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Expéditions exécutoires délivrées le : Page 1 TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 1 3ème chambre 2ème section N° RG 19/07931 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQHH M N° MINUTE : Assignation du : 01 Juillet 2019 JUGEMENT rendu le 07 Janvier 2022 DEMANDERESSES S.A. TELEVISION FRANCAISE 1 1 Quai du Point du Jour 92100 BOULOGNE BILLANCOURT S.A. TELE MONTE-CARLO 6 bis quai Antoine 1 er 98000 MONACO (PRINCIPAUTE DE MONACO) S.A.S. TFX 1 quai du Point du Jour 92100 BOULOGNE BILLANCOURT S.A.S. TF1 SERIES FILMS 1 quai du Point du Jour 92100 BOULOGNE BILLANCOURT S.C.S. LA CHAINE INFO - LCI 1 quai du Point du Jour 92100 BOULOGNE BILLANCOURT S.A.S. TV BREIZH 1 quai du Point du Jour 92100 BOULOGNE BILLANCOURT S.A.S. SOCIETE PANEUROPEENNE D’EDITION ET D’EXPLOITATION DE DOCUMENTAIRES 1 quai du Point du Jour 92100 BOULOGNE BILLANCOURT S.A.S. HISTOIRE 1 quai du Point du Jour 92100 BOULOGNE BILLANCOURT représentées par Maître Louis DE GAULLE de la SAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0035

352J-W-B7D-CQHH JUGEMENT M rendu le 07 Janvier 2022

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Expéditionsexécutoiresdélivrées le :

Page 1

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 1

3ème chambre 2èmesection N° RG 19/07931 - N°Portalis352J-W-B7D-CQHHM

N° MINUTE :

Assignation du :01 Juillet 2019

JUGEMENT rendu le 07 Janvier 2022

DEMANDERESSES

S.A. TELEVISION FRANCAISE 11 Quai du Point du Jour92100 BOULOGNE BILLANCOURT

S.A. TELE MONTE-CARLO6 bis quai Antoine 1er

98000 MONACO (PRINCIPAUTE DE MONACO)

S.A.S. TFX1 quai du Point du Jour92100 BOULOGNE BILLANCOURT

S.A.S. TF1 SERIES FILMS1 quai du Point du Jour92100 BOULOGNE BILLANCOURT

S.C.S. LA CHAINE INFO - LCI1 quai du Point du Jour92100 BOULOGNE BILLANCOURT

S.A.S. TV BREIZH1 quai du Point du Jour92100 BOULOGNE BILLANCOURT

S.A.S. SOCIETE PANEUROPEENNE D’EDITION ETD’EXPLOITATION DE DOCUMENTAIRES1 quai du Point du Jour92100 BOULOGNE BILLANCOURT

S.A.S. HISTOIRE1 quai du Point du Jour92100 BOULOGNE BILLANCOURT

représentées par Maître Louis DE GAULLE de la SAS DE GAULLEFLEURANCE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire#K0035

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DÉFENDERESSE

S.A.S. MOLOTOV11 Rue La Boétie75008 PARIS

représentée par Maître Alexandra NERI du PARTNERSHIPSHERBERT SMITH FREEHILLS PARIS LLP, avocat au barreau dePARIS, vestiaire #J0025

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Catherine OSTENGO, Vice-présidenteElise MELLIER, JugeAlix FLEURIET, Juge

assisté de Quentin CURABET, Greffier

DEBATS

A l’audience du 12 Novembre 2021 tenue en audience publique devantCatherine OSTENGO et Elise MELLIER, juges rapporteurs, qui sansopposition des avocats ont tenu seules l’audience, et après avoirentendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal,conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédurecivile.

Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise àdisposition au greffe le 07 Janvier 2021

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoireen premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société TELEVISION FRANCAISE 1 (ci-après «TF1»), la sociétéTELE MONTE-CARLO (ci-après «TMC»), la société TFX, la sociétéTF1 SERIES FILMS, la société LA CHAINE INFO (ci-après « LCI»),la société TV BREIZH, la SOCIETE PANEUROPEENNE D’EDITIONET D’EXPLOITATION DE DOCUMENTAIRES et la sociétéHISTOIRE appartiennent au groupe de médias français TF1 etproposent des services de télévision.

Elle sont respectivement titulaires de plusieurs marques françaises, àsavoir :

La société TF1 :- la marque semi-figurative n°1290436 :

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déposée le 30 juillet 1990 dans les classes 9, 16, 25, 28, 35, 38, 41notamment pour désigner en classe 38 des services de« Communications, agences d'informations, agences de presse,communications radiophoniques, expédition de dépêches, transmissionde dépêches, diffusion de programmes de télévision, émissionsradiophoniques, émissions télévisées, radiodiffusion » et en classe 41les services suivants : « Éducation et divertissement, services d'artistesde spectacles, studios de cinéma, location d'appareils et d'accessoirescinématographiques, location de films cinématographiques,organisation de concours, location de décors de spectacles,divertissement radiophonique, divertissement télévisé, locationd'enregistrements sonores, production de films, services d'impresarios,location d'appareils et accessoires cinématographiques, location depostes de radio et de télévision, montage de programmesradiophoniques et de télévision, music-hall, services d'orchestres,représentations théâtrales, spectacles, location de décors de théâtre ».

- la marque verbale « TF1 » n°1489724 déposée le 22 novembre 1984en classes 1; 2 ; 3 ; 4 ; 5 ; 6 ; 7 ; 8 ; 9 ; 10 ; 11 ; 12 ; 13 ; 14 ; 15 ; 16 ;17 ; 18 ; 19 ; 20 ; 21 ; 22 ; 23 ; 24 ; 25; 26 ; 27 ; 28 ; 29 ; 30 ; 31 ;32 ;33 ; 34 ; 35 ; 36 ; 37 ; 38 ; 39 ; 40 ; 41 ; 42 notamment pourdésigner des servies de « Communications, éducation et divertissement,services divers ».

La société TMC :- la marque verbale « TMC » n°1020685 déposée le 6 avril 2009 enclasses 9 ;16; 35 ; 38;41;42; 45 notamment pour désigner des servicesde « transmission d'informations par câble, par télévision numériqueterrestre, par réseaux informatiques mondiaux; diffusion deprogrammes de télévision et plus généralement de programmesmultimédias »

La société TFX :- les marques semi-figuratives n° 4419753 et n° 4419765 :

déposées le 15 janvier 2018 en classes en classes 9 ;35 ;38 ;41 ; 42notamment pour désigner des services de services « d'abonnement pourdes tiers à des publications électroniques ou non, numériques;abonnement à un service télématique; abonnement à une chaîne detélévision; conseils (à savoir informations de consommation)concernant le choix d'équipements informatiques et detélécommunication» et de «Services de télécommunications; services demessagerie électronique sécurisée, services de communicationsaudiovisuelles, radiophoniques, téléphoniques, télégraphiques,diffusion de programmes de télévision, transmission d'émissionsradiophoniques et télévisées par satellite, par Internet, par réseauxcâblés ou sans fil ; diffusion d'émissions de télévision, de contenusmultimédias et de contenus audiovisuels par Internet ».

La société TF1 SERIES FILMS :- la marque semi-figurative n°4419806 :

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déposée le 15 janvier 2018 en classes 9;16 ;35 ;38;41;42 notammentpour désigner des services de « saisie, de mise en forme, de compilationet services de traitement de données à savoir saisie, recueil,systématisation de données, et plus généralement d'enregistrement, detranscription, de transmission et de systématisation de communicationsécrites et d'enregistrements sonores et/ou visuels » et « services decommunications audiovisuelles, radiophoniques, téléphoniques,télégraphiques, diffusion de programmes de télévision, transmissiond'émissions radiophoniques et télévisées par satellite, par Internet, parréseaux câblés ou sans fil ; diffusion d'émissions de télévision, decontenus multimédias et de contenus audiovisuels par Internet ».

La société LCI :- les marques verbale « LCI » n° 94523092 et semi-figurativen° 94523091 :

déposées le 3 juin 1994 en classes 9 ; 26 ; 35 ;38, 41 notamment pourdésigner des services de « Publicité télévisée. Télécommunications,agences de presse et d'informations; communications radiophoniques,expédition de dépêches, transmission de dépêches, diffusion deprogrammes de télévision, émissions radiophoniques, émissionstélévisées, émissions télévisées interactives ».

La société TV BREIZH:- la marque semi-figurative n° 4056783 :

déposée le 23 décembre 2013 en classes 9 ;16 ;35 ;38 ;41 ;42notamment pour désigner des « services de communicationsaudiovisuelles, radiophoniques, téléphoniques, télégraphiques,diffusion de programmes de télévision, transmission d'émissionsradiophoniques et télévisées par satellite, par Internet, par réseauxcâblés ou sans fil » et des services d'« Abonnement à des chaînes detélévision. Abonnement à un service téléphonique ou informatique(Internet) ».

La société SOCIETE PANEUROPEENNE D’EDITION ETD’EXPLOITATION DE DOCUMENTAIRES :- la marque semi-figurative n° 3951116 :

déposée le 4 octobre 2012 dans les classes 9 ;16 ; 35 ;38; 41 ;42notamment pour désigner des « services de communicationsaudiovisuelles, radiophoniques, téléphoniques, télégraphiques,diffusion de programmes de télévision, transmission d'émissionsradiophoniques et télévisées par satellite, par Internet, par réseauxcâblés ou sans fil» et des service d'«Abonnement à des chaînes detélévision. Abonnement à un service téléphonique ou informatique(Internet) ».

La société HISTOIRE :

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- la marque semi-figurative n° 97681460 :

déposée le 6 juin 1997 en classes 9 ;35;38;41 notamment pour désignerdes services de « publicité radiophonique, publicité télévisée,reproduction de documents. Diffusion de programmes de télévision partous moyens, émissions télévisées, transmission de messages etd'images assistée par ordinateur, communication par terminauxd'ordinateur, télévision par ondes hertziennes, par câbles et parsatellites ».

Chacune de ces sociétés revendique par ailleurs des droits voisins surses programmes respectifs.

La société MOLOTOV, créée en 2014, a pour activité l'exploitationdepuis juillet 2016 d'une plateforme de distribution de chaînes detélévision par internet ce, sans intervention d'un opérateur de réseau,appelée « service en OTT » (« Over The Top »).

Par lettre accord du 23 octobre 2015, à laquelle était joint un « Term-Sheet », la société TF1 DISTRIBUTION a accepté, à titre expérimental,de concéder à la société MOLOTOV le droit de distribuer les chaînesTF1, TMC, NT1, HD1, LCI, TV BREIZH, USHUAIA TV etHISTOIRE sur sa plateforme OTT, le lancement du service étantintervenu à la fin du premier semestre 2016.

Par courrier du 8 mars 2019, la société TF1 DISTRIBUTION a informéla société MOLOTOV qu’elle entendait rediscuter les conditions dedistribution de ses chaînes dans le cadre de l’« Offre TF1 Premium »que l’ensemble des distributeurs historiques avaient accepté dereprendre au cours des 18 derniers mois et lui a indiqué que l’accordexpérimental ne pourrait être prolongé au-delà du 30 juin 2019.

Les négociations étant restées infructueuses, la société TF1DISTRIBUTION a notifié, le 14 juin 2019 à la société MOLOTOVqu’elle mettait fin aux négociations, lui rappelant également la fin del’accord expérimental au 30 juin 2019, date à laquelle elle a cessé de luifournir les signaux des chaînes.

Les demanderesses, reprochant à la société MOLOTOV une poursuiteillicite, à compter du 1 juillet 2019, de l’exploitation commerciale deser

programmes des chaînes TF1, TMC, TFX, TF1 SERIES FILMS, LCI,TV BREIZH, USHUAIA TV et HISTOIRE, notamment sur lessmartphones, les tablettes, ordinateurs et les écrans de télévisionconnectés via le réseau internet en OTT, constitutive selon elles, d’uneatteinte aux droits voisins de l’entreprise de communicationaudiovisuelle mais également aux droits sur leurs marques, l’ont faitciter devant le présent tribunal par acte d’huissier délivré le 1 juilleter

2019.

Par décision du 30 avril 2020 (n°20-D-08), l’Autorité de la concurrencea rejeté la saisine au fond de la société MOLOTOV à l’encontre desgroupes TF1 et M6, pour défaut d’éléments suffisamment probants etsa demande accessoire de mesures conservatoires. La sociétéMOLOTOV a interjeté appel de cette décision.

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Parallèlement, cette dernière, reprochant aux sociétés du groupe TF1des pratiques restrictives de concurrence, les a fait citer devant letribunal de commerce de Paris par acte du 10 novembre 2020. Cetteprocédure est actuellement en cours.

Par ordonnance du 18 décembre 2020, le juge de la mise en état dutribunal judiciaire de Paris a estimé que l'atteinte aux droits desmarques des sociétés du groupe TF1 était vraisemblable et a faitinterdiction – provisoirement – à la société MOLOTOV, de faire usagedes dites marques.

Puis, suivant ordonnance du 21 mai 2021, il a débouté la sociétéMOLOTOV de sa demande tendant à voir le président de l'Autorité dela concurrence entendu en qualité de témoin et de sa demande deconfidentialisation de plusieurs de ses pièces.

*

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 8avril 2021, les demanderesses demandent au tribunal de :

Vu les articles L. 122-2, L. 216-1 et L. 335-4 du code la propriétéintellectuelleVu les articles L. 713-2 et L. 716-1 et L. 717-1 du code la propriétéintellectuelleVu les dispositions de l’article 1383 et 1383-2 du code civilVu les dispositions de l’article 331-1 et suivants du code de la propriétéintellectuelleVu les articles 122 et suivants du code de procédure civileVu l’article 31 du code de procédure civileVu l’article 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civilVu les pièces versées aux débats - REJETER les moyens d’irrecevabilité de l’action engagée par lessociétés demanderesses soulevés par la société MOLOTOV ;- DIRE ET JUGER les sociétés TELEVISION FRANCAISE 1, TELEMONTE-CARLO, TFX, TF1 SERIES FILMS, LA CHAINE INFO, TVBREIZH, SOCIETE PANEUROPEENNE D’EDITION ETD’EXPLOITATION DE DOCUMENTAIRES et HISTOIRE recevablesen leur action ;

SUR LES ACTES DE CONTREFAÇON DES DROITS VOISINSD’ENTREPRISE DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE DESSOCIÉTÉS DEMANDERESSES :

- DIRE ET JUGER la société MOLOTOV irrecevable à se prévaloir desdispositions de l’article L. 442-1 I et II du code du commerce devant letribunal judiciaire pour s’opposer aux prétentions des sociétésdemanderesses ;- DIRE ET JUGER plus généralement la société MOLOTOV malfondée à sa défense ;- DIRE ET JUGER que la société MOLOTOV a reconnu, aux termesde ses conclusions signifiées le 19 décembre 2019, avoir diffusé àcompter du 1 juillet 2019 les chaînes des sociétés demanderesses, alorser

qu’elle ne disposait plus d’autorisation pour procéder à cette diffusion ;- DIRE ET JUGER que l’exploitation par la société MOLOTOV desprogrammes des chaînes TF1,TMC, TFX, TF1 SERIES FILMS, LCI, TV BREIZH, USHUAIA TVet HISTOIRE sans autorisation respectivement des sociétés

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TELEVISION FRANCAISE 1, TELE MONTE-CARLO, TFX, TF1SERIES FILMS, LA CHAINE INFO, TV BREIZH, SOCIETEPANEUROPEENNE D’EDITION ET D’EXPLOITATION DEDOCUMENTAIRES et HISTOIRE, caractérise une atteinte aux droitsvoisins dont elles sont titulaires en application des dispositions del’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle ;- FAIRE INTERDICTION à la société MOLOTOV, sous astreinte de75.000 euros par jour de retard et par chaîne après l’expiration d’undélai de 10 jours à compter de la signification du jugement à intervenir,d’exploiter commercialement tout ou partie des programmes deschaînes TF1, TMC, TFX, TF1 SERIES FILMS, LCI, TV BREIZH,USHUAIA TV et HISTOIRE ;- CONDAMNER la société MOLOTOV à verser aux sociétésTELEVISION FRANCAISE 1, TELE MONTE-CARLO, TFX, TF1SERIES FILMS, LA CHAINE INFO, TV BREIZH, SOCIETEPANEUROPEENNE D’EDITION ET D’EXPLOITATION DEDOCUMENTAIRES et HISTOIRE une indemnité, à charge pour cesdernières de la répartir entre elles, à titre de provision, de 5.000.000 €(cinq millions d’euros) par an, sauf à parfaire, tant que la défenderessen’aura pas justifié avoir complètement et définitivement mis un termeaux atteintes portées aux droits voisins des sociétés demanderesses enFrance Métropolitaine et dans les DROM et les COM ;

SUR LES ACTES DE CONTREFAÇON DE MARQUES :

- DIRE ET JUGER que les actes de reproduction et d’usage nonautorisés des marques suivantes par la société MOLOTOV constituentdes actes de contrefaçon desdites marques :

- les marques n°1290436, 1489724, 4419753 et 4419765 dont lasociété TF1 est titulaire ;- la marque n°1020685 dont la société TELE MONTE-CARLO esttitulaire ;- la marque n°4419806, dont la société TF1 SERIES FILMS esttitulaire ;- les marques n°94523092 et 34523091 dont la société LACHAINE INFO est titulaire ;- la marque n°134056783 dont la société TV BREIZH est titulaire ;- la marque n°123951116 dont la SOCIETE PANEUROPEENNED’EDITION ETD’EXPLOITATION DE DOCUMENTAIRES est titulaire ;- la marque n°97681460 dont la société HISTOIRE est titulaire.

- FAIRE INTERDICTION à la société MOLOTOV, sous astreinte de10.000 euros par infraction constatée, à l’expiration d’un délai de 10jours à compter de la signification du jugement à intervenir, dereproduire et faire usage des marques précitées sur quelque support quece soit ;- CONDAMNER la société MOLOTOV à verser :

- la somme de 3.200.000 euros à la société TF1 pour avoir portéatteinte aux marques n°1290436, n°1489724, n°4419753 etn°4419765,- la somme de 600.000 euros à la société TELE MONTE-CARLOpour avoir porté atteinte à la marque n°1020685,- la somme de 600.000 euros de la société TF1 SERIES FILMS(anciennement dénommée HD1) pour avoir porté atteinte à lamarque n°4419806 ;- la somme de 600.000 euros à la société LA CHAINE INFO pouravoir porté atteinte aux marques n°94523092 et n°34523091 ;- la somme de 600.000 euros à la société TV BREIZH pour avoirporté atteinte à la marque n°134056783 ;

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- la somme de 600.000 euros à la SOCIETE PANEUROPEENNED’EDITION ET D’EXPLOITATION DE DOCUMENTAIRESpour avoir porté atteinte à la marque n°123951116 ;- la somme de 600.000 euros à la société HISTOIRE pour avoirporté atteinte à la marque n°97681460 ;

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE

- ORDONNER la publication du dispositif du jugement à intervenir surla partie immédiatement accessible d’une part, de la page d’accueil del’application molotov.tv et d’autre part, de la page d’accueil du siteinternet accessible à l’adresse www.molotov.tv ou à toute autre adressequi pourrait lui être substituée par la société MOLOTOV, en caractèreslisibles, sur une surface au moins égale à 25 % de la surface de cespages d’accueil, dans un encadré parfaitement visible intitulé «Publication judiciaire », et ce pour une durée de 2 mois et sansinterruption, dans les 15 jours qui suivront la signification du jugementà intervenir, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard et/ou parjour de manquement constaté ;- ORDONNER en outre la publication du dispositif du jugement danstrois journaux ou périodiques aux choix des sociétés demanderesses etaux frais de la société MOLOTOV, à concurrence de 5.000 euros parinsertion ;- CONDAMNER la société MOLOTOV à payer aux sociétésTELEVISION FRANCAISE 1, TELE MONTE-CARLO, TFX, TF1SERIES FILMS, LA CHAINE INFO, TV BREIZH, SOCIETEPANEUROPEENNE D’EDITION ET D’EXPLOITATION DEDOCUMENTAIRES et HISTOIRE, la somme de 50.000 euros pourprocédure abusive ;- ASSORTIR le jugement à intervenir de l’exécution provisoire ;- CONDAMNER la société MOLOTOV à payer, à chacune des sociétésTELEVISION FRANCAISE 1, TELE MONTE-CARLO, TFX, TF1SERIES FILMS, LA CHAINE INFO, TV BREIZH, SOCIETEPANEUROPEENNE D’EDITION ET D’EXPLOITATION DEDOCUMENTAIRES et HISTOIRE la somme de 30.000 euros au titrede l’article 700 du code de procédure civile ;- CONDAMNER la société MOLOTOV aux entiers dépens dontdistraction au profit de Maître Louis de Gaulle, Avocat.

*

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 18juin 2021, la société MOLOTOV demande au tribunal de :

- FIXER, dans un premier temps, les délais et les modalités de remiseau tribunal des versions intégrales et confidentielles des pièces n°56,60, 61, 63 et 64 dont fait état la société MOLOTOV, accompagnées lecas échéant des éléments prévus par l’article R. 153-3 du code decommerce, afin que le tribunal puisse examiner seul ces piècesconformément au §1° de l’article L153-1 du même code avant dedécider les mesures à prendre pour protéger le secret des affaires deMOLOTOV ;- DIRE dans un second temps que :

- la pièce n°56 pourra être produite au tribunal avec les élémentschiffrés couverts par le secret des affaires, mais que l’accès par lesdemanderesses à la version non expurgée de ces éléments chiffréssera restreint au seul avocat de ces dernières, qui pourra lesconsulter selon les modalités fixées par le tribunal sans possibilité

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Décision du 07 Janvier 20223ème chambre 2ème sectionN° RG 19/07931 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQHHM

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d’en prendre copie, de les reproduire même partiellement ou d’entirer des notes ;- seules des versions des pièces n°60, 61, 63 et 64 comportant lenom des parties ainsi que les clauses permettant le calcul desredevances seront produites au tribunal, toutes les autres clausespouvant être caviardées, et que l’accès à ces versions sera restreintau seul avocat des sociétés du groupe TF1, qui pourra les consulterselon les modalités fixées par le tribunal sans possibilité d’enprendre copie, de les reproduire même partiellement ou d’en tirerdes notes.

Subsidiairement, -SAISIR la Cour de cassation pour avis sur la question suivante :

« L’article L. 153-1 du code de commerce relatif à la protection dusecret des affaires devant les juridictions civiles, ainsi que lesdispositions procédurales prévues par les articles R. 153-2 etsuivants du code de commerce relatives aux demandes decommunication ou de production de pièces, sont-ils applicableslorsque la partie invoquant le secret des affaires est détentrice despièces concernées et souhaite les communiquer pour les besoins desa propre défense ? »

SUR LE PRINCIPAL :

- DÉCLARER les sociétés TÉLÉVISION FRANÇAISE 1, TELEMONTE-CARLO, TFX, TF1 SERIES FILMS, LA CHAINE INFO –LCI, TV BREIZH, SOCIETE PANEUROPEENNE D'EDITION ETD'EXPLOITATION DE DOCUMENTAIRES, HISTOIRE, irrecevablesà agir faute d’intérêt légitime à agir,

Subsidiairement,- DÉCLARER leurs demandes mal-fondées en raison de leur caractèreabusif,- DIRE QUE le préjudice revendiqué est imputable à la propre faute dessociétés TÉLÉVISION FRANÇAISE 1, TELE MONTE-CARLO, TFX,TF1 SERIES FILMS, LA CHAINE INFO – LCI, TV BREIZH,SOCIETE PANEUROPEENNE D'EDITION ET D'EXPLOITATIONDE DOCUMENTAIRES, HISTOIRE,

Très subsidiairement, dans l’hypothèse où le tribunal décideraitd’entrer en voie de condamnation,- DIRE que le montant de la réparation du préjudice des sociétésdemanderesses ne saurait être supérieur à 624.000 euros annuel ;- DIRE qu’une mesure de publication n’est pas nécessaire ;- DIRE qu’une éventuelle mesure de publication ou d’interdiction nesera pas assortie d’une astreinte ni dotée de l’exécution provisoire,compte tenu des conséquences manifestement excessives qu’uneapplication immédiate nonobstant appel revêtirait pour la sociétéMOLOTOV ;- DONNER ACTE à la société MOLOTOV qu’au titre de larémunération due aux sociétés TF1 pour l’exploitation, depuis le 1er

juillet 2019, de leurs droits voisins et de leurs droits de marque, ellepropose de leur verser spontanément en dehors du procès une sommecalculée sur la base d’un montant global annuel maximal de 624.000euros ;- DÉBOUTER les sociétés TÉLÉVISION FRANÇAISE 1, TELEMONTE-CARLO, TFX, TF1 SERIES FILMS, LA CHAINE INFO –LCI, TV BREIZH, SOCIETE PANEUROPEENNE D'EDITION ET

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D'EXPLOITATION DE DOCUMENTAIRES, HISTOIRE de toutesleurs demandes, fins et conclusions ;- Les CONDAMNER à verser à la société MOLOTOV la somme de300.000 euros à titre de dommages et intérêts ;- Les CONDAMNER aux dépens de l’instance au titre de l’article 699du code de procédure civile ;- Les CONDAMNER in solidum, comme il est équitable, à payer à lasociété MOLOTOV la somme de 150.000 euros pour couvrir ses fraisirrépétibles au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

*

L'affaire a été à clôturée le 25 juin 2021 et fixée pour être plaidée àl'audience du 12 novembre 2021.

Pour un exposé complet de l'argumentation des parties il est,conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoyé àleurs dernières conclusions précitées.

MOTIFS

1- Sur la demande de confidentialisation de pièces formulée avantdire droit

Afin de préserver l’équilibre entre la protection du secret des affaires,les droits de la défense et le respect du contradictoire, la sociétéMOLOTOV demande au tribunal de prononcer des mesuresd’aménagement des conditions de production de ses pièces n°56 et 60à 64, sur le fondement des dispositions de l’article L. 153-1 du code decommerce. Elle rappelle à cet égard que le juge de la mise en état nedispose d’aucune compétence exclusive pour exercer les pouvoirsnécessaires à la communication et la production des pièces à l’égarddesquelles le secret des affaires est invoqué et que selon l'article 794 ducode de procédure civile, les ordonnances rendues par celui-ci,notamment en matière de communication de pièces, n'ont pas auprincipal, l'autorité de la chose jugée. Elle soumet, dans l’hypothèse oùle tribunal aurait un doute concernant l’application en l’espèce del’article L. 153-1 du code de commerce et/ou des articles R. 153-2 etsuivants du même code, l’opportunité de la saisie pour avis de la Courde cassation afin que celle-ci puisse l’éclairer sur la portée de ces textes,les articles L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire et 1031-1 ducode de procédure civile prévoyant cette faculté.

Sur ce,

L’article L. 153-1 du code de commerce dispose que « lorsque, àl'occasion d'une instance civile ou commerciale ayant pour objet unemesure d'instruction sollicitée avant tout procès au fond ou à l'occasiond'une instance au fond, il est fait état ou est demandée lacommunication ou la production d'une pièce dont il est allégué par unepartie ou un tiers ou dont il a été jugé qu'elle est de nature à porteratteinte à un secret des affaires, le juge peut, d'office ou à la demanded'une partie ou d'un tiers, si la protection de ce secret ne peut êtreassurée autrement et sans préjudice de l'exercice des droits de ladéfense :1° Prendre connaissance seul de cette pièce et, s'il l'estime nécessaire,ordonner une expertise et solliciter l'avis, pour chacune des parties,d'une personne habilitée à l'assister ou la représenter, afin de décider

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s'il y a lieu d'appliquer des mesures de protection prévues au présentarticle ;2° Décider de limiter la communication ou la production de cette pièceà certains de ses éléments, en ordonner la communication ou laproduction sous une forme de résumé ou en restreindre l'accès, pourchacune des parties, au plus à une personne physique et une personnehabilitée à l'assister ou la représenter ;3° Décider que les débats auront lieu et que la décision sera prononcéeen chambre du conseil;4° Adapter la motivation de sa décision et les modalités de publicité decelle-ci aux nécessités de la protection du secret des affaires ».

Et l’article R. 153-3 du même code précise qu’ « A peined'irrecevabilité, la partie ou le tiers à la procédure qui invoque laprotection du secret des affaires pour une pièce dont la communicationou la production est demandée remet au juge, dans le délai fixé parcelui-ci :1° La version confidentielle intégrale de cette pièce ;2° Une version non confidentielle ou un résumé ;3° Un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de lapièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d'un secret desaffaires.Le juge peut entendre séparément le détenteur de la pièce, assisté oureprésenté par toute personne habilitée, et la partie qui demande lacommunication ou la production de cette pièce.»

En l’espèce, les pièces dont la confidentialisation est sollicitée par lasociété MOLOTOV sont les suivantes :

-Pièce n°56 intitulée « coût de la redevance moyenne des autreschaînes (hors groupe participant à SALOT) en fonction de leuraudience nationale » et « Valeur objective des chaînes en clair dugroupe TF1 en fonction de la redevance moyenne par pointd’audience nationale des autres chaînes » et enfin « valeurobjective en claire du groupe M6 en fonction de la redevancemoyenne par point d’audience nationale des autres chaînes »- Pièce n°60 intitulée « contrat de distribution Groupe CNEWS »- Pièce n°61 intitulée « contrat de distribution NRJ »- Pièce n°63 intitulée « contrat de distribution ARTE »- Pièce n°63 intitulée « contrat de distribution l'Equipe TV ».

La société MOLOTOV considère que ces pièces sont utiles car ellespermettent la comparaison entre le niveau des redevances facturées à lasociété MOLOTOV par les éditeurs des autres chaînes en clair, rapportéau point d’audience nationale et de mettre en évidence le caractère,selon elle exorbitant, tant des conditions tarifaires qui lui ont étéproposées par les sociétés du groupe TF1 dans le cadre de leursdiscussions, que des indemnités qu'elles sollicitent en réparation desactes de contrefaçon allégués.

Or, dans la mesure où il ne peut être opéré aucune corrélation entre leschaînes du groupe TF1 et les autres chaînes diffusées en clair du faitnotamment des différences de thèmes et donc de programmes, les tarifspratiqués par les secondes ne peuvent servir de référence pourl'appréciation des montants sollicités par les demanderesses, étant desurcroît relevé que la société MOLOTOV elle-même fait valoir que leschaînes du groupe TF1 « constituent un intrant essentiel etirremplaçable pour tout distributeur souhaitant proposer une offre detélévision complète, crédible et attractive aux téléspectateurs

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français », ce qui laisse supposer qu'aucune comparaison pertinente nepeut être effectuée avec les autres chaînes en clair.

Les pièces litigieuses n'apparaissant donc pas utiles à la solution dulitige, il n'y a pas lieu de rechercher si des mesures deconfidentialisation s'avèrent nécessaires et par voie de conséquence desaisir la Cour de cassation de cette question.

Cette demande avant dire droit sera en conséquence rejetée.

2- Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir

La société MOLOTOV fait valoir qu’une action en contrefaçon nesaurait poursuivre un intérêt « légitime » lorsque le titulaire des droitsavait le devoir, avant d’engager une telle action, de négocier de bonnefoi avec la partie assignée les conditions d’un contrat d’exploitation etqu’il s'en est abstenu en ne lui soumettant pas une offre raisonnable.

Les demanderesses répliquent que leur intérêt pour agir en contrefaçonde leurs droits de propriété intellectuelle en qualité d’entreprises decommunication audiovisuelle et en qualité de titulaires de marques ducommerce est né et actuel, direct et personnel puisqu’il résultesimplement de la titularité de leurs droits de propriété intellectuelle.Elles soutiennent que la société MOLOTOV ne démontre pas que lasociété TF1 Distribution n’aurait pas, postérieurement à la notificationde la fin de l’accord expérimental au 30 juin 2019, mené de bonne foides discussions avec elle, la défenderesse ayant systématiquementrefusé dans le cadre de ces discussions, de fournir les données de parc,nécessaires à la formalisation d’une offre. S’agissant du respect par TF1 des engagements pris devant l’Autoritéde la concurrence, les demanderesses rappellent que l’assignation a étédélivrée avant la décision du 12 août 2019 qui a autorisé la création del’entreprise commune SALTO et que les engagements pris ne lesempêcheraient de toute façon pas d’agir en contrefaçon de leurs droitsde propriété intellectuelle.

Sur ce,

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile « Constitue unefin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaireirrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droitd'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, ledélai préfix, la chose jugée. »

L'article 31 du même code dispose que « l'action est ouverte à tous ceuxqui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sousréserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seulespersonnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, oupour défendre un intérêt déterminé ».

En l'espèce, l'argumentation de la société MOLOTOV au soutien de safin de non-recevoir repose sur le fait que le 8 mars 2019, les sociétésTF1, représentées par la société TF1 DISTRIBUTION, lui ont notifiéleur intention de mettre fin au précédent contrat signé en octobre 2015,avec effet au 30 juin 2019, tout en lui proposant de négocier lapoursuite de leur relation commerciale sur la base d’une offre « TF1Premium ». Elle considère cependant que dans la mesure où lesconditions de cette offre supposée servir de base aux discussions ne lui

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ont jamais été communiquées dans une version actualisée, les sociétésdu groupe TF1 ont fait preuve de mauvaise foi.

La société MOLOTOV soutient par ailleurs qu'en indiquant par courrieldu 14 juin 2019, qu’elles refusaient finalement d’engager toutediscussion alors que le contrat en cours prenait fin le 30 juin 2019, lessociétés TF1 se sont rendues coupables d’une rupture brutale derelations commerciales établies, en violation de l’article L. 442-1-II ducode de commerce qui dispose qu'engage la responsabilité de son auteuret l'oblige à réparer le préjudice causé le fait « de rompre brutalement,même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absenced'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de larelation commerciale, en référence aux usages du commerce ou auxaccords interprofessionnels ».

La société MOLOTOV soutient également que la société TF1 s’estengagée devant l'Autorité de la concurrence, le 17 juin 2019, à proposer« à tout distributeur tiers qui en ferait la demande, la distribution deses Chaînes de la TNT en clair et de leurs Services et FonctionnalitésAssociés, à des conditions techniques, commerciales et financières,transparentes, objectives et non discriminatoires ». Elle fait valoirqu'indépendamment du point de savoir si les sociétés du groupe TF1disposent d’une « position dominante », il est indéniable que leurschaînes, au même titre que celles des groupes M6 et France Télévision,constituent, pour elle-même, des « intrants essentiels », ce quel’Autorité de la concurrence a reconnu dans sa décision précitée du 12août 2019. Elle considère que si l'engagement des sociétés du groupeTF1 ne les soumet pas à une obligation de contracter, il lui imposetoutefois de faire une offre à des conditions « transparentes, objectiveset non discriminatoires », avant d’engager et de poursuivre leur actionen contrefaçon et qu'au cas d'espèce, la saisine du tribunal par lessociétés demanderesses, sans avoir préalablement transmis l’offre TF1Premium, caractérise une attitude manifestement déloyale et fautive quiprive leur action en contrefaçon de toute légitimité.

Enfin, la défenderesse fait valoir que les négociations n’ont pas étémenées de bonne foi par les demanderesses qui n’ont pas respecté lesconventions qu’elles ont passées avec le CSA et l’article 96-1 de la loidu 30 septembre 1986 sur la communication audiovisuelle. Ellerappelle qu’aux termes de ces conventions, chacune de ces chaînes« fait l’objet d’une reprise intégrale et simultanée par les réseauxn’utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur del’audiovisuel » et soutient que si le respect de cet objectif n’impliquepas nécessairement que les éditeurs des chaînes renoncent à exiger unerémunération auprès des distributeurs qui souhaitent diffuser leurschaines sur Internet, il implique toutefois qu’ils n’en compromettent pasla réalisation en refusant de négocier de bonne foi avec eux sur la basede conditions contractuelles et financières équitables, raisonnables,objectives, transparentes et non discriminatoires. Elle considère que lessociétés du groupe TF1 ne sauraient, dans ces conditions, y faireobstacle en subordonnant la conclusion d'un accord à des conditionsabusives, tel qu’un prix prohibitif, et que la présente action encontrefaçon constitue en conséquence, la violation de leursengagements par les sociétés défenderesses et poursuit donc un intérêtqui n’est pas légitime.

Cependant, comme le relèvent justement les demanderesses, répondreaux moyens ainsi développés, aboutirait avant tout débat au fond, àrechercher si leur action est fondée tant en droit de la concurrence qu'au

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regard de la réglementation audiovisuelle et donc conduiraitnécessairement le tribunal à devoir apprécier la légitimité de leursprétentions alors que l'action en contrefaçon doit être déclarée légitime,dès lors qu'agissant en qualité d’entreprise de communicationaudiovisuelle et de titulaire de marques, les sociétés du groupe TF1justifient suffisamment d'un intérêt né et actuel, direct et personnel etdonc légitime, la société MOLOTOV ne contestant d'ailleurs pas latitularité de leurs droits de propriété intellectuelle.

La société MOLOTOV sera en conséquence déboutée de sa fin de non-recevoir et les demanderesses, déclarées recevables en leur action encontrefaçon.

3- Sur les actes de contrefaçon de droits voisins de l'entreprise decommunication audiovisuelle et de marques

Les sociétés demanderesses font valoir qu’aux termes de sesconclusions signifiées le 19 décembre 2019, la société MOLOTOV areconnu avoir poursuivi la diffusion des chaînes du groupe TF1 aprèsle 1 juillet 2019, ce au moyen d’un dispositif permettant de contournerer

l’arrêt de la fourniture par la société TF1 Distribution des flux deschaînes éditées, alors qu’elle ne disposait plus d’autorisation et que desurcroît, elle propose à ses abonnés la fonctionnalité « start over » quin'était pourtant pas incluse dans l’accord antérieurement passé. Ellessoutiennent que cet aveu fait foi contre la société MOLOTOV, dans lamesure où elle a reconnu un fait de nature à produire contre elle desconséquences juridiques et que celui-ci est irrévocable. Elles ajoutentque la société MOLOTOV fait par ailleurs référence sur son siteaccessible à l’adresse www.molotov.tv et sur son applicationmolotov.tv aux marques dont elles sont titulaires et les reproduisentdans le cadre d’actions promotionnelles et commerciales, commettantégalement, ce faisant, des actes de contrefaçon de marques.

En réplique à la défenderesse, elles soutiennent qu'aucuneréglementation ne les empêche de proposer leur Offre TF1 PREMIUMni ne les oblige à proposer leurs chaînes à titre gratuit à un distributeur,la réglementation audiovisuelle sur les chaînes dites « gratuites » de laTNT ne pouvant notamment constituer un obstacle à la mise en œuvrede leurs droits de propriété intellectuelle, puisqu'applicable uniquementau réseau hertzien TNT. Elles ajoutent que les conditions de leur offres’inscrivent dans le cadre d’une évolution du secteur audiovisuel queles principaux distributeurs français ont accepté de prendre en compteen signant avec elles des contrats de distribution sur cette base.

La société MOLOTOV réplique que le droit d’autoriser ou d’interdireconféré à un éditeur de service de télévision en application de l’articleL. 216-1 code de la propriété intellectuelle ou au titulaire d’une marqueen application de l’article L. 713-2 a) du même code, trouve sa limitedans un comportement abusif et qu’au cas d’espèce l’abus se manifested’abord dans le fait d’avoir introduit leur action devant le tribunal, sanslui avoir préalablement transmis ses conditions « TF1 Premium » etsans lui avoir offert l’opportunité d’en négocier de bonne foi les termes.Elle ajoute que les sociétés demanderesses ont abusivement poursuivila procédure alors qu’elles n’ont toujours pas transmis une offrerépondant aux conditions de transparence, d’objectivité et de non-discrimination exigées par l’Autorité de la concurrence et soutiennentque les conditions qu’elles lui ont soumises tardivement créent undéséquilibre, en violation des dispositions de l’article L. 442-1-I, sous

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2° du code de commerce. Elle termine en soutenant qu'un telcomportement traduit une volonté manifeste de l’évincer du marché.

Sur ce, L’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que« Sont soumises à l’autorisation de l’entreprise de communicationaudiovisuelle la reproduction de ses programmes, ainsi que leur miseà la disposition du public par vente, louage ou échange, leurtélédiffusion et leur communication au public dans un lieu accessibleà celui-ci moyennant paiement d’un droit d’entrée. Sont dénomméesentreprises de communication audiovisuelle les organismes quiexploitent un service de communication audiovisuelle au sens de la loin° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté decommunication, quel que soit le régime applicable à ce service. »

L’article L. 335-4 du même code prévoit que « Est punie de trois ansd’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende toute fixation,reproduction, communication ou mise à disposition du public, à titreonéreux ou gratuit, ou toute télédiffusion (…) d’un programme, réaliséesans l’autorisation, lorsqu’elle est exigée, (…) de l’entreprise decommunication audiovisuelle. ».

Par ailleurs, en application des dispositions des articles L. 713-2 et L.713-3 du code précité, « Est interdit, sauf autorisation du titulaire dela marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou desservices :1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou desservices identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour desproduits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquelsla marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risquede confusion incluant le risque d’association du signe avec lamarque. »

En l'espèce, la société MOLOTOV ne conteste pas avoir poursuivi ladiffusion des chaînes litigieuses postérieurement au terme du contratarrivé à expiration le 30 juin 2019, mais fait valoir que ses agissementssont justifiés par le comportement des demanderesses, qui se caractérisepar la violation de plusieurs des règles et principes régissant lesrelations entre les éditeurs de programmes télévisuels et lesdistributeurs. La défenderesse ne conteste pas non plus avoir reproduitles marques dont les demanderesses sont titulaires sur son site et soncompte Twitter et à l'occasion de campagnes promotionnelles, mais faitvaloir que l'action en contrefaçon introduite et poursuivie par lessociétés demanderesses constitue un abus de droit et ce, pour les raisonsci-après énumérées.

3.1- Le défaut de transmission préalable aux discussions desconditions de l'« Offre TF1 Premium »

L'argument de la société MOLOTOV repose sur le fait que le 8 mars2019, les sociétés TF1, représentées par la société TF1DISTRIBUTION, lui ont notifié leur intention de mettre fin auprécédent contrat signé en octobre 2015, avec effet au 30 juin 2019,tout en lui proposant de négocier la poursuite de leur relationcommerciale sur la base d’une offre « TF1 Premium », mais que lesconditions de cette offre ne lui ayant jamais été communiquées dans

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une version actualisée, les sociétés du groupe TF1 ont fait preuve demauvaise foi et abusé de leur droit d'agir en contrefaçon.

Il résulte cependant du courriel que Jean-Michel GRAS – de la sociétéTF1 DISTRIBUTION – a adressé le 17 juillet 2016 à Jean-MarcDENOUAL – de la société MOLOTOV – que cette dernière a étédestinataire, après la tenue d'une réunion le 8 juillet précédent,d'informations précises relatives à l'offre TF1 PREMIUM notammentquant à son périmètre et à ses conditions tarifaires (pièce DEM n°28)et il ne ressort pas du courrier que la société TF1 DISTRIBUTION aadressé à la défenderesse le 8 mars 2019 pour lui notifier la fin del'accord de distribution que cette offre TF1 PREMIUM aurait faitl'objet, postérieurement au 17 juillet 2016, de modificationssuffisamment substantielles pour considérer que de nouvellesconditions auraient dû être notifiées en conséquence. En effet, cecourrier indique « le Groupe TF1 a procédé il y a trois ans à unerestructuration complète des conditions de distribution de ses servicesavec la création de « l'Offre TF1 Premium » », ce qui signifie aucontraire que c'est bien cette offre qui constitue l'aboutissement d'uneopération de restructuration des conditions de distribution (pièce DEMn°38).

Ensuite, force est de constater que ces conditions ont été retransmisesen cours de procédure, mais qu'elles n'ont pas été acceptées par lasociété MOLOTOV qui a poursuivi la diffusion non autorisée desprogrammes des sociétés défenderesses.

3.2- La violation des règles édictées par l'Autorité de la concurrence

L'argumentation de la société MOLOTOV repose sur le fait que lesdemanderesses ne lui ayant pas proposé une offre selon elle conformeaux engagements qu'elles ont pris devant l’Autorité de la concurrence,le maintien de leurs demandes devant le tribunal revêt un caractèremanifestement abusif qui doit conduire à leur rejet. Elle se fondeessentiellement sur le rapport d'analyse économique des conditionstarifaires proposées par les groupes TF1, M6 et France Télévisions etétabli le 16 juin 2020 par M. CHAPSAL à sa demande (pièce DEFn°59), qui relève que n'a notamment pas été respecté par les sociétés dugroupe TF1, l'engagement E13 pris devant l’Autorité de la concurrence,qui stipule que ces dernières se sont engagées à « proposer à toutdistributeur tiers qui en ferait la demande la distribution de leurschaînes de la TNT en clair et des services et fonctionnalités associés,à des conditions techniques, commerciales et financières transparentes,objectives et non discriminatoires », ce afin « d’écarter toute stratégiede forclusion partielle qui pourrait être mise en œuvre par les Mères aubénéfice de Salto, en octroyant aux concurrents de sa filiale communedes conditions dégradées, d’un point de vue technique ou tarifaire ».

La société MOLOTOV considère ainsi et en premier lieu que l'offre quilui a été soumise par la société TF1 Distribution est irrégulière en cequ'elle précise que :« L’Utilisateur est comptabilisé au titre de la rémunération due à TF1Premium qu’il soit :- actif ou inactif sur une période mensuelle- facturé ou non par le Distributeur- et dès lors que l’Utilisateur a un accès potentiel à TF1 Premium dansson offre » (Pièce DEF n°41).

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Elle expose que les personnes ayant un accès « potentiel » aux chaînesTF1 seraient celles qui ont fait la démarche de s’inscrire une premièrefois sur Molotov.tv (soit environ11,6 millions d’utilisateurs) et que cechiffre ne reflète donc pas la fréquentation effective de sa plateforme.Elle considère que cette base de calcul aboutit à lui réserver untraitement discriminatoire par rapport aux conditions financièresréservées aux autres distributeurs, notamment les Fournisseurs d'Accèsà Internet dont les utilisateurs, en payant mensuellement leurabonnement, manifestent leur volonté réitérée de continuer à bénéficierdes services proposés et sont donc nécessairement des utilisateursactifs. Elle soutient qu'à l'inverse, sur sa plateforme sont inscrits desutilisateurs, qu'elle qualifie de dormants, c'est-à-dire qui, bien quetoujours inscrits – parfois même en doublon – ne se connectent plus etne consomment donc plus les contenus, cette situation étant induite parle fait qu'elle propose une offre « Freemium » gratuite et elle observeque dans ces conditions, le calcul de la redevance devrait être basé surle nombre d'utilisateurs « actifs ».

Toutefois, la société MOLOTOV ne peut utilement soutenir que lemode de calcul prévu dans l'offre TF1 Premium est discriminatoire auseul motif qu'il ne lui est pas favorable, les utilisateurs de la plateformeMolotov.tv ayant la possibilité de rester inscrits sans avoir à justifier deleur activité ou encore de s'inscrire sous divers identifiants, alors qu'unetelle situation ne résulte que du modèle d’inscription et de gestion descomptes qu'elle s'est choisie et qu'elle n'envisage manifestement pas dechanger, notamment en procédant à une désactivation régulière des« comptes dormants ».

La société MOLOTOV soutient encore que le prix dont elle devraits'acquitter représenterait 15 fois celui qu'elle payait auparavant. Elle faitvaloir que selon le rapport CHAPSAL, cette augmentation est motivéepar la volonté de réduire la rentabilité des plateformes concurrentes àleur application SALTO afin, in fine, de favoriser cette dernière. Ellerelève à cet égard que la construction du barème proposé par TF1, quidiminue par tranche de volume d’utilisateurs, aboutit de facto à unediscrimination au profit des distributeurs ayant le plus grand nombred’abonnés au détriment des autres. Elle fait également valoir que lebarème que les sociétés du groupe TF1 veulent lui imposer ne tientaucun compte du fait que les chaînes en clair concernées sont déjàaccessibles gratuitement au public, raison pour laquelle elle ne peutinclure ces services qu'au sein d’une offre « Freemium » – gratuite – quilui permet d’attirer le public sur son site et par la suite, de l’inciter àsouscrire des abonnements payants pour des services ou fonctionnalitéssupplémentaires présentant une réelle valeur ajoutée. Elle fait valoir quec'est justement ce modèle que le groupe TF1 a adopté en proposant, viasa plateforme gratuite MyTF1, l'abonnement à SALTO et que l'offre dedistribution qui lui a été faite ne peut donc être considérée comme «objective » puisque ne tenant pas compte de la situation de concurrencedans laquelle elle se trouve face à SALTO.

Cependant et encore une fois, l’impossibilité de faire payer auconsommateur son offre de premier niveau ne résulte que du choix parla société MOLOTOV du modèle « Freemium » et celle-ci ne peut, sansse heurter au principe de liberté contractuelle posé notamment parl’article 1102 du code civil, imposer au groupe TF1 une modificationde ses conditions générales de distribution pour les adapter à ce modèle,alors que ce sont celles offertes à tous les distributeurs avec lesquels legroupe TF1 a contracté et qui ne peuvent dès lors, être qualifiées dediscriminatoires.

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La société MOLOTOV fait enfin valoir que les montants exigés sontd’autant plus excessifs qu’ils ne lui permettent même pas de bénéficierde droits différenciants, ni de réorganiser les contenus afin de pouvoirles présenter de manière innovante pour ses clients, en raison de clausescontractuelles limitant son autonomie technique.

Elle fait à cet égard référence aux conditions de la mise en place d'unservice nPVR assorties d’un certain nombre de conditions. Lesconditions de l'offre précisant toutefois que ce service est proposé dansdes termes respectant la loi « Création » du 8 juillet 2016 (loi 2016-925du 7 juillet 2016) dans le respect des exigences du « triple test » prévuà la convention de Berne (pièce DEM n°41 p4), l'argument de la sociétéMOLOTOV apparaît pareillement inopérant.

3.3- La violation des dispositions de l'article 96-1 de la loi du 30septembre 1986 et des conventions signées avec le CSA

La société défenderesse fait également valoir que l’article 96-1 de la loide 1986 la contraint à diffuser gratuitement auprès du public les chaînesen clair du groupe TF1 et ce, quel que soit le moyen de diffusion et quecet article doit être lu au regard de l’article 34-4 de la loi de 1986 selonlequel : « Sans préjudice des articles 34-1 et 34-2, tout distributeur deservices fait droit, dans des conditions équitables, raisonnables et nondiscriminatoires, aux demandes des éditeurs de services de télévisionne faisant pas appel à rémunération de la part des usagers et dont ladiffusion est autorisée conformément aux articles 30 ou 30-1 tendant,d'une part, à permettre l'accès, pour la réception de leurs services, àtout terminal utilisé par le distributeur pour la réception de l'offre qu'ilcommercialise et, d'autre part, à assurer la présentation de leursservices dans les outils de référencement de cette offre. »

L’article 96-1 susvisé dispose que « Les services nationaux detélévision en clair diffusés par voie hertzienne en mode numérique sontdiffusés ou distribués gratuitement auprès de 100 % de la populationdu territoire métropolitain. À cette fin, sans préjudice d’autres moyens,leur diffusion ou distribution emprunte la voie hertzienne terrestre, lavoie satellitaire et les réseaux établis par les collectivités territorialeset leurs groupements dans les conditions prévues par l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales »

Or, il ne résulte pas de ces dispositions que les éditeurs privés deservices audiovisuels gratuits seraient tenus de mettre à la dispositiondes distributeurs leurs services mais seulement d'assurer gratuitementleur diffusion auprès de la population. C'est du reste ce que la courd'appel de Paris a jugé dans son arrêt n°19/16422 en date du 9 octobre2020 dans la procédure opposant la société FREE aux sociétés BFM,RMC et DIVERSITE FRANCE TV en jugeant « qu'aucune dispositionlégislative ou réglementaire ne s'oppose à ce qu'un éditeur autorisé àexploiter un service par voie hertzienne terrestre et ne faisant pas appelà une rémunération de la part des usagers, subordonné la fourniture dece service à une rémunération de la part d'un distributeur de servicesqui met à disposition du public, par un réseau n'utilisant pas desfréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel une offrede service de communication audiovisuelle comportant des services detélévision ou de médias audiovisuel à la demande » (pièce DEM n°98).C'était également dans ce sens que le Conseil Supérieur deL'Audiovisuel avait précédemment tranché, comme cela résulte des

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termes de la décision de l'Autorité de la concurrence dans sa décisiondu 30 avril 2020 (§38).

Dans ces conditions, la société MOLOTOV ne peut utilement soutenirque pèse sur elle une obligation de fournir à ses abonnés un accèslinéaire gratuit aux chaînes en clair, quel que soit le mode de diffusion,ce qui impliquerait corrélativement que les sociétés du GROUPE TF1soient tenues de lui proposer une offre tenant compte de cette contrainteéconomique.

3.4- La violation des dispositions de l'article L. 442-1 I 2° ducode de commerce

La société MOLOTOV fait valoir que les conditions de l'offre desdemanderesses pour la diffusion de leurs chaînes, aboutissent à lasoumettre à des redevances prohibitives, déconnectées de toute prise encompte raisonnable des contraintes du marché et de la valeur réelle deleurs chaînes et de leurs services associés et sont, en cela, contraires àl’article L 442-1-I, sous 2° du code de commerce selon lequel : «Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer lepréjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale,de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personneexerçant des activités de production, de distribution ou de services :(…)2° De soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à desobligations créant un déséquilibre significatif dans les droits etobligations des parties ».

Les sociétés du groupe TF1 répliquent à titre liminaire que le code decommerce prévoit une compétence exclusive de tribunaux de commercespécialisés pour connaître de l’application des règles du droit de laconcurrence et du droit des pratiques restrictives de concurrence dansles litiges entre commerçants et qu'en conséquence le moyen soulevépar la société MOLOTOV doit être déclaré irrecevable.

L’article L. 442-4 III du code du commerce prévoit en effet que lesactions fondées, notamment sur l'article L. 442-1, sont attribuées auxjuridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret et, parapplication des dispositions de l'article D. 442-3 du même code, seraitau cas d'espèce compétent, le tribunal de commerce de Paris.

Toutefois, le moyen de défense tenant au déséquilibre significatif dansles droits et obligations des parties apparaît indivisible des demandesprincipales en contrefaçon qui, elles, sont de la compétence exclusivedu tribunal judiciaire de Paris. Dès lors, en vertu du principe deplénitude de juridiction, il convient de se déclarer compétent pourl'entier litige.

Sur le fond, les sociétés demanderesses rappellent que selon lajurisprudence, pour l'application de ce texte, la condition de soumissionou de tentative de soumission par l’une des parties, implique l’absencede négociation effective et qu'au cas d'espèce, la société TF1DISTRIBUTION a informé la société MOLOTOV dès le 8 mars 2019qu'elle entendait négocier un nouvel accord avant l'expiration duprécédent, conclu à titre temporaire jusqu’au 30 juin 2019. Ellessoutiennent que si ces négociations n'ont pas abouti, c'est uniquementparce que la défenderesse a tenté de lui imposer son modèleéconomique afin de bénéficier de conditions commerciales

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discriminatoires par rapport aux autres distributeurs et que ladéfenderesse ne saurait se contenter de comparer les conditionsconsenties dans le cadre d'un accord expérimental avec celles qui lui ontété présentées dans le cadre de l'Offre TF1 PREMIUM.

Toutefois, il sera en premier lieu relevé que les sociétés demanderessesne peuvent pertinemment soutenir que la défenderesse n'était pas enposition de soumission alors qu'il résulte de l'échange de mails produitsaux débats, que la proposition commerciale que la société TF1DIFFUSION entendait faire à la société MOLOTOV, avant le terme duprécédent accord, consistait uniquement à calculer le prix de laredevance sur la base de l'Offre TF1 PREMIUM en fonction desdonnées du parc de la société MOLOTOV (pièce DEM N°39).

En effet, après la réception de l'email que lui a adressé cette dernière le10 mai 2019 pour lui demander de prendre en considération sonmodèle, c'est-à-dire de faire une distinction entre les abonnés« Freemium » et les abonnés payants (pièce DEM n°40), la société TF1Diffusion lui a adressé en réponse le 21 mai suivant, un courriel en cestermes « (...) nous vous avons présenté l'offre TF1 Premium (produit,fonctionnalités, contenus, et mécanique de prix appliquée à nosdistributeurs). Il a été acté à l'issue de ce rendez-vous que vous nouscommuniqueriez des éléments de parc pour nous permettre dedimensionner notre offre, comme c'est usuellement le cas en matière dedistribution de chaînes. Mon dernier mail n'avait donc d'autre objetque de vous rappeler ce point, afin de nous permettre d'avancer dansles négociations commerciales. Or, non seulement vous ne nouscommuniquez aucune des informations demandées, mais vous exigez denotre part comme préalable à la poursuite de nos discussions que nousrenoncions à notre offre TF1 Premium. Cette demande n’est pour nouspas acceptable ». Il a ensuite été mis un terme aux échanges et,lorsqu'en cours de procédure, les discussions ont repris, c'estuniquement sur la base de la même Offre TF1 Premium (pièce DEFn°41), dont il n'est pas contesté qu'elle s'adresse à tous les distributeursindistinctement quel que soit leur modèle économique.

Il convient, dans ces conditions, de juger qu'il s'agit d'un contratd'adhésion incluant une grille tarifaire basée sur le nombre d'utilisateursayant accès aux services proposés.

La mise en œuvre des dispositions de l'article L. 442-1 I 2° du code decommerce cependant suppose, outre une situation de soumission, ladémonstration par celui qui s'en prévaut d'un déséquilibre.

En l'espèce, la société MOLOTOV fait valoir que l'Offre TF1 Premiumconduit à la soumettre à des redevances prohibitives qui ne prennent pasen compte les contraintes du marché et la valeur réelle des chaînesHistoire TV, TV Breizh et Ushuaïa TV et leurs services associés. Ellese contente cependant de relever que la grille tarifaire mensuelledégressive en fonction du nombre d'abonnés et comprenant unminimum garanti conduit à lui imposer un prix très élevé jusqu'à 500000 abonnés et à favoriser les Fournisseurs d'Accès à Internet, tels quela société ORANGE qui, avec ses 27 millions d'abonnés bénéficie d'untarif de 0,0793 euros. Cette tarification indiciaire dégressive, quiconstitue une pratique courante dans les relations commerciales etapplicable à tous les distributeurs ne peut, par principe, être qualifiée dedéséquilibrée.

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Ensuite, son argumentation porte exclusivement sur les chaînes HistoireTV, TV Breizh et Ushuaïa TV, alors que l'Offre TF1 Premiumconcernait toutes les chaînes du groupe TF1 et la société MOLOTOVne peut tout à la fois affirmer, sans se contredire, que ces programmesconstituent pour elle des « intrants essentiels » et que la redevanceexigée est déconnectée de leur valeur. En tout état de cause, remettre enquestion l'adéquation du prix au service rendu conduirait à porteratteinte au principe de liberté du prix.

Dans ces conditions, il convient de juger que la société MOLOTOVn'établit pas que les demanderesses ont tenté de la soumettre à undéséquilibre significatif.

3.5- Sur l'existence d'une stratégie d’éviction mise en œuvre parle groupe TF1

La société MOLOTOV estime que l’action en contrefaçon s’inscrit dansune stratégie d’éviction. Elle rappelle que la possibilité pour elle dereproduire les marques litigieuses et de poursuivre la diffusion gratuitedes services linéaires des chaînes TNT des sociétés du groupe TF1constitue un intrant indispensable et non remplaçable, ce qui l'aconduite à trouver des moyens alternatifs pour diffuser les chaînes desdéfenderesses. Elle considère que les sommes excessives réclamées autitre de la présente action n’ont d’autre objet que d’influencer laperception que les investisseurs ont de sa capacité à se maintenir sur lemarché et, finalement, de la conduire hors de ce marché en asséchantses ressources et en faisant obstacle à son accès au financement. Elleajoute que les demanderesses cherchent manifestement par ce moyen,à protéger de la concurrence la plateforme SALTO qu’elles ontrécemment lancée en association avec la société M6.

Comme le relèvent justement les sociétés du groupe TF1, la sociétéMOLOTOV ne conteste pas avoir, début 2020 et donc postérieurementà la délivrance de l'assignation, obtenu le financement qu'elle avaitsollicité de sorte qu'elle n'établit pas à cet égard avoir subi un préjudice.Ensuite, c'est également à bon droit que les demanderesses soutiennentque l'argumentation de la défenderesse ne saurait faire échec à l'actionen contrefaçon, au risque de priver de toute valeur leurs droits depropriété intellectuelle.

3.6- Sur l'exception de référence nécessaire

A la faveur de la contestation du préjudice en lien avec les actes decontrefaçon de marques, la société MOLOTOV se prévaut del'exception de référence nécessaire, en faisant valoir qu'elle n'a jamaisusé des marques en cause autrement que pour désigner et promouvoirles chaînes qu'elles nomment, ainsi que leurs programmes.

Cependant, si l'exception de référence nécessaire prévue à l’article L.713-6, b) du code de la propriété intellectuelle autorise un tiers à faireusage d'une marque pour indiquer au public la destination de sespropres produits ou services ce, dans le but de protéger la liberté ducommerce et de l'industrie, encore faut-il que cet usage ne soit pasillicite or, au cas d'espèce, les marques sont utilisées pour désigner lesprogrammes édités par les défenderesses et diffusés sans autorisation.L'argument apparaît donc encore une fois, inopérant.

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Au regard de l'ensemble de ces éléments il convient de jugersuffisamment caractérisés les actes de contrefaçon de droits voisins del'entreprise de communication audiovisuelle et de marques.

4- Sur les mesures indemnitaires et réparatrices

Outre une mesure d’interdiction sous astreinte et de publication, lessociétés demanderesses sollicitent le paiement de la somme de5.000.000 euros par année d’exploitation illicite afin d’indemniser lepréjudice subi du fait des actes de contrefaçon de leurs droits voisins.Elles font à cet égard valoir que l’estimation de leur dommage ne doitpas se faire en fonction du modèle économique choisi par la sociétéMOLOTOV ou des conditions d’exploitation des services qu'ellepropose sur sa plateforme, ni ne tenir compte du fait qu’aucun chiffred’affaires n’a été réalisé grâce à la diffusion des chaînes en clair. Autitre de la contrefaçon de marques, la société TF1 réclame la somme de3.200.000 euros et les autres sociétés, la somme de 600.000 euroschacune.

La société MOLOTOV réplique que si l’audience des chaînes dugroupe TF1 représente une part significative des consultations desutilisateurs de sa plateforme, celle-ci reste néanmoins négligeable àl’échelle de l’audience globale de ces chaînes en France, ce qui sous-tend que le préjudice des demanderesses est négligeable. Elle rappelleque la diffusion des chaînes procure en outre aux demanderesses desrecettes publicitaires et considère que le montant des dommages etintérêts doit uniquement prendre en compte la redevance qui aurait puêtre légitimement perçue dans le cadre d’une licence et l’atteinte àl’image éventuellement portée aux détenteurs des droits.

Sur ce,

La réparation du préjudice résultant de l’atteinte aux droits voisins etaux marques obéit aux dispositions de l’article L. 331-1-3 pour lespremiers et L. 716-4-10 pour les secondes, du code de la propriétéintellectuelle, aux termes desquelles « Pour fixer les dommages etintérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits,dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, ycompris les économies d’investissements intellectuels, matériels etpromotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de lapartie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une sommeforfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances oudroits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandél’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette sommen’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à lapartie lésée. »

En l'espèce, les sociétés du groupe TF1 sollicitent une sommeforfaitaire correspondant selon elles et a minima, à celle qu’ellesauraient pu demander à la société MOLOTOV en contrepartie de ladistribution de leurs chaînes dans le cadre de leur « Offre TF1Premium » c'est-à-dire, au minimum garanti que tout distributeur doitverser pour pouvoir proposer à leurs abonnés lesdites chaînes.

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C'est effectivement à bon droit que les demanderesses font valoir qu'iln'appartient pas au contrefacteur de fixer la base de calcul del'indemnité par référence à ce que devrait être, selon sa propreappréciation, le montant légitime des redevances dont il aurait dûs'acquitter.

Il ne peut davantage être utilement soutenu que la poursuite sansautorisation de la diffusion des programmes litigieux a enrichi lesdemanderesses qui ont ainsi bénéficié de revenus publicitairessupplémentaires, sauf à considérer, au mépris des principes de lapropriété intellectuelle, que la contrefaçon pourrait produire des effetsvertueux en renforçant la visibilité des programmes des titulairesvictimes des actes litigieux et constituerait un instrument de promotion.Enfin, peu importe que plusieurs des chaînes litigieuses soient diffuséesgratuitement par leurs éditrices, dès lors que ces dernières sont en droitde faire payer leur diffusion par des distributeurs.

Les conditions générales d'utilisation (CGU) de l'Offre TF1 Premiumprévoient un minimum garanti annuel de :- 4 millions d'euros pour les signaux linéaires des 5 chaînes en clair

en HD (TF1, TMC, TFX, TF1 SF, LCI) + MYTF1 Premium(replay, replay étendu, AVP) + Start Over + Cast. (pièce DEFn°41)

- 300 000 euros pour la mise à disposition des Chaînes Thématiques: TV Breizh, Ushuaïa TV, Histoire TV – en HD (l'OptionDownload To Go (D2G) et l'Option Buffer8 moyennant unemajoration de 6%) (pièce DEF n°43 bis).

Les procès-verbaux de constat dressés les 10, 12, 19 et 30 juillet 2019permettent d'établir qu'outre la diffusion en linéaire de ces chaînes, lesabonnés à la plateforme Molotov.tv ont la possibilité d'enregistrer lesprogrammes et de bénéficier de fonctionnalités telles quel'enregistrement et le Start Over, ce que la société défenderesse neconteste d'ailleurs pas. Au total celles-ci représentent environ 70 % desservices inclus dans l'offre TF1 Prémium, pourcentage qui sera doncappliqué au minimum garanti prévu par les CGU pour le calcul del'indemnité due aux défenderesses

Au total, la société MOLOTOV doit ainsi être condamnée à payer lessommes forfaitaires de :- 233 333 euros par mois (2 800 000 euros par an) sur 34 mois soit

7 933 322 euros aux sociétés TF1, TMC, TFX, TF1 SERIESFILMS ET LCI

- 17 500 euros par mois (210 000 euros par an) sur 34 mois soit 595000 euros aux sociétés TV BREIZH, SOCIETEPANEUROPEENNE D’EDITION ET D’EXPLOITATION DEDOCUMENTAIRES et HISTOIRE

en réparation des actes de contrefaçon de droits voisins du droitd'auteur.

Au titre des actes de contrefaçon de marques, les demanderesses nejustifient d’aucun autre préjudice que celui résultant nécessairement del’atteinte à la valeur patrimoniale de leurs titres, laquelle sera réparéepar des dommages et intérêts fixés à 5 000 euros pour chacun d'entreeux.

Un mesure d'interdiction dont les modalités sont précisées au dispositifsera par ailleurs ordonnée. En revanche, le préjudice subi étantsuffisamment réparé par l'allocation de dommages et intérêts, il

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convient de rejeter la demande de publication judiciaire desdemanderesses.

5-Sur les demandes relatives aux frais du litige et à l'exécution dela décision

La société MOLOTOV, qui succombe, supportera les dépens et sespropres frais.

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédurecivile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, estcondamnée au paiement d’une somme au titre des frais exposés et noncompris dans les dépens, en tenant compte de l’équité ou de la situationéconomique de la partie condamnée.

La société MOLOTOV sera condamnée à payer aux demanderesses lasomme globale de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles.

L’exécution provisoire apparaît nécessaire pour faire cesser les actes decontrefaçon et compatible avec la nature de l’affaire, et sera doncordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire,mis à disposition au greffe et en premier ressort,

REJETTE la demande avant dire droit de confidentialisation de piècesainsi que la demande subsidiaire de transmission d'une demande d'avisà la Cour de cassation ;

ECARTE la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt légitime ;

En conséquence,

DÉCLARE les sociétés TELEVISION FRANCAISE 1, TELEMONTE-CARLO, TFX, TF1 SERIES FILMS, LA CHAINE INFO ,TV BREIZH, la SOCIETE PANEUROPEENNE D’EDITION ETD’EXPLOITATION DE DOCUMENTAIRES et HISTOIRE recevablesen leur action,

DIT qu’en reproduisant et en mettant à la disposition du public, depuisle 1 juillet 2019, les programmes des chaînes de télévision TF1, TMC,er

TFX, TF1 SERIES FILMS, LCI, TV BREIZH, USHUAIA TV etHISTOIRE, sans autorisation, sur sa plateforme Molotov.tv, la SASMOLOTOV a commis des actes de contrefaçon des droits voisins del’entreprise de communication audiovisuelle dont sont titulaires lessociétés TELEVISION FRANCAISE 1, TELE MONTE-CARLO,TFX, TF1 SERIES FILMS, LA CHAINE INFO, TV BREIZH, laSOCIETE PANEUROPEENNE D’EDITION ET D’EXPLOITATIONDE DOCUMENTAIRES et HISTOIRE,

CONDAMNE la SAS MOLOTOV à verser la somme globale de 7 933322 euros aux sociétés TELEVISION FRANCAISE 1, TELE MONTE-CARLO, TFX, TF1 SERIES FILMS, LA CHAINE INFO au titre de lacontrefaçon des droits voisins de l’entreprise de communicationaudiovisuelle à charge pour elles de se la répartir,

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CONDAMNE la SAS MOLOTOV à verser la somme globale de 595000 euros aux sociétés TV BREIZH, la SOCIETE PANEUROPEENNED’EDITION ET D’EXPLOITATION DE DOCUMENTAIRES etHISTOIRE au titre de la contrefaçon des droits voisins de l’entreprisede communication audiovisuelle à charge pour elles de se la répartir,

DIT qu’en reproduisant sans autorisation les marques française semi-figurative n°1290436 et verbale n°1489724 notamment sur saplateforme Molotov.tv, la SAS MOLOTOV a commis des actes decontrefaçon au préjudice de la société TELEVISION FRANCAISE 1 ;

CONDAMNE la SAS MOLOTOV à verser à la société TELEVISIONFRANCAISE 1 la somme de 10 000 euros au titre de la contrefaçon deses deux marques,

DIT qu’en reproduisant sans autorisation la marque verbale françaisen°1020685 notamment sur sa plateforme Molotov.tv, la SASMOLOTOV a commis des actes de contrefaçon au préjudice de lasociété TELE MONTE-CARLO,

CONDAMNE la SAS MOLOTOV à verser à la société TELEMONTE-CARLO la somme de 5 000 euros au titre de la contrefaçonde marques,

DIT qu’en reproduisant sans autorisation les marques françaises semi-figuratives n° 4419753 et n° 4419765 notamment sur sa plateformeMolotov.tv, la SAS MOLOTOV a commis des actes de contrefaçon aupréjudice de la société TFX,

CONDAMNE la SAS MOLOTOV à verser à la société TFX la sommede 10 000 euros au titre de la contrefaçon de marques,

DIT qu’en reproduisant sans autorisation la marque française semi-figurative n°4419806 notamment sur sa plateforme Molotov.tv, la SASMOLOTOV a commis des actes de contrefaçon au préjudice de lasociété TF1 SERIES FILMS,

CONDAMNE la SAS MOLOTOV à verser à la société TF1 SERIESFILMS la somme de 5 000 euros au titre de la contrefaçon de marques,

DIT qu’en reproduisant sans autorisation les marques françaisesverbale « LCI » n°94523092 et semi-figurative n°94523091 notammentsur sa plateforme Molotov.tv, la SAS MOLOTOV a commis des actesde contrefaçon au préjudice de la société LA CHAINE INFO,

CONDAMNE la SAS MOLOTOV à verser à la société LA CHAINEINFO la somme de 10 000 euros au titre de la contrefaçon de marques,

DIT qu’en reproduisant sans autorisation la marque française semi-figurative n° 4056783 notamment sur sa plateforme Molotov.tv, la SASMOLOTOV a commis des actes de contrefaçon au préjudice de lasociété TV BREIZH,

CONDAMNE la SAS MOLOTOV à verser à la société TV BREIZHla somme de 5 000 euros au titre de la contrefaçon de marque,

DIT qu’en reproduisant sans autorisation la marque française semi-figurative n° 3951116 notamment sur sa plateforme Molotov.tv, la SASMOLOTOV a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la

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société SOCIETE PANEUROPEENNE D’EDITION ETD’EXPLOITATION DE DOCUMENTAIRES,

CONDAMNE la SAS MOLOTOV à verser à la société SOCIETEPANEUROPEENNE D’EDITION ET D’EXPLOITATION DEDOCUMENTAIRES la somme de 5 000 euros au titre de lacontrefaçon de marque,

Dit qu’en reproduisant sans autorisation la marque française semi-figurative n° 97681460 notamment sur sa plateforme Molotov.tv, laSAS MOLOTOV a commis des actes de contrefaçon au préjudice de lasociété HISTOIRE,

CONDAMNE la SAS MOLOTOV à verser à la société HISTOIRE lasomme de 5 000 euros au titre de la contrefaçon de marque,

ORDONNE à la SAS MOLOTOV, dans les quinze jours de sasignification, sous astreinte de 75 000 euros par jour de retard, de cesserla diffusion des services de télévision TF1, TMC, NT1, HD1, LCI, TVBREIZH, USHUAIA TV et HISTOIRE, et des services etfonctionnalités associés ainsi que tout usage, sur sa plateforme, et dansses annonces commerciales ou prospectus des marques TF1, TMC,NT1, HD1, LCI, TV BREIZH, USHUAIA TV et HISTOIRE,

SE RÉSERVE la liquidation de l’astreinte,

REJETTE la demande de publication judiciaire,

CONDAMNE la SAS MOLOTOV à verser à la société TELEVISIONFRANCAISE 1, la société TELE MONTE-CARLO, la société TFX, lasociété TF1 SERIES FILMS, la société LA CHAINE INFO, la sociétéTV BREIZH, la SOCIETE PANEUROPEENNE D’EDITION ETD’EXPLOITATION DE DOCUMENTAIRES et la société HISTOIREensemble la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code deprocédure civile,

CONDAMNE la SAS MOLOTOV aux dépens qui seront recouvrésselon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, parMaître Louis de Gaulle,

ORDONNE l’exécution provisoire du jugement.

Fait et jugé à Paris le 07 Janvier 2022

Le Greffier Le Président