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Réflexi on R.F.C. 427 L COMPTABILISATION DES CONTRATS DE LOCATION EN NORMES IFRS : L’IAS 17 ET LE PROJET DE RÉFORME Pierre SCHEVIN Professeur à l’Université de Strasbourg, Ecole de management, Diplômé d’expertise comptable e recours aux locations par les entreprises apparaît extrêmement répandu à l’échelle mondiale et prend des formes diverses. De façon générale, un contrat de location est un accord par lequel le bailleur donne le droit au preneur, pour une période déterminée, d’utiliser un actif en échange d’un paiement ou d’une série de paiements (1) . Or, les différences dans les normes et dans les régimes comptables applicables aux locations peuvent 56 conduire à des distorsions considérables dans la comparabilité des états financiers. Des études à l’échelle internationale ont été menées dans le passé, notamment par le groupe des normalisateurs G4+1 (2) , visant à uniformiser le traitement des différentes formes de location (3) . Récemment, l’IASB a élaboré un projet (4) , commun avec le FASB, cherchant à améliorer la comptabilisation des locations. Cette étude s’efforce de développer une approche plus conforme aux définitions des actifs 1 RE PARTIE : LE TRAITEMENT ACTUEL ET SA REMISE EN QUESTION La réglementation actuelle émanant de l’IASB découle de la norme IAS 17 (6) . L’objectif de cette norme consiste à prescrire les principes de comptabilisation des contrats de location à la fois chez le preneur et le bailleur et à fournir la liste des informations requises dans les états financiers. La norme différencie le traitement des contrats de location en fonction de leur catégorie, cette classification étant faite en début de contrat. Elle repose sur la nature des contrats, c’est-à- dire sur la réalité économique de la transaction (7) , plus que sur leur forme. En France, un avis de l’Ordre des experts-comp- tables (8) va dans le même sens que la norme internationale. La réglementation du CRC au niveau des comptes consolidés (9) a adopté la même distinction et préconise un traitement différen- cié, mais seulement en tant que méthode préférentielle. Nous verrons d’une part quels sont les principes appliqués pour aboutir à la distinction de deux séries de locations : les locations- financement et les locations simples. Nous présenterons d’autre part les modalités retenues pour la comptabilisation de chacune de ces familles de contrats de bail. Enfin, nous exposerons les critiques que soulève ce modèle de comptabilisation mixte. 1. CONTRATS DE LOCATION-FINANCEMENT et passifs du cadre conceptuel (5) . Un contrat de “finance lease” est un contrat de location ayant L’objet de l’article est de présenter tout d’abord la situation actuelle en matière de traitement comptable des locations, et ensuite d’analyser le projet visant

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Réflexion

R.F.C. 427 Décembre

L

COMPTABILISATION DES CONTRATS DE LOCATION EN NORMES IFRS : L’IAS 17 ET LE PROJET DE RÉFORME

Pierre SCHEVIN

Professeur à l’Université de Strasbourg,

Ecole de management,

Diplômé d’expertise comptable

e recours aux locations par les entreprises apparaît extrêmement répandu à l’échelle mondiale et prend

des formes diverses. De façon générale, un contrat delocation est un accord par lequel le bailleur donne le droit au preneur, pour une période déterminée, d’utiliser un actif en échange d’un paiement ou d’une série de paiements (1). Or, les différences dans les normes et dans les régimes comptables applicables aux locations peuvent

56 conduire à des distorsions considérables dans lacomparabilité des états financiers. Des études à l’échelle internationale ont été menées dans le passé, notamment par le groupe des normalisateurs G4+1 (2), visant à uniformiser le traitement des différentes formesde location (3).

Récemment, l’IASB a élaboré un projet (4), communavec le FASB, cherchant à améliorer la comptabilisation des locations. Cette étude s’efforce de développerune approche plus conforme aux définitions des actifs

1RE PARTIE : LE TRAITEMENT ACTUEL

ET SA REMISE EN QUESTION

La réglementation actuelle émanant de l’IASB découle de la norme IAS 17 (6). L’objectif de cette norme consiste à prescrire les principes de comptabilisation des contrats de location à la fois chez le preneur et le bailleur et à fournir la liste des informations requises dans les états financiers.

La norme différencie le traitement des contrats de location en fonction de leur catégorie, cette classification étant faite en début de contrat. Elle repose sur la nature des contrats, c’est-à- dire sur la réalité économique de la transaction (7), plus que sur leur forme. En France, un avis de l’Ordre des experts-comp- tables (8) va dans le même sens que la norme internationale. La réglementation du CRC au niveau des comptes consolidés (9) a adopté la même distinction et préconise un traitement différen- cié, mais seulement en tant que méthode préférentielle.

Nous verrons d’une part quels sont les principes appliqués pour aboutir à la distinction de deux séries de locations : les locations- financement et les locations simples. Nous présenterons d’autre part les modalités retenues pour la comptabilisation de chacune de ces familles de contrats de bail. Enfin, nous exposerons les critiques que soulève ce modèle de comptabilisation mixte.

1. CONTRATS DE LOCATION-FINANCEMENT

et passifs du cadre conceptuel (5). Un contrat de “finance lease” est un contrat de location ayantL’objet de l’article est de présenter tout d’abord la situation actuelle en matière de traitement comptable des locations, et ensuite d’analyser le projet visantà réformer celui-ci.

pour effet de transférer au preneur la quasi-totalité des risques et des avantages inhérents à la propriété d’un actif. Le transfert de propriété peut intervenir ou non, à la fin de la période de location.

Résumé de l’article

La réglementation actuelle de l’IASB distingue deux méthodes de comptabilisation des locations, selon la caté- gorie économique à laquelle elles sont rattachées, après une analyse qui cherche à apprécier le transfert des risques et avantages. Dans le cas des locations-financement, un actif et une dette sont inscrits au bilan et ont un impact sur la répartition des charges dans le compte de résultat. Dans le cas des locations simples, seul le loyer est enregistré, sans ventilation particulière, et le contrat n’affecte pas la struc- ture du bilan. Ce modèle

hybride est critiqué, notamment en raison d’un manque d’adéquation avec les définitions du cadre conceptuel.

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1. IAS 17, § 4.

2. Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, USA et IASC (observateur).

3. G4+1, Accounting for leases: a new approach-recognition by lessees of assets and liabilities, arising under lease contracts,1996; Leases: implementa- tion of a new approach, 2000.

4. IASB, Discussion Paper, “Leases Preliminary Views”, mars 2009.

5. IASB, Cadre pour la préparation et la présentation des états financiers, 1989, §§ 53 & 60.

6. IASB, IAS 17, Contrats de location.

7. IAS 17, § 10.

8. OEC, Avis Principes Comptables n° 29, sur la comptabilisation des contrats de location.

9. Règlement CRC 99-02, actualisé par le Règlement 2005-10, § 300.

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1.1. PRINCIPES

Le transfert des risques et avantages, associé au principe de la prédominance de la substance (utilisation du bien ) sur l’appa- rence juridique (absence de transfert de propriété), constitue la base de la qualification en tant que “location-financement”. Cependant, l’IASB a jugé utile de compléter la référence à ces principes, en donnant des exemples de situations qui, indivi- duellement ou conjointement, devraient conduire à classer un contrat de location dans cette catégorie (10) :

• transfert de la propriété de l’actif au preneur à la fin de la durée du contrat de location ;

• existence d’une option dans le contrat de location conférant au preneur le droit d’acheter l’actif à un prix suffisamment infé- rieur à sa juste valeur à la date à laquelle l’option peut être levée, donnant dès le début du contrat une quasi-certitude d’exercice de l’option ;

• couverture, par la durée du contrat de location, de la majeu- re partie de la durée de vie économique de l’actif, même s’il n’y a pas transfert de propriété ;

• identité, au début du contrat de location, de la valeur actuali- sée des paiements minimaux avec la juste valeur de l’actif loué ;

• spécificité de l’actif loué par rapport aux besoins du preneur, d’où une exclusivité de possibilité de jouissance pour celui-ci (à moins d’y apporter des modifications majeures).

Mais l’IASB complète cette liste de caractéristiques par une énu- mération d’“indicateurs de situations” qui permettent de classer un contrat dans la catégorie “location-financement” (11) :

• imputation au preneur des pertes subies par le bailleur en cas de résiliation du contrat ;

• mise à la charge (ou au crédit) du preneur des pertes (ou profits) découlant de la variation de la juste valeur de la valeur résiduelle du bien loué (par exemple sous la forme d’un réajustement du loyer) ;

• possibilité pour le preneur de poursuivre la location pour une seconde période moyennant un loyer sensiblement inférieur au prix du marché.

L’importance du critère du transfert des risques et avantages est, par ailleurs, souligné dans la norme par la possibilité d’une non- pertinence des exemples et indicateurs énumérés (12). Ainsi, l’IAS 17 cite des contre-exemples (13) :

• transfert de la propriété de l’actif au terme du contrat de loca- tion moyennant le paiement d’un montant variable égal à sa juste valeur du moment,

• existence de loyers conditionnels en conséquence desquels le preneur n’encourt pas la quasi-totalité de ces risques et avantages.

10. IAS 17, § 10.

11. IAS 17, § 11.

12. IAS 17, §§ 10 &11.

13. IAS 17, § 12.

14. Montant pour lequel un actif pourrait être échangé, ou un passif éteint, entre parties bien informées, consentantes, et agissant dans des conditions de concurrence normale.

15. IAS 17, § 4.

16. Ibid.

17. IAS 17, § 25.

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1.2. COMPTABILISATION CHEZ LE PRENEUR

A l’origine

Au démarrage du contrat, l’actif loué est enregistré au bilan pour le montant le plus faible entre la juste valeur (14) (correspondant habituellement au coût d’achat par le bailleur) et la valeur actua- lisée des paiements minimaux au titre de la location. Le taux d’ac- tualisation est le taux d’intérêt implicite du contrat, s’il est connu, ou le taux d’emprunt marginal du preneur. Le taux d’intérêt implicite correspond au taux interne de rendement qui égalise la valeur initiale du bien loué avec la somme actualisée des loyers futurs, et du prix de rachat à l’issue de la période de location (15).

Le taux marginal d’endettement du preneur est « le taux d’in- térêt que le preneur aurait à payer pour un contrat de location similaire ou, si celui-ci ne peut être déterminé, le taux d’intérêt qu’obtiendrait le preneur, au commencement du contrat de loca- tion, pour emprunter sur une durée et avec une garantie simi- laires les fonds nécessaires à l’acquisition de l’actif » (16).

La contrepartie du montant enregistré à l’actif en immobilisa- tion est portée au passif sous forme d’une dette financière. Elle correspond à l’obligation de payer les loyers futurs.

Ultérieurement

Durant la période de location, la comptabilisation des rede- vances, ou loyers, découle d’une ventilation en deux parties :

• remboursement de la dette vis-à-vis du bailleur,

• charge financière correspondant à l’emprunt

obtenu. La charge financière doit être affectée à chaque période couver- te par le contrat de location « de manière à obtenir un taux d’in- térêt périodique constant sur le solde restant dû au passif au titre de chaque période » (17). Cette imputation découle en fait de l’ap- plication de la méthode dite du coût amorti pour le rembourse- ment de l’emprunt.

D’autre part, un actif amortissable, pris en location-finance- ment, fait l’objet d’un amortissement. Le plan retenu doit être cohérent avec celui appliqué aux actifs de même nature et déte- nus par l’entité. En l’absence de certitude raisonnable quant au transfert de propriété, l’actif est amorti sur la plus courte des deux périodes suivantes :

• durée du contrat de location-financement,

• durée d’utilité de l’actif loué.

Abstract

The present regulations of the IASB distinguish two methods of entering leases in the accounts, according to the econo- mic category with which they are linked up, after an analy- sis which attempts to estimate the transfer of risks and advan- tages. In the case of finance leases, an asset and a debt are included in the balance sheet and have some impact on the manner of distribution of expenses in the statement of inco- me. In the case of operating leases, only the rent is registe- red, without any particular separate valuation, and the contract does not affect the structure of the balance sheet.This hybrid model is criticized, particularly owing to a lack

of adequacy with the definitions of the conceptual framework.

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Par ailleurs, l’actif fait l’objet de tests de dépréciation, confor- mément à l’IAS 36 (18), qui peuvent aboutir à la comptabilisation d’une perte de valeur.

Exemple

Soit un matériel d’une valeur de 1 200, pris en crédit-bail dans les conditions suivantes :

- Contrat d’une durée de 5 ans

- Redevance annuelle de 304, payable à terme échu

- Prix de rachat 80

- Un tel matériel est normalement amorti sur 8 ans.

■Calculs préalables à la comptabilisation :

• Estimation de la probabilité de l’exercice du droit au rachat :

Elle découle du niveau du prix proposé, comparée à la valeurdu bien à la fin du contrat :

- Prix de rachat = 80

- Valeur comptable nette = 1200 - 5x150 = 450

■Détermination du taux d’intérêt implicite “i” :

Ce taux est tel que :

Valeur d’origine = somme des cash flows futurs actualisés

1 200 = 304 (1+i) -1 + 304 (1+i) -2 + 304 (1+i) -3 + 304 (1+i) -4

+304 (1+i) -5 + 80 (1+i) -5

D’où : i = 10,065 %

58 ■ Etablissement du tableau d’amortissement financier (méthode du coût amorti) de la dette :

- Calcul de la charge financière annuelle =Capital restant dû en début de période x taux d’intérêt retenu

- Redevance annuelle =remboursement du capital + charge financière

Années Capital restant

Rembour- sement du

capital

Charge financière

Redevance Prixrachat

1 1200 183,21 120,79 304

2 1016,79 201,66 102,34 304

3 815,13 221,95 82,05 304

4 593,18 244,29 59,71 304

5 348,89 268,89 35,11 304

Enregistrement à l’origine :

31-12-N+1

D Emprunt 201,66

D Charges financières 102,34

C Banque 304

D DAP 150

C Amortissement matériel 150

Informations à fournir

Toute une série d’informations doivent être présentées, dans les notes annexes, par le preneur (19) :

a) pour chaque catégorie d’actif, la valeur nette comptable à la date de clôture,

b) un rapprochement entre le total des paiements minimaux futurs, au titre de la location à la date de clôture, et leur valeur actualisée ; cette comparaison doit, en outre, faire l’objet d’une décomposition par tranches annuelles (à moins d’un an, à plus d’un an mais moins de 5 ans, à plus de 5 ans).

D’autres informations doivent être données, le cas échéant : les loyers conditionnels, le total des paiements futurs au titre de sous-locations, une description générale des dispositions signifi- catives des contrats de location du preneur (par exemple l’exis- tence d’options de renouvellement).

1.3. COMPTABILISATION CHEZ LE BAILLEUR

A l’origine

Les contrats de location-financement sont comptabilisés comme des ventes à crédit, en application du principe de la prééminen- ce de la substance. En effet, dans un tel contrat, « le bailleur transfère la quasi-totalité des risques et des avantages inhérents à la propriété légale » (20).

Le bailleur doit inscrire dans son bilan les actifs détenus en vertu d’un contrat de location-financement et « les présenter comme des créances pour un montant égal à l’investissement net dans le contrat de location » (21). La créance va figurer en immobilisation financière. Elle correspond aux paiements à recevoir, au titre de la location, en remboursement du principal du prêt accordé. Les produits financiers prévus serviront à rémunérer le bailleur au titre de son investissement et de ses services.

Ultérieurement

La comptabilisation postérieure correspond à la réception des paiements par le preneur. Ceux-ci doivent être ventilés en deux types de revenus (22) :

1-1-N • le profit ou la perte résultant de la vente éventuelle de l’actif loué,

D Matériel 1 200

C Emprunt 1 200

Enregistrement ultérieur :

• les produits financiers sur la durée du contrat de location.

La méthode du coût amorti s’applique pour la comptabilisation des produits financiers. Leur détermination doit s’effectuer « sur

31-12-N

D Emprunt 183,21

D Charges financières 120,79

C Banque 304

D DAP 150

C Amortissement matériel 150

18. IAS 36, Dépréciation d’actifs.

19. IAS 17, § 31.

20. IAS 17, § 37.

21. IAS 17, § 36.

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22. IAS 17, § 43.

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la base d’une formule traduisant un taux de rentabilité périodique constant sur l’en-cours d’investissement net du bailleur dans le contrat de location-financement » (23). Le loyer perçu va diminuer à la fois le montant du principal (porté en immobilisation finan- cière) et le montant des produits financiers non acquis (24).

Reprise de l’exemple

Enregistrement à l’origine :

linéaire, pendant toute la durée du contrat de location. Cependant, le critère à retenir est celui de l’échelonnement dans le temps des avantages que va retirer l’utilisateur du bien loué. Par suite, il arri- ve qu’une autre base systématique doive être retenue (26). L’IASB précise que l’utilisation d’une autre clé de répartition sera à mettre en œuvre même si les paiements ne sont pas effectués sur cette assise (27).

Exemple1-1-N

D Prêt (immobilisation financière) 1 200

C Vente 1 200

Enregistrement ultérieur :

Une société loue une machine par le biais d’un contrat de loca- tion simple. Le contrat prévoit une série de 10 paiements à terme échu : 22 400 les 3 premières années et 26 000 les années suivantes (une réduction de loyer de 10 % est accordée pour les 3 premiers paiements).

31-12-N

D Banque 304

C Prêt 183,21

C Produits financiers 120,79

La réduction de loyer doit être étalée sur la durée du contrat :

3 x 22 400 + 7 x 26 000 = 249 200

Le montant moyen s’élève à 24 920

Le preneur enregistre pour les 3 premières années :

31-12-N+1

D Banque 304

C Prêt 201,66

C Produits financiers 102,34

D Loyers 24 920

C Banque 22 400

C Charges à payer 2 520

Informations à fournir

Pour les années suivantes :

59D Loyers 24 920

Les informations à livrer par le bailleur sont également nom- breuses .Elles sont énumérées par le § 47 de la norme et sont symétriques de celles que doit fournir le preneur.

D Charges à payer 1 080

C Banque 26 000

2. CONTRATS DE LOCATION SIMPLES

2.1. DÉFINITION

Un contrat de location qui n’est pas assimilable à un contrat de location-financement, en raison de l’absence de transfert des risques et avantages, est un contrat de location simple (opera- ting lease) (25). Cette définition “a contrario” explique l’absence d’énumération d’exemples et de situations, qui aurait pu être donnée de façon analogue (mais inversée) à celle formulée pour définir les locations-financement.

2.2. COMPTABILISATION CHEZ LE PRENEUR

Principes

Dans le cas général, les paiements au titre d’un contrat de loca- tion simple doivent être comptabilisés en charges sur une base

23. IAS 17, § 39.

24. IAS 17, § 40.

25. IAS 17, § 8.

26. IAS 17, § 33.

27. IAS 17, § 34.

28. IAS 17, § 35.

29. IAS 17, § 49.

30. IAS 17, § 50.

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Informations

Les informations à apporter par le preneur sont nombreuses (28) :

a) le montant total des paiements minimaux futurs à effectuer au titre de la location en vertu de contrats de location simple non résiliables (par périodes : à moins d’un an, à plus d’un an mais moins de 5 ans, à plus de 5 ans) ;

b) le total, à la date de clôture, des futurs paiements minimaux de contrats de sous-location que l’on s’attend à recevoir au titre de contrats de sous-location non résiliables ;

c) le montant des paiements de location et de sous-location comptabilisés comme charges de la période en indiquant séparément les montants correspondant aux paiements minimaux, les loyers conditionnels et le revenu des sous-loca- tions ;

d) une description générale des principales dispositions des contrats de location du preneur.

2.3. COMPTABILISATION CHEZ LE BAILLEUR

Principes

Les actifs faisant l’objet de contrats de location simple sont à présenter au bilan du bailleur selon la nature de l’actif (29).

Les revenus locatifs provenant des contrats de location simple doi- vent être comptabilisés en produits de façon linéaire sur toute la durée du contrat de location, à moins qu’une autre base systéma- tique ne soit plus représentative de l’échelonnement dans le temps de la diminution de l’avantage retiré de l’utilisation de l’actif loué (30).

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D Banque 22 400

D Produits à recevoir 2 520

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Les coûts directs initiaux encourus par les bailleurs lors de la négociation et de la rédaction d’un contrat de location simple sont ajoutés à la valeur comptable de l’actif loué et sont comp- tabilisés en charges sur la période de location sur la même base que les revenus locatifs (31).

La méthode d’amortissement des actifs amortissables loués doit être cohérente avec la méthode normale d’amortissement du bailleur applicable à des actifs similaires, et la dotation aux amor- tissements doit être calculée selon les normes IAS 16 et IAS 38 (32).

Pour déterminer si un actif loué a perdu de la valeur, une entité applique IAS 36 (IAS 17 § 54).

Exemple

Pour les 3 premières années :

C Produits des locations 24 920

Pour les années suivantes :

D Banque 26 000

C Produits à recevoir 1 080

C Produits des locations 24 920

60

Informations

Les informations à fournir par le bailleur sont notamment les sui- vantes (33) :

a) le montant des paiements futurs minimaux à recevoir au titre de contrats de location simple non résiliables en cumul et par période ;

b) les loyers conditionnels totaux comptabilisés dans les pro- duits de la période ;

c) une description générale des dispositions des contrats de location du bailleur.

3. MISE EN CAUSE DU MODÈLE APPLIQUÉ

La classification des contrats de location en deux catégories, et le traitement différencié auquel elles donnent lieu, suscitent un certain nombre de critiques qui sont rappelées par le projet de réforme de la norme actuelle (34).

3.1. NON-SATISFACTION DES BESOINS DES UTILISATEURS

Retraitements des locations simples

Un certain nombre d’utilisateurs des états financiers estiment que les locations même simples donnent naissance à un actif et à une dette, et que ceux-ci devraient figurer au bilan du loca- taire. Par suite, ces utilisateurs s’efforcent de procéder à des retraitements afin que les états financiers reflètent mieux la réa- lité. Cependant, l’information disponible dans les notes annexes n’apparaît pas toujours suffisante pour effectuer des ajustements exacts.

Altération de la comparabilité

Les deux modèles comptables applicables respectivement aux locations-financement et aux locations simples sont très éloi- gnés :

• inscription en postes de bilan pour les premières,

• inscription en compte de résultat pour les secondes.

Par suite, des transactions similaires, selon qu’elles sont classées dans l’une ou l’autre catégorie, peuvent être comptabilisées de façon très différente. Il en résulte une réduction de la compara- bilité des états financiers.

Risque de transformation de la réalité

Les normes existantes peuvent fournir des opportunités pour structurer les transactions dans le but de ranger le contrat de location dans une catégorie déterminée. En particulier, si la loca- tion est classée en location simple, le preneur dispose d’une source de financement qui ne figure pas dans l’endettement au bilan. Il en résulte une sous-estimation des dettes et un impact sur l’appréciation des équilibres financiers.

3.2. COMPLEXITÉ ET SUBJECTIVITÉ

Principes ou types de situations

Le modèle comptable existant apparaît difficile à mettre en œuvre en se référant uniquement à des principes généraux, tels que « le degré d’imputation au bailleur ou au preneur des risques et des avantages inhérents à la propriété d’un actif loué » (35). En effet, il y a un recours à un mélange de jugements subjectifs et de “frontières artificielles” (36), qui doivent en pratique aider à la classification des contrats de location. Ce sont les exemples de situations (37) et les indicateurs de situations (38) qui, pris indivi- duellement ou collectivement, vont permettre de rattacher un contrat à la catégorie des “locations-financement”.

Critères généraux ou chiffrés

On peut rappeler que la réglementation américaine découle de la norme SFAS 13 (39), qui distingue aussi deux grandes familles de contrats (locations-financement et locations simples). Cependant, elle établit une classification plus complexe en quatre catégories : locations équivalentes à des ventes, locations avec financement direct, locations à effet de levier, locations simples. D’autre part, la norme américaine définit des critères qui permettent d’analyser la substance des contrats de location. Ces critères sont soit généraux (transfert de propriété prévu à terme, existence d’une option d’achat favorable), soit précis et chiffrés (durée du contrat égale ou supérieure à 75 % de la durée de vie estimée, valeur actuelle des paiements minimaux

31. IAS 17,§52.

32. IAS 17, §53.

33. IAS 17, § 56.

34. DP, Leases, op. cit., §

1.12. 35. IAS 17, § 7.

36. Traduction de “bright lines”.

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37. Enumérés dans le § 10 de l’IAS 17.

38. IAS 17, § 11.

39. SFAS 13, Accounting for leases.

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au début de la location supérieure ou égale à 90 % de la juste valeur du bien à l’origine du contrat).

3.3 FAIBLESSE CONCEPTUELLE

Non-respect des contraintes du cadre conceptuel

A l’entrée dans un contrat de location, quel qu’il soit, le preneur obtient un droit évaluable, à savoir le droit d’utiliser le poste loué. Ce droit satisfait les critères de définition d’un actif. Symétriquement, le locataire souscrit un engagement : l’obliga- tion de payer des loyers. Celle-ci remplit les conditions d’une dette.

Or, si le preneur classe le contrat en location simple, ce droit et cette obligation ne seront pas comptabilisés dans les actifs et passifs au bilan, ce qui est contraire aux principes établis dans le cadre conceptuel.

Locations et autres arrangements contractuels

Des différences significatives apparaissent entre le modèle comptable applicable aux locations et le traitement d’autres arrangements contractuels. Il en résulte des divergences de comptabilisation, pour des accords similaires, selon que les accords satisfont ou non la définition d’une location. Ainsi, l’IFRIC 4 (40) étudie les conditions permettant de déterminer si un accord contient un contrat de location, et s’efforce de définir les critères d’identification du transfert du droit d’utilisation d’un

40. IFRIC 4, Droits d’utilisation d’actifs, 2004.

41. IFRIC 12, Accords de concession de services, 2006.

42. SEC, Report and Recommendations Pursuant to Section 401 (c) of the Sarbanes-Oxley Act of 2002 Arrangements with Off-Balance Sheet Implications, Special Purpose Entities, and Transparency of Filings by Issuers, Report June 2005.

43. COB/CB, Recommandation commune relative aux montages déconso- lidants et sorties d’actifs, novembre 2002.

actif au sein d’un contrat de fournitures. Par ailleurs, l’IFRIC 12 (41), qui s’applique aux contrats de délégation de service public, pré- cise les conditions de reconnaissance d’une situation de contrô- le d’un actif, en introduisant la distinction entre droit d’utilisa- tion et droit d’accès à un actif.

Absence de transparence et d’image fidèle

Le traitement différencié des contrats de location aboutit à des imperfections au niveau de l’information financière, qui peuvent être aussi graves que la non-consolidation de sociétés ad-hoc. La SEC américaine en a pris conscience et a recommandé que le FASB reconsidère le traitement des contrats de location, de pré- férence dans le cadre d’un projet commun avec l’IASB (42).

CONCLUSION

La réglementation actuelle en matière de comptabilisation des locations témoigne incontestablement d’une réflexion quant à la nature économique exacte d’un contrat, au-delà de sa forme juridique, et d’une recherche d’adaptation du traitement comp- table à appliquer. Cependant, elle entraîne aussi des inconvé- nients indéniables :

• distorsion dans la comparabilité des états financiers, liée au traitement différent des deux catégories de contrats (locations- financement, locations simples),

• difficulté de détermination d’un critère unique pour la subdi- vision entre “familles” de location,

• possibilité de montages destinés à dissimuler la réalité d’une 61

partie des engagements (43).

En outre, cette réglementation repose sur un modèle hétérogè- ne, qui paraît dépassé et non adapté aux définitions du cadre conceptuel. Le projet de réforme du traitement comptable des locations adopte un nouveau modèle qui sera exposé dans la 2e partie de cet article.

Pierre SCHEVIN

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