3135 miviludes 2009

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  • Rapport au Premier ministre

    2009

    Mission interministrielle de vigilance et de lutte contre les drives sectaires

  • En application de la loi du 11 mars 1957 (art. 41) et du Code de la proprit intellectuelle du 1er juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale usage collectif de la prsente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de lditeur.Il est rappel cet gard que lusage abusif et collectif de la photocopie met en danger lquilibre conomique des circuits du livre.

    Direction de linformation lgale et administrative, Paris, 2010ISBN : 978-2-11-008064-6

  • Rapport au Premier ministre 2009 3

    Sommaire

    Le mot du Prsident ............................................................................... 5

    Introduction ............................................................................................ 9

    1re Partie

    tudes et contributions du secrtariat permanent ..........11Gense et perspectives dune approche europenne de la question sectaire .......................................................................... 13

    Chamanisme et no-chamanisme, traditionetdrives ...................... 29

    Nutrition et risque sectaire................................................................... 95

    2 e Partie

    Dossier: les mineurs et le risque sectaire ............................115Introduction ........................................................................................ 117

    Vingt ans aprs la convention de New York: mise en perspective de la protection de lenfance face aux drives sectaires .................. 119

    Les mineurs et les drives sectaires, tat des lieux linternational .. 133

    La protection des mineurs face aux drives du New Age .................. 173

    Parentalit et convictions, loffice du juge ........................................ 181

    Les acteurs de la protection de lenfance face aux drives sectaires .. 219

    3e Partie

    Contribution desministres ..........................................................245

    4e Partie

    Rapport dactivit .................................................................................287La Miviludes hors les murs ................................................................. 289

    La Miviludes communique ................................................................. 305

    Organisation et modernisation .......................................................... 307

    Objectifs pour 2010 ............................................................................ 309

    Bilan des objectifs ministriels annoncs pour lanne 2008-2009 .... 311

    Conclusion gnrale ........................................................................... 315

  • 4 MIVILUDES

    AnnexesActivits parlementaires ..................................................................... 319

    Adresses et liens utiles ........................................................................ 329

    Table des matires .............................................................................. 331

  • Rapport au Premier ministre 2009 5

    Le mot du Prsident

    Pour dcrire le bilan de lanne coule un mot me vient lesprit : lefficacit. Tous nos efforts en 2009 ont t guids par cette imprieuse nces-sit de renforcer et de rendre plus oprationnels les instruments et dispositifs lgislatifs face aux menaces sectaires toujours prsentes.

    Reprsents au sein du Comit excutif de pilotage oprationnel, les ministres les plus concerns ont rpondu notre attente.

    On citera notamment les avances suivantes:

    Le ministre de la Sant

    Mise en place du groupe dappui technique auprs du Directeur gnral de la Sant pour valuer les pratiques non conventionnelles vise thrapeutique. Cette cration rpond aux proccupations mises lanne pr-cdente par la Miviludes de mieux prvenir et informer nos concitoyens sur les pratiques pseudo-thrapeutiques porteuses de drives sectaires.

    Encadrement juridique du titre de psychothrapeute loccasion du vote de la loi Hpital, patients, sant et territoires du 21juillet 2009. Ce dispositif tait trs attendu depuis lamendement Accoyer du 9aot 2004 qui navait pas reu de dcret dapplication.

    Le ministre du Travail

    Renforcement de la lgislation sur les organismes de formation pro-fessionnelle, vecteur dinfiltration dans les entreprises et les administrations, des groupements caractre sectaire (Loi du 14octobre 2009).

    Le ministre de lIntrieur, de lOutre-mer et des Collectivits territoriales

    Cration de la CAIMADES en septembre2009.

    Cette cellule dassistance et dintervention en matire de drives sec-taires traite dsormais au sein de lOCRVP des enqutes pnales relatives aux drives sectaires. Cette structure est actuellement compose de six fonction-naires et militaires.

    Les objectifs de la CAIMADES sont:1. dapporter une expertise dans le traitement judiciaire des affaires sectaires ;2. dlaborer des outils destins aux enquteurs ;

  • 6 MIVILUDES

    3. de mettre en place des formations ;4. de centraliser linformation ;5. de mettre en place un rseau de spcialistes.

    Le ministre de la Justice en liaison avec le Parlement

    Dveloppement des formations ;

    Rtablissement de la peine de la dissolution encourue par une per-sonne morale reconnue coupable descroquerie.

    La Miviludes, toujours avec le mme souci de plus grande efficacit, a entrepris elle-mme une rorganisation et une modernisation de ses mthodes:

    Par la mise en place de tableaux de bord.

    la suite dune tude mene en collaboration avec la Mission dorga-nisation des services du Premier ministre, cet outil est dsormais oprationnel.

    Lanne 2010 sera donc la premire anne o la Miviludes sera en mesure de dlivrer des informations quantitatives par rfrence ses missions statutaires.

    Par linformatisation de lactivit de gestion des dossiers.

    Le traitement et le suivi des dossiers fonctionnaient encore sous un mode empirique dont la fiabilit reposait sur la seule rigueur des agents. Afin dtre en mesure de dlivrer rapidement une information fiable et complte, la Miviludes met actuellement en place des dossiers uniques et partags, repris de manire synoptique dans un rfrentiel facilement accessible, sous le contrle de la CNIL.

    Efficacit toujours lorsque, pour faire cho aux prconisations de la commission denqute parlementaire sur linfluence des mouvements sectaires sur la sant physique et mentale des mineurs (2006), la Miviludes a conu un guide pratique de la protection de lenfance face aux drives sectaires qui verra le jour cette anne. Le prsent rapport contient cet gard des tudes parti-culirement clairantes sur la ncessit daccrotre la protection des mineurs.

    Efficacit encore par une meilleure circulation de linformation grce la rnovation du site Internet de la Miviludes et la prennisation de la Lettre bimestrielle.

    Jinsisterai enfin cette anne sur un phnomne en pleine expansion et des plus proccupant, que le prsent rapport dnonce: le no-chamanisme.

    Rappelons que le chamanisme traditionnel, connu en Sibrie, en Amrique et en Afrique, consiste en un ensemble de rituels pratiqus par un chaman qui, aprs une longue initiation, est en mesure de communiquer avec les esprits. Il est ainsi charg dtablir ce lien entre les hommes et les esprits de la nature, pour le bien de sa communaut. Cette communication stablit dans

  • Rapport au Premier ministre 2009 7

    un tat de transe, auquel il parvient suivant diffrents moyens, dont, dans la plupart des cas mais pas toujours, la prise de substances permettant daccder des visions, substances analyses dans nos civilisations occidentales comme hallucinognes.

    Cest par un dvoiement radical de ces coutumes ancestrales que de pseudo-chamans auto proclams administrent des candidats au voyage cha-manique ces substances psychotropes, propres favoriser une emprise mentale sur ces stagiaires , et causer de srieux troubles physiques et psychiques, voire entraner des dcs. La Miviludes a recens quatre centres tablis en Amrique du Sud qui accueillent des Europens, et majoritairement des Franais, pour vivre ces expriences, la suite de recrutements effectus en France par le bouche oreille ou avec le relais de divers thrapeutes. Mais sur le territoire franais lui-mme, une multitude de pseudo-chamans sont en train de crer leur propre vitrine Internet, ou de sagrger des centres ou commu-nauts prexistantes prsentant toutes sortes de pratiques alternatives vise de dveloppement personnel. Certains de ces pseudo-chamans, non contents dorganiser des voyages vers les pays o la consommation de ces produits nest pas rglemente, importent irrgulirement ces substances, ou utilisent des plantes pouvant donner des manifestations similaires, non encore classes comme substances dangereuses. Des stages dune semaine ou dun week-end sont ainsi organiss rgulirement sur le territoire, rassemblant chaque fois une vingtaine de personnes.

    Fidle sa mission de protection de tous les citoyens, des plus jeunes aux plus gs, contre ces nouvelles formes de sujtion psychologique, et forte de ce rcent constat alarmant, la Miviludes a saisi les ministres de la Justice et de la Sant pour que des actions de prvention et le cas chant de rpression soient mises en uvre contre ces nouveaux gourous dun chamanisme-business .

    Le Prsident

    Georges FENECH

  • Rapport au Premier ministre 2009 Introduction 9

    Introduction

    Le rapport annuel est videmment lun des grands rendez-vous de la Miviludes avec les pouvoirs publics sur lesquels sappuie la lgitimit institu-tionnelle de son action, mais aussi avec la socit civile: lus, professionnels, acteurs associatifs et grand public, qui lgitiment galement son action par lat-tention quils portent ses initiatives et par le nombre croissant de demandes et de consultations quils lui adressent.

    Afin de mieux rpondre ces attentes, la Miviludes a mis en place au cours de lanne 2009 un outil de gestion et dvaluation de son activit. Elle achve galement la restructuration de son secrtariat gnral, avec la consti-tution dun ple enfance et ducation renforc, dun ple suivi judiciaire complt par le recrutement dun capitaine de gendarmerie, et dun ple sant dont le renforcement se poursuit sur lanne 2010.

    Ces recrutements nous permettent de prsenter aujourdhui au titre de lanne 2009 un bilan particulirement satisfaisant, et denvisager des objectifs ambitieux pour lanne 2010 en partenariat avec les ministres concerns par la vigilance et la lutte contre les drives sectaires. Ce bilan et ces perspectives de travail font lobjet de la troisime partie rapport dactivit du prsent ouvrage, particulirement toffe cette anne.

    Mais, traditionnellement, le rapport annuel de la Miviludes comporte aussi des tudes de fond, qui sont loccasion dappeler lattention des pouvoirs publics et de la socit civile sur des phnomnes particulirement proccu-pants, et de proposer des axes de rflexion et de travail.

    Cest ainsi quen 2009, rpondant aux objectifs annoncs pour conclure le rapport 2008, la Miviludes sest intresse particulirement la protection des mineurs confronts au risque de la drive sectaire.

    En France et dans le monde, tous les acteurs publics et la socit dans son ensemble sont responsables de la sant, de la scurit et du dveloppe-ment des enfants, citoyens du monde de demain et particulirement vuln-rables puisque directement exposs aux abus et dvoiements de lautorit des adultes.

    Lambition de la Miviludes est de provoquer, au fil de ce dossier cen-tral comportant notamment un bilan de la mise en uvre de la Convention de New-York sur les droits de lenfant au regard du risque sectaire, un pano-rama international des dispositifs de protection, un clairage spcifique sur les

  • 10 MIVILUDES

    enfants en tant que cibles de certaines thories, une tude de la jurisprudence des tribunaux franais en matire damnagement de lautorit parentale dans sa dimension de transmission des convictions et pratiques et un rappel du dis-positif franais ddi la protection des mineurs, une rflexion approfondie sur lexercice de cette responsabilit collective.

    Cette rflexion passe notamment par la proposition de cration dun programme europen, qui pourrait tre une premire tape dans la concr-tisation de tout le processus de rflexion engag au sein des instances euro-pennes sur la question du danger sectaire depuis plus de trente ans. Comme le rappelle ltude ici propose, il est temps de passer de la rflexion laction.

    Un sujet de proccupation particulirement actuel dans le domaine des risques lis la sant est celui des prescriptions alimentaires lies certains mouvements et pratiques, parfois simplement nocives, mais parfois propres en outre favoriser des processus demprise mentale.

    La troisime tude de fond qui retiendra certainement lattention concerne les drives lies aux no-chamanismes en Occident.

    Il est frappant de constater quel point les proccupations de la Miviludes sur le long et le moyen terme sont souvent rattrapes par lactualit.

    Depuis que le secrtariat gnral a dcid, au printemps 2009, de pro-poser au public, dans le rapport annuel en prparation, une tude approfon-die des risques lis au dveloppement acclr de propositions sinspirant des traditions chamaniques, les faits divers et les signalements relevant de cette thmatique nont cess de saccumuler, jusqu constituer une vritable pr-occupation de sant publique. La publication de cette tude savre ds lors a posteriori non seulement opportune mais indispensable, et devra servir de base de travail une action concerte des pouvoirs publics en la matire.

    On a l encore une parfaite illustration de la manire dont la Miviludes remplit ses missions: 1 dobserver et danalyser le phnomne des mouvements caractre sec-taire dont les agissements sont attentatoires aux droits de lhomme et aux liberts fondamentales ou constituent une menace lordre public ou sont contraires aux lois et rglements ;2 de favoriser, dans le respect des liberts publiques, la coordination de laction prventive et rpressive des pouvoirs publics lencontre de ces agissements ;3 de dvelopper lchange des informations entre les services publics () ;4 de contribuer linformation et la formation des agents publics () ;5 dinformer le public sur les risques, et le cas chant les dangers, auxquels les drives sectaires lexposent () ;6 de participer aux travaux relatifs aux questions relevant de sa comptence mene par le ministre des Affaires trangres dans le champ international (dcret du 28novembre 2002).

  • Rapport au Premier ministre 2009 11

    1re Partietudes et contributions du secrtariat permanent

  • Rapport au Premier ministre 2009 tudes et contributions du secrtariat permanent 13

    Gense et perspectives dune approche europenne de la question sectaire

    Alors que la construction europenne progresse rapidement depuis le dbut des annes 2000, il reste beaucoup faire en matire de vigilance et de lutte contre toutes les formes demprises sanalysant comme des drives sectaires.

    Lheure est venue de proposer un vritable programme europen de vigilance et de lutte contre les drives sectaires et cest le but dune initiative de la Miviludes, forte dun constat tabli en liaison avec quelques pays partenaires, dans la continuit des analyses contenues dans de prcdents rapports europens.

    Analyse des acquis des travaux du Parlement europen et de lassemble parlementaire du Conseil de lEurope (APCE)Lors de la clture du colloque national organis par la Miviludes le

    26 novembre 2009 Lyon, le Secrtaire dtat la Justice, M. Jean-Marie Bockel, appelait de ses vux la cration dun Observatoire europen sur les drives sectaires .

    Cette volont affirme de porter le dbat au niveau europen et de jeter les bases dune vritable coopration entre tous les tats membres, sous lgide des institutions europennes, pour une meilleure efficacit de la vigi-lance et de la lutte contre les drives sectaires, sinscrit dans le droit fil des proccupations dj exprimes dans les annes quatre-vingt ds les premiers travaux sur le sujet sectaire, tant au Parlement europen qu lAssemble par-lementaire du Conseil de lEurope.

    partir de 1984, pas moins de cinq rapports spcifiques sur ce sujet y ont vu le jour, sans compter les nombreux rapports thmatiques, questions, dclarations crites ou autres initiatives parlementaires europennes concer-nant plus spcifiquement les mineurs, la sant ou la libert de religion, et qui ont abord, directement ou incidemment, laspect sectaire de pratiques quils dnonaient.

  • 14 MIVILUDES

    Au fil de ces textes merge une prise de conscience de la dimension europenne de la problmatique sectaire, en mme temps que les prmices dune volont de trouver des solutions en commun en matire de prvention et de lutte. Mais tous ces travaux mettent aussi en lumire les difficults inh-rentes la diversit des approches, diversit qui peut tenir la smantique mais aussi au fond.

    On devine et on comprend que tous les dveloppements sur les diver-gences terminologiques (dfinir ou pas la Secte Secte et Religion, etc.) est de nature masquer le fait essentiel, cest--dire la ncessit de protger les individus et la socit des consquences dsastreuses et inacceptables du pro-cessus demprise sectaire, alors mme que tout le monde parle peu ou prou de la mme chose. Cest pourquoi on ne peut que dplorer que, depuis prs de vingt ans, si des rponses europennes au problme ont bien t prconises, elles ne se soient malheureusement jamais concrtises, faute de volont.

    Des enseignements peuvent tre tirs de ces textes pour mettre en route un vritable programme europen de vigilance et de lutte contre les drives sectaires. Sans se livrer ici lanalyse exhaustive de ces travaux, le simple fait de les regrouper sous une forme synthtique permet den dcouvrir la cohrence et den dgager ce qui pourrait utilement servir lesquisse dun observatoire ou dun programme dtude europens aujourdhui souhaits par de nom-breux acteurs privs et institutionnels.

    Aprs avoir brivement prsent les principaux rapports sur le sujet, nous verrons comment a pris forme lide dun programme europen dinfor-mation et de coopration et comment cette prconisation se fonde, contraire-ment aux ides reues, sur lexistence dune approche commune de la ques-tion sectaire en dpit de la difficult trouver un langage partag par tous. Nous noterons galement que ces travaux, dans leur continuit, ne passent pas sous silence les obstacles rencontrs, et comment ils dressent aussi un constat dchec de laction europenne de vigilance et de lutte contre les drives sec-taires ds lors quil sagit de passer de lobservation laction.

    En cela, ils peuvent aussi utilement inspirer la rflexion visant la mise en uvre dun futur programme europen qui pourrait dans un premier temps se concentrer sur la question des atteintes aux droits de lenfant.

    Cinq rapports europens pour dnoncer la problmatique sectaire

    Rappel des travaux sur ce sujet Parlement europen

    On retiendra dabord deux rapports du Parlement europen qui ont donn lieu des rsolutions. Il sagit dune part de la Rsolution du 22mai 1984 contenue dans le rapport dit rapport Cottrell, du nom de son auteur,

  • Rapport au Premier ministre 2009 tudes et contributions du secrtariat permanent 15

    intitule Rsolution sur une action commune des tats membres de la Communaut europenne la suite de diverses violations de la loi commises par de nouvelles organisa-tions uvrant sous le couvert de la libert religieuse , dautre part, de la Rsolution du 29fvrier 1996 intitule Les sectes en Europe .

    Ces deux textes ont t suscits par des actualits qui ont marqu lopinion. Le premier dentre eux, le rapport Cottrell, voque les activits de lglise de lUnification Universelle (Moon) et plus prcisment la dtresse provoque par lAssociation pour lUnification du Christianisme mondial. Quant au second, il est la consquence directe de la tragdie de lOrdre du Temple Solaire, et plus particulirement de la raction dhorreur du public la suite de la dcouverte de la tuerie du Vercors en France qui venait elle-mme aprs les massacres du Valais et du Canada.

    Vient ensuite le rapport Berger sur Les sectes dans lUnion euro-penne , publi le 11dcembre 1997. Trs critique sur linertie des tats et de lUnion, il se prsentait la fois comme une actualisation de la rsolution pr-cdente de 1996 et comme un appel urgent une action dtermine. Adopt en Commission, il na jamais t soumis au vote de lAssemble parlementaire.

    En outre des points spcifiques sur la problmatique sectaire furent adopts dans plusieurs rsolutions annuelles relatives aux droits de lhomme (annes1996 et1997) ou aux droits fondamentaux, dans lUnion europenne (annes 2000, 2001 et 2002), voir les extraits en annexe. On mentionnera pour information la publication dun document de travail intitul Les sectes en Europe , publi en mars 1997 par la Direction gnrale des tudes du Parlement europen.

    Assemble parlementaire du Conseil de lEurope (APCE).

    La Recommandation 1178 du 5fvrier 1992 contenue dans le rapport Hunt, intitule Sectes et nouveaux mouvements religieux faisait cho au rapport Cottrell du Parlement europen qui avait invit ladite assemble se pencher sur les problmes lis aux activits de sectes et de nouveaux mouvements reli-gieux , mais aussi aux sollicitations dassociations de familles de victimes.

    Puis en 1999, un nouveau texte, dans le droit fil des prcdents, reven-diquait lui une action positive en se fondant notamment sur les rapports parle-mentaires belge et franais dont lcho dpassa largement leur cadre national: ctait la Recommandation 1412 du 22juin intgre au rapport Nastase intitu-le Activits illgales des sectes .

    On signalera, pour information, la publication de Synthse lgisla-tive/Nouveaux mouvements religieux le 10mai 1996, par la Direction des affaires juridiques de lAPCE.

  • 16 MIVILUDES

    Divergences terminologiques autour dune problmatique clairement identifie

    En raison des diffrentes appellations de ces organisations dans les tats membres, il est trs difficile de trouver un concept neutre qui soit compris par tous de la mme manire . Tout est dit dans cet extrait du rapport Cottrell de la difficult dbattre du sujet sectaire au plan europen. Et pourtant, la lecture des docu-ments rend compte de la perception dun problme unanimement identifi et ressenti, bien que prsent sous des appellations diverses ou nuances.

    La plupart des rapports sur la question ont du mal saffranchir de la dimension religieuse de la problmatique sectaire.

    Ceci sexplique historiquement par le fait que les grandes organisations controverses qui ont amen des parlementaires sinterroger Moon, la scientologie, les Enfants de Dieu, etc. revendiquaient elles-mmes une telle filiation, compte tenu de lintrt que peut prsenter une faade religieuse en termes de respectabilit, de protection contre les analyses critiques, voire davantages conomiques. Un mouvement bien connu na dailleurs pas hsit sautoproclamer plus tard religion athe ... Comme il est indiffremment question de sectes , au sens de schismes ou dissidences religieuses, ou de nouveaux mouvements religieux qui posent, ou non, problme, le respect de la libert de religion et de croyance va demeurer le pralable incontour-nable toute discussion, alors que pour lessentiel, aujourdhui, les drives connotation sectaire se situent hors du champ spirituel, mme pris au sens large du mot.

    Dans ce contexte, le mot secte , alors couramment utilis, lest tout autant dans son acception historique et positive au sens dissidence religieuse que dans son acception contemporaine, plus ngative, au sens organisation lorigine de drives sectaires . Sil est difficile demploi compte tenu de sa connotation aujourdhui pjorative, il recouvre pourtant une ralit facile apprhender. Reste le problme crucial de sa traduction en anglais ( Cult ) qui brouille malencontreusement les pistes.

    Les rflexions contenues renvoient clairement ce que lon nomme la drive sectaire.

    En dpit des imprcisions ou des confusions terminologiques, la des-cription de ce qui inquite et suscite des dveloppements sur la question sec-taire renvoie bien ce quon nomme aujourdhui la drive sectaire, dont les critres constitutifs sont solidement identifis et tablis.

    Ds 1984, le rapport Cottrell, le premier au plan europen, est lex-ception la rgle prcite dentire soumission des considrations reli-gieuses. Quand bien mme il est alors inscrit lordre du jour dune session du Parlement sous la rubrique activit de certains nouveaux mouvements reli-gieux , en vitant le mot secte , il parvient bannir toute digression sman-tique ou terminologique, ce qui contribue largement faire sa force.

  • Rapport au Premier ministre 2009 tudes et contributions du secrtariat permanent 17

    En effet, et contrairement aux rapports suivants, jamais il ny est ques-tion de sectes mais,

    dinquitude que suscitent chez certains citoyens europens et leurs familles les activits de nouvelles organisations uvrant sous couvert de la libert religieuse dans la mesure o elles portent atteinte aux droits civils et aux droits de lhomme et compro-mettent la situation sociale des personnes concernes . La notion de rupture avec lenvironnement se traduit par lobservation dun dtachement par les adeptes () lgard de la vie quils menaient prcdemment .

    Et pour parachever la ralit de la problmatique sectaire, le titre lui-mme de la rsolution voque diverses violations de la loi commises par les nouvelles organisations en question.

    Huit annes plus tard, le rapport Hunt, premier du genre lAPCE, apparat plus timide. Il raffirme clairement le lien entre secte et religion et se borne utiliser le terme historique de secte ou de nouveau mouve-ment religieux , au sujet desquels il voque des problmes poss parfois par certaines activits qui troublent lordre public , sans aller toutefois jusqu la notion de nocivit ou dactivit illgale.

    La rsolution de 1996 du Parlement europen sur les sectes en Europe fait la distinction entre les sectes religieuses lgitimes et celles dont les pra-tiques renvoient des activits de nature illicite ou criminelle dment quali-fies et des violations des droits de lhomme, drives largement dcrites dont la nature sapparente celles couramment voques lorsquon parle aujourdhui de drive sectaire . Ici samorce la notion de secte nuisible laquelle fait videmment cho celle de secte non nuisible , nuance contenue dans la dnomination du Centre davis et dinformation sur les organisations sectaires nuisibles , le CIAOSN belge. Il est alors logiquement fait rfrence aux activits lgales ou illgales des sectes, ainsi quaux associations sec-taires illicites et aussi, sous entendu, licites.

    Sur ces questions terminologiques, en 1997 le rapport Berger utili-sant le terme sectes a eu ce mrite de considrer que les organisations en question, nommes sectes dans le titre, ntaient pas toujours de nature reli-gieuse, et de prendre en compte pour la premire fois les services commer-ciaux offerts par les sectes sur le march du psy .

    Cest dans le rapport Nastase au Conseil de lEurope que se diluent les hsitations et que la ralit moderne de la drive sectaire est cerne au plus prs. Pour la premire fois la notion de manipulation mentale ou demprise est prise en compte, consquence de l endoctrinement des adeptes, par lavage de cerveau .

    Il est aussi question d activits illgales de certaines organisations et si le mot secte est prsent dans le titre, cest sans ambigut sous son accep-tion contemporaine:

  • 18 MIVILUDES

    5 LAssemble est parvenue la conclusion quil nest pas ncessaire de dfinir ce que sont les sectes, ni de dcider si elles sont ou non une religion. Cependant les groupes dsigns sous ce nom suscitent une certaine inquitude, quils se dcrivent comme religieux, sotriques ou spirituels, et cela doit tre pris en considration .

    Lternel dbat sur la distinction secte et religion est donc vacu. Il est dailleurs dsign dans lexpos des motifs comme un pige o ne pas tom-ber, sous peine pour la puissance publique dabandonner son devoir absolu de neutralit. Ceci dit, rien nempche que, dans leur champ de comptences, les sociologues des religions ne poursuivent cette rflexion intressante engage depuis prs de trente ans.

    En outre, la mention dun point spcifique relatif la question sec-taire dans plusieurs rsolutions annuelles du Parlement europen relatives aux droits de lhomme (1996 et 1997) ou aux droits fondamentaux (2000, 2001 et 2002) dans lUnion europenne, atteste de la prise en compte des drives sec-taires comme autant datteintes ces droits.

    Au final, le point daccord possible sur le descriptif du phnomne sectaire aurait dj pu se fonder sur lun des considrants de la rsolution de 1996 sur Les sectes en Europe :

    G () certaines sectes, oprant au sein dun rseau transfrontalier lint-rieur de lUnion europenne, sadonnent des activits de nature illicite ou criminelle et des violations des droits de lhomme, telles que, notamment les mauvais traitements, les agressions sexuelles, les squestrations, la traite des tres humains, la promotion de comportements agressifs, voire la divulgation des idologies racistes, la fraude fiscale, le transfert illgal de fonds, le trafic darmes, le trafic des stupfiants, la violation du travail ou lexercice illgal de la mdecine ; .

    Il y manque seulement la dimension demprise dune personne ou dun groupe sur un individu, spcifique la drive sectaire, et contenue dans le rapport Nastase.

    Du constat laction: quelques pistes pour une mobilisation europenneOutre la suggestion dune dynamique propre la comptence des

    tats (fiscalit, protection sociale ou juridique, protection de lenfance, etc.), on trouve dans chacun des rapports, les pistes dune action commune. Deux directions simposent: change dinformations et coopration des services.

    change dinformationsLe rapport Cottrell invite les tats saccorder sur un recueil de don-

    nes concernant les ramifications internationales des organisations (susmentionnes) y compris les prte-noms et les organisations fantmes ainsi que leurs activits dans les tats-membres .

  • Rapport au Premier ministre 2009 tudes et contributions du secrtariat permanent 19

    Il voque llaboration dun inventaire et suggre des critres dappr-ciation des organisations posant problme : contraintes financires, rupture ou non avec lenvironnement familial et amical, accs aux soins, transgression de la loi, transparence des organisations, couverture sociale, avec mention sp-ciale sur la protection de lenfant.

    Dans la rsolution Les sectes en Europe , avec des termes repris plus tard dans le rapport de Maria Berger en dcembre1997, il est question d changes dinformations sur les dnominations des sectes, sur leurs ramifications, leurs mthodes daction, ainsi que la recherche des personnes disparues . Ce mme rapport invitait la Commission europenne et Eurostat procder une collecte de donnes relatives au phnomne des sectes, en y incluant les PECO (Pays dEurope cen-trale et orientale) .

    Inventaire, recueil de donnes

    Mais cest au Conseil de lEurope que se met en place lide dun observatoire ou dune structure indpendante danalyse et dinformation: le rapport Hunt prconise la cration dorganismes indpendants pour collecter et diffuser une information sur la nature et les activits des sectes et des nouveaux mouvements religieux et la diffuser auprs du grand public.

    Lide est ensuite reprise dans la recommandation Nastase de crer un observatoire europen sur les groupes caractre religieux, sotrique ou spirituel dont la tche serait de faciliter les changes entre centres nationaux .

    Hormis le fait quil conviendrait dlargir la cible en tudiant les drives et les groupes lorigine de ces drives, quils soient ou non dinspiration spi-rituelle, on trouve dans cette proposition les bases dun observatoire tel quil pourrait prendre forme aujourdhui.

    CooprationLa rsolution sur Les sectes en Europe prcise des propositions dac-

    tion concerte exprimes dans le rapport Cottrell.

    2: invite les tats membres sassurer que les autorits judiciaires et poli-cires font un usage efficace des dispositions et instruments juridiques dj existants au niveau national, et cooprer activement et plus troitement, notamment dans le cadre dEuropol, afin de combattre les atteintes aux droits fondamentaux des personnes dont se rendent coupables certaines sectes ;

    6: () invite le Conseil amener tats membres et pays tiers cooprer davan-tage pour retrouver les personnes disparues et en faciliter la rinsertion dans la socit ;

    7: appelle la Commission et les tats membres faire preuve de la plus grande vigilance afin dviter que des subsides communautaires soient accords des associa-tions sectaires illicites.

  • 20 MIVILUDES

    Les limites de lexercice plaident en faveur dun dbat et dune action concerte sous lgide des instances europennes

    Les difficults attribues une absence de dfinition de la secte sont en fait un faux problme. En effet, les diffrents textes examins montrent que le problme soulev est bien celui des drives sectaires: tous les lments dune dfinition y sont contenus. Tout comme M.Jourdain dans Le bourgeois gentilhomme faisait de la prose sans le savoir, les rdacteurs nont peut-tre pas conscience davoir clairement dfini la problmatique sectaire alors mme quils labordent concrtement dans sa froide ralit.

    Si difficult de lexercice il y a, elle est lie dune part une appr-hension encore timide, et peut-tre subconsciente, du problme sectaire dans sa spcificit ; dautre part, implicitement, labsence dune volont politique commune des tats europens, lexception de la France et de la Belgique. Il est vrai que la seule crainte datteintes la libert de conscience ou de religion ainsi que la pression des lobbies pro-sectaires, ds lors quon envisage la pr-vention et la lutte contre les drives sectaires, suffit freiner des vellits dac-tion, pour peu quun lobbying efficace soit men par quelques organisations bnficiant de moyens puissants.

    Ainsi, en dcembre 1997, le rapport Berger sur Les sectes dans lUnion europenne qui na jamais abouti un vote de lAssemble, dressait-il le constat dun chec dans ce domaine malgr les trois textes prcdemment vots au plan europen et les deux rapports parlementaires belge et franais mdiatiss au-del de leur strict cadre national. On pouvait y lire ceci:

    Dans ses rsolutions du 22mai 1984 et du 29 fvrier 1996, le Parlement europen a invit le Conseil et la Commission prendre diffrentes mesures. Les rponses fournies un questionnaire rdig aux fins du prsent rapport montrent que ni le Conseil ni la Commission nont suivi ces recommandations.

    Le Conseil et la Commission ont t invits par crit indiquer les mesures concrtes quils ont prises pour tenir compte des exigences du Parlement europen. Dans sa rponse, la Commission ne sest prononce que sur un des points invoqus, sans parler de mesures concrtes. Quant au Conseil, il sest born renvoyer la position prise par le Prsident en exercice au cours dun dbat du Parlement europen du 28fvrier 1996, annonant plusieurs actions. Il est manifeste que rien na progress depuis.

    Plus amer encore fut le constat contenu en 1999 au point37 du rapport Nastase lAssemble parlementaire du Conseil de lEurope:

    Sil est aujourdhui ncessaire de refaire des recommandations cest que les tats se sont bien souvent abstenus dagir par souci de respecter les liberts fondamentales des personnes. (). Les groupements sectaires ont largement profit de cette tolrance et se sont engouffrs dans la brche qui leur tait ainsi ouverte .

    Et pourtant M.Jean-Paul Costa, Prsident de la Cour europenne des droits de lhomme, na-t-il pas affirm que la protection des droits fondamen-taux nempchait pas de lutter contre les drives sectaires:

  • Rapport au Premier ministre 2009 tudes et contributions du secrtariat permanent 21

    Autant il faudra que la Cour continue de protger efficacement la libert de conscience et le pluralisme religieux, autant il lui faudra certainement se pencher sur les abus commis au nom de la religion (au sens le plus noble du terme), ou de pseudo-religions qui ne revtent le manteau religieux que pour dployer plus tranquillement des activits nocives, voire abominables. De mme la libert dassociation ne doit pas assurer limpunit aux coupables dagissements dlictueux ou criminels mens au nom de cette libert 1.

    Depuis 1999, plus un rapport sur le sujet na vu le jour au Parlement europen ou lassemble parlementaire du Conseil de lEurope. Il nen reste pas moins que la question sectaire reste dactualit puisquelle est souvent prise en compte dans les travaux relatifs des thmes qui constituent un terreau propice aux drives ou lexpression des lobbies pro-sectaires: la protection de lenfance, les droits de lhomme, la sant, la formation ou la lutte contre la drogue.

    On sait que les rapports au Conseil de lEurope nont pas de valeur contraignante. Quant aux initiatives susceptibles dtre prises dans le cadre de lUnion europenne, elles restent limites parce que le sujet serait complexe mais aussi en raison des domaines de comptence. diverses questions parle-mentaires poses sur les mesures prendre, concernant lamlioration de la coopration judicaire et policire dans le domaine sectaire, il est rpondu que cest envisageable en vertu du titreVI du Trait sur lUnion europenne 2, mais que, quoi quil en soit, leur mise en uvre relvera des tats.

    Ces explications avances ne doivent cependant pas masquer une relle frilosit, ds lors quil sagit daller au-del de la seule dnonciation du flau sectaire et de passer laction. cet gard, la rponse une question pose le 19mai 2005 par un parlementaire belge, L.Antoine Duquesne, est particulirement instructive 3:

    Question : La Mission interministrielle de vigilance et de lutte contre les drives sectaires vient de publier son rapport au Premier ministre franais sur le risque sectaire au cours de lanne 2004 en France . () Lauteur de la prsente question aimerait savoir si la Commission rflchit une attitude europenne commune vis--vis du problme des sectes, si une analyse comparative de la situation des mouvements sec-taires dans lensemble de lEurope est en cours ou envisage, si une analyse comparative des lgislations en vigueur dans chaque tat membre est en cours ou envisage, et si des actions prcises contre les drives sectaires sont en cours ou envisages.

    Rponse donne par M.Frattini au nom de la Commission (22juillet 2005) : La Commission voudrait informer lHonorable Parlementaire qu lheure actuelle il ny a pas une politique europenne par rapport aux drives sectaires. La pro-blmatique des sectes est complexe et peut toucher des questions lies aux politiques

    1 - Protection des droits de lHomme : la perspective europenne. Mlanges la mmoire de Rolv Ryssdal, Cologne, Carl Heymanns Verlag KG, 2000, XXI +1 587 pages.2 - Http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/dat/12002M/htm/C_2002325FR.000501.html3 - 19mai 2005, E-1758/05. Question crite pose par Antoine Duquesne (ALDE) la Commission. Objet : Politique europenne par rapport aux drives sectaires.

  • 22 MIVILUDES

    communautaires et de lUnion, tels que la libert dtablissement et de la circulation des personnes, lordre public, la scurit et la justice ainsi quau respect des droits fondamen-taux. La Commission ne dispose pas dtudes concernant les mouvements sectaires dans lUnion. En application du principe de subsidiarit, une action communautaire dans ce domaine nest pas considre, lheure actuelle, comme tant ncessaire. En ce qui concerne la protection des victimes, lUnion a adopt la dcision-cadre 2001/220/JAI du 15mars 2001 relative au statut des victimes dans le cadre de procdures pnales (JO L82 du 22.3.2001) qui impose aux tats membres ladoption des mesures dassistance aux victimes, avant ou aprs une procdure pnale et qui pourrait sappliquer aux victimes des drives sectaires qui enfreignent la lgislation pnale dun tat membre.

    Le premier terrain dentente possible dun programme europen construire: les mineurs victimes de drives sectaires

    La protection de lenfance est une proccupation rcurrente et incon-tournable au sein des instances europennes comme dans chacun des tats. En 2006, les dputs franais ont choisi de consacrer aux mineurs victimes des sectes leur troisime rapport de commission denqute parlementaire.

    Cest cette thmatique qui pourrait servir de point de dpart une premire tude commune. Au surplus, presque tous les rapports europens attestent dinquitudes spcifiques lgard des mineurs:

    Rapport Cottrell: 5. m) en ce qui concerne les enfants des membres, les organisations doivent trs soigneusement veiller ce quune ducation et des soins appro-pris leur soient prodigus et viter en outre tout ce qui pourrait nuire au bien-tre de lenfant ;

    Rapport Berger: 5. Invite les tats membres dans lesquels se multiplient les plaintes contre les activits indsirables ou douteuses des sectes charger des orga-nismes indpendants de mener des actions dinformation et de conseil, en particulier pour les jeunes et pour les familles, afin de permettre lindividu de dcider librement en connaissance de cause et doffrir une structure dassistance quiconque veut quitter une secte et sa famille ;

    6. invite les tats membres faire usage efficacement des dispositions et des ins-truments juridiques existants et sassurer que leurs dispositions lgislatives en matire fiscale, sociale et pnale, ainsi que pour ce qui concerne le droit dassociation, sont suf-fisantes pour protger les citoyens contre des agissements illgaux, en particulier pour garantir que les mineurs dont les parents sont membres dune secte nchappent pas aux dispositions relatives la protection de la jeunesse, notamment pour ce qui concerne les obligations alimentaires et scolaires () ;

    Recommandation Hunt (1992) relatives aux sectes et aux nouveaux mouvements religieux :

    7 iii. Afin de protger les mineurs et de prvenir les cas denlvement ou de transfert ltranger, les tats membres qui ne lont pas encore fait devraient ratifier la Convention europenne sur la reconnaissance et lexcution des dcisions en matire de

  • Rapport au Premier ministre 2009 tudes et contributions du secrtariat permanent 23

    garde des enfants et le rtablissement de la garde des enfants (1980), et adopter une lgis-lation permettant de lui donner effet ;

    7 iv. La lgislation existante concernant la protection des enfants devrait tre applique plus rigoureusement. De plus, les membres dune secte doivent tre informs quils ont le droit de la quitter ;

    Recommandation Nastase (1999) sur les activits illgales des sectes : on apprend (point36) que

    les Ministres des affaires sociales des tats membres du Conseil de lEurope [avaient] prconis lors de la Confrence sur ladolescence: un dfi pour la famille , tenue Vienne en juin1997, la cration dun centre europen charg de suivre lactivit des sectes susceptibles dembrigader psychologiquement les adolescents vulnrables .

    Dans la recommandation, il est spcifi (point 9) que lassemble attache une grande importance la protection des plus vulnrables, et notamment des enfants dadeptes de groupes caractre religieux, sotrique ou spirituel, en cas de mau-vais traitements, de viols, dabsence de soins, dendoctrinement par lavage de cerveau et de non-scolarisation qui rend impossible tout contrle de la part des services sociaux.

    Il y a donc bien l tous les lments ncessaires louverture dun dbat de fond pour engager une vritable action de dfense et de protection de personnes contre les atteintes inacceptables aux droits de lhomme que constituent les drives sectaires.

    Laction de la Miviludes en faveur dun programme europen dtudes sur les drives sectaires et leurs dangers pour les droits fondamentauxLa Mission interministrielle de vigilance et de lutte contre les drives

    sectaires avait examin, en2006 et2007, la perception du phnomne sectaire en Europe du point de vue des pouvoirs publics, et, en 2008, du point de vue des victimes.

    Il ressort de ces constatations que, globalement, les mouvements trans-nationaux caractre sectaire inquitent les autorits charges de protger leurs populations les plus fragiles. Des structures publiques daide ces victimes sont souvent mises en place, mais lobligation de prvention et dinformation puis dassistance aux victimes des drives sectaires, sappuie volontiers sur lini-tiative prive. Celle-ci est souvent la plus efficace, voire la seule disponible. Face la menace que certains groupes peuvent faire peser sur les plus faibles, les tats qui ont choisi de ne pas lgifrer sur ce sujet pour des raisons lies leur histoire encouragent et subventionnent souvent les associations prives qui assurent cette assistance.

  • 24 MIVILUDES

    Lensemble des tats dmocratiques dEurope dresse donc aujourdhui le constat de la difficult du libre exercice des liberts individuelles dans le respect du droit imprescriptible la sret de chacun, ce droit passant par la ncessit dassurer des structures adquates publiques ou prives dassis-tance aux victimes des drives sectaires. En effet, en labsence darmes lgisla-tives permettant de lutter contre labus frauduleux de faiblesse et lexploitation des plus fragiles, les agissements constituant des dlits sanctionns pnalement sont plus difficiles qualifier judiciairement et laction protectrice et prven-tive de ltat lgard de personnes victimes de lemprise mentale de mouve-ments caractre sectaire peut sen trouver affaiblie.

    Cette ncessit de trouver des solutions communes a amen M.Georges Fenech alors magistrat charg par le Premier ministre dune mission de rflexion et dvaluation sur les dispositifs judiciaires existants pour lutter contre les drives sectaires proposer, dans son rapport remis au Premier ministre en 2008 La Justice face aux drives sectaires, Prconisation 12 , la cra-tion dun instrument europen dharmonisation des jurisprudences des tats membres de lUnion europenne dans le domaine des drives sectaires.

    Nomm, le 19septembre 2008, Prsident de la Mission interminist-rielle de vigilance et de lutte contre les drives sectaires, Georges Fenech a relanc le processus de rflexion commune pour une meilleure comprhen-sion mutuelle et un renforcement de la protection des populations les plus vulnrables.

    Au cours de lanne 2009 a t expos toutes les autorits concer-nes ce projet de cration dun programme europen sur les drives sectaires et leurs dangers pour les droits fondamentaux: Cabinet du Secrtaire dtat aux Affaires europennes, services du ministre des Affaires trangres et europennes, Secrtariat gnral des affaires europennes (SGAE), charg de la coordination interministrielle pour les questions europennes, et Reprsentation permanente de la France auprs de lUnion europenne.

    Tous ces hauts interlocuteurs ont approuv ce projet et encourag sa mise en uvre, de mme que le Prsident du Centre dinformation et davis sur les organisations sectaires nuisibles (CIAOSN), M.Henri de Cordes, ainsi que les membres du CIAOSN runis Bruxelles.

    Cest ainsi qua t suggre par la Miviludes lintention de lAgence europenne des droits fondamentaux la cration dun Programme europen dtudes sur les drives sectaires et leurs dangers pour les droits fondamentaux , avec comme objectif majeur, la dfense des liberts individuelles et des populations vulnrables qui relve naturellement de sa comptence. Ce projet entre en effet parfaitement dans les attributions de la nouvelle Agence europenne des droits fondamentaux base Vienne (Autriche), issue dun remodelage de lancien Observatoire europen des phnomnes racistes et xnophobes.

    Pour remplir ses missions lAgence est en lien troit avec la socit civile travers un rseau de coopration, appel plateforme des droits

  • Rapport au Premier ministre 2009 tudes et contributions du secrtariat permanent 25

    fondamentaux , constitu dorganisations non gouvernementales de dfense des droits de lhomme, de syndicats et dorganisations patronales, dorganisations socioprofessionnelles comptentes, dglises, dorganisations religieuses, philosophiques et non confessionnelles, duniversits et dautres experts issus dorganisations et dorganes europens et internationaux. Ainsi, les objectifs dun Programme europen dtudes sur les drives sectaires et les dan-gers pour les droits fondamentaux sinscrivent parfaitement dans le cadre des domaines de comptence de lAgence, dfinis dans un programme-cadre plu-riannuel portant sur une dure de cinq ans (dcision 2008/203/CE), adopt par le Conseil aprs consultation du Parlement europen. Sur la base dun tel programme, lAgence des droits fondamentaux serait en mesure de rappro-cher les diffrents acteurs du domaine des droits de lhomme, de recueillir et danalyser les informations sur ce sujet et de mener ses propres recherches afin dapporter son expertise aux institutions europennes et aux pays de lUnion dans lintrt de ses ressortissants.

    Ce Programme a t ensuite prsent aux membres franais du Conseil dadministration de lAgence, aux membres franais de son Comit scienti-fique, plusieurs membres trangers de ces instances, un membre franais de la plateforme des ONG de lAgence et M.Jacques Barrot, Vice-Prsident de la Commission europenne, qui a approuv ce projet et lui a apport son soutien auprs de M.Morten Kjaerum, Directeur de lAgence europenne des droits fondamentaux.

    La Miviludes a t reue le 10juillet Vienne, Autriche, par M.Morten Kjaerum, Directeur de lAgence europenne des droits fondamentaux, qui a annonc son intention de proposer ce projet son Conseil dadministra-tion sous rserve dajustements afin de permettre son insertion dans lun des thmes du programme-cadre pluriannuel de travail dj adopt.

    La Mission a galement rencontr Vienne, dans les locaux de lOr-ganisation pour la scurit et la coopration en Europe (OSCE), M.Mario Mauro, alors Vice-Prsident du Parlement europen, Reprsentant personnel du Prsident en exercice de lOSCE pour la lutte contre le racisme et les dis-criminations contre les chrtiens et adeptes dautres religions. Le Prsident Mauro sest montr trs intress par ce projet et a voqu la cration dun intergroupe parlementaire aux fins de raliser ce programme.

    Les drives sectaires touchant tous les droits fondamentaux, notam-ment le droit la sant, lducation, lveil la citoyennet des mineurs et menaant lintgrit physique et mentale des personnes, ce Programme euro-pen dtudes sur les drives sectaires et leurs dangers pour les droits fondamentaux permettra damorcer, dans un paysage europen diversifi, une rflexion com-mune pour une meilleure comprhension mutuelle et un renforcement de la protection des populations les plus vulnrables.

  • 26 MIVILUDES

    ConclusionRenoncer prendre en compte un niveau europen la problma-

    tique de la protection et de la dfense des personnes contre les ravages de lemprise sectaire au seul motif quelle serait vcue comme complexe ou quelle pourrait gnrer quelques susceptibilits serait inacceptable eu gard la dtresse des victimes.

    Sabstenir de rechercher ensemble la meilleure manire de veiller et de lutter contre les drives sectaires et den rduire lampleur dans lespace europen ne saurait se justifier du simple fait que les actions envisageables ne sont pas toutes de la comptence communautaire et que, parmi les politiques europennes mettre au point, celle-ci nest pas forcment juge prioritaire.

    Le grand mrite des rapports prcits est davoir mis en lumire la ra-lit de la problmatique sectaire ainsi que sa spcificit, davoir manifest une volont sincre de laborder ensemble, et davoir apport la preuve quil existe des forces de propositions tout en reconnaissant avec lucidit quil demeure une vraie difficult pour passer laction.

    Le temps de lidentification et de la dnonciation du problme est pass. Il faut prsent sengager dans la mise en uvre des moyens permettant de prvenir le flau sectaire et de le combattre dans le strict respect du droit, des traditions ou de lhistoire de chaque tat, et sans porter atteinte aux liber-ts fondamentales si chrement acquises dans un pass qui nest pas si lointain.

    Dans un premier temps simpose la ncessit de concrtiser les sages propositions dj nonces concernant lindispensable circulation de linfor-mation, voire la cration dun observatoire, dans le cadre dun premier pro-gramme dont lambition se bornera la protection des mineurs, ce qui devrait permettre de motiver tous les partenaires potentiels de ces initiatives. Ce serait un message trs fort envoy ceux qui croient voir dans lespace europen lopportunit de djouer et de contrecarrer certaines politiques nationales qui ne laissent pas le champ libre leurs mfaits.

  • Rapport au Premier ministre 2009 tudes et contributions du secrtariat permanent 27

    Annexe

    Points spcifiques sur la question sectaire dans les rsolutions annuelles du Parlement europen relatives aux droits de lhomme (1996 et 97) ou aux droits fondamentaux (2000, 2001 et 2002), dans lUnion europenne

    Rsolutions du Parlement europen sur le respect des droits de lhomme dans lUnion europenne

    Rsolution 1996, point134

    Rsolution 1997, point32

    Ces rsolutions invitaient les tats membres refuser le le statut dor-ganisation religieuse ou cultuelle qui (leur) assure des avantages fiscaux et une certaine protection juridique aux sectes portant atteintes au droit des personnes .

    Rsolutions du Parlement europen sur la situation des droits fondamentaux dans lUnion europenne

    Rsolution du 5juillet 2001, point49 (rapport Cornillet 2000)

    Recommande aux tats membres une attention toute particulire aux activits parfois illgales ou criminelles de certaines sectes qui mettent en pril lintgrit physique et psychique de la personne, en particulier:

    la mise en uvre, par les organismes spcialiss et indpendants dans la dfense des droits de lhomme, dactions dinformation et de sensibilisation pour que toute personne puisse dcider ou non dintgrer ou de quitter un mouvement caractre reli-gieux ou spirituel,

    ladaptation de dispositions judiciaires, fiscales et pnales suffisantes pour contrecarrer les agissements illgaux de certaines sectes.

    Rsolution du 15janvier 2003, point47 (rapport Swiebel 2001)

    Recommande aux tats membres de combattre les activits illgales des prten-dues sectes, qui menacent lintgrit mentale ou physique des individus et, ce faisant, de respecter les principes de ltat de droit et dappliquer les procdures normales du droit

  • 28 MIVILUDES

    pnal et civil, conformment aux vues exprimes par lAssemble parlementaire du Conseil de lEurope ;

    Rsolution du 4septembre 2003, point35 (rapport Sylla 2002)

    met une nouvelle fois les tats membres en garde contre les agissements dange-reux de groupements caractre sectaire qui menacent lintgrit physique ou psychique des individus et les invite semployer, sur la base de leur lgislation pnale et civile ordinaire, lutter contre les pratiques illgales et drives au sein de ces groupements caractre sectaire.

  • Rapport au Premier ministre 2009 tudes et contributions du secrtariat permanent 29

    Chamanisme et no-chamanisme, traditionetdrives

    Histoire et tradition 4

    Emprunt aux Toungouses de Sibrie, le mot chamanisme sest rpandu en Occident au XVIIIe sicle pour dsigner diverses socits reli-gieuses traditionnelles qui sinscrivent dans une conception holiste et animiste du monde. Ltre humain nest pas conu comme radicalement spar du cos-mos et des autres tres vivants. Il fait partie intgrante de la nature et il nexiste pas de frontire tanche entre le monde visible et le monde invisible peupl de dieux et desprits. Certains individus peuvent ainsi rentrer en contact avec les entits suprieures et les esprits des plantes, des arbres, des animaux. Cest surtout dans des socits de chasseurs que se sont dvelopps les rituels cha-maniques, visant, par des pratiques trs codifies dchanges avec les mes ani-males, obtenir du gibier avant la chasse. Mais le chaman est aussi un devin et un medecine man, selon lexpression des Indiens dAmrique, un gurisseur, qui connat lorigine des maladies par son contact avec le monde invisible et les secrets des plantes favorisant la gurison.

    Prsentes depuis des millnaires, les croyances et pratiques chama-niques ont persist malgr lexpansion des grandes religions historiques. Bien que fortement menaces et transformes par la modernit occidentale, elles connaissent un vif regain dintrt depuis les annes 1960 et le dveloppement du New Age, qui fait le succs dun no-chamanisme aux formes trs varies. 5

    4 - ditorial de Frdric Lenoir publi dans le numro8 hors srie du Monde des religions, intitul 20 cls pour comprendre le chamanisme , avec laimable autorisation de lauteur.5 - Voir galement larticle de Danile Vazeilles, intitul Lenvol du magico-religieux , publi dans le numro hors srie cit ci-dessus.

  • 30 MIVILUDES

    Le no-chamanisme et ses drivesDepuis lanne 2005, la Miviludes a attir lattention des pouvoirs

    publics et de la population sur les dangers lis au no-chamanisme et plus par-ticulirement sur lusage de substances dangereuses comme layahuasca ou liboga pouvant favoriser la mise sous emprise des personnes participant des stages pseudo-chamaniques.

    Depuis cette poque, en Europe, une dferlante du no-chamanisme ou chamanisme contemporain sest accentue du fait de sa forte popularit sur Internet, qui propose au travers de diffrents sites de nombreuses possibilits de stages pour prendre attache avec cette nouvelle sagesse chamanique et ses vibrations mises par la cration pour la gurison des mes malades (sic).

    Le dveloppement de la mouvance New Age la fois au plan natio-nal et international dans les annes soixante partir des tats-Unis avec des prcurseurs en matire de chamanisme loccidentale comme les premires expriences dAldous Huxley dans les annes cinquante avec de la mescaline, suivi par Timothy Leary, Stanislav Grof, puis Carlos Castenada et Jeremy Narby (avec dautres pratiques), et lapparition de structures prives de recherches dans le champ psychologique comme linstitut Esalen (tats-Unis) et la fon-dation Findhorn (cosse), ne sont pas trangers au regain dintrt pour ces pratiques utilises comme des rituels de gurison ou en vue dun panouisse-ment personnel.

    Avec le fort dveloppement dInternet, il est dsormais prsent aux internautes toute une gamme de propositions pour dcouvrir les pratiques cha-maniques dans les pays dorigine mais galement en Europe, o les no-cha-mans prolifrent en sadaptant lattrait et la forte demande des Occidentaux pour ce nouveau chamanisme , constitutif dune certaine mode touristique. Ces stages attirent de plus en plus de personnes malgr des prix parfois trs levs.

    Selon Joan Pinchu, chaman nordique, il y aurait une incompatibilit totale entre chamanisme et drives sectaires, et la France marque ainsi sa singularit en oubliant la France des Lumires, et en devenant la France des tnbres en luttant contre ces pratiques ancestrales et leur volution rcente .

    Or sur le mme site il est mentionn que quelques opportunistes en mal de crneaux , utiliseraient cette thmatique des fins personnelles, gostes, prdatrices et descroqueries .

    Pour eux tous les moyens seraient bons mais cest chacun dtre vigilant, sans attribuer au chamanisme des lments qui lui sont totalement trangers (Citation de Joan Pinchu).

    Force est de constater que des drives en matire de chamanisme exis-tent. Des tmoignages le prouvent, des poursuites judiciaires ont dj t intro-

  • Rapport au Premier ministre 2009 tudes et contributions du secrtariat permanent 31

    duites en France et ltranger et trois signalements de faits graves, parvenus en 2009 la Miviludes, ont donn lieu la saisine des autorits judiciaires.

    Sans vouloir jouer sur la peur ou faire des amalgames, la prudence est donc de mise en la matire.

    Existe-t-il de bons chamans dun ct et de mauvais sorciers ou initis de lautre ? Ce serait trop simple videmment. Comment faire la distinction alors entre des chamans la fois considrs comme gurisseurs , pharmaciens , fticheurs , sorciers , hommes mdecine , thrapeutes , hommes de loi , experts en substances magiques pour les qualificatifs les plus usits ? Certains disent que les traditions chamaniques les plus convoites sont celles qui utilisent des drogues dans leurs rituels ; alors, fantasme ou ralit ?

    Les questions sont complexes mais, compte tenu des dangers poten-tiels, il convient de sinterroger sur ces pratiques et de tenter une analyse des phnomnes qui se dveloppent aujourdhui.

    Une premire prcaution consiste souligner la distinction entre des mthodes chamaniques ancestrales, en principe plus encadres et ralises par des hommes mdecine locaux de formation solide puisquinitis pendant de longues annes, et des rituels chamaniques nouvelle formule . Ces der-niers, qui se sont adapts la recherche spirituelle, sotrique, psychique ou psychologique de nos contemporains occidentaux, risquent au final de dvoyer les prceptes primitifs. Ils adapteraient ces crmonials traditionnels avec de nouveaux rfrents et outils, et seraient ds lors porteurs de risques de drives thrapeutiques et psycho-sectaires.

    Mais cette distinction ne suffit pas. En effet, mme chez les chamans traditionnels existe un risque de drives. De mme linverse, quelques no-chamans occidentaux ont poursuivi des formations longues et srieuses sur plusieurs annes et ont t initis pas des praticiens qui sont eux-mmes aujourdhui reconnus comme prudents et respectueux des arts et traditions ancestrales, sans usage de fioritures dangereuses.

    Face cette nbuleuse , il est du devoir des services de ltat dentre-tenir une vigilance et dinformer le public, qui ne dispose ni de la comptence ni du recul ou de la clairvoyance ncessaire pour distinguer un charlatan dun chaman scrupuleux et averti des drives possibles.

    Lobjectif de cette tude nest donc pas de stigmatiser des comporte-ments htrognes, originaux, ne rentrant pas dans la norme de coutumes traditionnelles, ni ceux qui les proposent et les personnes qui sy adonnent. La Miviludes, saisie de cas proccupants, estime de sa responsabilit de faire rfl-chir le public sur de nouveaux comportements risque et sur des conduites et des attitudes dangereuses pour la sant et la vie mme des individus.

    La prsente analyse a donc t btie daprs des signalements de conci-toyens qui ont eux-mmes, ou bien des membres de leur famille, particip des rituels chamaniques, ainsi que sur des avis autoriss.

  • 32 MIVILUDES

    Aprs avoir tent une prsentation rapide du chamanisme tradition-nel et de ses volutions contemporaines, il conviendra dvoquer les difficults que devront affronter les candidats occidentaux lexprience chamanique. On sapercevra trs vite des drives potentielles menaant lintgrit physique, psychique, affective et sociale des individus et plus gnralement des dangers que reprsentent ces drives pour les socits occidentales et pour les socits traditionnelles elles-mmes.

    Chamanisme et no-chamanisme

    Le chamanisme ancestral 6

    Le terme chamanisme , venant de Sibrie, dsigne diverses soci-ts religieuses traditionnelles. Le chaman, smantiquement parlant, a une double facette : il est la fois celui qui sert et celui qui voit. Le chaman est celui du groupe qui a la capacit deffectuer le voyage vers les esprits et de comprendre leur langage, ce qui explique que, pendant la transe, il utilise un parler incomprhensible pour le reste de lassistance.

    De par cette approche spirituelle, le chaman dtient la cl de lharmo-nisation avec le monde des Esprits, celui qui ne peut tre vu par le commun des mortels.

    Le chaman est un tre (homme ou femme) qui converse avec les esprits, celui qui sert dintermdiaire. Il est galement celui qui veille lharmonie entre le groupe visible et le groupe invisible. Il apparat comme le garant du bon ordre des choses, le gardien de la Tradition.

    Il peut aider, par exemple, les mourants traverser le seuil de la mort, tre accompagnateur dme . (On imagine les drives possibles si ce rituel ou cette fonction ne sont pas remplis avec srieux et professionnalisme mais pratiqus au contraire dans un but demprise, ou une finalit lucrative, voire criminelle).

    Dans le chamanisme, ltre humain est considr comme faisant partie de lunivers, et il est admis quil y a un monde des esprits avec lequel nous pouvons communiquer. Ce monde des esprits est un monde avec lequel lhomme peut entrer en contact seulement sil y est prpar .

    Ces contacts peuvent tre tablis avec des esprits humains , mais aussi avec lesprit des animaux, et celui des plantes. Ces contacts seraient de nature favoriser des gurisons ou comprendre les raisons dun mal tre.

    6 - Daprs la documentation de la Miviludes. Il ne sagit pas dun expos approfondi qui serait du ressort des ethnologues, sociologues et historiens.

  • Rapport au Premier ministre 2009 tudes et contributions du secrtariat permanent 33

    Certains spcialistes considrent quen raison de labsence de clerg, de doctrine, de liturgie, le chamanisme nest pas une religion, et que ce nest pas non plus un systme philosophique. Toujours est-il que ces pratiques sont hrites de rites sorciers ancestraux et que lunivers chamanique apparat comme empreint de magie. Il est de nature faire rver une socit trop mat-rialiste. Le cartsianisme scientifique nobtient pas toujours lassentiment de personnes qui veulent tout prix donner une explication plus humaine leurs divers maux ou leur mal de vivre.

    Le chamanisme traditionnel serait le gardien des mythes fondateurs et donc dune grande partie de la spcificit culturelle de nombreux peuples. La fonction nest en principe pas hrditaire et ncessite des prdispositions qui sont values par les Anciens. En outre, cela suppose une formation longue et difficile, ce qui nest pas le cas dans le no-chamanisme , o lon peut trouver des publicits pour des stages de chamanisme avanc en 6 jours

    Tmoignage (Internet): Si tu veux tre chaman, tu le peux mon fils mais il faudra que tu restes avec moi 2 ou 3 ans ; cest une vritable cole. Ta recherche durera plusieurs annes. Certains disent, il faut 30 ans pour devenir un bon chaman ! !

    Dabord il te faudra apprendre ma langue car un chaman doit parler la langue des esprits pour sadresser eux et ce nest pas le franais ou le crole. Ensuite il faudra aller en fort, voir le Takini . Cest un arbre. Cest son esprit que je madresserai pour toi et dautres preuves attendent ensuite lapprenti chaman

    Thoriquement il nest pas exclu pour le chaman dintgrer la moder-nit. Il pourra alors continuer tre un acteur du changement en faisant vo-luer les mythes et les pratiques. Mais est-il possible aujourdhui dintgrer dans ces pratiques et rituels des lments contemporains sans perdre la tradition qui faisait sa spcificit ? Nest-ce pas le matrialisme et notamment la pression mercantile et lexigence de rsultats rapides et spectaculaires qui risquent de prendre le pas sur les valeurs traditionnelles ? Cest toute la question du rap-port entre le chamanisme traditionnel et les no-chamanismes modernes.

    Le no-chamanisme et les tensions de la modernitLe no chaman est en gnral une femme ou un homme n(e) et

    ayant vcu dans une socit dveloppe de type occidental mais pratiquant des rituels inspirs par des chamans autochtones, le plus souvent mlangs dautres formes spirituelles ou thrapeutiques labores depuis.

    Le no-chamanisme a t dcrit par Michel Perrin, ethnologue et directeur de recherche au CNRS comme

    tant cens permettre de devenir chaman pour soi, en dveloppant cette approche par une recherche sincre mais souvent pathtique dune spiritualit sa propre mesure [afin dadapter, de transposer, tant bien que mal, les exigences ancestrales et rituelles millnaires aux ralits de la vie quotidienne] .

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    Schmatiquement, lobjectif du no-chamanisme serait moins une finalit mdicale, faisant rfrence aux anciens homme mdecine du corps et autres sorciers gurisseurs , que lengouement pour une nouvelle sorte de thrapie , se voulant proche de la nature. Son objectif serait la gurison spirituelle et psychique, permettant au participant de reprendre la possession de soi-mme et donc de lui faire esprer de mieux grer sa vie.

    Le no-chamanisme ne proposerait pas une mthode ni un dogme par-ticulier mais un chemin personnel afin de senrichir spirituellement.

    On doit sinterroger alors sur la question des rapports entre le no-cha-manisme et le chamanisme dit traditionnel.

    Tmoignage (Internet): Les nouveaux chamans dOccident, libres de toutes contraintes culturelles, ont ainsi multipli les voies et mthodes chamaniques. Ils ne sont plus dans la mme logique de continuit pass-prsent que les autochtones car pour eux il sagit, pour survivre et rpondre la forte demande, de renier une partie du pass, consi-dr comme dpass ou non vendeur afin de reconstruire une nouvelle tradition. Daprs leurs nouveaux concepts, un chaman sommeille lintrieur de chacun dentre nous ! Autrement dit, tout le monde est en capacit de devenir intermdiaire avec le monde des esprits en oprant de lui-mme.

    Ainsi, de plus en plus, le no-chamanisme tend crer de nouveaux lea-ders indignistes (tmoignage prcit), tablir de nouvelles rgles, prceptes et pratiques aboutissant des situations au final assez dviantes autant dans le fond que dans la forme, voire dangereuses.

    Le chamanisme par tlphone (tmoignage Internet) : On a ainsi vu apparatre, il y a quelques annes, le chamanisme tlphonique dans lequel le chaman appelle ses esprits allis en simulant explicitement un appel tlphonique par portable. Grce ce tlphone spirituel, on peut appeler les esprits nimporte quel moment et ils rpondent. Ce chamanisme high-tech ressemble nanmoins plus un mli-mlo, un bricolage de traditions chamaniques et de modernit technologique.

    Si le chamanisme tlphonique est intressant mme sil fait sourire, cest quil reflte la capacit des chamans adapter leur savoir de nouvelles circonstances sociales. Cette transformation nest donc pas toujours synonyme de juxtapositions nfastes mais parfois aussi denrichissement, le contact des chamans avec la socit moderne sin-tensifiant de plus en plus. Sans adaptation, pas de survie ?

    Nanmoins, le plus souvent on aurait affaire un chamanisme ( lorigine amazonien, sibrien ou encore amrindien) qui serait brad par des syncrtismes New Age dnaturant la tradition des chamans anciens. Avec ce chamanisme moderne, on en vient voquer des mdecines multi-usages qui guriraient de tout

    force desprer une solution tous les problmes: maladie, retour daffection, argent, rmission dun cancer, on oublierait presque dvoquer les effets secondaires allant jusquau risque psychiatrique.

    Tmoignage (forum de discussion): Des pratiques sotriques, vides de leur contexte culturel et vides de leurs buts traditionnels, ne se rvlent alors plus que des

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    techniques mentales avec lesquelles on peut faire tout et nimporte quoi. Un chamanisme touristique et non thrapeutique, trippant , sans dblocage psychologique douloureux, devrait tre considr comme une pure arnaque uniquement .

    Tmoignage (Internet) : Un chamanisme pour touristes pris comme une affaire qui roule , avec trs souvent des crmonies se droulant avec un grand nombre de nophytes qui cherchent vivre une exprience intense avec des plantes aux effets surpuissants.

    Parfois ce chamanisme pour touriste est propos par des no chamans, par-fois par des anciens chamans eux-mmes qui vont modifier leurs concepts et certaines de leurs pratiques pour sadapter la forte demande occidentale. La notion de tradition ne semble pas ici interdire le mlange de cultures ; en effet tradition veut bien dire galement la ncessit de transmettre.

    Il reste cependant percevoir quelle est la conception, la finalit qui domine la mise en place de ces pratiques et si elles se rvlent en adquation avec ce qui pouvait faire la lgitimit du chamanisme traditionnel.

    Tmoignage (reu la Miviludes): Le fait de partir ltranger, dans ces pays o le chamanisme ancestral peut tre encore parfois dvelopp et initi, ne doit pas tre motiv par lide de trouver la solution ses problmes, sinon cela ne risquerait de ntre quune illusion de plus avec la possibilit que certains chamans auto-proclams puissent se servir de votre crdulit et de votre influenabilit pour vous faire faire ce quils souhaitent que vous fassiez: payer plus ; avoir un pouvoir sur vous avec le phnomne demprise, vous faire devenir les ambas-sadeurs proslytes de nouvelles techniques de sujtions et daddicts psychotropes ; abuser de votre confiance ; abuser de vos charmes avec une finalit sexuelle .

    Tmoignage (reu la Miviludes): L-bas, jy ai rencontr des gens srs deux, arrogants, manipulateurs souhait, inconscients, ambitieux, briguant la place du roi des illusions ou des visions multiples ; jai rencontr des tas de gens sincrement dsireux de vouloir gurir une partie deux-mmes, des gens blesss, maltraits, perdus, prt tout pour gurir, prt payer des sommes vertigineuses, prendre un avion pour le bout du monde, prt vendre leur corps et leurs mes pour des connaissances, des savoirs, des vrits caches .

    Certains ont pu penser aller dcouvrir de nouveaux tats de conscience modi-fis afin de se librer de leurs prisons mentales gnres par leur quotidien angoissant ou lies des traumatismes anciens. Ils nauront trouv au final (et ils nen auront pas conscience sur le fait mais seulement quelques annes plus tard) que la ralisation dun nouvel enfermement pour leur corps, leur esprit, leur me sest fait jour .

    Guy Rouquet, prsident de Psychothrapie Vigilance, responsable du site Internet PsyVig. com: Le no-chamanisme tend faire flche de tout bois aujourdhui, se dveloppant de faon empirique, opportuniste et pragmatique, entranant dans son sillage toutes sortes de charlatans et de bonimenteurs. La plupart sadonnent de

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    fait un exercice illgal de la mdecine et sont en infraction par rapport la lgislation sur les stupfiants. Dautres sont littralement des gourous la tte dun systme parfois labor et hirarchis, avec toutes sortes dcrans et de trompe-lil religieux, spirituels, culturels et humanitaires.

    Au final, ces pratiques pourraient se rvler dangereuses voire dvas-tatrices pour des gens fragiles ou pour des individus en bonne sant mais non encadrs, et non prpars ces rites initiatiques.

    Quelles sont les difficults que devront affronter les candidats lexprience chamanique ?Certains pensent aujourdhui quun stage chamanique pourrait sappa-

    renter une cure psychanalytique et que les prparatifs et les diverses recom-mandations qui entourent les stages chamaniques sont suffisants pour assurer la scurit et le bien-tre du client-demandeur.

    Or, Les expriences dtats altrs de conscience induites par lisolement, la dite, le jene, les rites de passage et lingestion de plantes ou breuvages qualifis de sacrs sont lune des caractristiques essentielles du chamanisme (Guy Rouquet).

    Sil ne faut pas se montrer totalement intolrants toutes les volutions de nos comportements sociaux, il ne faut pas non plus tre trop nafs sur ce sujet.

    Les consignes dispenses pour prparer ces sminaires ou stages cha-maniques posent demble le problme de la lgitimit des pseudos-chamans qui les proposent.

    Le nophyte occidental va tre confront trois types dedifficults

    Le stage et sa prparation, une premire rupture

    Les produits hallucinognes utiliss dans ces rituels tant, dans notre pays, classs comme stupfiants, et le march li au no-chamanisme tant trs porteur aujourdhui, une adaptation sest rapidement mise en place.

    De nombreux centres de stage chamanique ou lieux de sminaires favorisant le voyage chamanique et la pratique des techniques holistiques, se sont dvelopps ltranger, plus particulirement en Amrique centrale, en Amrique du Sud comme au Prou (chez les tribus Yagua ou Shipibo) et au Nord ouest, dans un triangle dlimit par les villes de Tarapoto, Pucallpa et Iquitos , en Guyane (tribus carib) et ailleurs (voir ci-aprs analyse transverse du no-chama-nisme linternational), mais aussi sur le continent africain.

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    Certains de ces centres qui ont des relais en France fonctionnent comme des communauts thrapeutiques qui vont confier lorganisation de leurs voyages des agences spcialises dans le tourisme spirituel , encore appel par des observateurs critiques psycho-tourisme .

    Des rituels initiatiques sont ainsi proposs aux travers dorganisations de voyages thme comme une sorte de narco-tourisme . Dans le cadre de ces organisations une simple srie de recommandations accompagne la prise de ce type de substances, trs souvent sans aucun recours ensuite un mdecin sur place en cas de besoin.

    En effet, aucun contrle mdical et aucun soutien psychologique ne sont en gnral prvus pendant ces retraites .

    Les trs nombreuses prescriptions et contre-indications qui sont ta-blies pour les futurs stagiaires qui partent vivre ce voyage chamanique ltran-ger sont faites de telle sorte que lon peut penser quil sagit de prescriptions de type mdical cautionnes par des autorits de sant, alors quil nen est rien.

    En voici quelques exemples:

    Adhrer la tradition de la dite ne doit pas tre ralis dans le but daffaiblir le corps mais bien de le purifier. Il faut prparer le corps mais aussi lesprit et lme assimi-ler lnergie gurisseuse de layahuasca. cet effet, (voici quelques exemples de restrictions alimentaires pour une dite pseudo-quilibre comme la prsentent les organisateurs):

    aliments interdits, avant, pendant et aprs le sminaire (pas de prcisions sur les dlais de restrictions): sel, poivre, sucre, bonbons, chocolat, viande rouge, huile, alcool, boisson gazeuse (mme bire sans alcool), assaisonnements divers et varis, glace ou laitage, fruit trop mr ou fruits secs

    aliments viter (car contenant des produits pouvant tre dangereux avec la prise dayahuasca): fromage, poissons fums, soupe, bouillon, bouillon cube, vinaigre, choucroute et autre produits alimentaires assaisonns (genre salade), conserves, viandes sches ou fumes, extraits de protine en poudre ou mlang, viandes rcupres (saucisse, hamburger), levure, tofu et pte de soja, cafine, arachides

    En liminant ces lments de votre rgime, vous prparez votre corps au voyage de layahuasca et vous rduirez srement la quantit de purge ncessaire pour nettoyer votre corps

    Il nest pas certain quavec un tel rgime, le stagiaire sera au mieux pour un voyage ltranger de plusieurs jours, avec les effets combins du manque de sommeil, pour garder une bonne condition physique et endurer des sances de plusieurs heures de sudation, de transe chamanique et des pro-cessus de sujtion mentale !

    Il reste nanmoins comme alimentation possible: poulet (mais seulement lev en plein air), poissons (seuls certains sont autoriss), pommes de terre, uf, avoine, th, ptes et riz, lgumes (quinoa, tapioca, concombre, tomate, betterave, carotte, brocolis, choux-fleurs, manioc), quelques fruits (pommes, ananas, raisins, bananes, figues)

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    Cette dite purificatrice est accompagne galement de restrictions en matire sexuelle, dhygine (pas de parfums ou de savons), de mdicaments (pas de mdicaments prescrits sur ordonnance comme les antidpresseurs et les antibiotiques).

    ces prescriptions sajoutent quelques informations sur ce que le can-didat doit emporter, ainsi que quelques restrictions de responsabilits du tour operator : Pour les vaccinations, vous tes responsables de la dcision que vous prendrez. Lorganisateur fera son maximum pour assurer la scurit et le confort du participant durant les ateliers. Les plantes ingres peuvent impliquer des ractions motionnelles et physiques. Le participant consent pendant le voyage rester prudent et attentif lui ou elle-mme et aux autres et dcharge ainsi lorganisateur de toute rclamation pour blessure ou perte.

    Ensuite lors du crmonial, on vous prvient que vous pouvez avoir des visions ou ne pas les avoir, tout de suite ou bien plus tard.

    Dailleurs il est impossible de vous dcrire ce qui vous arrivera lors de vos voyages intrieurs , chacun vivant une exprience diffrente au plus profond de lui-mme. Il y a nanmoins quelques rituels obligatoires (voir iconographie des animaux ou plantes locales importantes dans la culture chamanique du lieu, explique et rapporte).

    Par ailleurs, des sessions de sensibilisation sont ralises en France et par le biais de sites Internet en franais par ces no-chamans. Cela leur permet la fois de se faire connatre directement dun large public et de vendre leur produit de stages chamaniques, avec promotion de psychotropes illgaux sur le territoire franais, ralisant ainsi un proslytisme pour leur utilisation ltranger. Cf. le thme dun colloque ds 2005 en France: Les rappropriations occidentales contemporaines des plantes chamaniques traditionnelles .

    Lemploi de substances hallucinognes et le danger quelles repr-sentent pour la sant gnrale de lindividu et pour sa sant mentale.

    Il faut rappeler que nous navons aucun recul sur les consquences long terme de la prise de ces substances. La seule certitude que nous avons aujourdhui est que la plupart des produits hallucinognes utiliss dans la pra-tique chamanique sont des produits classs comme stupfiants (voir tableau des substances en annexe), donc a priori illgaux dans leur importation et utilisation. Cette classification est elle-mme fonde sur la forte nocivit de ces produits.

    De nombreux tmoignages recueillis la Miviludes ou auprs des asso-ciations luttant contre les drives sectaires (UNADFI, CCMM, GEMPPI), confirment que liboga ou layahuasca par exemple, ne sont pas sans danger, malgr la prsentation anodine quen font certains ouvrages qui se livrent lapologie de la consommation de tels produits. Ils constituent bien au contraire des substances hallucinognes trs puissantes et classes comme dro-gues, dont le pouvoir de nuisance est dcupl par des conditions dingestion trs particulires.

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    Ces plantes peuvent tre combines avec du tabac ou du cannabis (pro-duit appel Santa Maria ) pour potentialiser les effets et les augmenter.

    Les plantes utilises lors de ces rituels peuvent tre totalement dtour-nes de leur but initial. Certaines taient utilises des fins purement thra-peutiques, ou dans une finalit plus sociale et sociologique dinitiation des ado-lescents, afin par exemple de leur faire ressentir des perceptions accentues dans leur futur rle de chasseur.

    Or les effets dangereux de telles substances ont t souvent minors dessein, dans une optique lucrative notamment. Cette approche rcente et commerciale de lutilisation de ces plantes par le chamanisme moderne parat trs loigne de lessence mme et des racines profondes du chamanisme traditionnel.

    Quelques exemples:

    Layahuasca

    La prise dayahuasca notamment, peut se rvler particulirement vio-lente: un douloureux voyage sur soi-mme (avec vomissements, convulsions physiques, profonde dtresse mentale), mme lorsque cette substance est absorbe dans de bonnes conditions 7, cest--dire sous la surveillance dun chaman expriment.

    Cette plante hallucinogne nentranerait pas de descente comme dautre produit stupfiant et ne crerait pas de dpendance physiologique . La plante continuant agir de manire diffuse peut engendrer un tat de sr-nit et de tranquillit inhabituel Attention cependant au retour la ralit (article Internet, 6dcembre 2008, Entre chamanisme et narcotourisme )

    On ne parle jamais des retours dacide, des flashs back, des visions cauche-mardesques, des ennuis psychologiques et physiologiques, des troubles psychiques, des pi-sodes compensatoires et dlirants au sens clinique du terme [des comas, des morts par overdose galement]. De grands hpitaux franais sont pourtant trs spcialiss dans ce type de retour dexprience [que certains qualifieraient de malheureux et dexceptionnels] comme Ste Anne, Marmotan, Fernand Widal, Hopital Pellegrin de Bordeaux . (Guy Rouquet, lettre au CSA du 25juillet 2008)

    Tmoignage (reu la Miviludes): Layahuasca permet de vivre lexp-rience de la petite mort au sens figur mais au sens propre galement, ce qui nest pas anodin .

    Deux chercheurs europens parmi dautres dnoncent, en particu-lier, les dangers de layahuasca: Gilbert Ppin, un pharmacologue franais et expert auprs des tribunaux et le Suisse Laurent Rivier, toxicologue travaillant lUniversit de Lausanne.

    7 - Les caractristiques et effets secondaires de layahuasca sont en partie ceux du LSD. Des dcompensations psychiatriques rversibles et irrversibles, des comas, des dcs et des suicides ont t enregistrs.

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    Liboga

    Si certains prtendent que ces produits ont des vertus thrapeutiques ou mdicales (voir par exemple le rsultat miraculeux vhicul par cer-tains concernant liboga et le sevrage des opiomanes) ce qui reste cependant encore dmontrer 8, il est pourtant impratif dtre vigilant sur le risque de dpendance psychologique, si ce nest physiologique. Ces produits sont des DROGUES, ce ne sont en aucun cas des mdicaments ou des substituts fiables faisant lconomie de thrapies ou psychothrapies traditionnelles comme on le prsente trop souvent pour attirer le client dans le pige.

    Il ny a pas dusage mdical reconnu 9 et il existe des risques sanitaires ; dailleurs le National Institute on Drug Abuse aux tats-Unis a abandonn en 1995 un projet de recherche sur le bnfice mdical de liboga, notamment pour traiter laddiction lhrone. Sa vente et son utilisation sont interdites aux tats-Unis, en Suisse, en Belgique et en France. Cette plante est nanmoins classe patrimoine national au Gabon.

    Au Gabon, linitiation au culte bwiti 10 suppose labsorption diboga haute dose. Dans le cadre du rituel africain, cest un sorcier-gurisseur, matri-sant cette pratique traditionnelle grce la transmission de savoirs par-del les gnrations, et disposant de plantes pouvant servir dantidote, qui va organiser la crmonie et initier le sujet selon les coutumes anciennes.

    La transposition de ce rituel africain en Europe, suite un phnomne dengouement et une certaine attirance pour linconnu et ltrange, en mme temps que larrive de ces nouveaux rituels par le biais dimmigrations succes-sives de populations, peut conduire lutilisation et labsorption de substances, telles liboga, par des circuits clandestins, dans des environnements clos sans aucun contrle dautorits comptentes dans le domaine mdical et sans le moindre avis officiel sur les dangers ventuels de leur consommation.

    Aussi, ceux qui voquent des plantes donnant des visions trs belles et merveilleuses , censes rvler la personne elle-mme, pouvant faire dcouvrir beau-coup de choses sur soi et changer votre manire de voir le monde et les choses , il convient dopposer en toute objectivit le risque de squelles psychologiques pouvant

    8 - De nombreux crits affirment en effet que la racine de liboga se serait rvle trs efficace dans le sevrage des toxicomanies mais AUCUNE EXPERIMENTATION VALIDEE SCIENTIFIQUEMENT ne vient pour lheure confirmer ces propos un peu trop premptoires (cf. rapport Miviludes 2006).9 - Liboga a t commercialis en France entre1939 et1966 sous le nom de tablettes de Lamborine et utilis dans les indications de dpression et asthnie mais aucun mdicament renfermant cette substance nest plus aujourdhui commercialis en France.10 - La religion bwiti est un culte ancestral aux rites secrets et complexes ; linitiation au bois sacr, liboga, est prsente comme une exprience mystique puissante et un nettoyage en profondeur de ltre. Dun point de vue spirituel, les effets de cette plante donneraient accs aux mondes invisibles et permettraient une ouverture de conscience.La racine amnerait une introspection avec des prises de consciences et des perceptions amplifies. Elle aurait un rle de rquilibrage des nergies par un nettoyage diffrents niveaux:-physique par le biais de vomissements,-psychique travers des tats cathartiques,-spirituel travers les visions.Cette initiation est prouvante physiquement et psychi