovisionnement considrablement rduite. La politique commerciale en matire de marques de distributeurs est particulirement contraignante, car elle impose non seulement un assortiment commun tous les magasins de lenseigne, mais aussi prvoit que ceux-ci ne puissent pas rfrencer de produits sous marques de distributeurs concurrents. Ensuite, la libert tarifaire des magasins indpendants peut tre contrainte par au moins deux facteurs. Dune part, les groupements coopratifs peuvent pratiquer des prix communs toute lanne, en vertu de la loi no2001-420 du 15mai 2001 relative aux nouvelles rgulations conomiques, dite loi NRE , qui permet la ralisation doprations commerciales publicitaires ou non pouvant comporter des prix communs . Dautre part, ds lors que les magasins indpendants sapprovisionnent principalement auprs de la centrale dachat du groupe dont ils dpendent, le groupe de distribution peut matriser les prix dachat dune importante proportion des produits vendus par les magasins indpendants, et limiter ainsi leur aptitude concurrencer les autres magasins dtenus par ou affilis la mme tte de rseau. Pour ces diffrentes raisons, lAutorit peut, comme elle la fait dans son avis 10-A26, apprhender la concentration des marchs de dtail au niveau du groupe de distribution, dans la mesure o les magasins indpendants affilis un mme groupe nexercent pas les uns sur les autres la mme pression concurrentielle que des magasins indpendants ou des magasins intgrs de groupes de distribution concurrents. cet gard, lavis a conclu quune proportion significative des zones de chalandise franaises tait caractrise par un degr de concentration lev, notamment dans le cas des hypermarchs et du commerce de proximit. Le degr de concentration lev de certaines zones de chalandise dcoule pour partie de la moindre demande qui peut, frquemment, y tre constate, mais provient galement du fait que, dans une proportion trs significative de zones de chalandise, les groupes de distribution dtiennent ou affilient plus dun magasin. Il sexplique notamment par labsence ou la trs faible prsence de certains groupes de distribution dans certaines zones ou sur certains formats. Ainsi, le commerce de proximit demeure majoritairement concentr autour des oprateurs Casino et Carrefour. Sur le format des hypermarchs et, un degr moindre, des supermarchs, il demeure trs frquent quun groupe de distribution ne soit confront qu la concurrence de deux ou trois oprateurs. Plusieurs barrires lentre et au dveloppement de magasins, quel que soit le format retenu pour simplanter dans une zone de chalandise donne, ont t releves par lAutorit. Celles-ci rsultent principalement de la rglementation entourant lexercice de lactivit de commerce alimentaire et des difficults lies lacquisition de foncier commercial, ainsi que de ltanchit des diffrents rseaux de distribution.

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tude thmatique

Gestion du foncier commercial

Les contraintes administratives lies limplantation de magasins de surface suprieure 1 000m ont t exposes dans la premire partie de cette tude, et expliquent en partie les niveaux de concentration levs de certaines zones de chalandise. En centre-ville, dautres contraintes oprationnelles et conomiques sajoutent aux obligations rglementaires pour rendre galement dlicates de nouvelles implantations, notamment celles suprieures 400m2. Dune part, les immeubles permettant limplantation dune surface commerciale suffisamment tendue pour tre attractive demeurent relativement rares. Dautre part, pour lobtention de ces locaux, les oprateurs de la distribution alimentaire sont en concurrence avec des socits dautres secteurs dont les marges suprieures leur permettent frquemment de surenchrir sur les offres des groupes de distribution alimentaire. LAutorit sest intresse dans son avis 10-A-26 certaines stratgies pouvant tre mises en uvre par des groupes de la grande distribution, relatives au foncier commercial, telles que le gel de foncier commercial et les clauses de non-concurrence introduites dans les contrats de cession et dacquisition de terrains ou dquipements commerciaux conclus avec des partenaires extrieurs au groupe. De telles clauses de non-concurrence ou de priorit peuvent en effet contribuer accrotre les barrires linstallation de nouveaux magasins. Sagissant des contrats de vente de foncier entre une tte de rseau et un magasin affili quelle a pu analyser, lAutorit a constat que certains incluaient des clauses similaires de priorit au profit du groupe en cas de revente du terrain ou des quipements commerciaux. Les deux types de droit de priorit observs sont, dune part, le droit de prfrence, qui donne au rseau dorigine le privilge de la premire offre de rachat, et, dautre part, le droit de premption qui permet au rseau dorigine de saligner sur loffre de rachat formule par un groupe concurrent. Dans la plupart des contrats analyss par lAutorit pour son avis 10-A-26, le droit de priorit survit mme aprs le terme du contrat, pour des dures allant dun quinze ans. Il est en outre souvent assorti dun droit dagrment prvoyant que si le groupe renonce son droit de priorit, il conserve un droit de regard en exigeant la possibilit dagrer ou non le repreneur. Les oprateurs justifient linsertion de tels droits par la ncessit de prserver leurs rseaux de magasins affilis et den prenniser le parc. Mais comme lAutorit la soulign, ces droits viennent alors sajouter aux dures dengagement dj longues et aux clauses de non-raffiliation, qui rpondent aux mmes justifications de protection des rseaux, de savoir-faire et dimage. LAutorit a considr que les droits de premption pouvaient par ailleurs donner un avantage concurrentiel important au groupe bnficiaire en linformant des offres faites par des acqureurs potentiels, lui permettant danticiper, voire dempcher, limplantation dun concurrent. Elle a estim que ce type de clauses pouvait dans cette mesure contribuer dissuader les groupes de distribution concurrents

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dentrer en ngociation avec le propritaire souhaitant vendre son magasin. En effet, leurs offres de rachat ont peu de chance daboutir, compte tenu des droits de priorit pouvant les suppler conditions et termes quivalents dans la conclusion du contrat de vente. En outre, labsence dincitation des groupes concurrents formuler des offres de rachat diminue le pouvoir de ngociation du propritaire du magasin relativement celui de la tte de rseau, qui peut alors, moindre cot, assurer la prennit de son rseau. LAutorit a galement soulign les proccupations de concurrence que faisaient natre les droits de prfrence qui obligent laffili proposer en priorit la vente de son magasin sa tte de rseau. De telles obligations imposent au propritaire de proposer son bien la vente sa tte de rseau, pralablement toute mise en concurrence avec dautres acheteurs potentiels. Le magasin mis en vente nest donc pas soumis aux rgles du march, sa valorisation tant prvue soit dans le contrat initial, soit dire dexpert. LAutorit a conclu que cette mthode tait de nature minorer la valeur du magasin et favoriser la tte de rseau bnficiaire du magasin, en lui permettant de maintenir des magasins dans son rseau moindre cot. Finalement, la raret du foncier, conjugue aux diffrentes clauses introduites dans les contrats de vente du foncier visant limiter la cession des terrains ou des quipements commerciaux, constituent autant de barrires limplantation de nouveaux magasins et au dveloppement de groupes de distribution concurrents des oprateurs dj bien implants. Si des obstacles empchent limplantation de magasins par un nouvel oprateur, celui-ci dispose nanmoins de la possibilit dattirer lui des magasins dj affilis auprs dautres groupes de distribution. Ce raisonnement, qui est valable aussi bien au niveau national qu celui de la zone de chalandise, contraste toutefois avec le constat dune trs faible mobilit des magasins.

tanchit des rseaux de distribution

LAutorit a remarqu dans son avis 10-A-26 que ltanchit entre les diffrents rseaux de distribution alimentaire rsultait, dune part, de la relation de quasiexclusivit entre les groupes de distribution et leurs affilis, et, dautre part, de la faible mobilit des magasins indpendants entre enseignes concurrentes. En effet, il apparat que depuis 2005, les taux de rotation des magasins indpendants, entendus comme les magasins grs par des socits indpendantes des groupes de distribution ou associes ces derniers, sont relativement faibles. Selon les enseignes, les taux de dpart (nombre de magasins indpendants ayant quitt le rseau entre2005 et2009 rapport au nombre de magasins indpendants en 2005) sont compris entre 0 et 1% pour les hypermarchs, 4 et 15% pour les supermarchs, 2 et 4% pour la proximit et 4 et 5% pour les maxi-discompteurs. titre de comparaison, une dure indicative des relations contractuelles entre le magasin et sa tte de rseau de cinq ans permet, potentiellement, un renouvellement complet du parc de magasins affilis tous les cinq ans, soit un taux de dpart

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tude thmatiquepotentiel de 100% trs largement suprieur aux taux effectivement constats sur les diffrents formats de distribution. LAutorit a soulign que labsence de mobilit des magasins indpendants entre rseaux concurrents ne rsultait pas particulirement dune rticence des groupes de distribution accueillir des magasins indpendants, mais plutt de labsence de volont ou des difficults que rencontrent les magasins indpendants changer de rseau. La stabilit des oprateurs indpendants peut tre lie lattachement quils portent leur enseigne mais aussi au risque commercial que reprsente un changement denseigne. En effet, le grant dun magasin ne peut avoir la certitude que sa clientle restera fidle son magasin plutt qu son enseigne. En outre, tout changement denseigne implique une modification du mode de gestion (modalits dapprovisionnement, systme informatique,etc.), et de lagencement du magasin, ainsi que de lassortiment et des prix, tant lachat qu la revente, des marchandises. Sur la base des travaux mens ce stade, lAutorit a exprim lavis que labsence de mobilit des magasins indpendants semblait notamment trouver son explication dans les relations contractuelles quentretiennent les groupes de distribution alimentaires avec leurs magasins affilis.

Lapprovisionnement quasi exclusif des magasins auprs de leur tte de rseau

La plupart des oprateurs indpendants sur la situation desquels lAutorit a pu se pencher sont tenus par une obligation de non-concurrence pendant toute la dure de la relation avec le groupe de distribution auquel ils sont affilis, leur interdisant dexercer une activit de commerce alimentaire autre que dans le magasin en cause et de saffilier une enseigne concurrente. En outre, si relativement peu de rseaux exigent de leurs magasins affilis une exclusivit dapprovisionnement auprs de leur centrale, le taux de fidlit des magasins (cest--dire la proportion des achats effectue par un magasin indpendant affili un groupe auprs de la centrale dachat de ce groupe) parat particulirement lev, le plus souvent gal ou suprieur 80%, les autres achats concernant principalement des produits dorigine locale, les produits de boucherie et les produits frais (lgumes, fruits). Plusieurs caractristiques des modalits dapprovisionnement des magasins peuvent expliquer limportance de ces taux de fidlit. Premirement, la quasitotalit des oprateurs exigent de leurs magasins indpendants une exclusivit dapprovisionnement pour ce qui concerne les produits vendus sous marque du distributeur. Ceux-ci tendant reprsenter 30 40% de lassortiment dfini par les groupes de distribution, les magasins sont donc dans lobligation de sapprovisionner auprs de leur centrale pour une part importante de leurs achats. Deuximement, certains contrats comprennent galement des clauses dapprovisionnement minimum ou prioritaire qui accroissent encore le taux dapprovisionnement des magasins indpendants auprs de la centrale de leur groupe.

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Troisimement, les cots logistiques associs un approvisionnement diversifi, le droit de regard de certains franchiseurs sur les achats libres de leurs franchiss, les remises de quantit incluses dans certains contrats dapprovisionnement et les rticences de la plupart des centrales livrer des magasins affilis un rseau concurrent conduisent les magasins indpendants privilgier pour leur approvisionnement la centrale dachat de leur rseau. Cette quasi-exclusivit dapprovisionnement des magasins indpendants auprs des centrales dachat de leurs ttes de rseau constitue un obstacle lentre de tout nouvel oprateur de distribution, contraint douvrir ses propres magasins pour commercialiser ses produits.

Les relations contractuelles entre magasins indpendants et tte de rseau

Les relations entre un magasin indpendant et la tte de rseau sont formalises par de multiples documents contractuels: contrat de franchise, contrat denseigne, contrat dapprovisionnement, contrat de licence de marque, contrat de locationgrance, statuts, rglement intrieur,etc. Du fait de la complexit et de lenchevtrement des diffrents engagements auxquels il doit souscrire, le candidat laffiliation, ou laffili arriv chance de son contrat, pourrait hsiter mettre en concurrence les diffrentes enseignes, ce qui contribuerait freiner la mobilit des magasins affilis entre les diffrents rseaux. Dans son avis, lAutorit sest donc penche sur lconomie des contrats liant les magasins indpendants aux groupes auxquels ils sont affilis et leurs consquences sur la mobilit des oprateurs prsents sur les marchs aval de la distribution. Elle a relev plusieurs dispositifs contractuels qui pouvaient avoir pour consquence de restreindre la mobilit des commerants indpendants entre les diffrents groupes de la distribution, en dissuadant les affilis de sortir dun rseau. Ces dispositifs concernent les dures relativement longues des engagements, les dcalages des chances des diffrents contrats liant un mme commerant au groupe auquel il est affili, des droits dentre paiement diffr qui sapparentent finalement des cots de sortie pouvant tre rdhibitoires, des clauses de non-raffiliation et de non-concurrence postcontractuelles qui psent sur le commerant affili, et les droits de priorit au profit des ttes de rseau. Sagissant des liens contractuels entre magasins affilis et groupe de distribution, lAutorit a constat que leurs dures relativement longues, suprieures cinq ans dans de nombreux cas, ne paraissaient pas toujours justifies et soulevaient des proccupations de concurrence. Elle a constat en particulier que certains contrats prsentaient une dure trs longue pouvant atteindre trente annes. Dautres contrats peuvent tre de dures plus courtes mais sont souvent tacitement reconductibles pour une dure quivalente la dure initiale. La rsiliation de ces contrats reste possible mais est rendue coteuse par lexistence de clauses dindemnisation en cas de rupture anticipe de lengagement.

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tude thmatiqueEn outre, les diffrents contrats entre les groupes de distribution et leurs affilis peuvent tre de dures diffrentes, la rsiliation de lun deux nentranant pas automatiquement la rupture des autres. Dans cette configuration, la dure de lengagement contractuel entre les parties peut tre artificiellement prolonge, et dissuader le magasin de rompre les relations avec le groupe auquel il est affili. Dautres caractristiques des contrats observes par lAutorit conduisent augmenter significativement les cots que supporterait un oprateur sil dcidait de quitter le rseau auquel il est affili. Ces cots peuvent tre directs, tels que le paiement diffr de droits dentre, mais aussi indirects, tels que les droits de priorit confrs la tte de rseau sur la vente du magasin affili ou les clauses de nonraffiliation et de non-concurrence postcontractuelles. Des droits dentre sont prvus par certains rseaux de distribution, correspondant un pourcentage du chiffre daffaires prvisionnel du magasin affili. Lorsque les contrats prvoient le paiement diffr de ces droits, le magasin affili ne doit les verser que lorsquil dcide de quitter le rseau. En dfinitive, ces droits reprsentent un droit de sortie , qui sajoute aux autres clauses contractuelles pour dissuader laffili de rompre sa relation avec le rseau, alors que des versements chelonns pendant la dure dengagement seraient plus soutenables pour laffili.

Clauses de non-concurrence et de non-raffiliation postcontractuelles

LAutorit a relev dans son avis 10-A-26 la prsence, dans la plupart des contrats daffiliation examins, de clauses de non-raffiliation ou de non-concurrence postcontractuelles. Une clause de non-raffiliation fait interdiction laffili, une fois rompu le contrat avec le groupe de distribution, de poursuivre une activit commerciale en saffiliant un groupe concurrent. En principe, loprateur indpendant est seulement restreint dans sa libert daffiliation un autre rseau. Une clause de non-concurrence est plus restrictive, dans la mesure o elle interdit lexercice par laffili dune activit similaire celle du rseau quil quitte. Ces clauses postcontractuelles sont le plus souvent dune dure dun an. Leurs conditions dapplication varient, certaines ne sappliquant quen cas de rupture anticipe du contrat, dautres indiffremment suivant que le contrat arrive chance ou est rompu avant son terme, et portent sur des primtres diffrents selon les enseignes et selon la densit de population dans les zones concernes. Ainsi, ces clauses peuvent concerner un territoire tendu dun rayon de 30km en zone rurale, ou dun rayon de 5 20km en zone urbaine. Les oprateurs justifient ces restrictions postcontractuelles par la ncessit de protger le savoir-faire transmis aux magasins affilis qui dcident de quitter le rseau, en limitant la possibilit quauraient les affilis de dtourner le savoirfaire spcifique acquis auprs de lenseigne quils quittent leur seul profit ou au profit dun autre rseau. Lavis 10-A-26 de lAutorit prsente la grille danalyse de ces clauses au regard des rgles de concurrence, qui prvoient leur exemption dans la mesure o elles sont

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vritablement ncessaires la protection du savoir-faire, lidentit commune et la rputation du rseau, et o elles sont proportionnes aux objectifs poursuivis. En ltat, le savoir-faire qui pourrait tre lobjet dune protection par des clauses de non-concurrence ou de non-raffiliation semble finalement limit, ces clauses ne paraissant pas remplir, par ailleurs, les conditions de ncessit et de proportionnalit prvues par le droit de la concurrence. Ces analyses sont rapprocher de lapproche tablie de lAutorit, et avant elle du Conseil de la concurrence, sur les proccupations que peuvent faire natre des contrats de dures longues ou de portes particulirement restrictives entre partenaires commerciaux. Ltude thmatique sur lexclusivit et les contrats de long terme 19, ainsi que lavis 10-A-26, synthtisent lanalyse conomique de ces clauses contractuelles et lapproche juridique des autorits de concurrence leur gard. Si ces engagements peuvent tre ncessaires pour stimuler les investissements spcifiques lactivit concerne, pour les prmunir contre certaines formes de parasitisme et pour prserver limage et la stabilit dun rseau de distribution, ils peuvent aussi avoir des effets restrictifs de concurrence lorsquils ne sont pas proportionns aux objectifs poursuivis.

Les propositions formules par lAutorit

LAutorit, ayant constat quune proportion substantielle de lensemble des magasins indpendants tait affilie des groupes de distribution desquels il paraissait artificiellement coteux de se sparer, a suggr plusieurs mesures permettant damliorer la fluidit des rseaux de distribution.

Des conditions daffiliation plus transparentes

La multiplicit des documents contractuels ncessaires la formalisation des relations entre un magasin indpendant et le groupe de distribution auquel il saffilie peut tre une source dopacit et dinscurit juridique. La mise en concurrence des conditions proposes par diffrents groupes de distribution peut sen trouver gne, et peut conduire les oprateurs indpendants sengager contractuellement auprs dun groupe sans parfaitement raliser les consquences que ces contrats impliquent. Pour prvenir ces risques, lAutorit a recommand dans son avis 10-A-26 que les oprateurs formalisent, au sein dun accord-cadre unique, les termes de la relation entre laffili et sa tte de rseau, en le compltant le cas chant de contrats dapplication. Cet accord-cadre unique pourrait notamment regrouper les dispositions communes aux diffrents volets de la relation telles la clause de dure, les conditions de rsiliation, les conditions de rsolution des litiges ou encore les clauses attributives de juridiction. Il aurait ainsi lavantage de rendre les termes de la relation plus transparents et limiterait la prsence de clauses contradictoires et linscurit juridique affrente.19. Cons. conc., Rapport annuel 2007, Paris, La Documentation franaise.

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tude thmatiqueLAutorit a aussi recommand que cet accord-cadre unique soit communiqu le plus en amont possible des ngociations. En effet, le processus daffiliation une enseigne peut savrer trs long et implique souvent des investissements importants, tant humains que financiers, de la part du candidat laffiliation. Lorsquarrivent la dernire phase de ngociation et celle de la signature du contrat, le candidat est donc peu dispos contester ou tenter de ngocier les conditions daffiliation qui lui sont alors transmises. En outre, en ltat, la comparaison des conditions daffiliation avec celles des groupes concurrents est trop tardive car le candidat ne peut que difficilement renoncer son projet daffiliation, sauf renoncer aux investissements dores et dj fournis et entamer un nouveau processus daffiliation auprs dun autre groupe de distribution. Dans ces conditions, il apparat donc important que le candidat laffiliation ait communication, le plus en amont possible, du projet daccord cadre unique et de ses ventuels contrats dapplication. LAutorit a galement recommand que soit renforce linformation prcontractuelle lattention des candidats laffiliation. Elle prconise que les oprateurs fournissent les informations concernant la dure des engagements, les conditions de renouvellement, de rsiliation et de cession, pour lintgralit de la relation contractuelle qui, comme on la vu, peut tre formalise par divers documents (contrat de franchise, contrat dapprovisionnement, contrat de bail, contrat de location-grance, statuts de la socit dexploitation, pacte dassocis,etc.). De plus, il serait utile que les oprateurs fassent figurer parmi les informations donnes ce stade, la prsence de clauses restreignant la libert de laffili lors de la rupture ou lchance de la relation contractuelle, clauses concernant entre autres, les ventuels droits de priorit au profit de la tte de rseau, les clauses de non-raffiliation ou de non-concurrence postcontractuelles.

Des engagements moins longs et une harmonisation des conditions de rsiliation

LAutorit a relev dans lavis 10-A-26 les dures relativement longues des contrats daffiliation, ayant constat que ces derniers pouvaient aller de trois trente ans. Elle a aussi soulign que ces dures dengagement taient a priori bien plus longues que celles qui paraissaient ncessaires, compte tenu des explications fournies, lamortissement des investissements spcifiques engags par les parties. Ces investissements paraissant en outre peu risqus et peu susceptibles dtre la proie de parasitisme, elle a suggr aux oprateurs de limiter la dure des engagements contractuels prvus entre les ttes de rseau et leurs magasins affilis. Elle a recommand que ces contrats ne soient pas de dures suprieures cinq ans et quils ne soient pas tacitement reconductibles, de manire inciter les parties entrer en ngociations sur les termes dun ventuel renouvellement. En outre, lAutorit a recommand que les oprateurs unifient la dure et le mode de rsiliation des diffrents contrats constitutifs de la relation entre un groupe de distribution et un magasin affili, ceci tant facilit par le regroupement des diffrents contrats dans un accord-cadre unique. Cette harmonisation permettrait

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dviter que les relations contractuelles ne soient artificiellement prolonges et faciliterait la mobilit des oprateurs indpendants entre les groupes de distribution. Concernant les clauses de non-raffiliation et de non-concurrence postcontractuelles, et au regard du rglement no330/2010 sur les restrictions verticales, lAutorit a suggr que leur dure pourrait tre limite un an et au seul magasin faisant lobjet du contrat. Enfin, et conformment aux prconisations mises par le ministre de lconomie, de lIndustrie et de lEmploi pour venir en aide aux PME, lAutorit a recommand que les clauses prvoyant le paiement diffr des droits dentre soient supprimes, y compris dans les contrats en cours dexcution, et que leur soit substitue la possibilit dtaler sur une dure suffisamment courte le paiement du droit dentre. Tout en soulignant la libert, pour les groupes du secteur de la distribution, de choisir le mode dorganisation interne le plus efficace et de structurer leurs contrats de faon promouvoir linvestissement et la stabilit de leur rseau, lAutorit sest donc attache, par son travail de veille et de conseil, donner aux oprateurs les moyens de sassurer que dans tous les cas o cest possible et opportun, les engagements souscrits restent proportionns aux objectifs et nemportent pas dobjet ou deffets restrictifs de concurrence. Cette approche quilibre est galement celle quadopte lAutorit face aux stratgies de croissance externe des oprateurs, lorsquil sagit dexaminer des oprations de concentration.

Le contrle des concentrationsLa LME a transfr la responsabilit du contrle des concentrations du ministre de lconomie lAutorit, laquelle sest donn trois objectifs: acclrer les dlais de traitement des dossiers pour correspondre au rythme de la vie conomique, faciliter le dialogue et la rsolution des affaires par des engagements, et accrotre la transparence. Sur ce dernier point, lAutorit a publi, le 16dcembre 2009, des lignes directrices relatives au contrle des concentrations, au terme dune consultation publique 20. Le rle de lAutorit dans lexamen des concentrations sest renforc dans le secteur du commerce de dtail, notamment grce labaissement des seuils de notification obligatoire. LAutorit a galement rcemment affin son approche de la prise en compte des franchiss dans le cadre de ce contrle. Enfin, sur le plan structurel, lanalyse du secteur de la distribution est dornavant bien tablie, tant sous langle de la dlimitation des marchs pertinents que de lapprciation concurrentielle proprement dite. Dune manire gnrale, le contrle des concentrations permet dempcher des rapprochements qui limiteraient substantiellement la concurrence, par exemple par la cration ou le renforcement de positions dominantes au niveau local. LAutorit peut ainsi tre amene accepter des engagements de la part des parties afin de20. Autorit de la concurrence, Lignes directrices relatives au contrle des concentrations, publies le 16dcembre 2009.

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tude thmatiquelimiter les niveaux de concentration locale par le biais de cessions de magasins. Depuis la cration de lAutorit, deux oprations, dans le commerce de dtail, ont fait lobjet dengagements de cession: lopration Mr.Bricolage/Passerelle 21 et la prise de contrle exclusif dactifs du groupe Louis Delhaize par la socit HDistribution 22. Par ailleurs, le contrle des concentrations, dans le secteur de la distribution, permet souvent de jouer un rle de dissuasion pour des oprations susceptibles de rduire la concurrence, les entreprises pouvant renoncer dellesmmes ces dernires. Enfin, le contrle des concentrations permet lAutorit de renforcer sa connaissance gnrale des marchs, notamment lchelle locale. Le contrle sapplique aussi bien aux effets horizontaux que certaines oprations sont susceptibles de produire, tels quune augmentation des prix au dtriment des consommateurs (qui peuvent aussi ptir dune diminution dans la diversit des produits proposs), quaux risques de renforcement de la puissance dachat, qui font lobjet dun dveloppement spcifique dans la troisime partie de la prsente tude. Est aussi pris en compte le rle de contre-pouvoir que peut jouer la grande distribution dans le cas de concentrations de producteurs de biens de grande consommation. En France, la grande distribution peut en effet reprsenter, dans certains cas, un pouvoir de ngociation trs significatif vis--vis des fabricants, notamment du fait de lessor continu des marques de distributeurs.

La question des seuils de contrlabilit

La ncessit de seuils spcifiques dans le commerce de dtail

Le constat dune concentration proccupante de la grande distribution alimentaire est rgulirement fait depuis quelques annes, mais jusquen mars2009 de nombreuses oprations, comme la reprise sur le plan local dun ou de quelques magasins, ne faisaient pas lobjet dun examen pralable par les autorits de concurrence, parce que de dimension infrieure aux seuils de contrlabilit en vigueur. Cette situation tait peu satisfaisante dans la mesure o lvolution de la structure concurrentielle de ces marchs passe prcisment, le plus souvent, par des oprations de prise de contrle de magasins isols, oprations qui sont peu perceptibles lchelle nationale, mais susceptibles de conduire de trs forts niveaux de concentration locale et daffaiblir la concurrence au dtriment des consommateurs des zones concernes. Seules les oprations les plus importantes, telles que, par exemple, la prise de contrle de Promods par Carrefour en 2000, la prise de contrle de Monoprix par Casino cette mme anne, ou le rachat dacteurs de taille moyenne par les principaux acteurs du secteur, ont ainsi pu tre contrles 23.21. Dcision 10-DCC-01 du 12janvier 2010. 22. Dcision 10-DCC-025 du 19mars 2010. 23. Si le contrle des oprations notifies a accompagn le mouvement de concentration, il ne la nanmoins gure ralenti. En 1996, Auchan a acquis Docks de France (75 hypermarchs anciennement lenseigne Mammouth