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Aproposdel’auteur
Après avoir travaillé comme professeur de fitness et développeur informatique, Gayle Callen atrouvé savoiedans l’écriturede romances.Figurant régulièrementdans lesmeilleuresventesdeUSAToday,elleaécritplusdevingtromanspourHarperCollins,quiluiontvaludesrécompensestellesqueunHoltMedallion,unLaurelWreathAward,unBooksellers’BestAward,etquiontététraduitsdansplusdeonzelangues.Mèrede troisenfants,habiledesesmains,chanteusedudimanche,amatricedugrandair, Gayle vit àNewYork avec son chienUma et sonmari et héros, Jim. Elle écrit également de laromancecontemporainesouslenomd’EmmaCane.
J’aimeraisdédicacercelivreauxanimauxdecompagnie,quienrichissentnosviesetnousapportenttantdejoie.Atoimonadorablechien,Apollo,pourtonregardtristeetimplorant
chaquefoisquejepenseêtretropfatiguéepourmarcher,pourcollertestrente-cinqkiloscontremoipendantlesfroidessoiréesd’hiver,etpourcesformidablespromenadesdanslesboisoùjete
regardecouriravecundélicieuxabandon.Tevoirdormirlesquatrepattesenl’airmefaittoujoursrire.
Chapitre1
Grande-Bretagne,1727
RionaDuffs’éveillaensursaut,complètementdésorientée.Pendantquelquessecondes,ellenesutplusoùelleétait.Unebougieposéesursatabledenuitéclairaitd’unelueurvacillantesonlitàbaldaquinetunepartiedelaporte.
Maiscen’étaitpassachambre.Oùdoncétait-elle?Lessouvenirsremontèrenttrèsvite:ellen’étaitplusàLondres,lavilleoùelleavaitpassélaplus
grandepartiedesavie.SesparentsétaientpartisenvoyagedanslesuddelaFranceavecsajeunesœurdesantéfragile,lalaissantrejoindrelafamilledesononcledansleNord,àYork.
Soudain,elleentenditungonddeportegrincer.Ellesefigea.Laporteàcôtéd’elleétaitsolidementfermée,cequisignifiait…
Lamainpuissanted’unhommes’abattitbrusquementsursabouche.Elle écarquilla les yeux et cria, mais son cri fut étouffé. Des odeurs de chevaux et de sueur se
mêlaient à celle de sa propre peur. Elle avait beau essayer de se débattre pour se dégager, elle étaitentravéeparlesdrapsetlescouverturesainsiqueparlebrasdel’hommequilaclouaitaumatelas.Soncœuraffolésemblaitvouloirbondirhorsdesapoitrinetantlaterreurl’étourdissait.
—Jenevousferaiaucunmal,grommelal’hommed’unevoixbourrue.Il s’était exprimé avec un accent écossais, lemême qui perçait encore dans la voix de son père
malgrétoutescesannéespasséesenAngleterre.—J’ôteraimamaindevotrebouchesivousmepromettezdenepascrier,continua-t-il.Elle balaya la pièced’unœil affolé.Même si elle distinguait le contour de sa tête, la bougie se
trouvaitderrière lui,plongeantsonvisagedansl’ombre.Il lasurplombaitdetoutesahauteur, telleunemontagne.Ils’étaitintroduitdanssachambredepuislebalcon:sesintentionspouvaientêtre…multiples.
Illasecoualégèrement,etellepoussaunpetitcridefrayeur.—Ai-jevotreparole,jeunefille?N’ayantpaslechoix,elleacquiesça.L’hommeécartaalorssamainmaispassonbras,quientravait
toujourssoncorps,lourdetmenaçant,luifaisantprendreconsciencedesaproprefragilité.—Quevoulez-vous?demanda-t-elled’unevoixétrangléeet tremblante. Jen’ai riendevaleurà
vousdonner.Ilsvouscapturerontsi…—Silence!Sontimbre,bienquebas,étaitprofondetinquiétant.—Vousallezveniravecmoi.Ill’obligeaàseredresser.Danssamainpuissante,sonavant-brasluifaisaitl’effetd’unebrindille.
—Où…oùm’emmenez-vous?demanda-t-elle,horrifiée.L’attirantplusprès,illasecouadenouveau.—Jerépondraiàvosquestionsplustard.Enattendant,plusunmottantquenousneseronspasloin.Il tira sur ses bras pour la mettre sur pied, comme si elle était une poupée de chiffon. Riona
s’aperçut alors àquelpoint il ladominaitde sa taille imposante.Son largecorpsétaitd’unenoirceurimpénétrable.Elletremblaittellementqu’elleenvacilla.Ellenepouvaitqu’espérerquequelqu’unvienneà son secours, mais son agresseur avait fait très peu de bruit, et elle savait que personne ne semanifesterait.Saprésencechezsononclen’étaittoléréequeparobligationfamiliale,riendeplus.Cat,sacousine,seseraitinquiétéepourelle,maiselleétaitpartieàlacampagnechezdesamis.
—Jevousaiapportédesvêtements,dit-ilenpressantunballuchoncontresonventre.Mettez-les.Horrifiée,elleouvritlabouchepuispinçaleslèvres,essayantdeparaîtrepluscourageusequ’elle
nel’était.—Jenevaispasmedévêtirdevantvous!protesta-t-elle.—Oh!maisjenevousledemandepas.Contentez-vousd’enfilercetterobesurvotrechemisede
nuit.Jevousaimêmeapportéunjupon.Jesaisquelesladiesenportent.—Mespropresvêtements…—…sont tropbeauxet tropdélicats. Ilsrisquentd’attirer l’attentionsurnous.Dépêchez-vous,à
moinsquevousnevouliezquejevousaide.Rionaretintsonsoufflel’espaced’uninstant,puissoupiradesoulagementquandillalâcha.Prenant
sèchementleballuchon,ellesetournaetleposasurlelit.Ellenetrouvapasdecorset,cequirisquaitdelui donner l’allure d’une femme demauvaise vie,mais elle ne voyait pas comment elle pouvait s’enplaindre.Elleenfilalejuponentissurugueuxetl’attachaautourdesataille.Contrairementàsespropresjupons,celui-cinepossédaitpasdecerceaux.Ellesesentitrougirensachantquecethomme,cetétranger,setenaitderrièreelle,témoindecetactesiintime.Saservanteluiauraitdélicatementpassélesvêtementsau-dessusdelatête.Ellen’avaitpasl’habitudedes’habillerseule.
Maisilfallaitqu’ellesedépêche,souspeinedelevoirmettresamenacedel’aideràexécution.Larobeenlaineavaitundécolletécarré.Ellen’étaitpasboutonnéesurl’avantetétaitdépourvuede
plastron.L’hommeavaitavant toutchoisiune tenuepratique.Tandisqu’ellepositionnait la robesur lejupon,elleeutlasurprisedesentirlesmainsdel’hommeserrerleslacetsdanssondos.Elleneputrienfairepourl’enempêcher.
Ilposaensuitelesmainssursesépaulesetlapoussaverslaporte-fenêtrequimenaitaubalcon.Ellefit deux pas, l’esprit envahi d’images effrayantes. Elle serait agressée, tuée. Et jamais personne neretrouveraitsoncorpstorturéetmeurtri.Oualorsondemanderaitunerançonàsononcle,quisesouciaittroppeud’ellepourlapayer,ouàsesparents,troploinpourrépondre.L’hommeavait-ilunearme?Ilnel’avaitmenacéed’aucune,etcedétaill’incitasoudainàfairepreuved’audace.
Sanscriergare,ellefitunbondsurlecôté,etl’hommelalâcha.Ellesepritmalheureusementlespiedsdansl’ourletdelajupeenessayantdeseredresserpourgagnerlaporteencourant,maisillasaisitparlatailleetlasoulevadusolavantdelaplaquercontresontorse.Elleluidécochadescoupsdepiedfurieuxetn’ygagnadenouveauquesamainenbâillon.
—Çasuffit,dit-ild’unevoixsévèrecontresonoreille.Ill’entraînasansménagementverslaporte-fenêtre.Elleneputalorsquefouetterl’airdecoupsde
piedauxquelssonravisseurparaissaitaussiinsensiblequ’untroncd’arbreauxcoupsdebecd’unoiseau.Elle lui attrapa les cheveux et tira de toutes ses forces. Il se contenta de jurer sans interrompre sonavancée inexorable vers le balcon, balayé par l’air frais de l’été. Riona était habituée aux bruits deLondres,aupassagedesvoituresàtouteslesheuresdelanuit,auxcrisdesmarchandsambulantsetdeleursclientsavantleleverdel’aube.Maislamaisondesononclesetrouvaitàl’écartducentre-ville,et
York était aussi silencieuseque la lande, comme s’ils étaient lesderniershabitants aumonde.Elle sesentitsoudainenvahieparunsentimentdedésespoiretdesolitude.
Lorsquesonravisseuratteignitleborddubalconetsepenchaau-dessus,elleretintsonsouffle.Lademi-luneéclairaitlejardinplongédanslapénombre.
Ellefutprisedevertige.Non, ilnepouvait toutdemêmepasl’avoirobligéeàs’habillerpour lapousserdanslevide!
Elle aperçut alors la lueur d’une lanterne qui s’éteignit rapidement, puis les contours sombres etanguleux d’une voiture. Deux chevaux noirs s’écartèrent de la bâtisse et s’avancèrent à l’aplomb dubalconavantdes’immobiliserdocilement.
—Jevaisvous faireglisser jusqu’aucocher, luimurmura l’hommedans lecreuxde l’oreille.Sivousvousdébattez,vousrisquezdetomber,etnousvoulonsévitercelatouslesdeux,n’est-cepas?
Elleacquiesçamais,quandilôtalamaindedevantdesabouche,elleréponditd’unevoixrauqueetsèche:
—Pourquoifaites-vouscela?Jen’aiaucunevaleurpourvous.Unerançon…—Jeneveuxpasderançon.Taisez-vous!Les premières larmes roulèrent sur ses joues, lorsqu’elle le vit tirer sur une corde fixée à la
balustrade.Etait-ilmontéparlà?Ellenepouvaitpasfairedemême!—Ilyauneboucleauboutdelacorde,expliqua-t-il.Vousallezmettrevospiedsàl’intérieur,etje
vousferaidescendre.Maintenant,montezsurlabalustrade.Rionapoussaunpetitcrienlesentantposerlesmainsautourdesatailleetlasouleverdusolpour
l’obligeràs’asseoirsurl’étroiterampeenpierre.Maisc’étaitcelaourisquerdetomberetdesebriserle cou. Elle ferma les yeux en grognant, se sentit vaciller et accueillit avec reconnaissance la poignefermedel’hommesurseshanches.
—Non,soupira-t-il.Çanemarcherapas,jelevoisbien.—Danscecas,laissez-moietpartez.Jenediraiàpersonnecequis’estpassé!Elle ouvrit les yeux et fut prise une nouvelle fois de vertige devant l’enceinte du jardin qui
s’étendaitdanslapénombreetleventquiselevait.Elleétaitcommeétourdieparlechocetl’incrédulité.—Certainementpas!Vousêtesmapromise,jeunefille.Sapromise?Ellen’eutpasletempsd’imaginercequ’ilentendaitparlà.Aumêmemoment,ilsauta
surlabalustradeàcôtéd’elleavecl’agilitéd’unchat,choseétonnantepourunhommedesataille.—Jevaisdevoirvousporter.Maintenant,nebougezpasouvousnoustuereztouslesdeux.—Meporter…,balbutia-t-elle,horrifiée.Sansunmot, il lachargeasursonépaulecommeunsacdegrain.Elleatterritdurement la têteen
bas,contresondos,avecunpetitcridesurprise.Lelendemain,elleauraitcertainementdesbleus!Lemondesemitàtournoyerautourd’elle.Lalainerêchedumanteaudel’hommefrottaitcontresabouchetandisquesonbraslaretenaitparlescuisses.Ilsepenchapoursaisirlacorde.
—Attention,mademoiselle,oubiencelarisquedefinirmalpournous!Pour la première fois, son ton lui parut vraiment menaçant, comme s’il refusait que ses bêtises
l’envoientavecelleau-devantd’unemortaffreuse.Ellesentitlesmusclesdesontorseetdesondosseraidiravecforce.Ilcommençaàselaisserglissersurlecôtédubalcon,puisenroulalespiedsetlesbrasautourdelacordeavantdedescendredoucementverslesol.
Rionafermalesyeuxets’agrippadesdeuxmainsàsonmanteau,tropterrifiéepourfaireautrechosequeprier.Etsoudain,toutfutterminé.Elleputalorsremercierlecield’avoiratteintlaterreferme,mêmesiellenepouvaitpasvraimentlasentir,caraussitôtl’hommelapoussasansménagementàl’intérieurdelavoitureoùelleatterritdurementsurlabanquetteencuir.Tandisqu’elleseredressaitpéniblement,illaregardadepuislaportière.Seslargesépaulesempêchaientlespâlesrayonsdelunedepasser.
—Soyezunegentillefilleetrestezcalme,sivousnevoulezpasdecompagniecesoir,laprévint-ild’unevoixdure.
Puisilclaqualaportière.L’intérieurdel’habitaclen’étaitpaséclairé,et lesdeuxfenêtresétaientoccultéespardelourdsrideauxencuir.Rionasetrouvaitdansuneobscuritétotale.Atâtons,elletrouvalapoignée,maiscelle-ciétaitbloquéedel’extérieur.Frustrée,ellelasecouadésespérémentavantdesereplier sur la banquette, les bras enroulés autour des épaules. Bientôt, la voiture s’ébranla avant des’élancersurlachausséepavéejustedevantlademeuredesononcle.
Elleétaittrophébétéepourpleurer.Elleétaitprisonnièrededeuxhommesetelleignoraitcequ’ilsallaient lui faire.Amoinsquequelqu’unaitassistéà la scène—maisellen’entendaitaucunsignedepoursuite—,elleétait seuleavecces étrangers.Ellepouvait rester assise etmortifiéeouchercherunmoyendes’évader.
Elleessayadenouveaud’ouvrir laportière,maismême le rideauencuirsemblaityêtreattaché.Toujoursàtâtons,elletrouvadescouvertures,descoussinsetdesbougiesdanslecompartimentsouslesbancs des vêtements, mais pas d’armes ou d’allumettes. Ces hommes ne voulaient certainement pasqu’ellemettelefeuàlavoiture,songea-t-elletristement.
Elledécouvritaussiunebouteilledecidrebouché,dufromageetquelquechosequiressemblaitàdupainqu’ellemordilladuboutdesdents.Celaavaitungoût…d’avoine.Ellesesouvintalorsquesonpèreluiavaitparlédecesgalettesd’avoinequiconstituaientlabasedel’alimentationdesEcossais.
Pourquoi avait-elle été enlevée par un Ecossais ? Sa première réaction fut de vouloir jeter lanourriture dans un geste de colère,mais elle allait avoir besoin de toutes ses forces. Animée par unsentiment de fureur et d’impuissance, elle essaya de percer les ténèbres tout autour d’elle, ses yeuxs’habituantpeuàpeuàl’obscurité.Dansundernieréland’espoir,ellesejetadetoutsonpoidscontrelaportière,commeelleavaitvuunjourundomestiquelefairepourouvriruneportecoincée,maiselleneréussit qu’à se faire mal à l’épaule. Sans compter qu’elle aurait pu partir la tête la première sur lachaussée…
Pendant un long moment, elle se tint aux aguets, prête à bondir dès que la portière s’ouvrirait.Lorsqu’elle sentit sespaupièresdevenir lourdes,elle tapadespieds, se frotta lesbras, secoua la tête.Maislavoitureavançaitinexorablementsuruneroutedeplusenplusaccidentée.Finalement,bercéeparle roulisduvéhicule, elle sentit sa tête s’affaisser et dodeliner.Elleneputbientôtplus tenir lesyeuxouverts.
Elleseréveillaensursautlorsquelavoitures’arrêtaentanguant.Aussitôt,elleseplaçaàcôtédelaportière,prêteàbondiretàpartirencourant.Lafaiblelumièredel’aubeformaitunelignegrisâtreautourdes rideaux.Lesvallées fertilesduYorkshire regorgeaientcertainementde fermes.Ellen’aurait aucunmalàenatteindreune.Ellefermabrièvementlesyeuxetessayadeseconcentrersurl’instantprésentetnonsurlapeurquifaisaitbattresoncœuràtoutrompre.
Laportières’ouvritenfin.Prenantsonélan,Rionas’élançaalorsàl’extérieuretpercutadurementlelargetorsed’unhomme.Illuipritlesbrasavantqu’elles’écrouleparterre.
—Oh ! s’écria-t-il, l’air plus compatissant que furieux. Vous êtes un vrai petit diable ! J’aimebeaucoupcetraitdecaractèrechezmafuturefemme.
—Jenesuispasvotrefuturefemme!protesta-t-elleenessayantdeselibérer.Ausecours!Sa voix se perdit dans la campagne désolée. Le soleil venait tout juste de poindre à l’horizon,
illuminantdelargespansdecollinesstriéspardesmursenpierreàmoitiéeffondrésquiformaientunemosaïquecoloréeàpertedevue.Unegrangeisoléesedressaitaubeaumilieud’unchamp,maislesseulsêtres vivants visibles alentour se limitaient auxmoutons et auxvachesdans les enclos.Leblévert sebalançaitsouslabrisedumatin,mûrissantlentementenattendantlamoissondel’automne.
Prisededésespoir,Rionas’effondradanslesbrasdesonravisseurquilasecouadenouveaud’unemanière qui commençait à l’agacer. Elle se débattit, mais il ne la lâcha pas, et elle sentit ses doigts
s’enfoncerdanssachair.—Jenevouslâcheraiquesivousmepromettezdevoustenirtranquille,dit-il.Maissijamaisje
doisvouscouriraprèsavantlepetitdéjeuner…Illaissasaphraseensuspens.Sansunmot,elle leva lesyeuxvers luietcontemplapour lapremière fois levisagede l’homme
dont elle était la prisonnière. Ses cheveux épais et ondulés étaient aussi noirs que l’intérieur de lavoiture. Ils auraient atteint ses épaules s’ils n’avaient pas été retenus par un catogan.Sonvisage étaitsurprenant. Il n’était pas beau à lamanière des hommes de Londres, avec leur peau poudrée et leursartifices.Sabeautéétaitbeaucoupplussauvage,plusvirile, rehausséedesourcilsépaisetd’yeuxgrisqui, par un jeu de lumière, paraissaient briller comme de l’acier. Ses pommettes semblaient tailléescommeunepierredelalandefouettéeparlevent.Quantàsabouche,elleformaituntraitminceetdur,àsedemanders’ilavaitjamaissouri.
Elleclignadesyeux,seraidit.Pourquois’interrogeait-ellesurlacapacitédecethommeàsourire?Elle se concentra alors sur la cicatrice qui lui fendait le menton et lui conférait des airs de bandit.Impressionconfirméepar lepistolet attachéà saceintureet l’épéepasséeen traversde sonépauleetcolléecontresapoitrine.
Ill’observaittoutaussiattentivement.Derrièrelui,unautrehommedemandad’unevoixpolie:—Pourquoiinsistez-vouspourqu’ellevousfassedespromessesqu’ellen’apasenviedetenir?Rionareculad’unpasets’adossaàlaportièredelavoitured’oùellepouvaitlesvoirtouslesdeux.
Sonsecondravisseur,quisemblaitêtrelecocher,ladévisageaitd’unœilouvertementsombreetcurieux.Sous son chapeau, ses boucles poil de carotte, péniblement domptées par une queue-de-cheval, lerendaientreconnaissableentretous.
—Siellenemefaitpascettepromesse,jeseraicontraintdel’attacher.—Jenesupporteraipasd’êtretraitéedelasorte!dit-elled’unevoixquisonnaitfaux.J’exigede
savoirpourquoivousm’avezenlevéeetquelsplansabominablesvousnourrissezcontremoi!L’hommehaussalessourcils,maissonexpressiondemeuraimpassible.—LadyCatriona,jesuislechefduclanMcCallum.Nospèresontarrangénotremariageilyade
nombreusesannées.Jesuisvenuvouschercherpourquevousdeveniezmafemme.
Chapitre2
Hughcontemplasafiancéedanslalumièredel’aube,etsabeauté…l’éblouit.Sescheveuxs’étaientdétachésdesatresse,etdelonguesmèchesblondesauxmultiplesrefletsluibalayaientlesépaules.Sesyeuxvertsétincelaientdefureur,commesielleavaiteulepouvoirdel’embraserd’unsimpleregard.Sonvisage tout entier reflétait ses émotions, de ses lèvres pleines qui tremblaient jusqu’à ses grands yeuxhébétés, enpassantpar leschaudescouleursquiavaientenvahi lapeau laiteusede ses joues.La robequ’ilavaitchoisiepourelleencroyantluidonnerl’apparenced’unesimplefermièrenefaisaitquemettreenvaleurl’élégancedesasilhouettefineetdesescourbesdoucementféminines.Quelquesheuresplustôt, dans la chambre, à la lueur de la bougie, il avait déjà été frappé par ces courbes faiblementdissimuléessouslemincetissudesachemisedenuit.
Cettefemmeétaittrèsbelleet,bientôt,elleseraitàlui.Ilétaitréellementsurprisquel’arrangementconcluparsonpèreavecleurennemi,lechefdesDuff,
enlapersonnedel’élégantcomted’Aberfoyle,alorsqueCatrionaétaitencoreunbébé,luiaitaccordéuneépouseaussiéblouissante.
—Que…qu’avez-v-vousdit?balbutia-t-elle.—Noussommesfiancés.Nelesaviez-vouspas?Samuel se racla la gorge,mais Hugh se contenta de lui décocher un regard d’avertissement. Ce
dernierlevaalorslesdeuxmainsetpartits’occuperdeschevaux.—Vousmentez!répondit-elleenfind’unevoixquiavaitregagnédel’assurance.Aumoins,ellen’étaitpassurlepointdes’évanouiràsespieds,songea-t-il.Ilaimaitlaforcequi
l’habitait,mêmelorsqu’ellesebattaitcontrelui.Ilcroisalesbrassurlapoitrinecommepours’armerdepatienceetdit:
—Cen’estpasunmensonge.—Monpèrem’enauraitparlé,sedéfendit-elle,lespoingssurleshanches.Cegesteattirasonregardsurcettepartiedesonanatomie,et ildutseressaisirpourreprendrele
coursdeleurconversation.—VousêtesCatrionaDuff.Jesuisvenuchezvous,hieraprès-midi,pourparleràvotrepère,etil
s’estcomportédemanièredéshonorante.Soudain,elles’empourpra.—Vousvousêtestrompédefiancée!Il n’en attendait pasmoins de sa part. Elle niait la vérité, et il était évident que ses parents lui
avaientcachéqu’ilsétaientpromisl’unàl’autre.Iln’auraitpasdûêtresurprisqu’ilscherchentàrompreleuraccordetrefusentdepayerladotdeleurfille,aprèsavoirpartagépendantvingt-deuxansdesdroitssurlesmeilleuresterresdesMcCallum.
—Vouspouvezniertoutcequevousvoudrez,celanefonctionnerapasavecmoi.Elleécartalesbrasensigned’impuissance.—Jevousdislavérité.—VousêtesbienCatrionaDuff?—Oui,maisnoussommesdeuxàportercenom,macousine etmoi, car aucundenospèresn’a
voulucéder.Danslafamille,onappellemacousineCat,etmoi,Riona.Ilignorasaremarque:ilconnaissaitladuplicitédontsafamilleétaitcapable.Ilavaitdessièclesde
preuvesderrièrelui,ycomprisdesvolsdebétailpendantlespériodesdepaix.—Rionavousvatrèsbien.C’esttrèsféminin.Ilfitunpasverselle,ressentantlebesoindelatoucher,maiselles’écartabrusquementdelui,etil
compritqu’ilfallaitqu’ilsemontrepatient.Lesenjeuxétaienttropimportantspoursonclan.L’argentdesa dot le rendrait plus prospère. Et il avait besoin d’une épouse docile et bien disposée à son égardlorsqu’ilreviendraitchezluiaprèsunesilongueabsence,surtouts’ilvoulaits’assurerlerespectdeseshommeseteffacerdeleursmémoireslesfoliesdesajeunesse.
Sachantqu’ilseraitcapabledelarattraperlecaséchéant,ilattenditdevoircequ’elleallaitfaire.Elle hésita, et ses épaules tendues s’affaissèrent progressivement, tandis qu’elle contemplait d’un airgrave les vastes étendues de la vallée, avec ses monts qui s’élevaient au nord-ouest et la lande quis’étendaitaunord-est.Leurlongvoyagelesamèneraitaucœurdecettevallée.
Elleparaissaitaussiprudentequ’unpapillon,attendantdevoiroùleventallaitlapousser.Ellefinitparsetournerdenouveauverslui.
—LairdMcCallum…Elleessayaitàprésentdesemontrerraisonnable,maissavoixcontinuaitdetrembler.Ilhaussales
sourcilsetattenditdevoircequ’elleallaitajouter.— … Ramenez-moi chez moi. Nous ne pouvons pas être très loin de York. Mon oncle vous
expliqueratout.Catétaitàlacampagne,hier,maiselledoitrentreraujourd’hui.Ellefermabrièvementlesyeux.—Bontédivine,Catn’estpasaucourantpourcesfiançailles!Lorsqu’elleval’apprendre…Ilappréciaitsadétermination.Ilneluienvoulaitpasd’essayersifarouchementdesesoustraireà
leur futurmariage.Manifestement, il l’avait prise au dépourvu.Même si son propre père avait été unhommemédiocre,plussouventsoûlquesobre, il l’avaitaumoins informédecetengagementdèsqu’ilavaitétéenâgedelecomprendre.Iln’enavaitpasacceptésondestindegaietédecœurpourautant…
Son père avait sombré avec plus d’ardeur encore dans le whisky, jusqu’à ce que sa mère lesemmène,sasœuretlui,vivredanssafamille.
—Jenepeuxpasvousépouser!s’écria-t-elleenfin.Ilhaussalesépaules.—Sivotrepèren’apasétéassezhonnêtepourvousdirelavérité,toutcequevousavezpufairene
contrecarreenrienl’accordpasséentrenosdeuxfamilles.Lavôtreaacceptécecontratàvotrenaissanceet,dèscetinstant,elleapartagéavecnouslarichessedenosmeilleuresterres.Ilesttempsmaintenantquemaproprefamilleenreçoivelebénéficegrâceàvotredot.
Elleclignadesyeux.—Madot?Ainsi,c’estl’argentquivousintéresse,lâcha-t-elled’unairdédaigneux.—L’argentquiaccompagnechaquemariagenefait-ilpaspartiedesesprivilèges?Mais iln’est
pas seulement questiond’argent.Mon clan s’est comporté honnêtement avecvotre père en lui donnantaccèsànossourceslespluspures,ànotremeilleuretourbeetànotremeilleureorge,quenousutilisonspour fabriquer notrewhisky.Ce produit fait vivremon peuple.Cet engagement a représenté un grandsacrifice quemon père a accepté pour assurer la paix entre nos clans. Il n’a reçu en échange que lapromessequ’ilserahonorédevotrecôté.Etnousavonsbienl’intentiondelefairerespecter!
Ellelefixaquelquesinstants,puiséclatad’unrirequin’avaitriendejoyeux.—La vie et la liberté deCat ne se résument donc qu’à des ressources destinées à fabriquer du
whisky?—Neprononcez jamaisdevantmonpeupledesproposaussidédaigneuxà l’égarddecequi fait
vivrenotreclanetnouspermetdegagnerdel’argent!dit-ilenfronçantlessourcils.CetargentsiraredanslesHighlands,etcegrâceauxSassenachs.
Ilcrachalittéralementcederniermot.—Aquoi?— Aux Anglais, aux étrangers. Votre famille a-t-elle si peu de fierté qu’elle a omis de vous
apprendrelegaélique?Rionaseredressa.—Mamèreestanglaise.Illuitournaledosetlançapar-dessussonépaule:—C’estfaux!Vosmensongesnechangerontrien, ladyCatriona.Commetoutes lesfemmes,vous
savezquevousdevezvousmarieretquelechoixdevotreépouxnereposepasentrevosmains.—Ilestvraiquejenevousauraispaschoisi!PasplusquemacousineCat,d’ailleurs.Sivousne
meramenezpas,vousn’aurezaucunechancedel’épouser.Notrefamilleconsidéreravotreactecommeunetrahisonetuneinsulte,raisonsuffisantepourromprelecontrat.
Soudain,ils’approchad’elleetlatoisad’unairmenaçant,lacoinçantcontrelavoiture.—Nemeparlezpasdetrahisonaprèslafaçondontvotrepèreafroidementessayédebafouernotre
contrathier,prétendantqu’ilnepouvait, en sonâmeet conscience,permettreque sa fille soit« livréecommeunpaquet auxMcCallum». J’aibienvuqu’il cherchaitunmoyende revenir surnotreaccord.Mon père est mort, et je suis désormais responsable du clan McCallum. Le comte respectera sonengagement lorsqu’ilverraqu’iln’apas lechoix.C’estpourcetteraisonquejevousaienlevée,alorsquevousauriezdûm’êtreprésentéeavechonneur.J’étaisvenuavecdescadeauxdanslebutdecélébrerl’union de nos deux clans. Notre rencontre aurait dû être célébrée comme la promesse d’un avenirmeilleur.
—Je…je…Leprenantparsurprise,elleposalamainsursontorseetlerepoussa.Ilnebougeapas,maiscette
démonstrationdecouragedissipasamauvaisehumeur.Cen’étaitpassafaute,aprèstout,sielleavaitétémalélevée.Ilsaisitsesmainsdélicatesetlesgardacontresontorse.
—Vouscherchezàévaluerlamarchandise,madame?Ellesursauta,cherchantàôtersesmainsetillalâcha.Ilfaillitesquisserunsourire,maisiln’était
pasprêtàlalaisservoirenluiunamiouunhommequ’ellepourraitconvaincredechangerd’avis.Iln’enétait rien. Ilétaitsonfuturmari,son laird. Il fallaitqu’ellecomprennequeseulecomptaitàprésentsaparole,etnoncelledesonpère,cetraître.
—Allezchercherlanourriturequej’ailaisséedanslavoiture,dit-il.Saufsivousvoulezmourirdefaim.
Elleplissarageusementlesyeux,etilsesurpritàespérerqueleuraltercationsepoursuivrait.Maisellelevafièrementlementonetsetournapourmonterdanslavoiture.
IlcroisaalorsleregarddeSamuelethochalatêted’unairsatisfait.Lesouriredecedernierétaitempreint d’inquiétude. Mais les craintes de son cocher étaient infondées. Ils étaient allés à York etavaientfaitleurdevoir.Enrevanche,ilavaitplusdesouciàsefaireducôtédelafemmeàlaquelleilétait lié. Jusqu’à présent, elle s’était comportée commeunemégère,mais il espérait bien l’aider à secalmer.
Bientôt,elleseprésentaàl’entréedelavoiture,tenantunsacentissu.Iltenditlamainpourl’aider,maiselleluifourralesacentrelesbrasetdescenditseulelesmarches.
—J’aibesoind’unpeud’intimité,déclara-t-ellesansleregarder.Ilcroisalesbrassurlapoitrineetluiréponditd’unevoixferme:—Sivousessayezdevousenfuir,jeseraicontraintdevousattacher.Personnenepeutvousaider,
ici.—Jenesuispasaveugle,maisnousnetraverseronspastoujoursdesendroitsaussidésolés.—Vousn’êtesjamaisalléedanslesHighlands,n’est-cepas?—Nousnesommespasencorearrivés,répliqua-t-elleavecvéhémence.Jesupposequevousêtes
touslesdeuxdesgentlemen.Jevousdemandederestericipendantquej’iraiderrièrelavoiture.—Mapatiencen’estpasinfinie.Sivousn’êtespasderetourdansunlapsdetempsacceptable…—Dans ce cas, je vous préviendrai, dit-elle d’un air exaspéré, et je vous dirai ce qu’il en est
minuteparminute.Celavousconvient-il?Elle n’attendit pas sa réponse et contourna les grandes roues de la voiture en soufflant, avant de
disparaître.
***
Lorsqu’elleeut terminé,Rionas’attardaquelques instantsprèsd’unmurenpierredélabrédont laprésenceparaissaitpresquefortuite.Ilétaitenvahidemousseetdemauvaisesherbes,commes’ilavaittraversédessiècles.D’unœildésespéré,ellebalayalalandeetpriapouryvoirunbergerqu’elleauraitpuappeleràsonsecours.
Maisqu’auraitpufaireunpauvrebergercontredeuxHighlanders,dontl’unprétendaitêtrelechefdesMcCallum?Commentpourrait-elleentraînerdesinnocentsdanssonaventure,aurisquedelesfairetuer?Elleignoraitmêmesisesravisseursluiavaientdit lavérité.Saufque…elleconnaissaitbienlenom de leur clan, ennemi légendaire des Duff, le clan de son propre père. Depuis toujours, ils sedisputaientlesfrontièresentreleursterres.Maiscelanesignifiaitpasquecethommeluiaitditlavérité.Ilauraitpu lakidnapperpoursadot,commeauMoyenAge. Ilpouvait luiavoirmentisur tout,etellefiniraitdansuntaudis,forcéed’obéiràsesordres.
Mêmes’ilétaitbienceluiqu’ilaffirmaitêtre,songea-t-elleenfrémissant,ellepouvaitconnaîtreunsort similaire. Son père, qui avait quitté l’Ecosse dans sa jeunesse, lui avait parlé des Highlands.Combiendefoisluiavait-ilrépétéqu’ilavaiteudelachanced’êtrelefilsd’uncomteetd’avoireulapossibilité de fuir son pays natal ? Il n’avait jamais compris les hommes qui vénéraient son père, etmaintenantsononcle,commedesdieux.D’aprèslui,lesHighlandersétaientdessauvages.Illuiavaitfaitle récit de ces raids insensés contre le bétail du clan rival, attaques si sanglantes qu’elles pouvaientdécimerdesclansentiers.
Jamaisellenes’étaitsentieaussiimpuissante.Elleavaitdéjàcomprisqu’ellenecontrôlaitpassavie. Ses parents lui demandaient de rester cloîtrée avec sa sœur le plus clair de son temps. Et plusrécemmentilsl’avaientlaisséeenAngleterre,lorsquelerestedelafamilleétaitpartienvoyagesurlecontinent.Maisàprésent,ellenepouvaitmêmeplusavoirunmomentd’intimitésans lapermissiondesonravisseur!
Ellesefrictionnalesbrasetlesépaulespourseréchauffer,malgrélesoleilquiinondaitlavallée.Ilne brillerait pas très longtemps.Dans lesHighlands, le temps était le plus souvent froid et pluvieux.Maussadeethostile,commedisaitsonpère.Pleindesauvagesquidevaientsecacherentrelesrocherspoursurvivre.
Elleprituneprofondeinspiration.Ellen’étaitpasencoreenEcosse.Ellepouvaittrouverunmoyende faire changer d’avis son ravisseur ou de s’enfuir. Ils allaient bien devoir traverser l’un ou l’autrevillage,neserait-cequepourseravitailler.
—LadyCatriona!
LavoixduredeMcCallumretentit, la faisant sursauter.Elle jetaunderniercoupd’œil auxdouxpâturages,puisrevintàpas lentsde l’autrecôtéde lavoiture.Lesdeuxhommesquis’entretenaientengaéliquenedaignèrentmêmepas la regarder. Ilsmâchaient leursgalettesd’avoineavecdu fromageetbuvaientlecontenudouteuxd’unebouteillequ’ilsavaientdûentreposerdanslecompartimentréservéaucocher.
Ildésignalavoitureensilence.—Jen’yvoisrien,danscetteprison,protesta-t-elle.—Lorsquevousm’aurezprouvéque jepeuxvous faire confiance, je vousdonnerai accès àune
fenêtre.Enattendant…Desesdoigtspuissants,ilarrachadeuxclousquiretenaientlerideauencuiretdégageaunefentede
quelquescentimètres.—Jevousremerciebeaucoup,dit-elled’unevoixteintéedesarcasme.Ellesehissaàl’intérieurmais,aulieudereplierlesmarchesetdefermerlaportière,McCallumla
suivitets’assitsurlabanquetteàcôtéd’elle.Elle se glissa dans un coin puis, après réflexion, jugea préférable de s’asseoir sur la banquette
opposée.—Quefaites-vous?demanda-t-elleenessayantdedissimulerlapeurquitendaitsavoix.—Jevaisessayerdedormirunpeu.—Mais…mais…Consternée, elle le vit alors étirer au maximum les jambes devant lui. Son large torse semblait
occuperlamoitiédel’habitacle.Elleétaitseuleaveccethomme,sonravisseur,totalementàsamerci!Elledéglutit,maissagorgerestanouée.Elleserecroquevillaalorsdanslecoindelabanquettecommepourpareràuneattaque.
—Samueletmoiallonsnousrelayer,expliqua-t-il.Vousn’espérezpasquenousallonseffectuerunvoyaged’aumoinsdixjourssansdormir.
—Dixjours!—Etencore,nousvenonsdusuddesHighlands…Celaauraitpuêtrepire.Illaregardad’unœilfroid.—Avez-vousdessouvenirsd’untelvoyage?demanda-t-il.Votrepèrea-t-ilsipeud’estimepour
sonhéritagequ’ilvousaitdéniévosdroitsimprescriptibles?—Monenfancenevousregardepas!Ilavaitpourtantraison,songea-t-elle,piquéeauvif,maisellerefusaitdeleluiconcéder.—Toutcequivousconcernemeregarde.Vousallezdevenirmafemme.— Je ne vous épouserai pas, et vous ne pouvez pas me forcer. Cat, la femme à laquelle vous
prétendezêtrefiancé,nevousépouserapasnonplus.Soudain,ellesesentitpiégéeparsonregardglacial.—Croyez-moi,ladyRiona,vousallezm’épouser.Entendresonprénomdanssaboucheluifitfroiddansledos.Ilcroisalesbrassursontorseetferma
lesyeux,commepourmettrefinàlaconversation.Cequifutlecas,carquepouvait-ellefaired’autreques’insurgeretlemettresuffisammentencolèrepourque…Pourquequoi?Ellefrémit.S’ilcroyaitqu’elleétaitsafiancée,s’ilcroyaitquecelaluidonnaitledroitdefairetoutcequ’ilvoulait…Ellefixal’épéeetlepistoletqu’iln’avaitpasprislapeinederetirer.
— Je sens d’ici que vous tremblez. Prenez une couverture si vous avez froid, mais laissez-moidormir.
Ellen’avaitpasfroid.L’intérieurdelavoiture,réchaufféparlachaleurdeleurscorps,étaitchaudetmoite.Elleétaitsurtoutterrifiéeetluttaitpournepaspleurer,sedemandantquandlessecoursallaientarriver. Au cours de la nuit, elle avait eu une pensée horrible qu’elle n’avait pas eu la force
d’approfondirtantelledépassaitsonimagination.Maisaujourd’hui…aujourd’hui,àlalumièredujourqui filtraitpar la fentede rideauqu’il luiavaitconcédée, sesmauvaisespensées refirent surface.Elletentadelesrefoulerensedisantque,dèsquesononcleapprendraitsadisparition,ilpartiraitavecseshommesàsarecherche.
Maisuneautrepartied’elle-mêmeluimurmuraitlecontraire.Sononcleetellen’avaientjamaisétéproches.Lecomteétaitunhommefroid,obnubiléparsesrichessesetsonpouvoir.Lorsquesesparentsavaient emmené sa sœur sur le continent, la laissant derrière eux, il avait accepté de l’accueillir àcontrecœur, et sur l’insistance de Cat qui avait argué qu’elle ne pouvait pas rester seule avec lesdomestiques.
Etmaintenant,siMcCallumdisaitvrai, ils’étaitentretenuaveclecomtehier, justeavantqueCatapprennequesesparentsl’envoyaientàlacampagnechezdesamis.Sacousineenavaitététrèssurprise,mais pas mécontente, et à bien y songer Riona trouvait étrange la vitesse avec laquelle les bagagesavaientétéfaits.Catavaitdemandéàcequ’ellel’accompagne,maissesparentsavaientprétenduqu’iln’yavaitpasdeplacepourelledanslamaisondecampagnedecesamis.
Tout cela n’était-il pas voulu, finalement ? PourquoiCat était-elle partie juste après la visite deMcCallum?Sononcleregrettait-illecontratqu’ilavaitpassé,aupointd’éloignersafille?
Etleplusdur,lemomentqu’elleneparvenaitpasàoublier,étaitceluidudîner…Satanteluiavaitsemblépâleeteffacée.Rionasesouvenait trèsbienqu’elleavaitbaissélesyeuxlorsquesononcleluiavait ordonné de dormir dans la chambre de Cat, sous prétexte que la sienne devait être nettoyée etrepeinte. Elle en avait été très surprise : pourquoi ne pas attendre qu’elle retourne àLondres pour lefaire?
Aprésent,toutdevenaitplusclair,etelleavaitl’horriblesentimentd’avoirététrahie.Sonestomacsecontractadouloureusement sous l’effetduchagrin.Sononcle l’avait-il installéedans lachambredeCat parcequ’il avait anticipé le geste de ce sauvaged’Ecossais ?Cherchait-il une raison légitimederompre ces fiançailles ? Il aurait pumettre des gardes et prendreMcCallum sur le fait. Tout cela luiparaissaitincroyable,etpourtant…Elledéglutitpéniblementetessayadenepaspenseraupire.Sielleselaissaitenvahirparlapeur,ellenetrouveraitjamaislemoyend’échapperàcethommequisetenaitdevantelle, lesyeuxfermés, lementonsur lapoitrine,ses longues jambesoccupant tout l’espaceet laforçantàserecroquevillerdansuncoinpournepasletoucher.
Ilpassadeuxheuresàsereposersansbougeroupresque,commes’ilétaithabituédepuislongtempsàdormirdèsquel’occasionseprésentait.Desoncôté,elleétaitincapabledefermerl’œil,depeurqu’ilneseréveilleetqu’iln’aitàsonégarddesgestesdéplacés.Lorsqu’ils’éveillaenfin,illacontemplad’unœilimpassibleet,sansunmot,toquaautoitdelavoiturequis’arrêta.Ilsortit,etlecochervintprendresaplace.
Lorsquelevéhicules’ébranla,celui-ciregardaautourdeluipuisparlepetitboutdefenêtre,commes’ilessayaitdes’installersanscroisersonregard.
Rionabonditsurl’occasion.—Nousn’avonspasétécorrectementprésentés,monsieur,dit-elle.Ilavaitunepeaublanche,couvertedetachesderousseursoussacrinièredefeu.Ilrougitpresque
autantquesachevelure.—Jem’appelleSamuelMcCallum,madame.—Vousêtesparents,évidemment…,commenta-t-elle,encoreplusabattue.Pourtant,ellen’étaitpasprêteàbaisserlesbras.— Nous sommes des cousins éloignés, dit-il avec un petit sourire de connivence. Vous allez
rencontrerbeaucoupdeMcCallum,làoùnousallons.—Vousdevezêtreconscientquecequ’ilfaitn’estpascorrect.Sonexpressiondemeuraamicaleetmêmecompréhensive,maisilsecoualatête.
—Non,madame,jenepensepasçadutout.Vousêtessafiancée.—C’estfaux!—VousêtesbienCatrionaDuff,n’est-cepas?—Oui,toutcommemacousine!—Jesuisdésolé,maisjenepeuxpasvousaider.Uncontrataétésignéentrenosfamilles,etnous
leprenonstrèsausérieux.—Jenesaisriend’untelcontrat,grommela-t-elleencroisantlesbrassurlapoitrineetenplissant
lesyeux.—C’est la fautedevotrepère.JesuisauservicedeHughdepuisde longuesannées,et ilestau
courantdevosfiançaillesdepuisqu’ilestpetit.Croyez-moi,cecontratainterférédanssavieplusd’unefois!
Ils’interrompitetdétournaleregard.—Interférécomment?demanda-t-elle.—Celanevousregardepas,madame.Laissez-moidormir,maintenant.Ilfermalesyeuxetlaissatombersonmentonsursontorse,commesonchefl’avaitfaitavantlui.— L’argent vous ferait-il changer d’avis ? insista-t-elle. Je n’en ai pas beaucoup, mais si vous
acceptiezdem’aider…Ilrépondit,sansmêmeouvrirlesyeux:—Votreargentnepeutpasacheterlaloyautégagnéepardesgénérations,madame.Demêmequ’il
nepeutfaireoublierlatrahisondesDuffpendanttoutcetemps.Maintenant,taisez-vous.Rionablêmit.La trahisondesesancêtres?Unmariageentre leursclansétaitcenséy remédier?
Elleavaitl’impressionquen’importequelleDuffmariéeàunMcCallumneconnaîtraitjamaislapaix,sipersonnen’étaitcapabled’oubliercesgriefs.Lorsquesononcleetsonpèreavaientunpeubu,ellelesentendait souvent évoquer ces querelles avec colère et fierté.Elle comprenaitmaintenant pourquoi ilss’étaienttenusloindel’Ecosse,laissantàleursrégisseursetleursmétayerslesoindegérerleursterres.
Pourtant,cesquerellesavaientprisunetournureimmensémentpersonnelle,etellen’étaitpasprêteàacceptercequiluiarrivait.ElleétaitencoreenAngleterre,oùilexistaitdespersonnescapablesdesedresser contre les Ecossais. Lorsqu’ils s’arrêteraient pour déjeuner, elle essaierait de s’enfuir à lapremièreoccasion.Etsisonplannefonctionnaitpas,elletrouveraitautrechose.
Chapitre3
HughsavaitqueladyRionanerenonceraitpasàs’échapper.Ilvoyaitsonhumeurpassertouràtourdelacolèreàlafrustration,mêmesisafureursemblaits’estomperpeuàpeu.Maisiln’étaitpascertainquecelasoitbonsigne.
Ilss’étaientarrêtéspourdéjeunerdansuneclairièreprèsd’unruisseauetavaientcachélavoituredesortequ’ellenesoitpasvisibledepuislaroute.Leschevauxpouvaientboireetpaîtreàloisirsurlesberges couvertes d’herbes grasses, et ils étaient entourés par des arbres. Ils n’auraient pu rêver d’unendroitmieuxabrité.
LadyRionaluiavaitdemandéquelquesinstantsd’intimité,qu’illuiavaitaccordés.Allongésurlecôté,prèsdufeu,ilregardaitcuirelesgalettesd’avoinesuruneplaqueenfer.
—Nousdevronsbientôtnousravitailler,ditSamuel.—Lefaisanquej’aichassénetesuffitpas?—Nousallonsmanquerd’avoine,etjeressenslebesoindemangerunœufoudeux.Ilregardaendirectiondel’ouestetajouta:—L’orage approche ; nous n’allons pas tarder à sentir les premières gouttes. Il va nous falloir
trouveruneaubergepourlanuit.—Non,noussommesencoretropausudduYorkshire.Noustrouveronsuneclairièreaccueillante
commecelle-cietnousdormironstousàl’intérieurdelavoituresinécessaire.—Ceserabienassezconfortablepournotredemoiselle,fitremarquersèchementSamuel.Hughsoufflapourmanifestersondésintérêtdelaquestion.—Ellem’abienévidemmentdemandéquejeluivienneenaide,continuaSamuel.—Elleaducran,cettefille.Nedevrait-ellepasêtredéjàderetour?demanda-t-ilenrelevantla
tête.LadyRiona?Pourtouteréponse,ilnereçutquelecridesoiseauxquivolaientau-dessusdeleurstêtes.—Jerevienstoutdesuite,dit-il,résigné,enlaissantsesarmesàcôtédeSamuel.—Vas-ydoucementavecelle,Hugh.Asaplace,nousessaierionsnousaussidenouséchapper.—Jenechercheraispasàfuirmesobligationsàl’égarddemafamille.—Regardezquiparle!letaquinaSamuel.Hughl’ignoraetpartitencourantverslavoiture.Iln’eutaucunmalàsuivrelapistelaisséeparla
fuyarde.Ses larges jupes avaient arrachédesherbes et cassédesbranches.Elle avait eu leméritedesuivreensensinverselecheminqu’ilsavaientparcouru,mêmesilevillageleplusprochesetrouvaitàplusieursheuresdemarchederrièreeux.
Il l’entendit avant de la voir, tandis qu’elle se frayait un chemin dans les sous-bois pour restercachée,toutensuivantlarouteprincipale.
Il aurait pu l’appeler et la raisonner pour l’obliger à comprendre que de telles tentatives étaientvaines,mais…dansunpremiertemps,ilfallaitqu’ellelecraigne.Laleçondevaitdoncêtremémorable.
Ils’approchapar-derrière,cequiluifutfacile,carellesecroyaitmanifestementàl’abri.Elleavaitmêmecommencéàfaireunpeutropdebruit,sepermettantdemarmonnerdetempsentemps,cequilefitsourire. Elle avançait avec détermination, mais ses pas étaient entravés par les hautes herbes quienvahissaientlesous-boisets’accrochaientàsesjupes.
Endeuxenjambées,ilsortitdesacachetteetenroulaunbrasautourdesatailleavantdelasouleverdusol.
***
L’assautfutsisoudainqueRionacria.Aussitôt,l’hommeplaqualamainsursabouchepourétouffersescris.Elleeutl’impressionhorrifiantedevivrelamêmescènequecelledelaveille.Jamaisellenepourrait échapper à son étreinte, mais le désespoir et la frustration l’amenèrent à se débattre avecfrénésie,mêmesisescoupsnepouvaientriencontresaforce.
—J’auraispuêtreunbandit,ditalorsMcCallumd’unevoixcourroucée.Vousvousêtesmiseendanger.
Elleluidécochadescoupsdepied,tandisqu’ilfaisaitdemi-tourpourl’éloignerdelacivilisationetdetoussecours.Leursjambess’emmêlèrent,sonpiedsepritdanssajupe,etilstombèrentàlarenverse.Asagrandesurprise,ellelesentitpivoterpouratterrirlepremier.Ilétouffauncridedouleurlorsquesoncoude s’enfonça douloureusement dans son ventre. Elle en eut une satisfaction secrète, mais toute samorgues’évanouitlorsqu’ilroulasurlecôtépourlaplaquerausol.Lespierress’enfoncèrentdurementdanssondos.Elleessayadesedébattrepourl’obligeràs’écarter,maisilpesasurelledetoutsonpoidspourl’immobiliser.
Lorsqu’elle essaya de le gifler, il lui saisit le poignet et l’aplatit au-dessus de sa tête. Le corpsarqué, elle continua de se contorsionner furieusement, tâchant de reprendre son souffle. Soudain, elleréalisaqueSamueln’étaitpaslàpourcalmerlesardeursdominatricesdeMcCallum.Lapeurpouvaitlaparalyser,ellelesavait,maiselleneputluttercontre.
—Arrêtez,ladyRiona!Aforcedecontorsions,ellen’avaitréussiqu’àlefaireglisserentresesjambes,quisetrouvèrent
coincéesparsajupe.Ellerespiraitdifficilement,uncorpsd’hommecontrelesienpourlapremièrefois.Elle s’immobilisa. Sous l’effet de ce contact si intime, unmystérieux fluide sembla passer entre eux,tandis qu’elle prenait la mesure de son impuissance, sous l’étreinte de ce Highlander. Il n’y avaitpersonneautourd’ellepourl’aider,pasmêmelecocher.Elleétaitàsamerci.
—S’ilvousplaît…,murmura-t-elle,détestantentendresavoixfaibleettremblante,maisincapabledelamaîtriser.Laissez-moimelever.
—Pourquevouspuissiezdenouveaupartirencourant?Sa voix était pleine de colère,mais son regard… son regard s’était posé sur sa bouche, et elle
découvritdanslesprofondeursdesespupillesunechaleurquiluirappelacelledel’argentenfusion.—Cessez…cessezdemeregarderainsi,souffla-t-ellesanspouvoirdétournerlesyeux.Jenesuis
pas…laproied’unvautour.—Unvautour?répéta-t-ild’unevoixrauque.Jenemangepaslescréatures innocentes!Mais je
suisunhomme,etmetrouverainsicouchésurvousmefaitpenserànotrenuitdenoces.Horrifiée,elleréponditsansréfléchir:—Vous…vousvoulezdirequevousallezdevoirm’immobiliser?L’espaced’un instant, elle jura avoir vu le coinde sabouche esquisserun sourire.Maisnon, ce
n’était pas possible. Un homme enclin à la vengeance et à la fausse justice, qui n’avait pas hésité à
enleverunefemmecontresongré,étaitincapabledesourire.Ilfinitparluilâcherlesmains.Elletentadelerepousser,maisilneselevapas.Seshanchesétaientcaléescontrelessiennes,etellen’avaitjamaisressentiunetellepression.Lasensationétaitinconfortable,embarrassanteet…plutôtétrange.
Ellelepoussadenouveau.—Jenepeuxpasrespirer,geignit-elle.Ils’assitalorssurlestalons,maissesgenouxappuyaienttoujourssurseshanches.Ilcroisalesbras
sursontorseetlatoisa.—Jenetoléreraiplusjamaiscela,dit-il.Clouéeausol,ellenepouvaitpaslerepoussersansluitoucherlescuisses.—Suivriez-vousdocilementvosravisseurs,sivousvoustrouviezàmaplace?—Jenesuispasàvotreplace,répondit-ilenpenchantlatêtesurlecôté.—Maissivousl’étiez?—J’honoreraisl’engagementdenosdeuxfamilles,indépendammentdemavolonté.—Donc,mêmesivousn’avezjamaisrencontréCat,vousêtesprêtàl’épouser,ycomprissivousne
latrouvezpas…séduisante?Ilfallaitqu’elleparvienneàleconvaincrequ’elledisaitlavérité,etpourcefaire,elleallaitmettre
ledoigtsursamépriseàchacunedeleursconversations.Ilnecillapas.—LamystérieuseCatdontvousmeparlezn’existepas,Riona. Iln’yaquevousetmoi.Etnous
allonsnousmarier.Essayerdefuirestunactepuérildevotrepart.—Puéril?s’écria-t-elle,furieuse.Ilnel’avaitpasappeléeladyRiona,etelleleregretta.Bienqu’ellenesoitpastrèsattachéeàson
titre,ilpermettaitaumoinsentreeuxunecertaine…distance.— Je vous demande dem’appelerMlleDuff, et il n’est pas du tout puéril d’essayer de s’enfuir
lorsqu’unhommevousagresseetvousenlèveàvotrefamillepourvous…molester!—Jenevousaipasmolestée,sedéfendit-il.Ellepointaundoigtrageurverslui.—Etcommentappelez-vouscela?Est-ceunefaçonélégantedetraiterunedame?Ilsepenchaenavantetposalesmainsdechaquecôtédesatête.—Jeveuxjustevousmontrerquialepouvoirici,Riona.Il insista sur son prénom, et elle commença à avoir du mal à respirer en le voyant planer
dangereusementau-dessusd’elle.Sonvisageétaittropprèsdusien,etsonregardbraquésursabouchedevintdenouveaubrûlant.
—Sijamaisvousm’embrassez,jevousmords!Ilhaussalessourcils,maisnebougeapas.—Vousn’êtespasmonmari,pasencore.Ilseredressalentement.—Vousavezraison.Etjenem’imposeraipasàvousavantlemariage.Ilselevacomplètementetsepenchapourluiproposersamain.—Mais,sijamaisvousessayezdenouveaudevousenfuir,vousensubirezlesconséquences!—Vousferiezdumalàunefemmequevouspersistezàvouloirprendrepourépouse?s’étonna-t-
elle,lâchantsamainchaudeetfermedèsqu’ellefutsursespieds.Ilpouvaitluibroyerlesdoigtsd’unesimplepression,maisiln’enfitrien.— Je vais m’efforcer de ne pas le faire. Quant à ceux à qui vous demanderez de l’aide, je ne
garantispascequipourraitleurarriver.Ilétaitsérieux,etellelesavait.Ellesentitsesépauless’affaisseret, lorsqu’il lapritparlebras,
ellenebronchapas.Pourtant,intérieurement,larancuneetlacolèresemêlaienttoujoursàlapeur.Elle
trouveraitlemoyendes’échappersanscauserdetortàpersonne,sejura-t-elle.En attendant… elle se comporterait de manière exécrable. Peut-être le ferait-elle ainsi changer
d’avissurleurmariage.Comme il était étrange de sentir que quelqu’un avait besoin d’elle ! Elle avait rarement eu ce
sentiment, sauf avec Cat. Ses parents avaient certes besoin d’elle et l’avaient utilisée, à la fois poursurveillerettenircompagnieàBronwyn,sasœur.Biensûr,cettedernièreavaitbesoind’elle,maiscettedépendanceconstanteluiavaitbeaucouppesé,etsafamilleneluiavaitjamaislaisséderépit.Elleavaittoujoursétésollicitéepourdonnerd’elle-même,encoreetencore,maisraresétaientlesfoisoùquelqu’uns’étaitsuffisammentsouciéd’ellepourluirendreservice.
MêmeMcCallumneladésiraitpasvraimentauprèsdelui.Ilavaitbesoind’unefemmepourremplircecontratdemariagesiimportantpoursonclan.Elleétait…unsimplesubstitutet,àunmomentouàunautre,ilseraitconfrontéàlaréalitédesesméfaits.Qu’adviendrait-ild’elle,alors?
EllesentitunfrissoncourirdanssondosetselaissaguiderdistraitementparMcCallumàtraverslesbuissonsquis’accrochaientàsarobe.Saréputationseraitruinée.C’étaitunechosedesepromenerenpublic avec un homme et une autre de voyager avec lui, non ?Même si tout s’était passé contre savolonté,celan’auraitaucuneimportanceauxyeuxdesautres.Ellenetrouveraitjamaisdemarietseraitcontraintedecontinueràservirsasœuretsesparents.
Toutcelaparcequece…cethommeavaitenlevéparerreurlamauvaisefemme,pesta-t-elleensonfor intérieur avant de se rembrunir en se souvenant que son oncle l’avait probablement exposéesciemmentaudanger.
—Vousavancerezmieuxsivouslevezlespieds,ditMcCallumenl’aidantàtraverserunautresous-boisenvahiparlavégétation.
Elleobéitensilence.
***
Ilvoulaitfaireunesiesteaussilonguequepossible.L’orageapprochaitetilignoraitcequelanuitapporterait.Ilpénétraprudemmentdanslavoiture,carilnesavaitpasdansquellehumeuriltrouveraitRiona.Elleétait restéeétrangementsilencieuse,aprèsqu’il l’eut ramenéeà leurpetitcampement,et ilespérait qu’elle s’était enfin résignée à accepter sondestin, cequi leur simplifierait le voyage à tous.Maispourquoileferait-elle?songea-t-iltristementenouvrantlaportière.
Il s’installa sur l’inconfortable banquette, et la voiture s’ébranla.Riona se tenait tournée vers lafenêtre.Elleregardaitparlepetitintersticeleschampsetlespâturagesquis’étendaientàpertedevue.Bientôt, ils allaient traverser un village, etHugh se demanda si elle n’allait pas de nouveau tenter des’enfuir. Il savait qu’elle ne s’était pas encore avouée vaincue. Elle prévoyait certainement de ledéranger,maisilavaitl’habitudededormiràladure,surdesflancsdemontagnepartempsd’orage.Ilfermalesyeuxenpoussantunsoupirsatisfait.
—McCallum,jenepeuxpascontinuerdeporterlamêmerobesaletouslesjours.Iln’ouvritpaslesyeux.—Sivousn’aviezpasessayédevousenfuir,elleneseraitpassale.—Maisellel’est,etj’aibesoindelaver…certaineschoses.Ouvrant unœil pour la regarder, il se souvint d’elledans sa fine chemisedenuit, de la douceur
soyeusedutissusursesbraspendantqu’ill’immobilisait.Lorsqu’ilétaitentrédanssachambre,lalueurdelabougiesereflétaitsursapeauveloutéeet,pendantquelquesinstants,ils’étaitsentisoulagédesabonnefortuneetcurieuxd’envoirplus.Illuiavaitchoisidesvêtementsordinaires,pensantrendreainsison apparence plus banale, mais rien ne pouvait dissimuler son port de tête altier et sa couronne decheveuxblondstombantencascadesursesépaules.L’épouseparfaitepourunchefdeclan.
Elleportaitencorecettechemisedenuit,songea-t-il.—McCallum?Elleprononçadenouveausonnomcommes’ilétaitstupide.—Vous pourriez me répondre au lieu de me regarder fixement comme si je parlais une langue
étrangère!dit-elled’unairexaspéré.—La langueanglaiseestassezdifficilecomparéeaugaélique,maisde lààsuggérerque jen’en
comprendspaslessubtilités…Non.Ilfermadenouveaulesyeux.Mieuxvalaitnepluspenseràsachemisedenuit.—J’aibesoindevêtements,insista-t-elle.Etd’eauchaudepourmelaver.Jemesenssale.—Dèsquenousseronsensécurité,j’yveillerai.—Ensécurité?VousnepouvezpasattendrequenoussoyonsenEcosse!N’avez-vouspasditqu’il
nousfaudraitplusieursjoursdevoyage?—Votreattitudepourraitinfluencermadécision,évidemment.—Vousvoulezdirequevousattendezdemoiquejememontredocile,réservéeetsoumise?—C’estvousquiledites,pasmoi.Jepensaisplutôtaumot«respectueuse».Ellefaillits’étranglerd’indignationetilseretintdesourire.—Vous…vousn’êtesqu’unsauvage!Même s’il savait qu’elle ne faisait que répéter des propos entendus dans la bouche d’autres
personnes,cetteinsulteleblessa.ALondres,ilavaitétémépriséàcausedesesorigines,etsesproposavaientsouventétéignorés.Toutlemondeleprenaitpourunpetitfermiersanséducation.Iln’éprouvaitquefrustrationetregretspourlessommesfaramineusesqu’ildevaitdépenserpourvivreenéchangedesipeu.
— Si je suis un sauvage,ma dame, alors vous l’êtes aussi, car nous sommes tous les deux desHighlanders.
Ilcroisalesbrasetgardalesyeuxfermés,maisneputdécrisperlesmâchoires.— Vous vous comportez plus encore en sauvage si vous gardez une dame prisonnière sans lui
proposeraucunedistraction.J’aibesoind’unlivreoud’unouvrage,dequelquechose.Ilyaurabienuneépicerieouunelibrairiedansleprochainvillage…
—Jepeuximaginerdesfaçonsdevousdistraire,dit-ilàvoixbasse.Puisilrouvritlesyeuxetlaregardafixement.Elledéglutitetrelevalementond’unairdedéfi,maislafaçondontelleserraitlesmainspourles
empêcherdetremblerneluiéchappapas.—Vousavezditquevousnevousimposeriezpasàmoi.Elleavaitprisuntonsiguindéqu’ileutdumalàseretenirderire.—Jen’auraipasbesoindefaireusagedelaforce.Unecaresse,unbaiser,etvoustomberezsous
moncharme.Asagrandesurprise,ellenedétournapasleregard.—Jeleconsidéreraicommeunrecoursàlaforce.Cen’estpascequej’attendsdevous.Jevous
répètequejenesuispasvotrepromise.—Etjevousrépètequementirnesoulagerapasvotredétresse.Ilsseregardèrentensilenceunlongmoment,etilsesurpritàappréciercetaffrontementmuet.Lapluiecommençaàtomberdoucementsurletoitdelavoiture.—Vous n’aurez pas la chance de goûter àmes baisers aujourd’hui, soupira-t-il. J’ai demandé à
Samueldetrouverunabripourleschevauxetdevenirnousrejoindredansl’habitacles’ilsemettaitàpleuvoir.
Ellecroisaàsontourlesbrassurlapoitrineetdétournaenfinleregard.Ilrefermaalorslesyeux,désireuxd’avoirlapaix.
—Personnenenoussuit,n’est-cepas?demanda-t-elled’unevoixempreintedetristesse.Ilauraitdûêtrefâchéqu’ellepersisteàledérangermais,d’unecertainemanière,ilavaitpitiédela
façondontsafamillel’avaittraitée.—Des cavaliers nous auraient rattrapés à l’heure qu’il est, convint-il. Votre père a dû avoir la
sagessed’honorersoncontrat.— Vous voulez dire que mon oncle m’a joyeusement sacrifiée à la place de ma cousine ! Il a
pleinementl’intentiondebafouervotreprécieuxcontrat,voussavez.Ilsoupirabruyamment.—Jevousbâillonneraisinécessaire.Ellegardalesilencequelquesminutes,puisinterrompitlesommeilquicommençaitàlegagner.—Commentavez-voussudansquellechambrevenirmechercher?Ilexpiralonguement.—J’aisoudoyéungarçondecuisine.—Ilsm’ontinstalléedanslachambredeCat,soi-disantpourrepeindrelamienne.Enfait,c’était
dansl’uniquebutderuinerlecontrat.—Votrefamillen’apasjugéutiledevousparlerdecemariage,dit-ild’unevoixcalme.Vousneles
regretterezpas.Aprèstout,quelhommefaut-ilêtrepourabandonnersonclan?—Nimononcle nimonpère n’ont abandonné le clanDuff ! Ils emploient des régisseurs et des
métayers pour veiller sur leurs terres. Ils préfèrent simplement vivre en Angleterre, dans un mondecivilisé.
—Etcesontceshommessicivilisésquivousonttraitéedelasorte?Ellesemorditleslèvresetgardaàsontourlesilence.—Jenevousplaindraipas.J’aivumesgensessayerdesurvivreencultivantdesterres,lorsd’un
hiver difficile. J’ai vu le bétailmourir suite à demauvais hivers.Mon père a fait ce qu’il fallait enacceptantdeconclurececontratdemariageaveclafilled’unpuissantcomte.
—Essayez-vousdevousconvaincrevous-mêmequ’ilaeuraison?Leshommesdevraientpouvoirsemarierparamour.
Ilreniflabruyamment.—Maintenant,jesaisquevousvousmentezàvous-même.Aucunefemmedevotrerangn’espèrese
marierparamour,pasmêmeenAngleterre.Ils sentirent la voiture tanguer sur la route accidentée, puis s’arrêter. La pluie avait redoublé de
violenceetmartelaitincessammentletoitdelavoiture.—Samuelatrouvéunabriàl’écartdelaroute.Jevaisl’aideravecleschevaux…etverrouillerla
porte,carcetteconversationnem’inspireaucuneconfiance!— Je n’ai nullement besoin que vousme fassiez confiance, rétorqua-t-elle. J’ai juste besoin que
voussachiezquejenevaispasvousépouser.MêmeenEcosse,jedoutequel’onpuissecontraindreunefemmeàsemariercontresavolonté.
—Vouscomprendrezbientôtlasagessedecemariage,madame.—Allez-y,dites-le!Vouspensezquejevaisêtreobligéedevousépouserparcequeaucunhomme
nevoudraplusdemoiaprèscetenlèvement.— Non, je pense que vous m’épouserez pour honorer la parole de votre famille. Malgré votre
comportement,vousmeparaissezbienplushonnêteetinnocentequelerestedesDuff.Ilsepliaendeuxpourdescendredelavoitureetverrouillasolidementlaportederrièrelui.Après s’être occupés des chevaux, Samuel et lui revinrent à l’intérieur. Leurs vêtements étaient
trempés ; la pluie dégoulinait de leurs chapeaux et s’engouffrait dans le col de leursmanteaux.Rionaaffichait de nouveau unmasque pâle et impassible. Elle blêmit plus encore lorsqu’ils rangèrent leurspistoletsdanslecompartimentsouslabanquette.
Puiselleselaissaglisseraumilieudusiège.—Vous pouvezvous asseoir de chaque côté.Ungentleman ne permettrait pas que les vêtements
d’unedamesoientmouillés.—Sijecomprendsbien,maintenant,noussommesdesgentlemenetnonplusdessauvages,répliqua
Hughd’unairsarcastiqueenposantsonchapeauàl’extrémitédelabanquette.Rionaeutlasatisfactiondeconstaterqu’ilssetenaientloind’elle.Elledéchantalorsqu’ellecomprit
queleursjambesoccupaientbeaucoupdeplace.Elleessayaalorsdecoincersesjupesautourdessiennespouréviterd’êtremouillée.
Ilscroisèrenttousdeuxlesbras,etSamuelfermalesyeux.—Nous allons attendreque l’oragepasse ?demanda-t-elle.Nousne feronspas escaledansune
auberge?— Vous ne m’avez pas encore démontré que vous étiez capable de faire preuve de retenue,
mademoiselle.—Jen’aijamaispasséunenuitcomplètedansunevoiture,protesta-t-elle.—Vousl’avezfaithieretvousallezencorelefairecettenuit.Vousêtesausecetàl’abri.Estimez-
vousheureuse.Jevaisessayerderesterdemoncôtédelabanquettesanssuccomberaudésirquevousm’inspirez.
—Prévenez-moiafinquejegardelesyeuxfermés,ditSamuel.Hughtentadegardersonsérieux,mêmesilatâcheétaitdifficile.Ilétaitmouillé,ilavaitfroidetil
était fatigué.Rionaavait fait toutsonpossiblepour l’exaspérerdurant l’après-midietelleétaitencorecapabledeleforceràresteréveillé.
—Ilyadescouverturessousmabanquette,dit-elled’untonpincé.J’aifroid.—Alorsprenez-les,répondit-il,exaspéré.Terribleerreurdejugement!Rionafutcontraintepourcefairedeselever,deleurtournerledoset
de se pencher en avant. Sans cerceaux, ses jupes épousaient de manière troublante la courbe de seshanches.Ildéglutit,lançauncoupd’œilàSamuel,quieutladécencededétournerleregard.
LeshanchesdeRionasebalançaientàhauteurdesesyeux. Ilauraitpuposersesmainssurelleset…
Elle se redressa, laissa retomber la banquette et se rassit.Enroulant plusieurs couvertures autourd’elle,elleleurlançaunregardméfiant,commes’ilsallaientlesluiprendre.
MaisHughétait tropoccupéàessayerd’oublierque,dansquelquessemaines,elledeviendraitsafemme. Il était censé se montrer patient. A la place, il la regarda se contorsionner pour trouver unepositionconfortable,enproieaudésirleplusviolentetàlaplusirritantedesfrustrations.
—Jen’aimepasabandonnermonposte,ditfinalementSamuel.Noussommestropvulnérables.— L’endroit que tu as choisi pour nous cacher est bien isolé. Nous pouvons nous permettre de
dormirjusqu’àcequelapluies’arrête.Aucunbanditneprendraitlerisquequelapoudredesonpistoletsemouille.Nousallumeronsalorsunfeupournousréchauffer.
Samuelneparutpasconvaincu,maisHughs’efforçadegarderlesyeuxfermés,biendéterminéànepluspenseràRiona.Ilvenaittoutjustedelarencontrer,etelleavaitdéjàbeaucouptropd’emprisesurlui. Elle était vive et arrogante, exaspérante et sympathique, et beaucoup trop séduisante pour satranquillitéd’esprit.Maissabeauténetenaitpasuniquementàsonapparence.Ilétaitévidentqu’ellesesous-estimait.Ilétaitrarequ’unebellefemmeignoresonpouvoirsurleshommesetnecherchepasàs’enservir.Pourtant,celasemblaitêtresoncas.
Commeiln’étaitpaspromptàjugerlesgens,ils’imposadegarderdureculetderesterobjectif.Illadétailladenouveauavidementàtraverssescils.Illavoulaitpourluiseuletilvoulaitqu’elle
le désire en retour, sauf qu’il ne savait pas comment s’y prendre. Et le fait d’avoir été contraint del’enleverétaitunélémentquirisquaitdeluicompliquerconsidérablementlatâche…
Chapitre4
Rionaseréveilladésorientée,nesachantplusoùelleétait.Couchéesurquelquechosed’exiguetdedur,ellenepouvaitpasallongerlesjambes.Enveloppéedansunecouvertureenlainerêche,latêteposéesuruneautrefaisantofficed’oreiller,ellen’avaitpasfroid.
Soudain,lessouvenirsrefirentsurface,etelleselevaensursaut.Elleserappelasonenlèvement,satentatived’évasionquis’étaitsoldéeparunéchec,lesdeuxgrandsHighlandersquironflaientàquelquescentimètresd’elleetquil’avaientempêchéededormirunepartiedelanuit.
Aprésent,elleétaitseuledansl’habitacle,mêmesilavoiturenebougeaitpas.Unfiletdelumièrefiltrait par une fenêtre. Elle essaya d’actionner la poignée de la porte, sans beaucoup d’espoir. A sagrandesurprise,celle-cis’ouvritfacilement,etellediscernadesvoixétoufféesàl’extérieur.Lorsqu’ellepassalatêteparl’entrebâillementdelaportière,lesdeuxhommeslavirentaussitôt.Ilsétaientassissurdestroncsd’arbredevantunfeudebois,vêtusdeleurschemisesetdeleursculottes.Leurschaussettesetleursmanteauxétaiententraindeséchersurunautretronc.
— Lady Riona…, la saluaMcCallum en se levant. Samuel a préparé du porridge pour le petitdéjeuner.
—Çasent…lejambon,dit-elled’unevoixhésitante.—Jesuisalléchezunfermiervoisinpouracheterdesprovisions.Nousavonségalementdesœufs.—Desœufs,répétaSamueld’unairsatisfaitencontemplantlagrilleoùplusieurscuisaientdéjà.—Venezvousjoindreànous,àconditionbiensûrdemepromettredenepaspartirencourant.— Je vous promets de ne pas courir pendant le petit déjeuner, rectifia-t-elle, descendant de la
voiture.Il lorgna vers elle et, de nouveau, elle crut le voir esquisser un sourire en coin, mais peut-être
n’était-ceque le fruitde son imagination.HughMcCallumnesouriaitpas. Il croyaitque lemonde,oul’avenirdesonclanaumoins,reposaitsursesépaules.Ilpouvaitfairetoutcequ’ilvoulaitaunomdececlan.Aconditionquetoutessesassertionsaientunfonddevérité.Peut-êtren’était-cequ’unplansavantquinevisaitqu’àrécupérersadot?Maiselleétaittropaffaméepouryréfléchirlongtemps.
Ilspoursuivirentbientôtleurcheminverslenordet,cettefois,McCallumpritlesrêneslepremier.Samuelvint s’asseoiren faced’elledans lavoiture.Le soleilperçaitde tempsen tempsà travers lesnuages,maislarouteétaitencoremoinspraticableaprèslapluieet,parfois,uneroues’enlisaitdanslaboue. McCallum était contraint de conduire sur les côtés accidentés de la chaussée pour éviter lesornières, etRiona devait s’agripper de toutes ses forces à la banquette pour ne pas être jetée au sol.Heureusementqu’elleavaitl’estomacsolidementaccroché,sansquoielleauraitrendusonpetitdéjeuner.Ils continuèrent à avancer lentement mais sûrement, tandis que la voiture gravissait péniblement lescollines.
Alafindelamatinée,ellecrutqu’elleallaitmourird’ennui.Elleréfléchissaitàunmoyend’irriterMcCallumavecsesrequêteslorsquelavoitureralentit.
—Iladitqu’ilconduiraitjusqu’àmidi,déclaraSamueld’unevoixinquièteenseredressant.—Labourseoulavie!lançauninconnu.—Desbandits!s’écriaRiona.Elles’adossaàsonsiègetandisqueSamuelsortaitsonpistoletetl’armait.L’hommequiluiavait
parutimideetréservécomparéàMcCallumavaitàprésentlaprestanced’unsoldatredoutable,avecsonregardduretsonairsévère.
—Quoiqu’ilarrive,restezici,ordonna-t-ilàvoixbasseenregardantàtraverslaminceouverturedurideau.
—Sivoussortez,cebanditvavousabattre!Iln’estprobablementpasseul.—Ilyadegrandeschances,eneffet.Maisilnepeutpastireràlafoissurmonsieuretsurmoi,dit-
ild’unairindifférent.Riona se demanda si cet assaut n’était pas l’occasion pour elle de se sauver. Les bandits ne
voulaient que de l’argent et des bijoux. Elle valait certainement plus d’argent qu’ils ne pouvaientl’imaginer s’ilsdemandaientune rançonà sa famille.Cette idéeétait aussi follequedangereuse,maisn’était-ilpaspréférabledeprendrecerisquequededevenirl’époused’unHighlanderpourlerestedesesjours?
—N’avez-vouspasunebourseàleurdonner?demanda-t-ellepourdistraireSamuel.Monpèreenatoujoursdeux,lasienneetunepluspetitepourlesbandits.
—Taisez-vous!luiintima-t-ilentendantl’oreilleverslafenêtrepourécouter.Rionafitdemême.—Restezoùvousêtes,lançalebanditàMcCallumavantd’ajouter,s’adressantmanifestementàune
autrepersonne:—Gardezunœilsurlui.—Iladescomplices,murmuraRiona.Samuell’ignora,latêtepenchéesurlecôté,l’oreilletendue.Ilsentendirentdesbruitsdebottesquicrissaientsurlegravierets’approchaient.—Vous,là,danslavoiture…Nospistoletssontbraquéssurvotrecocher,etnousn’hésiteronspasà
nousenservirsinécessaire.Rionalaissaéchapperuncri,etSamuellaregarda,bouchebée.—J’aiétéenlevée!hurla-t-elle.Libérez-moietvousrecevrezunegrosserançon!Samuelbonditversellepourlamuseler,etelleneputluttercontrelui.Lavoituretangua,commesi
McCallumavaitbondiausol.Soudain,uncoupdefeuretentit.—Bonsang!marmonnaSamuel.Ils’élançaverslaportièreetl’ouvritàlavoléeavantdejaillirdelavoiture.Riona se tint dans l’embrasure.Au-dehors, c’étaient toujours lesmêmes champsbordésdepetits
murs enpierrequi s’étendaient en longuesvagues lissesd’uncôté,des collines couvertesd’arbresdel’autre. Aucune grange, aucun cottage n’était en vue. L’endroit parfait pour deux Highlanders fugitifs.L’endroitparfaitpourdesbanditsdegrandschemins.Ellesedoutaitqu’ilsn’étaientpashabituésàcequeleursvictimesleurrésistent,etMcCallumallaitmanifestementleurdonnerdufilàretordre.
L’undesbrigandsessayaitdéjàdemontersursoncheval,etsajambecouvertedesangl’empêchaitde semouvoir facilement.Le coup qu’elle avait entendu provenait-il du pistolet deMcCallum ? Il sebattaitàprésentavecl’autrehomme,etSamuels’étaitélancéversuntroisièmelarron,épéeetpistoletàlamain,tandisquelebanditreculaitverssoncheval.RionasefigeaenentendantSamuelpousseruncriàglacerlesang.
Lederniermalandrins’aperçutalorsqueseshommesavaientbattuenretraite.Ilbonditsurlecôtéetcourutverssamonture.McCallumnesedonnapaslapeinedelepoursuivreetrestadebout,triomphant,l’épéepointéeverslesol,àpeineessoufflé.
—Bandedelâches!cria-t-ilaprèsleschevauxquis’éloignaientaugalop.Son plan avait échoué, et Riona se demanda quelle serait sa punition. Mais pour l’heure, ses
ravisseurssemblaientavoiroubliésoncrietsesouriaientcommedesenfantsquivenaientderemporterune course. Elle n’avait encore jamais vu McCallum sourire franchement et elle fut surprise par lamanièredontsonsourireéclairaitlestraitssévèresdesonvisage,luiconférantunebeauté…animaleetvirile.
Unsourirequis’évanouitlorsqu’iltournaversellesonregardgrisetacéré.Sescheveuxs’étaientdétachéspendantlecombat,etsesbouclessombresretombaientsursesépaules.Ilavaitl’airdecequ’ilétait,unfaroucheHighlander,etellevenaitdesedressercontrelui.Ellesefigea,sachantqu’ilétaittroptardpourfuir.
—Quepensez-vousdemonplan?lançaalorsSamuelenrengainantsonépéedanssonfourreau.Jeparledel’appelausecoursdeladyRiona,biensûr.
Elles’efforçadecachersasurprise.—Etait-cevraimentunplan?demandaMcCallum,l’airsuspicieux.—J’étaiscertainqu’ilsnerechigneraientpasàrançonneruneladydehautrang,continuaSamuel.
Leurhésitationvousapermisdepasserà l’attaque.Vousenavezmisdeuxendérouted’unseulcoup.Impressionnant!
Respirantdifficilement,Rionaessayadeprendreunairdétaché,mêmesi,ensonforintérieur,elleétaitsidéréequeSamuelaitprissadéfense.Elleignoraitlaraisond’untelacte,etellesesentaitàlafoisredevableenversluietinquiètedesesmotivations.
— Je vous dois mes remerciements, en ce cas, car votre plan a fonctionné, dit McCallum ens’adressantàelle.Votrecriperçantlesadistraitsplusquetouteautrechose.
Illafixa,puisajoutaàcontrecœur:—Bienjoué.Ellehochalatête,surprisederessentirunepointedeculpabilité.Pourquoidonc?N’était-ellepas
leurprisonnière?—Jenepensepasquevousserezmieuxpréparés,laprochainefois.Ilhaussaunsourcilsombre,maisparaissaitd’assezbonnehumeurpournepasluirépondreavecle
mêmesarcasme.—Nousn’avonspasànousinquiéterqu’unetellechoseseproduiseenEcosse.Lesgainssonttrop
dérisoirespourlesbandits.Samuelsemitàrire,maisellenevoyaitpascequ’ilyavaitdedrôledanscetteréponse.—Jeconduirai jusqu’àmidi, repritHugh.Essayonsdedistancerautantquepossiblecesbandits,
avantqu’ilsretrouventleurcourage.RionaremontaensilencedanslavoitureetlasentittanguerlorsqueSamuellasuivit.Ils’assiten
faced’elle,etellesecontentadeleregarderd’unairconfus.Lavoitures’ébranla,etSamuelfermalesyeux.
—Pourquoiavez-vousmenti?demanda-t-ellealorsd’unevoixhésitante.Ilrouvritlesyeuxetlaregardaavecunesympathiequ’ellenecompritpas.—Vous avezpeur, vous êtesdésespérée, et je vous comprends, dit-il.C’est pourquoi je vous ai
aidéecettefois.MaisMcCallumestmonchefetmonami.Aussijeneleferaiplus.Evitezdecommettredeserreursstupidesàl’avenir.
Rionadéglutitpéniblement.
—Est-ce si stupide de vouloir rentrer chezmoi ? fit-elle d’une voix qui sonna déchirée par lesregrets,mêmeàsespropresoreilles.
—Ileststupidedevouloirchangercequinepeutpasl’être.Votremariageaétédécidédepuistrèslongtemps,madame.
—Maispaspourmoi!sedéfendit-elleavecvéhémence.Encoreunefois,vousvousêtestrompésdefemme!
Il secoua la têteet fermadenouveau lesyeux.Rionas’essuyad’ungeste rageur lespaupières. Ilétaitinutiledepleurer.Celanelamèneraitnullepartavecceshommes.
***
Deux jours plus tard, ils traversèrent la rivière Sark et arrivèrent en Ecosse. Riona avaitl’impressionqu’unepetitepartied’ellevenaitdemourirenmêmetempsquesonespoird’êtresecourue.Ellenepouvaitcompterquesurelle-mêmeàprésent.
Ils s’arrêtèrent pour se rafraîchir et faire boire les chevaux dans la rivière. C’était comme siMcCallumet son cocher pensaient que l’eau avait unmeilleur goût de ce côté de la frontière, tant ilssemblaientheureuxd’êtrederetour.Ilyavaitducourant,etleniveaudelarivièreétaitélevéenraisonde la pluiequi s’était abattue sur eux la veille.Lesberges étaient boueuses et envahiesdemauvaisesherbes.
En essayant de se laver le visage, Riona glissa du talus et finit avec de l’eau glacée jusqu’auxcuisses.Aussitôt,McCallumseprécipitapourluitendrelamainetl’aidaàremontersurlaterreferme.Maiselletrébuchaets’affalaenarrièredansunenchevêtrementdejupeetdejupons.L’enviedepleurerla prit. Elle se sentait crasseuse et puante, et maintenant sa robe était maculée de boue. Ses épauless’affaissèrent,etellesecouvritlevisageàdeuxmainsavantdeprendreuneprofondeinspiration.
—Nousdevrionsnous arrêterdansune auberge, ce soir, suggéraSamuel.Nous avonsbesoindevêtementspropres.
Riona garda la tête baissée, sachant que si elle manifestait un peu trop sa joieMcCallum étaitcapablederejetercetteproposition.
—D’accord,nousferonshalteàGretnaGreen,dit-il,dansunebonneaubergeécossaise.Oùpersonnene viendra enaideàuneAnglaise, songeaRiona, consternée.Bien sûr, une partie
d’elleétaitécossaise,maiselleneferaitpaslepoidscontreunchefdeclan.Pourtant,l’idéedeselaverlui apparut commeungrand luxeaprèscinq joursdevoyage.Elledécidadoncdeneplus seplaindrejusqu’aulendemain.
McCallum ne lui avait pas paru si contrarié, lorsqu’elle s’était mise en tête de l’agacer en luidemandantderenonceràsonprojetdel’épouser.Ils’étaitcontentéderejoindreSamuelsurlebancduconducteur,lalaissantseuledanslavoiture.Samuelluiavaitdonnéunpaquetdecartes,laveille,etellepassaitletempsentirantdescartesauhasard,carelleneconnaissaitpasdejeuquisejouaitseul.Maisaumoins,ellepouvaits’occuperlesmains.Parfois,elleregardaitpendantdesheureslepaysageparlamince ouverture du rideau, guettant des changements indiquant qu’ils étaient en Ecosse, mais elle neremarquariendebiendifférent.
Ils ne tardèrent pas à atteindre le petit bourgdeGretnaGreen, oùplusieurs routes convergeaientautourd’uneplaceherbeuseet triangulaire.Levillageétait composédequelquescottagesaux toitsdechaumeetauxmurspeintsàlachaux,d’uneforge,d’uneéglise,etriend’autre.Sicelieupossédaitune«bonneaubergeécossaise»,Rionaignoraitoùellesetrouvait.Maishonnêtement,peuluiimportaitdesavoiroùilsallaients’arrêter,àconditionqu’ellepuissequittercettevoiturepourlanuit.
L’aubergeserésumaitàdeuxchambresau-dessusd’unetaverne,dontl’uneseulementétaitprivée.Riona fut heureuse que McCallum la fasse monter par l’escalier de derrière, auquel ils accédèrent
directementdepuislacourdesécuries,aulieudeluifairetraverserlehallàlavuedetous.Ellesavaitqu’ilvoulaitsurtoutéviterlesregardscurieux,maiscelaluiétaitégal.
Lachambreétaitpetiteetnecontenaitqu’unlit,unetableavecdeuxchaises,unetabledetoiletteetdes patères au mur pour suspendre les vêtements. En Angleterre, les auberges étaient luxueusescomparéesàcelle-ci.Oudumoins,cellesquesesparentsfréquentaient.
—S’ilvousplaît,dites-moiqu’ilestpossiblededemanderunbainchaud!—L’aubergisten’étaitpasraviàcetteidée,maisilleferapournous.—Pournous?s’étonna-t-elle,sentantnaîtreunepointedemalaise.—IlyaunlitpourSamueldansledortoir,maisilestnormalqu’unhommepartagesacoucheavec
safemme.Ellelefusilladuregard.—Vous…vousleuravezditquenousétionsmariés?—Jenepeuxvousfaireconfiance,ladyRiona,vousm’enavezdonnésuffisammentdepreuves,pas
plus que je ne peux vous laisser seule toute une nuit. Et pas question de vous présenter comme mamaîtresse,n’est-cepas?
Elleouvritlabouche,maisaucunsonn’ensortit.—Sicelapeutvousconsoler,lafemmedel’aubergistes’estmontréetrèscompatissantelorsqueje
luiairacontévotreaccidentprèsdelarivière.Ellem’apromisdevousapporterdesvêtementspropresetdelaverlesvôtres.
Des vêtements propres… Cette idée ressemblait au paradis ! Quelques jours plus tôt, elleconsidéraitlesbainsetlesvêtementscommeacquis.Etn’avait-ellepasdéjàdormidanslavoitureavecMcCallum?Enquoiétait-cedifférentdepartagersachambre?
Pourtant,ilyavaitunedifférence,etellelesavait.—Nousnedormironspasensembledanscelit,leprévint-elled’unevoixqu’elleneputempêcher
detrembler.McCallumprenaittouteslesdécisionssanselle.Ilfallaitbienqu’ellesedéfende.—Nous dormirons ensemble, répondit-il comme si sa parole faisait loi. Et je respecterai notre
engagement.Jenevousprendraipasavantnotremariage.Rionasentitsesjouess’empourprer,mêmesiellefrissonnaitdefroidsoussesvêtementsmouillés.—Jenevoudraispasquevousattrapiezlafièvre,ajouta-t-il.Oùenestcebain?Ilsortitdanslecouloirpourappeleruneservante,etRionas’efforçadenepascéderàlapanique.
Commentallait-elleselaver?Sielleavaitassezdecourage,elleessaieraitdes’échapper,mais…quiluiviendraitenaidedanscepetitvillagecontrelepuissantchefdesMcCallum,etoùirait-elle?
Elle était tout aussi prise aupiègequedans lavoiture.Lentement, son espoir et sapersévérances’évanouirent. Rien de ce qu’elle avait pu dire n’avait convaincu cet homme qu’il se trompait. Ellepouvaitessayerencore,biensûr,etrefuserdel’épouser.Elleignoraitcequipouvaitendécouler,maisellenevoyaitpasd’autressolutions.
McCallum déverrouilla la porte et la tint ouverte pour laisser entrer deux domestiques quitransportaientunebaignoire,bientôtsuiviesparunelenteprocessiondeseauxd’eauchaude.Trèsvite,unnuagede vapeur s’échappade la baignoire.Les serviettes étaient rêchesmais propres, et le savonnesentaitpasmauvais.
—Commentvotremaria-t-ilfaitpourperdrevotremalle?selamental’opulenteaubergiste.Riona préféra ne pas broncher face à cemensonge de peur queMcCallum ne l’enferme dans la
voiture froideethumidepour lanuit. Il luidécochauncoupd’œilconfiant,commes’il lisaitdanssespensées.
La femme déplia une chemise, des jupons et une robe ouverte lacée sur le devant, ainsi qu’unechemisedenuit,uneculotteetunechemised’homme,etdesbaspourtouslesdeux.
— Il m’a grassement payée pour tout ceci, dit-elle d’un air satisfait. Je reviens chercher vosvêtements,ajouta-t-elleenlesdévisageantd’unairàlafoisdégoûtéetcompatissant.Commentavez-vousfaitpourtomberdanslaSark?
—Les berges étaient boueuses, et j’ai glissé, expliqua Riona d’un air absent en contemplant labaignoireavecenvie.
—Oh!maisjedisdesbêtises!Dois-jeviderlabaignoireetlafaireremplirpourvousquandvotreépouseaurafini,lairdMcCallum?
Elleparaissaitinquiètedesaréponsemaisrésignéeàlesatisfaire.Ilsetournaverselle,aussigrandqu’unemontagnedanslapiècemaigrementmeublée.Ilparaissait
mêmeabsorbertoutelachaleurdelacheminée,songeaRionaavechumeur.—Non, jeme laverai lorsquemafemmeaura terminé,dit-il. Inutiledevousdonnerplusdemal,
madame.Elleluiadressaunsourirereconnaissant.—Danscecas,jevaismeretireretvouslaisserenprofiterjusqu’àcequel’eausoittiède.Ellesortitaussitôt,etlapiècefutsoudainplongéedansunsilencedigned’unenterrement.Seulle
crépitementdelatourbedanslacheminéeletroublait.Unefuméeâcremaispasdésagréableplanaitdansl’airlourd.
McCallumverrouillaostensiblementlaporte.—Jevousdemandederesterdanslecouloir, insistaRiona,soulagéedeconstaterquesavoixne
tremblaitplus.Ilroulalesyeuxaucielavantdesedirigerverslacheminée.Puisilôtasonmanteau,qu’ilsuspendit
au dossier d’un fauteuil face à l’âtre, avant de se défaire de songilet.Enfin, il tira sur sa chemise etdéboutonnasaculotte.
—Quefaites-vous?demanda-t-elled’untonbrusque.—Jefaisséchermesvêtements.Cettechemiseestassezlonguepournepasheurtervotrepudeur,
n’ayezcrainte.Ilretiraégalementsesbas,saculotteetsoncaleçon.Sachemiseluiarrivaitàmi-cuisse,etRiona
détournaprestementleregard,tandisqu’ils’asseyaitdevantlefeudecheminéeenpoussantunprofondsoupirde satisfaction.Hormis sachemise, il étaitnu.Rionaeutalors l’impressionque l’imagede seslonguesjambesnuesetmuscléesresteraitgravéeàtoutjamaisdanssamémoire.
Commentpouvait-elleespérerprendresonbainàlamercidesonregardappréciatif?— Je détournerai la tête, annonça-t-il.Mais faites vite, ma dame. J’aimerais quemon bain soit
encoretiède.Rionaétaittropsidéréepourparler.—J’aibesoinde faireappelàunebonne,dit-elleenfinensedirigeantvers laporte,carellene
pouvaitpasdélacerseulesarobe.Pourunhommedesastature,ilsedéplaçaàunevitessesurprenante.Ilatteignitlaporteavantelle.—Vousn’enferezrien.—Mais…Illafitpivotercommesielleétaitunepoupéedechiffonetcommençaàdélacersarobe.L’exercice
dutluiparaîtretroplong,carilmarmonna:—Mauditslacetsmouillés!Riona se mordit les lèvres et garda le silence. Chaque fois qu’il tirait sur les liens, elle avait
l’impressionqu’illuicaressaitlapeau.Jamaisellen’avaiteuuneconscienceaussiaiguëd’unepersonnesiprèsd’elle.Aucunhommenes’étaitàcepointapprochéd’elle.Ellesavaitqu’ellen’étaitpaslaide,mais Cat était une jeune fille pleine de vivacité et faisait de l’ombre à toutes les autres femmes qui
l’entouraient. Et puis, elle-même veillait sans cesse sur sa sœur, Bronwyn,même durant la saison, àLondres,pendantquesacousineparticipaitàdessoirées.
Mais aujourd’hui… cetHighlander était persuadé qu’il allait l’épouser. Il se croyait en droit deposerlesmainssurelleetdeladéshabiller.Toutenellevoulaitserebeller,maisc’étaitinutile,songea-t-elleensentantdeslarmesluibrûlerlespaupières.Dèsl’instantoùleslienssedéfirent,elletraversalapièceentenantsurellesoncorsage.
McCallumlacontemplaavecdesyeuxaussibrûlantsquedesbraises.Seslongscheveuxdétachéslui tombaientsur lesépaules.Ilavaitdespiedspuissantsetdesmainscalleusesdeguerrier.Ilpouvaitfaired’elletoutcequ’ilvoulait.Etait-cebienprudentdesedéshabillerdevantlui?
Ellesoutintsonregardunlongmomentetsentitquelquechosevibreraucreuxdesonventre.Elleavaitdumalàrespirer,nepouvaitpluscilleretneparvintàreprendresonsoufflequelorsqu’ildétournaleregard.
Ilsedirigeaverslacheminéeets’affaladansunfauteuil.—Jepensequenotremariageseraréussi,madame,dit-ilsanstournerlatête.Jepeuxdéjàsentirle
courantquipasseentrenous.—Entrenous,répéta-t-elleavecdédain.Vousvoustrompez.Jeneressensquedel’aversionetdela
colèreàvotreégard,riendeplus.Cettefoisilsetournaverselle,etelleaperçutsonprofil,sessourcilsépais,sonnezpuissantetsa
boucheferme.—Votrecolèrefaitbrillervosyeuxd’unfeuquejetrouvetrèsséduisant.Sachezquejesuiscapable
demaîtrisercetteflamme,madame.Puisilsedétournadenouveau.Rionaavaitenviedecrier,deniertoutenbloc,maisc’étaitlaréactionqu’ilrecherchait,etellene
voulaitpasluidonnercettesatisfaction.Surveillantsesmoindresgestes,elleôtasarobeetfitunbondpours’extrairedelamassedetissu,
avantderetirersesjuponspuissachemise.Elletremblaitàprésentmalgrélachaleurquirégnaitdanslapièce. Trébuchant dans sa hâte, elle enjamba le bord de la baignoire et s’assit dans l’eau. Mais,lorsqu’elles’aperçutqueleniveauluicouvraitàpeinelesseinsmêmeens’yenfonçantaumaximum,ellepestaentresesdents.
Dire qu’elle était nue, dans lamêmepièce qu’un hommequi voulait la forcer à l’épouser !Ellesaisitungantdetoilette,ydéposaunepetitequantitédesavonàl’odeurétrangeetcommençaàselaver.Lasensationd’avoirchaudetd’êtrepropreétaitmerveilleuse.Siseulementelleavaitpus’endélecter.Saufqu’elleavaitl’impressiond’êtreunlapintentantdepasseràpasfeutrésdevantunloupetrêvantdepouvoirdisparaîtreavantdesefairerepérer.
Peu lui importait que l’eau soit souillée. Elle renversa la tête en arrière pour se mouiller lescheveux,puiscommençaàleslaveravecdusavon.Sielleavaiteulechoix,ellelesauraitlavésencoreetencore,maisellen’avaitpasletemps.Heureusement,lesdomestiquesleuravaientlaisséunseaud’eaupropre,etelles’enservitpourlesrincer.Lorsquel’eauéclaboussalesol,McCallumtournalatêtesanscependantregarderdanssadirection.
—Negaspillezpasl’eau,mademoiselle!J’aibienl’intentiondel’utiliser.Rionasecontentadegrimacer,heureusequ’illuiaitpermisdeselaverlapremière.Finalement,ellesesentitaussiproprequepossible.Chezelle,unebonneseseraittenueàsescôtés,
prêteàl’envelopperdansd’épaissesservietteschaudes.Ilneluiseraitjamaisvenuàl’espritd’allerleschercher elle-même.Cette fois, elles étaient posées sur la table, et elle allait devoir sortir du bain etmouillerleplancherpourlesatteindre.Acetteidée,elleseblottitdanslabaignoire,sesentantstupideetindécise.
McCallumtournadenouveaulatêtelorsquelesclapotementsdel’eaucessèrent,etellelevitfixerlatableetlesserviettes.
—Pourquoinem’avez-vouspasditquevousaviezbesoind’aide?grommela-t-ilenselevant.Lesavonavaitlaisséquelquesbullesàlasurface,maispassuffisammentpourcachersoncorpsnu.
Rionaremontalesgenouxsurlapoitrine,s’offrantainsiunebienmaigreprotectionetespérantqu’illuiapporteraitlesserviettesendétournantlesyeux,commeungentleman.
MaisMcCallumn’étaitpasungentleman.Ilvintseplaceràcôtéd’elle,lesserviettesàlamainetlesyeuxbraquéssurelle.Sesprunellesgrises,d’ordinairesifroidesetimpassibles,semblaientscintilleràlalueurdesflammes.
—Celafaitlongtempsquejeconnaisvotreexistence,jeunefille,dit-ild’unevoixgraveetrauque.J’aifaitdeschosesstupidesenvoulantmerebellercontrenotredestincommun.Jemesuismêmedressécontremonpèreetjeluienaivoulud’avoirscellémonavenirsansmonconsentement.Jen’aijamaisétélibred’offrirautrechosequemoi-mêmeàunefemme.Mais,maintenantquejevousconnais,jesuistrèssatisfaitdumarchéquenosdeuxfamillesontconclu.Plusquesatisfait.Vousêtesénergiqueetintelligente,ladyRiona,qualitésque jevalorisegrandement chezuneépouse. Ilme tardequenous soyonsmariés,ajouta-t-ild’unevoixplusgraveetrocailleuse,maisilmetardeplusencorequenousvivionsnotrenuitdenoces.
Rionaramenadavantagelesgenouxcontreelle,envahied’unepaletted’émotionsétranges,allantdelafrustrationetdel’inquiétudeàunsentimentnouveau:ellesesentaitflattée.Maiscommentpouvait-elleêtre sensible aux éloges et aux attentionsd’unhommequi l’avait kidnappée et emmenéedans leNordcontresongré?
Asadécharge,ilcroyaitqu’elleétaitsapromiseetilenétaitheureux.Desoncôté,ellesesentaitstupideetsavaitque son troubleétaitdûà saméconnaissancedeshommes.Quelquesmots flatteurs etvoilàqu’ellesesentaitfondre!
—Jenevous épouserai pas,McCallum, répondit-elle en essayant d’oublier qu’elle était nue. Jevous le répète, vous vous êtes trompé de personne et, un jour ou l’autre, vous serez bien obligéd’accepterlavérité.
Ilcontinuadelafixerpendantunlongmomentd’unairindéchiffrable,puislescoinsdesaboucheserelevèrent.
—J’auraisdûajouterquevousétieztêtue.Ilposalesserviettessuruntabouretàcôtéd’elleetluitournaledos.Elleenenroulauneautourde
sescheveuxentremblant.Puiselleseleva,seséchaàlahâte,enjambaleborddelabaignoireetenfilasivitesachemisedenuitqueletissurestacolléauxpartiesdesoncorpsqu’elleavaitomisdesécher.
Mais aumoins, elle avait quelque chosepour couvrir sanudité.Si seulement elle avait pu avoiraussiunpeignoir!
—J’aiterminé,dit-elleens’approchantdufeu.Ilseleva,etellesesentitunefoisdeplusminusculeetsansdéfenseàcôtédelui.Elleauraitaimé
s’enfuircommeunesourisapeurée,maisellenelefitpas.Illuiavaitpromisdenepaslaforceravantleurmariage,etelleétaitprêteàfairedesonmieuxpourquecelan’arrivepas.
Ilpassadevantelleenlafrôlant,etelleallaprendresaplacedevantlacheminéeoùelleentrepritdesepeignerlescheveuxàl’aidedesesdoigts.Ellenetournapasla têteenentendant leclapotementdel’eau suivi d’un grognement de satisfaction.Ce bruit la fit frémir,mais ce n’était pas de peur.C’étaitcomme si son corps réagissait à la présence de McCallum d’une manière incontrôlable, etincompréhensible.
Il garda le silence un longmoment, et elle s’endormit presque en sentant la chaleur du feu et lebonheurdeporterdesvêtementspropresopérerleurmagie.
Soudain,sonestomacgargouillabruyamment,lafaisantgrimacer.
—Lesoupernevapastarderàarriver,ditMcCallum.Ellehochalatête.—Ilsembleraitquej’aieoubliéàmontourdeprendreuneserviette,ajouta-t-il.Elleauraitjuréavoirentenduunepointed’amusementdanssavoixmais,lorsqu’ellesetournavers
lui, l’expressiondesonvisageétaitaussi impassiblequ’àsonhabitude.Ellefut tentéede lui lancer laserviette,maisil luiavaitfait tropdefaveurscesoir-làpourqu’elleprennelerisquedeprovoquersacolère.Ellesaisitladernièreserviettesurlatableetlaluiapportaendétournantautantquepossibleleregard. Mais, à moins de passer par-dessus la baignoire et de tomber sur lui, elle fut contrainted’apercevoirunepartiedesongrandcorpsengoncédanslaminusculebaignoire.Ilavaitletorseetlesbrasd’unhommevigoureux.Outrelacicatricequiluibarraitlementon,elleenremarquad’autres.Ilnereleva pas les genoux comme elle l’avait fait, mais heureusement les bulles de savon dissimulaientefficacement lesparties immergéesde soncorps.Elle étaitpeut-être ignorante,maisquelquechoseenellesemblaitrépondreagréablementàsesformes,etellen’aimaitpaslefaitdenepouvoircontrôlerlespartieslesplusintimesdesonêtre.
—Merci,jeunefille,dit-ilenprenantlaserviette.Jevaisavoirbesoindevouspourmesécherledos.
RionanepritpaslapeinedeluirépondreetretournaverslacheminéepourcontinuerdesesécherlescheveuxàcôtédesvêtementshumidesdeMcCallum.Lorsqu’elleentenditfrapperàlaporte,ellefitlagrimaceenlevoyantallerouvrir,vêtuuniquementd’unelonguechemisepropre.Ilrenvoyalaservanteetapporta un plateau de nourriture sur la table. Elle contempla les côtelettes de mouton fumantes avecenvie.
Elle retourna sa chaise et s’assit en face de lui. Ils avaient l’air de deux personnes ordinairess’apprêtantàprendreleurrepas.Etait-ellecenséeleservir,commebeaucoupd’hommesdesonentourageattendraientd’unefemmequ’ellelefasse?Maisilluitendituneassiettepleinedenavets,decarottesetdeviandeetattenditpolimentqu’ellecommenceàmanger,cequil’étonna.
Voyantqu’ilcontinuaitdel’observerdeprès,ellefronçalessourcils.—Quelquechosenevapas?demanda-t-elle.—Laviandeestbonne.Vousl’aimez?—Elleestacceptable.En toute honnêteté, elle était délicieuse, surtout après cinq journées passées à prendre des repas
froidsoudesalimentsroussisparlefeu.—VousverrezladifférencequandvousgoûterezauxplatsdeMmeWallace.Autrefois,elleétaitla
cuisinièredeLarig,maisaujourd’huijepensequ’elledoitêtrelagouvernanteduchâteau.Riona ne répondit rien. Elle n’avait pas l’intention de rester très longtemps à Larig.McCallum
finiraitparaccepterlavérité.Pendantplusieursminutes,ilsmangèrentensilence,etellesecontentadesavourerlachaleurdufeu
danslacheminéeetlebonheurd’êtrepropre.Puisellesongeaqu’ilétaitseulavecelle,etqu’elletenaitpeut-êtrelàl’occasiondedécouvrirdesinformationsdontellepourraitseservirpourl’amadouer.Elleavaittoutefoisdumalàsemontrerpolieetconcilianteaprèstoutcequ’illuiavaitfaitsubir.
— Vous avez dit, commença-t-elle d’une voix prudente, que vous êtes au courant depuis trèslongtempsdececontratdemariage.Vousnevousêtespasrebellé?
Ilavalaunebouchéedenourritureavantdeplongersonregarddanslesien.—Jen’avaispastreizeansquandmonpèrem’aexpliquéquelétaitmonavenir.Jenel’aipasbien
pris.—Qu’avez-vousfait?—Toutcequiétaitenmonpouvoirpourpeinermafamille.
Ildétournalesyeuxetcontemplalonguementlefeu.Sesorbitesparaissaientcaverneusessoussesépaissourcilsetlesombresprojetéesparlesflammes.
—Jemesuisexprimé,j’aiadoptéuneattitudeprovocante.J’aifait l’inversedecequemonpèreattendaitdemoi.Et,commelamoitiédutempsilétaitsoûlcommeunegrive,mesactesnel’affectèrentpasautantquelaréputationdemamèreetdemasœur.
—Vousavezunesœur?—Maggie.Ilnesouritpas,maissavoixs’adoucit.—Elleabeaucoupplussouffertquemoi,maisc’estàelledevousenparler.—Votremèren’apassouffertd’êtremariéeàunivrogne?Ilbraquadenouveausesprunellesfroidessurelle.—Jen’aipasditcela.Ellenem’ajamaisparlédecequisepassaitdansl’intimitédeleurchambre.
Maiselleatoujoursétélâchepourcequiestdemonpère,etmasœuretmoienavonssouffert.Rionaseraidit.— Je ne connais pas votre famillemais, d’après ce que vousm’avez dit, un chef de clan est un
hommepuissant.Iladroitdevieoudemortsurseshommes.Danscesconditions,quepouvaitfairevotremèrecontrelui?
—Nevousméprenezpassurmespropos.Elleafiniparagir.Lorsquej’aieuquinzeans,ellenousaemmenés,Maggieetmoi,loindeLarig.NoussommesallésvivreprèsdesafamilleàEdimbourg.Celam’aempêchédefaireplusdesottises.
—J’aiplutôtl’impressionqu’ellevousaprotégésd’unpèrealcoolique.—Elleauraitpusauverbienplusquemajeunesse,maiscelan’aplusd’importance.—Pourtant,jesensenvousunecertainerancœur.Ilneréponditpasetsecontentadecontinueràmanger,commeindifférentàsespropos.Maiselle
décelaitenluiunecertainefragilité,àprésent,etvoyaitunhommeaffectéparsesémotionsàl’égarddesa famille, un homme qui se sentait coupable des actes qu’il avait commis pendant sa jeunesse.Malheureusement,elleignoraitcomplètementcommentutilisercelacontrelui.
—Combiendetempsavez-vousvécudanslafamilledevotremère?—Troisans,jusqu’àcequelesoulèvementfassedemoiunhomme.—Vousavezparticipéàlarébelliondesjacobites?demanda-t-elle,consternée.—Larébellion?s’étrangla-t-il.VousparlezvraimentcommeuneAnglaise!Rionasesentitrougirviolemment,maisn’ajoutarien.—VousavezvécuenAngleterre,et jenepeuxpasvousenvouloirpour leschoixdevotrepère.
L’Angleterredoitaccepterquenousn’oubliionspasquiestnotrevéritableroi.LeRoiau-delàdelamerméritenotresoutien.
—IlneserajamaisroideGrande-Bretagne,McCallum.C’estdumoinscequeditmonpère.—Votrepère,cethommesipromptàtenirsesengagements?fit-ild’unairméprisant.—Vousparlezdemononcle,commejenecessedevouslerépéter.Ilgrognadoucement.—Monpèreestsonplusjeunefrère.Mais,quoiqu’ilensoit,ilsparlentsouventdel’inutilitédese
dressercontrelaCouronne.JamesStuartneseraitjamaisroi:ilestcatholique.Ilneseraplusaccepté,maintenantquesoncousinGeorgeestmontésurletrône.
—Celaneveutriendire.Depuisl’Acted’union,ilestévidentquel’Angleterreveutnousasservir.Malgréleurspromesses,lesAnglaisontrefusédefaireuneplaceauxnoblesécossaisàlaChambredeslords.Nosimpôtsontaugmenté,notreConseilaétéaboli.Nousavonsététrahis.
—Maisvousnepouvezpasleverunearméeassezimportante.Nel’avez-vouspascomprisdepuislabatailledeSheriffmuiretvotrevainetentativedemarchersurlenorddel’Angleterre?
—LecomtedeMarn’étaitpasunbonchef.NousétionsdouzemilleàPerth,prêtsàmarcherverslesud, et il nous a demandé d’attendre et d’attendre encore. Les hommes ont déserté par manque dediscipline. Nous étions supérieurs en nombre lorsque nous avons rencontré le duc d’Argyll et sespartisans.Etnousavonsétévictorieux.
—Argylln’a-t-ilpas,luiaussi,clamésavictoire?J’aientendudirequ’ilyaeubeaucoupdemortsdanslesdeuxcamps,etquerienn’aétédécidé.
LabouchedeMcCallumétaitdéforméeparlacolère,maisellecontinua:—Vousétiezsijeune.Avez-vousétéblessé?Ilignorasaquestion.— J’étais peut-être jeune,mais je sais que notre victoire aurait pu être concluante siMar avait
engagétoutesonarmée.Maisilnel’apasfait,etsavictoireaétévaine,puisquerienn’enestsorti.Jen’ai pas pume joindre à ceux qui ont marché sur l’Angleterre et qui se sont battus à Preston. Cettebatailles’estsoldéeparunedéfaite.Mêmelorsquenotrevrairoiadébarquésurnoscôtes,ilétaittroptard.
—J’aientendudirequ’ilétaitmaladeetqu’ilestrepartiauboutd’unmois.McCallumneditrien,rompantunboutdepaincommes’ildépeçaitunennemi.—Sivousn’avezpasmarchésurl’Angleterre,c’estquevousétiezblessé?Sic’est lecas,vous
avezeudelachance.Vousauriezpuêtrecapturé.— Je n’ai pas eu tellement de chance. J’ai dû rester à Larig tout le printemps pour ma
convalescence.J’aicrupouvoiraméliorermesrelationsavecmonpère,maisellesn’ontfaitqu’empirer.Ilregardafixementlesflammes.Lesombresquidansaientsursonvisageluidonnaientunairsévère
etmenaçant,commesilessouvenirsdecetété-làétaientterribles.MaisRionan’étaitpasprêteàtenterlediable,pascesoir.
—Vousn’êtesdoncrestéavecvotrepèrequelapremièremoitiédel’année,après larébellion?Qu’avez-vousfaitensuite?
Sesprunellesacéréesseposèrentdenouveausurelle.—Pourunepersonnequiveutmefairecroirequemesprojetsconcernant leclanne l’intéressent
pas,vousposezbeaucoupdequestions.L’estomacdeRionasenoua,etelles’adossacontresachaise,l’appétitcoupé.—Jemanifesteunesimplecuriositéetj’essaiedefairepasserletemps.Préférez-vousquejereste
assiseensilence?— Au moins, je n’aurais pas de doutes sur vos intentions, dit-il en repoussant son assiette.
Finissons-en.Nousdevonsnouslevertôtdemainmatin.Allonsnouscoucher.Rionasavaitquecemomentfiniraitpararriver,etsestentativesdésespéréesdemieuxleconnaître
n’étaientpeut-êtrequ’unefaçonderepousserl’inévitable.Ellelorgnaverslelitenessayantdecachersapeur,peurquinefaisaitquerévélersavulnérabilité.
—Jevousaipromisdene jamaisvous forcerà fairequelquechosequevousn’êtespasprêteàfaire,luirappela-t-ilsèchement.Jenereviensjamaissurmespromesses.
Elle ne sut quoi répondre. Ses promesses l’avaient conduit à faire d’elle sa prisonnière, et elleignoraitquelleenétaitlafiabilité.Maisellesegardabiendeleluidire.
—Jedormiraidevantlacheminée,déclara-t-elle.—Vousn’enferezrien.Vousaveztoutautantbesoinquemoid’unebonnenuitdesommeil.Montez
danscelit!Elle se leva alors, les dents serrées. Elle avait envie de refuser, de s’opposer à lui,mais il lui
suffiraitdelapoussersurlelit,delamaintenir,peut-êtremême…Non,ilnefallaitpasqu’unetellechoseseproduise.
Ellepréféradonctournerlestalonsetgagnerlelitavantdesefaufilersouslesdrapsetderemonterle couvre-lit sous son menton. Elle aurait aimé pouvoir protester, affirmer qu’il n’y avait passuffisammentdeplacepourluietqu’ellerisquaitdetomberdulit.
Ilsedirigeaverslacheminée,posauneautrebriquedetourbeentraversetdisposadenouveausesvêtementspourlesfairesécher.Aprèsavoirsoufflélabougiesurlatable,ilvintlarejoindre.Alalueurdes flammes, son corps projetait une ombre immense dans la pièce. Le cœur de Riona battait à toutrompre, si fort qu’il devait l’entendre. Peut-être aurait-elle dû insister pour que Samuel partage leurchambre. Elle avait besoin de la protection d’une tierce personne. Si jamais elle criait, Samuell’entendrait,mais…sedresserait-ilcontresonchef?
McCallum s’assit au bord du lit, et le matelas s’enfonça sous son poids. Elle se recroquevillaaussitôt.Ilsecouchasurlecôté,luitournantledos.Elleattenditencontemplantseslargesépaulesetlecouvre-litqu’ilavaitpassésoussonbras.
—Allez-vousenfinvousallonger,demanda-t-ild’untonexaspéré,ouallez-vousresterassisetoutelanuit?
Trèslentement,elleposalatêtesurl’oreiller,lecorpstendu,commeprêteàbondiràtoutmoment.Mais rien ne se passa, à l’exception de la respiration deMcCallum qui s’était approfondie. Allait-ilvraimentlalaisserdormir?
Chapitre5
Hughmit longtemps à trouver le sommeil, contrairement à Riona qu’il avait finalement réussi àconvaincredesonhonnêteté.Soussoncorpsmenu,lematelass’enfonçaitàpeine,maisilavaitsentilemomentoùelleavaitcessédelutterets’étaitendormie.Acemoment-là,sapropretensions’étaitunpeuapaisée.Enécoutantsonsoufflerégulier,ilavaitessayéd’imaginersonavenir,unefoisquelepiredececonflitseraitderrièreeux.Sesentirait-ilenpaix, lorsqu’ilviendraitsecoucherentoutelégitimitéprèsd’elle?Trouverait-ilunmoyendelaconvaincrequ’ilpouvaitfaireunmaritrèshonorable?Oubiensonpasséviendrait-ils’interposerentreeux?
Ilavaiteuunsentimentétrangeenparlantdecequ’ilavaitfaitpendantsajeunesseavecuneautrepersonne,surtoutaveccellequiallaitdevenirsafemme.Ilavaitgardébeaucoupdechosespourlui,cequipouvaits’avéreruneerreur:ellepourraitlesentendredelabouchedeshommesdesonclan.Maisilnevoulaitpasl’effrayerplusqu’ellenel’étaitdéjà.
Ilparvintàdormir,etprofondément,cequiétaitrarechezlui.Ilfutréveilléparledouxcontactd’unbraschaudsursonflancetlapeaunueetsoyeusedesjambesdeRionaemmêléesauxsiennes.Ilouvritlesyeuxetdécouvritque,pendantlanuit,elles’étaitblottiecontreluietavaitnichélatêteaucreuxdesonépaule.Sescheveuxformaientcommeunecouverturesursontorseetsonbras,etelleavaitdûelleaussiavoirchaud,cardansleursommeililsavaienttousdeuxrejetélesdrapsjusqu’àlataille.
Iln’avaitpasencoreeuleloisird’observersachemisedenuit,carRionan’avaiteudecessedelefusiller du regard. Il avait donc passé la soirée à éviter de poser les yeux plus bas que son cou.Heureusement,lespectacledesonvisagecaptivantl’avaitaidé.
Maismaintenant, il pouvait la contempler à loisir, dumoins ses seins et, comme il n’était qu’unhomme,cefutcequ’il fit. Ilsentait leurrondeurcontreson torse, ladoucepressiondesapoitrinequimontait et descendait. Sa chemise de nuit était coincée sous elle et tendait le tissu à tel point qu’ildistinguaitvaguementsonmamelon.Ilseretintdelecaresser,deluidonnerleplaisirqui,illesavait,luiferaitcomprendrequeleurmariageseraitréussi.
Sauf qu’elle ne comprendrait pas son intention. Il serra donc le poing sous le couvre-lit pourcontrôler ses ardeurs. Il resta immobile, attentif aux pépiements des oiseaux qui s’éveillaient avantl’aube,puisils’assoupit,plusheureuxetdétenduqu’ilnel’avaitétédepuistrès,trèslongtemps.
Il la sentit s’étirer avantde l’entendre.Elle s’arc-bouta lentement contre lui, et il ferma lesyeuxpour ne pas la coucher sous lui et s’installer entre ses jambes, comme il le désirait tant. Ses cuissesbougèrentcontrelessiennes,sapeaunuepresséecontrelasienne.Sondouxgémissementensommeilléluifitregrettertouslesmoisquis’étaientécoulésdepuisqu’ilavaitpartagépourladernièrefoislacouched’unefemme.
Puisellerepritsesespritsetsefigea.Ilfitalorssemblantdedormir,mêmes’ilavaitdumalàresterimmobile,alorsquelarespirationdeRionas’étaitaccéléréeetquesesseinss’agitaientcontreluicommeunecaresse.
Elleseredressalentementsuruncoude,etsacheveluresedéployaautourd’ellecommel’éventaild’unecourtisane.Ilregrettaaussitôtdeneplussentircecontact,maisellenes’écartapascomplètementdelui.Quefaisait-elle?
Ilfinitparsouleverlespaupièresetvitqu’ellel’étudiaitd’unairméfiant.Puiselleouvritpeuàpeudegrandsyeux.
—Vousnevouslassezpasdemeregarder,jeunefille?Ilsavaitquecen’étaitpaslachoseàdire,maiscefutplusfortquelui.Elleessayadelerepousserengrognant.—Commentosez-vous!Lâchez-moioujecrie!Ils’emparadesesbrasquibattaientl’air.—Çasuffit.Jen’airienfait.Ilmesembleavoirdormidemoncôté.C’estcertainementvotrecorps
quivousatrahie.Elle gémit, et il la lâcha puis pivota pour se lever. Il s’étira voluptueusement avec l’impression
d’êtrebienreposépourlapremièrefoisdepuisdesjours.Iljetaalorsunregardpar-dessussonépaule:Rionaavaitdenouveautirélecouvre-litsoussonmentonetleregardaitd’unairmauvais.
—J’aibesoind’unpeud’intimité,insista-t-elle.—DèsqueSamuelseralà,jevousendonnerai.Enattendant,jevousdemanded’êtrepatiente.Il ouvrit la porte et découvrit une pile de vêtements propres. Il les apporta dans la chambre et
s’habilla.Ilavaitàpeinefiniquequelqu’unfrappa.—Entrez!lança-t-il.—McCallum!s’écriaRionad’unairoutréenramenantlecouvre-litsoussonnez.Ill’ignora.Samuelentraalorsdanslapièceetécarquillalesyeuxfaceaujolispectaclequ’offraitRionadans
lelit.—Heu…bonjour.Lepetitdéjeunerserabientôtservi.—Parfait, ditHugh. Pouvez-vous rester de l’autre côté de la porte pendant que j’organise notre
départetqueRionas’habille?—Biensûr.Samuelsemblaitimpatientdequitterlachambre,etHughsecoualatête.Lorsqu’ilsortitàsontour
danslecouloir,ilentenditquelquechoseheurterviolemmentlaportederrièrelui.—Avez-vouscouchéavecelle?demandaSamuel.—Non,maisjen’avaispasenviededormirparterre.J’aitrèsbiendormietelleaussi,jepense,ce
quiexpliqueenpartiesacolère.—J’aivulabaignoire…—J’aitournéledospendantqu’elleselavait,commeungentleman.Et,lorsquecefutmontour,ce
futrafraîchissant.—Jesupposequecebainétaitlebienvenu.—Oui,et…trèsédifiant.
***
RetournerdanslavoiturefutpourRionaaussiterriblequecequ’elleavaitimaginé.Lesbleusquesonpéniblevoyage avait provoqués semblaient s’être étendus et nepouvaient qu’empirer, tout commel’état des routes dans lesLowlands.La femmede l’aubergiste lui avait gentiment donné un cerceau à
broder,dutissuetdufilpourqu’ellepuisses’occuper,maislachausséeétait tropaccidentéepourunetelleactivité.McCallumavaitdégagéunpeupluslafenêtre,sibienqu’ellepouvaitaumoinsregarderlepaysage.
Ilssuivirentpendantplusieursjoursunevalléeoùcoulaitunfleuve.Departetd’autres’étendaientdes collines,dont certaines étaient brunes et dépourvues d’arbres à leur sommet.La nuit, les hommesdormaientdansdescouverturesprèsdufeutandisqu’ellerestaitàl’intérieur,allongéesurlabanquetteinconfortablemaisausec.
Lesvoituressefaisaient raresàprésent,et ilsdevaientsouventserangersur lecôtépour laisserpasserdescaravanesdebêtesdesommequiallaientverslesud,endirectiondesmarchésenAngleterre.Unefois,ilscroisèrentuntroupeaudevachesécossaiseshirsutesquiflânaientsurlarouteetrechignèrentàsepousser.
Lorsque McCallum montait avec elle dans la voiture, il essayait d’éveiller son intérêt pour lacampagne qu’ils traversaient. Il lui parla des bienfaits des eaux thermales de Moffat ou des ruinesromainesd’Abington.Même si unepartie d’elle-mêmeavait envied’en savoir plus sur sonpays, elles’efforçaitdefeindrel’indifférence.Maisenréalité,elleétaitsurtoutscandaliséeparlafaçondontelles’était abandonnée dans son sommeil et dont elle s’était blottie contre lui, oubliant qu’il était sonravisseur.Soncorpsl’avaittrahie,etelleavaittellementpeurquecelasereproduisequ’ellen’osapasluidemanderdetrouveruneautreauberge,malgrélapluiequinecessaitdetomber.Samueletluiprirentdes tours de garde en semouillant jusqu’aux os, tandis qu’ils l’emmenaient toujours plus loin vers lenord.
Rionas’ennuyait tellementqu’ellesesurprità ressasser lessouvenirsdecettenuitd’intimité, lesjambesnuesdeMcCallumcontrelessiennes,lesentimentdesécuritéqu’elleavaitressentidanssesbraslorsqu’elle s’était réveillée et que les images de son enlèvement ne lui étaient pas encore revenues àl’esprit.Ensécurité?Ildevaitbienyavoirquelqu’uncensélaprotégerdeshommescommelui,maiselleavait perdu tout espoir que quiconque soit à sa recherche et vienne la secourir. Elle ne pouvait pluscompterquesurelle-mêmeetsursonpouvoirdepersuasion.Ilfallaitqu’elletrouvelemoyendeluifaireaccepterlavérité.
IlsarrivèrentàGlasgow,unportdepêche,dotéd’uneuniversitéquiremontaitauXVesiècle,commele lui rappela fièrement McCallum. Le bourg était devenu une plaque tournante entre les coloniesaméricaines et le reste de l’Europe. Il regorgeait d’étrangers et d’Anglais,maisMcCallumn’était pasassezstupidepourypasserlanuit.
—Vousauriezcertainementessayédejouerdevoscharmesauprèsdecespauvreshommes,luidit-ilenlavoyantregardertristementparlafenêtreverslesbâtimentsquidisparaissaientderrièreeux.
Aumoins, ils s’étaient arrêtés pour acheter desprovisions,maisMcCallumne leur laissapas letempsde faire laver leursvêtements.Plus ilsavançaientvers lenord,verschez lui, etplus sonespritsemblaitenéveil.
Cette régionaurait aussidûêtre sonpays.Les terresde leurs clansétaient limitrophes.Mais sesparentsl’enavaientdélibérémenttenueéloignée,etellenepouvaitpassedépartirdusentimentd’êtreuneintruse,uneétrangère,uneAnglaise.
Ilsempruntèrentbientôtunsentieràbestiauxaunord-estdeGlasgowendirectiondeStirling,oùlepaysageétaitaussinuquefascinant.Ilstraversèrentdeskilomètresdeterrescultivéesetvallonnéesquilaissèrentplaceàunsolaridedelandesetdetourbièresd’uneétrangebeauté.Rionanecessaitd’enêtreintriguée.C’étaitlaterredesonpeuple.Onluiavaittoujoursditàquelpointelleétaitsauvageetcruelle.Sauvage,ellel’étaitcertainement,maismagnifiqueaussi,àsamanière.McCallumluiparladenouveaude l’histoire de l’Ecosse et du second mur construit tout près par les Romains, mur qui ressemblaitbeaucoupàceluiquimarquaitlafrontièreavecl’Angleterre,saufquecelui-ciavaitétéérigépournepaslaisserentrerleshommesdesHighlands.
A plusieurs reprises, elle aperçut les ruines d’un château sur une colline. Les pauvres chevauxpeinaientà tirer lavoiturepourgravir lescols,et ilsmontèrent lentement jusqu’àunsommetdebassealtitude, avec la vallée étalée devant eux en direction de Stirling. Elle fut alors contrainte d’écouterMcCallumluiparleravecfiertédelaville.
—Lesarméesd’antandevaienttenirStirlingpourenvahirlesHighlands.L’undesancienschâteauxdesroisd’Ecossesetrouveici.Etc’esticiaussiquesetrouvemonécurieprivée.
Cettenouvellelasurprittellementqu’ellesedétournadelafenêtrepourleregarderd’unairatterré.—Comment?—Nousnepourronspasallerplusloinenvoiture.Sademeureétaitdoncsi isoléequ’unevoiturenepouvait l’atteindre?Ellegrognaenfermant les
yeux,aveclesentimentdepartirauboutdumonde.— Un ami m’a écrit d’Inverness, continua McCallum. La première diligence est arrivée là-bas
l’annéedernièreseulement.Toutelavilleestsortiepourlavoir!Rionasecontentadeleregarder,horrifiée.Dansquelpaysallait-elle?Bientôt, le château de Stirling se dressa devant eux, surplombant la vallée sur son promontoire
rocheux. Riona vitMcCallum se rembrunir. Elle connaissait suffisamment l’histoire de l’Ecosse poursavoirquelesjacobitesavaientessayéavecsuccèsdeprendrelechâteaupendantlarébellion.Yétait-il?Avait-ildéfendulechâteaudesonroicontrelesAnglais?Peuluiimportait,aufond…Sonseulsouciétaitcequi l’attendaitau-delàdeStirlingetdel’intimidantebarrièredemontagnesaunord-ouest,verslaquelleilssedirigeaient.
Malgré son souhait, ils ne passèrent pas la nuit dans une auberge. McCallum disposait d’unechambreau-dessusdesonécurie,sommairementmeubléedelits,decoffresetd’unetable.Samuel,trèsembarrassé,dormitdanslamêmepiècequ’eux.Rionasefichaitpresquedecedétail.Elleétaitépuisée,tant physiquement que moralement. Pas étonnant que ses parents ne l’aient jamais emmenée dans lesHighlands!
Asagrandesurprise,McCallumrestaàStirlingunesecondenuitafind’acheterdesprovisionspourleur voyage. Samuel ne la quitta pas d’une semelle, et elle passa une grande partie de la journée àsomnoler dans son lit.McCallumenmanifesta de l’inquiétude,mais elle lui assuraqu’elle n’était pasmaladeet appréciait seulementdepouvoirdormir sansêtrebringuebaléede tous les côtés, à telpointqu’illuiétaitarrivéplusieursfoisdetombersurleplancherdelavoiture.
A l’aube, elle chevauchait une jument à travers la vallée, en direction de la ligne sombre desmontagnesquis’élevaientauloin,menaçantes.Larouteserésumaitàunsimplesentieràbestiaux,envahiparlabruyèreetlesajoncs.Parfois,quelqueshêtresoupinspoussaientdemanièreéparseaupieddescollines.Elleavançait,encadréeparlesdeuxhommes.Unebêtedesommefermaitlamarche.RionanepouvaitquesuivreSamuelsurl’étroitchemindeterrequiserpentaitets’enfonçaittoujoursplusloindanslesHighlands.Pourquoiavait-ellel’impressionqu’ellen’enpartiraitjamais?
AprèsunejournéedelentvoyageoùilssuivirentdetempsentempslarivièreTeithà travers lescollines,ilscampèrentàl’extérieurduvillagedeCallanderparunefraîchenuitd’été.Lelendemain,leurvoyagelesamenalelongdulochLubnaig,oùlesforêtsdepinsarrivaientpresquejusqu’auxbergesdulac.LesommetnudesmontagnesévoquaitàRionaledosd’animauxàbosses.Ellecrutqu’ilsallaientmonterjusqu’auxsommetsenneigésdeBenLedimais,àsongrandsoulagement,lesentierbifurquapoursuivrelelacpuisuneautrerivière,avantdes’orienter,àl’ouest,versunevalléequidébouchaitsurlelochVoil,unautrelacmagnifique,nichéaucreuxdesmontagnes.
L’après-miditouchaitàsafinquandRionademandaàfaireunepause,maisMcCalluminsistapourqu’ilscontinuentleurcheminlelongdulac.Ilsfranchirentunnouveaucol.Ellen’avaitpasvraimenthâtede découvrir l’endroit où elle allait vivre temporairement.Les rares villages qu’ils avaient traversés,composés de baraques aux toits de chaume et auxmurs en pierre, ne lui avaient pas laissé beaucoup
d’espoirs. Elle souhaitait juste queMcCallum ne lui fasse pas partager son cottage avec une vache,commecertainshabitantsdesHighlandslefaisaient.
Elle était sur le point de lui demander de nouveau de s’arrêter lorsqu’ils prirent un virage.Unepremière tourcarrées’élevasoudaind’entre lesarbres,soussesyeuxébahis.Toutenhaut,desgardesétaient postés sur les remparts. Ils atteignirent le sommet d’une colline où s’élevait un grand châteausurplombantlavallée.Laforteresseétaitlongueetlarge,sesmursenpierrefarouchementdresséscontreles envahisseurs.A l’entrée, la guérite était solidement gardée.D’autres tours carrées s’élevaient hautversleciel.
McCalluml’observaitd’unaircondescendantetamusé,commes’ilavaitludanssespenséesetvului-mêmelesinistrecottagequ’elles’attendaitàdécouvrir.
Ellelevalementonsansfairedecommentaires,maiselleétaitimpressionnée.Tout autour d’eux, sur les flancs des collines, des vaches noires et laineuses paissaient. En
contrebas, elle distingua au loin des champs agglutinés autour d’un village.Mais le château dominaitl’horizonetrivalisait,dansleurmajesté,aveclesmontagnes.
Comme ils approchaient de la guérite, les gardes, vêtus d’un kilt noir et rouge, jambes nues, sedressèrentpourleurbarrerlechemin.Surprise,RionasetournaversMcCallum,dontl’expressionétaitrestée neutre, tandis qu’il s’exprimait en gaélique. Elle crut l’entendre décliner son nom, ce qui lachoqua.Devait-ilseprésenteràsonproprepeuple?Oubienluiavait-ilmentisursonidentitépendanttoutcetemps?
Samuel se contentait d’attendre patiemment, comme s’il n’avait aucune inquiétude. Bientôt,l’expressiondesgardeschangea.Ilsôtèrentleurschapeaux,l’airdécontenancé.L’und’euxlesfitentrer,et Riona observa attentivement la herse aux pointes aiguisées destinées à barrer l’entrée desenvahisseurs.AcôtédeMcCallum,elleavaitl’impressiond’êtreelle-mêmeunenvahisseur,alorsqu’enréalitéelleétaituneprisonnièredeguerre,guerrequisévissaitentrelesMcCallumetlesDuffdepuisdessiècles.
Danslacour,desdizainesdepersonnesallaientetvenaiententrelagrandetourdequatreétagesetlesautressallesetbaraquementscreusésdans lesépaismursduchâteau.Poulesetcanardscirculaientlibrement,poursuivispardesenfantsquilevèrentàpeinelesyeuxverseux.Rionaaperçutunearchequiconduisaitversuneautrecour.
Lesgardesavaientdûsepasserlemotquantàl’identitédeleurhôte,carilss’étaientrassemblésaumilieudelacouretlesattendaient.Deshommesarrivèrentaussiencourant,équipésdeclaymoresetdeboucliers,commes’ilsavaientinterrompuleurentraînement.
Elleessayad’interrogerSamuel,maisil luidemandadesetaire.Puisunegrandedoubleporteenboiss’ouvritaurez-de-chausséedelatourprincipale,etunhommeensortit,accueillipardesmurmuresétouffés.
— C’est Dermot McCallum, le tanist, expliqua Samuel à voix basse. Il a été désigné commesuccesseur de Hugh lorsque ce dernier a été choisi pour être le chef de notre clan. C’est lui qui luisuccédera,sijamaisilmeurtsanshéritiers.C’estsoncousin.IlaprislatêteduclandepuislamortdupèredeHugh,ilyaquelquesmois.
L’hommedescenditlesmarches.Ilétaitgrandetmince,maisRionacompritqu’ilnefallaitpassefieràl’apparencetrompeusedesacarrure.ElleavaitdéjàvudeshommesporterlaperruqueenEcosse,maisluiavançaitnu-tête,lescheveuxtirésenarrière.Sonplaidétaitméticuleusementnouéautourdesataille et drapé par-dessus son épaule où scintillait une broche. Il s’approcha deMcCallum, toujoursmontésursoncheval,commes’ilcommandaitleshommesrassemblésdevantlui.Cequiétaitlecas.
DermottapotanonchalammentlecouduchevalenregardantMcCallum,quis’adressad’abordàluiengaélique,puisluidésignaRiona.
—Jesuisrevenuavecmapromisepourdemeurerparmivous,poursuivit-ilenanglais,etprendrelaplacequimerevientdedroitauseinduclan.Tuasfaitdubontravail,Dermot,etj’apprécielafaçondonttuasprissoindemonpeuple.
—Denotrepeuple,corrigeaDermotd’unevoixfroide.NoussommestousdesMcCallum,n’est-cepas?
Quelqu’un poussa une acclamation qui ne reçut aucun écho. Riona regagna un peu d’espoir.McCallumn’étaitpaslechefinvinciblequ’ilaffirmaitêtre.Manifestement,Dermotn’approuvaitpasunlairdpartidepuissi longtemps.Maisellenefitpas l’erreurdecrierqu’elleavaitétékidnappée,cettefois.Ilexistaitdelongueshistoiresdeguerresdeclansquis’étaientrésoluesavecl’aided’unefiancéeréticente.SiellevoulaitgagnerlesoutiendesMcCallum,ellenepouvaitques’efforcerderassemblerleclanautourdesonchef.
Avecunpeudepatienceetdepersuasion,elletrouveraitpeut-êtreunmoyendegagnersaliberté,songea-t-elleensetournantversDermot.
Chapitre6
HughaccompagnaDermotdanslagrandesalle,rongeantsonfrein.Sapatiencevenaitd’êtremiseàrudeépreuve.Aprèslamortdesonpère,ilavaitétééluchef,mêmes’iln’étaitpasphysiquementprésentàLarigCastle.IlavaitcorresponduavecDermotetsupposaitquetoutsepasseraitbien,maislafroideurdesonaccueill’irritait.Soncousinavait-ilcruqu’ilpourraitdirigerentoutelibertéleclanpendantdesmoisoudesannées?
Lagrandesalleétaitcommedanssessouvenirs.Ensetournant,ilaperçutRiona,lesyeuxrondsdesurprise, qui contemplait les hauts plafonds à poutres apparentes, les armures et les armes du clanaccrochées au mur, ainsi que les tapisseries anciennes qui relataient l’histoire des McCallum. Lespréparatifspourledînerétaientencours,etdesservantesdressaientlestablessurdestréteaux.
Sonpère entrait autrefoisdans cettepièce à lamanièred’un roi. Il prenait place sur l’estrade etattendait que ses gentilshommes viennent solliciter ses faveurs ou lui fassent leur rapport.MaisHughn’avaitpasl’intentiondesecomportercommesonpère.Ilgagneraitsonautoriténonparlapeur,maisensefaisantrespecterdeseshommesetdeshabitantsdesademeure.
Aussitôt, on se rassembla autour de lui et, si l’air affable deDermot sonnait faux, beaucoup dejeuneshommesarboraientdessouriresdebienvenue.ToutenétudiantRiona,deboutàsescôtés,ilsluiposèrentunemultitudedequestionsenanglaisetluidemandèrentcommentleschosess’étaientpasséespour lui à Londres et à Edimbourg pendant toutes ces années. Riona tendait l’oreille. Tout ce qui sepassaitdepuisleurarrivéeéveillaitmanifestementsacuriosité.
Illevalesmainspourréclamerlesilence.—Assez,assez,nousaurons tout le tempsdeparlerpendant ledîner.Ma fiancéeabesoindese
rafraîchir,toutcommeSamueletmoi.— Vos chambres sont prêtes depuis des jours, laird McCallum, annonça Mme Wallace en se
précipitantversluiavecungrandsourire.Sesyeuxbrillaientsoussacoiffeendentelle.—Jesuisheureusedevoussavoirderetourpourdebon,ajouta-t-elle.Hughavaitconsciencedeshommesquimurmuraientdanslasalleunpeuplusloin.Lesplusvieuxse
souvenaient des comportements puérils de sa jeunesse et avaient certainement des doutes sur sescapacités à être leur chef. Quant aux événements qui avaient dû transpirer pendant sa convalescence,alorsqu’ilseremettaitdesblessuresreçuesàlabatailledeSheriffmuir…Ilsn’avaientpasdûlesoubliernonplus,mêmesilajeunefemmeétaitmortedepuispresquedixans.
MmeWallacese tournaversRiona, levisageouvertet souriant.Sielleavaitdes inquiétudessurl’installationd’uneDuffàLarigCastle,ellen’enmontrarien.
—MadameWallace,dit-il d’un ton solennel, jevousprésente ladyCatrionaDuff, quideviendrabientôtmafemme.
Lagouvernante fitunecourte révérence.Riona lasaluad’unsignede têtehésitant,maisHugh futsoulagédenepas l’entendreprotester. Ils’étaitdemandésiRionaneclameraitpas lanouvelledesonenlèvementdèsleurarrivéeauchâteau,maisjusqu’àprésentelleétaitrestéediscrète.Peut-êtreavait-ellefini par accepter l’inéluctabilité de leur mariage ? Ce changement s’était peut-être produit lorsqu’ilss’étaient réveillés à l’auberge dans lemême lit, après s’être si naturellement tournés l’un vers l’autredansleursommeil.
Maisimpossibledesavoircequ’ellepensait:sonbeauvisagerestaithermétique.—LairdMcCallum,ladyCatriona,suivez-moi,lesinvitaMmeWallaceenleurmontrantlechemin.
Ceseralapremièrefoisquevouslogerezdanslesappartementsduchef,ajouta-t-elleavecuncoupd’œilpar-dessussonépaule.
Ilsempruntèrentl’escalierencolimaçonquipartaitdelatourcarréeaufonddelagrandesalle.Audeuxièmeétage,uncouloircentraldesservaitunesériedechambres.Ladernièreoccupaituneextrémitéde la tour et était composée de plusieurs pièces qui donnaient sur la cour et les jardins, englobantégalement toute la vallée de Balquhidder où était niché le loch Voil. Hugh alla se poster près de lafenêtre.Lorsquelesoleilbrillait,lelacscintillaitdemillefeuxcommeunjoyauaufonddelavallée.
MmeWallace désigna d’un large geste le lambris sombre qui couvrait lesmurs, comme dans laplupart des chambres du château.Elle parla àRiona des tableaux représentant des paysages écossais,maisHughn’yprêtaqu’uneoreilledistraite.Legrandlitàbaldaquin,avecsesrideauxauxcouleursdutartan desMcCallum, occupait une place prépondérante contre l’un desmurs.Une imposante armoirecôtoyaituncoffreàtiroirs, tandisqueplusieurscoffreséquipésdecouvercless’alignaientlelongd’unmur.Ilavaitvusonpèrerédigersacorrespondancesur lesecrétaire installéàcôtéde la fenêtre,et laperruque du vieil homme trônait encore sur la commode. Il fit la grimace. Il ne supportait pas lesperruques,étouffantesetinconfortables,malgrélamodequisévissait.
MmeWallaceconduisitensuiteRionadanslesalonoùsesparentsrecevaientautrefois leursamisproches,puisdanslachambredelamaîtresseduchâteau.Illasuivitmaisrestasurleseuil,absorbéparlevisageexpressifdeRionaquivenaitdedécouvrirlesmurslambrisséslégèrementcolorésetledélicatmobilierdestylefrançais.Aulieud’unlitàbaldaquin,lapiècecontenaitunlitclosencastrédanslemurdu fond et des tentures en tartan.Elle contenait également un élégant secrétaire ainsi qu’une coiffeusesurmontéed’unmiroirpivotant.Samèrenevoulaitriend’autrequecequ’ilyavaitdemieux,sesouvint-ilensentantmonterlaboufféed’amertumequil’envahissaitchaquefoisqu’ilpensaitàelle.Aumoins,cettepièceneseraitpluslasienne,désormais.
Riona posa la main sur la baignoire qui l’attendait déjà devant la cheminée. Elle paraissait…soulagée.
—JevouslaisseàvotrebainetauxbonssoinsdeMmeWallace,dit-il.Elleleregardalonguement,maissecontentadehocherlatête.—Sivousavezbesoindequoiquecesoit,voussavezoùmetrouver.
***
Riona regarda la porte se fermer sans un mot, se demandant si McCallum allait vraiment luiaccordercetteintimitéqu’ellen’avaitpasconnuependantdeuxsemaines.MmeWallacel’observaaveccuriositéquelquesinstants,puissedirigeaversl’armoireetl’ouvrit.
—Vous trouverezun large choixdevêtements ici, ladyCatriona, dit-elle. Il faudra en reprendrecertains,maislesautres,grâceàleurslacets,épouserontàmerveillevotrebellesilhouette.
—Vousavez remarquéque j’étaisarrivéesansmapropregarde-robe,commentaRionaavecunepointed’amertume.
— Je sais que le voyage est long depuis l’Angleterre, ma dame, reprit MmeWallace d’un airaimable.Vousaviezoubliéàquelpointnousétionsisolésici,danslesHighlands?
—Jenemesouviensplusdutoutdel’Ecosse,avouaRiona.Mesparentsensontpartisquandj’étaistrèsjeune.
—EtilsvousontélevéecommeuneAnglaise,àentendrevotreaccent,conclutMmeWallaceavecunclappementdelanguedésapprobateur.
Maissonsourirerevinttrèsvite.—Cen’estpasvotrefaute,madame.Vousêtesderetouràprésentet,bientôt,vousvousrendrez
comptequevousêtesl’unedesnôtres.—Je…jenesuispasl’unedesvôtres,murmuraRiona.Maisavantqu’ellepuisseendireplusquelqu’unfrappaàlaporte,etundéfilédeservantesarriva
avecdesseauxd’eaufumante.MmeWallace luiproposade resterpour l’aideràse laver,maisRionan’avait pas été seule depuis si longtemps qu’elle s’excusa auprès de la gouvernante, qui semblacomprendresarequête.
Dansunmerveilleuxsilence,ellepoussaunlongsoupiretsedirigeaverslafenêtre.Encontrebassetrouvait la cour qui grouillait de monde. Au-delà des remparts, le loch Voil brillait dans toute sasplendeur et apportait sérénité et paix aupaysage.End’autres circonstances, elle aurait admiré un telpanorama, mais aujourd’hui ? Elle était prisonnière, et cette jolie scène aurait aussi bien pu être untableau,carellenepourraitpasenprofiter.Certes,ellen’étaitpasenferméedanssachambre,cependantc’était tout comme.Elle serait accompagnéeà chacunde sesdéplacements etn’avaitpersonne surquicompter.McCallumfaisaitlaloisurcetteterre,oùilreprésentaitàlafoisl’ordreetlajustice.Sedressercontreluirevenaitàprendred’énormesrisques.
MmeWallace s’était montrée si aimable avec elle qu’elle avait failli commettre l’erreur de luiparlerdesonenlèvement.Maisaurait-ceétébiensage?LagouvernantehabitaitdanscechâteaudepuisqueMcCallumétaittoutpetit.ElleettouslesautresserangeraientsansaucundoutedesoncôtécontreuneDuff.Bontédivine,ilétaitmêmeprobablequecettefemmesoitapparentéeauxMcCallum!
Elle-mêmeétaituneétrangère,pratiquementuneAnglaiseauxyeuxduclan.Elledevaitfairepreuvedefinesseetattendresonheure.DermotMcCallumneparaissaitpastrèsheureuxderevoirsoncousin.Peut-êtrequ’ellepourraitleconvaincredel’erreurcommisesursapersonne.Ilfallaitqu’elleensacheplussurluietqu’elledécouvres’ilétaitlegenred’hommecapabled’entendreobjectivementsonhistoireetd’affronterMcCallumavecelle.
Satisfaite de ceplan,même fragile, elle commença à dénouer son corsage, ôta le plastronqui lecouvraitetlaissasarobeglisserausol.Celle-ciétaittellementtachéeparleurvoyagequ’ellenevoulaitpassouillerlesfauteuilsoulelitenlaposantdessus.Elleretiraensuitesesjuponspuissachemise.Elles’enfonçaalorsdanslabaignoireavecungrognementdeplaisir.Personnen’avaitbesoindepasseraprèselle.Personnen’étaitlàpourlapresser,laregarder,l’énerveretlafairerougir.
Elle se lava enprenant tout son temps, les yeuxmi-clos.Lentement, elle laissa l’eau et le savonnettoyersapeau.
—J’ignoraisquejeseraisdenouveauunhommechanceux.Elle lâchasongantde toiletteenpoussantuncri.L’eau luiéclaboussa levisage,etellecrachota
pour s’endébarrasser.McCallum se tenait debout sur le seuil de la chambre, les yeuxplissés et l’airsatisfait.
—Vous…vous…ceciestmachambre!protesta-t-elle.SijamaisMmeWallacevoustrouveici…—Quefera-t-elledonc,àvotreavis,sijamaisellemetrouvedansmesappartements?Quepouvait-ellefairecontrecela,hormissesentirfurieuse,exaspéréeetimpuissante?
Ils’avançaverselle,etelleplongeaplusprofondémentdanslebain,sachantqu’ellenepouvaitpasvraimentsecacherdelui.Unefoisencore,elleramenalesgenouxcontrelapoitrine.McCallumrestaunlongmomentàlaregarder.Ellesavaitqu’ilpouvaitfairetoutcequ’ilvoulaitd’elle,etquepersonneneviendraitl’enempêcher.Maisilsedétournaetallas’asseoirdansunfauteuilprèsdelacheminée,d’oùilnepouvaitpluslavoir.
Elle en ressentit un petit pincement de déception et fut horrifiée de le constater. Pour cacher saconfusion,elleinsista:
—Jedevraisavoirmaproprechambre,séparéedelavôtre.—Et pourquoi cela ? Nous sommes promis l’un à l’autre depuis notre naissance. Bientôt, nous
serons mariés. En Ecosse, il suffit de formuler ses vœux devant un témoin pour que le mariage soitprononcé.
—Jenemesuisengagéeàrien,etilnepeutpasyavoirdemariagecontremavolonté!Ilnerelevapasetcontinuadelaregarderavecunairdeprofondesatisfaction.—Vousallezattraperfroidsivousnesortezpasdevotrebain,dit-ilenfinàvoixbasse.Cesvieux
mursnousempêchentdeprofiterdelachaleurdel’été.—Danscecas,jevousinviteàvousenaller.Sesproposluifirentpenseràceuxd’unevieillefilleguindée.McCallumcroisalesjambes,manifestementprêtàattendrequ’elleselève.Mais…ilneluiavait
jamaisimposédeforcelamoindreintimitéetl’avaitlaisséepartiralorsqu’ilétaitseulavecelledansunlit.Mêmesisesparolesfaisaientloidanscechâteau,il luiapparaissaitcommeunhommedotédesonproprecodede l’honneur,mêmesiellene l’approuvaitpas.Elleétaitvouéeàdevenirsa femme,et ilétaitprêtàattendrepatiemmentqu’elleformuledélibérémentsesvœux.
S’ilvoulaitjoueràcepetitjeuavecelle,laprovoqueretlamettremalàl’aise,ellepouvaitenfairedemême.Ilméritaitderessentirquelquesfrustrations,toutcommeelle!Lesachanttroploinpourqu’ilpuisse voir sa nudité, elle renversa la tête pour semouiller les cheveux, puis saisit le savonpour leslaver.
Il continua de l’observer d’un œil plus impassible que satisfait. Riona était heureuse d’être enmesure de le troubler,même s’il s’efforçaitmanifestement de cacher ses émotions. Elle ressentit unenouvellesatisfactionlorsqu’ildétournaleregard.
—Jevoulaisvousdemanderpourquoivousn’avezpasditdevantleclanquejevousavaisforcéeàmesuivre,dit-il.
Ellepassalentementlesmainsdanssescheveuxsavonneux,commesielleavaitbesoinderéfléchirlonguement à la question. Elle le regarda à la dérobée, sans trop savoir ce qu’elle recherchait. Il neparaissaitpastroptroubléparlamanièreaudacieusedontelleselavait.
—Jenesuispasenpositionde force, répondit-elleenfin. Jeneconnaispersonne ici.Quiauraitenviedemecroireoudem’aider?Pourtant…j’ail’impressionquevous-mêmevousnevoussentezpastellementàl’aiseici,bienqu’ils’agissedevotrefoyer.Alors,sivousnevoulezpasquejedisequevousêtesunkidnappeur, j’aimeraisquevousmeparliezunpeudevoserreursde jeunesse,avantquevotremèrevousemmèneloind’ici.J’aimeraissavoircommentleschosesontpudégénérerentrevotrepèreetvous,aupointd’entraînervotredépart,etcommentvousavezfiniàLondres.J’aientenduvoshommesledire.
—Jevoustrouvebiencurieusepourunefemmeseuleetdansunesituationaussidélicate!—Croyez-moi, je sais ceque c’est qued’êtredansune situationdélicate.C’est ainsi que jevis
depuisdeuxsemaines,n’est-cepas?Vousm’avezterroriséeetobligéeàtraverseravecvouslepayspourme mêler à un conflit auquel je suis totalement étrangère. Mais j’ai également quelques pouvoirs etj’exigedesréponses!
—Unefemmequimepromettraitdedevenirmonépousemériteraitdetellesréponses.
—Pourquoiunefemmeaccepterait-ellededevenirvotreépousesansconnaîtrepréalablementcesréponses?
—Vousvoilàdansuneimpasse.Ilselevaetvintseplacerjusteàcôtédelabaignoire.Lesbullesdesavondissimulaientsoncorps,
maisneformaientpasuneréelleprotection.Pourtant,elleenavaitassezdemontrersapeur.EllepréféracarrerlesépaulesetleverlesyeuxverslesprunellesfroidesdeMcCallum.
Ilsoulevaleseaud’eaupropreetletintau-dessusdesatête.—McCallum…—Penchez la tête en arrière.Vous n’avez certainement pas envie de recevoir du savondans les
yeux.—McCallum…!Mais il ne retint pas son geste. Elle poussa un petit cri et pencha la tête en arrière. Son regard
furieuxcroisasesyeuxamuséstandisquel’eaucoulaitsursescheveux.Ellelevitalors ladétailleretcompritquel’eaunerinçaitpasseulementlesavondesescheveux,maisdécouvraitégalementsoncorps.
Ellecachasesseins.—Finissons-en!s’écria-t-elle.Ilobtempéra.Elleinclinaalorslatêteetfermalesyeuxmais,sachantqu’ilpouvaitdenouveause
repaîtredesanudité,ellelesrouvritbrusquement.McCallumsetenaitàgenouxàcôtédelabaignoire.Elleclignadespaupièrespourchasserl’eauquiluidégoulinaitsurlevisage.
—Vousavezpeut-être le sentimentd’avoirquelquespouvoirs ici, dit-il d’unevoix rauque,maisvousêtessousmacoupe.Vouspouvezfairedeschosesdéplaisantessiçavouschante,jesurvivrai,carjesuis lemaître de ces lieux. Je connais les termes du contrat qui nous lie et je sais à quel point notremariage est important. Nombreux sont ceux quim’applaudiraient pour avoir pris les choses enmain,lorsquevotrepèreaessayédemetrahir.
Ellenecherchaplusàluirépéterqu’ils’agissaitdesononcle:ilnel’écouteraitpas.Ellesesentaitincapabledeparler,happéeparl’intensitédesonregardetsaproximité,ainsiqueparsapassionpoursonclan.Jamaispersonnen’avaitétécapabledelafairepasserenunesecondedelacolèreaudésespoir,avantd’éveillersacuriosité.Ellen’aimaitpascesentimentdeneplussecontrôleretdeselancertêtebaisséedansunequerelle.McCallumavaitraison.Ilspouvaientsemarierlesoirmêmeet,franchement,pouvait-elleserefuseràluisitelleétaitsadécision?Ilsecontenteraitprobablementdeprendrecequ’ilvoulait!
Elle frémit,mais pas à cause de l’eau qui refroidissait. Elle venait de comprendre avec horreurqu’ilexistaitquelquechosedepuissantentreeux,quelquechosequil’émoustillait,rendaitexcitantslesrisques qu’il avait pris pour l’enlever. Elle venait de découvrir en elle un lieu dont elle ignoraitl’existence.Unefolie,maisaussiunefaiblesse.
—Vousêtesétrangementsilencieuse,jeunefille,murmura-t-il.Sonregardglissanonchalammentdesonvisageàsesseins,dontladoucecourbedépassaitdel’eau
savonneuse.Rionasentitaussitôtsapeausehérisser,devenirextrêmementsensibleetmêmebrûlante.—Jen’aipasfinidem’opposeràvous,dit-elleenfin.Ellegrimaçaenentendantsavoixhachéeetrauque.UnsourirenarquoisétiraleslèvresdeMcCallum.Ilpritsonvisageencoupeetlelevaverslesien.
Elleseraiditensentantavecdésarroisespaumeschaudesseposersidoucementsursapeau,maisellene recula pas, comme si, par cette absence de réaction, elle s’avouait vaincue et redoutait ce qu’ilpourraitluifaire…etcequ’ellepourraitressentir.
Ilsepenchaau-dessusdelabaignoireetl’embrassa,seservantdesesmainspourlaguiderversseslèvres.Ellevoulaitluimontrerquesonbaisernel’affectaitenrien,quecegestenesignifiaitrienpourelle. Mais ses lèvres étaient douces et chaudes sur les siennes, légèrement entrouvertes, comme s’il
voulaitlagoûter.Aucunhommenel’avaitjamaisembrassée…Ellesesentitprisedevertige;unedoucesensationenvahitsoncorps,sepropageaàsesseins,aucreuxdesonventre,entresescuisses,commes’ilétaitentraindecaressersespartieslesplusintimes.
Lorsqu’il suivit le contour de ses lèvres dubout de la langue, elle sursauta et se jeta en arrière,surprise.Ilneritpas,secontentantdel’observerdesesyeuxgrisdevenusconsidérablementpluschauds.Ilgardalamainsursonvisageetcaressalonguementsajoueduboutdupouce.
—Notrepremierbaiseresttrèsprometteurpourl’avenir,dit-il.Sonregardglissadenouveausursapoitrine,etelleseraidit.Avecunlégersourire,illalâchaetse
leva.—Séchez-vous,maintenant!Nousdevonsnousentretenirdecertaineschoses.Ilnedevaitpass’agirdusujetdontelleauraitaiméparler,maisellepréféranepasdiscuter.Illui
tournaledosetsedirigeaverslafenêtre,tandisqu’elleseséchaitàlahâteetenfilaitlasortiedebainqueMmeWallace avait disposée pour elle. Elle essaya d’oublier la sensation de ses lèvres sur lessiennesetlamanièredontelles’étaitsentie…excitée,alorsqu’elleauraitdûenéprouverdelapeuroududégoût.Catluiavaitditqu’unefemmepouvaitêtresubmergéeparsesémotionslorsqu’ellepartageaitdes moments d’intimité avec un homme, mais elle n’avait pas compris de quoi sa cousine parlait.Aujourd’hui, elle le comprenait et en ressentait une nouvelle forme de peur : celle de ses propresréactionsetdesesréponsesfaceàl’immenseforcedepersuasiondeMcCallum.
—Venezprèsdufeupourséchervoscheveux,dit-il.Elleserralesdentsmaisobéit.Cettefois,elledisposaitd’unpeignequ’ellepassalentementdans
sesmèchesemmêlées,laissantlachaleurlasécheretl’apaiser.—Ainsi,vousnem’avezpasaccuséd’êtreunkidnappeurparcequevoussavezquevousêtesune
Duffperdueaumilieud’unemaréedeMcCallum.Ellepoussauncrid’indignationmaisneditrien.—Jepréfèrequemonclannesachepasquelecomteavoulunoustrahirenrompantlecontrat.Je
n’enparleraidoncpas.—Dois-jevousremercierdenepasfairepassermononclepouruntraître?—S’ilssavaientquevotrepèreaessayéderevenirsursaparole,ilseraitbienplusqu’untraîtreà
leursyeux.Certains réclameraientà juste titredes représailles, et jen’aipasenviequenosanciennesquerellesreprennent.Jeveuxquemonmariagemarqueledébutd’unenouvelleère,uneèredepaix.
Sansréfléchir,ellefaillitdire«notremariage»uniquementpourlecontrarier,maisellecompritcequ’ilvoulaitdire.
—Maintenantquenoussommesd’accordpourgarderlesilencesurlesvéritablescirconstancesdenotrerencontre…,continua-t-il.
Elleéclatad’unriresansjoie.—Rencontre?Commesinousnousétionsvuspourlapremièrefoisdansunesalledebal?Ilignorasonintervention.—… Je suggère que nous disions que nous nous sommes rencontrés lorsque je suis venu vous
chercherpourvousamenerenEcosse.Exactementcommej’enavaisl’intentionavantquevotrepère…—Jesais,jesais…Trèsbien,nousnousentiendronsàvotreversion.Nousavonsétéprésentés,et
toutemafamilleaétéd’accordpoursedébarrasserdemoienmelaissantpartiravecunparfaitétranger.Elle leregardaà traverssesmèchesdecheveuxqu’ellecoiffaitavecsoin.Ilneparaissaitpasen
colère,cequilasurprit.Ilfouilladanslapochedesonmanteauetensortitquelquechose,délicatementenveloppédansuntissuauxcouleursdutartandesonclan.
—Jevousaiapportéunprésent.LeprésentquiétaitdestinéàCat…Elleposadoucementlepeignesursesgenouxencontemplantle
paquet.
Illeluitendit,etellehésitaunpeuavantdeleprendre.Letartans’ouvritsurunepetiteboîteenboisfinement décorée et qui paraissait ancienne. A l’intérieur se trouvait un collier qui scintilla sous lesrayonsdusoleilcouchant.
—Cebijouappartientàmafamilledepuisdenombreusesgénérations.Ilaétéfabriquéici,avecdesperlesprovenantdesrivièresécossaisesetdesaméthystesdenossols,ainsiquedel’orissudenoscoursd’eau.
Ilsemblaittrèsfierdesonhéritage,héritagequesafamilleàelleavaitmépriséetrenié.Toutcelaétaittrès…troublant,etétrange.Lecollierétaitvraimentbeau,cependant,ellehésitaitàporterquelquechosequireprésentaitleclanMcCallum.
—Jecroyaisquelesdotsserésumaientàdubétail,dit-ellesuruntonvolontairementméprisant.Ilréponditcommes’iln’avaitpascomprisl’insulte.—Nospèresontpréférés’entendresurdesterres.—N’oubliezpasl’argentquemononcleauraitmisdanscemariage!Ilselevapuisordonna,ensedirigeantverslaportedusalon:—Vousporterezcecolliercesoir.Ilneregardapasderrièrelui,commes’iln’admettaitpasderefus,puisfermalaporte.Ellerestaquelquesinstantsimmobile,àcontemplerlecollierétalésursesgenoux,avecsesperles
nacrées et ses améthystes aussi claires que du cristal. Il n’était pas ostentatoiremais témoignait de larichesseduclanparlepassé.LesMcCallumneparaissaientpaspauvresàcepointmais,s’ilsavaientattenduavecempressement sa fabuleusedot—ouplutôtcelledeCat—,c’étaitqu’ilsétaientdans lebesoin.Pourtant,ilsnepouvaientplusespérerrecevoircettedot.Lecontratseraitrompu.Ilsperdraientégalement leurs terres, notamment celles qui leur permettaient de produire leur précieux whisky.McCallum ne voulait pas accepter la vérité et il allait finir par en pâtir. Mais elle ne le plaindraitsûrementpas!Leshommescivilisésnerésolvaientpasleursproblèmesenkidnappantdesfemmes.
Elles’adossaàsonfauteuiletessayad’imaginerCat,enlevéeaubeaumilieudelanuitetemmenéedeforceà travers lepays.Sicettedernièreavaitétéaucourantdececontratdemariage,elle l’auraitpeut-êtreaccepté,toutenressentantladouleurdesonimpuissance.Catsesentaitplusécossaisequ’elle-même, car elle était la fille d’un comte écossais.Elle avait visité plusieurs fois leurs terres avec sonfrère,Owen,l’héritierdutitre,etelleparlaittoujoursdelabeautésauvagedel’Ecosse.Maistoutesdeuxcroyaientqu’ellesépouseraientunAnglais…
Sespenséeslugubresfurentinterrompuespardespetitscoupsfrappésàlaportequidonnaitsurlecouloir.Elleserrasasortiedebainautourd’elle,sedirigeaverslebattantetl’ouvritpourlaisserentrerMmeWallace,accompagnéed’unejeunefemmequ’ellepoussadevantelle.
—LadyCatriona, je sais que les dames bien nées ont leur propre bonne, c’est pourquoi je suisvenueavecMary,manièce,quidésiretravaillerauchâteau.Ilyasurtoutdeshommesici,maisjepensequ’envousservantellepourraitserendreutileetapprendreunechoseoudeux.
—Merci,madameWallace,réponditRiona,surprise.Bonjour,Mary.Lajeunefillenelevapaslesyeux,secontentantdehocherlatêteenmurmurant:—Bonjour,madame.Elleportaitunerobetrèssimpleavecuntablieretunepetitecharlotteposéesursesbouclesbrunes
qu’elle avait nouées tant bien que mal au bas de sa nuque. Elle était fine, mais ses mains rouges etrugueusestémoignaientdeladuretédeseslabeursetdelaforcenécessairepourlesaccomplir.
MmeWallacetapadanssesmains,etsaniècefitunbond.—Bien,affaireconclue!dit-elle.Jevousaideraipendantunjouroudeux,etnouspourronsainsi
apprendreànotreMarytoutcequ’elleabesoindesavoirpourvousservir.Elleouvritlesportesdel’armoireetsortitlapremièrerobe.—Maryestbonnecouturière,précisa-t-elle,cequivousrendracertainementbiendesservices.
Elles passèrent quelque temps à choisir sa tenue pour son premier dîner avec le clan. La robe,marron foncé,mettait bien en valeur le vert de ses yeux, déclaraMmeWallace. Son plastron crème,rehaussé par les lacets, et ses jolies fleurs brodées rappelaient le beau jupon apparent sous sa jupeouverte.Aprèsdeux semaines sansporterde corset,Rionaéprouvaunecertainegêneà sentir sa cagethoraciquesiétroitementserrée.Lasensationétaitdérangeantemaisfamilière,commesielleredevenaitelle-mêmepourabandonnersonstatutdeprisonnière.
Envoyantlecollier,MmeWallacepoussadescrisd’admirationetl’accrochafièrementautourducoudeRiona.Maislepoidsdubijounefitqueluirappelertouslesespoirsauxquelselleallaitdevoirrenoncer.
Assise devant la coiffeuse, elle se regarda dans lemiroir, tandis queMmeWallace coiffait sescheveuxenchignon,laissantquelquesmècheséparsesluicaresserlanuque.Savied’antann’existaitdéjàplus.Qu’ellesemarieounon,ellenepourraitjamaisplusêtreconsidéréecommeunefiancéepotentielle,innocenteetvierge.Aucunhommenevoudraitplusd’elleàprésent…Acettepensée,ellesentitsagorgeseserrer.
— Allez-vous revenir à nos anciennes coutumes pour le début de votre mariage ? demandaMmeWallaceenlacoiffant.
—Jevousdemandepardon?fitRionaenfronçantlessourcils.—Vousêtes ici,dans lesappartementsduchef. Jesuisaucourantpour lecontrat,biensûr,mais
vousnevousconnaissezpas.Vousallezpeut-êtrevousfianceretvivreensemblependantunanavantdeprendre une décision et vous assurer que vous pouvez avoir des enfants ensemble. Tout le mondecomprendra.
Rionadutfairedegroseffortspourempêchersamâchoiredetomber.Mêmesicettefemmesemblaitaniméedebonnesintentionsàsonégard,ellenepouvaitluidévoilersessentiments.PersonneneseraitjamaisvéritablementsonamiàLarigCastle.
McCalluml’avaitinstalléedanssesappartementscommesielleétaitdéjàsafemme.Avait-ilprévucetteformedefiançaillesdepuislongtemps?Avait-ill’intentiondevenircettenuitdanssachambrepourlafairesienne?Danscecas,leurbaiserétaitsansaucundouteunpréludeàcequil’attendait.
Chapitre7
Tandisqu’ilmettaitsonplaid,Hughsongeaqu’ilavaitfaitlebonchoix.IlfallaitqueRionacesseses enfantillages et qu’elle accepte ses devoirs de femme.Elle ne pouvait pas changer l’accord entreleursdeuxfamilles,commelui-mêmen’avaitpulefaireàdix-neufans,alorsqu’ildésiraitdésespérémentprendreuneautreépouse.
Ilétaitprêtàbienlatraiteretàluifairecomprendrequeleurmariagepouvaitêtreréussi.L’amourn’étaitpaslesentimentrecherchélorsdesmariagesarrangés.Enrevanche,ilpouvaityavoirdurespectetdelacompréhensionentreeux.
Ilatteindraitcetobjectif.EmbrasserRionacontresavolontéétait-illemeilleurmoyend’arriveràsesfins?Ill’ignorait,mais
ilavait testéles limitesdesacapacitéàsecontrôlerenrestantprèsd’ellependantqu’elleprenaitsonbain—encoreunefois.Ilauraitdûs’attendreàcequ’ilallaittrouver,sachantqu’ellesepréparaitpourle repasdusoiraprèsun longvoyage.Mais ilétait tellementoccupéà réfléchirauxquestionsqueseshommes lui poseraient qu’il avait négligé tout le reste. Il s’était précipité dans sa chambre et l’avaitdécouvertedenouveaunue,mouillée,etterriblementséduisante.Ilavaitessuyésacolèreetsesinsulteset l’avaitadmiréepourcela,d’autantqu’elleétait seuleàLarigCastle, sanspersonnepourveiller surelle.
Maiscebaiser…Manifestement,elleétaitinnocente.Pourtant,elleluiavaitréponduavecunetellepromptitude!Ses
lèvres étaient douces et humides, et leur goût lui avait paru extrêmement exotique. Il avait presquetrembléenessayantdesecontenir,alorsqu’ildésiraitsifortapprofondirsonbaiser,explorersabouche,découvriretattisersondésir.
Peut-êtrevalait-ilmieuxqu’il se trempedenouveaudans labaignoire,maintenantque l’eauétaitfroide.
Il ferma la broche qui retenait son plaid sur son épaule et se dirigea vers le salon pour allerchercherRiona:tousdeuxaffronteraientalorssonpeuple,qu’ilavaitàpeinevudepuisdixans.
***
RionafaisaitlescentpasdanssachambreenattendantMcCallum.Cen’étaitpasàelled’allerverslui,maisàluidevenirlachercher.Ilavaitprévudel’utiliserpourrenforcerlesliensavecsonclan,maisellesavaitquecelan’arriveraitjamais.D’unefaçonoud’uneautre,elleluiferaitcomprendreque…
Elleentendit soudainunpetit coup frappéà laportedecommunicationavec le salon.Unepartied’ellevoulaitmettreunoreillersursa têtepournepas l’entendreet laisserHughdescendresanselle,
l’humiliercommeelles’étaitsentiehumiliéequandMmeWallaceluiavaitparlédeleursfiançaillesàlamodeécossaise.Maiscelanel’auraitpasincitéàenvisagerlasuitedifféremment.Ellel’invitadoncàentrer.
Ils’arrêtasurleseuiletlaregarda,commeelle-mêmelefit.Ilportaitleplaiddesonclan,plisséetnouéautourdelataille.Unlongpanétaitdéployéenbiaissursontorseetépingléàsavesteauniveaudel’épaule.Ilportaitdeschaussettesécossaisesquimontaientjusqu’auxgenouxetdeschaussuresencuir.CertainsAnglaispensaientquelecostumedesHighlandsétaitridicule,maispaselle.McCallumavaitdebelles jambes, bien faites, et semblait fier d’arborer les couleurs de son clan. Il ne portait pas deperruqueetavaittirésescheveuxsombresenunequeue-de-chevalbasse.Ellenefutpassurprisequ’ilprennelecontre-pieddelamode.Cethommefaisaitcequ’ilvoulait,etelleétaitlamieuxplacéepourlesavoir.
Ill’étudialonguement,etsonregardmanifestanonseulementsafiertéetsasatisfactionmaisaussidu désir, oui, du désir pour elle. Gênée et confuse, elle détourna les yeux. Il lui avait volé sa vie.Comment osait-il se comporter comme si elle pouvait l’accepter facilement, comme s’il avait dessentimentspourellealorsqu’iln’avaitfaitquel’utiliser?
Maisquellevieavait-elleauparavant?murmurainsidieusementunepetitevoixdanssatête.Làn’étaitpaslaquestion.Ellevoulaitfairesespropreschoix.Ellen’avaitjamaisvraimentprisde
décisions,endehorsdulivrequ’elleallaitlireàBronwynetdel’airqu’elleallaitjouersursonépinette.Sesparentsluiavaienttoujoursditqu’ellepourraitdonnersonavisquantauchoixdesonmari…unjour.Et chaque année, « un jour » devenait l’année suivante, puis l’année d’après. Elle avait l’impressiond’avoirpassélesplusbellesannéesdesavieauchevetd’unemalade,oscillantentrelapitiéetl’amourqu’elleressentaitpoursasœur,etlatristesseetlafrustrationdemeneruneviedeconfinement.Certes,elleavaitétéautoriséeàaccompagnerCatàcertainsdînersouconcerts,maisn’avaitjamaiseulalibertéd’ypassertoutelasoirée,carsesparentsprétendaientqueBronwynavaitbesoind’ellepours’endormir.
Pourtant,Bronwynétaitsuffisammentenbonnesantépourvoyagersur lecontinent,etRionaavaitbonespoirqu’à leur retourceseraità son tourdeparticiperpleinementà la saisonqui sedéroulaitàLondres.Samèreleluiavaitpromisetluiavaitditsouslesceaudelaconfidenceavantsondépartqu’ilétaittempsqu’ellepuissesedétendreaprèstoutescesannéespasséesauchevetdesasœur.Rionacroyaitplutôt, assez cyniquement, qu’elle était jalouse de la proximité qui les unissait et qu’elle avaitdélibérémentfaitlechoixdenepasl’emmeneraveceuxenEurope.
Maiscetteviequ’elleimaginaitmenerplustardn’avaitplusd’importanceàprésent.Aunmomentouàunautre,McCallumfiniraitparcomprendresonerreuretparaccepterlefaitqu’ils’étaittrompédefiancée.Etcejour-là,toussesplansseraientruinés.
—Ainsi,vousportezunplaid,dit-elle.—LesfemmesdesHighlandsaimentserepaîtredesjambesnuesdeleurshommes…Ellelevalesyeuxauciel.—Vousêtesunebellefemme,Riona.Ilavait fait lechoixd’abandonner le titrehonorifiquede« lady»quand ilsétaientseuls,etcette
intimitél’irritaitauplushautpoint.Elleneserésoudraitjamaisàl’appeler«Hugh»,celaneferaitquejouerensafaveur.
Elle posa la main sur son bras en silence et se laissa conduire dans le couloir. Il s’engagea lepremierdans l’escalierencolimaçon,ainsique levoulait l’usagechez lesgentlemen. Il secomportaitcommetel,celanefaisaitaucundoute.
Tandis qu’ils descendaient, le bruit en provenance de la grande salle ne fit qu’augmenter. Desconversations,desrires,dessonsdecornemuses,letoutformantunejoyeusecacophonie.
—Voustremblez,dit-illorsqu’ilsarrivèrentsouslavoûteenpierre,àl’entréedelasalle.
Il posa la main sur la sienne mais, au lieu de l’apaiser, ce geste eut pour effet d’accroître sonsentimentd’impuissancefaceàsaforce.Ellevoulutsedégager,puisseravisa.
—Çavaaller,affirma-t-elle.Illaregardaattentivementethochalatête.Lorsqu’ilsseprésentèrentsousl’archepourfairefaceà
l’assemblée,Rionaprit une courte inspiration. Il y avait aumoinsune centained’invitésdans la sallequ’éclairaientdestorchesaccrochéesauxmurs.Leurlumièresereflétaitdanslesplatsenargentdisposéssur plusieurs buffets. Un murmure invitant au silence se répandit parmi les convives, et même lacornemusesemblaémettreunenoteaiguëdesurprise.
Touslesregardsétaientbraquéssureux,desregardsàlafoiscurieux,inquiets,sceptiquesetpleinsd’espoir.Lechefétaitunpersonnageprépondérantdontdépendaitl’avenirduclan.Cesgensnesavaientpass’ilspouvaientsefieràMcCallum,absentdepuis troplongtemps.Ilsn’oubliaientpasquesamèreavaittournéledosàsonpère.Leclancraignit-ilqu’ilsoitluiaussiunivrogne?Ouunfaible,élevéparunsoiffardpendantlespremièresannéesdesavie?
Dermot,assisàlatabledresséesurl’estrade,semitdeboutetlevasonverredevin.—AMcCallum!Aussitôt, un rugissement de bienvenue fit sursauter Riona. Ce ne fut qu’en sentant le bras de
McCallum se relâcher qu’elle comprit à quel point il était tendu. Il ne sourit pas, car il n’était pas legenre d’homme prompt à se dérider, comme elle l’avait déjà constaté. Mais, en la conduisant versl’estrade, il arborait un air de fierté et de satisfaction. Se tenant à sa droite, elle observa la foule decurieux.
McCallum leva lesdeuxmains et semit àparler,maisRionan’encomprit pasunmot.Lesgenshochaient la tête, souriaientouprenaientunair solennel seloncequ’il leurdisait.Les regardsque luidécochèrent quelques personnes lui indiquèrent qu’on se rendait compte qu’elle ne comprenait pas.CertainsdevaientlavoircommeuneDuff,siétrangèreàsaterrenatalequ’ellen’avaitpasprislapeined’enapprendrelalangue.Sonpèreetsononclenes’étaientjamaisexprimésengaéliquedevantelle,etsamèreétaitanglaise.Laquestionn’avaitjamaisétésoulevée.Maisn’avait-ellepasapprislefrançaisetlelatin?Aujourd’hui,elleenéprouvaitunsentimentdeculpabilité,commesiellepouvaitsereprocherdenepasavoirtrouvédeprécepteurpourluiapprendrelegaéliquequandelleavaithuitans.
Aumilieu de la conversation, elle entendit prononcer son nom.Hugh lui prit lamain et la leva,commepourlaprésenter.PersonnenelahuapourêtreuneDuff,maislesapplaudissementsétaientrareset forcés. Elle lança un œil inquisiteur à Dermot et, lorsqu’elle croisa son regard, il se détournaostensiblement.Hughluilâchalamainetcontinuadeparler.
—Bonsoir,madame,murmuraunhommeàsadroite.Rionasetournabrusquementetsoupiradesoulagement.—Oh!Samuel,vousm’avezfaitpeur!Ilhochalatête,etelleréfléchitàsapropreréaction.Ilavaitétélecomplicedesonchefdansson
enlèvement et, pourtant, elle le voyait presque comme un allié, ce qui était ridicule. Jamais elle nepourraitlesupplierdel’aider.Elleavaitdéjàessayé.Ill’avaitvueterrifiéeetapeurée,etn’avaitrienfaitpourelle,hormislorsquelesbanditslesavaientattaqués.Maispourl’heure,illuiétaitsympathique,etleseulàluiparlerenanglais.
Il eut unpetit geste amical, comme s’il comprenait sa confusion, et ils attendirentqueMcCallumfinisse de parler. Lorsque ce dernier s’assit enfin, les voix s’élevèrent de nouveau, les musiciens seremirent à jouer et des domestiques apparurent d’un lointain couloir, portant des plateaux en bois surleurs têtes. Un homme à la carrure imposante vint se placer derrière Hugh, armé jusqu’aux dents, etregardal’assembléed’unairmenaçant:leurchefallaitêtrebienprotégé.
—Vousavezbonnemine,ladyCatriona,ditSamuel.—Merci.C’estbondesesentirpropredenouveau.
—Oui,approuva-t-ilensouriant,jeconnaisbiencesentiment.—Quevientdedirevotrechef?—Cequ’ilfallaitdire,jepense,réponditSamuelencontemplantlafoulequiparaissaitdétendue.A
quelpointilétaitheureuxd’êtrederetour,etàquelpointil luitardaitdefairesespreuvesentantquechef.
—Fairesespreuves?—Oui,iln’apasencoreétéintronisé,expliquaSamuelavecunpetitsourire.Maisjenem’inquiète
paspourcesformalités.ElleobservaalorsMcCallumavecintérêt,maisilneregardaitpasdanssadirection.Lesplatsfurentd’abordprésentésauxconvivessurl’estrade.Ilspurentainsifaireleurchoixparmi
lesmeilleursmorceauxd’agneau,depouletetde truite.Riona futsurprisededécouvrirdevantelleuntranchoirenbois,finementsculptéetornéd’unliseréenargent.McCallumsaisitunecoupe,etSamuelluiexpliquaqu’ils’agissaitd’uncuach,unrécipientmunidepoignéesrecouvertesd’argent.McCallumbutunelonguegorgée,hochalatêted’unairappréciatifetlepassaàDermot.
—Ils’agitdenotrecélèbrewhisky,expliquaencoreSamuel.Votrefamilleconvoitelessecretsdesafabricationdepuisdesgénérations.
—Et c’est lui qui a conduit à ces infâmes fiançailles, ajouta-t-elle en s’efforçant de garder uneexpressionneutre.Cesgenssont-ilsencolèred’avoirpartagéleursprécieusesterresaveclesDuffcesvingtdernièresannées?
—Impatients,surtout,devoirarriverlejouroùlecomteleurverseraenéchangedeleurgénérositéladotqu’ilvousaaccordée.
Ellenesutquerépondreàcela.Cecontratétaitlaraisonmêmedesonenlèvementetdelaruinedesaréputationauxyeuxdelasociété.McCallumvenaitdefairetoutcequ’ilfallaitpourquesonpeuplenereçoivejamaisladotqu’ilsespéraient.
Lagorgeserrée,elleregardatristementsonassietteetseforçaàmanger.Bientôt,quelqu’unsemitàparler comme s’il déclamait une litanie, et elle reconnut les accentsd’unpoèteoud’unbarde, cequeSamuelluiconfirma.
—Ilchantelesexploitsdenotrepeuple,ajoutaMcCallumàsagauche.Rionasetournapourluifaireface.—Beaucoupde ces chantsportent sur lesbataillesquivousontopposés àmonpeuple, n’est-ce
pas?Ilesquissaunsourirevéritablementamusé,etsesyeuxgrisargentbrillèrentdoucement.—Certains, oui,mais on trouve toujours et surtout unCampbell contre qui se dresser à chaque
génération.Samueletluis’adressèrentunregardentendu,etellerésistaàpeineàl’enviedeleverlesyeuxau
ciel.Ah, leshommes, avec leursquerelles et leursbatailles !Si les femmesdirigeaient lemonde, leschosesseraientbiendifférentes.Biensûr,lareineAnneavaitdirigélaGrande-Bretagnetreizeansplustôt,etrienn’avaitvraimentchangé.LaplupartdesEcossaisavaientmêmeappréciésafaçondegouverneret,pendantsonrègne,lesEcossaiss’étaientunisauxAnglais,àleurdétriment.
—Touscesgensvivent-ilsauchâteau?demanda-t-elleenchangeantdesujet.—Certainsdeceshommessontdeschefsdeclan. Ilspossèdent leurspropres terres. Ilsont juré
fidélitéauxMcCallum.IlssontvenusàLarigenapprenantqueHughétaitenchemin,luiréponditSamuel.Riona ignorait que McCallum avait annoncé leur arrivée, mais elle se rappelait qu’il s’était
beaucoupabsentélorsqu’ilsétaientàStirling.— La plupart des jeunes hommes vivent ici. Ils sont les gentilshommes de ces chefs et ont été
choisisparmilafinefleurdesfamilleslesplusnobles.Ilssonttousentraînésàsebattre,maisilssontaussidestenanciersquiadministrentlesterresetlespaysans.
RionaregardaMcCallum,quiécoutaitlesexplicationsdeSamuel.—Dermotadoncchoisitousceshommes?—Commel’afaitmonpère,réponditMcCallum.Etjesuiscertainqueseschoixsontbons.Ilme
tardedefairedenouveauleurconnaissance.Ils’attendaitdetouteévidenceàseheurteràdesproblèmesdeloyauté,etcelanepouvaitqueservir
saproprecause,songeaRiona.S’ilétaitsuffisammentdistrait,ilneremarqueraitpassonrapprochementavecDermot.
Ilavaladenouveauunelonguegorgéeduwhiskyquicirculaitdanslecuach. Il luiavaitparlédel’addictiondesonpèrepourlesboissonsfortes,etellesedemandasicelalepoussaitàsemontrerlui-mêmeprudentàl’égarddel’alcool.
Alafindurepas,ildescenditdel’estradeetallaparleràbeaucoupdegens.Rionasecontentadeleregarder,heureusequ’ilneluiaitpasdemandédesejoindreàlui.Ellesesentaitcomplètementétrangèreà leursdiscussions.Al’exceptiondeSamuel,personnene luiadressa laparoleet, lorsqu’il futappeléailleurs,ellerestaseuledeboutàcôtédesachaise,sesentantperdueetexclue.
ElleaperçutalorsDermot,momentanémentseul,quis’apprêtaitàboireuneautrerasadedewhisky.Prenant une profonde inspiration pour se donner du courage, elle s’approcha de lui et s’efforça desourire.
S’ilfutsurpris,iln’enmontrarien.—LadyCatriona, je suis heureux de faire enfin votre connaissance, dit-il en s’inclinant vers sa
main.—Heureuxousoulagé,monsieur?demanda-t-elle.Il sourit et sembla le faire avec plus de facilité que son cousin. Elle leur trouvait une certaine
ressemblance,notammentdansleurfrontlargeetpuissant.—Un chef ne peut qu’être heureux d’avoir une bonne épouse à ses côtés,ma dame.Avec vous,
Hughestunhommechanceux.—Quedelouanges,monsieur,maisilvousresteencoreàmeconnaître.—Nousavonstousàapprendrelesunsdesautres.—Danscecas,parlez-moidevous.Vousêtes lecousindeMcCallum.Avez-vousgrandidansce
château?—Non,jesuislefilsd’unchefdontlesterressetrouventàl’estdulochVoil.—Commentdevient-ontanist?—J’aiétéchoisilorsdugrandrassemblementquiasuivilamortdeMcCallum,toutcommeHugh.
Ilauraitpuassumercettecharge,biensûr,maisiladécidéqu’ilétaitplusimportantd’allercherchersonépouse.
Sontondésapprobateurétaitflagrant,etellefutsurprisequ’ilnes’encachepas.Elleavaiteuraisondechercheràserapprocherdeluipourmieuxleconnaître.
—LairdMcCallumadoncétéchoisicommetanistparsonpère?s’étonna-t-elle.—Oui,dèsqu’ilaatteintsamajorité,l’étéquiasuivilabatailledeSheriffmuir.Ilaététrèsadmiré
poursoncouragependantlarébellion.Elledéceladanssavoixuncertainénervement.—Vousétiezprésent,vousaussi?— Je suis revenu avec lui après la bataille, répondit-il sans quitter des yeux son cousin, qui
s’entretenaitavecplusieursgentilshommes.Jepeuxtémoignerdesoncourageauprèsdetousleshommesdenotreclan.
—Vousycompris,murmura-t-elle.Illacontemplad’unœilscrutateur,malgrésonlégersourire.—Jenesuispashabilitéàparlerdecela,madame.
Ellepouffadoucement,lavoixlégèrementenrouée,carcelafaisaitlongtempsqu’ellen’avaitpasri.Maisàprésent,ellejouaitunrôleetellecontrôlaitmieuxsapeur.
—Avez-vousuneépousepourlaquelleprouvervotrecourage,Dermot?Ilsecoualatêteetréponditsèchement:—Pasencore.J’aiététrèsoccupécesderniersmoisaveclesterresdesMcCallumetj’aidûaider
monpère.Jen’aipaseubeaucoupdetempspourcourtiserunejeunefemme.Sielledécidaitdesollicitersonaide,aumoinssavait-ellemaintenantqu’iln’existaitaucunefemme
pourledistraire.—Connaissez-vouslairdMcCallumdepuisl’enfance?—Biensûr,ladyRiona.Nousavonssouventcourudanslescollinesensemble.—Sij’aibiencompris,ilétaitassezturbulentdanssajeunesse.Dermothaussaunsourcilinterrogateur.—Turbulent?Lesenfantsnelesont-ilspastous?—Ilétaitdonccommelesautresgarçons?Ilserembrunitsoudain.Touslessouvenirsnesemblaientpasbonsàévoquerpourlui.—Oui,dit-il.Hughjouaitdetempsentempsdestoursauxfermiersetleurramenaitlebétailégaré
commesinousavionsétéattaqués.Maisiln’ajamaisfaitdemalàpersonne.Pourtant, elle sentait dans sa voix une désapprobation qu’il avait dû ressentir y compris dans sa
jeunesse.Elleavaitl’impressionquelesdeuxhommesnes’étaientjamaisvraimentbienentendusetellepouvaitentirerprofit.Dermotseraitpeut-êtreenclinàl’aideràconvaincreMcCallumqu’ilavaitfaituneerreurenlakidnappant.
—Souvent, ildisparaissaitdanslescollinesunjouroudeux,cequiinquiétaitbeaucoupsamère,maispasson…
Ils’interrompit.—Maispassonpère?finit-elle.Soudain,McCallumapparutàcôtéd’elle,lessourcilsfroncés.—Monpèresesouciaitpeudecequejefaisais,ladyRiona.Dermotnevousl’a-t-ilpasdit?Iltoisafroidementsoncousin.— Je lui demandais simplement comment vous étiez, enfant, se défendit-elle, comprenant qu’elle
avaitfaituneerreurenmanifestantsacuriositéalorsqu’ilétaitàportéedevoix.Dermotcroisalesbrassursapoitrinesansunmot.IlportaitunebrocheidentiqueàcelledeMcCallum,etelleneputs’empêcherdesedemandersila
fidélitéàleurclanétaittoutcequ’ilspartageaient.Ilsparaissaienttousdeuxdeshommesmûrsetsérieux,maisellesentaitqu’ilsavaienteuunejeunesseextrêmementdifférente.
— Puisque nous en sommes à parler de nos erreurs de jeunesse, continuaMcCallum sur un tondétachémaisfroid,as-tuparléàladyRionadenotrerencontreaveclesAnglais?
LesyeuxdeDermotétaientdevenusfroidscommedelaglace.—Non,jenel’aipasfait.McCallumavaitprisuneexpressiongaie,commes’ils’apprêtaitàrelaterdesfaitsamusants,sauf
quelatensionentreeuxn’avaitriendedrôle.—Nousétionstoustroisintrépidesàcetteépoque,n’est-cepas,Dermot?Voyantquecederniernedisaitrien,Rionademanda:—Quiétaitletroisième?—Alasdair, mon frère d’adoption. Pendant un an environ, nous avons grandi dans nos familles
respectives, ce qui était la traditiondansnotre peuple.Lorsquenous avionsdouzeou treize ans, nousavonsespionnéungrouped’Anglaisdanslescollineset,pourfairelesidiots,nouslesavonssuivis.
Illançaunregardfurtifàsoncousin.
—Dermotyétaitopposé,biensûr.Ilétaitnotreaînéd’unanetavaitdécidéqu’ilétaitdesondevoirdeveillersurnous.
—Ilfallaitquequelqu’unlefasse,commentaDermot,l’airimpassible.Etaujourd’hui,ilveillaitsurleclanàlaplacedeMcCallum,songeaRiona,cequilesrenvoyaità
unmomentdeleursviesoùilss’étaientmanifestementopposés.—Ques’est-ilpasséensuite?demanda-t-elle,plusintriguéequ’elleauraitaimél’admettre.— Nous les avons suivis pendant un jour, continua McCallum, et lorsqu’ils ont établi leur
campementnousavonsattiréleurgardeàl’écart,nousnoussommesintroduitsàl’intérieuretnousavonsvoléleursmousquetons.
—Vousn’avezpasétésurpris?demanda-t-elle,étonnée.Dermotluiréponditd’unevoixsansémotion.—Non,nousn’avonspas été surpris. J’aimonté lagarde,mais jeneme suispas introduitmoi-
mêmedanslecamp.—Cequiluiarendufinalementservice.Etrelefilsduchefm’aaidé,moiaussi,ajoutaMcCallum
d’unevoixempreinted’amertume.—Jenecomprendspas…—Lorsquemonpèreadécouvertcequenousavionsfait…Dermotl’interrompit.—Tun’asput’empêcherdetevanterdevantlesautresgarçons!—C’estvrai,jeneréfléchissaispasbeaucoup,àcetteépoque.Monpèreaeuventdecettehistoire,
naturellement.Beaucoupdenoshommessesontenorgueillisquedespolissonscommenousaientréussiàdéjouerlasurveillancedessoldatsanglais,etcertainsontmêmefélicitémonpèrepournotrecourage.Ilarépondu,àjustetitre,quenousaurionspuattirerlesAnglaisàLarigCastleetdéclencherungrosconflitentrenotreclanetFortWilliam,situéunpeuplusaunord. Ilaordonnéquenoussoyonsfouettéspournousdonneruneleçon.
Rionafitlagrimace.—C’estunepunitiontrèssévère,dit-elle.—PaspourDermotnipourmoi.Luin’avaitpasvolédefusils;ilaétéexcusé.Quantàmoi,j’étais
l’héritier.—Danscecas,quiareçucettepunition?demanda-t-elle.VotreamiAlasdair?—Ilaétéfouettépournoustrois,conclutMcCallum.Mêmesisavoixétaitrestéeneutre,commesilesfaitsappartenaientàunlointainpassé,ellecomprit
qu’ilavaittrèsmalvécuquesonfrèreadoptifsoitpuniàsaplace.Ilsecoualatête.— Il n’avait que treize ans,mais il s’estmontré incroyablement courageux. Et il nem’a jamais
reprochélacruautédemonpère.—Cequiveutdirequ’ilsontcontinuéàchercherlesennuis,ditDermotd’unevoixtranchante.Rionapercevaitlatensionquimontaitentreeux,commes’ilssesouvenaientd’autresfaitsdupassé.—Vousaimeriezmeraconterd’autreshistoires?—Non, jepenseque j’aisuffisammentcompromis l’opinionquevousaviezdemoipourcesoir,
ladyRiona,ditMcCallum.—Tuneluiasdoncpasparléd’Agnès?demandaDermotd’unevoixmielleuse.McCallumplissalesyeux,etsesprunellesgrisesprirentuneteinteorageuse.—C’estindignedetoi,cousin!Lapauvrefilleestmortedepuislongtemps.Illapritalorsparlebrasetserraunpeutropfort.—Venez,ladyCatriona,permettez-moidevousprésenterauxfemmesdenoschefs.
Tout en s’éloignant, Riona ne put s’empêcher de lancer un regard furtif à Dermot, mais sonexpressionétaitindéchiffrable.
Chapitre8
Uneheureplustard,invoquantsonextrêmefatigue,Rionafutautoriséeàseretirerdanssachambre.McCallumavaitluiaussidescernes,maisellesavaitqu’ilresteraitavecsonclanaussilongtempsqu’illejugeraitnécessaire.
Mary,lapetitebonne,s’étaitendormiedansunfauteuilàcôtédufeu.DèsqueRionaentradanslapièce,ellebondit,l’aircoupabled’avoirdélaissésesfonctions.
— Je ne voulais pas vous déranger, dit Riona en lui adressant un sourire rassurant. J’aurais dûfermerlaporteavecplusdedélicatesse.
—Non,madame.Jen’auraisjamaisdûm’endormir.—Biensûrquesi.Lasoiréeaétélongue.Nevousinquiétezpas.Le visage fin de la jeune fille, devenu blanc comme un linge, reprit quelques couleurs. Elle ne
retrouvapaslesourire,maisparutplusdétendue.—Merci,madame. J’aimisvotrechemisedenuitprèsde lacheminéepour la réchauffer.Nous
avonsbeauêtreenété,ilfaitaussifroidqu’enhiver,danscevieuxchâteau.C’était le plus long discours qu’elle ait entendu dans sa bouche, et la jeune bonne s’empourpra,
commepours’excuserdesesbavardages.Rionalalaissal’aideràsedéshabiller,puispoussaunprofondsoupir en sentant les liens de son corset se desserrer. Enfin, elle pouvait de nouveau respirer.Mme Wallace semblait croire que, si sa tenue était douloureuse et inconfortable, c’était qu’elleremplissaitsamission.
Lachemisedenuitétaitdélicieusementchaude.Aprèsavoirpasséunpeignoir,RionaenvoyaMarysecoucher.Enfin,ellebénéficiaitd’unmomentdepaix!EllesavaitqueMcCallumviendraitlaretrouver.Ill’avaitinstalléedanssesappartementspourunebonneraisonet,maintenantqu’elleétaitaucourantdesdispositionsconcernantcettepériodede«mariaged’essai»,elledevaits’attendreàsavisite.Nerveuse,ellesemitàfairelescentpas.
Elle essaya de penser à n’importe quoi, sauf à ce qui pouvait se passer cette nuit. Elle imaginal’austèreMcCallumenpetitgarçoninsouciantetpromptàenfreindrelesrègles,mêmesi,surceplan,ilsemblaitnepasavoirchangé.Aprèstout,iln’avaiteuaucunedifficultéàl’enleverpourl’emmeneraveclui.MaislaconversationentreDermotetluiavaitététrèsrévélatrice.QuipouvaitbienêtreAgnès,pourqueDermotparaissesiheureuxd’yfaireallusionetqueMcCallumconsidèrepresquecommeunpéchédel’évoquer?
Rionaregrettaitd’avoiràutiliseruntelsouvenirpourmonterlesdeuxhommesl’uncontrel’autre,maiselleétaitprêteàtoutpouréviterd’êtremariéedeforceàuninconnu.
En revanche, si jamais McCallum choisissait de venir la trouver ce soir, elle n’aurait pasd’échappatoire. Pourrait-elle crier pour qu’on lui vienne en aide ? Difficilement. Et à quoi cela
l’avancerait-il?Elleétaitàsamerci,cartoutlemondecroyaitqu’elleétaitlavéritablefiancée.Deplus,nes’était-ellepasmontréeextrêmementdocileetconsentante,aucoursdecettejournée?
Elleespéraitleconvaincredelalaissertranquille,maislafaçondontill’avaitregardée,lorsqu’ill’avaitvuedanssarobe,luilaissaitcroirequ’ilseraitinsensibleàsesprotestations.Ilneluirestaitplusqu’àseraccrocherdetoutessesforcesàsapromessedenepaslaforceràcoucheravecluiavantleurmariage.
Elleavaitbeau retourner leproblèmedans tous les sens,elle ignoraitencorecequ’elle ferait, sijamaisilchangeaitd’avis.Ellecontinuaàfairelescentpaspendantunlapsdetempsquiluiparutuneéternité.MaisMcCallumnevintpas.Finalement,elleserecroquevilladanssonlitettiraétroitementlesrideaux,commes’ilspouvaientlaprotéger.Ellegardasonpeignoirsursachemisedenuit,qu’elleserrajusqu’aucou,écoutantleventquisoufflaitsurlesrempartsduchâteau.Aucunbruitdepasneluiparvint.Ellefinitparsombrerdansunsommeilagité.
***
L’aubeselevaitquandundomestiquevintserviràHughlepetitdéjeunersurunplateau.Aprèsavoirremercié l’homme, il l’emportadans la chambredeRionaet fermadoucement laportederrière lui. Ilposaleplateausurunetableets’approchadulit.Lesrideauxétaienttirésetnefirentaucunbruitlorsqu’illesécarta.
Elleétaitcouchéesurlecôté,lesmainssouslementon,vêtuedesonpeignoiretdesachemisedenuit.Sescilsprojetaientdesombresdenteléessursesjoues.Desmèchesblondess’échappaientdesestresses, qui brillèrent comme de l’or lorsque les rayons du soleil filtrant par la fenêtre vinrent leseffleurer.
Ilauraitaimélaréveillerparunbaiser,maisilsavaitqu’elleneferaitquepaniqueretlemordre.Leur journée ne commencerait pas très bien. Il préféra s’appuyer sur le cadre du lit en se rappelantcommentelleluiétaitapparuelaveille,avecsescheveuxblondssedétachantdemanièresiéclatantesursarobesombre.Ilavaitéprouvédelafiertéàlaprésenteràsonclanet,mêmesiellenecomprenaitpassalangue,ellen’avaitmanifesténiennuinicontrariété.Elleparaissaitpeut-êtreunpeudéconcertée,etilsavaitaussiquesaméconnaissancedugaéliqueluivaudraitplusieursregardsdemépris.
IlétaittrèscontrariéqueDermotaitdécidédefaireresurgirlepassé.Certes,Rionafiniraitparêtreaucourantdesastupidité,etilauraitsansdoutedûluienfairepartpendantleurvoyage.Maisgarderunefemmeprisonnièreet luiparlerde ses souvenirsde jeunessecommeside rienn’étaitne lui avaitpassemblél’attitudelaplusappropriée.
Ilyavaitbiendeschosesqu’ilauraitpuluidire,maiscelapouvaitattendre.Enoutre,DermotétaitleseulàêtreassezstupidepourévoquerAgnèsdevantsonchef.
Donc…devait-il la réveiller ? Il réfléchissait à la question lorsqu’elle s’étira commeun chat etrouladoucementsurledos,lesbrasau-dessusdelatêteetlapoitrineenavant.Lesdrapsavaientglissé,etileutdenouveauunaperçudesesseinssoussesvêtements.Justeàcetinstant,elleouvritlesyeuxetétouffauncrienlevoyant.
Ildésignalatable.—Bonjour.Lepetitdéjeunerestservi.Rionaremontalecouvre-litsoussonmenton,etHughréprimaunsourirefaceàcequ’ellecroyait
pouvoirluiservird’armure.Maisiln’étaitpascertainqu’elleappréciesonsensdel’humour.Ilpréféras’écarter et s’asseoir à la table, heureux du porridge, des petits pains chauds, des œufs durs et desharengsfritsquilesattendaient.
—Voulez-vousvousjoindreàmoi,jeunefille?demanda-t-il.
Elle repoussa les couvertures et glissa ses pieds délicats dans des mules avant de s’approcherpresqueprudemmentdelatableetdes’asseoirenfacedelui.
Ilcommençaàmangeravecappétit,maisellesecontentaitdeleregarder.—Qu’est-cequivouschagrine,Riona?s’enquit-ilalors.—J’aicru…jecraignais…Elleprituneprofondeinspirationetleregardad’unairsolennel.—Hiersoir,j’aicruquevousviendriezmerejoindrepourexiger…un«mariaged’essai».Surpris,ilposasoncouteau.—Jevousprometsquejen’aijamaisforcéunefemme.Jeneferaipasd’exceptionavecmafiancée.Ellepoussaunlongsoupirets’enfonçadanssonsiège.—Jetâcheraidenepasmesentiroffensé,dit-ilsèchement.—Jemefichequevousvoussentiezoffensé!répliqua-t-elle.Jesuisvotreprisonnièreetjenesais
jamaiscequevousavezprévupourmoi.—Voussavezcequesignifiece«mariaged’essai»,n’est-cepas?Elleneréponditpas,secontentantdejoueraveclereversdesonpeignoir.—Mesgenssontlibresdecroirecequ’ilsveulent,biensûr,continua-t-il.—Ehbien,jepréféreraisqu’ilsnecroientpascela!Ilrompitunmorceaudepainetleposadansl’assiettedeRiona.—Mangezquelquechose.Vousêtespâlecommeunlinge.Ellebeurrasonpainetenpritunebouchée,puisgrimaçalorsqu’illuitenditdelabière.—D’habitude,jeboisduchocolatchaudaupetitdéjeuner.—Nousn’avonspasdechocolatici,maisnouspouvonsvoustrouverduthé.Etdulait,biensûr.Ilbutalorsunelonguegorgéedebièrequ’ilponctuad’unclaquementdelèvres.Ilsmangèrentensilencequelquesminutes,jusqu’àcequ’ellelèvelesyeuxversluipourl’observer.—Qu’avez-vousdoncprévupourmoi?demanda-t-elle.Quesuis-jecenséefairedemajournée?—Toutd’abord,vousdevezmepromettredenepasessayerdevousenfuir.—Vousnepouvezpasmedemandercela,protesta-t-elleenseraidissant.Jesuisuneprisonnière!
Jesuiscertainequevousessaieriezdevousenfuir,sivousétiezretenuquelquepartcontrevotregré.Ilpoussaunlongsoupir.—Jevousaidéjàditquej’avaisdepuislongtempsacceptémesobligationsàl’égarddemonclan.
Vousdevrezvousaussiaccepter lesvôtres.Enattendant, sivousnepouvezpasmepromettredevoustenirtranquille,vousserezconfinéedanslechâteauavecungarde.
—Ungarde?répéta-t-elled’unevoixblanche.—Jetâcheraiquecelasefassediscrètement,afindenepasvousembarrasser.—Ditesplutôtquevousnevoulezpasêtreembarrasséenmontrantàvotreclanquevotrefiancée
estlàcontresongré!—Encoreunefois,vousoubliezquetoutlemondesaitquevousêtesuneDuff.Ilsdoiventsedouter
quevousn’êtespasicidegaietédecœur.Vousêteslibred’alleretvenirdanslechâteaumaispasau-delà.Passansmoi.
Commed’habitude,ilputvoirlesémotionssesuccédersursonvisageexpressif:laconsternation,lafrustrationetl’entêtement.Ellesemblaretrouverenfinsoncalme,etHughseditqu’ilauraitbienassezdetempspours’inquiéter.
Rionaavalaunboutd’œufetleregardaaveccuriosité.—MaconversationavecDermotaétéfortintéressante,dit-elle.Illaregardaàsontouravecarrogance.—IlnefautpastoujourssefierauxsouvenirsdeDermot.
—Vousprétendezdoncquesesfacultésmentalesnesontpasfiables?Etonnant,quandonsaitquevotreclanl’achoisipourêtrevotretanist.
—Oh!c’estunhommeavisé,commevousavezpulevoir.—Maisvousneluifaitespasconfiance.Rionasemontraitunpeutropimpatientedepartagersessecrets.—C’estmoncousin.Unliendecegenreoutrepasseceluidelaconfiance.Ilferacequiestbonpour
leclan.—Maiscelasera-t-ilcequevouspensezêtrebonpourleclan?Ilsepenchaverselle.—L’importantestcequejecroisêtrebon,jeunefille.Rionapritunairrenfrogné,etilseretintderire.Ellenedevaitpassavoiràquelpointillatrouvait
drôle.Ellepourraitalorssedirequ’elleétaitbienpluspourluiquelasimplepartenaired’unmariagearrangé.
—QuiestAgnès?demanda-t-elle.Asagrandesurprise,ildutcombattrel’affluxdesouvenirsavantdeluirépondre.—Unejeunevillageoisequiestmortedepuistrèslongtemps,répondit-ilenlaregardantdroitdans
lesyeux.—C’estcequevousm’avezdithiersoir.Maisquiétait-elle?—Elleappartientaupassé,etpluspersonnenepourraluifairedemal.Rionaclignaplusieursfoislesyeux,puisouvritlabouchecommepourajouterquelquechose,mais
ill’interrompit.—Jevaisêtredehorstoutelajournée.Jevousverraicesoir,audîner.—Teln’estpeut-êtrepasmonsouhait,dit-elled’unairbuté.— Comment comptez-vous vous y prendre pour connaître votre fiancé ? Nous ne pourrons pas
réussirnotremariage,sinon,etjesuisbiendéterminéàcequ’illesoit.Illaquittabalbutianteetfurieuse.Ilavaitbesoind’unmariagesolideetd’héritiers.Ilfallaitdonc
qu’ilmettesurpiedunmeilleurplanpourlaséduire.
***
Aprèss’êtrehabillée,Rionafulminaitencore.ElleenvoyaMarychercherMmeWallace.Maisellenepouvaitfairegrand-chosecontreMcCallumetsonhorripilantearrogance.Mieuxvalaitseconcentrersur sonplan et réfléchir à lamanière d’éviter cemariage.Peut-être ne réussirait-elle pas à quitter cechâteau,maisilétaitimportantqu’elleleconnaissedanssesmoindresrecoins.Onnesavaitjamais.
MmeWallace se chargea de lui faire visiterLarigCastle avec enthousiasme et fierté. Partout oùellesallaient, lespersonnesinterrompaient leursconversationsengaéliqueets’inclinaientverselleouluifaisaientlarévérence.Ellen’avaitpasl’habitudederecevoirautantd’attentionsetd’êtreaussibienaccueillie.Parfois, elle croisait dans leurs regardsde la curiosité, parfoisunecertaineméfiance, sansdouteparcequ’elleétaituneDuff.
Quant au château lui-même, à l’exception des pièces communes, il donnait l’impression d’êtrenégligé.Lesmeublesétaientraresetlesfenêtreséquipéesdevoletsetnondebattantsquel’onpouvaitouvrirpourlaisserentrerl’airfrais.Contrairementauxpaysagesquiornaientlesappartementsduchef,aucune toile n’habillait les épaismurs en pierre.Même les pièces lambrissées ne possédaient que leportraitsévèred’unancêtre.
—Lespeintresn’ontpasbeaucoupd’avenirenEcosse,ditMmeWallaced’unevoixlégère.Lorsqu’elles pénétrèrent dans un salon réservé à la famille, Riona fut surprise de découvrir une
épinetteplacéesouslafenêtre.
MmeWallacegloussaenvoyantsonairsurpris.—LamèredeHughl’avaitfaitvenirexpressément.Elleavaitbesoindes’occuperquand…mais
trêvedebavardages.—McCallumm’aditquesonpèren’avaitpasunboncaractère.—Non,eneffet.HughetMaggie,lespauvrespetits,enontbeaucoupsouffert.—Quanda-t-ilperdusamère?—Maisellen’estpasmorte,rectifiaMmeWallaceenécarquillantlesyeuxdestupéfaction.Ellevit
àEdimbourg,prèsdesafamille.Monsieurnevousl’apasdit?—Nousvenonstoutjuste…denousrencontrer,bafouillaRionaenrougissant.Nousn’avonspaseu
letempsdebeaucoupparler.— Pas étonnant qu’il veuille dîner avec vous tous les soirs, alors. Vous avez toute la vie pour
apprendreàvousconnaître.Pastoutelavie…Passiellepouvaitl’empêcher.—Avez-vousunebibliothèque?demandaRionapourchangerdesujet.MmeWallaceluilançaunregardperplexe.—TousleslivressetrouventdanslesolariumdeMcCallum.Quid’autresvoudraientleslire?—Lesautrespersonnesduchâteau?hasardaRiona.Lesdames?—Malheureusement,vousnetrouverezpasbeaucoupdefemmesquis’intéressentàlalectureici,
saufàcelledudimanche.—Oh!Rionaavaitl’habitudedelireautantqu’ellelevoulaitetdeparlerdesesdernièreslecturesaucours
desdîners.LesMcCallumn’étaient-ilspaséduqués?Elles quittèrent bientôt la tour principale pour explorer les autres bâtiments construits dans les
muraillesetdestinésauxdomestiques,commelataverne,lalaiterieetlamaisonoùlesfemmesduvillagevenaientfilerettisserlesétoffes.Lescuisinessetrouvaientsouslagrandesalle,attenantesàunjardinpotager.MmeWallace l’informa que d’autres jardins s’étendaient au-delà des enceintes. Partout, deshommespatrouillaientsurlesremparts,commesilesAnglaiss’apprêtaientàattaqueràtoutmoment.
OulesDuff,songeaRiona.OulesCampbell,outoutautreclan,carlesEcossaisétaientunpeuplebelliqueux,comme le luiavait toujoursdit sonpèreavecdédain.Unpeuplusdedixansplus tôt, ilyavaiteuunesériedebataillesaveclesAnglais.EttouslesMcCallumétaientbienpréparés.
Ellessetenaientàprésentsousl’entréevoûtéequimenaitàlacourinférieure,veillantàs’écarterdes hommes qui allaient et venaient. Des baraquements en bois entouraient la cour où les hommess’entraînaient pour la guerre. De grands tas de fumier s’y élevaient, et des animaux y circulaientlibrement,despoulets,deschiensetmêmedescochons.Rionaaperçutdesécuriesetdeséchoppesoùtravaillaientdesartisanscommeleforgeronoulecharpentier.
Puisellereportasonattentionsurleshommesquisebattaiententreeux,armésd’épées,unbouclieràlamainpourseprotégerdescoupsdeleuradversaire.
Elle eut alors la surprise de découvrir McCallum parmi eux. Ils avaient beau s’entraîner, leurcombatparaissaitréeletluiarrachadetempsentempsunegrimacedefrayeur.Laplupartdeshommesavaientabandonnéleurmanteau,certainsmêmeleurchemise.CommeMcCallum.Sonplaidétaittoujoursnouéautourdesataille,maissespanssouplespendaientpar-dessussaceinture,n’étantplusretenusàsesvêtementsparunebroche.Beaucoupd’hommess’étaientrassembléspourlesregarder,etellecomprenaitpourquoi.McCallumavaitétéchoisipourêtreleurchefparcequ’ilétaitl’héritierdesonpèreetunhérosdelabatailledeSheriffmuir.Deplus,ilsnel’avaientplusvudepuisplusdedixans.
Soncorpsbrillaitdesueur,etelledistinguaplusieurscicatricessursesmusclesfermes.Devantlespectacle de sa virilité, Riona se sentit gagnée par une chaleur diffuse et un certain malaise. Il luiapparaissaitàcetinstantavanttoutunhommeetnonplussimplementsonravisseur.Lesouvenirdeson
baiserl’assaillitbrusquement,etellesentitsesjouess’enflammer.Ellenevoulaitpasêtreattiréeparluiet s’efforçade combattre cette trahisonde son corps.Pourtant, sa résistancene semblapasporter sesfruits.
—Vousavezvusescicatrices?commentaMmeWallacesanscachersonamusement.—Oui.EllesontétéfaitesàSheriffmuir?—Oui,etaussiquandilétaitenfant.Ilsecassaitrégulièrementunmembre.Jesuissurprisequ’il
soit toujours entier.C’est ungentil garçon.Certains se sont fait du souci pour lui,mais ce n’était pasvraimentutile.
—Jesaisqu’ilestrestédixanssansrevenirici.Qu’a-t-ilfait,duranttoutcetemps?—C’estencoreunequestionquevouspourrez luiposer lorsquevousnesaurezpasquoi luidire
pendantledîner.Commentallait-ellemenersonenquêtesipersonnen’acceptaitdeluiparler?—Quiestl’hommeaveclequelils’entraîne?—Ils’agitd’AlasdairLennox.—J’aidéjàentenducenom,commentaRiona,soulagéedepouvoirdétournersonattentionducorps
superbementmusclédesonfiancé.McCallumetluiétaientamisquandilsétaientenfants.MmeWallaceacquiesça,puisfixalesdeuxhommesenplissantlesyeux.—Oui,ilsétaientfrèresadoptifs.Ilsontétéélevésàtourderôledanschacunedeleursmaisons.
Parfois,ilsétaientamis,d’autresfois,adversaires,etàcequejevoisleschosesn’ontpaschangé.—Ils’estpassébeaucoupdetempsdepuisqu’Alasdairaacceptéderecevoirlefouetàlaplacede
McCallum.Lagouvernanteluilançaunregardsurpris.—Vousêtesdéjàaucourantdecettehistoire?—DermotetMcCallumm’enontparlé.—Jen’auraispasaiméassisteràcetteconversation!ditMmeWallace.—Moi-même,jen’étaispasvraimentàl’aise,reconnutRiona.MmeWallacelaregardafurtivementavantdesetournerversMcCallumensecouantlatête.—Jedoisvouslaisser.Ledéjeunerestservià13heuresprécises,àl’heuredel’horlogesituéesur
lemanteaudelacheminéedanslagrandesalle.Atoutàl’heure!Elles’éloignaàgrandspas,laissantRionaseule.Vraimentseule,carellecroisaplusieurspersonnes
quinesetrouvaientpaslaveilledanslagrandesalle.Ignorantquielleétait,cesdernièresluiadressèrentdes regardsétranges.Elleaccueillit leurs signesde têteou leur révérence,mais tousparaissaient tropintimidéspouroserluiparler.Ellequiavaitplutôtl’habitudedepasserinaperçueetavaitsouventpriépourquequelqu’un,n’importequi,laremarquependantqu’elles’occupaitdesasœurmalade!
Et voilà qu’aujourd’hui elle était le centre de toutes les attentions et bénéficiait d’une certainenotoriété.Aprèstout,elleétaituneDuff,fiancéeàMcCallumpourmettrefinàleursconflits.
Elles’attardaunmomentetassistaàl’entraînementdeshommes,observantsurtoutMcCallum.Elleavaitdéjàéprouvésa force lorsqu’il l’avaitprisesursonépaulepourdescendredubalcon.Elleavaitsenti la douceur, la chaleur et la fermeté de sesmuscles lorsqu’elle s’était serrée contre lui dans sonsommeil.Maislevoiràmoitiénudevantautantdemondeluiparaissaitpresque…impie.
Elles’adossacontrelemurenpierreetessayadelecomprendre.Ils’adressaitàseshommesavecconviction, comme s’il était né pour gouverner. Il était énergique et agressif dans ses gestes, mais ilexpliquaitavecpatiencesatechnique,mêmelorsquecertainsmanifestaientdesdifficultésàapprendre.
Quevoyaientsesgensenlui?Etoùétait-il,cesdixdernièresannées?Sonadversairefinitparlui tapersurl’épauleet ladésignerdudoigt.McCallumbraquaalorsson
regardverselle,etelleseraidit.Ilsétaientséparésparlacour,maisellesentaitlepouvoird’attraction
qu’il exerçait sur elle et savait, au fond, ce qu’il voulait d’elle et comment il souhaitait qu’elle sesoumetteàlui.Elleavaitl’impressionqu’auvuetausudetousilétaitentraindel’embrasser.
Les hommes se mirent à rire. McCallum, lui, leva la main pour la saluer, sans pour autantabandonnersonentraînement.Ellesedétournaeteutlaforcederevenirverslechâteau,danslasécuritédesachambre…quiétaitaussicelledesonravisseur.Toutcequ’elleavait,toutcequ’ellefaisait,elleleluidevait.Elleétaitsoussonemprisecommeelleavaitétésouscelledesesparents.Commesielleavaitéchangéuneprisoncontreuneautre,ensomme.Saufqu’àcetteépoqueelleignoraitqu’ils’agissaitd’uneprison.Elle était simplement la fillede sesparents, incapablede fonder sonpropre foyer sans lebonvouloirdesonpère.
Etaujourd’hui?McCallumvoulaitfaired’ellesafemme,luioffrirsonfoyer,etmêmesonchâteau!Mais il l’avait fait contre sa volonté à elle, à l’encontremêmedu contrat qu’il croyait honorer !Uneterrible confusion… Lorsque tous ces gens qui la regardaient avec scepticisme ou méfiancedécouvriraient la vérité et perdraient peut-être la précieuse terre sur laquelle ils comptaient tant pourfabriquerlewhiskyqu’ilsvendaient,elleneliraitplussurleursvisagesquedégoût.
Frémissantàcetteidée,ellesedépêchaderetournerdanslatour.
Chapitre9
HughsuivitunlongmomentRionaduregardtandisqu’ellequittaitlacour.—Tafiancéenesemblepaspresséed’êtreavectoi,plaisantaAlasdair.Hugh lui lança un regard noir. Ils ne s’étaient pas vus durant des années, après la bataille de
Sheriffmuiret ledésastreuxétéquiavait suivi saconvalescence.PuisAlasdair s’était renduun jouràEdimbourgpouruneaffairedefamilleetl’avaitcontacté.Ilss’étaientretrouvésdansuncafé.LoindesHighlands et de l’influence de leurs pères respectifs, ils avaient eu l’impressiond’être redevenus desenfants.
Maismaintenantqu’ilétaitderetouràLarigCastleetqu’ilavaitéténomméchef?Alasdairavaitchangé,luiaussi,etéprouvaitpresquelebesoindeluiprouverqu’ilétaitsonégal,chosequelui-mêmen’avaitjamaisremiseencause.
Il s’efforça de rester patient. Après tout, ce n’était que le premier jour qu’il testait le degré depréparationdesesgentilshommes.
Pourtant,lesdeuxpersonneslesplusprochesdelui,àsavoirDermotetAlasdair,neluiavaientpasréservél’accueilqu’ilespérait.Qu’enétait-ildesautres?
Illesobserva,tandisqu’ilschangeaientd’adversairesavantdesebattreàl’épée.Encestempsdepaixprécaire, ils étaientassezbienpréparéspour labataille. Ilnepouvaitpas seplaindre.Depuis lamortdesonpèreetsalonguemaladie,leclanMcCallumavaitvécusansvéritablechefdeguerre.C’étaitlapremièrechoseàlaquelleildevaitremédier.Alasdairétait-ilprêtàaccepteruntelposte?Ils’étaitbattuàSheriffmuiravecleclanets’étaitélancésurcescollinespourchasserlesDuff,lesCampbelletlesMaclarendepuispluslongtempsquelui.Maisilignoraitsisonamiétaitdigned’unetellecharge.Ilfallaitqu’ilenparleàDermot,etcetteidéeluidéplaisait.
***
Rionaavaitdécidédeserendredirectementdanssachambreetd’yrester,maiselles’arrêtadevantla salle des femmes pour admirer avec quelle dextérité elles filaient et tissaient. Certaines parlaientanglaisetparaissaient impressionnéesetexcitéesderencontrerquelqu’unquiavaitpassésavieparmilesAnglais.Rionarépondità leursquestionsetfinitparprendredestravauxdecouturepourpasserletemps.Elle leurpromitde revenir lesvoir.Pourtant,ellenese sentaitpasà saplace.Ellen’étaitpascensée être là. Elle n’était pas la fiancée de McCallum, et ces femmes la regarderaient avec ragelorsqu’ellesdécouvriraientlavérité.
Ellefinitparprendrecongé.Impatientederegagnersachambre,ellelongeaitlecouloirtêtebaisséeetfaillittombernezànezaveclefrèreadoptifdeMcCallum.Ilsetenaitdeboutsurlepasd’uneporte,
commes’ilregardaitàl’intérieurdelapièce.Ellenevoulaitpasledéranger,encoremoinsseretrouverfaceàlui.Elleserepliaàl’endroitoùlecouloirformaituncoude,enessayantdesesouvenird’unautrecheminpourreveniràsachambre.
— Tu n’as pas l’intention de t’entraîner avec Hugh ? demandait Alasdair d’une voix lourde desarcasme.
Surprise,ellelevalatête.Ellesavaitqu’ellenedevaitpasécouterlesgensàleurinsu,maislefaitd’avoirétékidnappéeluiavaitfaitoublierbiendesrèglesdepolitesse.Alasdairpénétradanslapièce,etRionasedemandasielleallaitentendred’autresfragmentsdelaconversation.Commeellereculaitdanslecouloir,ellerenversaunecorbeillerempliedebobinesdefilsetsemitàgenouxpourlesramasser.ElleentenditAlasdairpoufferetcompritqu’elleavaitratélaréponsedel’autrepersonne.
—Tunepourraspastesoustraireéternellementàl’entraînement,insistaAlasdair.—Cen’estpasdansmesintentions.RionareconnutlavoixdeDermotetretintsonsouffle.—Jen’avaissimplementpasprévuàquelpointceseraitdifficileàsonretour.—Maisilaétééluparleclan,repritAlasdaird’unevoixlégèrementcompatissante.Tusavaisque
cejour-làarriverait.Nousl’avonstoujourssu.—Oui,maisjecroyaisquejeseraisplussûrdemonrôleàsescôtés.Alaplace,jemeposedes
questionssurcequ’ilafaitdurantsasilongueabsence.—Dermot…—Je saisqu’il nousa représentés àEdimbourg, etbienplus,ditDermot avec fureur,maisnous
étionsici,aveclevieuxchef.Luinon.Etlefaitqu’ilaitétéchoisipourdevenirnotrelairdnemeprouvepasqu’ilmériteuntelposteetqu’ilsachel’assumer.
—Dermot,ilnefautpasquelesautrest’entendentparlercontrelui.—Jenesuispascontrelui.Jeveuxjustelapreuvequ’ilmérited’êtrenotrechef,qu’ilestdevenu
unhommedignedeconfiance,qu’iln’estpluslejeunehommeimpétueuxqui…Ils’interrompit.—Cen’estpasnotre rôlede lecontrôler, intervintalorsAlasdair.A l’époque, tun’aspaspu le
faire.Inutiled’essayeraujourd’hui.Rionacrutentendredesbruitsaufondducouloir.Ellesedépêchaderamasserledernierécheveau
defilsavantdepartirprécipitamment.Ellenerespiracalmementqu’unefoisadosséeà laportedesachambre.Elleréfléchitalorsàce
qu’elleavaitentenduetàcequecelapouvaitsignifierpourelle.Ellenes’inquiétaitpaspourMcCallum.Après tout, il était à l’origine de tous ses problèmes et il devait en accepter les conséquences.A cetinstant, toutcequi l’intéressait,c’étaitde retrouversa liberté. Jamaisplusellene reviendraitàsavied’avant. Depuis son enlèvement, sa réputation était irrémédiablement ruinée. Mais cette vie-là nel’intéressaitpas.Elleaspiraitàbiend’autreschoses,etcen’étaitpasàtraversunmariageforcéàLarigCastlequ’ellelestrouverait.
Dermotétait-il lacléqui luiouvrirait lesportesdesaprison?Commentpouvait-elleutilisersesdoutesetsonmécontentementpourarriveràsesfins?
Tandisquelesoleilsecouchait,ellesetenaitdeboutdanssachambre,leregardtournéverslacour.Elle entendit la porte s’ouvrir derrière elle et découvrit Mme Wallace et Mary qui apportaient desplateauxpourledîner.
—C’estsiromantiquedelapartdulairddevouloirdînerseulavecsafiancée,ditMmeWallaceàMary,quirougitenremarquantlaprésencedeRiona.
Rionaserralesdents,maiss’efforçadesourire.Juste à cet instant, McCallum entra, les cheveux retenus en une queue-de-cheval lâche et les
vêtementssalisparunejournéepasséedanslacouràs’entraîner.
—Excusez-moidenepasm’êtrelavéavantdevenirvousretrouver.J’aiperdulanotiondutemps.Nouspouvonsdînerpendantquel’onpréparemonbain.
Elleauraitdûsesentirdégoûtéeparsasaletésaufqu’elleluirappelaitavecquellevigueuretquellevirilitéilavaitutilisésoncorpssouslesoleilpoursebattre,etcommentsesmuscless’étaienttendusàchaquecoupd’épée,àchaquesautpouréviteruncoupdelame.
Mieux valait qu’elle cesse d’y penser. Sinon, elle risquait de ne plus pouvoir croiser le regardbienveillantdeMmeWallace.
Lorsqu’ils furentenfin seuls,McCallumattaquasonplatcommes’iln’avait rienmangédepuis laveille.MaisRionasavaitpourl’avoirvuqu’ilavaitdéjeunéavecseshommes.
—Quepensez-vousdeLarigCastle?demanda-t-ilenfinenprenantunegorgéedewhisky.Elleregardafixementleverred’alcool.—EnAngleterre,nousbuvonsduvinaudîner.Leshommesseretirentloindesdamespourboire
desboissonsfortes.—Sansdouteavez-vousremarquéquenousnesommespasenAngleterre,répondit-il,narquois.Elleacquiesçaensoupirantavantderépondreàsaquestioninitiale.—Lechâteauest impressionnant,biensûr…Onm’afaitcomprendreque lesseuls livresquis’y
trouventsontenfermésdansvotresolariumprivé.—Jeveillerai àcequevousyayezaccès,bienentendu.Mais j’ignore simonpèrepossédait le
genredelivressusceptiblesdevousintéresser.—Commentpourriez-voussavoircequim’intéresse?demanda-t-elled’unevoixdoucereuse.Vous
nemeconnaissezpas.—C’estvrai,dit-ilavecunsourireforcé.Maisnouspouvonsyremédier.Ellepréféra ignorer sa remarque, sedemandantpourquoi il retenait autant sonattention. Iln’était
mêmepasvraimentbeau.Pourtant,elleavaitdécouvertqu’unhommen’avaitpasbesoind’avoirunprofilclassiquepourêtreviriletattirant.
Ellenevoulaitpasluidonnerleplaisird’uneconversationconviviale,maiselleavaitaussibesoind’informationssurlui.
—Leshommesaveclesquelsvousvousêtesentraînéaujourd’hui…celanesemblepasleurposerdeproblèmequevousvoussoyezabsentépendanttoutcetemps.
Ilhaussalesépaules.—Sicelaleurenposeun,celanem’intéressepas.Jen’aipasbesoind’êtreaimémaisrespecté.—J’ail’impressionquevousvousmentez.Ilcoupaitunmorceaudemoutonetsuspenditsongeste.—Surlefaitquejesoisrespecté?—Non,quevousnevoussouciezpasd’êtreaimé.Vousavezramenéunefiancéechezvous—etje
vousrappelleencoreunefoisquevousvousêtestrompédepersonne.Vousêtescenséhonorercecontratélaborépouraidervotreclan.Vousattendezd’euxqu’ilsvousaimentpourcela.
Ils’adossaàsonsiègeets’essuyalaboucheavecuneserviette.—Ilestdemaresponsabilitéetdemondevoirdefaireceschoses-là,Riona.Nousavonstousdes
obligationsdansnosvies.N’enaviez-vouspaschezvous?—Vousparlezdesobligationsauxquellesvousm’avezsoustraite?rétorqua-t-elle.—Desobligationsquetouteslesjeunesfemmeslaissentderrièreelleslorsqu’ellessemarient.Ellesoupira,sachantqu’ildisaitvrai.—Cesdixdernièresannées,jemesuisoccupéedemajeunesœurmalade.Ilhaussalessourcils.—Dixannées?Vousn’étiezqu’uneenfant,àl’époque.—Aumêmeâge,vousvoliezdesfusilsauxAnglais,mesemble-t-il.
Unsourireétiralecoindeseslèvres.—C’estvrai.Dequoisouffredoncvotresœur?—Detuberculose.—Jesuisnavré,dit-il,l’airsincère.RionasentitsoncœurseserrerensongeantqueBronwynallaitmourir.—Elleestplusjeunequemoiet,lorsqu’elleétaitenfant,j’étaislaseulecapabledel’aideràrester
couchéeenluiracontantdeshistoires.—Ah, vous devez avoir une bonne partie de sang écossais, alors !Vous savez à quel point nos
histoiressontimportantespournous.Lebardeleschanteassezsouventpournousrappeler—àmoi,toutparticulièrement—quenousdevonsnousmontrerdignesdelabravouredenosancêtres.
— La performance du barde d’hier n’était donc pas juste un divertissement ? demanda-t-elle,surprise.
— Non, en effet. Elle m’était particulièrement destinée, pour que je l’entende et que je mesouvienne.
—Ilsattendentbeaucoupdevous.—Toutcommevosparentsavaientdesattentesàvotreégard,alorsquevousauriezdûavoirunevie
d’enfant.Aumoins,j’aipuenbénéficier.—Qu’avez-vous fait, après avoir récupéré de vos blessures suite à la bataille de Sheriffmuir ?
N’attendaient-ilspasbeaucoupdevousàcemoment-là?Oùavez-vousvécu?Sonvisage,ouvertetagréable,sefermabrusquementpourrevêtirunmasqued’impassibilité.—J’aijouémonrôleendéfendantlesintérêtsduclanetjelesaibienservisdepuisEdimbourg.C’étaitcequ’elleavaitentendudanslabouchedeDermot.—EtàLondres?Vousenavezparlé.Commentyavez-vousservilesintérêtsdevotreclan?—J’aiétéélumembreduParlementpournotrecomté.—VousavezsiégéàlaChambredescommunes?—Oùdoncaurais-jepusiéger,alorsquelaCouronneestrevenuesursapromessedepermettreàla
noblesseécossaisedesiégerdirectementàlaChambredeslords?Maisilestvraiquejenesuispasunnoble,contrairementàvotrepère.
Rionaclignaplusieursfoislesyeux.—Ilm’afalluuneminutepourcomprendrequevousneparliezpasdemonpère.Illaregardad’unœilvide,etelleesquivalesujetd’ungeste.—J’essaiedevousimaginerenmembreduParlement,dit-elle.—Cen’estpasuneplacefacilepourunEcossais.Vousavezvuàquoiressemblelevoyage…La
plupartdesmembresduParlementn’ontpasdevoiture.NousdevonsnousrendreenGrande-Bretagneàcheval,cequireprésenteunvoyagedeplusieurssemainespourêtretraitésaufinalcommedespaysansidiotsquinecomprennentrienàlagestiondeleursterres.
—C’estdonccequevousavezfaitdepuisdixans,dejanvieràaoût…Soudain,ellelevoyaitsousunjournouveau.Iln’étaitpluslebanditsanséducationqu’elles’était
imaginé.—Septans,rectifia-t-il.Ilrestaitencoretroisannéespendantlesquelleselle ignoraitcequ’ilavaitfait,maiselleaurait le
tempsd’yréfléchirplustard.—Commentsefait-ilquejenevousaiejamaisrencontré?—Avez-vousrencontrébeaucoupd’Ecossaissanstitrependantvosbellessoiréesetvosconcertsà
Londres?ironisa-t-il.—Non,certainementpas.Saufsivousyincluezdeshommescommemonpère,quisontdesfilsde
nobles.
—Nous,lesfilsdechefs,n’étionspassouventinvités.Certainsd’entrenousn’auraientmêmepaspusepermettrelagarde-robenécessairepourcesévénements.VivreàLondresreprésentaitunedépensequebeaucoupd’entrenousn’avaientpasanticipée,etraresétaientceuxquipouvaients’ysoumettrebienlongtemps.
—Contrairementàvous.Ilhochalentementlatête,pritunebouchéed’oieetlamâchaavantdepoursuivre:—Oui, jenevoulaispas tourner les talonset rentrerdans lesHighlandsà lapremièredifficulté.
J’aimêmesiégédansunecommissionparlementaireassezlongtempspourêtrenomméprésident.—Quellecommission?demanda-t-elle,curieuse.—Cellerelativeauxquestionscarcérales.Peudemembresavaientenviedetraiteroudemettreen
œuvredesréformesdanscedomaine.Lefaitd’avoirenfreintlaloivis-à-visdessoldatsanglaisauraitpum’envoyerenprison.Inconsciemment,celam’aguidé.
Ellen’arrivaittoujourspasàcroirequ’ilaitvécuàLondrespendanttoutescesannées,etqueleurscheminsnesesoientjamaiscroisés.
—Portiez-vousvotreplaid?—Non,celanousauraitdéfinitivementexclus.LesLondonienspouvaientpresquecroirequenous
étions originaires du nord de l’Angleterre en parlant avec nous. Mais de là à porter nos tartans decouleur?Non,jepréféraismefondredansledécoravecmesculottesetmonmanteau.
Commelorsqu’ellel’avaitvupourlapremièrefois.—Vousn’avezpasessayéderencontrerCat?Sonvisagesedurcit.—J’ai rencontrévotrepèreune fois, et ilm’adonné l’ordre formelde rester loindevous, sous
prétextequevousaviezdumalàacceptervotredevoiràl’égarddevotrefamille.Jel’aicrualorsque,pendantcetemps,vousignoriezsimplementtoutdelasituation.
Elleseraiditlorsqu’iltenditlamainetluieffleuralesdoigts.—Sijevousavaiscroiséedanslarue,dit-ild’unevoixrauque,jevousauraissuivien’importeoù.Sesyeuxgrisnebrillaientplusd’unéclataussidur lorsqu’il les levaverselle.Etrangement,elle
éprouvaunsentimentdeproximitéqu’ellen’avaitpasl’habitudederessentiravecleshommes.Troublée,elledégageasamain.
Il ne protesta pas et continua à manger. Elle l’imita et, pendant de longues minutes, le silences’installa, amenant avec lui une tension qu’elle n’avait ressentie qu’avec cet homme. Il l’observaitbeaucoup trop attentivement, voyait tropde choses en elle, des choses intimesqu’elle n’imaginait paspouvoiréprouver.Saufqu’ellenevoulaitpasdecessentiments.Ellepréférait ledétesterpour l’avoiréloignéedeforcedesafamille.
Pourtant…soncorpsnetenaitpascomptedecesarguments.ElleentenditlesouffledeMcCallums’accéléreret,àsontour,elleeutdumalàrespirer.Lepoidsdesonregardétaitcommeunecaresse,etunlongfrissondescenditlelongdesondos.Ellefrémit.
—Vousavezfroid?demanda-t-ild’unevoixdouce.Elle secoua la tête, incapable de croiser son regard. Elle avait l’impression que ses lèvres se
souvenaientdecellesdeMcCallumetelleneparvenaitpasàsedébarrasserdel’imagedesontorsenu.Elles’efforçadeserappelerlasituationdésespéréedanslaquelleellesetrouvait.—J’aipenséàunmoyendevousprouvermonidentité,dit-elle.Ilgrognaetbutunerasadedewhisky.—Ilvoussuffitd’envoyerunhommeauchâteaudemononcle.VousdécouvrirezainsiqueCatse
trouveenAngleterreetqu’elleestmacousine.—Qu’est-cequecelaprouvera?JesavaisdéjàquevousétiezenAngleterre.Jenevaispasrisquer
lavied’undemeshommesenl’envoyantenquêtersurlesterresdesDuff.
— Mais vous avez dit que ce mariage était un pont entre nos clans. Il sera certainement ensécurité…
—Non,jen’enferairien,Riona.Cessezdevouloirchangerl’inéluctable.Elleselevad’unbond.—Je…jesouhaiteraismeretirer,lâcha-t-elle,furieuse.—Jevaismelaverpendantquevousvouspréparezàvouscoucher.Avantqu’ellepuisseluirépondre,ils’inclinaetpartitdanssachambre.«Pendantquevousvouspréparezàvouscoucher.»Qu’avait-ilvouludire?L’espaced’uninstant,elleenvisageadelesurprendredanssonbainpourluirendrelapareille,mais
iln’attendaitsansdoutequecela.Mieuxvalaitqu’ellesetienneloindesachambre.A l’instantoùelle s’apprêtait à semettreconfortablementdans son lit,MmeWallace frappa à la
porteetentra,l’air…malàl’aise.Rionafronçalessourcils.—MadameWallace?Quelquechosenevapas?—Non,madame,dumoins…jenepensepas.Monsieurm’ademandédel’attendreici.Voyantqu’ellegardaitlesyeuxbaissés,Rionasentit l’inquiétudelagagner.Ellesn’attendirentpas
longtemps.McCallumpénétradanslesalon,vêtud’unechemiseetd’uneculotte,unboutdecordeàlamain.
LamâchoiredeRionaentomba.—Qu’est-cequevousallezfaireavecça?demanda-t-elle.— Puisque vous avez entendu parler du « mariage d’essai », je vais vous présenter une autre
coutumeécossaise.—Mais…mais…—Peut-êtreenavez-vousdéjàentenduparler?Elleestégalementenvigueurdanscertainesparties
de l’Angleterre. Pendant que les fiancés se font la cour, on permet aux deux amoureux de partager lemêmelit,saufquel’onattachelesjambesdeladame.
—J’aientenduparlerdecettepratique!Maisjamaisjen’auraiscruqu’elles’appliqueraitàmoi.Elleestsi…rustique.
—Toutcommemoi,vousavezenviedemieuxmeconnaître.Jemesuisditquevousvoussentiriezplusàl’aiseainsi.
Savoixdevintplusgravelorsqu’ils’approchad’elle.—Montezdanscelit,jeunefille,quejepuissevousattacher.Rionaétaitsurlepointdes’enfuirencriantdanslecouloir,maisquepouvait-ellefaire?Follede
rage,elles’assitauborddulitetleregardas’agenouillerdevantellepourluiôtersesmules.MmeWallaceprituneprofondeinspirationetluidit,commepourladistraire:—C’est une façon très convenable de vous courtiser,ma dame.Monsieur n’a pas pu vous faire
correctementlacouràcausedececontratstupide,maissesintentionssonttrèshonorables.Rionaserralesdentsetneréponditrien.Ellen’étaitpastoutàfaitcertainequelesmotivationsde
McCallumsoientaussipuresquelagouvernantel’affirmait,encoremoinscesoir.Aprèscequ’ilvenaitde faire,MmeWallace ne pouvait plus le voir comme son petit garçon sagement rentré chez lui pourremplirsondevoir.
CespenséesneparvinrentcependantpasàdistrairesonespritdesmainsdeMcCallumposéessurseschevillesnues.Sapaumeétaitrugueuseetcalleuse,chosequ’ellesavaitdéjàet…quinesemblaitpasladéranger.Ilavaitdesmainsd’homme,écorchéesetcoupéessuiteàsonentraînementdelajournée.Iln’avaitaucunproblèmepourlatoucher,carilcroyaitêtredanssonbondroit.
Ilfinitparsereleveretsetournaverslagouvernante.
—Jevousremercied’avoirétémontémoin,madameWallace.Onnesaitjamais.Unjour,quelqu’unpourraitm’interpellersurlesujet.
—Biensûr,lairdMcCallum.Jevoussouhaiteunebonnenuit.EllequittalapiècesanscroiserleregarddeRionaetfermalaportederrièreelle.McCallum fit le tour de la chambre et souffla une à une les bougies, jusqu’à ce que les faibles
rougeoiementsdelatourbeplongentlescoinsdelachambredansl’ombre.Ils’approchaalorsdulitetsepenchapourtirerlescouvertures.
Ilsétaientseulspourlanuit.Rionarestaassise,laminerenfrognée,lesbrascroiséssurlapoitrine,manifestantdélibérémentsafureur.
Pourtant, elle se sentait fondrede l’intérieur. Ils avaient été seulsunnombre incalculablede foispendantleurvoyage.Pourquoileschosesluiparaissaient-ellessidifférentesmaintenant?Pourquoisesmembrestremblaient-ils,pourquoisaboucheétait-ellesècheetpourquoisoncœurtambourinait-ildanssapoitrine?
Soudain,McCallumsepenchaau-dessusd’elle,etelletombasurlescoudesenétouffantuncri.Ilposalamainsurlecadredulit,lessourcilsfroncés.—Vousaveztoujourspeurdemoi?Commentpouvait-elleluiexpliquerquecen’étaitpasdelui,maisd’elle,qu’elleavaitpeur?Peur
desuccomberàcedésirétrangequ’elleéprouvaitpour lui, l’hommequi l’avaitenlevée. Iln’étaitpasnormalqu’elleaitdetelssentiments,maisellenepouvaitpasleluidire.
—Oui,j’aipeur,murmura-t-elle.Jesaisquevousavezpromisde…nepasmeprendresansmonconsentement,maisj’aientendudirequeparfoisunhommen’avaitpastoujourstoutesatêtelorsqu’ilselaissaitemporterparlapassion.
—Est-cedonccequedisentlesjeunesviergeslorsquenousnesommespaslà?Elleneréponditrienetlâchaunnouveaucrilorsqu’illaserracontresontorsepourlapousserplus
prèsdumur.Ils’allongeaàcôtéd’elle,latêteposéesurunemain.Ellesesentaitpiégéeentresoncorpsimposant et le mur. Son ample torse était tout ce qu’elle pouvait voir. Sa chemise était un peudéboutonnée, et elle aperçut un duvet sombre dépasser de l’encolure. L’odeur fraîche du savon luichatouillalesnarines.
Ellefermalesyeuxets’efforçadesecalmer.— Vous croyez qu’il va être aussi simple d’oublier ma présence ? dit-il d’une voix rauque et
amusée.— C’est ce que j’ai fait à l’auberge, jusqu’à ce que vous m’attiriez brutalement contre vous,
répondit-elleenmaintenantlespaupièresfermées.Ellesentitsonsouffleluicaresserdoucementlevisagelorsqu’ils’exprima.—Jemesouviensplutôtquenousavonsdormidanslesbrasl’undel’autre.—Vousavezl’habitudedecroirecequevousvoulez.J’essaiedem’imaginerCat,votrevéritable
fiancée,tolérantvosétrangesavances.Ellenel’auraitjamaissupporté.Elletentaderemuerlesjambes,maisillesluiavaitattachéesd’unemainexperteetdefaçonàne
paslablesser.Ilposalamainsursongenou.—Chut,inutiledenousdisputer.Mêmesousletissudesachemisedenuitetdesonpeignoir,ellesentaitsachaleur.Elletournala
têteverslemurengrognant.—Ilsembleraitquenousayonstouslesdeuxunesœur…Pendantunelongueminute,elleneréponditrien,puisfinitpardireentresesdentsserrées:—Otezvotremain,etnousparlerons.Ils’exécuta.
—Voilàquiestmieux.—Nevoulez-vouspassavoirquiestmasœur?demanda-t-il.—Trèsbien,allez-y,parlez-moid’elle.—Maggieestplusjeunequemoidequatreans.Elleattirebeaucoupl’attention,etpasseulement
poursabeauté.Sesyeuxsontdecouleursdifférentes.L’unestbleuetl’autreestvert.Cetteréponseluifittournerlatête.Elleleregardad’unairsceptique.—Jelejure,dit-ilenlevantlamain.D’autreschoseslacaractérisentmais,commevousallezfinir
parlarencontrer,jeluilaisserailesoindevousenparler.—JesaisquelesEcossaissontdesgenssuperstitieux…—Ondiraitquevousn’appartenezpasànotrepeuple,lataquina-t-il.Ellepréféral’ignorer.—Leclanlatraite-t-ildifféremment?Sonsourires’évanouit.—Certains,oui,admit-il.Ellen’estpasencoremariée,etjepensequ’ellecraintqu’unhommene
puissepas…comprendresesdifférences.—Vousnelaforcezpasàsemarier,sijecomprendsbien?demanda-t-ellesèchement.—Pour lui faireceque l’onnousa fait? répondit-ild’unevoixsolennelle.J’aurais trèsbienpu
avoirenvied’épouseruneautrepersonne,nel’oubliezpas,jeunefille.Elleleregardaavecsurprise,puisavançaprudemment:—Agnès?Ill’étudiaunlongmomentavantdedétournerlesyeux.—Celan’apasd’importance.Etvous,aviez-vousdesvuessuruneautrepersonne?Elleauraitaimé luimentirdans lebutde leblessercomme il l’avait faitavecelle.Maiselle se
sentaittropvulnérable,tropfaiblepourêtreconvaincante.—Non.—Peut-êtrequevotrefamillevousatenueéloignéedeshommesconvenablesàcauseducontrat.— Sans m’en parler ? Je veux dire, sans en parler à Cat ? C’est insensé ! Non, j’étais plus
importantepoureuxàcausedemasœur.Ileffleuralatressequiétaittombéesursonépauleetl’enroulaautourdesondoigt.—Quelâgea-t-elle?—Vingtans.Elleesttrèsinnocente,complètementignorantedesécueilsdelavie.—Alorsquevous,vousêtesbeaucoupplusmûre?Soussonapparencecalme,ellesentitqu’ilsemoquaitd’elle,maisilneriaitpasetelleapprécia
sonattitudemalgréelle.— Je n’ai pas dit cela.Mais, si vous lui aviez fait ce que vousm’avez fait subir, elle se serait
évanouieenpermanence.—Aulieudesedébattreetd’essayerdes’enfuir?J’auraispeut-êtrepréférécetteoption.Maisilyavaitdel’admirationdanssavoix,etRionasesentitmalàl’aise.Ellel’étaitconstamment,
cequil’obligeaitàrestersursesgardesetàseméfier.Elleavaitmêmeoubliécequec’étaitquedesesentirheureuseetsatisfaite.
Peut-êtremêmen’avait-ellejamaisconnuvéritablementcetétat.—Vousparaisseztriste,murmura-t-il.Ilpenchalatêteetdéposauntendrebaisersursatempe.Cesimplegestesuffitàlaplongerdansun
océandepassion,dedésiretdedésespoir.Sonvisageétaitjusteau-dessusdusien,etilmurmuradansunsouffle:—Jeveuxquevoussoyezheureuse.
Ildéposad’autresbaisers,sursonfront,sajoue,sonmenton.Sesmainsauraienttoutaussibienpuêtreattachées,carellenepouvaitpluslesbouger.Et,siellelefaisait,ceneseraitquepourplongerlesdoigts dans ses cheveux noirs, défaire le lien en cuir qui les retenait et laisser ses boucles encadrerlibrementsonvisage.
Ils’arrêtalorsqueseslèvressetrouvèrentjusteau-dessusdessiennesetqueleurssoufflescourtssemêlèrent.Lessecondess’allongèrent,etelleaccentuaplusencorecetteexquise tortureensoulevant latête et en l’embrassant.Avecungrognement, il inclina sabouche sur la sienne, la forçant àouvrir leslèvres,etsa languese lançadansuneexplorationsidélicieuseque leplaisirdépassason imagination.Unepartiedesongrandcorpslapressaitcontrelesoreillers.Ilpritsonvisageencoupeetl’embrassaplusprofondément,avecplusdefougue,luiarrachantungémissementdeplaisirquifitéchoausien.Sonhaleine sentait légèrement lewhisky, comme s’il avait dû se donner du courage avant de la rejoindre.Sansdouten’était-cepasvrai,maiscetteidéeprovoquaenelleunfrémissementdeplaisir,toutcommelafermepressionqu’ellesentaitàprésentcontresahanche.Elleétaitpeut-êtreinnocente,maisCatluiavaitconfiéàvoixbassecommentlespersonnesfaisaientl’amour,informationsglanéesauprèsdesesamies.
Elleposa lesmainssursesépaulespuissantes,puis lesglissadanssescheveux.Elles’arc-boutacontresontorse,savourantleplaisirdelesentirsefrottercontresesseinstendus.Elleéprouvabientôtledésirqu’illestouche…
Soudain,elleserappelaquecegestepouvaitluifaireperdretouteretenue.Certes,illuiavaitnouélesjambes,maisilétaitégalementcapabledeluiôtersesliens.Quilesaurait?
Elletournalatêtesurlecôtéetditd’unevoixrauque:—Nousdevonsnousarrêter.Il ne répondit pas et se contenta d’enfouir son visage dans le creux de son cou sans cesser d’y
déposer des baisers humides, tandis qu’il se frayait un chemin vers le bord de sa chemise de nuit.Lorsquesamainremontalelongdesonbuste,elleluisaisitfermementlepoignet.
—S’ilvousplaît,Hugh,arrêtez.Lefaitd’entendresonprénomsemblaluifaireretrouverlesensdesréalités.Illevalentementlatête
etbraquasurelleunregardalangui.Saboucheétaitencorehumidedeleursbaisers,etelleéprouvaledésirirrationneldeluilécherleslèvres.Soneffortpoursecontenirlafittrembler,maisellecontinuadeserrersamainjusqu’àcequ’illaretire.
Il roula sur le dos à côté d’elle, puis posa son avant-bras sur ses yeux. Sa poitrine montait etdescendaitcomme lesouffletd’unforgeron.Pendantde longuesminutes, ils restèrentsilencieux.Le litn’étaitpasassezgrandpourqu’ilss’écartentl’undel’autre,etsonbrasreposaitencorecontreelle.Pours’éloigner,ilfallaitqu’elleserecroquevillecontrelemur.Maisellesavaitqu’elleneleferaitpas.
Elle réfléchit à cequ’elleallait luidire. Il fallaitqu’elle lui expliquequecelanedevaitplus sereproduire,luifassecomprendrequ’iln’avaitpastoujoursraison.
Soudain,ellel’entenditronfler.Elleposaàsontourunbrassursesyeuxengrognant,maislesommeilnevintpas.Sespenséeslui
torturaient tropl’esprit. Il fallaitqu’ellesortedecettesituationavantqueleschosesaillentplus loin!Sononcles’était-ilseulementdonnélapeined’informersesparentsqu’ellen’étaitpluslà?Qu’avait-ilditàCatpourluiexpliquersonabsence?Hormissasœur,sacousineétaitlaseulepersonneàl’aimervraiment, laseulequin’attendait riend’elle.Elledevaitêtrepaniquée, terrifiée…Lecomteavaitsansdouteinventéunmensongeélaborépourluidirequ’elleétaitpartiedesonpleingré…
Ilfallaitqu’ellemetteàtoutprixuntermeàsesruminations.ElleavaitunplanetmaintenantellesavaitqueDermotétaitlapersonneàapprocherpourluiconfiersessecrets.Maiscomment?Ilnefaisaitpas confiance à Hugh, il serait encore plus méfiant vis-à-vis d’une Duff. Si elle allait le trouverd’emblée, il ne se sentirait pas obligéde l’aider.Elle commencerait doncpar essayer dedevenir sonamie, afinqu’il sedétendeen saprésence.Ainsi, lorsqu’elle luiparlerait enfind’elle,de lanécessité
pour elle de s’enfuir, il la croirait. Et s’ils allaient trouver Hugh ensemble, peut-être se laisserait-ilconvaincrequ’elledisaitlavérité.
Hughroulasurlecôtéetpassaunbrasautourdesataille,levisageenfouidanssescheveux.Ellenepouvaitpasbouger,encoremoinsaveclesjambesattachées.Etellenevoulaitpasprendrelerisquedeleréveilleretd’endurerunenouvelletentativedeséduction…
Séductionàlaquelleelledevenaitdeplusenplussensible.
Chapitre10
Rionas’étaitblottiecontrelui,unemainenrouléesoussanuque,etHughauraitpuresterainsidanssesbras toute savie.L’aubene s’étaitpasencore levée,mais soncorps, lui, étaitbien réveillé, etdediversesmanières.
Il se sentaitheureuxetconfianten l’avenir.Rionan’étaitpas insensibleà sonégard. Il lui fallaitjusteunpeudetempspourcomprendrequeleurmariagepouvaitêtreheureux.Ilsnesefaisaientpeut-êtrepasconfiance,maiscelan’avaitpasd’importance.Laconfiancepouvait tuer.Pour lui, l’attiranceétaitplusimportantequel’amour,cesentimentmystiquequipouvaitlablesser.
Ellepoussaunpetit soupir, et il sentit sous sonbras sapoitrinemonteretdescendre.C’étaitunebonnefaçondelaréveiller.
Elleseraiditsoudainetpritunairoffensé.Puiselleouvritsesgrandsyeuxvertsqu’elleplongeadanslessiens.
—Jenepeuxpasmelever,s’excusa-t-ild’unevoixamusée.Quelqu’unmeretient.Elleroulasurledosensoupirant.—Jenepeuxpasmecontrôlerquandjedors.S’ilvousplaît,levez-vousetlibérezmonbrastoutde
suite.—Vousêtesentraindemedirequevousnemaîtrisezplusvosdésirsquandvousdormez?—Détachez-moi,s’ilvousplaît.Il se redressa en pouffant, puis s’agenouilla pour lui ôter ses liens. Il la détacha un peu plus
lentementquenécessaire,effleurantsapeaudouceàplusieursreprises.Ellepoussaquelquessoupirsexagérés.—Vousaimezm’avoiràvospieds,pasvrai?—Seulementsijepeuxvousfrapper,grommela-t-elle.Ildéfitcomplètementlacorde.—Vousvoyez,vousn’avezaucunemarque.Elleremontasesjambessurlelitpourmieuxexaminersapeau.Iln’yavaitquequelquesmarques
légères.—Puis-jelesembrasserpourqu’ellesdisparaissentplusvite?demanda-t-ild’unevoixdouceense
penchantverselle.Rapidecommel’éclair,elleramenalesjambessouselle.—Non,merci.Vouspouvezpartir,àprésent,etvaqueràvosoccupations.Ilseleva.—J’espèrequecettejournéepasseratrèsvite,afinquenoussoyonsdenouveauréunis.Elleparuthorrifiéeàcetteidéeetluidésignalaported’undoigttremblant.
—S’ilvousplaît,partez!Sivouscroyezquem’attacherserviravotrecause,vousvoustrompez.Jemesensplusoffenséequejamaisparlagrossièretédevosmanières.
Enappuicontrel’encadrementdulit,ilcontemplasesvêtementsdenuitfroissésavecintérêt.—Jepensequevousvousmentez,Riona.Vousavezaiméautantquemoique jevous embrasse.
Vousaimerezaussicequisuivra.Bienplusencore…Elleseredressasurlesgenouxetcria:—Sortez!Iléclataderireets’enalla,unsouriretriomphantauxlèvres.
***
Rionaprit sonpetit déjeunerdans lagrande salle.Elle avait songéque ce serait préférable àunrepasentêteàtêteavecHughdanssesappartements.Elles’étaittrompée…Elleétaitattabléeaveclesgensduchâteau,pourl’essentieldeshommesquis’efforçaientdenepaslaregarder,toutenl’observantàla dérobée. Jamais elle ne s’était sentie aussi exposée et détaillée avec autant de curiosité etd’interrogations. Beaucoup devaient voir en elle une ennemie. Mais certains la percevaient commel’élémentsalvateurpourleurclan.Cettesituationétaitaussiétrangequeterrifiante.Elleavaitpasséunegrandepartiedesonenfanceetdesonadolescenceàprierpourquequelqu’unlaremarque…Ehbien,elleavaitobtenucequ’ellevoulait.Quelleironie!
Samuelpritletempsdeluidemanderdesesnouvelles,etelleluienfutreconnaissante,maiscefutl’exception. Les conversations se poursuivirent autour d’elle en gaélique, et elle se sentit très seule,étrangère etmal à l’aise. Pour se redonner de l’entrain, elle se rappela qu’un jour elle partirait. Il lefallait,songea-t-elleavecfermeté,seremémoranttoutcequis’étaitpasséentreHughetellelaveille.
Ellepassaunegrandepartiedelamatinéeàexplorer lechâteau,àouvrirdesportesauhasard,àparlerauxdomestiques.ElleseprésentaàcontrecœurauxgentilshommesquiaidaientHughàgérerlesaffairesduclan.MaisellenecroisapasDermot.Toutlemondesemontraitpolimaisdistantavecelle,parfoismêmeméfiant.Elleavaitvraimentl’impressiond’êtreuneennemie,uneDuffperdueaumilieudesMcCallum.Enrevanche,sil’occasiondes’enfuirseprésentait,elledeviendraituneDuffquiconnaissaitlaconfigurationdeLarigCastle,mêmesisesespoirsétaientminces.
Amesure que la journée avançait, les souvenirs de sa nuit attachée au lit avecHugh affluèrent.L’excitationdevintdeplusenplusforte.Elleavaitbeauserépéterqu’ils’agissaitd’uneoccasionrêvéed’ensavoirplussurlui,sursesfaiblesses,aufondd’elle,elleseplaisaitàimaginercommentilpouvaitlatoucher,queleffetcelaluiprocureraitetcequipourraitsepasserensuite.
Pourquoi nourrissait-elle ce genredepensées à proposdu fiancéde sa cousine ?Cat avait beaul’ignorer,leursfamillesavaientarrangécemariagedepuislongtemps.Elle-mêmedevaitlerespecter.Or,elledécouvraitenelledesélanshonteuxdontellen’avaitjamaissoupçonnél’existence.
Poursechangerlesidées,ellepartitendirectiondescuisinesetregardacuisiniersetdomestiquespréparerlestartesqu’ilsserviraientavecleplatprincipalaudîner.MmeWallaceétaitlà,elleaussi.Ellevint bavarder gaiement, comme si elle n’avait pasvuMcCallum l’attacher.Elle neput s’empêcherderougiràcetteévocationmais,pourceuxquil’entouraient,sesjouesrougesétaientcertainementduesàlachaleurquirégnaitdanslacuisine.
Un homme vêtu de haillons entra dans la pièce, et MmeWallace expliqua qu’il s’agissait d’unnécessiteuxquiavaitl’autorisationdevenirmendier.Apparemment,l’hommes’entretenaitrégulièrementaveclesdomestiques,auxquelsilfournissaitdesinformationsenéchanged’unrepas.MmeWallaceluidemandaalorsd’unairhésitantsi laprésencedecethommeétait toujours labienvenue.Rionafut trèsembarrasséepourrépondre,carellenevoulaitpasseplacerenfuturemaîtresseduchâteaudevanttouscesgens.
Pourtant…ilétaitrarequ’onluidemandesonavis,etellefutreconnaissanteàMmeWallacedeluiavoirdonnécetteoccasion.Etrefuserd’avoirpourunefoissonmotàdireluilaissaungoûtamer.
Après le déjeuner, elle enfila un manteau avec un capuchon et des bottes pour sortir par cettejournéenuageuse,humideetboueuse.Elleavaitl’habitudedesepromenerseuledetempsentempsdanslesparcspublicsdeLondresoud’allerfairedesachatsdansRegentStreet.Elletrouvadoncétrangedene voir personne la suivre. Elle ignorait qui était son mystérieux garde, mais la cour était tellementenvahiedemondequ’illuiétaitfacilederestercachée.Elledeviendraitfollesiellen’avaitrienàfaire!L’espaced’uninstant,elleenvisageademarcherverslaguéritepourpasserdanslemondequiluiétaitinterdit,maisdansquelbut?Seule,ellenepouvaitallernullepartetnesavaitmêmepasoùsetrouvaitlevillageleplusproche.Cen’étaitpascommesilescheminsétaientéquipésdepanneauxdesignalisation.Les pistes qui s’entrecroisaient sur lesmontagnes avaient certainement été tracées par le bétail et nemenaientsansdoutenullepart.Ellenevoulaitpasmettrebêtementsavieenpéril.Ellepassaquelquetempsàobserverlesgardesquisurveillaientlesgensentrantdansl’enceinteetremarquaqu’ilsétaientbeaucoupmoinsvigilantsavecceuxquisortaient.
Elledéambuladanslesdiversbâtimentsduchâteauetrenditcertainementlesdomestiquesnerveuxàforcede lesregarderbrasser labièreet faire tremper le linge.Dans lacour inférieure,ellecontemplaavecfascinationleforgeronfrapperlemétalincandescentpourenfaireunferàcheval.
Mais tout cela n’était au fond qu’une excuse pour observer Hugh avec ses hommes. Elle avaitl’impressiond’avoiraffaireàdespersonnesdifférentes:leravisseurimpitoyable,lechefdeclanavided’autoritéetderespect,lefiancéquil’embrassaitavecunefougueàpeinecontenue.Saufqu’iln’étaitpassonfiancéetnedeviendraitjamaissonmari.
Elle n’aurait jamais imaginé qu’un tel homme puisse s’enticher d’un petit terrier poilu qui erraitdanslacour.Sonpelagefauveétaitsouillédebouecommes’ilvenaitdecouriràtraversunetourbière.Ausommetdesatête,unetouffedepoilsluidonnaitl’airdeporterunchapeau.Salanguependaitavecjoiecommes’ilvenaitdetrouverlemaîtreparfait,etilnequittaitpasHughdesyeux.Rionas’adossaàunmuretleregardajoueravecl’animaljusqu’àcequelaséanced’entraînementprennefin.QuandHughrevintdanslacourprincipale,lechienlesuivit.Ils’arrêtachezleforgeron,désignaleterrier,maisnereçutenretourqu’unhaussementd’épauleindifférent.
Il revintalorssursespas,et lechien lesuivitdocilement, trottinantàcôtéde lui sur sescourtespattes.Rionarestadissimuléedansl’ombredumurprèsdelaforge,heureusedepouvoirsecachersousson capuchon. Elle n’était pas encore prête à sentir les prunelles grises de Hugh se poser sur elle,parcourirsoncorpsetluirévélersesenvieslesplus…inavouables.
Unjeunepalefrenier,quinedevaitpasavoirplusdedixans,reconduisaitunchevalauxécuries.Ils’arrêtabrusquementenapercevantHugh,commeimpressionnéparsaprésence.
Hughdésigna le chien et s’adressa à lui engaélique.Legarçondisparut avec le cheval et revintaussitôtavecunboutdecordequ’ilpassaautourducoudel’animal.TousdeuxregardèrentalorsHughs’éloignerensilence.Si lesyeuxdu terrierétaient remplisd’amour,ceuxdu jeunegarçonparaissaientbeaucouppluscirconspects.
Rional’observaalorsdeplusprèsetenressentitunsentimentétrange.Ilavaitdescheveuxnoirsetunfrontproéminent.Ilparaissaitavoiruncorpsvigoureux,particulièrementgrandparrapportauxautresenfants de son âge, comme s’il allait devenir un jour un grand gaillard.De quelle couleur étaient sesyeux?songea-t-elleenfrémissant.
Elles’assurad’uncoupd’œilqueHughavaitatteintlacourprincipaleavantdesedirigerverslesécuries.Elledécouvritlegarçonoccupéàparlerauchienengaélique.Leterrierlevaittoujoursversluiunregardpleind’espoir.
—Bonjour,dit-elle.
Il levavers elle l’éclat de ses prunelles grises, et elle en eut un choc. Il ressemblait tellement àHugh!
Ellerestatoutd’abordsansvoix,comprenantl’implicationdesadécouverte,puiselleseditquelesMcCallumétaienttousplusaumoinsapparentés,riend’étonnantdoncàcequ’ilsseressemblent.Etpuis,Hughn’étaitpasdestinéàdevenirsonmari.Cen’étaitdoncpassonproblème.
Legarçons’inclinadevantelle.—Madame.Asongrandsoulagement,ilparlaitanglais.—Commentvousappelez-vous,jeunehomme?—Brendan.Etvous?demanda-t-ilavecaudace.Elle réprima son envie de sourire en pinçant les lèvres. Dire qu’elle croyait que tout lemonde
savaitquielleétait!—Jem’appelleCatriona.Ilécarquilladesyeuxstupéfaits.—LadyCatriona?LafemmedeMcCallum?—Jenesuispasencoresafemme,corrigea-t-elleensouriant.C’estunjolichien.—Monsieurm’ademandédeprendresoindelui,répondit-ild’unairàlafoisfieretméfiant.Saméfianceétaitdirigéeverselle,c’étaitévident.Elleneputs’empêcherdeseposerdesquestions
surcetenfantetsursafamille.Avaient-ilsremarquésaressemblanceavecleurchef?Elleregardaautourd’elle.—J’aivud’autreschiensalleretvenirdanslacour.Celui-cia-t-ilquelquechosedespécial?Ilhaussasesmaigresépaules.Pourungarçond’écurie,ilparaissaitremarquablementpropre.—McCallumaditquecelui-ciétaitjeuneetqu’ilnevoulaitpasqu’ilresteseul.Iladitqu’ilferait
un bon chien d’écurie. Les terriers chassent les blaireaux, et je pourrais peut-être aussi l’entraîner àchasserlesrats.
—Vousvivezdanslechâteau?Illaregardacommesielleétaitfolle.—Non,jevisauvillagechezmagrand-mère.Mamèreestmorte.Ilneparlapasde sonpère, et elledécidadenepas l’interroger sur le sujet.A laplace, elle se
penchaverslechienetcaressasapetitetêtepoilue.—Vousluiaveztrouvéunnom?—Jevaisyréfléchir.Amoinsquevousnesouhaitiezlefaire,ajouta-t-ilàlahâte.—Non,biensûrquenon.Cechienestàvous.Ilsemblasedétendre.—J’aiencoredutravail,dit-il.Jevouspriedem’excuser,madame.Puisilconduisitlechiendanslesécuries.Rionaleregardapartirenessayantdemodérersacuriosité.
***
Cesoir-là,audîner,Hughsepromenaentrelestables,s’arrêtantpourparleràsesgentilshommesetpourrencontrer leursépouses.Sonentraînementdumatinavaitétéplusrudequeceluide laveille.Lasurprisedesonarrivées’étaitatténuée,etsesdixannéesd’absencesefaisaientsentir.Tousavaientcraintsonpèreetsesaccèsderageexacerbésparl’alcool,maisavecluiilsnesavaientpasàquois’attendre.
Normalement,unchefn’avaitpasbesoind’entraînerseshommes,maisilluifallaitnommerunchefdeguerreet ilnesavaitpass’ilpouvait le faireavant lacérémonie. Ilavaitétésurprisque leclan lechoisissepourchef,étantdonnésonenfancerebelleetlescandaleprovoquéparsonhistoireavecAgnès.
Mais son travail pour le compte des Ecossais au Parlement avait joué en sa faveur, et il était ledescendantdirectd’unelignéedechefs.Etpuis,ilyavaitaussiladotdeRiona…
IldécouvritBrendanoccupéàmangeràl’arrièredelagrandesalleavecd’autresenfants.Ilavaitinterrogésonrégisseursurlegarçon,aprèsl’avoirvudanslesécuries,etluiavaitdemandépourquoiiln’était pas chez lui à aider sa grand-mère.Mais le régisseur n’avait pas de réponse à lui donner. Legarçonvivaitdansunebellemaisonauvillage,qu’il était allévoir, etdisposaitd’assezd’argentpourvivreconfortablement.
Pourtant,Brendan se trouvait àLarigCastle et travaillait dans les écuries, ce qui n’avait pas desens.Ilfaudraitqu’ilailleparleràlagrand-mère,songea-t-il.
Leterrierconstituaitleprétexteparfaitpourentrerencontactaveclui.Ils’étaitefforcéderendrelaconversationentreunchefetungarçond’écuriemalàl’aiseaussiinformellequepossible.SiBrendanavaittrouvéétrangequ’illuiconfiecechien,iln’enavaitrienmontré.Illuiavaitsuffideluidirequelepetitchiotrisquaitd’êtredominéparlerestedelameutepourqueBrendanrépondeàl’appel.
Celaluiavaitdonnél’occasiondel’observer,etcequ’ilavaitvuluiavaitplu.Maislatristessedesessouvenirsavaitdumalàs’estomper…
***
RionadistinguaitparlafenêtrelelochVoilquibrillaitsouslesoleilcouchant.Aprèscettejournéepluvieuse, le spectacle était magnifique. Pourtant, elle était en proie à une certaine mélancolie. Ellevenaittoutjustedequitterledînerdanslagrandesalle,fermementdéterminéeàresterseuleavecHughaussipeude tempsquepossible.Maiselleavaitsenti lepoidsdesonregardpendant tout le tempsdurepas.Commes’ilavaitcomprispourquoiellerecherchaitlacompagniedesesgentilshommes,ils’étaitcontentédeluisourireetdedemanderauharpistedejouerpourelled’ungeste.
Peuàpeu,lesconvivess’étaientretiréspourlanuit,etellen’avaitpuqueserésoudreàlesimiter.Hugh étaitmontépeude temps après elle,mais cela faisait déjàplus d’uneheure, et il ne l’avait pasencorerejointedanssachambre.
Soudain, il pénétra dans la pièce sans frapper, les cheveux encore mouillés de son bain, vêtusimplementd’unechemiseetd’uneculotte.
Commesielleavaitreçuunsignal,MmeWallacefrappaetentraparlaporteducouloir.—Ehbien,j’espèrequevousavezeuunelongueetbonneconversationensemble,hiersoir,dit-elle
ensouriantàRiona.—Eneffet,réponditHughd’unairinnocent.MmeWallacelacontemplaalors,etRionasecontentadehocherlatête.Hughsefrottalesmains.—Pouvons-nouscommencer?demanda-t-il.Oùestlacorde?Rionafuttentéedeluirépondrequ’ellel’avaitperdue,maisellesavaitqu’ilenprendraituneautre.
Ellesedirigeaverslecoffre.—Jel’aicachéeafinquelabonnenelavoiepasetpouréviterlescommérages,expliqua-t-elle.—Trèsfutédevotrepart.Ilattenditprèsdulit.Rionaavaitl’impressiondejouerunrôledansunepiècedontMmeWallace
était la seulespectatrice.LesprunellesdeMcCallumbrillaientà la lueurdesbougies. Ilpritdanssesgrandesmainslacordequ’elleluitendait,etellesesurpritàfrémir,maispasdepeur.L’idéed’êtreàsamercinelaterrifiaitplus.Lefaitd’êtreattachéeladéchargeaitmêmedetoutefaute.Ellepouvaitainsiacceptercequiallaitsepasser—l’accepter,ets’enréjouirensecret.
Mortifiée par ces pensées, elle détourna le regard, puis ferma les paupières lorsqu’il passadoucementlacordesursajoue.
Ellerejeta la têteenarrièreet lançaunregardfurtifàMmeWallace,quisedépêchademettre lamainauxcléssuspenduesàsataille.
—Asseyez-vous,ditMcCallumd’unevoixgrave.Riona s’exécuta et s’efforça de détourner la tête au moment où il s’agenouillait devant elle. Le
regarderdroitdanslesyeuxétaitbeaucouptroprévélateur.Elleylisaitdelapassion,dudésir,etl’idéed’êtredésiréeparquelqu’un—surtoutlui—étaitterriblementattrayante.
—Jen’aijamaisattachéunefemmeauparavant,luiconfia-t-ilàl’oreille.Etjetrouvel’expériencetrès…stimulante.
Elleauraitaiméluidécocheruncoupdepied,maislacordeluientravaitdéjàleschevilles.Ellesecontentadepousserun longsoupirquiarrachaàMcCallumunpetit rire.Lorsqu’ileut terminé,elleseservitdesesmainspourseglisseraufonddulitavantqu’ilpuisselatoucher.
— LairdMcCallum, lady Riona, je vous souhaite une bonne nuit, lança alorsMmeWallace enfermantlaportederrièreelle.
«Unebonnenuit»…Rionalevalesyeuxauciel.Etait-cedel’humour?EllecontemplaleplafonddulitàbaldaquintandisqueMcCallumsoufflaitlesbougiespuisvenaitlarejoindre.Ellerestaallongée,le corps raide, bien décidée à ne pas se prêter à cette farce et à décourager toute tentative deconversation.Mais lesilenceseprolongea,vibrantdetension.LegrandcorpsdeMcCallums’enfonçadans lematelas, l’encourageantsubtilementàse rapprocherde lui,etelledut lutterpour resterdesoncôté.Ildégageaituneagréablechaleur,trèsattirantecomparéeauxmursenpierrefroide.Etilsentaitbonle savon… Finalement, elle éprouva le besoin de distraire son attention ou, pour être honnête, de sedistraire,elle.
—Quandallez-vousêtreofficiellementproclaméchef?demanda-t-elleenrisquantunregarddesoncôté.
Lorsqu’ilcroisalesbrassoussanuqueetlevalesyeuxversleplafond,commeelleprécédemment,ellepoussaunpetitsoupirdesoulagement.
—Aucoursd’unecérémoniequiauralieudansunesemaineoudeux.C’estunesimpleformalité,saufsivousvousdemandezencoresivouspouvezépouserunautrechef.Aprèstout,votredotpourraitêtretrèsconvoitée,etleclanpourraitvouloirsel’approprier.
Rionafitlagrimaceensongeantqueleclann’étaitpasprèsdemettrelamainsurladotdeCat.—Non, je ne pensais pas à cela. Jem’interrogeais juste sur les devoirs d’un chef.Commemon
onclenevitpasenEcosse,iln’apasentraînéleshommesduclanDuffcommevousl’avezfaitaveclesvôtres.
— D’habitude, nous désignons un chef de guerre pour cela mais, comme vous avez dû lecomprendre,j’aibesoinquetousmeshommesapprennentàmeconnaîtredenouveau.
—Maisvousavezunchefdeguerre?—Jevaisennommerun,certainementAlasdair.—Cethommequisembleprendretellementdeplaisiràsebattreavecvous?—Lui-même.Ilestunpeujeuneencorepourcetitre,maissonpèreaétéchefdeguerrependantde
nombreusesannées,etAlasdairconnaîtcesmontagnesmieuxquequiconque.—Etaussil’artdelaguerre?—Ils’estbattuàSheriffmuiravecDermotetmoi.Noussavonstouscequ’ilencoûtedefaireles
mauvaischoix.Jen’oublieraijamaisnotreretraitedePerth,lorsquecertainssoldats,souslesordresdecetempotédecomtedeMar,ontincendiétroisdenosvillagespourralentirl’avancéeduducd’Argyll.Touscesfoyers,toutescesmaisonsdétruitesparcequeMarétaitincompétentetmanquaitd’initiative!
Entendantlatristessedanssavoix,elletournalesyeuxverslui.Sessourcilsétaientfroncésetlesmusclesdesamâchoireserrés.
— Alasdair a sans doute l’ascendance requise, dit-elle d’une voix hésitante, mais a-t-il letempéramentnécessaire?Ilsemblaitprendreplaisiràvousprovoquerdevantvoshommes.
Ilsetournaverselle,etlesnuagesquihantaientsonregarddisparurent.—Seriez-vousinquiètepourmoi,commeunevéritableépouse?—Biensûrquenon!sedéfendit-elleprécipitamment.Vousêtescapabledeprendresoindevous-
même.Préférantreveniràunsujetplussûr,elleajouta:—N’ya-t-ilpaseud’autrebataillejacobineaprèslarébellion?—Nousn’avonspasenvoyéd’autreshommesparcequel’Espagneseservaitdel’Ecosseetdeses
problèmespourharcelerlegouvernementbritannique.L’Espagneavaitpromisqu’uneflottedébarqueraitau sud de l’Angleterre et qu’une petite viendrait rejoindre les jacobins enEcosse.Mais, comme celaarrivapour ladernièrearmadaespagnoleauXVIe siècle, lesbateauxessuyèrentde fortes tempêtes. Ilsdurentfairedemi-tour.SeulsdeuxnaviresespagnolsatteignirentlesHébridesextérieures.Leursforces,associéesaupetitcontingentdejacobins,nefirentpaslepoidsfaceauxAnglaisetauxbâtimentsroyauxquipassèrentpar le lochAlsh. Il y eutuncourt affrontement àGlenShiel avant la retraite finale.LesEcossaisnedéplorèrentaucuneperte.Toutcetaffrontementnefutqu’unegigantesquefarce.
Rionaacquiesça.Celafaisaitaussipartiedel’histoiredesonpeuple,mêmesisamèreappartenaitau camp opposé. A qui devait-elle semontrer fidèle ? Devait-elle au contraire se tenir à l’écart, enespérantnejamaisêtreconcernéeparlesconflits?Soudain,ellesesentitlâcheetpréféraéloignercespensées.
—QuantàAlasdair,repritHugh,ilatoujoursétémonami,mêmequandceux-ciétaientrares.—Vousétiezlefilsduchef.Commentétait-ilpossiblequevousn’ayezpasd’amis?—Souvenez-vousdequiétaitmonpère.Univrogneimprévisible,aveclepouvoirdevieetdemort
surleclan.Toutlemondelecraignaitetavaitpeurdeleprovoquer.Ilétaitplussimplepourtousdetenirlesenfantsàl’écartdemasœuretmoi—d’autantqueMaggienefaisaitrienpourleurdonnerenviedes’approcherd’elle.
CetteMaggiel’intriguaitdeplusenplus,maisRionaneposapasdequestionssurelle.—Lepèred’Alasdairaalorsdemandéque je soisplacédans sa famille, commen’importequel
autregarçon.Mêmemonproprepèreaétéchoquéparcettesuggestion,maisilm’avolontierséloignéduchâteau.Cela a été la plus belle année dema vie.Alasdair s’estmontré un véritable frère pourmoi.Lorsque,àtreizeans,j’aiétéinforméducontratentrenosdeuxfamilles,j’aifaittoutcequej’aipupourmerebeller.Alasdairaétéceluiquiestvenutempérermesardeurs.Sanslui,j’auraisfaitbienplusquevolerdesfusilsauxAnglais.
—Etilaétéfouettéàvotreplace,serappela-t-elle,compatissante.Elleobservadenouveausonprofiletdécouvritsonexpressionpluspensivequerageuse.—Aprèscela,nousn’avonsplusjamaisétélesmêmes,reconnut-il.Puismamèrenousaemmenés.
Jesaisqu’elleavoulunousprotéger,maissongestenousaexclus.Lorsquejesuisallémebattreavecleshommesdemonclan,nousavonsnouédesliens,maisensuite…
Agnès…Ellenevoulaitpassavoircommentlajeunefemmeétaitmorte,nisiBrendanétaitlefilsqu’elleavaiteuavecHugh.Mais,sicelaétaitvrai,quelhommepouvaitlaissersonfilsdevenirgarçond’écuriepoursurvivre?
Elle mit un terme à ces pensées en se disant que Brendan pouvait également être un cousin.McCallumsemblaitenavoirdescentaines.
Puisunepenséeterribleluitraversal’esprit.Agnèsétait-ellelafemmequeHughn’avaitpuépouseràcauseducontrat?
Elleressentitunpincementdeculpabilitéqu’ellen’auraitpasdûavoir.Ellen’étaitpaslafiancéetantconvoitée,cecin’étaitpassavie,etelleétaitbiendécidéeàlaquitter.ElleavaitprévenuHughqu’il
avaitcommisuneerreur.Ilavaitchoisidenepaslacroirepourlasoumettreàsavolonté.Ilenassumeraitdonclesconséquences.
Demêmequesonclan.Ets’ilnepouvaitarrangerleschosespoureux…Ellesongeaàcetteterrecachéedanslesmontagnes,oùdemystérieusesféesfaisaientjaillirlameilleureeau,lameilleuretourbeetlameilleureorge,pourleurwhisky,cetalismanpourleclan.Hughs’étaitdiscréditéàleursyeuxavecson immaturité, seserreursde jeunesseetcequi s’étaitpasséavecAgnès,maison le luiavaitdepuispardonné.Ilsepouvaitd’ailleursquetoutlemondesoitaucourantpourlepetitgarçon.
Mais,sileclanperdaitsesterres,ilneleluipardonneraitjamais.
Chapitre11
CouchéàcôtédeRiona,l’espritenéveil,HughsesurpritàpenseràAlasdairetàlamanièredontles liens qui les avaient unis s’étaient usés et affaiblis. La seule façon d’arranger les choses était demontreràsonfrèreadoptifquesaplaceétaitici,etqueleclansignifiaittoutpourlui.
Iln’aimaitpasvraimentenparler,maisilsavaitquelesfemmesappréciaientcegenredechoses.S’ilvoulaitqueRionaaccepteunjoursavieetqu’elleluifasseconfiance,ilfallaitqu’elleapprenneàleconnaître.Etilnedésiraitqu’uneseulechose:allerdel’avantetfairesespreuves.
Celalaconcernaitaussi.Elleneressemblaitpasauxautresfemmes,prêtesàaccepterlesrèglesqueleshommes leur imposaient.Sonbesoinde luttercontresondestin l’avait toutd’abordexaspéré,maispeu à peu sa détermination l’avait rendue à ses yeux plus intéressante et attirante. Il finirait bien partrouverunmoyendeluifairecomprendrequ’ilpouvaitêtreagréabledesesoumettre,etqu’êtresafemmepouvaitlarendreheureuse.
Ilroulasurlecôté,posalatêtesursamainetlacontempla.Elleétaittendueet,soussesvêtementsdenuit,sesjambescherchaientenvainàsedégagerdesesliens.
Lorsqu’ilposaunemainsursacuisse,ellesursauta.—Détendez-vous, jeunefille.Essayerdevousdégagerdevos liensnepeutqu’irritervotrepeau
délicate.Jeseraisalorsobligédevoussoigneretdepasserunbaumesurvotrepeau…Elles’étaitimmobiliséed’uncoup,etcetteattitudeluiarrachaunpetitrire.Ilsepenchaverselleet
luimurmuraàl’oreille:—Voilàquiestmieux.Ilattenditqu’elleluidemanded’ôtersamain,maisellen’enfitrien.Elletremblait,maisilsavait
que cen’était pasdepeur, pas après le baiser incroyablequ’ils avaient partagé l’autrenuit.Peut-êtreétait-ceunesortedepeur,maisd’elle-mêmeetdecequipourraitsepassersielleselaissaitaller.
Ilôta lamaindesacuisse,puis tirasur le lienquiretenaitsa tresseavantde ladéfaireavecsesdoigts.Ilétalaensuiteseslongscheveuxblondssurl’oreillercommeunhalodelumière.Ellen’étaitpasunange,etiln’attendaitpasd’ellequ’ellesoitparfaite,nobleetpure.
— Magnifique, murmura-t-il en se penchant vers elle pour humer le parfum de fleurs qui sedégageaitdesachevelure.
Il saisit alors une boucle et s’en servit pour caresser la joue deRiona.Elle tiqua, semordit leslèvresetgardalesyeuxfermementbraquésversleplafond.Iltraçaensuiteuncheminverssonnezetseslèvres,avantdes’attardersursonmenton.
—Hugh!dit-elled’unevoixexaspérée.—Chut…
Ilpoursuivit,effleurantsoncou,jusqu’àlalisièredesachemisedenuit.Labouclelacaressaitàsaplaceetsefrayaituncheminentresesseins,tandisqu’ilessayaitd’imaginercesmêmescaressessursoncorpsnu.
LesouffledeRionaétaitrapideetirrégulier.Ilsebloqualorsqu’ildessinalentementdescerclessurses seins. Il feignit d’effleurer leurs pointes dressées mais, juste au dernier moment, se ravisa. Ils’attendit à l’entendregémirdedéceptionetdedésir,mais elle semblait se retenir auprixd’uneffortherculéen. Ses paupières étroitement fermées et ses lèvres sèches étaient un baume pour sa fiertéd’homme,etilluitardaitdeluienmontrerplus.
Finalement, ilneputrésisterpluslongtempsetpassal’extrémitédelamèchesurlapointedesonsein.Elleétouffauncrietfrémitavantdeluiôtersaboucledesmains.
—Hugh,arrêtez!Vousnedevriezpas…ilnefautpas…—Ressentir du plaisir ?Nos corps sont faits pour cela, jeune fille.Dans peu de temps, chaque
partie de votre peau se languira demes caresses. Et je n’ai pas seulement envie de toucher, dit-il ens’approchanttoutprèsdesonoreille,maisaussidegoûter.
Elle fit entendre unpetit bruit étranglé et détourna le visage, les joues empourprées. Il sentait ledésir palpiter dans ses veines, mais son esprit s’efforça de le modérer car il n’y aurait pas desoulagementpourluicesoir,etsansdoutepasavantlongtemps.
Ilavaitentreprisuneséductionquipouvaitdurertouteunevie.Ilavaitpasséunegrandepartiedesonexistence à apprendre lapatience et,maintenant, il allait lamettre à l’épreuve.Riona envalait lapeine.
—Dormez,jeunefille,maisjeresteraiprèsdevous.Ilroulasurledospouréviterd’êtretentédelatoucherdenouveau.Entendantl’oreille,ilentendit
sonsouffles’apaiserpeuàpeuetsentitqu’ellenetremblaitplus.Iltournalatêteverselle.Elleavaitlesyeuxclos,etl’expressiondesonvisages’étaitadoucietandisqu’elles’endormait.
Pendant combiende temps allait-elle lui résister ?Sa résistance serait-elle à la hauteur dudésirqu’ilressentaitpourelle?
***
RionaseréveillalorsqueHughquittalelit,àl’aube,maisellegardalesyeuxfermés.Ellelesentitrabattrelescouverturessurelle.Lorsqu’ilsefutéloignédulit,elleentrouvritlespaupières,etàtraverslalumièregrisequifiltraitparlafenêtreellelevitmettreunenouvellebriquedetourbesurlesbraisesdanslacheminée.
Ilveillaitàsonconfort.Ilavaitàcœurqu’elleledésireetqu’elleaitenviederester,songea-t-elleavecrésignation.
Elle était peut-être innocente,mais elle connaissait assez lemonde pour savoir qu’il pouvait laforcer purement et simplement à l’accepter face à son peuple. Pourtant, il ne l’avait pas fait. Acontrecœur, elle se surprit à l’admirer pour cela,même si elle le prenait pour un homme stupide, quis’obstinaitànepaslacroirealorsqu’elledisaitlavérité.
Ellecomprenaitaussique,s’ilacceptaitdedonnerducréditàcequ’elleaffirmait,leurmariageseréduiraitàunefarce,etiln’étaitpasprêtàreconnaîtresadéfaite.
C’estpourquoiellenepouvaitrestersansrienfaireenattendantqu’ilsedécideàentendreraison.Ellelesuivitduregardlorsqu’ilsedirigeaverslesalon.Sesépaulesétaientincroyablementlarges,toutenmuscles,forgéesparlemaniementdel’épée.Elleneputs’empêcherdelesregarderavecfascination.Il avait des hanches étroites, comme faites pour se caler entre ses cuisses. Ces pensées interditesprovoquèrentenelleunedouleursourdecauséepar ledésir,etellepritpeur.Durant lanuit, il l’avaiteffleurée avec ses propres cheveux, et elle avait été choquée de constater à quel point elle désirait
désespérémentqu’illuicaresselesseins,àquelpointelleavaitétédéçuequ’ilsecontented’entaquinerlespointespendantdelonguesminutes.Ensuite,lorsquesongesteétaitdevenuplusprécis,lechocs’étaitpropagé dans tout son corps, surtout au creux de son ventre, juste entre ses cuisses. Elle avait déjàconstatéàcommeilétaitagréabledesetoucherelle-même,maisquandc’était luiquilefaisait…Elleignoraitqu’unhommepouvait susciterenellede tellesémotions,même lorsqu’ellenevoulaitpasêtreséduite—mêmes’ils’agissaitdufiancédesacousine.
Ellesecouvritlevisageavecunoreilleretgémit.Ilfallaitqu’ellemetteuntermeàcettefarceavantqu’ilsoittroptard!
Enarrivantdans lagrandesallepourprendre lepetitdéjeuner,elles’aperçutqueHughétaitdéjàparti inspecter des forages. Il avait étudié de nouvelles techniques agricoles qu’il voulait mettre enœuvre,luiavaitexpliquéSamuel.Dermotétaitpartiaveclui.EllesesentitsoulagéequeHughneluiaitpasdemandédel’accompagner.
Elleretournadanssachambreprendresonmanteau.Lajournéeétaitdenouveaugriseetpluvieuse:un temps parfait pour l’idée qu’elle venait d’avoir. Elle voulait tester les défenses du château etdécouvrirsiungardesurveillaitbienchacundesesfaitsetgestes,commeHughleluiavaitannoncé.
Ellequittalechâteauetcommençaàinspecterdiscrètementlacour.Lesgenss’étaienthabituésàsaprésence.Certainslasaluaientmêmedelatête,sansluiprêtercependantplusd’attention.Peut-êtren’yavait-ilaucungarde,etHughluiavait-ilmentipouréviterqu’elletentedes’enfuir?
Elledécidadesortirparlaporteprincipale,oùallaientetvenaientlesgens,dansl’espoirdenepasse faire remarquer. Des chevaux de somme lourdement chargés de paquets et des voyageurs à piedarrivaientchaquejour.Lesgardesarrêtaienttousceuxquientraient,maisceuxquiquittaientl’enceinteduchâteau semblaient libres de le faire à leur guise. Au cas où les gardes auraient reçu l’ordre de lasurveiller, elle attendit le départ d’un convoi de chevaux pour leur emboîter le pas etmarcher à côtéd’eux.Elleavaitrelevésoncapuchonetavançaittêtebaissée,lecœurbattantàtoutrompre.Lesgardess’entretenaient en gaélique avec de nouveaux venus, aumilieu des hennissements des chevaux et desgloussementsdespoules.
Ellecontinuad’avancer,puiss’éloignaduconvoipouremprunterlesentierquisinuaitverslebasdelacolline,endirectiondulochVoil.Achaquepas,ellegagnaitunpeuplusespoir.Personnen’étaitattachéàsespas!Commentpouvait-ellemettreàprofitcettedécouverte?
—LadyRiona,laissez-moivousaccompagnerpourvotrepromenade.Elles’arrêtanetetfitlagrimace.EllepivotaetdécouvritSamuelquisepressaitverselle,souriant,
commes’ilétaitheureuxdepartagersacompagnie.— Ainsi, vous aimez vous promener près de notre lac, dit-il en la rejoignant. La journée est
pluvieuse,maislabeautédenosmontagnesencadrantl’eauestindéniable!Acceptant cette défaite en silence, ellemarchad’unpas lourd à côtéde lui.Elle tourna alors un
regardmélancoliqueversl’estensedemandantsiellequitteraitunjourcetendroit.—Samuel,êtes-vouslemystérieuxgardeducorpsdontHughm’aparlé?demanda-t-elle,lorsqu’ils
atteignirentlesbergesdulac.Untroncétaitcouchéentraversduchemin,idéalementplacépourqu’ons’yasseyeetadmirelavue.
Samuelfitunvaguegestede lamain.Elleypritplace,puissaisitunepierreet la lançadans leseauxpaisibles.Leclapotisqu’ellefitentombant,ainsiqueleslargescerclesn’apaisèrentpassestensions.
—Lesgardesavaient l’ordredemeprévenir si jamaisvous sortiez, expliqua-t-il, sans répondreexactementà saquestion.Hugh leura laissécroirequ’il s’inquiétaitpourvotre sécurité surnos terresrudesetdangereuses,etleuraditquevousaviezbesoind’uneescortepourvousrendreauvillage.Saufquevousn’alliezpasauvillage.
—Biensûrquesi!Ilsecoualatêteavecunlégersourire.
—Non,ladyRiona,celanefonctionnerapasavecmoi.Qu’espériez-vouspouvoirfaire?— Je savais que je ne gagnerais pas ma liberté, murmura-t-elle, baissant la tête vers ses bras
croisésetretenantdésespérémentseslarmes.Samuelsetutpendantdelonguesminutes,attendantqu’elleretrouvelamaîtrised’elle-même.Elle
entenditchanterlesoiseauxetledouxclapotementdequelquechosequitombaitdansl’eau.Maisellesemoquaitdecequecelapouvaitêtre.
—Est-cesiterribled’êtrelafemmedeMcCallum?— Je ne suis pas sa femme ! se défendit-elle avec rage, le fusillant du regard. Je suis sa
prisonnière!Etjenesuispasassezstupidepourprendrelerisquedepartirseuledanscepayssauvage.Jevoulaissimplementsavoirsij’étaisvraimentsousconstantesurveillance.
LevisagedeSamuelrestadouxetcompréhensif.—Jesaisqueparmilanoblesselesmariagesarrangéssontchosescourantes.—Jenesuispaslafilled’unnoble.Monpèreestlefilsd’uncomte,maisn’apashéritédutitre.Ce
n’est pas une fable que j’ai inventée,mais la vérité. Pourquoi n’envoyez-vous pas unmessager à sonchâteau?Ilvousconfirmeraqu’ilexistebiendeuxcousinesseprénommantCatriona.
—Commesinousavionsl’habitudedecommuniquer!fit-ild’unairnarquois.— Ne pourriez-vous pas avoir un échange courtois, alors que vous avez organisé un mariage
justementpoureffacervosquerelles?—Leschosesnesontpasaussisimples,madame.Pourlapremièrefois,sonsourires’étaitévanoui.—Celafaitdessièclesquenousnousfaisonslaguerre.LesDuffsontvenusnousvolernotrebétail,
mettantnotresurvieenpérilpendantleslongsetterriblesmoisd’hiver.—EtlesMcCallumsontrestésbiensagementsurleursterres,sansessayerderiposteroudelancer
àleurtourdesraids?Ilyatoujoursdeuxcampsdansunequerelle.—Leshommesdemonclann’ontpasoubliéqu’ilyacenttrente-deuxansunchefMcCallum,invité
chezunDuff,aétéretrouvémortdanssonlitavecsafemme.Assassinésparleurhôte.Rionasoupira.—Cettehistoireestterribleetj’ensuisdésolée,maiscelafaitcenttrente-deuxans,Samuel.N’ya-
t-ilpasprescription?—C’estbienpourpanserlesplaiesdupasséqu’unmariageentreunMcCallumetuneDuffaété
planifié,prévoyantlepartagedenosanciennesterres.—Enéchangedel’argentdesDuff,rétorqua-t-elleavecscepticisme.Ilhaussalesépaules.—Ilestnormaldefixerunedotlorsd’unmariage,ladyRiona.Cecontratprévoitdevousdonneren
échangedevastesterresetdel’argent,sijamaisvousrestezveuveunjour.Ellehaussaàsontourlesépaules.—Quem’importe?Jen’épouseraijamaisHugh.—Ilabienl’intentiondevousfairechangerd’avis,madame.Est-cesidifficiled’imaginerqu’il
puisselefaire?Riona se sentit rougir et sedemandasiHugh lui avaitparléde leur intimité.Combiend’hommes
savaientqu’ill’attachaitpourpartagersonlit?Ellenepouvaitpasluiposerlaquestion.—Jesuisprêteàrepartir,dit-elleenselevant.Samuell’imitaetl’invitad’ungesteàrejoindrel’étroitsentierenfaced’eux.—Sicelapeutvousconsoler,madame,HughadéjàenvoyéuneescorteàEdimbourgpourannoncer
àsamèreetàsasœurquevousétiezarrivée.Ellesserontbientôtlà,etvousnevoussentirezplusaussiseule.
Rionaserralesdentsmaisneditrien.Cettenouvellenel’aidapasàsesentirmieux.Bientôt,ilyauraitauchâteaudeuxautresfemmes,desfemmesquinecomprendraientpaspourquoiellenevoulaitpasépouserleurprécieuxHugh.
***
Hugh revint à Larig Castle avec son petit groupe le lendemain avant le dîner. Il était d’humeurmassacrante. Dermot l’avait mis en colère, les métayers s’étaient montrés têtus, et Riona lui avaitmanqué,cequil’ennuyaitterriblement.
Lorsqu’ils’étaitallongédanssonplaidsurleflancdelacolline,aprèsavoirattachéleschevaux,ill’avait imaginéeétendueconfortablementdans son lit, seule, etheureusequ’il soit absent.Chaque foisqu’ilallaits’endormir, l’imagedesachemisedenuitquela lueurdesflammesrendait transparente luiavaithantél’esprit.Ilavaitfrissonnédefroiddansl’obscuritéhumide,alorsqu’elleétaitbienauchaudsouslescouvertures,àdormirpaisiblement.
Acetteidée,ilavaitsentisonsexesedurcir,cequiavaitfinideluigâcherlanuit.Auchâteau,Dermotpritcongédeluisansunmotd’adieuouderéconciliation.LorsqueHugharriva
dans la grande salle, Riona croisa son regard. Elle ne dit rien, se contentant de faire signe à unedomestiquequivintluitirersachaise.Onluiapportaunecuvetteremplied’eaupourqu’ilpuisseselaveret,dèsqu’ilfutpropre,ilplongeasafourchettedansleragoûtdegibieravecunappétitféroce.
IlauraitaiméqueRionaluidemandecomments’étaitpassésonvoyage,commeuneépousedouceetaimante.Maisellenevoulaitpasêtrecetteépouse,nevoulaitpasdesescaresses,semoquaitqu’illuiprocuredesplaisirssigrandsqueplusjamaisellenevoudraitquittersonlit.
Enréalité,elleparaissaitétonnammentnerveuseetsage,et il ignoraitpourquoi.Ilpritunelonguegorgéedewhiskyquiluibrûlalagorgeetluiréchauffalesentrailles.Maisl’effetfutdecourtedurée,etilseresservit.
—Dermotestunidiot,dit-ilenfind’unevoixsibassequeseuleRionapouvaitl’entendre.Elle le regarda furtivement, tout en rompant délicatement un morceau de pain qu’elle tartina de
beurre.Elleneluidemandapaspourquoi,etilpoursuivit:—J’aipassédesannéesàapprendredenouvellesméthodesagricolesquionteuderéelssuccèsen
Angleterre,commelarotationdescultures,l’assèchementdesmarais,etlesenclospourlebétail,pouréviterqu’ilsdégradentlesplantations.
—Vousn’avezpasdehaiesoudemurs?—Surnoscollines?Non,lebétailcirculelibrement,maiscelanefaitqu’abîmerlesrécoltesetla
terrequin’estpasfaitepourlepâturage.MaisDermotoulesmétayersont-ilsenviedel’entendre?Non!Ilsnepensentqu’àcontinuercommeils l’ont toujoursfait,commelesfermiersavantnousl’ontfait.Siseulementilspouvaientvoiràquelpointl’agricultureestprospèreenAngleterre!Maisilsnecroientpasauchangement.
—Danscecas,étantleurchef,vousleuravezordonnédefairecequevousdemandiez,j’imagine,dit-elled’unevoixdouce.
Il la vit regarder avec insistance le deuxièmewhisky qu’il tenait à lamain, ce qui ne fit que lecontrarierdavantage.
—Etvouscroyezêtrelapreuvevivantequ’essayerdeforcerunepersonneàfairequelquechosecontresavolontéestunestratégieefficace?
Elleécarquillalesyeuxet,l’espaced’uneseconde,ilcrutlavoirsourire,maisellesecontrôla.—Maisvousêteschargédeveillersurlesterresduclan,n’est-cepas?Vouspouvezfaireceque
bonvoussemble.Ilgrommelaetcoupaunmorceaudeviandeavecsoncouteau.
—Ilyapeut-êtreuneautreraisonàl’obstinationdeDermot,avança-t-elled’unairsongeur.Iln’estpeut-êtrepascontrelesaméliorationsquevouspourriezapporteràl’agriculture,maiscontrevous.
Ilaccueillitalorssonsouriresirare,sisatisfait,sidifférentdeceluiqu’ilespérait.Illevalesyeuxau ciel et continua son repas.Riona sedétourna et engagea la conversation avecSamuel, assis à côtéd’elle.CederniertraduisaitsouventpourellecequisedisaitetHughespéraitqu’ellevoyaitenluiunami.Ilétaitcertainqu’elleavaitenelleassezdedouceuretdegénérositépourenavoirbiend’autres…
Il observa Samuel quelques instants. Lorsqu’il était arrivé au château et que celui-ci était venul’accueillir,ilauraitjuréqu’ilavaitquelquechoseàluidire,qu’ilavaithésité,puisqu’ilavaitchangéd’avis.Bah,ilviendraitluiparlerlemomentvenu,songea-t-ilenhaussantlesépaules.
Alasdairpritunsiègevideàsagauche,celuiquiétaitréservéàDermot,sicederniernes’étaitpassèchementexcusé.
—Alasdair…,dit-ild’unairméfiant.—Hugh,réponditAlasdairavecuncourtsalutdelatête.IlobservaRionaetSamuelquis’entretenaientensemble,puisditàvoixbasse:—Ilyaquelquechosequevousdevezsavoir.
Chapitre12
Hugh s’était rembruni, il lui lançait des regards noirs, buvait trop, etRiona comprit qu’il s’étaitpassé quelque chose entre Alasdair et lui. Le barde chantait comme s’il voulait le distrairepersonnellement,maissoncharmen’opéraitpas.Etl’idéequ’ellepuissesetrouverpiégée—ouplutôtattachée!—àcôtéd’unHighlanderivreetdetrèsmauvaisehumeur,danslanuit,lamitterriblementmalàl’aise.Dequoiserait-ilcapable?
Bientôt,ilsseretirèrentchacundansleurchambre,etelleseretrouvaàarpenterlapièce.Elleavaitdemandéquel’onprépareàHughunbainetelleespéraitquelachaleurdel’eauépongeraitl’alcoolquicouraitdanssesveines.
Ellefitunepauseettenditl’oreille,encroyantentendreunbruitdanslachambredeHugh.Rongéeparlacuriositéetvoulantseprépareràcequiallaitsuivre,elleouvritdoucementlaporte,puissefaufiladans le salon éclairé par une simple bougie. Ils n’avaient pas beaucoup utilisé cette pièce, car ilsn’avaientpasdefamilleoud’amisàrecevoir.Ellen’avaitpasnonplusdedamesavecquicoudre.Ellese souvint alorsavecennuique lamèreet la sœurdeHughétaient enchemin.Aumoins, jusqu’à leurarrivée,sesjournéesluiappartenaient-ellesencore!
Unefoisdevantlaporte,ellesepenchaetcollasonoreilleaubattant.Dansl’obscurité,elleévaluamalladistanceetsecognalégèrementlatête.Elles’écartaaussitôtengrimaçant.
—Vousécoutezauxportes,Riona?lançaHugh.Sonélocutionparaissaitnormale.C’étaitplutôtbonsigne.Elleneréponditrien,cependant,espérant
luifairecroirequ’ils’agissaitd’unchat.—Ouvrezcettemauditeporteetentrez!cria-t-il.Elles’exécutaentremblant.Siellebattaitenretraite,ilnemanqueraitpasdelapoursuivre,etcela
neferaitqu’aggraversoncas.En le voyant encore dans son bain, devant la cheminée, elle se figea. Ses cheveux mouillés et
ondulésdescendaient jusqu’à ses largesépaules faiblement éclairéespar les flammes.Unecoupeétaitposéesuruntabouretàcôtédelui,etiltenditlamainpourenboireunegorgéeavantdesetournerverselle.
—Fermezlaporte,ilyauncourantd’air!dit-ild’unevoixglaciale.Elleobéitets’adossaaubattant.—Ainsi,vousétiezcurieusedemevoirdansmonbain?Approchez.Elle voulut décliner l’invitation, mais avança machinalement de quelques pas. Elle n’était pas
curieuse,elleavaitpeur.Ilrégnaitdanscechâteaucommeundieu,etelleétaitsaprisonnière.Heureusement,lapièceétaitfaiblementéclairée,l’eaudubaintroubleetsavonneuse,pourtant,elle
éprouvaunecertaineculpabilitéàleregarder.
Ellepréféraseconcentrersursonvisageetdemandad’untondétaché:—Pourquoiêtes-vousdesimauvaisehumeur?Ildoityavoirautrechosequevosproblèmesavec
vosmétayersetDermot.Oubiendois-jecomprendrequelemoindredésagrémentvouscontrarie?Il pencha la tête en arrière et la regarda à travers la fente de ses paupières. Elle aurait dû se
concentrersursesyeux,etnonsurleduvethumidequienvahissaitsontorseetpointaitvers…—Alasdairm’arapportécertainfait,maisvousn’avezpasentendu.—Non,eneffet.Etait-ceunemauvaisenouvelle?—D’aucunsaffirmentvousavoirvueseuleprèsdu lacencompagniedeSamuel,commesivous
vousétiezdonnésecrètementrendez-vous.Elle se raidit, ouvrit la bouche pour répondre, puis se ravisa. Cette version n’était-elle pas
préférable à cequi s’était réellementpassé ?Manifestement,Samuelne lui avait pasdit qu’elle avaitvouluvérifierl’existenced’ungardeattachéàsasurveillance.
MaisHughlaregardaitd’unœilmauvais,etellecompritqu’ilsoupçonnaitsonamidelapervertir,oulecontraire.Ellen’auraitpasdûs’inquiéterd’unerivalitéentreeux,mais…Samuelavaitessayédel’aideràrevenirsurledroitchemin,etellenevoulaitpaslevoirsouffrir.
—Samueln’apasessayédemevoirensecretet,croyez-moi, jen’avaispasenvied’avoirdelacompagnie!sedéfendit-elleencroisantlesbrassurlapoitrine.
Hughbutuneautregorgéedecequidevaitêtreduwhiskyetreposaviolemmentlegobeletdontlecontenuserenversasurletabouretetsedéversaausol.
—Danscecas,expliquez-moi,cartoutcelan’aaucunsens!Monfrèreadoptifaprisunairàlafoismauvais et satisfaitpourme ledire. Jen’arrivaispas à savoir s’il cherchait àmeprovoquerouàmeblesser.
Surcesmots,ildétournaleregard.Rionan’en revenait pasde l’entendreparler aussi librementde ses sentiments.Manifestement, il
étaitsousl’emprisedelaboisson.— Rien de ce que je fais ne peut vous blesser, insista-t-elle en tâchant d’ignorer l’élan de
compassionquivenaitdepoindredansunrecoindesonesprit.—Dites-moicequis’estpassé,femme!Ilposalesdeuxmainssurleborddelabaignoire,commepourensortir,maisladernièrechosedont
Rionaavaitbesoinétaitdelevoirs’avancerverselle,nucommeunver.Aulieudepartirencourant,ellepourrait bien se jeter dans ses bras. Que penserait-il alors d’elle ? Et elle, quelle image aurait-elled’elle-même?
—D’accord,d’accord!s’écria-t-elleenlevantlesdeuxmains.Nousnoussommesretrouvésseulscarj’étaispartiemepromener,saufquej’ignoraisquejen’avaispasledroitd’explorerlesenvironsduchâteau. Il y a des jardins là-bas, ajouta-t-elle rapidement, croisant ses prunelles grises aussi froidesqu’unmiroir.J’aivudesfemmesytravailler.
—Vousavezessayédevousenfuir,dit-ilendétachantchaquemot.Vousavezattenduque jesoispartietvousavezessayédevousenfuir.
—Jenesuispasstupideàcepoint,sedéfendit-elled’unairlas.Jevoulaissavoirsi,réellement,vousaviezdésignéunepersonnepourm’espionner.Etmanifestement,vousl’avezfait.
—LesgardesontprévenuSamuelquevousétiezpartie?Ellehésitaavantdehocheraffirmativementlatête.Ilselaissaallerenarrièredanslabaignoireetluidécochaunregardperplexe.—Oùpensiez-vousaller,alorsquevousn’êtesqu’unefemmeetquevousêtesseule?—Jevousaiditquejenevoulaispasm’enfuir.Mais,sitelavaitétélecas,oùcroyez-vousqueje
seraisallée?riposta-t-elleavecsarcasme.—Auchâteaudevotrepère.
—Auchâteaudemononcle!—N’êtes-vouspaslassedementir,jeunefille?Elleavaitenviedehurler,maisréponditd’unevoixcalme:—Jenemenspas.—Jesaisquevouscraignezdevousmarier…Elles’avançaversluietpointaundoigtsoussonnez.—Jen’aipaspeurdevous,pasplusquedumariquej’auraischoisi.Maisjenevousaipaschoisi!—Votrepèrel’afaitpourvous,etjepensequevousêtesunefilletrèsobéissante.Voulait-illaprovoquer,àprésent?Sonregardparlaitpourlui.Avecungrognementdefrustration,elles’emparadupotdesavonsurletabouretetlejetadansla
baignoire.Ilheurtal’eauetéclaboussaaupassagelevisagedeHugh.Ellesetournapours’élancerversla porte,mais il réussit à saisir le bas de sa robe de chambre et la tira vers lui. Elle tomba dans labaignoire,directementsursesgenoux.L’eaudébordaetinondaletapistoutautourd’eux.
—Hugh!s’écria-t-elleens’agitantpouressayerdesortirdelabaignoireetdes’écarterdesapeauchaudeetglissante.
Envain.Sesjambespendaientsurlebord,etelleavaitdel’eaujusqu’àlapoitrine.Passantunbrasautourd’elle,ill’immobilisa.—Cessezdegigoter,dit-ild’unevoixrauque,oujenerépondsplusderien.Elle se raidit en comprenant que juste sous ses fesses se trouvait le sexe dur deHugh. Elle fut
incapabledeleregarder,conscienteduplaisiretdudésirquivenaientdes’emparerd’elle,ainsiquedel’envieirrésistiblede…s’agiter.Unlongmomentdetensions’écoula,uniquementtroubléparlebruitdel’eauquicoulaitetceluideleurrespirationprécipitée.
Elle l’observa sous ses cils. Samâchoire était serrée et ses yeux durs. Suivant son regard, elles’aperçutquel’encoluredesarobedechambres’étaitécartée lorsqu’il l’avait tiréeà lui.Ellen’avaitquesachemisedenuittrempéequiluicollaitàlapeaupourcachersanudité.Façondeparler,carsesmamelonssedressaientdemanièreéhontéeàtraversletissu.
Avant qu’elle puisse se rajuster,Hugh la souleva et couvrit un sein avec sa bouche, l’aspirant àtraversletissu.Ellepoussauncri,maiscen’étaitpasdepeuroudeprotestation.Unevaguedeplaisirdéferlasurelleetluiembrasalesjoues,ettoutlecorps.Hughléchatouràtourchacundesesseins,puislesmordillaenlatenantétroitementcontrelui,jusqu’àcequ’elletremblededésir.
Soudain,ellepassalesbrasautourdesoncoupourleserrercontreelle,nerendantquetropévidentcequ’ellevoulait.Hughlevaalorslatête,etellesepenchapourl’embrassersansaucuneretenue.Ellelui offrit audacieusement ses lèvres, comme il le lui avait appris. Pendant de longues minutes, ilss’abreuvèrent littéralement l’un à l’autre, s’explorant avec passion.Elle aspira sa langue et goûta sonhaleineparfuméedewhisky.Ellen’enavaitcure,accueillantavecjoietoutcequifaisaitpartiedesonêtre.Quandilpritunseinentresesmains,ellegémitcontrelui.Ilenroulalapointeentresesdoigtsetlatiradoucementavantdelacaresserdélicatement,lalaissanttremblanteetpantelante.Puisils’écartapourl’embrasserdanslecouettrouvadenouveaulechemindesapoitrine.Rionarenversalatêteenarrière,cequifitsaillirplusencoresonbuste.
Ilposaalorsunemainsursacuisseetlaglissasoussesvêtements.—Venezavecmoidansmonlit,jeunefille.Cesmotslaramenèrentbrusquementàlaréalité,soulignantsoudaincequ’ellefaisaitetcequ’elle
encourageait.Elleseredressasivitequel’eaudébordadenouveaudelabaignoire.—Non,dit-elled’unevoixrauque.Puiselleseraclalagorgeavantd’ajouterplusdistinctement:—Laissez-moipartir,Hugh.Nousnesommespasmariésetnousneleseronsjamais.Nousfaisons
fausseroute.
Ilgardatroplongtempslesbrasautourd’elle,etellecommençaàsedébattrepoursedégager,maisfinalementillalâcha.Ilposaunemaindanssondosetl’aidaàselever.Ellesetintdeboutsurletapis,abattueetperdue, l’eaudégoulinant sur soncorpset sesvêtements trempés.Elle tremblaitde tous sesmembres,tropchoquéepourpleurer.
—Allezvousréchauffer,dit-ilentresesdentsserrées.Jeneviendraipasvousrejoindrecesoir.Ellecourutpresqueverslaporte,puiss’immobilisaetlançapar-dessussonépaule:—J’espère…j’espèrequevousn’êtespasjalouxdeSamuel.Jamaisjenemeserviraideluicontre
vous.—Vousmecroyezcapabledepunirunhommeinnocent?—Jel’ignore.Jeveuxjustequevoussachiezlavérité.Samuelvousprotège.—Ilyaquelquesinstants,vousnevouliezpasmedirelavérité.Ellefrémit.—Jenepeuxpaspermettrequel’onfassedumalàunhommeloyal.J’aimentipourmeprotéger,
ajouta-t-ellesansréfléchir.—Etvoussaveztrèsbienlefaire,n’est-cepas?Pourquoi s’attristait-elle autant qu’il la prenne pour unementeuse ? Elle ouvrit la porte, puis la
claquaderrièreelle.Unefoisdanssachambre,ellesedébarrassadesesvêtementsetseséchaavecsoin.Lesimagesdecequivenaitdesepasserentreeuxl’assaillaient.Ellemitdutempsàtrouverlesommeilet,mêmesil’étéétaitbienavancé,elleeutfroiddanssonlit,sansHughàsescôtés.
***
Rionan’enpouvaitplus.MmeWallacenecessaitdeluidemandersonavissurl’organisationdelamaison, comme pour l’amadouer, voyant en elle la nouvelle maîtresse du château. Sauf qu’ellen’assumerait jamais cette chargeetnevoulaitpas induire enerreur cette femmebien intentionnée.Luilaisserpenserquesonavisavaitdel’importanceetqu’ellepouvaitprendretelleoutelledécisionétaitunleurrequ’ellenepouvaitpassupporter.
Lapluieavaitcessé,etelledécidad’allerdeboutiqueenboutiquedans lacour.Elleregardalesartisanstravailleretreçutdetempsàautreleursregardsconfusetpleinsd’appréhension.Leclanignoraitce qu’elle faisait, tout comme elle. Elle avait bien dans l’idée de demander à Dermot de l’aider àconvaincreHugh,maissonplann’avançaitpastrèsvite.Ellenetrouvaitjamaisl’occasiond’êtreseuleavec lui pour tisser des liens.Elle se laissa doncporter tout au longde la journée, comme si elle nefaisait qu’attendre les prochains événements, qu’il s’agisse de l’arrivée de la famille de Hugh, denouvellesdesononclecapablesdescellerledestindeHughetdesonclan,oudeHughperdantpatienceetdécidantdelaprendrepourfemmecontresongré.Elledétestaitcetteattenteetcetteincapacitéàfairesespropreschoix!
LavoixdeHughs’élevasoudain,etelleeutl’impressiond’êtredenouveaudanssachambre,dansson bain, sa bouche lui offrant un plaisir si intime et délectable.La réaction de son corps fut si fortequ’elleeutl’impressionqu’illacaressait.
Saufqu’ilnelatouchaitpas.Enréalité,savoixétaitpleinedecolère,àtelpointqu’ellefrissonna.Plusieurs personnes se retournèrent, comme si elles craignaient d’être les prochaines sur la liste. Soninstinct lui intima de s’enfuir, mais cette idée la remplit de rage. Elle suivit donc le son de sa voixjusqu’auxécuriesetsetintàl’extérieurdesdeuxgrandesportes.EllevitalorsqueBrendansetrouvaitjustedevantelle.Ellereculad’unpasavantqu’ils’aperçoivedesaprésence.
—Ces écuries ont besoin d’être nettoyées régulièrement ! Je ne veuxplus vous voir donner auxbêtesdel’avoinesouillée.J’ignorecequetufaisaisdutempsdemonpère,maisj’exigequelesbêtesquinousserventsoientmieuxtraitées!
IlcontinuasonsermonbeaucouptroplongtempsaugoûtdeRiona.Ellelejugeadéraisonnable.Puisellel’entenditsortiràgrandspasetdécidaderestercachée.
—Bonjour,lairdMcCallum,ditalorsBrendand’unetoutepetitevoix.Hughavaitdûlesurprendreentraind’écouter,etelleadmiralepetitgarçondenepass’êtremisà
l’abridetoutcedéversementdecolère.—Bonnejournéeàtoi,Brendan.Lechangementdetonlasurprit.Lacolèreavaitcédélaplaceàuneneutralitébienmaîtrisée.Elle lesobservaà ladérobée,maisellenedistinguaitqueleprofil impassibledeHugh.Brendan
tenaitunrâteauàdeuxmains,commes’ilavaitreçul’ordredenettoyerlesécuries.Elleretintsonsouffle,s’attendantqueHughseremetteàhurler.Amoinsquelegarçonnebénéficied’untraitementdefaveur?Qu’est-cequiétaitpirepourBrendan?
Hughjetauncoupd’œilsurlerâteau.—Jeviensdedonnerdenouveauxordrespoursoignernoschevaux,dit-il.Brendanacquiesça,têtebaissée.Soudain,unpetitaboiementaiguretentit,etRionaaperçutlepetit
terrier,attachéàcôtédeBrendan.Hughsetournaversl’animalenfronçantlessourcils.—Cechienest-ilsage?—Oui,monsieur.—Commentl’as-tuappelé?LafaçondontHughessayaitdeselieravecluiàtraversl’animalfaisaitpresquepeineàvoir.—Hamish,monsieur.Asagrandesurprise,ellevitqueHugh,trahiparunhaussementdesourcils,s’efforçaitdecacher
sonamusement.—C’estunbiengrandnompourunsipetitchien.—Ilcroitqu’ilestgrand,monsieur.Riona s’aperçut alors qu’elle n’était pas la seule à observer la scène. Près de la porte, le
charpentier contemplait Hugh et l’enfant d’un air sévère. Plusieurs gentlemen, debout dans la courd’entraînement,murmuraiententreeuxenlesregardant.
Depuistoujours,leshommesengendraientdesbâtards,songeaRiona.Ellen’étaitpasvraimentsûrequelegarçonensoitunetpourtant…devantlaréactiondeshommesduclan,ellesesentitinquiètepourHugh.
Hamishaboyadenouveauet,cettefois,illefaisaitdanssadirection.HughetBrendantournèrentlatêtedeconcert,demanièrepresqueidentique.
Elleleurfitunpetitsalutdelamain.—Jenevoulaispasvousinterrompre,s’excusa-t-elle.Pardonnez-moi.—LadyRiona…,ditHughavecunepointedecuriositédanslavoix.Hamishcontinuad’aboyerfurieusementaprèselle.Elleduthausserleton.—J’essayaisdem’instruireenregardantcequevotrepeuplefaitchaquejour.MêmeHamishsembladouterdesaréponseetnes’arrêtapasd’aboyer.—Chut,ordonnaBrendanens’agenouillantdevantluietenpassantunbrassursonencolure.LesaboiementsdeHamishsemuèrentengrognements.Hughnecherchaplusàcachersonamusement.—JepensequeHamishvousperçoitcommelemembreleplusfaibledecettemeuteetcommeune
menacepourlui.Retourneàtesoccupations,dit-ilàBrendan.Puisilsetournaverselle.—LadyRiona,jevouspriedemerejoindredanslagrandesalledansuneheure.
Iln’attenditpassaréponse,etelleleregardapartiraveccuriosité.Lesplisdesonplaidretenuparune ceinture se balançaient à chaque pas, et les muscles de ses mollets se contractaient sous seschaussettes.Lesdamesécossaisesavaientpeut-êtreraisond’apprécierlavuedesjambesnuesdeleurshommes.
Ellen’avait jamais eupeurdeschiensde savie, encoremoinsdesanimauxdepetite taille.Elles’avançadoncversHamishetsepenchapour luioffrir samain. Il la reniflaàplusieurs reprises,puisgrognadoucement,maisd’unairmoinsmenaçant.
—Jefiniraipargagnertaconfiance,petitHamish,dit-elleensouriant.Brendanserelevaetsaisitsonrâteau.—Jedoisretournertravailler,madame.—Danscecas,jetelaissepartir.Elleleregardadisparaîtredansl’obscuritédesécuries,suivideHamish,quis’allongeaaumilieu
delatravéeavantdeposersonmuseausursespattes.Lorsqu’ellelevalesyeux,elleaperçutDermotquitterl’undesateliers.Ilmarchaitàgrandspasvers
lacoursupérieure.Ellesedépêchadelerattraper.
***
Hughrésistaàl’enviedeseretournerpourregarderRiona.Ilenavaitvubeaucouplaveilleausoiretdevaitfairedeseffortspournepaslaissersessouvenirsentraversontravail,maislatâcheétaitrude!Leurdisputeavaitétéstimulantedebiendesfaçons,àtelpointqu’ilserappelaitàpeinesonorigine.LesimagesdeRionadanssonbain,avecsesvêtementstransparentsetsesseinsdurs,abolissaienttouteautrepensée.Saufqu’ilnelefallaitpas.Ildevaitdonnerl’imaged’unfuturépouxcapabled’oublierdanslajournée lesnuits avec sa femme.Dans ce cheminvers lemariage, il apprenait chaque fois àmieux laconnaître,sesentaitunpeuplusproched’elle,unpeuplusémuparsapersonne.Bientôt,elle-mêmenepourraitplusluirésister.
IltrouvaSamueldansl’armurerie,occupéàinspecterleurréserved’armes.Dèsqu’ilrecevraitladotdeRiona,ilprévoyaitdelarenforcer.Ilattendaitdesnouvellesducomtemais,àcejour,iln’avaitreçuaucunedemandedenégociation.Pourtant, ilétaitpersuadéqu’ilnetarderaitpasàenrecevoir.LepèredeRionanevoudraitcertainementpasquel’onsachequ’ilétait revenusuruncontratdemariagesignédesamain.
Samuelfinitdes’entreteniravecl’armurier,puissortitdelabâtisse.—Tuasbesoindemoi,Hugh?—Viensfaireuntour,proposa-t-il.Unefoisàl’abridesoreillesindiscrètes,ildemandafroidement:—Pourquoinem’as-tupasditqueRionaavaitquittélechâteau,hier?Samuel continua d’avancer, lesmains derrière le dos, affichant un air terriblement inquiet.Hugh
hésitaitentres’enoffusquerous’enamuser.—Ellet’adonctoutdit?demandaSamuel.—Non,pasaudébut.Maistut’esmisdansunesituationdélicate,Samuel.Tuesrestéàmescôtés
pendanttoutescesannées,etlesgensd’icineteconnaissentpas.Lorsqu’ilst’ontvuavecmadameprèsdulac,desrumeursontcirculé,quisontarrivéesauxoreillesd’Alasdair.
—TuasdoncdemandédesexplicationsàladyRiona?—Evidemment!Etelleapréféréreconnaîtrelesfaitsplutôtquedetevoirsubirlesconséquences
de ses erreurs. J’ignore comment tu as fait pour te lier d’amitié avec elle, alors que tu m’as aidé àl’enlever.
—Ilestaisépourelledemedisculper,réponditSamuelavecunhaussementd’épaule.Jenesuisquel’undeteshommesetjesuistesordres.Elleetmoin’avonsrienfaitdemalprèsdulac.J’aidiscutéavecellequelquesminutes,puisjel’airaccompagnéeauchâteau.Biensûr,lesgensparlentd’elle.Ellen’est pas encore ta femme, même s’il semble que tu veuilles passer par unmariage d’essai, dans lamesureoùelleestinstalléedanstesappartements.
—Tepermets-tude fairedescommentaires surmavieprivée,Samuel?demandaHughd’unairmauvais.
—Biensûrquenon.Tuasmaloyauté,tulesais.Maisj’aicommencéàêtremêléàtavieprivéedèsl’instantoùj’aiconduitcettevoituresouslebalcondecettedameetoùjet’aiaidéàl’enlever.Tuavaistesraisons,etjeneveuxpasendébattreavectoi.Maisjecompatisavecelleetjecomprendssapeuretsafrustration.J’aicrubondegardersecretqu’elleavaitcommisuneerreur.Maintenant,ellesaitqu’elleestconstammentsurveillée.Ilfallaitqu’elleenfassel’expérience.Nel’aurais-tupasfait,àsaplace?
—Cequej’auraisfaitn’aaucuneimportance.Tudoismedonnertaparolequ’àpartirdecejourtumedirastoutdesesfaitsetgestes.J’essaiedelaprotégeraussi,tucomprends?
—Oui,réponditSamuelàvoixbasse.Maintenant,jecomprends.Hughlevalesyeuxauciel.—Tuvasm’accompagnerauvillage.Nouspartironsdansuneheure.Préparetroischevauxetdes
provisionspourl’après-midi.—Oui,monsieur,réponditSamuelavantdes’éloigner.Mauditsoitlesourirequ’ils’étaitàpeineefforcédecacher!Lorsqu’ilarrivadanslacour,ildécouvritavecsurpriseRionaquis’entretenaitseuleavecDermot,
maisilnelesinterrompitpas.Elleétaitsuffisammentencolèredesavoirquedesgardeslasurveillaient—ellen’avaitpasbesoindecroireenplusqu’illasuivait.
Pourtant, sa curiosité était aiguisée. Peut-être avait-elle enfin décidé de connaître les gens et des’intégreràlavieduchâteau.
Unquartd’heureplustard,quandellepénétradanslagrandesalle,il l’invitaàvenirlerejoindreprèsdelacheminée.
—J’aienvoyéMarycherchervotremanteauetvosbottes,luiannonça-t-il.—Ilnepleutpas,répondit-elle,l’airconfus.—Maisilsepeutqu’ilpleuve.Nouspartonspourlajournée.Cetteinformationéveillasonintérêt.—Oùallons-nous?—Auvillage,sivousmepromettezd’êtresage.—Oh!jepeuxêtresage.Etjesuistrèsheureuseàl’idéedequittercetendroitpourlajournée.—Sansessayerdevousenfuir?Elleneréponditrien,secontentantdereleverlementond’unairdedéfi.—Sulaestlevillageleplusprocheappartenantauclan,continua-t-il.—Pourrais-jeendécouvrird’autres?—Unjour,peut-être.Sivousêtessage.—Nemetraitezpascommeuneenfant,McCallum!—N’essayezpasdefuirvosresponsabilités,alors.Il la vit se braquer, puis se contenir et garder le silence. Il savait à quel point elle se faisait
violence, toutcommeilsavaitàquelpointellevoulaitdésespérémentquitter lechâteau,mêmesiceladevaitêtreaveclui.
Chapitre13
RionachevauchaentreHughetSamuelsansvraimentleuradresserlaparole.Elleétaitcontrariéeparlessentimentscontradictoiresqu’elleéprouvaitàl’égarddeSamuelqui,certes,avaitparticipéàsonenlèvement, mais la traitait avec gentillesse. Elle n’avait pas envie de l’apprécier, et pourtant il luiapparaissaitcommeunhommebonetfidèleàsonchef.
QuantàHugh,elleavait toujoursdumalàcroisersonregard.Elleauraitpréféréqu’ilgardesonmasqueimpassible,maisplusilspartageaientdemomentsd’intimitéetpluscelasevoyaitdanssesyeux.Elle,elleétaitentraindesuccomberàl’attraitdudésirqu’iléprouvaitàsonégard.Elleétaitdéjàunefemmeperdue, enlevéeparunhommeet ayantpasséplusieurs semaines en sa compagnie.Maintenant,elle partageait aussi ses nuits dans ses appartements. Qu’elle ait été forcée à le suivre n’avait plusd’importance.Mais il fallait qu’elle reste honnête envers elle-même, afin de pouvoir tirer lemeilleurprofitdesavie.EllenepouvaitpasépouserHughetnedeviendraitpassamaîtresse.Toutcequ’il luirestait, c’était la promesse qu’elle s’était faite de quitter un jour cet endroit. Connaître la campagneenvironnanteluiseraittrèsutile,quandellesedéciderait.CarlorsqueHughetleclandécouvriraientlavérité…
Elleignoraitencorequandcelaarriverait.SaconversationavecDermotl’avaitdéçue,mêmesielleétaitincapablededireàquoielles’étaitattendue.Ilétaitletanistdesonchef.Desoncôté,elleétaitlafemmeque ce chef avait décidé d’épouser. Ils n’avaient pas parlé très longtemps, etDermot lui avaitclairementfaitcomprendrequeleurconversationnefaisaitqueledétournerdesontravail.Cettetentativede rapprochementavait renforcésonsentimentd’êtreunepotichedanscechâteau.Les femmesavaientcertainementungrand rôle à jouerpour tenirunedemeureaussi immenseet complexequecechâteau,maisapparemmentDermotne levoyaitpasainsi.RionasesentaitoffenséepourMmeWallaceetpourCat,quideviendraitunjourlamaîtresselégitimedeLarig.
Maisellen’avaitpasencorerenoncéàl’utiliserpouratteindreHugh.Latâcheseraitseulementpluscompliquéequeprévu.
EnatteignantlecheminquilongeaitlelochVoil,ilsbifurquèrentversl’estetsuivirentlesbordsdulac.Dans lavalléequisedessinaità l’horizon,Rionaaperçutalors lepetitvillage,avecsaminusculeégliseetsoncimetièreentouréparunmuret.Plusieursdizainesdecottagessedressaienttoutautour,avecleurs toits de chaume et leurs petits jardins.Derrière s’étendaient des champs d’avoine.Au centre duvillage,desvachespaissaientlibrementsuruneplacetriangulaireparseméed’herbeverte.
Plusieurshommessetenaientdevantlesmaisons.Ilsaiguisaientleursarmestoutenbavardantentreeux. Les femmes travaillaient dans leurs jardins ou lavaient du linge dans de grands chaudrons d’eaubouillante,pendantquelesenfantscouraientetcriaientjoyeusementautourd’eux.
Enlesvoyantarriver, tous interrompirent leur tâche,arborantunairà lafoisméfiantetsceptiquelorsqueHughs’approchad’eux,avantdereprendreleurairimpassibleetdelesalueraimablementd’unsigne de la tête. Sans doute cet accueil mitigé était-il dû au fait que ce village était également celuid’Agnès, cette fille morte depuis longtemps et dont le nom semblait entaché de scandale. Mais lesvillageoisnesemblaientpasl’avoiroublié.
—Jenevoispasde commercespourunvillagede cette taille, commentaRionaenatteignant laplace.
—Vousvousattendiezàtrouveruneboutiquedemodiste?demandaHughavecdésinvolture.MêmeàEdimbourg,iln’yenaqu’une.
Rionasouffladoucement.—Vraiment?HughetSamueléchangèrentdesregardsamusés.—Vraiment.Lestailleursetlescordonnierssedéplacentdevillageenvillageoùilsrestentenviron
unesemaine,letempsdefaireleurtravail,puisilss’envont.—Maisnousavonsunebrasseriepourlesvoyageursdepassage,précisaSamueld’unairsatisfait.—Etici,leshommessonttravailleurs,conclutHugh.Ilselaissaglisserdesonchevalpourvenirverselle.Asagrandesurprise,illasaisitparlataille
pourl’aideràdescendredeselle.Rionaneputs’empêcherdepenserqu’ilsedonnaitenspectacle.Manifestement,labrasserieavaitétéautrefoisuncottagecomposédedeuxpièces.Aujourd’hui,la
pièceprincipaleétaitéquipéed’unbar,detablesavecdesbancs,ainsiqued’unebanquetteplacéefaceàlacheminéepour lesconversationsplusprivées.Derrière lebarse trouvaituneautrepiècequidevaitservirderéserve.Hughparaissaitimmensedanscettebrasserie.Satêtetouchaitpresquelespoutres,etildutlabaisserplusieursfoispouréviterdeheurterdesfromagessuspendus.
Unhommevêtud’unechemise,d’ungiletetd’uneculottesurgitdelaréserve,untabliernouéautourdelataille.Ilétaitminceetnedevaitpasavoirplusdetrenteans.Sabarbeetsamoustacheétaientbientaillées.
—Enquoipuis-jevousaider,mesbravesgens?demanda-t-il.Puisils’arrêtaenvoyantHugh.—HughMcCallum,murmura-t-il,visiblementsouslechoc.J’avaisentendudirequevousétiezde
retour,biensûr…Vousavezl’airenpleineforme.—DonaldRoss,réponditHughenluidécochantunsourire,cequiétaitrare.Ilss’étreignirentlonguementensetapotantledos.Rionaassistaàlascène,médusée.Ellen’avait
encorevupersonneréserveràHughuntelaccueil.D’autreshommesattablésunpeuplusloinassistaienteuxaussiàcesretrouvailles.Peut-êtrediraient-ilsautourd’euxqu’ilnefallaitpascraindreleurchefniseméfierdelui?
— Asseyez-vous, asseyez-vous, dit l’aubergiste en désignant une table propre sur laquelle étaitposéeunelanterne.Laissez-moivousapporterdelabière.Etpourladame?
—Ils’agitdeladyRionaDuff,mafiancée,expliquaHugh.Elleprendraunverredevotremeilleurvin.
Enentendantlafiertéquipointaitdanssavoix,Rionasentitsoncœurseserrer.Sansdouteétait-ilfier de son apparence—et nonde cequ’elle était profondément—,mais aussi et surtout de l’argentqu’elleétaitcenséeapporterauclan.L’argentdeCat.Sadotàelleétaitbeaucoupmoinsimportanteetendécevraitplusd’un.
L’hommepritsamainàlamanièred’ungentilhommeetlabaisa.—LadyCatriona,dit-il,jesuisenchantédevousrencontrer.Jeconnaisvotrefiancé,carnousavons
préparéensembleunemaîtrised’artsàl’universitéd’Edimbourg.
Riona ne put cacher sa stupéfaction. Hugh avait étudié à l’université ? Plus rien de ce qu’elleapprenait sur lui n’aurait dû l’étonner, et pourtant il la surprenait chaque fois un peu plus. Etl’aubergiste?Pourunhommecultivé,ilparaissaitréduitàdesconditionsdeviebiendifficilesdanscevillageisolédetout.
—Nousysommesrestésplusieursannéesaprèslarébellion,précisaHughensouriantàsonami.—Ah,lesbonsmomentsquenousavonspassésensemble!ajoutaDonaldRossensecouantlatête.
Etlesfemmes…Ils’interrompit,rougedehonte,etsetournaverselleavecunaird’excuse.—Pardonnez-moi,madame.Cesannéesétaientcertestrèsexcitantes,maisensuitevotrepromisa
décidéqu’ilserviraitmieuxsonpaysauParlement.Demoncôté,j’aicherchéàaméliorermonsort,maisj’aifinipartoutperdre.
LesouriredeHughs’évanouit.—Donald…—Non,c’estinutile.J’aifaitdesinvestissementsrisqués.Votrefamillem’adonnéuneautrechance
ici,Hugh,etjenel’oublieraijamais.Ilfrappadanssesmainsetlesregardatouràtour.—Mafemmeapréparéunedélicieusesoupe,continua-t-il.Jevaisvousenapporter.Ilpartit servird’autres tables avantde retournerderrière le comptoir.Rionacontinuad’observer
Hugh.DonaldRossrevintbientôtavecdeschopesdebièrepourHughetSamueletposadevantelleunverre étonnamment fin et élégant, rempli d’un vin rouge foncé. Puis il s’inclina de nouveau avant dedisparaîtredansl’arrière-salle.
—Vousparaissez surprise, jeune fille, ditHughàvoixbasse, lesbras croisés sur la table.Vousavezdesquestions?
—Beaucoupmais… cela doit être difficile pour votre ami d’avoir été riche au point d’aller àl’universitéetmaintenant…
Ellecontemplalesmursenpierrerustiquesetletoitdechaume.—Ici,enEcosse,personnenemépriseceuxquiontsubiunreversdefortune,réponditHughd’une
manièretrèsdétachée.Cequin’estpaslecasenAngleterre.—Vousavezraison.Demême,lesAnglaispensentquelesEcossaisnesontpasdesgenscivilisés.HughdonnaunpetitcoupdecoudecompliceàSamuel.—Tuasentendu?Nousavonsdéjàréussiàlarallierànotrecause.Ignorantleursmoqueries,ellebutunepetitegorgéedevin.—Ilesttrèsbon.HughfittintersachopeenétaincontrecelledeSamuel.— Je suis heureux que Donald ait pu refaire sa vie ici. Beaucoup d’hommes ont traversé des
momentsdifficilesaprèslarébellion.Ilssontpartisetnesontjamaisrevenus.Lescoloniesaméricainessontpeupléesdebeaucouptropdebravesgarçonsissusdenosclans.
Ilposasurelledesyeuxrieurs.—Jevaispouvoirenaiderbeaucoupgrâceàvotredot!Necroyezpasquejevaislagarderpour
moi.Soudain,levinpritdanssaboucheungoûtamer,tandisqu’ellemesuraitàquelpointcespauvres
gensattendaientavecimpatienceunedotqu’ilsn’auraientjamais.Ellepréférasedistraireenrépondantpardesproposacerbes.
—Vosgensnesemblentpasvraimentvousfaireconfiance.S’attendent-ilsàcequevousdépensiezaussisagementcettesomme?
— Ils m’ont élu pour être leur chef, rétorqua-t-il avec aplomb, ce qui veut dire qu’ils me fontconfiance.
—Ouqu’ilsveulentl’argentquivousestattaché,dit-elled’unevoixunpeutropmielleuse,àvousetàpersonned’autre.
Le sourire de Hugh ne faiblit pas sous ses attaques. Donald revint bientôt vers eux. Une jeunefemme, chargée de bols de soupe et de pain frais, l’accompagnait. Il la leur présenta comme étant safemme,Rachel.Ellerepartittimidementendirectiondelacuisinesansdireunmot.
—Vosparentssont-ilstoujoursauvillage?demandaHughlorsqueDonaldpritplacesurlebancàcôtédeSamuel.
Lesouriredel’aubergistes’évanouit.—Monpèreestmortilyaquelquesannéesdecela,etmamèren’estpasenbonnesanté.Elleala
tuberculose.Rionalevalesyeuxverslui,avecaucœurunélandecompassionpourcettefamille.—Jesuisdésolédel’apprendre,ditHugh.—Masœuraaussilatuberculose,déclara-t-elle.Jelasoignedepuisdesannées.—VousêtesuneDuff,n’est-cepas?demandaDonaldaveccuriosité,sansaversionaucune.— En effet, mais j’ai grandi en Angleterre, à Londres, surtout. Ma sœur y a vu beaucoup de
médecins.Ilsepenchaverselle.—Vouspourriezpeut-êtrerendrevisiteàmamèreetmedirecequevousenpensez?—Jenesuispasvraimentapteàlaguérir,objecta-t-elle,gênéesansvraimentsavoirpourquoi.—Mais vous en savez plus sur les traitementsmodernes que nous.A Stirling, tout ce qu’ils lui
proposaient,c’étaientdessaignées,etcelanefaisaitqu’empirersonétat.—Oui,c’étaitlamêmechosepourmasœur.J’iraivoirvotremère,vouspouvezcomptersurmoi.UnelueurdefiertééclairaleregarddeHugh,etRionadétournalesyeux.Ellenepouvaitpasguérir
cettefemme,iln’yavaitpasderemède.Maiscertainespersonnesvivaientpluslongtempsqued’autres,etavecdessoinsadaptésilétaitpossibled’allongerleurexistence.
Sonempressementàaidercettefemmel’étonna.Elleavaitpasséunegrandepartiedesajeunessecloîtréedans la chambred’unemalade, avecpour seulecompensation lagratitudedeBronwyn, tandisquesesparentssemblaientcroirequen’importequiauraitvolontiersrenoncéàsesloisirspourofficiercomme infirmière, alors qu’ils ne l’avaient jamais fait eux-mêmes. Elle se rappela également laculpabilité que ressentait sa sœur à l’idée qu’elle passe autant de temps avec elle.Mais aujourd’hui,personnenelaforçait.Ellen’étaitpeut-êtrepascapabled’échapperauxprojetsdeHughmais,aulieudes’apitoyer sur son sort, elle pouvait peut-être faire quelque chose pour une femme en souffrance.Elleéprouvaunegrandejoieàl’idéedeprendreseulecettedécision,pourunefois.Jusqu’àprésent,elleenavaitsirarementeul’occasion!
Pendant l’heure qui suivit, ils mangèrent leur soupe et leurs pains d’avoine. Donald lui racontaquelquesanecdotessurHughetletempsoùilsétaientàl’université.Ellelesresituamentalementdansletemps.C’était aprèsqueHugheut voulu épouserAgnès.Donald semblait avoir eubeaucoupdemal àl’inciteràfaireautrechosequ’étudier,maisaprèsquelquetempsHughs’étaitmêléàleursfêtesetàleursbeuveries,commetouslesjeuneshommesdesonâge.
Aprèsavoirmangé,RionaaccompagnaRacheldansunpetitcottagesituéderrièrelataverne.Elledécouvritunevieillefemmeoccupéeàsurveillerunpetitgarçonetunefillequijouaientensembleavecuneballe.Lafemmetenaitunmouchoirdanssamainpourlecasoùelleseraitprised’unequintedetoux.Ellesedemandasielleytrouveraitdusang.Lapièce,bienquepropreetmunied’unplancherenbois,sentait le renfermé. Les volets étaient clos pour la protéger du soleil, et la chaleur était presqueinsoutenable.Ellecommençadoncparouvrirlesvoletsetparladesvertusdel’airfrais.Elleconseillaégalementàlafemmedesortirprendreunpeud’exerciceetdes’alimentersainementpourrenforcersesdéfenses.Enfin,elleluirecommandadeboiredesinfusionsdecamomillepourmieuxdigérer.
LavieilleMmeRosslacontemplacommesielleétaitunangetombéduciel,cequi lamitmalàl’aise,audébut.Maisbientôt,ellecompritàquelpointlamaladiepouvaitvousrendredépendantdelabonnevolontédesautres.Ellebavardaavecellependantuneheureet luidonnadesnouvellesduSud.MmeRossluiparladesavieauvillage.Rionapritenfincongéenluipromettantdevenirtrèsbientôtluirendrevisite.
Elle restaun longmoment seuleà l’extérieurducottage.Plus loin,dansunemaisonvoisine,elleentenditdesproposengaéliquequisemêlaientaumeuglementdesvachessurlacolline.Lesmontagness’élevaient de part et d’autre de la vallée, avec leurs sommets dénudés.Vers l’ouest, juste aumilieu,brillaient les eaux miroitantes du loch Voil. L’idée de s’enfuir en courant ne lui traversa même pasl’esprit,tantcettetentativeparaissaitvaine.
Poussantunsoupir,elleretournaàlataverne.LagratitudeetlesremerciementsdeDonaldluifirentchaudaucœur,demêmequelafaçondontSamuelluisouriait.QuantàHugh,sonregardtémoignaitduplaisiretdelafiertéqu’ilressentaitàsonégard.
Cesoir-là,danssachambre,elleattenditsonarrivée,toutenespérantqu’ilseraittropfatiguéparleurlonguejournéepourvenirl’ennuyer.Evidemment,ilétaitdenaturerobuste,etc’étaitplutôtellequiétaitépuisée,paslui.
Quandilarriva,ilallas’asseoiraussitôtdevantlacheminéeetl’attirasursesgenoux.Elleseraidit,méfiante,maisilsecontentadeprendresamaindanssapaumerugueuseetdejouerdistraitementavecsesdoigts,toutenluiparlantdeDonaldetdesafamille,ainsiqued’autrespersonnescommelui,touscesgensqu’ildésirait aiderquand il siégeait auParlementàLondres.Le sonde savoixétait apaisant, etbientôtelleposalatêtesursonépaule.Elleduts’endormir,carelleseréveillaaubeaumilieudelanuit,seuledanssonlitfroid.Etonnamment,unepartied’elles’entrouvacomme…déçue.
***
Hughmontasechangeraprèsunematinéed’entraînement. Ilavait rendez-vousavecsonrégisseurpourparlerdesbauxquiarrivaientàterme.Lesujetétaitaridemaisnécessaire.Ilavaitàportéedemaintousleslivresd’agriculturequ’ilavaitfaitenvoyeràLarigaufildesannéesetquepersonnen’avaitlus.Ilavaitl’intentiondelesluimontrer,ainsiqu’àDermot.Cesterresredevenueslibresétaientl’occasionrêvéed’expérimenterdenouvelles techniquesagricoles censéesaméliorer le rendementendépitde larudesseduclimat.
Ileutlasurprised’entendredesvoixenprovenancedusalon.IlallavoiretdécouvritMmeWallaceetRionadeboutdevantlatable.Ellessetenaientdevantdelongscouponsdebatiste.
Elleslevèrenttoutesdeuxlesyeuxverslui,maisseuleMmeWallaceluisourit.Rionasecontentadele saluer d’un signe de tête avant de se pencher sur son ouvrage. Il essaya de l’imaginer lui sourireaimablement à son entrée dans une pièce, mais cela allait être difficile. Il comprenait qu’après unenlèvementilluifaudraitunelonguecourpourlaséduire.Pourtant,ils’étonnaitencorequecelaprenneautantdetemps.
—Vousavezbesoindenouvelleschemises,lairdMcCallum,ditMmeWallace.Votrefutureépousea demandé à pouvoir vous en confectionner et à les broder pour vous. Saviez-vous que vous alliezépouserunefemmeaussitalentueuse?
—Oui,jelesavais,répondit-il.Rionas’empourpra,maisserefusaittoujoursàcroisersonregard.— Elle aurait pu demander à préparer son trousseau pour la noce, mais elle affirme que les
chemisesduchefsontplusimportantes.—Vraiment?
Il se demanda siRiona ne s’obstinait pas encore à prétendre qu’elle n’avait pas besoin d’habitspourlemariage.
Il croyait qu’après leur visite au village, la veille, et son intérêt à aider lesRoss, elle se seraitassagie,maismanifestement il n’en était rien. Elle ne voulait pas se confectionner des robes pour unavenirqu’elle refusait d’envisager. Il aurait aimé resterpatient,mais cela faisait trois semainesqu’ilsvivaientensemble,etellenesemblaittoujourspasprêteàaccepterlasituation.Elleétaitdécidémenttrèstêtue.
Il s’attardasur le seuil,décrochant sonplaiddesonépauleet laissant lespans retomber.Acettemême heure, la veille, assis près du feu, il avait senti les défenses deRiona faiblir, au point qu’elles’étaitendormiedanssesbras.Elle l’avait laissé laprendresursesgenoux,etmêmetouchersamain.Lorsqu’elles’étaitendormie,iln’avaitpaséprouvélebesoinpressantd’éveillersessens.Elleparaissaitsi…innocente,avecsescernessouslesyeux,témoinsd’unelonguejournée.Ill’avaitregardéedormirunlongmomentavantdelaporterdoucementdanssonlit.Illadésiraittoujoursmais…ilavaitdutemps.
Voyantqu’illesregardaittravailler,ellesluijetèrentunbrefcoupd’œil,puisseremirentàmesurerletissuetàcoudre.
—MadameWallace,ditsoudainHugh, j’aioubliédevousdemandersivousaviezbesoind’aidepourpréparerleconseildesgentlemendedemain.Sivousvoulezquej’appellequelqu’un…
Ils’interrompitenvoyantl’étonnementsepeindresurlevisagedeRiona,justeavantqu’ellepenchedenouveaulatêtesursonouvrage.Etonnementquin’échappapasàsagouvernante.
— Vous n’avez pas dit à votre fiancée qu’il allait y avoir un festin dans la grande salle ? luidemanda-t-elleavecunepointedereproche,s’exprimantaussilibrementquesielleétaitsamère.
—Jemesuisadresséàvous,madameWallace,répondit-ilavecmorgue.J’aipenséqu’iln’étaitpasjustededérangermafiancée,alorsqu’ellen’estpasencorelamaîtressedecettedemeure.
Ilsemblaitavoirlonguementréfléchiàlaquestion.Rionaluidécochaunregardamusé,indiquantclairementqu’ellen’encroyaitpasunmot.— Très bien, maugréa Mme Wallace, je vais m’en occuper, laird McCallum. Mais tous ces
préparatifs…—Jesaisquevousaveztoutenmain,madameWallace,ditRionad’unairlégèrementsuffisant.Maisilsavaitquecetonluiétaitdestinépersonnellement.—Mesdames,dit-ilenhochantlatête.Puisilseretira.Unefoisdanssonbureau,aprèsavoircroiséleregardsceptiquedesonrégisseuretlevisagedurde
Dermotquandilleurparladelamanièredontl’agricultureétaitentraindechanger,ilsesurpritàdésirerrevenirauplusviteprèsdesdeuxfemmes.
Ceshommes faisaientpeut-êtrede la résistance,mais au final saparole faisait loi. Il était tempsd’expérimenterdenouvellestechniquessurlesterresdesMcCallum!
***
Après avoir passé la matinée avec Mme Wallace, Riona commença à croire que Hugh l’avaitvraimentépargnée,ennel’informantpaspréalablementduconseil.Lagouvernantes’étaitmisentêtedeluimontrercomments’organisaientlespréparatifspourautantd’invités,etlescuisinessemblaientsurlepointd’explosersouslenombredeservantesvenuesenrenfort.Desdizainesetdesdizainesdevolailless’amoncelaient à côté d’une énorme quantité de pâtisseries. Dès qu’elle en eut l’occasion, Riona enprofitapours’éclipser.
Elleneralentitlepasqu’encroisantplusieursregardscurieux.Sicettemaisonavaitétélasienne,elle aurait volontiers proposé son aide.Mais cela lui paraissait… cruel que le personnel, et surtout
MmeWallace,s’habitueàelle,avantdedécouvrirlavérité.Ilsladétesteraientsuffisammenttôt,ellequiincarnaitpourl’instantleursalut.
Pourtant,elleavaiteu lesentimentd’êtreutileetacceptée,etellen’avaitpurésisterà l’enviededonnersonavis.Elleavaittellementpeul’occasiondecontrôlersaviequ’elleressentaitunréelplaisiràprendredesdécisions,aussipetitessoient-elles.
Lorsqu’elle aperçut le petitHamish attachéprès des écuries, la languependant sous sa touffe depoils,ellesesentitunpeurassérénée.Ilaboyaenlavoyantapprocher,maisellesecontentades’asseoirsurunseauretournéàcôtédeluienleregardantd’unairsévère.
—Cen’estpastoiquicommandes,petitHamish!Jenetelaisseraipasmechasser.L’animalcessad’aboyeretpenchalatêtesurlecôté,commes’ilécoutaitcequ’elledisait.—Maintenant, si tuveuxquenous soyonsamis, tudois apprendreàneplusaboyerquand tume
vois.Elletenditlamainverslui,etillareniflaavecméfiance.Puisildétournaleregard,commes’ilne
s’intéressaitplusàelle,etelleenprofitapourluicaresserlesommetdelatête.Elle songea alors au propriétaire du chien et à ce que MmeWallace lui avait raconté sur lui.
Heureusement,Hugh n’avait pas entendu cette partie de leur conversation ! La gouvernante ne s’était,hélas,pasmontréetrès loquace.Elleneluiavaitpasapprisgrand-chose,hormisquelagrand-mèredeBrendan était une amie proche, et qu’ils avaient un très joli cottage dans le village.Cette informationréconfortaRiona car,même siHughn’avait pas reconnu l’enfant, aumoinsBrendannemanquait-il derien.Pourtant…était-ceainsiqueleschosesdevaientsepasser,alorsquetousleshabitantsduchâteauregardaientd’unairdésapprobateurtoutrapprochemententreBrendanetHugh?
Soudain,l’intéressépassaunetêteinquièteparlesgrandesportesdel’écurie.Enl’apercevant,soninquiétudes’évanouit.
—Bonaprès-midi,madame.—Bonjour,Brendan,répondit-elleensouriant.JepensequeHamishcommenceàm’apprécier.Ellefuttentéedecaresserdenouveaulechien,maiscederniersedétourna.—Ilvafalloirquejesoispatiente,ajouta-t-elletristement.Brendanfitunpetitsouriredetraversetsepassalebrassursonfrontcouvertdesueur.—Tutravaillesdur?Ilacquiesçaetditàvoixbasse:—Leresponsabledesécuriesapristrèsausérieuxcequemonsieuradit.Lesécuriesn’ontjamais
étéaussipropres.Ilregardaautourdeluicommepours’assurerquepersonnenepouvaitlesentendre.—Jesuisjeune,maismêmemoijesavaisqueleschosesn’étaientpasbienfaites.Seulement,jene
pouvaisriendire…—Jecomprends,fit-elled’unairsolennelenessayantdenepassourire.Ilsemblaitprendresontravailtellementausérieux!—Ilyaunautregarçond’écuriequiapprendlemétieravecmoi,poursuivit-ilenrougissant.Ilest
plusjeunequemoi,sibienquelorsqu’iln’apasfaitleschosescommeonnouslesademandéeslemaîtres’estfâchétrèsfortaprèsluiàl’idéequemonsieurpuisses’enrendrecompte.Biensûr,jenepouvaispaslelaisserfaire.J’aidoncditquec’étaitmafaute,enimaginantquemonsieursemontreraitplusclémentavecmoi.
Riona écarquilla les yeux en entendant sa réponse. Il était bien jeune, mais se pouvait-il qu’ilconnaisselavérité?
Ilsouritdoucement.—Jem’étaistrompé.J’aiétépunidelamêmefaçon,maiscelameconvient.
Peut-êtrequelefaitd’êtretraitécommetouslesautresécartaitlessoupçonsquantàsafiliation?ToutencaressantHamish,qui semblait l’accepter avec réticence, elle comprit qu’ellenepouvait plusvivre sans en avoir le cœur net. Elle devait savoir ce qu’il en était. Elle avait aussi conscience desconséquencesimprévisiblesdecettedécision.
Chapitre14
Ce soir-là,Riona croyait savoir comment elle allait affronterHugh,mais lorsqu’il entra dans sachambre,avecsonimmensestature,vêtudesonseulplaidnoiretrougenouélâchementàlataille,toussesplanss’évanouirent.Ilvenaitmanifestementdeprendreunbain,etlalueurd’unebriquedetourbe,quivenaittoutjustedes’enflammerdanslacheminée,sereflétaitsursapeauencorehumide.Aucunhommedesaconnaissancen’étaitaussiobsédéparlapropretéquelui,songea-t-elleenrougissant,tandisqu’ellese souvenait de l’agréable odeur de son corps lorsqu’elle s’était blottie sur ses genoux. Ses cheveuxnoirs,habituellementattachésenunequeue-de-cheval,tombaientenbouclessombressursesépaules.
Pourquois’était-elledétendueaussiaisémentdanssesbraslaveille,bercéeparsavoixaupointdenepluspenserqu’ellen’appartenaitpasàcetendroitetqu’il l’avaitenlevéecontresavolonté?Peuàpeu, elle commençait à oublier son ancienne vie, qui se résumait à des visites chez des ladies encompagniedeCat,àdesheurespasséesauchevetdeBronwynouàêtrelacousinelamoinsconvoitéependantlessoiréesetlesdînersauxquelselleétaitinvitée.EllenefaisaitpaslepoidsfaceàladotdeCat.Direque,pendanttoutcetemps,cettedotétaitdéjàpromiseauxMcCallum…Commentsononcleavait-ilréussiàgarderlesilenceaussilongtemps?
EnapercevantHugh,deboutdevantelle,lacordeàlamain,ellefutcontraintedeseconcentrerdenouveausurl’instantprésent.Ilnedisaitrien,secontentantdelafixeravecsesyeuxgrisquireflétaientparfois la colèreglacialede l’hiver, quibrillaientd’autres foisde l’éclat argentéde lapassion.Acemoment,sesprunellesluirappelaientlacouleurdel’argentenfusion.
Ilfallaitviteledistraire.Elleaussid’ailleurs.Ilyavaiturgencecar,àcetinstantprécis,elleavaitl’impressiond’êtreaspiréeparunevaguededésiretcraignaitdenepluspouvoiryrésister.
—J’ai…parléavecBrendanaujourd’hui,commença-t-elled’unevoixhésitante.Ilhaussalessourcilstandisquesonregardglissaitlentementsursoncorps.—J’aidesquestionsàvousposersurlui,ajouta-t-ellesuruntontoutsauffermeetdéterminé.—Vousn’avezcessédemerépéterquevousnevouliezpasêtremêlée,deprèsoudeloin,àcette
maisonouàmonpeuple.Tantquevousn’aurezpaschangéd’avisàcesujet,celanevousregardepas.Sesyeuxardentss’attardèrentsursabouche,sesseins,sescuisses,jusqu’àcequ’elleressenteleur
brûlure.Sapeausehérissa.Soncœurbattaitàtoutrompre.Soncorpsseconsumaitets’enflammait.Non,elle ne pouvait pas capituler aussi facilement. Elle secoua la tête en essayant de s’arracher à cettetorpeur.
— Vous… vous avez tellement de cicatrices, dit-elle en posant les yeux sur l’une d’elles,particulièrementmarquée,quiluibarraitlescôtes.Dites-moicommentcelaestarrivé.
L’ébauched’unsourire luiétira les lèvres—ellen’auraitmêmepasdûleregarderàcetendroit.Puisilluipritlamainetlaposasurlacicatrice.Elles’étonnadelasensationtroublantequis’empara
d’elle.—Sheriffmuir,murmura-t-il.Ilpassadélicatementsondoigtd’avantenarrièrelelongdelaboursouflure,etellefrissonna.—UnAnglaisaessayédemetransperceravecsabaïonnette.Ilafallupresqueunmoispourquela
fièvreretombeetquejepuissemelever.Ellehumectaseslèvressèches.—Votreconvalescenceacertainementprisdesmois.Quevousontditlesmédecins?Ilignorasaquestion.Sanslâchersamain,ilfitglissersesdoigtssursontorse,jusqu’àlacicatrice
quiluibarraitlementon.—Uncoupdepoignardenm’entraînantavecmeshommes.Puisilpassaàsonbras.—La balle d’unmousquetonm’a effleuré lorsque j’avais quatorze ans. Nous étions en train de
récupérerdubétailquinousappartenaitet,bienquel’onm’aitdéfendudeparticiperàceraid,j’ysuisallé.
Ilfallaitqu’elletrouvequelquechoseàdire,mêmesisonregardétaitattirécommeunaimantparsesmusclespuissants.
—Sijecomprendsbien…vousavezvolévotrebétail?Ignorantunefoisencorelaquestion, ilfitglissersondoigt le longdesoncorps,etelleretintson
soufflelorsqu’ill’amenasouslesplisdesonplaid,letirantverslebasjusqu’àdécouvrirsahanche.Elletremblait à présent et elle savait qu’il le sentait, tout comme il savait que cen’était pasdepeur, plusaprèslamanièredontelleavaitréponduàsesbaisersetsescaresses,cesdernièresnuits.
—UnvoleuràEdimbourgaessayédedécoupermapocheavecunpeutropd’enthousiasme.Puisilfitglissersondoigtplusbas,sursacuisse.Ilsepenchapourl’aiderdanssonmouvement,
s’approchantsiprèsquesescheveuxluieffleurèrentlatête.Lorsqu’ellesentitlapeaunuedesajambeetqu’ilfitremontersamain,ellepoussaunpetitcri.—Hugh!Ilsourit.—Vousnevoulezpassavoiroùl’épéeadécoupémachair?Elle ne trouvait plus ses mots. Il serra très fort sa main pour la maintenir sur sa cuisse, puis
commençaàl’embrasserdanslecou.Ellefermalesyeuxenpoussantunsoupird’abandonetselaissaaller à savourer la douceur humide de ses lèvres. Il ouvrit ensuite son peignoir pour atteindre sondécolletéetlaissacourirsalangue.Ellerenversalatêteenarrièreets’agrippad’unemainàsesépaulesnuespournepass’effondrerà sespieds.Soudain,elle s’aperçutqu’ilne tenaitplus samainsoussonplaid,etpourtantellenel’avaitpasôtée.C’étaitellequis’yattardaitàprésent,savourantlachaleurdesapeau.Ellelaretirabrusquementetl’entenditrire.
—Asseyez-vous, jeune fille. Il faut que je vous attache avant d’essayer de vous convaincre ducontraire.
Elle se laissa tomber sur le lit, tout étourdie et presque déçue. Il n’aurait eu aucun mal à lapersuader de ne pas être attachée, mais elle préféra se mordre les lèvres plutôt que de l’avouer. Ilremontasonvêtementjusqu’auxgenouxpourdécouvrirseschevilles.Aprèsavoirnouélacorde,illevalentementlesyeuxauniveaudesesjambestremblantes.
—Sivousécartezjusteunpeulescuisses,jepourraivoirleparadis,dit-ild’unevoixdouce.Ellelesserrarapidement,etilfitdenouveauentendreunriredegorge.Ilneseredressapas.Ilrestaaccroupietcommençaàdéposerdesbaisersbrûlantssurseschevilles,
sesmollets,remontantprogressivementjusqu’àsescuisses.Ellefrémit,émuepartantdedélicatesse.Elleignoraitquesapeaupouvaits’embraseràchacunedesescaresses.Iln’essayapasdereleversachemisedenuit,maissecontentadefrottersajouecontresacuisse,avantdes’attardersursahanche.Enfin,ilse
redressapourseplaceràcalifourchonsurelle.Auparavant,cegestel’auraiteffrayée,maisàprésentelleappréciait ce sentiment d’être une femme délicate et désirée. A travers ses vêtements, il déposa desbaisers sur sa hanche et son ventre, sur sa poitrine puis la pointe de son sein, où il s’attarda en latourmentantdesesbaiserslégers.Puisillamordilladoucement,luiarrachantuncri.
Ellesaisitsatêteentresesmains.—Hugh…s’ilvousplaît.Un désir aveugle s’était emparé d’elle, lui faisant oublier toutes les règles de bienséance. Elle
n’étaitplusmaîtressedesessens.S’ill’avaitdétachéepourplongerentresescuisses,ellel’auraitlaisséfaire,prêteàtoutpourapaisercettedouleursourdeaucreuxdesonventre.
Maisilneladétachapas.Ilglissasurlecôtéetcommençaàlacaresser.Ils’emparadesaboucheavecuneardeurquilatransporta,etelleluiréponditaveclamêmefougue.Salanguepartitàlarencontredelasiennepourl’exploreravecavidité.LesmainsdeHughsemblaientfairedesmiraclessursoncorps.Ses doigts glissaient sur ses seins, l’agaçaient, la caressaient jusqu’à ce qu’elle frémisse. Puis ilpoursuivitlentementsoncheminverslebasdesoncorps,etellel’imploraensilencedenepass’arrêter,mêmesiellenepouvaitpasledireavecdesmots.Ileffleuraalorsl’intérieurdesescuisses,etellelesécartaengémissant,autantquelacordeetsachemisedenuitleluipermettaient.Chacunedesescaressesdéclenchait en elle un plaisir aigu qui lui donnait envie d’en réclamer plus. Elle se contorsionna enhaletantet, lorsque labouchedeHughquitta lasiennepouraspirer leboutdesonsein,ellesentit soncorpsauborddugouffre.Ill’avaitéveilléeauplaisir,etjamaispluselleneseraitlamême.Ellefinitparbasculer,consuméeparunejouissanceinédite.
Interloquée, elle ouvrit les yeux.Hugh était assis à côté d’elle, un bras autour de sa taille. Il laregardait.Ellecrutqu’elleserait incapabledecroisersonregardsanssesentirgênée,mais iln’enfutrien.Ilss’étudièrentmutuellementcommesiquelquechoseavaitchangéentreeux.Enréalité,rienn’avaitchangé.Soudain,uneimmensetristesses’emparad’elle.Ellesecouvritlevisage,ravalantseslarmesdumieux qu’elle le put. Hugh ne disait rien, et elle ne pouvait lui donner aucune explication. Elle lelaisserait croire qu’elle n’était qu’une femme qui s’entêtait à vouloir choisir son mari, capable decontinueràluimentirpardépit.Ilnelaconnaissaitpas,mêmes’ilsavaitjouerdesoncorps.
Ilselaissaglisseràcôtéd’elleetlamanipulacommesielleétaitunepoupéedechiffonavantdesecalerderrièreelleetdelaserrercontrelui.Ellesentitsonérectiondanslebasdesondos,maisilnebougea pas. Il s’endormit avant elle, et elle regarda longuement le feumourir dans la cheminée en sedemandantcequ’ellepouvaitfairepournepastomberamoureusedel’hommequil’avaitenlevéeetquiétaitlefiancédesacousine.
***
Le lendemain, Hugh fut distrait toute la journée, alors qu’il aurait dû se concentrer sur lespréparatifsduconseildesgentlemen.Ilfallaitqu’illiselesrapportsdesonrégisseur,desontrésorieretdesonintendant,maischaquefoisqu’ilessayaitdes’ypenchersonespritleramenaitàRiona.
Riona,quiavaitdécouvertlesplaisirsd’êtreunefemmejusqu’àenpleurer.Ilsavaitquec’étaientdes larmesd’allégresse, commec’était sonvœu leplus cher.Mais elle se rebellait encore contre sonavenir,contre lui,et ilcommençaitàêtreàcourtd’idéespour lui faireaccepter l’inéluctable. Ilauraitaiméluidirequ’elleétaittêtueetaveugléeparsonbesoindedéciderdesadestinée,peut-êtrebienpourlapremièrefoisdesavie.
Maisellenepouvaitpaschangersonavenir.Nevoyait-ellepasque,malgrésonstatutdechef,cettemaisonseraitàelle?Quepouvaitdésirerdeplusunefemme?
Dès qu’elle aurait accepté son destin, il pourrait répondre à ses questions à propos deBrendan.Cette idée ramenasespensées sur le jeunegarçonquiavait acceptéaveccourage lamodestepunition
destinéeàunautre.Sonattitudeavaitsuscitésonadmirationautantquesonexaspération.Sagrand-mèreavaitsul’éleveràmerveille.
Brendan connaissait-il la vérité sur leur lien de parenté ? Si non, comment était-il censé le luiapprendre?
Tout au long de la journée, les vendeurs ambulantsmontèrent leurs tentes dans la cour pour lesgentlemen et leurs épouses venus des contrées et des villages voisins. Vins, tissus délicats et soiesbrodéess’alignaientàcôtédesbijoux.L’atmosphèreétaitaussifestivequ’unefoiredeprintempsmais,aprèsledéjeuner,leshommess’installèrentdanslagrandesallepourtravaillersérieusement.
Hugh écouta les rapports de ses métayers sur ses propriétés, les taxes collectées ces dernièresannéesetlesprévisionssurlesrécoltesàvenir.Ensuite,illeurdonnadesexplicationsdétailléessurlestechniquesagricolesanglaisesqu’il souhaitaitadopter.Commedans les fermesvoisines,cetteannonceprovoquauntolléchezlespaysansquirechignaientàabandonnerleursvieilleshabitudes.
***
Rionarestadeboutàlesécouteraufonddelagrandesallelongtempsaprèsledépartdesfemmes,partiesrendrevisiteauxmarchandsambulantsouseretrouverpourcoudreetbavarder.Laplupartd’entreelless’exprimaientengaéliquemêmesiellesavaienteulagentillessedeparleranglaisensaprésence.Elles s’étaientmontrées très curieuses et lui avaient posé de nombreuses questions sur son éducationparmilesAnglais,oubliantquesamèreétaitanglaise.Quepouvait-elleleurdire?Lavérité?Non,celan’aurait fait que susciter leur méfiance. Elle était une Duff et, malgré l’amabilité de ces dames, elledécelaitchezellesuneréticenceetunscepticismeàsonégardchaquefoisqu’elleouvraitlabouche.
DonaldRosssetrouvaitégalementdanslasalle,carilsous-louaitunepetiteparcelledeterre.Elleveilla à prendre des nouvelles de sa mère et fut heureuse d’entendre que celle-ci avait retrouvé del’entrain.
Pendantleconseil,elleécoutaHughparler,maisnecompritquequelquesmotsépars.Elleéprouvaunecertainefrustrationàconnaîtrelelatinetlefrançais,maispasuntraîtremotdelalanguedesonpère.Pourquoines’enétait-ellepasaperçueplustôt?
LorsqueSamuelpassadevantelle,ellel’appelaetluidemanda:—Ya-t-ilquelquechosequejedevraissavoir?Sont-ilssiopposésauxidéesdeHughqu’ilsenont
l’air?SamuelenglobaduregardlasalleoùleshommesdiscutaientâprementdanslescoinsdèsqueHugh
faisaitunepause.—Toutsepassecommeprévu.Leschangementsnepeuventpasarriverenquinzejours,etillesait.
Ilsouhaitefairedesessaissurdesparcellesdeterrelaisséesàl’abandonsibienquel’annéeprochaine,àlamêmeépoque,lesgentlemenpourrontconstaterl’améliorationdesrendements.
—C’esttrèsastucieuxdesapart,convint-elleàcontrecœur.Samuelladévisageaavantdesecouerlatête.—Ai-jeentenduuneapprobationdansvotrebouche?Rionaseraidit.—Jepeuxapprouverquel’onaméliorelesrendementspouréviterquelesgensmeurentdefaim,
n’est-cepas?Celaneveutpasdirequej’approuveHugh.Hugh, l’homme qui avait pris le contrôle de son corps et parfois de son âme, l’homme qui était
capabledeluifaireperdrelatêted’unesimplecaresse.Siellen’avaitpaseulesjambesattachées,elleauraitmêmepucraindred’êtreenceinteàl’heurequ’ilétait.
Samuell’observaaveccuriosité,etelledétournalesyeux,incapabledesoutenirsonregard.
—Ilafaituneautredéclaration,ajouta-t-il.Ilvapartirvisitertouteslesterresettouslesvillagessoussonautoritétrèsbientôt.Lesgentlemenluiouvrirontleursmaisonspourl’accueilliretpréparerontlesterrespourqu’illesinspecte.
Rionatentadecontenirsonexcitation.—Combiendetempssera-t-ilparti?—Etantdonnéqu’iladécidédevousemmener,cedétaila-t-ildel’importance?Ellesoupirabruyammentavantd’êtredistraitepardesapplaudissementsetdesacclamations.—Ilssontheureuxquenousnousinvitionschezeux?— C’est un grand honneur d’héberger le laird, même si, d’ici là, ils reviendront assister à la
cérémonieofficiellequiproclameraHughchefdesMcCallum.—Simpleformalité,dit-elleavecungestedédaigneuxdelamain.—Ils’agitd’unrituelimportantetsacréquiexisteauseindenotreclandepuiscinqcentsans.—Est-celaraisonpourlaquelleilsapplaudissent?—Non,soupira-t-il.Alasdairvientd’êtrenomméchefdeguerre.Rionasedressasurlapointedespieds,heureusequelaplupartdeshommessoienttoujoursassis
surlesbancsenfacedel’estrade.Desonposted’observation,ellevoyaitHughlamainsurl’épauledesonfrèreadoptif.Alasdairparaissaitfiermaissurpris.Acôtéd’eux,Dermotaffichaituneneutralitédepierre.
—J’espèrequ’iln’yapastropdegentlemendéçus,dit-elleàvoixbasse.Dermotsemblel’être…—Vousvousensouciez?demandaSamuel.—Jen’aimepaslesconflits.Ilspourraientéclaboussermonclan,n’est-cepas?—JesuisheureuxquelasécuritédesDuffvousintéresse,déclara-t-il,letonteintéd’ironie.Rionaeutenviedeluidécocheruncoupdecoude,maisseravisa.ElleaperçutalorsDermotquise
penchaitversunhommeàsadroiteet,ensemble,ilsobservèrentHughd’unairimpassible.—Dermotpourraitcauserbeaucoupd’ennuiss’illevoulait,murmura-t-elle.Samuelluidécochadenouveauunregardsurpris.Lefaitétaitque,bienmalgréelle,ellesefaisait
du souci. Il fallait à tout prix qu’elle mette ses sentiments de côté et qu’elle se rappelle que lemécontentementdeDermotreprésentaitpeut-êtrepourelleunechancedes’enfuir.DévoilerlavéritésursonenlèvementchangeraitcertainementlafaçondontHughcommandaitsonclan,maiselleessayadenepasypenser.Pourtant,elleavaitdeplusenplusl’impressiond’agirentraîtrevis-à-visdeHugh,cequiétaitridiculepuisquec’étaitellequiavaitétékidnappée!
Samuel lui traduisit la dernière déclaration de Hugh sur l’organisation d’une grande chasse aubénéficeduclan.Ilyeutdenouvellesacclamations.
Les convives burent ensuite du whisky jusque tard dans la nuit, tandis que les musiciensdivertissaientlafoule.Hughlapersuadadegoûterleurprécieuxwhisky,ettousleshommesrugirentenvoyantsonexpressionlorsqu’elleavalal’ignoblebreuvage.L’alcoolluiréchauffalesentrailles,etcefutlaseulechosepositivequ’elletrouvaàdire.
Elleseretirabienavantquelesgentlemenquittentlagrandesalleetelleentenditlongtempsleurschantsd’ivrognes.EllenedormitpastrèsbienetsedemandacommentelleréagiraitsiHughseprésentaitàelleivrepourl’attacher.Maisilnevintpaslaretrouverdanssachambrecesoir-là.
Beaucoupdesconvives restèrentdeuxnuitsdeplusetaccaparèrentHugh tard le soir.Etpuis,aumomentoùRionaenavaitassezdefairebonnefigure,decoudreaveclesdamesetdesesentirexclueàcausedelalangue,lesinvitéss’enallèrent.Ellecrutalorsqu’elleallaitpouvoirrespirer,maisd’autresvisiteursseprésentèrent.
Lamère et la sœur deHugh avaient été aperçues près du lochVoil et se dirigeaient vers LarigCastle.Ilsdînaienttouslesdeuxlorsqu’ilsreçurentlanouvelle.Ilséchangèrentunregard.CeluideHughétaitremplid’incertitude.Asagrandesurprise,ilnecherchaitpasàcachersoninquiétude.Soudain,elle
euthâtederencontrerlafemmequil’avaitéloignédesonivrognedepère,toutenluiinspirantunetelleantipathie.
Chapitre15
Deboutdans lacour,Hughattendait l’arrivéedesa familleencompagniedeRiona,quipeinait àcacher sa curiosité. Lui-mêmemasquait toujours ses émotions,maisRiona semblait pouvoir percer lemasquequ’ilaffichaitdepuisbienlongtemps.Comprenait-ellesoninquiétude,nonvis-à-visdeMaggie,biensûr,maisdesamère?
Unedemi-douzainedecavaliersàpeinepassaenfinparlaguérite,cequilecontrariaauplushautpoint.IlnecessaitderépéteràMaggiequelevoyagedepuisEdimbourg,quiduraitplusieursjours,étaitpleindedangersetd’hommesquirêvaientdekidnapperdesfemmesriches…
Mais…n’était-ilpas, luiaussi,unkidnappeurdefemmes?D’autantquel’argent tenaitégalementunegrandepartdanscetenlèvement.Saufqu’ilétaitdanssonbondroit,tenta-t-ildeseconvaincre.
Rionan’avaitrienditàpersonnedescirconstancesdesonarrivéeàLarigCastle,etilsedemandasicelaallaitchangeraveclapressiondesafamille.Ellenelesavaitsûrementpas,maissamèren’avaitplusaucunpouvoirsurlui.Maggie,c’étaitautrechose…Ilavaitunpetitfaiblepoursajeunesœur,qu’ilavait protégée des accès de colère de son père lorsque ce dernier était ivre. Au cours de ces septdernières années, il avait passé le plus clair de son temps à Londres et avait entretenu unecorrespondanceassidueavecelle.Elleétaitcellequiluimanquaitleplus.
— Depuis quand n’avez-vous pas revu votre famille ? demanda Riona en regardant les gardesdescendredechevalpouraiderlesdames.
—Depuisledébutdel’été,aprèslamortdemonpère.Rionaserembrunit.—Oui,biensûr.Excusez-moi.—Vousn’avezpasbesoindevousexcuser,répondit-ilenfronçantlessourcils.—Lorsquenoussommesarrivés,j’aipenséquec’étaitlapremièrefoisquevousreveniezàLarig
Castledepuisdesannées.—C’esteffectivementlecas.Jen’étaispasprésentpourl’enterrement,maisj’aivumasœuretma
mèreàEdimbourgplustard.Ilrestaitrarementtrèslongtempsdanslamêmepiècequesamère.Aumoins,ellen’avaitpasjoué
auxveuveséplorées,secontentantd’afficherunairsolennelparrespectpourlui,l’héritier.IlfinitparsourireenvoyantMaggiearriverencourantverslui.Illasoulevaetlaserrasifortdans
sesbrasqu’ellegrognadedouleur.—Tum’écraseslescôtes,monfrère!s’écria-t-elleengaélique.Lorsqu’illaposaàterre,ellesouritàRiona.—LadyCatriona,commejesuisheureusedevousrencontrerenfin!s’écria-t-elle.
Devantl’airconfusdeRiona,ellerépétalamêmephraseenanglais,puislapritimpulsivementdanssesbras.Hughétaitravidevoirsasœurheureuse.IlyavaitquelquesannéesqueMaggien’étaitpluslajeunefilleinsouciantedesessouvenirs.Elleavaiteuàgérerdesproblèmesdifficilesàimaginer.
Elleavaitattachéseslongscheveuxnoirsetondulésaubasdesanuque,sousunchapeaudepaillecrânementnouésoussonmentonàl’aided’unruban.Elleportaitunchâlepourseprotégerdel’airfraisdesHighlandssurunerobed’équitationvertfoncé.
— Lady Catriona, permettez-moi de vous présenter ma sœur, Maggie McCallum. Maggie, mafiancée.
—S’ilvousplaît,appelez-moiRiona,réponditRionaavecunsourirepoli.Elles se prirent les mains, et Hugh se surprit à espérer que Riona trouverait en elle une amie,
quelqu’unquipuissel’aideràcomprendrequelaviedel’époused’unchefdesHighlandsn’étaitpassiterrible.
Enrevanche,ilpriaitpourqu’elleneconfiepastoutàsasœur…Samères’approchaenfind’euxàpaslents.Elleportaitunecoiffeendentellesursescheveuxgriset
unerobedecouleursombre,commesielleétaitencoreendeuildel’hommequiavaitdétruitleurfamille.Hughfitlesprésentations,etRionas’inclinaenuneéléganterévérence.—Mère,jevousprésenteladyCatrionaDuff.Riona,voicimamère,ladyMcCallum.—LadyRiona,ditsamèred’unevoixformelle,malgrésesyeuxqui ladévoraientcommesielle
étaitunebouéedesauvetageaccrochéeàlui.Maisriennepouvaitlesauver,pasaprèstouslessecretsettouslesmensongesdontilavaitétéla
victime.—Ainsi,tuasenfinrencontrétafiancée,ditMaggieendétaillantRionadelatêteauxpieds.Cela
faittrèslongtempsqu’ilvousattend,madame.Rionarougit,puisregardaHughavecuneinquiétudedansleregardqu’ilespéraitêtreleseulàvoir.—Comments’estpasséevotrepremièrerencontre?continuaMaggie.Elleadûêtretendue.Hughfuttentéd’interveniretderépondreàsaplace,habituéqu’ilétaitàtoutcontrôler,maisilse
contentadesourireàRiona.—C’étaiteneffettrèstendu,répondit-elleenfin.Je…j’ignoraistoutdececontratdemariage.LesouriredeMaggies’évanouit.—Oh!c’estterriblequevotrefamillenevousaitpaspréparéeàcela!Puisellesetournaverslui.—Maisvousêtesici,avecnous,àLarigCastle.J’espèrequevousavezcomprisàquelpointvous
avezdelachance.Rionasesentitblêmir.De lachancedesesentirdéchiréeenpermanence?Denemêmepasêtre
capabledehaïrsonravisseur?Elle tenait là l’occasion rêvée demettreHugh dans l’embarras devant sa famille,mais elle s’en
sentaitincapable.Quedevait-ellecomprendre?Quesignifiaientlessentimentscroissantsqu’elleressentaitpourlui?Elle préféra se dire qu’il n’était pas très sagede se faire des ennemies, car les deux femmesne
manqueraient pas de se ranger du côté de Hugh. Autant profiter de cette occasion pour découvrir lemystèrequientouraitBrendanetl’aidersipossible.LafamilledeHughdevaitconnaîtrelavérité.
Hughluifitsignedemonterlapremièrelesmarchesendirectiondelagrandesalle.Iloffritensuitelebrasàsamèreetàsasœuret luiemboîta lepas.Rionaregardapar-dessussonépauleet levitquiparlaitavecMaggie,tandisquesamèredemeuraitsilencieuseetpâle.
C’étaitdoncelle, lafemmequiavaitessayédelesauverdescomportementsviolentsdesonmarialcoolique?Cetacteneméritait-ilpasunecertaineproximitéou,dumoins,delaloyautédelapartde
Hugh?D’aprèscequ’elleavaitpuconstater,cen’étaitmanifestementpaslecas.Jamaisellenel’avaitvusifroidàl’égardd’unepersonnedesonpropreclan.Etcettefemmeétaitsamère!
Danslagrandesalle,denouveauxplatschaudslesattendaient.Ilsprirentplacesurl’estradepourmangersousl’œilscrutateurdesgentlemenetdesservantes.MaggieétaitassiseàgauchedeHughetladyMcCallumàdroitedeRiona.Hughpassaunegrandepartiedurepasàbavarderavecsasœurdesamisqu’ilsavaientencommunàEdimbourg. Ils’exprimaitenanglais,essayantde lafaireparticiper,chosequeRionaapprécia,surtoutenprésencedesamèrequigardaitlesilenceetsetenaitàl’écart.Maisellenesesentaitpascapabledel’ignorer.
—LadyMcCallum,dit-elle,jesuisdésoléepourvotredeuil.LadyMcCallumbattitlespaupières.Elleavaitlesyeuxgris,elleaussi,grismaislas,alorsqueles
prunellesdesonfilsétaientsivives.—Mondeuil?Machère,sivousvoulezmonavis,McCallumn’estpasmortassezvite!Rionaeneutlesoufflecoupé.HughetMaggie,eux,contemplèrentleurmèred’unœilimpassible.
Elle remarqua alorsque lesyeuxdeMaggie étaient dedeux couleursdifférentes, commeHugh les luiavaitdécrits.L’unétaitbleuetl’autrevert.Lerésultatétait…déconcertantetintéressant.
HughetMaggiereprirentleurconversation.—Oh!repritRiona,malàl’aise.Hughm’aditqu’ilavaitrencontrédesdifficultésavecsonpèreet
quevouslesaviezemmenés,Maggieetlui,pourlesprotéger.C’étaittrèscourageuxdevotrepart.LadyMcCallumlaregardadroitdanslesyeuxcettefois.—Merci,murmura-t-elleavantdepencherlatêteverssonassietteetdeprendreunepetitebouchée
desonplat.Elleétaittrèsminceetsiellenemangeaitpasplusquecela…Maisneportait-ellepasledeuilde
son époux ?Ou bien était-ce le deuil d’autre chose ? se demandaRiona en observantHugh d’unœilinquisiteur.Ellenecroisaquesonregardimpavide.
Pendantquel’onpréparaitleschambresdesnouveauxvenus,Rionacompritquelasienneavaitétéautrefois cellede ladyMcCallum.Hughemmena samèreet sa sœurdans son salonprivé.Maintenantqu’ilsavaientquittélagrandesalle,ilparaissaitplusdétenduetmontraunefacetteenjouée,mêmetendredesapersonnalité,quitémoignaitàquelpointilaimaitsasœur.
Pendantcetemps,leurmèresetenaitàl’écartetregardaitparlafenêtre.Malgré elle, et cédant à la curiosité, Riona partit la rejoindre. Elle lui proposa un cerceau de
broderie,maiscettedernièredéclinasonoffre.—Cevoyagem’aépuisée,dit-elled’unevoixcalme.Maisjevousremercie.—JesuissûrequeMmeWallacepréparevotrechambreaussivitequepossible.RionaentrepritdebroderunechemisedeHughenpensantàsaproprefamilleetà l’imagequ’ils
pouvaient renvoyer. A l’instar deHugh et deMaggie, elle se sentait proche de sa sœur,mais de sesparents…c’étaituneautreaffaire.
—Comments’estpassévotrevoyagedansleNord,Riona?demandaMaggie.—Je l’ai trouvétrès long,mêmesivotrefrèreavaitprévuunevoiturepourunegrandepartiedu
trajet.ElleévitadélibérémentleregarddeHugh.—Une voiture, sur ces routes ? s’étonnaMaggie en haussant les épaules. Je préfère voyager à
cheval!—Tun’auraispasditlamêmechosesituavaisétésurprisepardesorages!luifitremarquerHugh.—C’estvrai,convintMaggie,puiselleajoutaensetournantdenouveauverselle:nousavonsdû
nousrencontrerquandnousétionsenfants,carjemesouvienstrèsbiendevotrefrère.Ilyavaitunecertainenervositédanssavoix,etRionaneputs’empêcherdepenserauxMcCallum
etàleurssecrets.LeregardétrangedeMaggiesemblaitvouloirlapercerjusqu’aufonddesonâmeetlui
procuraunsentimentdemalaise.—JesuisrarementvenueenEcosse,dit-elle.Owen,quiestl’héritier,yestvenuplussouventque
moiaveclecomte.Mais il ne s’agissait ni de son frère ni de son père. Elle se sentit à son tour tendue, prenant
subitement conscience qu’elle aussi avait ses secrets. Elle aurait aimé pouvoir se confier, mais laprudencel’enempêcha.Elleétaitl’ennemie,ici.Lorsquetouss’apercevraientqueHughs’étaittrompédefemme…
—JesuiscurieusedesavoircommentvousvousêtesrencontrésavecOwen,étantdonnéquenosclansn’ontpastoujoursétédanslesmeilleurstermes.
MaggieetHughéchangèrentunregardénigmatique.—J’aiessayédemelierd’amitiéaveclacomtesse,expliqualadyMcCallum.Pourlebiendenos
clans.C’estd’ailleurspourcetteraisonquevotrecontratdemariageaétéscellé.ElledécochaunregardinquietàHugh,commesielles’attendaitàcequ’ilproteste.Aunmomentdesavie,ilavaitvouluchoisiruneautrefiancée,etcemalgrélecontratdemariage,
sesouvintRiona.Etait-celaraisonpourlaquelleilnes’entendaitpasavecsamère?—Quiaeul’idéedestipulerquelesterresservantàfabriquerlewhiskydevaientêtrepartagées?
demandaRiona.—Sanscetteclause, iln’yauraitpaseudecontrat, réponditHughsèchement.Votrepèren’aurait
jamaisproposésafilleetsadotàunMcCallumsansuneoffreimportanteenretour.Partagercesterrespendanttoutescesannéesaconsidérablementaltérénotrecapacitéàtirerprofitduwhisky.Maisvous,lesDuff,avezpuélaborervotreproprerecetteetavezréussibienau-delàdevosespérances.
—Cemariagen’estqu’unéchangedebiens,n’est-cepas?répliqua-t-elled’unevoixamère.MaggieetladyMcCallumlaregardèrentunpeutropattentivement.—Leschosesn’ontpasété facilespourRiona,expliquaHugh.ElleestuneDuff,maiselleaété
éduquéepourdésavouerlepaysdesesancêtres,dontelleneparlemêmepaslalangue.Imaginez-vousseule au sein d’un autre clan, ne connaissant personne, après avoir ignoré toute votre vie que votrefamille vous avait offerte enmariage pour régler une vieille querelle. Elle a été éloignée de tout cequ’elleconnaît,detoutcequ’elleimaginaitêtresonavenir.
Rionaclignarapidementdespaupièrespourretenirdeslarmesqu’ellerefusaitdeverser.MaiselleneputdétachersonregarddeceluideHugh.
— Eh bien, il semblerait que vous ayez commencé à tisser des liens, dit Maggie d’une voixhésitante.Aumoins,vousn’êtespasremplisdehainel’unpourl’autre.
Rionasouritfaiblement,puispenchalatêtesursabroderie.Non,ellenedétestaitpasHugh,mêmesicelaluiétaitarrivédelefaire.Elles’inquiétaitplutôtd’avoirtropdesentimentspourcethommedanscettesituationimpossible…
—Avez-vousfixéladatedumariage?demandaladyMcCallum.—Pasencore,répondittrèsviteHugh.—Mais ladyRiona loge dans tes appartements, ajouta samère, l’air confus. Est-ce unmariage
d’essai?—Non,ditRionafermement.—Oh!LadyMcCallumcontinuaderegarderdurementsonfils,quil’ignora.Une voixmalicieuse incita Riona à se demander quelle aurait été leur réaction, si elles avaient
apprisqueHughl’attachait…Bientôt, MmeWallace vint chercher leurs invitées pour les accompagner dans leur chambre, et
RionarestaseuleavecHugh.Ilsetenaitdeboutprèsdelafenêtre,lesmainsdansledos.Ellel’imaginaitleregardperdudanslevague.
—J’apprécie lagentillessequevousavezmanifestéeà l’égarddemamère,maisquin’étaitpasvraimentnécessaire,dit-ilbrusquement.
Rionaleregardafixement.—Jenesuispasaveugle.J’airemarquéquevousaviezdesproblèmesavecelle,maiscenesont
paslesmiens.Onnem’apaséduquéeàmanquerderespectauxgenssansraison.Biensûr,sivousm’endonniez…
—Vousêtesentraindemedirequevousallezdevenirmonépouse?répliqua-t-il.Ilsseretrouvaientdenouveaudansleurimpasse.
***
Aprèsledîner,lebardeduclanchantaunelongueballadepourcélébrerlepassédesMcCallum.Samère s’étant retirée, Hugh eut tout le loisir de s’asseoir près de sa sœur et de se réjouir de sonenthousiasme,tandisqu’ilsécoutaientlavieillechanson.Detempsentemps,ilregardaitendirectiondeRiona,assiseàcôtédeDermot.Cedernierétaitmanifestementoccupéàluitraduirelesvers,maiscelanel’aidapasàsesentirplusserein.
MaggieobservaàsontourRionaetDermot,puissetournaverslui.—Quelquechosetedérange?demanda-t-elle.—Non,riendutout.—EtantdonnéqueDermotestunvieuxcamaradeetaujourd’huiletanist,jem’attendaisplutôtàte
voir sourire et non froncer les sourcils.Ou bien dois-je comprendre que ce regard noir est destiné àRiona?
—Quepenses-tud’elle?demanda-t-ilenignorantsaquestion.Maggierelevalatête.— Je n’ai parlé avec elle qu’une seule fois et je n’ai aucun souvenir d’elle enfant, alors que je
devraisenavoir,sicequemèrem’aditestbienvrai.—Maiselleprétendqu’ellen’estvenuequerarementenEcosse.—Prétend?Tunelacroisdoncpas?—Jemesuismalexprimé.Jesavaisavantd’allerlachercherenAngleterrequ’elleétaitrarement
venueenEcosse.Jevoulaissavoiràquoim’attendrefaceaucomted’Aberfoyle.—Ilétaiteneffetplussagedesepréparer,répondit-elled’unevoixsongeuse,toutencontinuantde
l’observerattentivement.HughregardadenouveauRionaavantdedemanderàsasœur:—Est-cequetu…voisquelquechosesurelle?L’airouvertetjoyeuxdeMaggies’évanouitsoudain,commeunelampequel’onéteint.—Jenefaispluscela,Hugh.Jetel’aidit.—Tul’asdit,eneffet,mais…qu’as-tufaitdetoninstinct,alors?—Moninstinct?répondit-ellesèchementavecunsourireforcé.Unhommeadel’instinct,maisune
femmea…del’intuition.—Donc,tuinsinuesquetuaslamêmeintuitionquen’importequellefemme?—Hugh,nefaispasça,dit-elleenbaissantleton.Tusaisquejerefusecedonétrangequim’aété
donné.—Avant,tudisaisqu’ils’agissaitd’undonduciel.—Maisilm’afaitdumalbientropsouvent.C’estdevenuunemalédiction.J’aitrouvéunmoyende
l’ignorer et d’éloigner demoi les rêves. Je ne suis plus ennuyéepar des impressions et des émotionstroublantesfinalementinutiles.
—Pas toujours inutiles.Souviens-toi de cepetit garçon.Tout lemonde croyait qu’il était tombédanslelacetqu’ils’étaitnoyé.Toi, tusavaisqu’iln’enétaitrien.Tuaspris la têtedugroupequil’afinalementretrouvé,recroquevillésousunescarpementrocheux.
Sesjouess’empourprèrenttandisqu’ellesoupiraitdoucement.—Ilsauraientcontinué leurs recherchessansmoi.Sesparentsétaientdésespérésetn’étaientpas
prêtsàaccepterqu’ilsoitmort.—C’étaitl’hiver,ets’ilétaitrestédehorstoutelanuit…Illaissamourirsesparoles,maisMaggieneparaissaitpassoulagée.—C’étaituncasisolé,Hugh.Laplupartdutemps,mesrêvesm’effrayaient.Etpourquoi?Leplus
souvent, j’avais le sentiment de n’aider personne et, tout ce que je recevais en retour, c’étaient desregardsméfiantsetdesgensquim’évitaientcommesij’avaislemauvaisœil.
—Tunousassouventéloignésdenotrepèrebienavantquesescrisess’aggraventquandilavaitbu.Ellehaussalesépaules.—Cen’étaitpasdifficilededevineràquelmomentcelarisquaitd’arriver.Iln’étaitpasvraiment
subtil.—Jen’aimepastevoirdénigrertesdons.—Cen’estpascequejefais.J’essaiejusted’oublieruneépoqueoùjecroyaisquej’étaismieux
quelesautres,oùmonarroganceétaittellequejemepensaislaseuleàquiDieuavaitaccordéundon.—Tuaffirmesquenousavonstousundonettuaspeut-êtreraison,maisletien…—Çasuffit,Hugh.Jeneseraiplusunevoyanteetpluspersonnenemeregarderacommeunoiseau
demauvaisaugure.—Donc,tun’asriensentiquandtuasrencontréRiona?Ilobservaattentivementsasœuretleregardétrangequ’elleposasursafiancée.—Non,riendutout.Etjen’aijamais«senti»quoiquecesoit.J’aieudesvisions,enrêves.Ilpréféraneplusinsister,pourl’instant.—Tul’asinstalléedansl’anciennechambredemère?demanda-t-ellesanscachersacuriosité.—Rionaestmafiancéeetméritedelogerdanslameilleurechambreduchâteau.—Oùtupeuxl’avoirfacilementsouslamain…Cetteconclusionétaitévidenteetn’étaitcertainementpaslerésultatd’unevision.—Tuasdûfairebeaucoupd’effortspourlaconquérir?demandaMaggied’unairtaquin.Ellene
s’estpaspâméeenvoyanttonbeauvisage?Ilpritunelonguegorgéedewhiskyetfitlagrimace.—C’estunefemmetrèstêtue.Tusaiscommentj’airéagi,quandj’aiapprisquejenepouvaispas
choisirmafiancée.—Tuasfaillitefairetuer,àplusieursreprises.—Ilafalluqu’elledigèrelanouvelle.—Ellenes’estdoncpasfaitmalenessayantdes’enfuir?Illançaunregardétonnéàsasœurquigloussa.—Jenecroispasquetoutestparfait,Hugh,etjen’aipasbesoind’êtreunevoyantepourlesavoir.—J’aiélaboréunplanquisemblefonctionner.—Etquelest-il?Jepourraisenavoirbesoinàmespropresfins,unjour.—Non,jenecroispas.Ils’étaitexprimédesavoixdechef,oubliantl’espaced’uninstantàquiilparlait.—Tumedisnon,àmoi?Quepeux-tubienfairequejenepuissepasfaireàmontour?—Jedorsavecelleenl’attachant.Maggie s’étrangla en buvant son vin et toussa, attirant sur elle tous les regards des personnes
attablées.
—Voulez-vous que je vous fasse porter autre chose à boire, mademoiselle Maggie ? demandaRiona.
—S’ilvousplaît,appelez-moiMaggie.Non,j’aisimplementavalédetravers.HughremarquaquesasœurétaitincapabledecroiserleregarddeRiona.—Tuestouterouge.Sijamaistutemetsàrire…,laprévintHugh.—Non,jen’enferairien.Mais…laisse-moiquelquesinstants.Ellebutuneautregorgéedevin,pluspetitecettefois,puiss’essuyalesyeux.—Oh!Hugh,tumefaistoujoursrire!—C’estuneaffairetrèssérieuse,Maggie.Rionaetmoinenousconnaissonspas,et jepassemes
journéesàapprendreàdevenirchef,danslamesureoùpères’estaccrochéaupouvoirjusqu’àlafin.—N’oubliepasquetun’étaispaslànonplus.Pasàcausedetoi,biensûr,maisdemère.Ilsserembrunirentuninstant,puisilcroisadenouveauleregardétrangedesasœur.—Rionaetmoin’avonspasdetempsàpasserensemble,etj’aipenséque…Attachersafiancéeest
unevieillecoutume…Pourquoinepourrais-jepasm’enservirsiriend’autrenesemblefonctionner?Maggiesepenchaversluietdemandaavecenthousiasme:—Etçaafonctionné?Hughseraclalagorge,malàl’aise.—Lacordevousaideàparlerplusqu’àvousembrasser?—Ehbien, en fait, nouspouvonsnous embrasser.Nousnepouvons simplementpas…C’est une
discussionbeaucouptropdélicatepourl’avoiravecsasœur!protesta-t-il.—Mais c’est quelque choseque je devrais permettre àmon fiancé si je décidais un jourdeme
marier?—Pasnécessairement…Ellehaussalessourcilsavecintérêt.—Vraiment?Tudisquecettepratiqueestbonnepourtoi,maispaspourmoi?—Nousnedevrionspasenparler.Ils’agitd’uneaffaireprivée.Maggieétouffasonrirederrièresamain,etRionalesregardaavecintérêt.Illagratifiad’unpetit
signedetêteetnes’inquiétapasdelavoirreprendresaconversationavecDermot.Ilespéraitquesasœurseserviraitdesondonpour luiconfirmerqu’ilavait fait lebonchoixen
courtisantRiona.Alaplace,ilnepouvaitsefierqu’àsonproprejugementets’ilétaitdanslevrai…Iln’arrêteraitpasd’attachersafiancée.Ilypensait toutelajournéeetimaginaitcequ’ilallait lui
faire,etcommentelleallaitluirépondre.Ilsesentaitcommeunadolescentrêvantdesonpremieramour.MaisRionan’étaitpaslapremièrefemmequ’ilavaitvouluépouser,etilrefusaitqueleurhistoire
setermineaussimalquelapremière.
Chapitre16
LorsqueHugh vint la rejoindre dans sa chambre, Riona se dit qu’elle était prête. Elle avait unemultitudedequestionsàluiposer,mêmesiellesavaitquecen’étaitqu’unefaçondefairediversion.Elleavaitpassé lasoiréeà l’observeravecsasœurd’unœil fasciné.Jamaisellene l’avaitvusi loquace,joyeux et expressif. Il lui était toujours apparu comme un homme très réservé et habitué à cacher sesémotions.Etc’étaitsansdouteencorevrai,maissouslasurfaceilétaitquelqu’unquiavaitsurire,avaitétéunexcellentfrère,quisavaittraitersamèreavecrespect,mêmes’ilétaitclairqu’unévénementétaitvenumodifierleursrelations.
Réfléchiràtoutcelal’avaitaidéeàoublierladernièrefoisoùill’avaitattachée,maiscetoublineduraitjamaistrèslongtemps.Soncorpsselanguissaitdevivredenouveaucetteexpérience.Chaquenuitoù les gentlemen avaient accaparé Hugh, elle était restée éveillée, regrettant qu’il ne vienne pas larejoindre.Elleavait l’impressionhonteused’êtreunedévergondée,uneperverse, l’impressiond’avoirperdu labatailleavecsaconscience.Etcelanepouvaitque la rendremalheureuse,car jamaiselleneseraitl’épousedeHugh.
Lorsqu’ilseprésentaàelle,toutessesbonnesrésolutionss’évanouirent,etledésirluiembrasalesentraillesaupointdelafairetrembler.Illacontemplad’unœilaffamé,commeprêtàladévorer.Commedansunrêve,iltraversalapièceets’avançaverselleavantd’ôtersachemiseetdelalaissertomberausol.Lavuedesonlargetorseluicoupalesouffle.Ilavaitremplacésonkiltparuneculotte,cequiétaitplussûr.Maiselleaussidevaitfairepreuvedeprudence.
—Votresœurmeplaît,dit-elled’unevoixjoyeuseetunpeuhachée.Ils’arrêtaàquelquescentimètresdulit,etsonregarddebraises’éteignit.—Comment?Savoixparaissait aussi entrecoupéeque la sienne, cequi la rasséréna. Il fallaitqu’ellegarde le
contrôle d’elle-même, surtout en le voyant aussi troublé. Car il voulait qu’elle s’abandonne à lui etqu’ellerefuselacorde,pourfaired’ellesafemmeàtraversunmariaged’essai.
—EnvousvoyantavecMaggie,j’aieulesentimentquevousaveztoujoursététrèsproches.—C’estvrai.Vousavezunesœur,voussavezcequec’est.Jeferaisn’importequoipourlamienne.—Vousêtes-vousaidésàévitervotrepère,lorsqu’ilétaitivre?Hugh fronça les sourcils, et la confusion dans son regard fut bientôt remplacée par de la
consternation.—Evidemment!Ilétaitdemondevoirdelaprotéger.Pèren’ajamaisessayédelabattremais…—Vouscraigniezqu’illefasse,carilvousbattait.Ilneréponditpas.—Vousl’avezfaitpardevoir?
Ilpritunairsoucieux.—Biensûrquenon.Jel’aimais.—Danscecas,voussavezàquelpointl’amourestimportantetàquelpointilestdifficiledese
mariersanséprouvercesentiment.Illevalesyeuxaucielenpassantlamaindansseslongscheveux.—Riona,nousn’avonspaseuassezdetempspourapprendreànousconnaître…—Etnousn’enavonstoujourspas,Hugh.Jenepeuxpasvousépouseretjenedeviendraipasvotre
maîtresse.Pourtant,c’estladirectionqueprendnotre…relation.Illaregardafixement,l’airimpénétrable,commes’ilvoulaitcontinueràluicachersessentiments.—Votresœuradesyeuxfascinants.Lesgenssuperstitieuxlaregardent-ilsavecméfiance?Ilouvrit labouchepuis laferma,avantde lui tourner ledosetdesortirde lachambreenfaisant
claquerlaportederrièrelui.Rionasejetasursonlitetsecouvritlevisagedesesmains.Uneimmensedéceptionl’envahit,et
ellefutsurlepointd’allerlerejoindre.Mais,siellelefaisait,elleseraitincapabledeluirésister.Ellepouvaittomberenceinteet,lorsquelavéritééclaterait,elleresteraitseule,commeAgnès.
Non,ellen’auraitpasdemari,pasd’enfants.Ledeuildecetteviequ’ellenepouvaitpasavoirétaitcequ’ilyavaitdemieuxpourelle.Pourquoidiableseslarmescontinuaient-ellesdecouler,danscecas?
***
Comme convenu,Hugh partit à la chasse en compagnie de ses hommes enmilieu dematinée, lelendemain,mêmes’ildéploraitmanifestementquittersasœurjusteaprèssonarrivée.RionasetenaitàcôtédeMaggieetregardaitlegroupedecavalierstraverserlacouràpaslents.DermotetSamuelétaientrestés au château avec les hommes plus vieux, mais aucun ne paraissait satisfait de la situation. Enrevanche,AlasdairaccompagnaitHugh,etRionaespéraitqu’ilsredeviendraientamiscommeautrefois.
Hughlessalua,maisneleursouritpas.Illuidécochaenrevancheunregardperçant,lamettantainsiengardedenepaschercheràs’enfuir.Ellesecontentadereleverlementonetdeluirenvoyerunregardfroid.
Lerestedelajournée,ellefutmonopoliséeparMaggie,quiparaissaitraviedesavoirquesonfrèreallaitenfinsemarier.Rionanetrouvapasl’occasiondeprendreDermotàpartpouressayerdegagnersonestime.EllecraignaitaussiqueMaggieinterprètemalsadémarche.Ellen’auraitpasdûs’ensoucier,pourtant,étantdonnéquelavéritéfiniraitparéclater,etqueMaggienepourraitquesesentirblessée…Malgrétout,elleavaitl’impressiond’êtreunelâche.
LadyMcCallum,quantàelle,passalajournéecomplètedanssachambre.Lelendemainmatin,aupetitdéjeuner,RionainterrogeaMaggie.—Votremèreéprouve-t-ellelebesoindesereposeraprèscelongvoyage?—Oui,jepense,réponditMaggie.Maisellen’estplustrèssociable.Elledonnel’impressiond’être
accabléeparledeuil,mêmesiellevivaitséparéedemonpèredepuisdesannées.—Peut-êtrefait-ellesondeuildesmeilleurssouvenirs?— Si elle en possède, je n’en ai pas connaissance. Lorsque nous étions très jeunes, mon père
arrivaitàsecontrôler.Mais,aussiloinqueremontentmessouvenirs,ilbuvaitdéjàsansretenueàtouslesrepasetparlaitfort.Alabataille, lessoldats lecraignaient.D’unecertainefaçon,Hughluiressemble,avecsacarrureimposanteetsaforce.
—Parfois, jepensequeHughboitunpeu trop, commesonpère,ditRionad’unevoixhésitante.Maisjenel’aijamaisvunepassecontrôler,etilnecriepas.
Maggielaregarda,commesouslechoc.
— Je n’arrive pas à croire queHugh puisse se soûler souvent.Mais ici, tout lemonde boit duwhisky.
—C’estvrai.Jenevoulaispaslecritiquer.Ellesesentaitmalàl’aiseetsavaitquesesinquiétudesneprésentaientpasHughsoussonmeilleur
jourauxyeuxdesasœur.Maggieacquiesça,l’airtoujourssoucieux.—Jesaisquecesdixdernièresannéesontétédifficilespourlui.Ilaétécontraintdes’éloignerdu
clan pour étudier à l’université, puis il est devenu parlementaire. Le clan l’a-t-il bien accepté à sonretour?
—Oui,maisjesensunecertaineinquiétude.J’imaginequ’ilabesoindefairesespreuves,etcettechassevacertainementl’yaider.Ils’entraîneavecseshommesaucombat,cequinepeutquemontrersescompétences,maisunefoisdanslefeudel’actionleschosessontdifférentes.
—C’estvrai. Il n’a jamais cesséde s’entraîner.Sonhabileté àmanier l’épée était légendaire, àLondres.
—Ilneparlepasbeaucoupdecetteépoqueetprétendquelesparlementairesécossaisn’étaientpasbientraités.
Maggieacquiesça.— Il est scandaleux que l’Angleterre, qui devait traiter l’Ecosse comme son égale, permette à
certainsdesespoliticiensd’êtremépriséspard’autres.MaisHughafaitsondevoiretadonnédesontemps jusqu’à lamortdenotrepère.Maintenant, il est tempspour luide faire sespreuvesen tantquelaird.Avecvousàsescôtés,jenesaispascommentilpeutéchouer,ajouta-t-elleensouriant.
Rionaluirenditsonsourired’unairpincéetsecoupaunboutdepainpourfairediversion.Lorsquetout lemondeapprendrait queHugh s’était trompéde femme, compromettant ainsi le contrat, ladot etsurtoutl’usagedeleursterres,elleignoraitcequiallaitsepasser.
Mais,avantcetterévélation,ilfallaitqu’ellefassequelquechose,qu’elleprenneunedécisionquipouvaitavoirdesconséquencespourtous.
—Pensez-vousquevotremèreaimerait sortir sepromeneravecnous?demandaRiona.Cela luiferaitdubiendeprendrel’air.Ilyamêmeunpeudesoleilentrelesnuages.
—Merveilleuseidée!Jevaisluiproposer.Rionas’attendaitpresqueàcequeladyMcCallumdéclinesoninvitationmais,unedemi-heureplus
tard, celle-ci descendait l’escalier en compagnie deMaggie, sa coiffe en dentelle aussi terne que sonhumeur.
RionaveillaàmarcherlentementetencouragealadyMcCallumàparticiperàlaconversationenluiposant des questions. Elles croisèrent une servante qui saluaMaggie avec entrain et montra plus deréserve pour la veuve du chef. Riona les conduisit dans l’autre cour, au-delà de l’arche. Quelquesgentlemenétaientrestésauchâteau,maisaucunnes’entraînaitaucombat.Enrevanche,desgardesétaientpostéssurlesremparts,etdespalefreniersallaientetvenaiententrelesécuries.Laplupartdeschevauxétaientsortis,etelleavaitentenduHughdonnerdesinstructionsprécisesquantaunettoyagedesécuries.
Elle aperçut alors Hamish, le terrier, attaché à l’extérieur. Elle inspira profondément, à la foissoulagéeetpleined’espoir.
Maggiepoussaunpetitcriaiguetsemitàgenoux.—Quetuesmignon,petitchien!s’écria-t-elle.—Ils’appelleHamishetiln’estpastoujoursaussiaccueillant…MaislechiotposasespetitespattessurlescuissesdeMaggieetluiauraitbienléchélevisage,s’il
l’avaitpu.—Bien…J’enconclusquejesuislaseulequ’iln’aimepas,fitremarquerRionasèchement.Hamishluilançaunregardnoir,maisnegrognapas.
—Pourquoiest-ilattaché?demandaladyMcCallumd’unevoixdéjàlassemalgrél’heurematinale.J’aivudeschiensalleretvenirlibrement.
—Seulslesplusvieux,quinesontpaspartispourlachasse,circulentenliberté,commentaMaggie.—Hughl’aconfiéàunjeunegarçond’écurie,expliquaRiona.Ils’appelle…Ellen’eutpasletempsdefinirsaphrase.Brendanvenaitdesortirdubâtimentetlesobservaitavec
intérêt.Soncorpsminceetsec,déjàporteurdesaforceàvenir,paraissaittropgrandpoursesvêtements.—Bonjour,ladyRiona,dit-ild’unevoixprudente.LadyMcCallumretintsonsouffleetpâlitbrusquement.Rionaseraidit,prêteàlaretenirsijamais
elles’évanouissait.Maiscettedernièresecontentadeposerlamainsurlebrasdesafilleetseressaisit.—Bonjour,Brendan,ditRionad’unevoixaimable.JeteprésenteladyMcCallum,lamèreduchef,
etsasœur,dameMaggie.Brendanlesregardatoutesdeuxavecaplomb.—Tu esBrendanMcCallum, le petit-fils deClaire ? demanda alors ladyMcCallumd’une voix
lenteetmesurée.Brendanacquiesça, tandisqueHamishbondissaitetposaitsespattesavantsur les jambesdeson
maître.—Oui,madame.Vousconnaissezmagrand-mère?—Oui,jelaconnaissaisdéjàavantquetunaisses.RionaétudialadyMcCallum.Etait-elle,elleaussi,lagrand-mèredel’enfant?MaggieobservaitBrendanavecgrandintérêt.—N’es-tupasunpeujeunepourtravaillerauchâteau,Brendan?Ilhaussalesépaulesetébouriffalespoilssurlatêteduchien.—J’aimemontravail.Grand-mèren’aplustellementbesoindemoi.Elleaembauchéunvaletde
fermepourl’aideraveclesrécoltesetlesvaches.Qui payait pour cela ? se demandaRiona.Mais elle croyait avoir deviné la réponse et se sentit
rassérénée.—Quellebonneidéed’avoiramenétonchien,ajoutaMaggie.—Lechefmel’adonné,expliquaBrendansanscesserdelesdévisager.LadyMcCallumfronçalessourcils,etMaggieluilançaunregardhésitant.Pour Riona, leur attitude était la plus grande preuve de la filiation de Brendan qu’elle ait pu
constaterjusqu’àprésent.Brendans’excusaetretournatravailler.Desoncôté,ladyMcCallumdécidaderentrerauchâteau.RionaetMaggielasuivirent.
—Etiez-vouslàpendantlaconvalescencedeHugh,aprèslabatailledeSheriffmuir?luidemandaalorsRionaenprenantuneprofondeinspiration.
LesouriredeMaggies’évanouit.—J’étaislà.Cefutuneépoqueterriblepourl’Ecosse.Ladéfaiteestunechoseamère,etbeaucoup
d’Anglaisontétécruelsdansleurvictoire.Elleluidécochaunregardfurtifetenchaîna:—Excusez-moi.Jesaisquevousavezdelafamilleanglaise…—Maisjenesuispasunsoldatanglais,répliquaRionaavecunsourireencoin.—Lesgensd’icivoustraitent-ilsdifféremmentenraisondevosoriginesanglaises?—J’aientenduuneremarqueicioulà,maisriendebienméchant.Lefaitd’êtreavecHughinspire
lerespect,biensûr.LesgenssontrespectueuxenversnouscarHughestleurnouveauchef,maisjepensequ’ilestplusdifficiledegagnerleurconfiance.
ToutcommeellenepouvaitpasfaireconfianceàMaggie,songea-t-elle.—Hughm’alaisséentendrequelaruptureavecsonpèreaeulieudurantsaconvalescence.Voulez-
vousm’enparler?
—Ilnel’apasfait?demandaMaggie,l’airétonné.—Ilm’aditqu’ilavaitvouluépouserunefemme,maisqu’iln’avaitpaspuàcauseducontrat.Je
saisaussiqu’ilyaeuunefemmenomméeAgnès,quiestmorte.Est-celamêmepersonne?Aprèsunlongmoment,Maggieréponditsurletondel’excuse:—Jepensequevousdevriezenparleraveclui.—Biensûr,soupiraRiona.Pardonnezmacuriosité.— Je comprends. Vous vous apprêtez à épouser un homme que vous ne connaissiez pas il y a
quelquessemainesencore.Maisc’estàHughdevousparlerdecettehistoire.Maggie jeta un regard derrière elle, etRiona se demanda si elle cherchaitBrendan. Puis elle se
morigénaintérieurement.Elleauraitdûattendreavantd’abordercesujet.Maggienelaconnaissaitpasdutout.Etpuis,peut-êtrenevoulait-ellepasprésentersonfrèresousunjourquineluiétaitpasfavorable.
TandisqueladyMcCallummontaitl’escalierendirectiondelagrandesalle,Maggielapritparlebras.
—Attendezunmoment,voulez-vous?Allonsnousasseoirdanslejardinpotagerpourparler.Rionatâchadenepassefairetropd’illusions.Maggieavaitmisuntermeàleurdiscussionàpropos
dupassédeHugh.Cequinel’empêchapasdelacontempler,pleined’espoir,unefoisqu’ellessefurentassisescôteàcôtesurlepetitbancenpierrequidonnaitsurlesplantationsdecarottesetdenavets.
— Je sais quemaquestion va vous surprendre, commençadoucementMaggie,mais comment vaOwen?
Elle n’utilisa pas son titre de vicomte Duncraggan, ce qui supposait une familiarité qui surpritRiona.Maggiepensaitqu’Owenétaitsonfrère,évidemment,etnonsoncousin.
—Ladernièrefoisquejel’aivu,ilallaitbien,répondit-elle.IlfaisaitbonnefigureàLondres,toutenassistantàsescoursdesciencespréférés.
Maggieacquiesçasanssourire.—Celaparaîtévident,murmura-t-elle.—Vousleconnaissez?Jenepensaispasquenosfamilless’étaientbeaucoupfréquentéesdepuisla
signatureducontrat.Maggieluilançaunregardperçant,etRionasedemandasielleavaitcommisunimpair.—Ilexisteunepetitehistoire…LorsqueHughadécouvert,àtreizeans,quesapromiseavaitdéjà
étédésignée,ilaeu…dumalàl’accepter.—Jelesais.Ilm’aparlédesonattitudeinconscienteetdel’incidentaveclessoldatsanglais.Maggiesemblasedétendreunpeu.— Oh ! très bien. Notre mère a désespérément cherché à l’aider. C’est là qu’elle a décidé de
renouercontact avec ladyAberfoyle.Commevous le savez,votremère est restée enAngleterre,maisOwenetvotrepèresontvenusnousvoiroccasionnellement.Riendetrèsimportant.
Pas important? songeaRionadont lacuriositévenaitdemonteren flèche.Si c’était aussibanal,pourquoiMaggiedemandait-elledesnouvellesd’Owenaprèstoutescesannées?
—Je…medemandaiscommentilallait,poursuivitMaggieenseraclantlagorge.Iln’estdoncpasmarié?
LadernièrequestionfutposéeavectantdefaussedésinvolturequeRionaseretintdesourire.—Non,ilnes’esttoujourspasprononcé.Maggiehochalatêteetselevabrusquement.—J’espèrequ’iltrouverabientôtlebonheur.—Devotrecôté,vousn’avezjetévotredévolusurpersonne?Hughnem’apasditquevousétiez
fiancée.—Jesuisencoreunejeunefemmeindépendanted’Edimbourg,réponditMaggieavecdétermination.
Jepossèdeunedotetunpetithéritageparmamère.J’ailetempsdedéciderdemonavenir.
—J’ensuisheureuse.Ensedirigeantverslechâteau,Rionacontinuaàsedemanders’ilfallaittirerd’autresconclusionsà
propos de Maggie et d’Owen. Manifestement, les Duff et les McCallum étaient liés de bien desmanières…
—Laissez-moivousapprendrequelquesmotsdegaélique,ditsoudainMaggie.Etonnée,Rionasetournaverselle.—J’aivuàquelpointlasituationétaitdifficilepourvous,hiersoir.VousaviezHughouSamuel
pourtraduire,maisvousseriezsansdouteheureusedecomprendreparvous-mêmelesconversations.—Certainement, réponditRiona d’une voix un peu hésitante.C’est une aimable proposition que
j’accepteavecjoie.Maggiebattitjoyeusementlesmains.—Parfait!J’ignorecombiendetempsnousallonsresterici,maisjevousaideraiautantquejele
pourrai.Ellepassafamilièrementsonbrassouslesien.—Ceseratrèsamusant.J’aitoujoursvouluavoirunesœur!Acesmots,lajoiedeRionas’évanouit.
***
Dans l’après-midi,un tailleurarrivadeStirlingpourconfectionnerplusieurs robesàRiona.ToutavaitétéorganiséparHugh,etladyMcCallumainsiqueMaggieseplaisaientàluirappeleràquelpointHughsemontraitprévenantetattentionnéàsonégard.Etc’étaiteffectivementtrèsaimabledesapart,ellelesavait.
Pendantlesdeuxjoursquisuivirent,elleselivraàplusieursessayagesetappritdesmotsdelaviequotidienneengaélique.Maggiedécouvritqu’ellesavaitjouerdel’épinetteetluidemandadejouerpoursamère,cequieutpoureffetd’arracherdeslarmesàcettedernière.Maggieluiconfiaenprivéquelamélancoliedesamèrenefaisaitqu’empirerd’annéeenannée,sansqu’elleenconnaissepersonnellementlesraisons.Rionaétaitconvaincuequ’ilyavaitplusquesonéloignementavecHugh,mêmesilesdeuxchosesétaientprobablementliées.
LetroisièmejouraprèsledépartdeHugh,elledécidad’allerauvillageàchevalencompagniedeMaggieetdeSamuelpourrendrevisiteauxRoss.Samuelacceptaaussitôt,etMaggiefuttoutexcitéeàl’idéederencontrerlesvillageoisqu’ellen’avaitpasvusdepuissilongtemps.
Enpassantdevantlataverne,RionafutheureusedevoirlavieilleMmeRossassisedehors,occupéeàregardersespetits-enfantsjouer.Celle-cisouritenlareconnaissantetselevasansaide.
—LadyRiona!s’écria-t-elleenluifaisantdessignesdelamain.Regardez-moi,dehorsavecmespetits-enfants!
Riona etMaggie descendirent de cheval et vinrent s’asseoir avec elle. Samuel disparut dans latavernesousprétextedechercherDonald.
Bientôt, ondemandaàRiona,dontMaggie avait vanté labellevoix,de chanterpour les enfants.Troischansonsplus tard,unpetitgroupedefemmes,d’enfantsetdepersonnesâgées,quin’étaientpaspartiespour lachasse, s’était forméautourd’elles.Lesgenss’étaientassis surdes rochersousurdestouffesd’herbe.MmeRosssouriaitcommesic’étaitellequiluiavaitapprisàchanter.
Rionaéprouvaitunsentimentétrangeetplutôtmerveilleuxdevoirautantdevisagesneufs tournésvers elle avec bonheur. Laméfiance des villageois à son égard du fait qu’elle était une Duff ou uneAnglaise semblait avoir disparu, même si cela ne devait durer que quelques instants. Ou peut-êtrecommençaient-ilsàl’acceptercommelafutureépousedeleurchef?Cetteidéeattisaenelleunedouleurqu’ellepréféramettredecôté.Cettevien’étaitpaslasiennemaiscelledeCatetplusletempspassait,
pluscetteidéeluilaissaitungoûtamer.Pourtant,ellen’avaitjamaisétéportéeàvivrelatêtedanslesnuages.Elleessayadoncdeprofiterdumomentetdesavourerlefaitd’êtreadmiréepourunartqu’elleavaitperfectionnéàforcedetravail.
Soudain,elleentendituncris’éleverenhautdelacolline,au-dessusduvillage.Unjeunehommearrivabientôtencourantau-dessusdelacrête.Iltrébucha,tombaàgenouxetseremittrèsvitesurpied.Puisillançaquelquesmotsengaélique,etlafoules’écartacommesilafoudrevenaitdefrapper.
Rionaavaitbeauconnaîtreunpeudegaélique,Maggie l’informade lanouvelle :desvoleursdebétail avaient sévi.Elle lui traduisit ensuite le rapportdu jeunehommeessoufflé.Sixhommesavaientvoulus’emparerd’unedouzainedebêtes.Maggieetellebondirentaussitôtsur leurcheval,rapidementrejointesparSamuel.
—Savez-vousoùsetrouventHughetsesgentlemen?demanda-t-elle.—Oui,ilsnousontenvoyédesnouvellestoutelajournée,ainsiqueleproduitdeleurchasse.—Danscecas,prévenez-leàproposdeceraid.Ilestendroitd’êtreinformé.Samuelacquiesça,l’airgrave,puisenfourchasamontureetgravitlacolline,s’éloignantduvillage
etduchâteau.Riona le suivit du regard, puis repartit versLarigCastle en compagnie deMaggie pour attendre
Hugh.
Chapitre17
Hugh revint au château enmilieu d’après-midi. Tout était déjà prêt pour qu’ils puissent partir àl’auberécupérerleurbétail.Rional’attendaitdanslagrandesalle,l’airinquiet.Puissonexpressionsemuaendéterminationlorsqu’ellevitleshommesquil’accompagnaientcouvertsdebandageshasardeux.
—MadameWallace!cria-t-elle.J’aibesoindevotreaide!Surpris, il l’observa s’occuper avec Maggie et la gouvernante des blessures légères de ses
hommes:uneentaillecauséeparunpoignard,uneentorseàlacheville,laballed’unmousquetquiavaittraversélebrasd’unhommemalencontreusementpositionnédanslalignedemired’unchasseur.
Elle travaillait avec efficacité et douceur. Il était tellement habitué à ses airs réticents et à saméfiance qu’il en avait oublié qu’elle pouvait être différente.Elle connaissait les personnes par leursnoms,etilauraitjurél’avoirentendueprononcerunmotoudeuxdansungaéliquehésitant.Elleagissaitenfaitcommesielleétaitlamaîtresseduchâteau—commesielleétaitsafemme.
Il lui fallut un certain temps pour s’apercevoir que sa mère ne se trouvait pas parmi les autresfemmes.Celafaisaitdixansqu’ellel’avaittrahi,dixansqu’ilsupportaitsonsilencedésapprobateur. Ilavaitapprisànepluspenseràelle,chosequ’ilfaisaitencoreavecfacilité.
Dermotvintalorslesinformer,Alasdairetlui,decequis’étaitpassé.LesBuchananavaientprofitédeleurpartiedechassepourlancerleurraid.Ilajoutad’unevoixplusfroide:
— J’aurais pu gérer la situation, bien sûr, car nous disposions d’assez d’hommes pour lespourchasser,maisladyRionavousafaitprévenirsansmeconsulter.
— Elle était simplement inquiète pour nos biens et nos gens, répondit doucement Hugh. Il estpréférablequenousleurmontrionsnotreforcemaintenantquejesuislenouveauchef.Jeconduiraimoi-mêmelegroupe.
—Entantquechefdeguerre…,intervintAlasdairenfronçantlessourcils.—Jesais,normalement,tupartiraisenmonnom.Mais,commejel’aidit,jesuislenouveaulairdet
j’aibesoindemontrermaforce.Tum’accompagneras,biensûr.—Toutcommemoi,enchaînaDermot.Hughsedemandas’ilnevalaitpasmieuxquesontanistresteauchâteau,maislesrisquesqu’ilse
fassetuern’étaientpastrèsgrandes.— Très bien. Et à notre retour, Alasdair, tu me donneras des informations détaillées sur notre
sécurité. Mais rassemblons nos hommes. Dans une heure, je veux qu’ils soient dans la courd’entraînement.
AlasdairetDermotsetournèrentcommeunseulhommeensilence, ledosdroit,etHughretintunsoupir.Rionalerejoignitàcetinstant,s’essuyantlesmainssuruntorchon,etaussitôtsaprésencedissipasamorosité.Dermotneluiavaitpascachésadésapprobationàsonégardenpartant.
Rionajetauncoupd’œilpar-dessussonépaule,puis,setournantverslui,déclara:—Dermotestencolèrecontremoi…—Vousavezjouévotrerôled’épouseavecunpeutropdezèleàsongoût.Vousl’avezfroisséenme
faisantprévenirsansleconsulter.Ilperçutunelueurd’inquiétudedanssesyeuxémeraude.—Voussavezquejenel’aipasfaitdansl’intentiond’outrepassermesdroits.Maisellecontinuad’observerd’unœilinquietlaportederrièrelaquelleDermotavaitdisparu.Pourladistraire,illuidemanda:—Toutlemondesurvivra?Ellesouritdoucement.—Oui,mêmeceuxquej’aisoignésmoi-même.Puissonsourires’évanouitdenouveau.—J’aientenduvotreconversationavecDermotetAlasdair.Vousn’êtespastrèspopulaire,n’est-ce
pas?Ilreniflabruyamment.—Venezetmangezunpeu.Ellesecoupaàlahâtedumouton,luiservitduchouauxortiesetàl’ail,ettandisqu’elleluiversait
duvinelleremarquaqu’ilnelaquittaitpasdesyeux.—Quelquechosenevapas?demanda-t-elleenregardanttoutautourd’elle.—Non,rien.Vousêtessimplementsi…agréable.Ellerougit.— Agréable ? répéta Maggie, qui l’avait entendu. Tu aurais dû la voir au village, ce matin !
MmeRosssesentbeaucoupmieuxdepuisqu’ellesuitsesconseils…—Maggie!intervintRiona,l’airexaspéré.Ellessecomportaientdéjàenamies,songeaHughavecunétonnementpleind’espoir.—Et que dire, quand elle a commencé à chanter pour les enfants ! continuaMaggie. Je savais
qu’ellejouaitàmerveilledel’épinette,maissavoix…—Vousjouezdel’épinette?s’étonnaHugh.Rionahaussalesépaules.—Souvenez-vousquemesparentsvoulaientquejedistraiemasœur.Il ladévoradesyeuxcommeunhommeaffamé.Et,commecelafaisait troisnuitsqu’ilétaitparti,
c’étaiteffectivementlecas.Pendantlajournée,ilétaitsuffisammentoccupémaislanuit,souslesétoiles,ilnepensaitqu’àelle,àsonsourire,àsesbaisers,àl’espoirqu’enfinellel’épousedesonpleingréetqu’ilsaientdesenfantsensemble.
Soudain,Alasdairpassaencoupdeventlesgrandesportesrestéesouvertes.—Hugh!Noust’attendons.Tuasditquetuvoulaisêtredesnôtres.Ilselevaaussitôt.—J’arrive.—Mercipourvotreaide,dit-ilàRionaetàsasœur,etmerciaussid’avoirpenséàmeprévenir
pourleraid.Sonregards’attardasurRiona,etilajouta:—Acesoir.Ellerougitcommes’ilvenaitdeluidireouvertementqu’illaretrouveraitdanssonlit.
***
Rionafaisaitlescentpasdanssachambre,sachantqueHughneresteraitpasdanslagrandesalletrès longtemps.Ses hommes et lui avaient prévude repartir à l’aubepour leur bétail.Elle n’était pashabituéeàcequeleshommesdesonentourageaffrontentcegenrededanger.IlyavaitbiendesrôdeursàLondres,oualorsilspouvaientêtrevictimesd’unaccidentdechasseàlacampagne,maisça…Nonqu’ils’agissed’unebatailleouverte,maiscelapouvait ledevenir. Iln’yavaitpassi longtemps,Hughavaitcombattulessoldatsanglaisetsurvécudejustesse.
Ellesongeaaussiàcequ’elleavaitentendu,aufaitqueDermotétaitfâchéqu’elleaitprévenuHughduraidsans leconsulter.Elleavaitpriscettedécisionsansvraimentréfléchir,guidéeparson instinct.Elledevenaitdeplusenplusconfiante,partantduprincipequesesdécisionsseraientacceptées.Ellenecontrôlaitpaslasituation,maisellecommençaitàapprécierlepouvoirqu’elleavait.Etlefaitquesesdécisionssoientadmisesetrespectéesétaitgrisant.
Enrevanche,encontrariantDermot,elleavaitpeut-êtreperdusachancequ’ilécoutesonhistoired’uneoreilleobjective.
Lorsquelaportes’ouvritetqueHughentra,nettoyéetrasédeprèsaprèsdesjourspassésdanslesmontagnesavecseshommes,lavuemêmedesacicatricesurlementonfitmonterenelleuneboufféedetendresse.Seigneur,elleavaitdeplusenplusdemalàgardersesdistances!
Hugh lui adressaun sourire encoin extrêmement touchant, et elle en ressentit à la foisunplaisirprofondetunedouleurquiluiserralecœur.Parler,vite!Ilfallaitqu’elleparle,souspeinedeseleveretdesejeterdanssesbras.Elleétaitmêmecapabled’oublierl’avenirettoussesrisques.Commentavait-elleputomberamoureusedel’hommequil’avaitenlevée?L’hommequinepourraitjamaisdevenirsonmari?
—Vousmeregardezd’unairétrange,dit-ilenpenchantlatêtesurlecôté.—Vraiment?répondit-elled’unevoixquisevoulaitlégèreenallantluiservirunverredevin.Maiscegestesupposaitqu’elles’approchedelui,cequ’ellefit,pleined’appréhensionetdedésir.
Lorsqu’ilpritlacoupeetlalevaverselleavantdeboire,elledemanda:—Jesaisquelachasseaétéunsuccès,maisl’a-t-elleétésurtouslesplans?—Surtouslesplans?—Entrevoshommesetvous,Alasdairetvous…—Vousvoulezsavoirsinousavonsétédegentilsgarçonsetsinousnenoussommespasdisputés?
demanda-t-ild’unevoixteintéedesarcasme.Ellesoupira.Pourquoiluiavoirposécettequestion?Unefaçondegagnerdutemps,peut-être?—Jesuisbête,jelesais.Maislesfemmespréfèrentsavoirquepersonnen’estenconflit.—Vousn’êtespasbête,répondit-ild’unevoixdouce.Ilposalamainsursajoue,etellefrissonna.Ellereculad’unpas,seforçaàsourireetseversaà
sontourduvin.Hughcontemplaunlongmomentlesflammesdanslacheminéeavantderépondreàsaquestion.—Alasdairetmoiredeviendronsunjouramis,commeautrefois.Pourlemoment,ilal’impression
quej’usurpesonrôle.Commesij’étaisincapabledeguidernoshommesdansunsoucidejustice.Maisilviticidepuisdesannéesetlesconnaîttous,commeilseplaîtàmelerappeler.Jesuisd’accordaveclui.J’aipromisdeleprendreunpeuplusenconsidération.
—C’estunbondébut.—Maintenant,dites-moicommentleschosessesontpasséesenmonabsence.Vousai-jevraiment
entendueparlergaélique?Il s’installa dans le fauteuil rembourré devant la cheminée, ce qui accrut son appréhension. Elle
s’assitenfacedelui.—Parlern’estpasvraimentlebonterme,répondit-elled’unairgêné.Maggiem’aapprisquelques
mots.
—Danspeudetemps,vousvoussentirezcommeunevraieHighlander,plaisanta-t-il.Elleacquiesça,sachantàquelpointcelaseraitfacilepourelle.—Mesparentsontniéunepartiedemonhéritage,maisjemeplaisàmesentirécossaise.J’aimeles
histoiresquelespersonnesâgéesracontentlesoir,etlessuperstitionsdeMmeWallace.Audébut,j’étaisunpeudéçued’imaginerque lesboutiques étaient si loin,maismaintenant j’en ai prismonparti. J’ail’impressiond’avoirabandonnémonanciennevie.Maisvousavezététrèsprévenantenm’envoyantcetailleur.
Elleétalasesjupesautourd’elle.—Mesnouvellesrobessontmagnifiques!Elleavaitacceptédelesfairefabriquerensedisantqu’unjourquelqu’und’autrepourraitlesporter.LesprunellesdeHughbrillaient.—Vousêtessibelle!Cevertfoncévatrèsbienavecvosyeux.J’aiditautailleurdeveilleràcela.—Non,vousn’avezpasfaitcela?—Si.Jevouslepromets,dit-ilenposantlamainsursoncœur.—J’appréciequevousveilliezàmonconfort.Bientôt,vousallezmedirequevousêtesaussipoète.Seigneur, voilà qu’elle plaisantait avec lui, à présent ! C’était si facile. Cette pensée lui fut
douloureuseetluicausaunchagrinqu’ellen’avaitpasanticipé.Ellepouvaitvraimenttomberamoureusedecethommeetenavaitdéjàprislechemin.
—Jenesuispaspoète,répondit-ilensouriant.J’aimesimplementlesbeauxyeux.Elleauraitpuseperdredanslessiens.Pours’enempêcher,elledemanda:—Quesavez-vousdeMaggieetOwen?Ilfronçalessourcils.—Masœuretl’héritierd’Aberfoyle?Pourquoidiablelesassocierais-je?—Parcequ’ellem’ademandédesesnouvellesetvoulaitsavoirs’ilétaitmarié.Leplisecreusaunpeuplussursonfront.—Jenesaispasgrand-chose,sicen’estquemamèreetMaggieontessayédeselierd’amitiéavec
votrefamille.Lasituationétaitunpeugênanteet,finalement,ellesyontrenoncé.—Et lorsque vous étiez à l’université ?Maggie était en train de devenir une jeune femme. J’ai
l’impressionquequelquechoses’estpassé.—Ellenem’enariendit.Maiss’ilaessayédeluifairedumal…—Vousvoulezdire, si jamais ilavaitessayéde l’enleveretde laséduire? l’interrompitRiona,
ironique.Queferaitunfrèredanscettesituation?Ils’adossaàsonfauteuil,leverreàlamain,toutenl’étudiant.—Vousessayezencoredem’embarrasser à causede ceque j’ai fait,mais jene le suispas.Un
contratenbonneetdueformeaétépassé.—Jesaisquejenepourraipasvousfairechangerd’avisetjen’enaipasl’intention,surtoutsivous
partezdemain.—Vousnevoulezpasprovoquerunedisputepourquejeretournedansmachambre,n’est-cepas?
lataquina-t-il.—Nonmais…peut-êtrevousmettrez-vousencolère lorsque jevousauraiditcequis’estpassé
pendantquevousétiezabsent,dit-elleenleregardantfixement.—Continuez…,dit-ilenprenantunegorgéedevincommepours’armerdecourage.—JemepromenaisavecvotremèreetMaggie,lorsquenousavonsrencontréBrendan.Ellefitunepauseetl’étudiaattentivement.Mais,aulieudemanifesterdelacolère,sonvisageprit
uneexpressionàlafoisneutreetimpassible.—J’imaginequemamèren’apasététrèsimpressionnéederencontrerungarçond’écurie.—Jenesaispassielleaétéimpressionnée,maiselleabienfaillis’évanouir.
Hughselevapourseservirunautreverreetluienproposaunensilence.Ellerefusad’unsignedetête.
—Vousn’avezrienàmedire,Hugh?demanda-t-elled’unevoixdouce.—Jevousaidéjàditquellesétaientmesconditionssivousvouliezquenousparlionslibrementet
ouvertement,jeunefille.Avez-vousacceptédedevenirmafemme?Ellesemorditleslèvresetdétournalesyeuxverslesflammes.—Etmoi,jevousaidéjàditquec’étaitimpossible.Ilselevaetvintseplacerdeboutdevantelle,grand,imposantmaispasmenaçant.Jamaispluselle
n’auraitpeurdelui,àprésent.Illapritparlebraspourl’obligeràselever.—Commentpouvez-vouscontinueràlenier?s’enquit-ilavantdel’attirerdurementcontreluietde
l’embrasser.Ellen’essayapasde le repousser,elleenétait incapable.Elle reconnaissaitmêmequ’il luiavait
manqué.Elleenroulalesbrasautourdesanuquepourleserrerdavantage,commesiens’accrochantàluiellepouvaitrepousserunaveniroùilnepouvaitquesouffrird’avoirchoisilamauvaisefemme.
Lecontactdesoncorpsétaitsiagréable,etseslèvresposéessurlessiennesétaientcellesdontelleavaitrêvéaucoursdecesnuitsoùill’avaitlaisséeseule.
Ilmurmura:—Vousm’avezmanqué,jeunefille.Dites-moique,moiaussi,jevousaimanqué.Ellenepouvaitpasdécemmentprononcercesparoles.Ellepressaleslèvressursajoue,sonmenton
et sagorge, sedélectantducontactde sesmains sur soncorps, tandisqu’ilpressait sonbassinet sonérectioncontreelle.Ellefrémitenlasentant.Desonautremain,ilsaisitsonseinqu’ilcaressaàtraversle tissu de ses vêtements de nuit.Leurs baisers devinrent plus durs, plus haletants àmesure que leursmains partaient désespérément en quête de leurs corps.Riona était fiévreuse, étourdie, et sentait toutepenséerationnellel’abandonner.
Ellerompitleurbaiserpourmurmurer:—Lacorde…Utilisez-la,sinon,jenerépondsplusdemoi.Ellevitune lueurde triompheéclairer son regardavantqu’il sedétourneetelle regrettaaussitôt
d’avoir prononcé ces mots. Elle était en train de lui donner exactement ce qu’il voulait : elles’abandonnait à lui, à son pouvoir de séduction. Leurs rôles s’étaient inversés, et c’était elle qui leguidait à présent et l’amenait à croire qu’elle était sur le point d’accepter de devenir sa femme.Elleaurait dû l’arrêter, arrêter ce désastre qui planait comme une ombre sur leur avenir. Et, plus ilss’approchaientduterme,plusilsouffriraitlorsqu’ildécouvriraitqu’elleluiavaitditlavérité.Unevéritéqui pouvait éclater à n’importe quel moment. Son oncle ne tarderait sûrement pas à se vanter de savictoiresurlesMcCallumetàmettreenavantlefaitqueHughn’avaitpasremplisapartducontrat.
Maiselleneditrien.Ellegardalesilencelorsqu’ils’agenouillaàsespiedspourattacherlacordeautourdeseschevilles.Elleétaitpiégéeparsonpropredésir.Qu’espérait-elletirerdetoutcela?Unefoisqu’elleseraitdéfinitivementtombéeamoureusedecethommeetqu’illarejetterait,ellenepourraitque finir seule et désespérée…Mais pour l’heure,Hugh ne la rejetait pas. Il la prit dans ses bras etl’amena jusqu’au lit où il la posa avec délicatesse. Puis il se coucha sur elle pour continuer del’embrasseravecfougue.Elles’agrippaàluietsedétestad’aimerautantsescaresses,sedétestadesesentirtrahieparsoncorps.Ledésiravaitprisledessus,aupointdeluifaireoubliertouteprudenceettoutbonsens.
Lorsqu’ilpassalamainsoussachemisedenuit,elleneprotestapasetsecontentadegémiretdesetordredeplaisir.Sapeauétaitdevenuesichaude,sisensible.Ellefrémitdedéceptionlorsqu’ilglissasurseshanchesetsursonventre,jusqu’àcequ’ellecomprennequ’ilnefaisaitqueremontersachemisede nuit de plus en plus haut. Bientôt, elle sentit un air frais caresser ses seins nus, juste avant qu’ils’inclineverseux.Lepremierbaisersurleurpointefutdélicatethumide,et luiarrachaunpetitcride
bonheur.Hughenroulaensuitelalangueautour,avantdelesaspirertouràtour.Ellesecambra,désireused’enressentirplus,entendantsortirdesagorgedesbruitsquidépassaientsonimagination.
Ilfinitparluioffrircequ’elledésiraitetglissalesdoigtsentresescuissestremblantes.Ilsavaitoùetcommentlatoucher.Sabouchesursesseins,ilcontinuadelacaresser,etsonorgasmefutplusviolentque celui qu’il lui avait donné quelques jours plus tôt. Elle ignorait que ce plaisir pouvait gagner enintensitéetpourtant…Deplus,illeluiavaitdonnéplusieursfoissansjamaisrienluidemanderenretour,hormisdel’épouser.
Ilroulasurledos,lesoufflecourtetlespoingsserrés.—Hugh?—Non,toutvabien.Dormezmaintenant.Jevaisretournerdansmachambre.Elleauraitaiménepasletoucher,maiselleneputs’enempêcher.Elleposalamainsursonsexeet
lapressacontresaculotte.Ilpritunecourteinspiration.—Riona,necommencezpascequevousn’allezpasterminer.—Allez-vousdansvotrechambrepour…terminer?demanda-t-elled’unevoixtimide.Ilneréponditpas.—Laissez-moivousaider.Sansattendresaréponse,elleremontasachemiseetentrepritdedéfairelesboutonsdesaculotte.A sa grande surprise, elle crut le sentir trembler,mais il semaîtrisait. Elle baissa la ceinture et
s’aperçutqu’ilneportaitpasdecaleçon.Danslapénombre,ellenevoyaitpasgrand-choseàl’exceptionducontoursombredesonsexe.Elle le touchadélicatement, lesentit tressauteretentenditHughgémir.Sonsexeétaittrèsdur,chaudetdouxcommedelasoie.Ellelecaressa,l’explora,jusqu’àcequ’ildiseentresesdentsserrées:
—Commececi.Illuipritlamainetl’enroulaautourdelui,avantdeluimontrercommentlabouger.Sanscesserde
lecaresser,ellel’embrassa,etilnetardapasàjouiràsontour,prisdesoubresautscommeelleavantlui.Ellelelâchaenfinetcontemplalespectacledesajouissance.Maintenantqueledésirétaittombé,elleétait choquéededécouvrirqu’ellepouvait s’abandonner aupointd’oublierde lui résister.Ouétait-ceparcequ’ilpartaitaffronterunautreclanetqu’ilallaitêtreexposéaudanger?
Hébétée,elleserepliasurelle-mêmependantqu’ilselevaitpourallerselaver.Elleluitournaledos,incapabledeleregarderenface,incapabled’affronterlefaitqu’elleavaitfaitévoluerplusencoreleurrelation.Lorsqu’il revintsecoucher, ilse lovacontreelle,collaseshanchescontre lessiennesetenroula un bras autour de sa taille.Tandis qu’il s’endormait, il posa unemain sur son sein comme lachoselaplusnaturelleaumonde.
Ellesemorditleslèvresetessayadenepastroptremblerenlaissantseslarmescouler.
Chapitre18
Hugh se leva avant l’aube. Il veilla à ne pas la réveiller, précaution bien inutile, car elle faisaitsemblantdedormir,cequiserévéladifficilelorsqu’illuicaressadoucementlatêteavantdepartir.
Nemourezpas,pria-t-elleensilence,nemourezpas!Dès qu’il fut hors de la chambre, elle se mit à réfléchir. Elle n’avait pas été capable de le
convaincrequesonrefusdel’épouserétaitbienplusqu’uncapricedefillettequiavaitpeurdesemarier.Devait-ellecomprendrequ’elleétaitentraind’accepterpassivementcequiluiarrivait,jusqu’àcequ’ilsoittroptard,jusqu’àcequ’ilsedéteste,qu’illadéteste,elleaussi,d’avoirrompulecontrat?
Elleselava,s’habillaetessayad’entamernormalementsajournée.Lechâteauétaitinhabituellementcalme,à l’exceptiondequelquesservantesquiallaientetvenaient.Tout lemondesemblait retenir sonsouffle. L’atmosphère était… oppressante et effrayante. Chaque fois qu’elle regardait ladyMcCallum,ellevoyaitlavieillefemmepenchéesursonrosaire.Auboutd’uncertaintemps,elleselaissagagneràson tour par la peur. Pour se changer les idées, elle partit se promener. Dans la cour, les paysansvaquaient à leurs occupations, mais leurs conversations manquaient d’entrain et n’étaient ponctuéesd’aucuncri.
Maggie, ladyMcCallum et elle-même étaient assises dans la grande salle presque déserte pourdéjeunerlorsqu’unhommearrivaentrombeparlesdoublesportes.
—LadyRiona,lesgardesontvudeshommesàchevalquiapprochaient!Samuelm’ademandédevousprévenir.
Rionapartitencourant,suivieparMaggie,etdévalad’unpasmaladroitl’escalierquiconduisaitàlacour.
Samuellesattendait,lesbrascroiséssurlapoitrine,sonexpressiond’ordinairejoyeuseremplacéeparunmasquedepierre.
Elles’arrêtaàcôtédelui,puiscontemplal’entréeduchâteau.—Avez-vous…baissélaherse,aucasoùceneseraientpaseux?—Cesonteux,répondit-ilpleind’assurance.J’aivuleurtartan.Elleleregardafixement,peuhabituéeàlevoirainsi.Iln’avaitpaspuveillersurHugh,alorsque
cela avait été son rôle ces dix dernières années. Il avait été laissé au château avec les femmes et,apparemment,iln’appréciaitpascettemission,mêmes’iln’enavaitrienmontrédevantHugh,sesouvint-elle.
Les cavaliers passèrent avec fracas sous la guérite avant d’entrer dans la cour. Leurs chevauxremuaientfurieusementlatêted’excitation.Elleaperçutdessourires,entenditdesriresexcitésetnevitaucunchevalsanscavalier.Elleessayadesecalmer,mêmesisoncœurbattaitsifortqu’ellesesentaitdéfaillir.
Samuel contempla la main qu’elle avait posée sur son bras sans s’en apercevoir. Elle la retiraaussitôt.
—Excusez-moi,dit-elle,assezfortpourcouvrirlebruitdeshommesetdeleurschevaux.Samuelhocha la tête,maisne lui souritpascommeà sonhabitude, sûrementparcequeHugh les
avaitvus.Ils’avançaverseux,etRionaneputretenirunsouriredebienvenuetoutenledétaillantpourvoirs’iln’étaitpasblessé.Elleneremarquariend’anormal.Elleaperçutsesgenouxnussoussonkilttandisqu’il descendaitde cheval. Il portait un superbemanteaubleu.Avec son tartannoir et rouge, ilressemblaitàunroi.EllesemorditlalangueetlaissaSamuelprendrelaparole.
—Touts’estbienpassé?demanda-t-il.Hughacquiesça.—Nousavonsrécupéréchaquevache,etaucunen’estblessée.LesBuchananontdéguerpicomme
deslâchesennousvoyant.Une bouffée de soulagement envahitRiona, si violente qu’elle sentit ses jambes se dérober sous
elle.DermotetAlasdairarrivèrentderrièreHugh,etellefutétonnéedelesvoirsesourireetparlerentreeux.Riendemieuxqu’unpeudedangerpourégayerceshommes,songea-t-elle.
Dermotposalamainsurl’épauledeHugh.—Nousallonscélébrernosactesdebravourecesoirett’introniserchef.Leshommessontdéjàen
traindeseréunirpourfêtercettevictoire.Ceseralemomentidéal.RionaetMaggieéchangèrentdesregardsétonnés.—Vosactesdebravoure?ditMaggieenhaussantlavoixpourêtreentendue.AlasdairpassaunbrasautourducoudeHugh.—Nevousa-t-onpasditquevotrefrère,iciprésent,s’estintroduitseuldansleurcampementeta
défiéletanistBuchananencombatsingulier?Riona poussa un petit cri très féminin, espérant arracher à Samuel un sourire,mais il paraissait
encoreplussoucieuxqu’elle.—C’étaitàmoidevousdéfendre,ditSamueld’unevoixfroide.Sij’avaisétélà,vousn’auriezrien
faitd’aussiinconsidéré!—Jel’auraisfait,monvieilami,réponditHughenposantlamainsursonépaule.Ilfallaitquejele
fasse pour sauver des vies. Nous avons croisé le fer plusieurs fois avant que les autres Buchanancommencentàfuiret,sanssoutien,leurchefs’estrapidementrendu.
—Vousl’avezfaitprisonnier?demandaRionaenregardantderrièrelui.—Non,nousl’avonslaisséretournervaincuverssonpeuple,ditDermot.Pourquoigaspillernotre
grainpourlui?Pourlapremièrefoisdepuisqu’elleleconnaissait,Dermotparaissaitdétenduetconfiant,commesi
finalementilétaitfierdesonchef.Son projet de le rallier à sa cause s’évanouit. Le fait de connaître la vérité ne pouvait que le
retournercontreHugh,justeaumomentoùcedernieravaitbesoindusoutiendetousseshommes.Enfinde compte, il lui fallait accepter que Hugh soit devenu plus important pour elle que son besoin des’enfuir.
—Enparlantdevictoire…Hughlevalebrasenmêmetempsquelavoix.—CélébronsmaintenantleclanMcCallum!Leshommescrièrentdejoieetcommencèrentàmonterlesmarchesendirectiondelagrandesalle.Maggiesetournaalorsverselle.—Nedevriez-vouspasprévenirMmeWallace?Rionalevalesdeuxmains.—Cen’estpasàmoidelefaire.Vousêteslasœurduchef.Moi,jen’aiaucunrôleofficielici.
—Vousêteslafiancéeduchef,intervintHughenlafixantàtraverssespaupièresplissées.Maggielesregardad’unairhésitant.—Jevaism’assurerquel’onnousservelemeilleurrepaspossible,dit-elleenfin.Jesuissifièrede
toi,Hugh!Ellesehissasurlapointedespiedsetl’embrassasurlajoue,maisRionasentaitleregarddeHugh
pesersurelle.MêmeDermotetAlasdairs’étaientéclipsés.—Ainsi,vousn’avezpasvotreplaceici?demanda-t-ild’unevoixdoucemaismenaçante.—Jevoulaissimplementdirequejen’étaispaslamaîtressedeceslieux.—Maisvousallezledevenir.Elle ne répondit pas.Son attitude, la veille, dans le secret de sa chambre, lui avait certainement
laissécroireàunavenir,alorsqu’ellen’avaitfaitqu’empirerleschoses.—Neparlonspasdecelaici,Hugh.L’heureestàlafête.Elle faillit conclure en disant qu’ils devaient célébrer lesMcCallum,mais elle se ravisa. Hugh
l’auraitinterprétécommeunepreuvedeplusqu’elledésiraitdevenirsafemme.—Jevaisrejoindrevotremère,enchaîna-t-elle.Elleétaittrèsinquiètepourvous.Jepensemême
qu’ellen’arienmangédelajournée.Hughfronçalessourcilsavantdesetournerenentendantunhommel’appeler.Rionapartitàlahâte,
d’abordverslacuisine,ausous-sol,pourvoirsil’onavaitbesoindesonaide,maisMmeWallaceétaitdanssonélémentetcoordonnaitàlaperfectionlespréparatifs.EllealladoncrendrevisiteàlamèredeHugh.Ellelatrouvadanssachambre,deboutprèsdelafenêtre,d’oùelleobservaitl’agitationquirégnaitdanslacour.
—LadyMcCallum, commevous levoyez,Hughest revenu sain et sauf, dit-elle en s’approchantd’elle.
LadyMcCallumacquiesça,leregardhumide,maisellenepleuraitpasouvertement.—Merci,Riona.Ont-ilsrécupérélebétail?Rionaluiexpliquacequis’étaitpassé,puislaissalesilences’installeruncourtmoment,avantde
demander:—Vousallezcertainementdescendre,cesoir,pourfêtersonintronisation?—Sijelefais,jeresteraihorsdesavue,précisaladyMcCallum.Même si ces propos lui parurent quelque peu excessifs,Riona n’eut pas l’impression que c’était
voulu.—Vousnepourrezpasgagnersesbonnesgrâces,sivousl’évitez.LesépaulesdeladyMcCallums’affaissèrent.—Quoiquejefasse,jenelesgagneraipas,soupira-t-elle.Ilnemepardonnerajamais.—Vouspardonnerdequoi?demandaRionagentiment.—D’avoirfaitcequejecroyaisêtrelemieux,ilyadixans.—CelaconcerneAgnès?LadyMcCallumseraidit,maisneréponditpas.Rionasavaitqu’elleauraitdumalàdécouvrirlavérité.—Quoi que vous ayez fait, il ne peut pas continuer de vous en vouloir dix ans plus tard.Vous
pouvezessayerd’arrangerleschoses.—Vousnesemblezpasbienconnaîtremonfils,dit-elled’unevoixamère.—Non,eneffet.Etpourtant,vousettouslesautrespensezqu’ilfautquejel’épouse.—Pensez?soulignaladyMcCallumenlevantfinalementlesyeuxverselle.Jenefaispasquele
penser.Ilestdevotredevoirdel’épouser!Vousdeveztousdeuxfairecequevospèresontprévupourvous.N’êtes-vouspasconscientedelachancequevousavez?
—Vousestimiez-vouschanceuselorsquevousavezépousésonpère?
—Cen’estpasdutoutlamêmechose.—Vraiment?Pourtant,j’enaibienl’impression.VoyantqueladyMcCallumallaitcontinueràdéfendresonfils,Rionalevaunemain.—Jenesuispasvenuepourdiscuteravecvous.Jevoulaisvousinviteràlafêtedecesoir.—Ilneveutpasquejesoislà,sedéfendittristementladyMcCallum.—Peut-êtrepas,maisvousêteslaseuleàpouvoirchangerleschoses.—Quevousa-t-ildit?demanda-t-elle,posantsurellesesprunellesapeurées.—Aquelsujet?LadyMcCalluml’étudiasiattentivementqu’ellesesentitémue.—Peuimporte.J’ai…besoindemereposer.Rionaquittalapièce,encoreplusconfusequ’avant.Quelsquesoientlesévénementsquis’étaient
produitsentreladyMcCallumetsonfils,cen’étaitcertainementpasunesimpledispute.Elles’étonna,unefoisencore,desonbesoind’aiderHughàfairelapaixavecsonpassé.Maisellepouvaitlefaire,etvivreparmil’ennemiluiavaitapprisàjouirdesespetitesvictoiresdèsqu’ellelepouvait.
LadyMcCallumdescenditpourlacérémonie,cesoir-là,etRionasetintauprèsdelafamilledanslagrandesallecomble.Elleétaitsurpriseetémueparlasolennitéetlasplendeurdulieu.Hughétait touthabillédeblancetportaitlesceptreblancdupouvoiretl’épéeancestraledesonclan.Lechapelainduclan,quirésidaitprèsdeSula,donnasabénédiction.Puistouteslespersonnesdelagrandesallesortirentdans lacouréclairéepardes torches,oùHughavaitprisplacesurun trôneenboissculptéd’un loup,emblème desMcCallum. Riona écouta alors la longue harangue du barde vantant les exploits de sesancêtres.Ilrécitaleursnomsremontantàdelointainesgénérations.Maggieveillaàtoutluitraduire,etRionaparvintmêmeàcomprendreseulequelquesmots.
— Vous savez, en tant qu’épouse de Hugh, vous allez devoir apprendre le nom de tous lesMcCallum,déclaraMaggieensouriant.
Rionahaussaexagérémentlesépaules.—EnAnglais,j’espère!En fait, il incombait plutôt à Cat de les apprendre, et non à elle. Elle observa Hugh et essaya
d’imaginersacousinedeboutàcôtédelui,sanssuccès.Touslesinvitésrevinrentensuitedanslagrandesallepourunfestinquiduratoutelanuit.Onchanta
deschansonsen l’honneurdeHugh, etRionaentenditplusieurspersonnesparlerde lui comme«d’unrocherfortifiéetsûr»,commedeleur«bouclier»,deleur«noblefaucon».Pasétonnantquecertainslairdsseprennentpourdesdieux,songea-t-elle.
Maispas lui. Ilacceptait l’honneurqui luiétait renduavecgravitéet solennité. Ilavaitaccomplichaquepartiedurituelavecconcentration,écoutélaharangueavecunegrandeattention.Ellesesentaitimpressionnéedevoiràquelpointilprenaitàcœursonrôleauseinduclanetellesavaitdéjàjusqu’oùilétaitprêtàallerpourlebiendesonpeuple.
Pourtant,ilavaitcommisuneterribleerreurenl’enlevantet,bientôt,toutlemondelesaurait.Elleravalasonchagrinetsapeurensongeantàcequiseproduiraitalors.S’ilétaitpossibledeconvaincreCatdel’épouser,toutsetermineraitpourlemieux.Peut-êtreétait-celaseulepersonneàquiellepourraitfaireappel.Carsollicitersononcle,quiavaitsciemmentcompromislecontrat,étaitlapirechoseàfaire.
Elleréfléchissaitàcesconclusionslorsqu’ellepritconsciencedecequ’elleétaitentraindefaire:elleenvisageaitdeplaiderenfaveurdel’hommequil’avaitkidnappéeet terrorisée!Maisdepuis,sessentimentsavaienttellementchangé…
***
IlfaisaitpresquejourlorsqueHughpénétradanssachambreentanguantetenchantonnant.C’étaitfait. Le clan l’avait intronisé ; il était devenu leur chef officiel jusqu’à sa mort. Dermot avait toutorganisé,etilsesentaitrassuréd’avoirgagnéfinalementl’adhésiondesonami.
Maisgagnerait-ilcelledeRiona?Ilsedirigeaverslesportesquiséparaientleurschambresetlatrouvaendormie.Lesrideauxdulit
étaientouverts,commesielleavaitattendusonarrivée. Il laissaéchapperunpetit rirede triompheens’imaginant de nouveau avec elle. Il alluma une bougie avec les braises de la cheminée et l’apportajusqu’au lit pour la contempler. Il dut se retenir aumontant du lit pour garder l’équilibre et continuad’admirerlesrefletsdelaflammescintillerdanssesmèchesblondes.
Il s’était senti tellement fier de l’avoir à ses côtés pendant l’intronisation ! Elle avait écouté laharangue aussi attentivement que si elle en avait compris chaquemot,même s’il avait vu sa sœur luitraduirelachanson.
MieuxvalaitquecesoitMaggieplutôtqueSamuelquilefasse,songea-t-il.Ilnevoulaitpasquesesgens pensent que son garde du corps convoitait sa fiancée.Mais Samuel ne le trahirait jamais. Il sedemandapourtantsiRionaseraitcapabledel’utiliserpourobtenircequ’ellevoulait.
Ilfronçalessourcilsenlaregardant:sesjouesroses,seslèvresentrouvertes,labeautédescourbesqu’il avait exploréesetdecelles auxquelles il rêvaitdegoûter enfin.Chaquemomentpasséavecelleétaituneleçonpourtouslesdeux.Ladernièrefoisqu’ilavaitpartagésonlit,ilavaitétéétonnédesonbesoinde luidonnerduplaisir,etdesagratitudequi l’avaitpousséeà le toucherd’unemanièreaussiintime.Mêmeunefiancéeordinairepouvaitavoirdescraintes,alorsellequiavaitétékidnappée…Elleauraitpuavoirpeurdeluipourtoujours.
Pourtant…àsonretourduraidcontre lesBuchanan,elleavaitcontinuéàaffirmerqu’ellen’avaitaucunrôleofficielauseindelamaison.Maiselleétaitlafutureépouseduchef,etellel’avaitembrasséetcaressé.Ilavaitréussiàlaconquérir,celanefaisaitaucundoute.
Ilétaittempsdeplanifierleurmariage.Ildéposasursonfrontunbaiserquisevoulaitdélicat,maisilfaillittombersurelle.Ellepoussaun
cridesurpriseetlerepoussaavantdelereconnaître.—C’estmoi,dit-ild’unevoixpâteuse.—Hugh,fit-elleavecsoulagement.—Quid’autrequemoipeutvenirdanslesappartementsduchef?Ils’assitlourdementprèsd’elle,etelleroulaversluisousl’effetdesonpoids.—Voussembleztrèsfierdevous,déclara-t-elleenposantlamainsursacuisse.Letaquinait-elleoubiensemoquait-elledelui?Aprèstoutlewhiskyqu’ilavaitavalé,ilavaitdu
malàinterpréterletondesavoix.Elleregardaparlafenêtrelecielquiviraitdoucementaugris.—Jevoisquelafêteadurétoutelanuit.Ilsepenchaverselleetenfouitsonnezdanssoncou.—Nouspouvonsfêterbienplusencore.Elletoussaensentantsonhaleine.—Maisnousn’avonspasletemps,dit-ilenluidonnantunepetitetapesurlesfesses.—Hugh!protesta-t-elle.—Levez-vous,nousdevonspartir.Meschefsnousontinvitésàvoyagersurnosterrespourcélébrer
monintronisation.Jeveuxquevousvoyiezcequivousattend.Ilaperçutalorslatristessequiplanaittoujoursdanssonregardlorsqu’ellecroyaitquepersonnene
lavoyait.Peut-êtreétait-ilivre,maisiln’étaitpasstupide.Ilpritsonvisageencoupe.—Riona,Riona,murmura-t-ilentredeuxbaisers.
Ilfaillitluidemanderdel’aimercommeuneépousedevaitaimersonmari,maisseravisa.—Nouspartonsensembleenvoyage?demanda-t-elle,pleined’espoir.—Toutàfait.—Dans ce cas, beaucoup de préparatifs nous attendent. Je vous propose de prendre un peu de
repos.—Jen’aipasbesoindedormir.Maissonlitétaittrèsconfortable,etils’allongeaprèsd’elle.Ellefronçalessourcils.—Vousavezbesoindedormir,etjesuisréveilléeàprésent.Pourquoinemelaissez-vouspaspartir
et…Hughsecoualatêteensouriant.—Hugh,unvoyagenécessitebeaucoupdepréparation!Elleentrepritdel’enjambermais,dèsqu’elleeutpasséunecuissesurlui, il l’attiraàlui.Ellese
retrouvajustelàoùilvoulaitqu’ellesoit.—Vousexagérez,Hugh,gémit-elleenlevantlesyeuxauciel.Il l’ignora et s’arc-boutapourpresser son sexe contre la chaleur de son entrejambe. Il l’entendit
prendreunecourteinspirationetvitsonregardsetroubler.—Cettefois,iln’yapasdecordepourentravervosjambes,murmura-t-il.Illaissasesmainserrersursonbusteetpritsesseinsencoupeavantdetaquinerleurpointedubout
dupouce.Ilsedélectadelavoirtremblerdetoutsonêtre.Ilsaisitalorssanuquepourl’attirerverslui,etellefutcontraintedeposerlesmainssursesépaulessouspeinedetomberdroitsurseslèvres.
—Jeneporteriensousmonkilt,dit-ild’unairsatisfait.Etvousn’avezriensousvotrechemisedenuit.
Puisill’embrassaavecfougue.
Chapitre19
L’odeurdewhiskypénétradanssoncerveaucommesic’étaitellequil’avaitbu.L’haleinedeHughenétaitimprégnée.Maissesmainslatenaientfermement,etellenepouvaitqu’acceptersonbaiser.Danstouslescas,ellenel’auraitpasrefusé.Laproximitédesoncorps,alorsmêmequ’ilétaitivre,suffisaitàéveillersessensauplaisirqu’ilspouvaientpartager.
Cette situation était dangereuse, elle le savait. Rien ne pouvait les empêcher d’aller plus loin,surtoutenl’absencedescordes.SiHughdécidaitdefinirletravailcommencédepuisdessemaines,ellenepourraitpasl’arrêter.Ilroulaseshanchescontrelessiennes,lentement,enrythme,déclenchantenelledesvaguesquinepouvaientqu’accentuersondésir.
Ellepritappuisursesépaulesetlevalatête.—Arrêtez,Hugh.Sinousdevonspartiraujourd’hui,ilnousfautdormir.Ilposalesmainssursataillepourlamaintenirsurluietchangeal’anglejusqu’àcequelapression
sursonsexeprovoqueunplaisirsiintensequ’ellerenversalatêteenarrièreetfermalesyeux.Seulelalaine de son kilt les séparait à présent et, soudain, cette barrière lui parut minuscule. Elle lut laconcentrationsurlestraitsdeHugh,vitlafaçondontillaregardaitetdontilladésirait.Lorsqu’ilposade nouveau les yeux sur ses seins, elle profita de cet instant pour glisser sur le côté et se jeterlittéralement au sol. Ses jambes étaient trop faibles pour la porter. Elle se releva très vite et partit àreculons,tandisqu’enappuisuruncoudeiltendaitlamainverselle.
—Revenez,Riona.—Non!Ellefitdegroseffortspournepasrireendécouvrantlatristesseexagéréequis’étaitpeintesurson
visage.—Dormez,Hugh.Ils’effondrasurlecôtéengrognant,etbientôtsesronflementsemplirentlapièce.Ellel’avaitéchappébelle,songea-t-elleensoupirantdesoulagement.Elleavaitbeauêtreheureuse
desadécision,soncorpsl’étaitbeaucoupmoins.Sonexcitationduratoutletempsoùelles’habilla.Elle passa plusieurs heures avecMmeWallace à apprendre ce qui l’attendait au cours de cette
étrangeprocessionsurlesterresduclan.Cerituelvoulaitquelechefsoitaccompagnédeseshommes.Rionadésiraitcomprendretoutcequ’ellepouvaitdesusetcoutumesenvigueurenEcosse,paysqu’elleavaitreniépendantlongtemps.Maggieetsamèreneseraientpasduvoyage.Ellespréféraientresterauchâteauetattendreleurretour.
RionasongeaalorsàBrendan.Etait-celuiquiavaitétéchoisipours’occuperdeleurschevaux?IlétaitimportantqueHughetluipassentplusdetempsensemble.Elleglissaunmotauchefdecérémonie,lui indiquant que Hugh préférerait certainement que Brendan vienne avec eux, mais au final Hugh
s’éveillaversmidiets’entretintavecl’homme.Cedernierlaregardadepuisl’autreboutdelacour,puisHughplissa lesyeuxen se tournantverselle.Riona soupira.Brendanne serait pasduvoyage, et ellerisquait d’essuyer une remontrance pour s’êtremêlée de ce qui ne la regardait pas.Qu’espérait doncHugh,enluicachantlavérité?
Ils n’eurent ensuite plus aucun moment en tête à tête. Les hommes qui les accompagnaient lessuivaientpartout:ilyavaitSamuel,lebardequicomposaitetdéclamaitl’histoireduclan,lejoueurdecornemusequil’accompagnait,lecrieurquidéclamaitlesmessagesdeHugh,l’intendantquis’occupaitdeshébergements, legoûteurquiétaitcenséboiredans lacoupeavantHugh,etplusieursguerriersquiaidaientHughàtraverserlesrivièresàsecous’occupaientdesoncheval.Hughnesemblaitpasàsonaisefaceàcettedémonstrationdepuissance,maisSamuelexpliquaàRionaqueleclans’attendaitàcequ’ilsecomportecommeunprince.
Ilsvoyagèrentpendantdesheurescejour-là,jusqu’àlademeured’Alasdair.Labâtisses’élevaitsurdeuxétagesetétaitbeaucoupplusrécentequeLarigCastle.Ellesetrouvaitàl’autreboutdulochVoiletétait entourée de pâturages et de terres cultivées qui s’étendaient dans la vallée, encadrés par lesmontagnes.
Cesoir-là,ilsfestoyèrentets’amusèrent,etRionaeutlacertitudequeHughavaitoubliél’incidentdeBrendan.Mais,pendantleschansons,illapritàl’écartetl’emmenadanslejardin.
Ilsétaientseuls,éclairésparuneluned’été.Ellen’avaitpasprisdechâleoudemanteau,maisilnefaisaitpas très froid.Avec lademeuredanssondoset les jardinsclassiquesqui l’entouraient, elle seseraitpresquecruederetourenAngleterre.
Hughmarchaitàcôtéd’ellesurlesentiersinueux,lesmainsdansledosetl’airgrave.—C’estunebelledemeure,dit-ellepourbriserlesilencegênantquis’étaitinstalléentreeux.—Jen’aipasenviedeparlerdelamaison.Jeveuxquevouscompreniezclairementpourquoivous
ne pouvez pas agir comme vous l’avez fait ce matin, en disant au chef de cérémonie qui doit nousaccompagner.
—Vousn’auriezriendits’ilnes’étaitpasagideBrendan,souligna-t-elleens’arrêtantdevantluietenl’obligeantàluifaireface.
Destorcheséclairaientlesentier,etellevittrèsbienqu’ilétaitcontrarié.—Neveniez-vouspasdemedireque,puisquej’allaisdevenirvotreépouse,j’avaisuneplacedans
votredemeure?J’aicruquecelaimpliquaitquejepouvaisprendrecegenrededécisions.Ellevitlesmusclesdesamâchoireseserrer,maisilneréponditrien.—Hugh,vousdevezmedirelavérité!Est-illefilsquevousavezeuavecAgnès,lafemmeque
vousaimiez?—Non,cen’estpasmonfils,dit-ilentresesdents.Ellelevalesyeuxauciel.— Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que c’est votre fils ! Les gens ne cessent de vous
regarder,lorsquevousêtesensemble.—Metraitez-vousdementeur?—Vousm’accusezsanscessedementir.Pourquoivouscroirais-je,alorsquejepeuxvoirdemes
propresyeuxque…—Qu’ilestdemafamille?lâcha-t-ilavecdédain.Evidemment,ilestdemafamille!C’estmon
demi-frère,etnonmonfils.Rionarestaquelquessecondessansvoix.—Commentça,votrefrère?—MonpèreavioléAgnès.Latristessequiteintaitsavoixlafitfrémird’horreur.—«Violé»?murmura-t-elle,abasourdie.
Ilhochalatêteavecgravité.—Monpèrecroyaitêtreunroides tempsanciensetavoirdesdroitssur toutes lesfemmesqu’il
croisait.Unchefdeclandevraitêtreunpèrepoursonpeuple,etnonunagresseur!Mais,commeils’ensentaitledroit,ilchoisissaittoujoursdesfillesduvillagequinepouvaientriencontrelui.Agnèsn’étaitpaslapremièredontilavaitabusé,maiselleesttombéeenceinte.
Rionareconsidératoutcequ’ellesavaitdeluiquandilavaitdix-neufans.—Vousn’étiezdoncpasamoureuxd’elle?—Non,maisjemesentaisresponsable.J’étaisrevenudeSheriffmuir.J’avaisl’impressiond’être
devenuunhommeet,commej’étaisletanistdemonpère,ilétaitdemondevoirdeprotégerlesfaibles.Pourtant, je n’ai pas vu ce qui se passait, je n’ai pas compris ce qu’il lui faisait. Elle travaillait auxcuisines,etparfois je lavoyaisarracher lesmauvaisesherbesdans lepotager.Elleétaitaimableavecmoiets’inquiétaitpourmablessure.Nousétionsamis.
—Oh!Hugh…,dit-elleenposantlamainsursonbras.Maisillaretirad’ungestebrusque.—Jel’aitrouvéeentraindepleurer.Ellenevoulaitpasmedirecequis’étaitpassé,maisjel’yai
obligée.Acetinstant,elleavaitaussipeurdemoiquedemonpère,etj’aihaïcethommepourcequ’ilavaitfait.
Ilavaitprononcécesmotsavecforce.— Je lui ai proposé de m’épouser, dit-il finalement. J’ai demandé à mon père de renoncer au
contrat,arguantquecequejefaisaisétaitjuste.Rionasecouvritlaboucheavantdemurmurer:—Maisilnevousapaslaisséfaire.—Ils’estesclafféenmerappelantque j’étaispiégéaveccecontratetquenotreclanrisquaitde
perdrenonseulementvotredotmaisaussilaterrequifaisaitnotrefiertéetquiétaitunesourcederevenusraresdanslesHighlands.IlfallaitquejechoisisseentreAgnèsetleclan.
Elleauraitaiméleprendredanssesbras,leréconforter,maisilrestadebout,imposantcommeunemontagneaumilieudescollines.Unpincementdouloureux luiserra lecœur,etellecompritqu’ilétaittroptard,qu’elleétait tombéeamoureusedecethommenobleet têtu,quiavait toujoursfaitpassersoncland’abordetconsacrésavieàexpieruneerreurquin’étaitpaslasienne.Maisl’aimernevoulaitpasdirequ’ellepouvaitdevenirsafemme.
—Agnès nem’aurait pas épousé, continua-t-il d’une voix triste. Elle ne voulait pas que le clansouffreàcaused’elle.J’aiveilléàcequ’elleaitunenouvellemaisondanslevillage,jeluiaipromisunerenteannuellepourelleetl’enfant,maiselleestmorteencouchesenneconnaissantquelahonte,sansjamaisavoirprofitédelajoied’avoirunfils.
Rionasentitleslarmesluibrûlerlespaupières.—Lagrand-mèredeBrendans’estbienoccupéedelui,Hugh.C’estunbongarçon.—Danscecas,pourquoitravaille-t-ilcommegarçond’écurie?Pourquois’expose-t-ilàladouleur
etàlahonte?Iln’ajamaisriensuausujetdenotrepère…Iladitàsagrand-mèrequ’elleperdraittout,sijamaiselledisaitàBrendanlavérité.
—Maisilvousavu,Hugh.Iln’estpasidiot.Ilestconscientdevotreressemblanceetilsaitcequedisent lesgensdanssondos. Ilneparaîtpasamer, justecurieux.Malheureusement,dansnotremonde,beaucoupdebâtardssaventqu’ilsnepourrontjamaisapparteniràleurvraiefamille.
—Jesuisincapabledetenirmesdistances,etcelanepeutqu’êtrepire.Ilfautquejemedécideàluidirelavérité.
Rionaseretintdeluidonnerdesconseils.Ilétaitcapabled’agirensonâmeetconscience.—Votremèreest-elleaucourant?demanda-t-elled’unevoixhésitante.—Oui,répondit-ild’unaircourroucé.
—C’esthorriblededécouvrirquevotremariestcapabledepareilleshorreurs!Pourquoi luienvoulez-vous?
—Ellenevivaitpasavecmonpèreetn’enauraitpassouffert,sielleavaitditlavérité.—Sielleavaitditquevousn’étiezpaslepèredecetenfant,quevousnel’aviezpasabandonnéde
votrepropregré?Ilhochabrusquementlatête.—Sinousnousétionsdressésensemblecontremonpère,nousaurionspu toutexpliquer.Sielle
s’était tenue à mes côtés au lieu de m’abandonner, d’abandonner Agnès, les choses auraient étédifférentes.
—Sicelapeutvousconsoler,ellesembleprofondémentregrettercequis’estpassé.Elle aurait aimé en dire plus,mais c’était inutile.Ce n’était pas ladyMcCallumqui avait abusé
d’Agnèsavantdel’abandonner,maisHughdirigeait toutesacolèresurelle,cariln’avait jamaispulefairecontresonpère.
—Saconscienceestpeut-êtreaccabléederemords,maisjenepeuxpasl’absoudrepourcequ’elleafait.Ilfaudraqu’elletrouvelapaixparsespropresmoyens.
Pourtant,s’ilcontinuaitàenvouloiràsamèrepoursafaiblesse,luinonplusnetrouveraitjamaislapaix,songeaRiona.
Pendant les jours qui suivirent, elle eut plus l’impression d’être son épouse que sa fiancée. Leschefsetlesgentlemenleshébergèrentdanslamêmechambre,commesicemariaged’essaiétaitunfaitavéré.Danslajournée,Hughtenaitcourouverte,réglaitlesconflitsetaidamêmeunjeuneveufàtrouveruneépouse. Il étaitdétenteurde la loi et faisaitofficede juge.Sesdécisionsétaient justeset,grâceàDieu,iln’eutriend’assezgraveàtraiterpourprononcerunepeinedemort,mêmesicelaétaitaussiensonpouvoir.
Toutlemondesemblaitintimidéparsapersonnemais,àplusieursreprises,elleenentenditcertainsmurmurerdanssondossurseserreursdejeunesseetsurle«bâtard»quitravaillaitàprésentdanssesécuries.
Elleeut rarement l’occasiond’être seuleavec lui.L’idéede s’enfuirne lui apparaissaitplusquecommeunactedelâchetévisantàsesauver,elle.Aprésent,ellecherchaitplutôtunmoyendemontrerauclanqu’ilsavaientétévictimesdesmachinationsdesononclepourdédouanerHughdetoutefaute.Ellen’avait pas renoncé à l’idée de s’enfuir, seulement elle ne pouvait pas supporter l’idée de le laissersouffrir.C’était une décision qu’elle avait prise librement, et elle avait appris à apprécier les chosesqu’ellepouvaitcontrôlerdansunefaiblemesure.
Ledernierjour,Hughl’emmenadanslavalléesacréedesonpeuple.Ilslaissèrentderrièreeuxleurescorte et suivirent un chemin qui semblait s’enfoncer tout droit dans la montagne. Puis le sentierbifurqua, traversaunbois,etsoudainunevastevalléequisemblaitcreuséedans larocheapparutsousleurs yeux. Tout au bout, des champs d’orge semblaient s’enrouler autour d’une autre montagne. Unetourbière humide débordait du sol, tandis que des touffes d’herbes s’élevaient au-dessus de la terremeuble.
Hugh l’entraîna derrière lui, et ils suivirent le sentier qui serpentait au pied de lamontagne. Ilsatteignirentenfinunsillonoùbouillonnaitetdébordaitunesource.
—Buvez,dit-il.C’estl’eaulapluspuredetoutel’Ecosse,etdumondeentier.Ellebutdanssesmainsenriant,etl’eaucristallinelarevigora.—Délicieux,lâcha-t-elle.Ilembrassaduregardsaterreavecfierté.—Lorsquelestaxessurlemaltontétéréintroduites,ilyaquelquesannées,dessoulèvementsont
eulieuenEcosse,carnousnepouvionsplusbrasserlabièreàbascoûts.Lewhiskyaprissaplaceet,pour éviter les taxes, nous le fabriquions en secret.Nous étions assez prudents pour en fabriquer une
quantitélimitéechaqueannée.LesDuffontcontinuésurcettevoieafindeconserverl’eau,latourbeetl’orgenécessairespourledistiller.
—Etpourmaintenirlesprixélevés,ajoutaRiona.— Pour nous préserver des collecteurs d’impôts, rectifia-t-il en souriant. J’ai entendu dire que
certainscachaientlewhiskysouslesautelsdeséglisesetdanslesberceaux.Pournous,ilestimportantàcepoint!
Riona prit une longue et profonde inspiration. L’endroit était beau, inhospitalier et sombre,maisaussimagique.Auloin,elleentrevoyaitdespaysansoccupésàdécouperdesbriquesdetourbe,puisàlesposersur lesolpourqu’ellessèchent.Néanmoins…leclanétaitsur lepointde toutperdre,etellenepouvaitrienfairepouryremédier.
En revanche… elle pouvait aider Hugh à gagner le respect de son peuple avant que les chosestournentmal.
***
Surlecheminduretour,ilsessuyèrentunorage,ettoutlegroupearrivatrempé.Danslacour,deshommesallaientetvenaientencourant,etHughlesaidaàsecourirdesveauxpiégésparleseauxetquimenaçaientdesenoyer.
Rionan’en futpassurprise.Hughétaitprêtà toutpoursonpeuple.L’admirationet la tristessesedisputaient tour à tour une place dans son cœur, mais il fallait qu’elle aille de l’avant, qu’elle seconcentresurcequ’ellepouvaitcontrôler.
Enfindematinée,elletrouvaladyMcCallumetMaggieentraindecoudredanslesalonréservéàla famille. Dehors, les éclairs zébraient le ciel et le vent rugissait, mais elle essaya de calmer ladyMcCallumenluiparlantdeleurvoyage,despersonnesqu’ilsavaientrencontréesetdesmotsdegaéliquequeHughluiavaitappris.
Pendant tout ce temps, ellene cessadepenser auxaccusationsdeHughcontre samère. Il fallaitqu’elleensacheplus.Tournerautourdupotrisquaitdeluidemandertropdetemps,etHughpouvaitêtrederetourd’unmomentàl’autre.
—LadyMcCallum,j’aiparléàHughd’Agnès.Surprise,Maggielevalatêtedesonouvrage.LevisagedeladyMcCallum,d’ordinairepâle,blêmit
encore.Elleluidécochaunregarddésespéré,implorantsonsilence.Maislafamilles’étaittuedepuistroplongtemps.—Legarçond’écuriequevousavezrencontré,Brendan,c’estsonfils.Maggieluilançaunregardprudentetprécisa:—LegarçonquiressembleàHugh.—Cen’estpaslefilsdeHugh,repritRiona.Maggie,voussavezqueBrendanestvotrefrère,n’est-
cepas?Hughafiniparmeledire.Maggiefitlagrimaceetregardasamèreavecinquiétude.—Votremèreestdéjàaucourant.N’est-cepas,madame?L’ouvragedeladyMcCallumtombasursesgenoux,etelleposaunemaintremblantesurseslèvres.—Mère…,commençaMaggieavantdes’étrangler.Hughm’ademandédenejamaisenparler,pas
mêmeàvous.Jesuissidésoléequepèrevousaitblesséedelasorte!—Ilvousatousblessés,conclutRiona.IlalaissécroireàtousqueHughétaitlepèredugarçonet,
lorsqueHughavouluépouserAgnès,ils’yestopposéàcausedemoi…àcausedececontrat,corrigea-t-elle.
Parfois,l’idéed’êtrelafiancéedeHughluiparaissaitsiréelle!—Qu’auraitpufaireHugh?demandaMaggie.Ilnepouvaitpasromprelecontrat.
—Non,biensûr.Etilsesentsuffisammentcoupable.Maisdoit-ilvraimentporterlesfautesdesonpèrequialaissétoutleclancroirequesonfilsavaitfaitunbâtardàunejeunefilleinnocente,aulieudereconnaîtrequec’étaitluiquil’avaitviolée?
LadyMcCallumpoussaunpetitcrienentendantl’horriblemot,etmêmeMaggiedevinttoutepâle.—Etcen’estpasfini,continuaRiona.CeterriblesecretpeutenvenimerlesrelationsdeHughavec
leclan.LadyMcCallum,votreépouxestmortmaintenantetnepeutplusporteratteinteàpersonne,pasmêmeàvous.Nepourriez-vouspasvousexprimerpourprendreladéfensedevotrefils?Agnès,etpeut-être d’autres femmes, ont souffert des agissements de votre époux, et nous n’y pouvons rien.Mais necroyez-vouspasqueHughaassezsouffert?
LadyMcCallumsecouvrit levisagede sesmainsetpleura.Maggie s’essuya lesyeux,mais ellen’allapasverssamère,secontentantdelaregarderetd’attendre.
—J’aientendud’autreschoses,quinem’étaientpasdestinées,repritMaggied’unevoixrauque.Jen’étais pas beaucoup là, et les gens neme connaissaient pas. Ils oubliaient jusqu’àmaprésence et sepermettaientdeparlersansretenue.J’aientendu…qu’unefilleduvillages’étaitpendueàcausedemonpère.
Riona retint son souffle et, l’espace d’un instant, seuls les sanglots de ladyMcCallum emplirentl’atmosphère.LesyeuxétrangesdeMaggiebrillaient à la lueurdes flammeset,dehors, levent faisaitclaquerunvolet.
—Jerefusaisdelecroire,ajoutaMaggie.Sonexpressions’étaitfigée.—Jesavaisqu’ilbuvait,qu’ilpouvaitparlerfortetsemettreencolère,maisj’ignoraisce…qu’un
hommepouvaitfaireàunefemme,aupointdeluidonnerenviedesetuer.Jemesuisefforcéedeneplusypenser.
RionaposalamainsurlesdoigtsserrésdeMaggie.—Vousn’auriezrienpufaire,luiassura-t-elle.—Maisaujourd’hui,jepourraisfairequelquechose.Jemesouviensqu’elleavaitunesœur.Ellenecroisapassonregardendisantcela,etRionacompritqu’ellesesentaitcoupable.—Jedoistrouvercettefille,déclaraalorsRiona,trèsdéterminée.Sielleacceptedeparler,nous
auronslapreuvedecedontvotrepèreétaitcapable.NouspourronsensuitedirelavéritésurAgnès,etleclannepourraquenouscroire.
SiellepouvaitapportercettecontributionpoursimplifierlaviedeHugh,elleéprouveraituneformedeconsolationàl’heuredepartir.
—Vousvoussouvenezdesonnom?demanda-t-elle.Maggiesecoualatête.—Jesaisquielleest,ditladyMcCallum,lesyeuxagrandisetravagésparlapeur.
Chapitre20
Aprèsunejournéedevoyageetsoncombatpoursauversonbétailterroriséetlemettreensécurité,Hugh fut heureux de pouvoir prendre un bain chaud avant le dîner. Il aurait aimé que Riona viennel’assister,maisnenourrissaitguèred’espoir.Ilnesavaitmêmepasoùellesetrouvait.Enarrivantdanslagrandesalle,ilavaitcroiséMaggieetsamère,maispaselle.
Ilétait satisfaitdesprogrès réalisésavec leclan. Ilavait renoué lecontactavecunedouzainedechefs et de gentlemen qui ne connaissaient de lui que la réputation qu’il s’était faite au cours de sajeunesse.Ilavaitl’impressiond’avoirgagnéleurconfianceetsavaitqu’ilsavaientétéimpressionnésparRiona.Pourunefemmequirechignaitencoreàl’épouser,elleneleuravaitprésentéqu’unvisagedigneetaimable.
Auxautres,maispasàlui.Etc’étaitmieuxainsi:illapréféraitexplosiveetentêtée.Lorsqu’ildescenditl’escalierpuisentradanslagrandesalle,ilremarquaavecsurprisequ’elleétait
plusbondéequed’habitude.Samèreetsasœursetenaientsurl’estrade,avecDermotetAlasdair,maisRionaétaitabsente.Ils’apprêtaitàinterrogersasœur,lorsqu’ilvitleteintterreuxdesamère.
—Vousvoussentezbien,mère?demanda-t-il.Vousdevriezpeut-êtrevousretireretdemanderquel’onvousmonteunplateau.
Ellesecoualatêteetpinçaseslèvrespâles.—Jevaisbien.Il lança alors un regard furtif à Maggie, qui haussa légèrement les épaules. Il eut l’impression
qu’elleévitaitdecroisersonregard.—Jen’aipasvuRiona,cetaprès-midi,dit-ilenregardanttoutautourdelui.Jen’aipasvuSamuel
nonplus,maintenantquej’ypense.Ilneluivintmêmepasàl’espritqueRionapouvaits’êtreenfuie.Ilnecroyaitplusquecelafaisait
partiedesesplans.—Samuell’aaccompagnéeauvillage,ditMaggie.—ElleestalléevoirlesRoss?—Je…jen’ensaisrien.Unefoisdeplus,elleévitasonregard.—Quesepasse-t-il?Soudain,lesdoublesportes,àl’arrièredelagrandesalle,s’ouvrirent,etRionaetSamuelentrèrent
danslapièce.Ilsn’étaientpasseuls.Unejeunefemme,l’airapeuré,s’agrippaitaubrasdeRiona.Maisellelevasoudainlementonetavança.Hughavait l’impressiondelaconnaître,seulement, ilétaitpartidepuissilongtempsqu’iln’arrivaitpasàlaremettre.
Samèreétouffauncrietseleva,commesiellevenaitdevoirunfantôme.Ellesetournaversluietluisaisitlebras.
—Ilfautquejeparle.Quejeparleàtoutlemonde!Commesi lespersonnes réunies s’étaientdoutéesdequelquechose, toutes les têtes se tournèrent
versl’estrade,etlesconversationscessèrent.—Mère…,commençaHugh.—Non,jedoisparler!Elleavaithaussé le ton,etunsilencedeplomb tombasur l’assemblée.Riona, la jeune femmeet
Samuels’immobilisèrentàl’autreboutdelasalle,sansriendire.RionaetMaggieéchangèrentalorsdesregardsconfus,cequil’amenaàcroirequemêmeellesignoraientcequetramaitsamère.
—Jeveuxquelespersonnesdemonclanentendentlavérité,ditladyMcCallumd’unevoixforte.Hugh se raidit, prêt à l’arrêter et à lui demander qu’elle lui confie en privé l’annonce qu’elle
s’apprêtaitàfaire.MaisMaggietirasursamanchepourl’enempêcher.—Monépoux, ledéfuntchefdesMcCallum,étaitunhommecruel.Vous lesavez tousetvousen
aveztoussouffert.Jenepouvaispasfairegrand-chose.Hugh serra les poings. Les gens commençaient à peine à oublier ce qui s’était passé et à faire
confianceàl’hommequ’ilétaitdevenu.Etvoilàquesamèrefaisaitresurgirlepassé!—Maisaujourd’hui,ilestmort,etjepeuxdiretoutelavéritésanscraindrequelesconséquences
retombentsurmesenfants.Jelesaiemmenésloind’icipourlesprotéger,maisjen’airienpufairepourlesvôtres.
Savoixsebrisa.Ellebaissalatête,etHughvitunelarmeroulersurlajouedeMaggie.Quelquessecondesplustard,ladyMcCallumreprit:—Monmariaimaitlestrèsjeunesfemmeset…leurfaisaitdesavances.C’étaitmaletindigned’un
chef.J’ignoraisqu’ils’étaitentichéd’AgnèsMcCallumet,quandjel’aiappris,c’étaittroptard.Elle…étaitenceinte.
Hughressentit lemêmechocqueceluiquisereflétaitsur lesvisagesdespersonnesrassemblées.Pourquoi samère, qui avait gardé ce secret pendant toutes ces années, s’était-elle soudain décidée àparler?IlobservadenouveaulajeunefemmequeRionaavaitamenéeavecelleetcompritpourquoiillaconnaissait:sasœurs’étaittuéequelquesannéesplustôt,unehorribletragédie.Lesimplefaitdelavoiravaitpoussésamèreàprendrepubliquementlaparolepourlapremièrefoisetàdirelavérité.Cettefillequis’étaitsuicidéeavait-elleété,elleaussi,victimedesonpère?Rional’avait-elledécouvertetavait-elledécidéd’amenersasœurauchâteaujustepourvoircequesamèreallaitfaire?
Il aperçut alors Brendan debout au fond de la salle, les yeux écarquillés et les lèvres pincées.Devait-ilinterrompresamèreetprotégerl’enfantdesrévélationsqu’elleétaitprêteàfaireoulelaisserentendrelavéritéjusqu’aubout?
—J’étaisàlamercidecethomme,poursuivit-elled’unevoixcalme.Toutlemondetenditl’oreille.—Jepouvaism’enfuiretemmenermesenfantsavecmoi,maispasassezloin.Jen’aijamaisparlé
par crainte de ce qu’il pourrait nous faire, aux enfants ou àmoi,mais aujourd’hui… il estmort.Mesparolesarriventtroptard,jelesais,maisilfallaitquejediselavérité.Monmariaengendréunbâtard,le jeuneBrendan, et j’espèrequevous saurezvousmontrer aimableavec lui, car iln’est coupablederien,pasplusquemonfils.HughademandéAgnèsenmariage,maismonmaris’yestopposé.
Elles’effondradanssonfauteuil,commesisesjambesnelatenaientplus.Ellesecouvritlevisagedesesmains,etMaggiesepenchaverselle.MaisHughn’avaitd’yeuxquepourBrendan,quiessayaitdesefrayeruncheminversRionaencourantàtraverslagrandesalle.Toutlemondeparlaitenmêmetemps.Alasdairessayadeluiposerunequestion,etDermotsepenchaverseuxpourl’entendre.
Hughlevalesdeuxmains.
—Jenepeuxpasenparlermaintenant.Brendanatoutentendu.Il quitta l’estrade et se fraya à son tour un passage dans la foule. Les gens essayaient de
l’intercepter,maisillesécartapoliment.IlrejoignitbientôtRionaprèsdesdoublesportes.Dehors,lapénombres’étaitabattuesurlesmontagnescommeunrideaupourpre.—Avez-vousvuoùilestparti?demanda-t-il.—Ilvienttoutjusted’atteindrelacourinférieure,réponditRiona.Ilposabrièvementlamainsursajoue.—Vousn’êtespasétrangèreàtoutcela,n’est-cepas?Ellerougitenhochantlatête,puislevaversluidesyeuxinquiets.Illuiadressaundemi-sourireetquittalagrandesalle.
***
RionaenroulalesmainsautourdesesépaulesenregardantHughdescendredeuxàdeuxlesmarcheset traverser la cour au pas de charge. Elle espérait pouvoir convaincre ladyMcCallum de parler enfaveurdesonfils,maisn’imaginaitpasquecettedernièreauraitl’amabilitéd’épargneràFiona,lasœurdelafemmequis’étaitsuicidée,l’épreuvedefairerevivrepubliquementsadouleur.
EllesetournaversSamuel.—JevaisrejoindreHugh,aucasoùilauraitbesoindemoi.Voulez-vousaiderFionaàtrouverune
placepourqu’ellepuisseserestaurer?Samuellaregardaavecintérêtetacquiesça.Riona s’élança alors dans la nuit ; l’air froid de la montagne s’engouffra sous ses jupes. Elle
traversaàlahâtelacour.Plusieurshommeslaregardèrentd’unœilcurieux;ellelesignora.Lorsqu’ellearriva aux écuries, le souffle court, elle se tint devant la porte et passa prudemment la tête par -l’ouverture.HughétaitagenouilléàcôtédeHamish,leterrier,etcaressaitsatêtegarniedelongspoils.Brendanluitournaitledos,l’airtenduetlespoingsserrés.
—Tuascertainementdesquestionsàmeposer,monpetit,dit-ilenadoptantletondirectd’unchefs’adressantàunsoldatvaleureux.
Brendan finit par se tourner vers lui. Il ne pleurait pas, mais son visage portait les marquesdouloureuses de ce qu’il venait d’apprendre. Il faisait manifestement des efforts pour se montrercourageux,etRionasentitsoncœursebriser.
—Magrand-mèren’ajamaisvoulumeparlerdemonpère.Elledisaitqueleplusimportant,c’étaitquejesacheàquelpointmamèrem’aimait.Maismaintenant,enentendantqu’ellenedésiraitpasfairecequiluiaétéfait…
Savoixsebrisa.Illuifallutquelquesinstantspoursereprendre.— J’espérais que mon père était quelqu’un comme vous, poursuivit-il, et que, peut-être, vous
l’aviezaimée,maisquevousnepouviezpasépouserunesimplefilleduvillage.Hughcontinuadecaresserlechien.—Nousnepouvonspaschoisirnosparents,Brendan.Et,puisquenousavonslemêmepère,jeparle
enconnaissancedecause.Brendanhaussalesépaules.—C’esthorribleetméchant,cequ’illuiafait.—Eneffet.J’aiessayéd’arrangerleschosespourtamère.Nousn’étionspasamoureux,maisnous
étionsamis.—Jesupposequec’estgrâceàvousquenoushabitonsleplusbeaucottageduvillage.Hughneréponditpas.
—Jesaisquemagrand-mèreappréciecequevousavezessayédefaire.Moiaussi.Jepenseque…c’estmieuxquevoussoyezmonfrère,etnonmonpère.
Hughlevalesyeuxversluiet luiadressaunsourirequifaillitfaireexploserd’amourlecœurdeRiona.Ohoui,commeellel’aimait,cethommequiavaitessayésifortderéparerlesfautesdesonpère,sansjamaisavoirl’impressiond’enfaireassez!
—Tuaimeraisvenirhabiterauchâteauavectagrand-mère?demandaHugh.Noussommesfrères,aprèstout.
Brendanhaussalesépaules.—Merci,maisj’aimel’endroitoùnoushabitons,etmesamissefichentdesavoirsijesuisounon
unbâtard.Maisjepeuxtoujoursveniricipourtravailleravecleschevaux,n’est-cepas?Hughseredressaetposalamainsursesépaules.—Biensûr.Ilmetardeaussidet’apprendreàtenirautrechosequ’unbâton,unjour.—Jemesuisdéjàentraîné,réponditBrendand’unevoixtimide.Hughsemitàrire.Rionaseretiradoucementpourleslaisserenpaix,rassuréedevoirqueHughavaitsuffisammentde
forceetdesensibilitépourconsolerunpetitgarçonbouleversé.
***
LorsqueHugh revintdans lagrande salle, il avait l’impressionquequelqu’un lui avait retirédesépaulesdespierresdelatailledesGrampianMountains.ToutlemondeconnaissaitlavéritésurBrendanàprésent,etilsavaitqu’illedevaitàRiona.Aprèstoutescesannées,samèreaurait-elleprisunetelledécision,siRionan’avaitpasétélà?Leshommesquiavaientjusque-làgardéleursdistancesavecluilesaluaientàprésentavecrespect.Personnen’essayadel’empêcherderetourners’asseoirpourdîner.
IlnevitpasRiona,maisMaggieétaittoujourssurl’estradeetmangeaitavecappétit.Ellesouritenlevoyant.—Jen’airienavalédelajournéetantj’attendaiscemoment,expliqua-t-elle.Ill’observaattentivement.—Tulesavais?—Jenele«savais»pas,précisa-t-elle.Maisj’étaisaucourant.Hughs’assitàcôtéd’elleetluiditàvoixbasse:—Rionaaussi.—C’étaitsonidée.— Elle a obtenu quemère s’exprime publiquement sur ce qu’elle considérait comme une honte
pesantsurnotrefamille?—Bizarrement,mèren’apassoulevébeaucoupd’objections.ElleajustedemandéàRionadelui
promettredetrouverlasœurdelafillequis’esttuéeàcausedepère.—Commentl’a-t-elletrouvée?—Grâceàunrêvequej’aieuilyadecelaplusieursannées,répondit-elled’unairpensif,maisje
ne le lui ai pas dit. J’ai prétendu avoir entendu des rumeurs selon lesquelles père était la raison dusuicidedecettefille,maisquesasœurensavaitpeut-êtreplus.
—Tusavaispourquoicettefilleétaitmorte?Tudevaisêtretrèsjeune.—J’avaisquatorzeans.Jel’aivuehabilléepoursamiseenterremais,commej’ignoraisquielle
était,j’aiessayédel’oublier.Hughposalamainsurlasienne.—Jesuisdésolé,Maggie.Ellehaussalesépauleset,malgrésonsourireencoin,ajoutad’unevoixtremblante:
—Jemesuisefforcéedenepasprêterattentionàcequisepassaitdansmesrêves.Jenepouvaisrienyfaireetjenevoulaispasquelesgenssoientaucourantdemondon.Ilsonttrouvélafillependuelelendemainmatin.
Puiselleparuts’effondrer.—J’ignoraisquec’étaitàcausedepère!Hughlapritparlecouet,l’attirantàlui,luifitposerlatêtesursonépaule.Elles’agrippaàluien
tremblant,toutenessayantdesecontrôler.Plusieurspersonnesleurlancèrentunsouriredecompassion,etilvitMmeWallaceessuyerunelarmeavantdequitterprécipitammentlagrandesalle.
—Ilestmortàprésent,etsessecretssontconnusdetous.Ilnepeutplusnousfairedemal.Maggielevalatêteetleregardadroitdanslesyeux.—EtBrendan?—C’estunbongarçon.Ilesttristeetbouleversé,maisçavaaller.Jevaisluiapprendreàsebattre
àl’épée.LesouriredeMaggievacillaavantdes’élargir.— Parfait. C’est étrange d’imaginer que nous avons un petit frère. J’espère qu’il nous laissera
veillersurlui.Hughacquiesçaavantdebalayerlasalleduregard.—As-tuvuRiona?—Elleestpartieconsolernotremèreàmaplace.Elles’estditquemèreréagiraitmieuxfaceàune
étrangèrequefaceàsaproprefille.Elleapeut-êtreraison.Maggieluidécochaunmystérieuxsourire.—Jel’aimebeaucoup,Hugh.Commentas-tufaitpouravoirautantdechanceavecunefiancéeque
tun’avaisjamaisvue?—Ellen’estpasencoremafemme,répondit-ilensentantsajoiesemuereninquiétude.—Maisellet’aimesûrement,Hugh.Unefemmenefaitpastoutcelasansraison.Peut-êtrenesait-
ellepasquetul’aimes?Ilsursauta.—Comment?—J’aivucommenttularegardais,dit-elleenriant.Tudoispeut-êtretesfiançaillesàpère,maistu
enes satisfait.Pourquoinevas-tupas la retrouver ? Jevaisprendre saplace auprèsdemère et je tel’envoie.
—Tuesunesœurformidable!Ellehaussalesépaules.—J’aipasséplusdetempsavecmèrequetoi.Toutcequis’estpassécesderniersjoursexpliqueen
grandepartiesoncomportement.Elleabeaucoupsouffertavecpère.—Jelesais.Dis-luiquej’irailavoirdanslamatinée.Ilfautquej’ailletrouverRionad’abord.
***
Lorsque Riona revint dans sa chambre, quelques rares bougies éclairaient la pièce. Elle étaitheureused’êtreseule,soulagéed’avoirenfinpufairequelquechoseici,àLarigCastle,pouraiderHugh.Pluspersonneneleverraitcommeunhommecapabled’abandonnerunefemmeenceinte.Lacruautédeson père avait enfin été révélée au grand jour et elle espérait que, lorsque les hommes du clanconnaîtraientmieuxsapersonnalité,lesderniersmauvaissouvenirsseraientoubliés.
Elle se versa un verre de vin qu’elle but debout, face à la cheminée. Elle se demanda s’il étaitrevenudanssachambreets’ilallaitvenir laretrouver.Soudain,elleentenditunbruitet fitvolte-face.
Ellel’aperçutalorsallongésursonlit,vêtudesachemiseetd’uneculotteàlaplacedesonkilt.Autourdeseschevilles,ilavaitattachélacorde.
Elleéclataderireensecouvrantlabouche.—Jenepeuxpasmefaireconfiance lorsque jesuisavecvous, jeune fille,dit-ilenhaussant les
sourcils.Lorsqu’iltenditlamainverselle,elleseprécipitaettombadanssesbras.Illaserratrèsfortquelquesinstants,puismurmuracontresescheveux:—Maggiem’aditquec’estgrâceàvoussitoutcelaestarrivé.Merci.Elleenfouitsonvisagedanssachemiseensouriant,s’enivrantdesonodeur.—J’aiétésoutenueparMaggieetvotremère.CommentvaBrendan?— Il est heureuxde savoir la vérité. Je lui ai demandéde s’installer au château,mais il préfère
gardersonanciennevie.—Jecomprends.Elleposal’oreillesursontorseetécoutalesbattementsfortsetpuissantsdesoncœur.Levinlui
avaitdonnélecouragedenepenseràriend’autrequ’àcettenuit.—MaRiona,murmura-t-ild’unevoixpleinededésir.Illuisaisitlementonpourluifaireleverlatêteetplongeasonregarddanslesien.Leurssourires
s’évanouirent. Lorsqu’il l’embrassa, Riona sentit ses dernières résistances tomber. Ils s’embrassèrentavecunefouguequinefaisaitquecroîtreetqu’ellenecherchaitpasàtempérer.Sondésirpourluiétaitinsatiableetpuissant.Elles’agenouillaau-dessusdeluietcommençaàdéfairelesliensdesoncorsage.Bientôt,illuivintenaide.Jamaisellenes’étaitdéshabilléeaussivitedesavie.
Lorsqu’elleseredressa,vêtueuniquementdesachemise,ellepritl’ourletdanssesmainsetcroisasesyeuxtroublesdedésir.
—Riona…Ellefitpasserlevêtementau-dessusdesatêteetlevitretenirsonsoufflelorsqu’elleluidévoilasa
nuditéàlalueurdesbougies.Ilavaitdéjàvuettouchésapeaunue,maiselleéprouvaunsentimentdepuissanceenchoisissantdesetenirainsidevantlui,sansaucunecrainte.
Ilfinitparôteràsontoursachemise,puispressasapeauchaudecontrelasienne.Cettesensationétaitmerveilleuse.Elleluiagrippalesépaulesetsecambrapours’approcherplusprèsdelui.Lespoilsdesontorseexcitaientsesseins,etellesesentitdéfaillirlorsqu’ilfitglissersesmainssurseshanchesavantdelesposersursesfesses.Ill’obligeaàécarterlescuissesetàl’enjamber,toutensetenantassisau bord du lit, puis il la renversa en arrière pour prendre la pointe de son sein dans sa bouche.Ellepoussaunpetitcritoutenleserrantcontreelle,incapabledecontrôlerlesondulationsdeseshanches.
—Prenez-moi,murmura-t-elle.S’ilvousplaît,Hugh,nemefaitespasattendre.Elleglissaunemaintremblanteentreleurscorpspourdéfairelesboutonsdesaculotte.Ill’aidadu
mieuxqu’ilputet, lorsquesonsexejaillit,ellelepritentresesmainspourlecaressercommeil leluiavaitappris.Sescuissesétaientlargementécartéesdevantlui,etelles’avança,commesielleavaitvouluqu’illapénètre.
Soudain,elleseretrouvasurledos,lesmainsplaquéesdechaquecôtédelatête.Hughétaitau-dessusd’elle,àprésent,etlaregardaitdanslesyeux,lesoufflecourt.—Vousêtessûrequec’estcequevousvoulez?—Oui,répondit-ellesansl’ombred’unehésitation.J’ignorejustecomment…—Levezvosgenoux,dit-ilentresesdentsserrées.Lorsqu’elles’exécuta,ils’installaentresescuisses.—Lapremièrefois…,commença-t-il.—Celafaitmal,conclut-elle.Onmel’adéjàdit.Celam’estégal.Faitesvite,c’esttoutcequeje
vousdemande.
Ellesentitlapeaudoucedesonsexedurglisserenelle.Ladouleurfutbrèveetdisparuttrèsvite,comparéeàl’incroyablesensationdeplénitude,dechaleuretdésirnaissant.
Aumêmemoment, il l’embrassa, et elle laissa sa langue envahir sabouche comme il l’avait faitavecsoncorps.Pendantunlongmoment,ilnebougeapas,secontentantdel’embrasseretdeluicaresserlesseinsjusqu’àcequelapassionembrasesapeau.Elleenvoulaitplusetellesemitàsetortillerentresesbraspourleluifairecomprendre.
Ilentenditsonappel.Ilseretiraetlapénétradenouveau.Ellepoussauncri.Il rit contre sa bouche et commença cette danse de l’amour vieille comme la nuit des temps.
Ensemble, ils sentirent monter le plaisir. Le désir enfla plus encore, la submergeant, l’enflammant.Bientôt,plusrienn’existaquelefrottementdeleurscorps,l’humiditédesabouchesurlasienneetsesmainscalleusessursesseins.
Elle atteignit l’acmé du plaisir qu’elle vécut comme une merveilleuse révélation, tandis quel’orgasmesemblaitsepropagerdanstoutsoncorps,duboutdesesdoigtsàsesorteils.Ilcontinuadelapénétrerdeplus enplusvite, et sonplaisir seprolongea jusqu’àdevenirpresque insupportable.Hughjouitàsontourengrognant,avantdes’effondrersurelle,etelleéprouvaunejoieinfinieàêtreàlui,àaccepterfinalementtoutdelui.
—Jevousaime,Riona,murmura-t-ilcontresajoue.Enentendantcesmots,ellefonditenlarmes.
Chapitre21
Hughn’avaitencorejamaisditàunefemmequ’ill’aimait,maisilnes’attendaitpasàtelssanglots.—Riona?Il se redressa et essaya de croiser son regard,mais elle se couvrit le visage avec lesmains en
pleurantplusfort.—Vousnepouvezpasm’aimer!gémit-elle.—Expliquez-moicequivousarrive,Riona.Il se releva sans prendre garde à la corde qui lui entravait encore les chevilles, ni à sa culotte
défaite,etfaillittomberàlarenverse.Maisiln’avaitpasletempsdes’ensoucier.Ils’assitàcôtéd’elle,etelleseroulaenboule,trèsloindelui.
—Jenepeuxpasvousaidersivousnemeparlezpas!—M’aider?Elleeutunrirededérision.—Vous ne pouvez rien faire pourmoi,Hugh. Je ne peux pas vous aimer.Nous ne sommes pas
censésêtreensemble.Vousêteslefiancédemacousineet…jeviensdevousséduire!Surcesmots,ellefrémitetenroulalesbrasautourdesesépaules,lecorpssecouédesanglots.Hugh
sentitalorsuneappréhensionhorribleluioppresserlapoitrineavantdesefrayeruncheminjusqu’àsoncerveau.Pourquoipersistait-ellesurcettevoie?Elleétaitheureuse.Elleavaitaidésonpeupleetl’avaitaidé,lui.
Rionaseredressa,ramenalecouvre-litsursesépaulesd’unemaintremblante,puislevalevisageverslui.Seslarmesaccrochèrentlalueurdelabougie,etilaperçutsesyeuxgonflésremplisdetristesse.Sonappréhensionsemuaenpeur.
— Vous ne pouvez pas être à moi, murmura-t-elle, désespérée. J’aimerais rester avec vous etdevenirvotrefemme,maisdanspeudetempslaréaliténousrattrapera.Jevoisd’icimononclearriverenjubilantetsesaisirdesterresdesMcCallum,toutengardantpourluil’argentdeladot.
Satêtes’affaissa,etsessanglotsredoublèrentdeviolence.Hughsesentaitpresqueétourdi.Soudain, ileut lacertitudeque,depuis ledébut,elle luidisait la
vérité, cette vérité à laquelle il avait refusé de croire. Il avait envie de se lever,mais la corde l’enempêchait.Dire qu’il l’avait utilisée contre elle, pourmieux lui prouver qu’ils s’appartenaient l’un àl’autre!Ilignoraitquoifaire.Saufsedébarrasserdecettecorde,chosequ’ilentrepritaussitôt.
—Vousdevezmecroire,Hugh.Personne…nedoit savoir cequi s’est passé entrenous ce soir.Vouspouvezmelaisserpartir.JenedirairienàCat.Letempspassera,etj’arriveraiàlaconvaincredeveniràvous.Vousverrez,elleestmerveilleuse.
Puisellefrémitetseremitàpleurer.
—J’aitrahimacousineencouchantavecsonfiancé,dit-elleentredeuxsanglots.Sonderniermurmurecontenait tantdedouleurqu’ilenfutdéchiré. Ilauraitaiméla toucher,mais
elleétaitnue,etilvenaitdelaséduire,commesonpèrel’avaitfaitavantluiavecd’autresfemmes.Ellenevoulaitpasdelui,etiln’avaitcessédeluifairedesavances,allantjusqu’àl’attacherdanssonlit…
Unénormesentimentdeculpabilitéetdehontes’emparadelui.Ilseredressad’unbondetboutonnasaculotteavantdeseservirungrandverredevinqu’ilavalad’untrait.
Direqu’ilcroyaitavoiréchappéàlamalédictionquiavaitmarquésajeunesse,àsoninconscienceetàsamanièreinconsidéréedegérerlessituationsdifficiles!Lorsquesesfiançaillesn’avaientpasprislatournurequ’ilvoulait,ilavaitagidemanièretoutaussiirréfléchie,sepersuadantqu’ilétaitdanssonbon droit. Il avait kidnappé une jeune femme innocente, l’avait humiliée et lui avait pris sa virginité,rendantainsiimpossibletoutmariageavecunautrehomme.Pire,ellepouvaitêtreenceinte.
Ilauraitaiméluiparler,maislesmotsrestaientcoincésaufonddesagorge,commes’ilétaitsurlepointdes’étouffer.Soudain,ilsemitàgenouxdevantelle.
—Riona,dit-ild’unevoixentrecoupée.Seigneur,quevousai-jefait?Ilposasonvisagesursesjambesnues.—Jenepeuxmêmepasimplorervotrepardon.Jeneleméritepas!Ilsentitsamaintremblanteseposersursatête,etelleluicaressadoucementlescheveux.Aprésent,
c’était elle qui le consolait ! Il éprouva un tel dégoût de lui-même qu’il eut envie de s’en aller, des’arracher à sa douceprésence.Mais elle aurait pu croire qu’il lui envoulait, et il ne pouvait pas lepermettre.
—Hugh,vousn’avezpasfaittoutcelaparsimpleégoïsme,dit-elleenfin.Vousavezagipourlebiendevotrepeupleenvoyantquemononclerefusaitderespecterlestermesd’uncontratquireposaitsurlaconfiance.
Ils’accroupitpourmieuxlacontempler.—Sij’avaisacceptédevouscroire,j’auraispuvousrameneraussitôt.Maisj’étaisconvaincuque
votrepère,ouplutôtvotreoncle,essayaitdemeduper…—Cequiaétéeffectivementlecas,dit-elled’unevoixamère.Ilaessayéderendrelecontratcaduc
envousfaisantporterlaresponsabilitédesarupture.Ilm’ainstalléedanslachambredemacousinepourquevousenleviezlamauvaisefemme.Je…j’ignorecequ’iladitàCatouàmafamilleàproposdemadisparition.Celafaitplusd’unmoisquejesuispartie.Mesparentsneserontderetourquefinoctobre.Jenepeuxdoncpasleurmanquer.QuantàCat…
Sesparolesmoururentsurseslèvres,etsesépauless’affaissèrent.Cat.IlyavaituneautreCatrionaDuffdanscemonde,cellequ’ilétaitcenséépouser.Nonseulement
il avait ruiné la réputation de Riona, mais il avait également déshonoré sa cousine. Il s’assit sur leparquet,ledoscontrelelit.
Elle se glissa près de lui, se servant du couvre-lit pour couvrir sa nudité. L’étoffe lui permitd’effacerlesimagesdeRionaluiretirantsesvêtements.Elleveillaitàprésentànepasletoucher,maisiln’avaitpasbesoindececontactpoursentirlachaleurdesoncorps,l’appeldelapassionqu’iléprouvaitpourelleetqu’ilressentaitencore,malgrélasituation.
—Pourquoim’avez-vouslaissé…?Ilneputterminersaphrase.—Pourquoi ai-je fait l’amour avec vous ? demanda-t-elle d’une voix triste. Parce que… j’étais
lassedem’opposeràvous.Ilnes’attendaitpasdutoutàcetteréponse.—Vousétiezpersuadéquej’allaisdevenirvotrefemme,continua-t-elle,puisvousavezcommencé
àmedésirerpourmoi-même. Jen’aipaspu résister.Unepartiedemoi repoussaitmesdoutes etmescraintes.J’avaisenviede…ressentiretmême…defairesemblant.Jenecessaisdemerépéterqu’avant
departir je voulais quevous soyez serein vis-à-vis deBrendan et quevous commenciez à voir votremèrecommelafemmeimparfaitequ’elleétait,etnoncommelacoupabled’actesdusuniquementàvotrepère.Jemesuisditqu’ilfallaitquejelefasseenéchangedeceque…notrerelationallaitvouscoûter.Etjen’aifaitquedécouvriràquelpointvousétiezbon,àquelpointvousétiezdévouéàvotrepeuple.
—Unhommebon?Ils’enétranglapresque.—Aucunmotnepeutdécrirelamanièredontjevousaiblessée!Etcesoir,j’aiportélecoupfatal.
Jevousairavicequevousdeviezréserveràvotreépoux.Elles’appuyacontrelui.—Cesoir,j’avaisenvied’imaginerquevousétiezmonépoux.J’aifaitmonchoix,Hugh,j’aipris
madécision.Lefaitd’êtrevenueici,avecvous,parmivotrepeuple,m’aapprisàmedresserpourobtenircequejevoulais,mêmesijecommettaisuneerreur.Ilnefautpasvoussentircoupable.
Pendant de longues minutes, ils gardèrent le silence, assis côte à côte, se touchant à peine etregardantlefeus’éteindredanslacheminée.
—Qu’allons-nousfairemaintenant?demanda-t-elled’unevoixlasse.Ilsoupira.— Tout d’abord, je pense que je devrais aller trouver votre oncle pour le punir de vous avoir
placéedélibérémentsurlechemindesonennemi.Elleseraidit.—Uneautreguerre,Hugh?Parcequecelareviendraitàunconflit.Ilpréférait seconcentrersursavengeanceplutôtqued’imaginerqu’ilallaitperdreRiona,cequi
finiraitpararriver.Ilavaitpassédessemainesàfaireensortequ’elletombeamoureusedeluietqu’elleaccepteleurmariagearrangé.Or…c’étaitluiquiétaittombéamoureux.
— Mon père n’aurait pas hésité à se venger, dit-il enfin. J’ai déjà assez prouvé que je luiressemblais,cesoir.
—Hugh…—Non,votreamabilitéaprès toutceque jevousai fait subirne faitqu’aggraver leschoses.Et,
mêmesi je renonceàmevenger,celaneveutpasdirequenousneméritonspasque justicesoit faite.Votreonclevousalivréeàmoisanssesoucierdecequipouvaitvousarriver.J’auraispuressembleràmonpère.
—Toutcequejevousdemande,c’estdedifférervotredécision,insista-t-elle.Personneneseramisaucourant.Jenesuispasprêteàvouslaisserrenonceràcemariage.
Iltressaillit.—Vouspensezqu’ilfautquejem’imposeauprèsdevotrecousine?—Cen’estpascequej’aidit.Jenepeuxpasl’imaginer,surtoutaprèsl’avoirtrahiedelasorte.Ilsetournaverselleetlapritparlesépaules.—C’estmoiquisuisàl’originedecettetrahison,Riona,pasvous,murmura-t-ilavecrage.Lecouvre-litglissaetdévoilalehautdesesseins.Ilauraitpréférénepasposerlesyeuxsureux,ne
pas la désirer, mais il n’y pouvait rien. Il l’aimerait toujours. Son corps se moquait bien qu’il l’aitblessée.
—Vous avez cru faire ce qui était juste,Hugh. J’étais parfaitement consciente de la situation etpourtant…
Denouveau,ilsrestèrentsilencieux.—Riona,ilfautquej’yréfléchissesérieusement.Jeneveuxpasquevoussoyezblessée,sijamais
l’onapprendqu’uneerreuraétécommise.—Hugh,ilnes’agitpasdemoimaisduclan.
—Non,pourmoi, vouspassez avant le clan.Promettez-moiquevousneparlerez àpersonnedecela.JevaisenvoyerSamuelauchâteaudesDuffpourvoirs’ilpeutobtenirdesnouvellesdevotreoncle.
Elleluiserralebras.—Cen’estpasdangereuxpourlui?— Samuel aime le danger, la rassura-t-il. Je ne déciderai rien tant que je ne connaîtrai pas les
intentionsdevotreoncle.D’aprèscequevousm’avezditdevotrecousine, ellene laisserapasvotredisparitionsanssuites.
Ilsrestèrentencoreassiscôteàcôteunlongmoment,jusqu’àcequeRionafrissonne.—Aulit,ditHughenselevantpourl’aideràsecoucher.—Restezavecmoi,s’ilvousplaît,murmura-t-elleenlevantversluidesyeuxhumides.Ilsavaitqu’ilnedevaitpaslefaire,maislepireétaitdéjàarrivé.Ilsecouchasurlecouvre-litet
attiraRionacontrelui.Ellemitdutempsàs’endormir,secouéepardepetitssanglotsdetristessequiledéchiraient.
***
Trois jours étaientpassés,depuis cette fameusenuitqui les avait laissés tousdeuxenproieàunépouvantablemalaise.EtRionanepouvaitpluslesupporter.Elledécidad’allerretrouverHughdanssonsolarium avant le dîner. C’était la première fois qu’ils se retrouvaient seuls. Il n’était plus venu larejoindredanssonlit,n’avaitpluspasséuneseulesoiréeàs’entretenirseulàseulavecelle.Sonabsencelafaisaitsouffrirunpeupluschaquejour.
Illaregardafixement,tandisqu’ellefermaitlaportederrièreelle.—Riona…—Jesais,jesais,jenedevraispasêtrelà.Mais,siMaggiemedemandeunenouvellefoiscequi
nevapas,jecroisbienquejevaishurler.—Elleesttrèstenace,dit-ilavecunpetitsourire.Ils’adossaàsonfauteuilencuirets’étira.CegesterappelaaussitôtàRionasoncorpsnusoussa
chemiseetsonkilt.Ellefrémitetessayademettredecôtéledésirnaissantquis’emparaitd’ellechaquefoisqu’ellelevoyait,qu’ellepensaitàlui.Or,ilnequittaitjamaistrèslongtempssonesprit.
—J’aicruvoirSamueldanslesécuries.—Effectivement.Nousvenonsdenousentretenir.Venezprèsdemoi.Elletiraunechaiseprèsdesonbureau,maisselaissafairelorsqu’illuipritlamainpourl’inviterà
s’asseoirsursesgenoux.Elles’yperchaavechésitation.—Laissez-moivousprendredansmesbras,jeunefille.Jerêvedevoustouteslesnuits.Ellefermalesyeuxetsoupira.—Oh!Hugh…Elle se blottit contre lui et le laissa caresser ses cheveux et son dos. Son contact était chaud,
rassurant,etilavaittoujoursungoûtd’interdit.—Parlez-moideSamuel.—Un événement inattendu s’est produit.Votre oncle estmort des suites d’une fièvre il y a trois
semaines,etlanouvellevienttoutjusted’arriverdanslesHighlands.Rionaseraidit,souslechoc.Soudain,lemondesemblaitavoirchangé.Sononclen’avaitmanifesté
quede l’impatienceetde l’irritationà l’égarddes femmesqui l’entouraient, saufvis-à-visdeCat.Satanteallaitpeut-êtres’épanouir,maintenantqu’ellen’étaitpluscontraintedevivredansl’ombredesonmari.EllecroisaleregardsombredeHugh.
—Qu’est-cequecelasignifiepournous?—Pasgrand-chose,jepense.Lecontratesttoujoursenvigueur.
Ellehochalatêteetfronçalessourcils.—Matantedoitêtreaccabléededouleur,maiscen’estcertainementqu’unefaçade.—ElleestvenuedanslesHighlandsaccompagnerlecorpsdevotreoncle,aveclenouveaucomteet
sasœur.—CatetOwen?Ilhochalatête.—Jesaisquevotrecousinevousmanque.—C’estvrai,mais…elleignoresûrementquejesuisici.—Nousn’avonsaucuneidéedecequesaitOwen,mais…avez-voussongéquebientôtlanouvelle
quesasœurestaveclui,etnonici,avecmoi,vaserépandre?Peut-être…pensera-t-onqu’ils’agitdeBronwyn?J’aiditàplusieurspersonnesquevousaviezunesœur.
Rionasentitsagorgeseserrer.—Oh!Hugh,murmura-t-elle.Jesuisdésolée!Ilavaittravaillésidurpourêtreunchefdignedesonpeupleet,bientôt,toutlemondedécouvrirait
saterribleerreur.—Cessezdedirecela!Vousn’avezpasàêtredésolée.Nousallonstrouverunmoyenderéglerla
situationsansrévélercequenousnevoulonspasdire.—Maissivousexpliquiezauclanquevousavezététrompéparmononcle…—Au risquedevoushumilier enpublic ?Non, jepensequ’il fautd’abordque jem’entretienne
avecOwen.Soudain, quelqu’un frappa à la porte, et ils sursautèrent. Riona bondit, comme si le fait d’être
surprise sur les genouxdeHughétait le plusgravedespéchés.Pourtant, cen’était rien comparé à cequ’ilsavaientfait,songea-t-elleamèrement.
Hughcontournalebureauetsedirigeaverslaporte,maiscelle-cis’ouvritavantsonarrivée,etuncortègedepersonnesentradanslapièce:Dermot,Alasdair,MaggieetladyMcCallum.
Samuelfermalamarcheetrepoussalaportederrièrelui.Ilsetintdevantlebattant,lesbrascroisés.JamaisRionanel’avaitvuafficherunairaussiintimidant.
Dermotpritlaparolelepremier.—Nousavonsreçudesnouvelles.Lenouveaucomted’Aberfoylevabientôtarriver,encompagnie
desasœur…,ajouta-t-ilenlançantunregardnoiràRiona.J’aimenéuneenquêteapprofondiesurleclanDuff.Lenouveaucomten’aqu’uneseulesœur.
Rionacroisafortementlesdoigts,essayantderenvoyeruncalmequ’elleneressentaitpas.—Oui,Samuelm’ainforméqu’ilsarrivaientaveclecorpsdeleurpère,réponditHugh.—Jen’ai rienditàpersonne,annonçaSamuel.Maisd’autresvoyageurssontarrivésaujourd’hui
aveccesnouvelles.—Qu’as-tu fait, Hugh ? demandaAlasdair, l’air exaspéré. Tu as toujours préféré agir avant de
réfléchir.Hughserralesdents,etRionasentitqu’ilfaisaitdegroseffortspoursecontenir.—MononcleatrompéHugh,déclara-t-ellealorsd’unevoixquitremblaitunpeu.Hughfitungrandgestedelamain.—Cequiseditdanscettepiècenedoitpasquitterl’enceintedecesmurs,vousentendez?Dermot,
as-tuparléàquiconquedunombredesœursd’Owen?Dermothésita,puissecoualatête.—Apartirdemaintenant,lavéritableidentitédeRionadoitrestersecrète.Jedécideraibientôtde
cequej’annonceraiauclan.—Trèsbien,ditDermot.Savais-tuqu’ellen’étaitpastafiancée?Oubiencettesorcièreétait-elle
demècheavecsafamillepourtetromper?
Endeuxenjambées,Hughlepritpar lecoldesonmanteau,et lapièces’emplitdevociférations.LadyMcCallumpoussauncri.Maggieavaitl’airdevouloirs’interposerentrelesdeuxhommes.Rionaétaitdésespérée.N’était-cepasàcaused’ellequelesrelationsdeHughavecsesamisétaientmenacées,alorsmêmequ’ilsvenaientdeseréconcilier?
—NeparleplusjamaisdeRionaencestermes,ordonnaHughd’unevoixglaciale.Toutestarrivéparmafauteetnonlasienne.Elleestinnocente.
Alasdairlaregardaitfixement,l’airfrustré.—Si vous êtes innocente, Riona, pourquoi nous avez-vous fait croire que vous étiez la fille du
comte?HughlâchaDermot,quinereculapas.—Ellem’adit lavérité,maiselleavait troppeurde ladévoileràquiconque.Jecroyaisqu’elle
mentait,quesononcleessayaitdeserétracteretdenousvolernosterres.Elleportelemêmenomquesacousine.Elleétaitlaseulejeunefemmeprésenteauchâteau,lorsquejel’aienlevéedanssachambre.
Maggieouvritlabouchedestupeur.Toutlemondes’étaitfigé.—Hugh,ditsamèred’unevoixtremblante,tul’askidnappée?Ellelecontemplacommesisespirescraintesvenaientd’êtreconfirmées.Rionaavaitlecœurgros
etauraitaimés’interposerentreHughettoutecettelaideur.Saufqu’ellesavaitqu’ilneverraitpasd’unbonœilsonintervention.
—Oui,répondit-ilenpassantunemainnerveusedanssescheveux.Saqueue-de-chevalsedéfit,etsachevelures’étalasursesépaules.—Lecomteavaitrompulecontratpendantnotreentretien,etj’aicruquej’avaisledroitdelefaire.
Maisj’aicommisuneterribleerreur,etRionaenasouffert,commeleclanrisqued’ensouffrir,luiaussi.Un silence pesant s’abattit sur la pièce.Tous les regards étaient tournés vers eux.Elle savait ce
qu’ils pensaient : qu’elle aurait dû le convaincre qu’elle lui disait la vérité. Elle aurait tant aimédisparaître pour céder à son chagrin,mais cela impliquait d’abandonnerHugh aumoment où il avaitbesoind’elle.
—Ramenez-la,suggéraDermot.Owenn’estpaslemêmehommequesonpère.—Aucundevousne leconnaîtvraiment,n’est-cepas?ditAlasdaird’unevoixamère.C’estun
Ecossaisquivoudraitêtreanglais.—C’estfaux!intervintMaggie.Alasdairl’ignora.—Etnousn’abandonneronspasRiona.Nousdevrionsnousbattrepourréparerl’erreurquel’ancien
comtet’aforcéàcommettre.Uncontratserésumeàunboutdepapier,maislaterrenousrevientdedroit.—Terrequenousrisquonsdeperdres’ilnereprendpasRiona,soulignaDermot.— Croyez-vous que les fiancées soient interchangeables ? demanda Hugh avec colère. J’ai
déshonoréRionaetsacousine.Ilfautquejerépareleschoses.J’iraitrouverOwen.— Mais cela pourrait être dangereux, dit Riona. Laissez-moi les inviter à venir ici. Cat aura
certainementenviedemevoir.EtellepourraitlaprésenteràHughets’éclipserdiscrètement.Cettesolutionétaitpréférablepour
toutlemonde,mêmesisoncœurrisquaitdesebriserenmillemorceaux.—Etfaireentrerlediablecheznous?demandaAlasdair.—Ils’agitdemescousins,pasdudiable,protestaRiona.—Çasuffit! lesinterrompitHugh.JevaisentrerencontactavecOwenetnégocieruneentrevue.
Nousparleronsdecelacalmementetnoncommedesguerriersprêtsà se lancerdansunebataillequi,outreblessernosclans,nepourraqu’attirerl’attentiondesAnglaisstationnésàFortWilliam.
DermotetAlasdairéchangèrentdesregardssceptiques,maispersonnenesedressacontreHugh,etSamuelleurouvritlaporte.
—Tuétaisavec lui enAngleterre,ditDermoten s’adressantaveccolèreàSamuel.Pourquoinel’as-tupasarrêté?
—C’estnotredevoirdesoutenirnotrelaird,non?réponditcedernier.Dermotpassadevantlui,suivid’Alasdair.SamuelenprofitapourseretireretlaisserHughavecsa
famille.Maggielesdévisagead’unairinquiet.—Commentallez-vous,touslesdeux?demanda-t-elle.Rionaavaitréussiàfairebonnefigurecesderniersjoursmais,àsongranddésespoir,deslarmes
perlèrentauborddesespaupièresettombèrentsursesjoues.—Oh!Riona!s’écriaMaggieenseprécipitantversellepourl’étreindre.Rionafutreconnaissanted’avoirsonsoutien.—Çavaaller,dit-elleenseredressant,avantdereculerd’unpas.Hughaffichaitunairgraveoùsemêlaienttristesseetculpabilité,etelleenfutattristée.—Ilsuffitd’arrangeraumieuxleschosespourleclan,déclara-t-elle.—Etpourvousdeux?demandaladyMcCallum.Commentpouvons-nousvousaider?—Noussommeslesseulsàpouvoirréglercetteaffaire,mère,lâchaHughd’unairsombre.Jevais
d’abordécoutercequ’Owenaàmedire.—Jeveuxêtrelà,décrétaRiona.—Cen’estpasunetrèsbonneidée.Owenrisquedesesentiroffensépourvous,poursasœur,et
furieuxcontremoi.—MaisHugh…,commença-t-elle,frustrée.—Non,jegéreraicetteaffairecommebonmesemble.Surcesmots,ilquittalesolariumd’unpasdéterminé,maissamèreseprécipitaderrièrelui.MaggieetRionaseregardèrentunlongmoment.Rionasesentaitmalàl’aise.QuepensaitMaggie
desonétrangerelationavecsonfrère?—Jesuisnavréequevousayezdûtraverserseulecetteépreuve,ditMaggie.Rionaluiadressaunfaiblesourire.—J’aisurvécu.Jesuismêmetombéeamoureuse,grandbienmefasse.—Ilvousaimeaussi,affirmaMaggied’unevoixdouce.Lechagrinluiserralagorge.—Ilmel’adit,admit-elled’unevoixétranglée.J’auraispréféréqu’ilnelefassepas,carcelam’est
insupportabledesavoirquenousnepourronsjamaisêtreensemble.Maggielapritparlebras.—Neditespascela!JerefusedecroirequeHughnetrouverapasdesolution.— Je ne pourrais jamais satisfaire les besoins de votre clan,Maggie, insistaRiona.Ma dot est
tellementplusmaigrequecelledemacousine!Maislepireestdeperdrelaterrequenosdeuxclansontpartagée.
—J’insistesurlefaitquenousdevonsgarderespoir.Owenest-illemêmehommequ’autrefois?— Je n’ai aucune raison de croire le contraire, mais nous n’avons pas beaucoup eu l’occasion
d’échanger,cesdernièresannées.C’estunhommepragmatiquequin’aimepasbeaucouplesmondanités.Demoncôté,sansCat,jeseraisrestéecloîtréeavecBronwyn.
—JepensequeparleravecOwenestlabonnesolution.Jelesens.Rionaluilançaunregardméfiant.LesprunellesétrangesdeMaggiesemblaientfixerunpointdans
levide.
***
PourHugh, l’urgence était d’échapper à tous ces regards accusateurs.Or, pour écrire àOwen, ilauraitdûchassertoutlemondeetresterdanslesolarium.Alaplace,ilserenditdanssachambreoùsetrouvaitunpetitbureau.Ilétaitsurlepointderefermerlaportederrièreluiquandilaperçutsamèrequiavançaitd’unpasrapideàsarencontre.
Ilsoupiramaisdécidadel’attendre.—Mère,jen’aipasbesoinquevousmefassiezdenouveaulamorale.—Jenesuispasvenuepourcela,dit-elled’unevoixdouce.Laisse-moientrer,s’ilteplaît.Il ouvrit la porte engrand, et elle pénétra dans la pièce. Il referma le battant et aperçut samère
deboutdans lachambre,qui regardait autourd’elle commesi elledécouvrait le lieupour lapremièrefois.
—Mère?Ellesecoualatêtepuisleregarda,l’airembarrassé.—Jenesuisplusvenueicidepuisdesannées,etlessouvenirsnesontpastrèsagréables.Jesuis
heureusequetut’enfassesdemeilleurs.Ilserralesdentsmaisneditrien,secontentantdepasserdevantelle.—Hugh,jesaisquel’heuren’estpasàlajoiepourtoi,mais…jecroisentoi.Tuvastrouverune
solution.Ils’assitàsonbureau,sortitunefeuilledepapieretouvritlabouteilled’encre.—Merci pour vos encouragements, mère, mais je ne sais pas comment vous pouvez être aussi
confiante.J’aipassémavieàessayerd’êtredifférentdemonpèreet,manifestement,c’estimpossible.Ilentenditl’amertumequiperçaitdanssespropossanschercheràlacacher.—Tuneluiressemblesenrien,ditladyMcCallumavecrage.Illevalesyeuxdelafeuille,surpris.—Nepense jamais celade toi-même, continua-t-elle.Tuas certes étéun jeunehomme impulsif,
furieux d’apprendre que ton avenir avait été décidé demanière aussi implacable pour toi,mais tu asessayé d’aiderAgnès, contrairement à ton père qui n’a fait que la brutaliser. Tu as essayé d’aider leclan…
—Enutilisantunefemmeinnocente!Cen’estpassidifférentdecequemonpèreafait.—Malgré tonerreur, tuas traitéRionaavec tantdegentillessequ’elleest tombéeamoureusede
toi!Iltressaillit.—Ellenem’aimepas,mère.J’aigâchétoutesseschancesdefaireunbonmariage.Ilneluireste
plusaucuneautresolutionquedevoirsijepeuxfairequelquechosepourlasauverdecedésastre.Parmesactes,jeneluilaissepluslechoix.Maisjesaisqu’elleapprécienotreclanetneveutpasquedespersonnesinnocentessoientblesséesàcausedemonerreur.
—Nesoispasaussistupide,monfils.Ellet’aimeetelleveutt’aideràsauvertonclan.Illaregardafixementetgardapourluisesidéeslesplusnoires,cariln’imaginaitpasl’avenirsans
Riona.—J’appréciel’amabilitédevosparoles,mère,maisjedoisécrireaunouveaucomted’Aberfoyle
sanstarder.Ellehochalatêteet,àsagrandesurprise,luieffleurabrièvementlebras.—J’aifoientoi,Hugh.Aieconfianceentoi.
Chapitre22
Pendant les deux jours qui suivirent l’envoi de la lettre à Owen, Riona resta sur des charbonsardents. Elle passa le plus clair de son temps en compagnie de Maggie et de lady McCallum, quicherchaientàladistraireenbavardantjoyeusementdelapluieetdubeautemps.Maiselleavaitdumalàmanifesterde l’entrain.Hughévitaitdese trouverseulavecelle,etellenepouvaitpas luienvouloir.Chaque foisqu’il lavoyait, il se rappelaitque l’avenirdesonclanétaitenpéril. Jusqu’àprésent, sessuppositionss’étaientavérées.Laplupartdespersonnesnesemblaientpassavoirquelenouveaucomteétaitenrouteavecsasœurounes’ensouciaientpas.
La nuit, Hugh restait dans sa chambre et plusieurs fois, lorsqu’elle n’arrivait pas à trouver lesommeil,elles’étaitglisséesurlapointedespiedsjusqu’ausalonpourcollersonoreillecontrelaporteet l’écouterdormir. Il luiavaitditqu’il l’aimait,maisaujourd’huielleavait l’impressiond’avoir rêvécesparolesetdevivreuncauchemar.
Letroisièmejour,ellefutréveilléeparMaggie.—Riona!appela-t-elleenlasecouantdoucement.Rionapoussaunpetitcrietseredressaensursaut.—Quesepasse-t-il?—HughestpartiretrouverOwensansnous!Allez,habillez-vous,jevousaipréparéunerobe.—Mais…mais…Elleavaitdumalàparler,surtoutavecMaggiequivenaitdepasseruncorsetpar-dessussachemise
denuit.Tandisqu’elleserraitlesliens,Rionaluidemanda:—VousavezentenduHughparlerdesesprojets?—Non,maisunepersonnequinoussoutientm’aprévenue.Vousn’avezpasbesoindesavoirdequi
ils’agit.Maggieluipassaensuiteunjuponpar-dessuslatêteetlenouaàsataille,avantdeprocéderdela
mêmefaçonavecsajupe.—Maggie,maisqui…—Neposezpasdequestions.Frustrée,Rionaenfilalegiletdesonnouvelhabitd’équitation,qu’elleattachasurl’avant.Maggie
semblaitpresséedesuivreHugh,etellelacomprenait.EllegrognaquandMaggiedégageavivementsonplastrondesousleslacets.
—Désolée!Voicivotremanteauetvosbottes.PendantqueRionalesmettait,elletapadespiedsavecimpatience.—Allons-y!lança-t-elle.
Elles n’eurent aucun problème à prendre des chevaux dans les écuries. Brendan semblait mêmeheureuxd’aidersanouvellesœur.Unefoisqu’ellesfurentsortiesdel’enceinteduchâteau,Rionasesentitenfinlibredeparler.
—Savez-vousparoùestpartiHugh?demanda-t-elle.Jenelevoispasmais,sic’étaitlecas,nouspourrionsêtredécouvertes.
Maggiescrutad’unœilperçantlaterredesMcCallum.UnbrouillardépaisstagnaitàlasurfacedulochVoiletsurlechemin.Lesoleiln’avaitpasencorefaitsonapparition,maislecielétaitparéd’oràl’estetformaitunhalolumineuxautourdesmontagnes.
—Laterrequiproduitlewhisky,réponditMaggieavecconviction.C’estlà-basqu’Owendoitleretrouver.
—Mais…etsinouslerattrapons?—Celan’arriverapas.Plusieurscheminsymènent,etjeveilleraiànepasemprunterlemêmeque
lui.Riona voulut ajouter quelque chosemais se ravisa. Elle avait déjà accepté le plan deMaggie :
inutiledediscuter.Plusieursheuresplus tard,Riona reconnut lepaysageet sutqu’ellesapprochaientde leurbut.Le
chemin se rétrécit aumoment où elles traversèrent un bosquet, avant de s’élargir et de déboucher surl’immensetourbièrequitraversaitlavallée.Cinquantemètresplusloin,HughetOwensefaisaientface,lecorpstendu.
MaggiesaisitlesrênesdeRionaetmurmura:—Restonscachéesderrièrelesarbresetécoutonscequisedit.Ellesdescendirentdechevalsanssefaireremarquer,carlesdeuxhommesnesequittaientpasdes
yeux. Owen était grand et mince. Ses cheveux blonds étaient tirés en une queue-de-cheval et nondissimuléssousuneperruque.Iln’étaitpashabillécommeunHighlander,maiscommeuncomteanglais.
RionalançaunregardfurtifversMaggie,quinelequittaitpasdesyeux.—Votrepèrem’aditqu’ilnemedonneraitpasCatrionapourépouse,ditHughavecvéhémence.Je
nepouvaispaslelaisserromprelecontratsignéavecmonclan!—C’estpourquoivousavezkidnappémacousine?répliquaOwend’unevoixposée.Ilnesemblaitpasindigné.—Votrepèrel’avaitinstalléedanslachambredeCat,etj’aiétéassezstupidepourtomberdansson
piège.Avez-vousinforméquiconquedeladisparitiondeRiona?Owenpinçaleslèvres,maisneréponditpas.—Ila faitensorteque je l’enlèvepourmieuxsoustrairevotresœurauxobligationsde l’accord
passé entre nos deux clans. Si vous croyez que je ne regrette pasmon geste, ajoutaHugh, vous voustrompezterriblement.Jeregretteinfinimentd’avoirplacél’innocenteRionaaucœurd’unconflitquececontratétaitcensérégler.Voulez-vousquececonflitperdure,Owen?
Owenseraidit.—Malgrélescirconstances,jenepeuxpasignorerl’injurefaiteàmacousine,niledéshonneurqui
rejaillitsurmasœur,censéedevenirvotreépouse.Lecontratstipuleque,sijamaislestermesnesontpasremplis,vousrenoncezàcetteterreetàladotdeCat.EtRionadevraretournerchezelle,biensûr.
—LaplacedeRionaestavecmoi,réponditHughd’unevoixglaciale.Ces paroles, prononcées au milieu d’une altercation entre deux hommes importants à ses yeux,
réjouirentnéanmoinsRiona.Hughvoulaitbiend’elleet faisaitcelapourelle,etpasseulementpour leclan.
—Vousl’avezdéshonorée,McCallum.Iln’yariend’autreàajouter.—Danscecas,faisonscequ’auraientfaitnosancêtresetlaissonsledestindenosclansreposersur
nos épaules. Je vous défie en duel. Le vainqueur pourra réécrire les termes du contrat et les fera
respecter.Rionasentitunfrissondeterreurluiparcourirledos.Elleouvritlabouchepourprotester.—Non!criaMaggieenladevançant.Lesdeuxhommessetournèrentenmêmetemps,lamainsurleurépéeetleurpistolet.Maggiedévalalacolline,Rionasurlestalons.—Riona!criauneautrefemmeensortantd’unbosquet,àcôtéd’Owen.C’étaitCat!Rionapoussauncridejoieetcourutverselleavantdesejeterdanslesbrasdesacousinequ’elle
aimaitcommesasœur.Catsanglotait,levisagebarréparlesmèchesdecheveuxbrunsquis’échappaientdesonchignon.—J’ignoraiscequit’étaitarrivé!Pèreaessayédemefairecroirequetuétaispartiefonderton
foyer,maisj’airefusédelecroire,d’autantqu’ilnevoulaitpasmedireoùtuétaispartie.Oh!Riona,j’aieusipeur!
Elless’étreignirentdenouveautrèsfort,puissetournèrentverslesdeuxhommes.Owen regardait fixement Maggie, mais son expression était indéchiffrable. Les mains sur les
hanches,cettedernièrel’observaitd’unairdedéfi.Owennes’adressapasàelle,maisàsasœur.—Tum’as suivi,Cat ?Elles, aumoins, dit-il en désignantRiona etMaggie, elles n’étaient pas
seulespourfairecevoyage.—Jesuisvenueaccompagnéed’unvalet,lançaCat.Ilestrestéavecleschevaux.PuisellepritunairgraveetlançaunregardnoiràHugh.Cedernierétaitdrapédanssonplaid,ses
braspuissantscroiséssursontorse.Illesfusillaitduregard.—Owenm’aapprisquej’étaisfiancéedepuismaplustendreenfance,déclaraenfinCat,maismon
pèrenemel’ajamaisdit.Riona,est-celui,lebanditquit’akidnappée?—Vousparlezdemonfrère!s’écriaMaggieavecindignation.EllelançaunregardhésitantversOwen,quiladétaillasansvergognedelatêteauxpieds.—Oui,ilm’aenlevée,reconnutRiona.VoiciHughMcCallum,l’hommequetudevaisépouser,Cat.Elleconstata,horrifiée,quesavoixavaittrembléetquedeslarmesluibrûlaientlespaupières.Catposaunemainrassurantesursonbras.—Jesuisdésoléequecelasoitsidurpourtoi.Ilvautmieuxquececontratsoitrompu,surtoutaprès
sonhorriblecomportement.Hughnedisaittoujoursrienpoursedéfendre.—Jen’aieupeurqu’audébut,repritRiona,etHughnem’ajamaisfaitdemal.Ilnevoulaitpasme
laisser partir, car il croyait sincèrement que j’étais la femmequ’il devait épouser. Ilm’a traitée avecrespect.
Hughprit un air plus féroce, et elle comprit qu’il se souvenait des cordes.Elle espérait qu’il setairaitàcesujet.
—Maistun’espascettefemme,Riona,ditOwend’unevoixfroide.Etjerefusedelaissermasœurépouseruntelhomme.
CatregardafixementHughsanscacherlaterreurquis’étaitemparéed’elleàcetteseulepensée.—Cat,cecontratesttrèsimportant,intervintRiona.Ilfauttrouverunmoyen,unmoyennonviolent,
d’arriveràunarrangement.—Jenepeuxpasvousépouserdignement,ladyCatriona,ditHugh.J’aimevotrecousineetjel’ai
déjàprisepourépouseselonlesusetcoutumesdenotrepeuple.—Hugh!protestaRiona.Owendégainavivementsonépée.Lesoleil,quivenaitdeperceràtraverslesnuages,enfitbriller
lemétald’unelueurmenaçante.
—Dans ce cas, il n’y a plus de discussion possible. J’accepte votre défi, McCallum, et je nem’arrêteraipasaupremiersangversé.Ceseraunduelàmort!
—Owen!criaCat.Jecroyaisquetuvoulaisdevenirunhommedesciences!Jenelepermettraipas.Personnenevamourir!SilairdMcCallumaimeRiona…
EllesetournavivementversRiona.—Riona,l’aimes-tu,toiaussi?Hughposasurelleunregardbrûlant,maisnelasuppliapasdeseprononcerensafaveur.Ellesecouvritlabouchedesdeuxmainsetsentitleslarmessemettrefinalementàcouler.—J’aitellementhonte!sanglota-t-elle.—Nepleurepas,Riona,ditCatenlacouvantd’unregardpleindetendresse.N’aiepashonte.Rien
detoutcelan’esttafaute.Etjenemesenspastrahie.Jeneconnaismêmepascethomme!Pendantunmoment,iln’yeutplusd’autrebruitqueceluiduvent.RionaetHughsecontentèrentde
se regarder et, dans ses yeux, elle lut enfin son amour, son angoisse et sa culpabilité, ainsi que deterriblesadieuxquiluidéchirèrentlecœur.Etait-ilvraimentprêtàsebattrejusqu’àlamortpourelle?
—Jenelesupporteraipas!criaMaggie.Ildoityavoiruneautresolution.Pendant un longmoment de tension, personnene brisa le silence.Hugh regardaitOwend’unœil
mauvais.Le comte lui répondit d’un air tout aussimenaçant, et finit par se tourner versMaggie. Il necachaitplussesémotions,s’aperçutRiona.Derrièresessourcilsfroncés,ilsemblaitréfléchirâprement.Soudain,sonfronts’éclaircit,ilécarquillalesyeuxcommes’ilvenaitd’avoirunerévélation,puisaffichaunairdeprofondesatisfaction.Toutescesémotionssesuccédèrenttrèsvite,aupointqueRionan’étaitplustrèssûredelesavoirvraimentvues.
Owenpritalorslaparole.—J’aiuneautrepropositionàvousfaire,McCallum.J’épouseraivotresœur,etnousscelleronsla
paixentrenosclansunebonnefoispourtoutes.Rionaétouffauncri,maisMaggierestaimmobileetneprotestapas.HughregardatouràtourMaggieetOwen,l’airsoucieux.—Masœur?Quelsliensya-t-ilentrevous?—Vous étiez enAngleterre lamoitié de votre temps et elle àEdimbourg, expliquaOwen.Nous
avonseul’occasiondepasserquelquesmomentsensemble,n’est-cepas,Maggie?Maggierelevalementonenrougissantdemanièrerévélatrice.Maislàencore,ellenes’opposapas
àl’idéed’unmariageentreeux.Hughdécochaàsasœurunregardperplexe.—Maggie,netienspascomptedecetteidéeridicule.Tun’aspasbesoindel’épouser.C’estmoi
quisuislacausedetoutcedésastre,c’estàmoidelerégler.—Unmariageentrenosclansestjustementcequ’ilfautpourarrangerleschoses,insistaOwen.Je
seraistrèsheureuxqueMaggiedeviennemonépouse.Aprésent,cefutautourdeCatderegardersonfrèred’unairconfus.—Maisquesepasse-t-il?Vousvousconnaissezàcepoint?Maggieneréponditpas.Un sourire satisfait incurva les lèvres d’Owen.Dans lemême temps, le visage deHughprit une
expressioninquiétante.—Maggie,ditesoui,imploraOwend’unevoixrauque.Vousêteslaseulepersonneàsavoircequi
s’estpasséentrenous.Ensemble,nouspouvonsconclureunnouveaucontratquipermettraànotrepeupledecontinueràpartagercetteterre.Votrefrèreetmacousinepeuventresterensembles’ilslesouhaitent.Parailleurs,masœurn’aurajamaisàs’inquiéterd’épouserunhommequ’ellen’ajamaisvu.Biensûr,sadotseraconservéepoursonfuturmari,ajouta-t-ilenguised’avertissement.
—J’aimapropredot,enchaînaRiona,risquantunregardversHugh,mêmesiellen’estpasaussiimportantequecelledeCat.
Pourlapremièrefoisdepuisdesjours,elleentrevoyaitunelueurd’espoir.Elle devinait queHugh se sentait déchiré entre sa sœur, qu’il voulait protéger, et l’occasion de
sauverleuramour,ainsiquelecontrat.MaisellenepourraitjamaisêtreheureusesiellesentaitMaggieréticente.
CettedernièreobservaitOwencommes’ilétaituneespècedeplanteétrange,qu’ellenesavaitpastropcommentutiliser.Owenlalaissaleregarderàl’envi,l’airsûrdelui,enattendantsaréponse.
—J’acceptedevousépouser,Owen,dit-elleenfind’unevoixfroide,presquedétachée.Owen rengaina alors son épée d’un geste déterminé, presque triomphant. Riona se demanda s’il
avaitdéjàréfléchiàcetteparadeavantdeveniràcetterencontre.Soncousinétaitunhommeintelligent,maisilétaitégalementcomteetpouvaitespérerépouserunefemmeissued’unefamillenoble.
—Iln’yaurapasdemariagesijem’yoppose!lançaHughaveccolère.Ilsedirigeaàgrandspasverssasœuretlapritparlesépaules.—Maggie…Elleposaundoigtsursabouchepourlefairetaire,etRionacrutlevoirtrembler.—Hugh,c’estcequejeveux.Owenaraison:celarésoudraittouslesproblèmesentrenosclans.Je
ne leconnaispeut-êtrepas trèsbien,mais ilnem’estpas inconnu.Et jemesentirais tellement fièreàl’idéedepouvoirramenerunepaixquenousneconnaissonsplusdepuisdesgénérations!
Ellebaissaletonets’exprimaavecplusdesolennitéencore.—Jesensquec’estjuste.Samanièred’insistersurcequ’elle«sentait»semblaapaiserHugh.Ilposalamainsursajoue.—Tuenessûre?Ellefinitparsourirefaiblement.—J’ensuissûre.Laisse-moilefaire,Hugh.Jepensequ’Owenaraison.Ilfautqueleschosesen
soientainsi.Lesourired’Owens’effaçalégèrementtandisqu’ilcontemplaitMaggie,maisilneditrien.L’espoirdeRionamontaenflèche,maisellenelelaissapaséclore,pleinedecraintes.—Vousêtessûredevous,Maggie?demanda-t-elle.Maggietournaversellesesétrangesprunellesquibrillaientd’unfeunouveau.—J’ensuissûre.J’attendsdepuislongtempsquemondestinserévèleàmoi,etc’estchosefaite.Owenlevalesyeuxauciel.—Çasuffit,Maggie.Jeneveuxplusentendrecegenredebalivernes!—Oh!maisilvafalloirquenousparlionsdecertaineschoses,répondit-elle.Puisellesetournaverssonfrère.—Hugh,puis-jeavoirtonautorisationd’accepterlapropositionsidélicatementformuléed’Owen?Catnecherchapasàdissimulersonrire.—N’ai-jepasétésuffisammentdélicatàvotregoût?demandaOwenenretrouvantsonsourirede
triomphe.Ilfitunpasverselle,commes’ilvoulaitluiprouversesintentions.RionavitHughseraidir.Ellesavaitqu’ilfaisaitdeseffortspoursecontenir.Maggiedéposaunbaisersurlajouedesonfrère.—C’estcequejeveux,Hugh,répéta-t-elleàvoixbasse.S’ilteplaît,donne-moitonaccord.Hughacquiesçasansparaîtrevraimentsatisfait.—Tu asmon autorisation, dit-il calmement en la serrant brièvement dans ses bras.Mais, si les
négociationséchouent,luietmoiauronsd’autresdiscussions.
—Ellesn’échouerontpas,luiassuraMaggieavecunpetitsourire.—Venez ici,Maggie. Je dois vous dire quelque chose, dit Owen en se tournant vers l’orée du
bosquet.Ellelesuivitd’unpasélégantetconfiant,indiquantqu’elleétaitprêteàaffronterl’avenirmaintenant
qu’elleavaitacceptésondestin.HughsetournaversCatets’inclinaverselle.—LadyCatriona, jem’excusepour le tort que je vous ai causé et le déshonneur que je vous ai
apporté.Catl’étudiaattentivement.— Je ne peux pasme sentir offensée pour une chose que j’ignorais jusqu’à ce jour et que je ne
désirais pas. Riona et moi nous sommes toujours dit que nous choisirions notremari. Si Riona vouschoisit,j’ensuisheureuse,cardemoncôtéj’épouseraiaussilapersonnedemonchoix.
Rionaavaitl’impressionquesoncœurallaitexploserd’amouretdegratitude.Elleserrasacousinetrèsfortdanssesbras.
—Tum’astellementmanqué!Jecroyaisavoirirrémédiablementgâchénotreamitié.—D’unecertainefaçon, je t’envie,ditCatenreculantd’unpas.Pour tarelation,biensûr,etnon
l’hommeenquestion.J’imaginequ’illuitardedetedemanderenmariage.Soudain,Rionaeutl’impressiond’étoufferdejoie.Etait-cevraimententraindeluiarriver?Allait-
elleenfinpouvoirvivresonproprebonheur?Tous trois attendirent en silence, pendant queMaggie etOwen s’entretenaient enprivé.Owen se
tenait siprèsd’ellequ’il la surplombait. Ilsne se touchaientpasetneparaissaient témoignerd’aucundésirl’unpourl’autre,maisilyavaitquelquechoseentreeux,quelquechosequidevaitêtrelatentdepuistrèslongtemps.
Hughsemblaitdistraitet inquietpoursasœur,chosequeRionacomprenait.Elle-mêmesesentaithébétée.MaisHughn’évoquanileurmariagenileuravenir.
Maggiefinitparsedétournerd’Owen,etHughditd’unairfroid:—IlesttempsderetourneràLarigCastle.Nouspourronsyparlertranquillementdevotremariage.Il n’avait pas parlé de leur mariage, nota Riona, mais elle savait qu’il l’aimait. Il fallait juste
qu’elles’armedepatience.— Attendez, dit Maggie. Hugh, que vas-tu dire au clan à propos du changement des termes du
contrat?Sanshésiter,ilrépondit:—Jevaisleurexpliquercequis’estpassé,biensûr.—Non,vousn’enferezrien,déclaraRionasèchement.Toutlemondesetournaverselle.—Vousêtespeut-être leurchef,Hugh,mais ilscommencent tout justeàvousconnaîtreetàvous
faire confiance.Vous avez commisdes erreursdansvotre jeunesse, et je suis la seule à savoir à quelpointvousavezchangé.
Tandisqu’elleprononçaitcesparoles,elleseditqueMaggieallaitprotester,maiscelle-cineditrien.
—Puisqueleclannevousconnaîtpasencoreautantquevotrefamilleoumoi-même,ilsn’ontpasbesoinde savoir cequi s’estpassé entrenous.La seule chosequi les concerne, c’estquenotreunionrésolvelesproblèmesentrelesMcCallumetlesDuff.
—Vousmeproposezdementir?— Pourquoi serait-ce un mensonge ? Ne voulons-nous pas nous marier et avoir un avenir
ensemble ? répliqua-t-elle sans sedépartir de son calme.Pourquoi devraient-ils savoir commentnousnoussommesréellementrencontrés?Cesinformationsnesont-ellespasprivées?
—Jen’aijamaisvouluquemesactesjettentlahontesurvous,reconnutHughd’unevoixrauque.—Ilnes’agitpasdemoi,maisdevotrecapacitéàdirigervotreclan!—J’enaiassezd’entendreautantd’abnégationdansvosbouches,intervintOwenavecunemouede
dégoût.Dites-nous ce que vous souhaitez annoncer à votre peuple, et nous irons tous dans votre sens.Nousavonsfaitbeaucoupd’effortspourcorrigerlesactesdenospères.Finissons-en.
OwenregardaostensiblementMaggie,quicroisasonregardsansriendire.—Nouspourrionsdireunepartiedelavérité,suggéracalmementHugh.Quelapremièrefoisqueje
vousaivue,j’aiétéfrappéparvotrebeautéetvotrecourage.Rionasutimmédiatementqu’ilparlaitdumomentoùelleétaitsortiedelavoitureenpleinjouret
qu’ellel’avaitvu,elleaussi,pourlapremièrefois.Ilvenaitdebouleversersavie—enmieux—mais,cejour-là,ellenelesavaitpasencore.Elleéprouvaunsentimentétrange,etpourtantgratifiant,desavoirquecetinstantavaitaussichangésavieàlui.
— Il fallait que vous deveniezmienne, et je ne voulais pas laisser le contrat semettre surmonchemin,continua-t-ilavecferveur.
Maggiesouritàsonfrère,leslarmesauxyeux.—C’estlavérité,n’est-cepas?Etcelaaétébénéfiquepournoustous.RionaréponditàMaggieparunsourire.—Ditessimplementquevoussaviezquij’étaisdepuisledébut.Aprèstout,jevousaiditlavérité,
vousvoussouvenez?Hughfitlagrimace,etOwensecoualatête.—C’estdupassé,Riona.Jenemesouciepasdemoi,maisjenevoudraispasvoushumilierencore,
surtoutaprèstoutcequejevousaifaitendurer.—Maiscelaenvalaitlapeine,déclara-t-ellecalmement.Elle crut un instant qu’il allait en dire plus, mais il tourna les talons pour se diriger vers les
chevaux.Elledutravalersadéception.
***
Enmilieud’après-midi,alorsqu’ilsarrivaientenvuedeLarig,Rionaportaunregardnouveausurlesuperbechâteau.C’étaitsademeureàprésent,etelleleseraitpourtoujours.Ellesentitleslarmesluibrûlerlespaupièresetclignadesyeuxpourlesretenir.EllenevoulaitpasdistraireHugh,quiaffichaitunairextrêmementgraveetavaitgardé lesilencependant tout levoyagederetour.Ellenesesentaitpasnerveusepour autant, commeelle l’aurait été autrefois. Il lui avait dit qu’il l’aimait, et elle lui faisaitconfiance.
En revanche, elle ne lui avait jamais déclaré son amour. Souhaitait-il connaître ses sentiments,maintenantqu’il savaitqu’elleallait l’épouser?Pource faire,elleavaitbesoind’unpeud’intimitéetelleignoraitquandcelaseraitpossible.
Lesgardesnereconnurentpaslenouveaucomted’Aberfoyle,etHughl’annonçad’unevoixforte.— Vous devez traiter le comte avec bonté et respect, continua-t-il, et le considérer comme un
membredemafamille.Les gardes échangèrent des regards surpris, mais inclinèrent la tête et les laissèrent passer. La
nouvelle sembla se répandrecommeune traînéedepoudrederrièreeuxetdans la cour,oùpaysansetgentlemensortirentdesbaraquementspourlesregarderpasser.
Owenchevauchaitledostrèsdroit.Iln’avaitd’yeuxquepourMaggie.Rionaavaitremarquéqu’ilregardaitsouventlajeunefemme,maispendantlevoyageils’étaitcontentédeluiproposerdel’eauetdesgalettesd’avoinesansvraimentchercheràentamerledialogueavecelle.
Maggie, d’ordinaire si joyeuse, paraissait absente, comme si l’engagement qu’elle avait prisaccaparait toutes ses pensées. Riona connaissait le sens de l’honneur des McCallum. Maggie nereviendraitpassursapromesse.Ellesavaitcequel’onressentaitàl’idéededevoirépouserunétrangeretellenepouvaitqu’espérerqueMaggieetOwenseconnaissaientplusqu’ellenel’imaginait.
Aprèsavoirremisleschevauxauxgarçonsd’écurie,dontBrendanàquiHughadressalepremiersouriredelajournée,ilsmontèrentl’escalierquiconduisaitàlagrandesalle,aurez-de-chausséedelatourprincipale.Lanouvelledeleurarrivéelesavaitprécédés,carMmeWallacelesattendaitdéjà.EllefixaOwenavecdegrandsyeux,commesilediablelui-mêmeétaitvenuleurrendrevisite.
RionaglissalebrassousceluideCat,quiparaissaitinquiète,etmurmura:—Toutlemondeesttrèsaimableetvoustraiteraavecrespect,ici.Catsecontentadehocherlatête.—C’estétrangedesavoirquetuauraisdûêtrelamaîtressedeceslieux,non?Catécarquillalesyeuxdesurprise.—Tum’astoujourssibiencomprise,dit-elle.Ellespouffèrentdoucement,etlatensions’atténua.—MadameWallace,veuillezpréparerunechambrepourlecomted’Aberfoyleetsasœur,s’ilvous
plaît.MmeWallaceretrouvaaussitôtsonsourirehabituel.—Biensûr.LadyRiona,voulez-vousnousaccompagner?CatlançaunregardétonnéàRionaenl’entendantappeléeparcetitre,puissemorditleslèvrespour
dissimulersonsourire.RionasetournaversHughd’unairhésitant.—Allezaveceux,Riona.MadameWallace,lorsquelesdamesserontinstallées,venezmetrouver.
J’aidesinstructionsàvousfournirpourlebanquetquej’aimeraisdonnercesoir.IlsetournaversRiona.—Reposez-vous,madame.Jem’occupedetout.Ellesentitdenouveausagorgeseserrerdebonheuràl’idéed’êtreaimée,àl’idéequequelqu’un
prenne soind’elle.Mais…elleavait aussi envied’allervers lui,qu’il luidiseque tout allaitbien sepasseretqu’ilfiniraitparaccepterlessacrificesqu’ilsavaientfaitspourmettreuntermeàcettequerelleentreleursclans.
Cesoir-là,ellechoisitdeportersanouvellerobepréférée.Unerobebleufoncédontlajupe,fenduesurunplastronbrodé,laissaitvoirladentelledesonjupon.Maryluilançaunregardémerveillé;mêmeCatetMaggieparaissaientimpressionnées.
—Jepensequetudoisêtreamoureuse,cartuesencoreplusbellequed’habitude,ditCat.Savoixétaitempreinted’unenostalgiequilasurprit.Sacousineavaittoujoursétésiindépendante!
Elle disait qu’elle voulait faire ce que bon lui semblait avant de fonder son foyer.Riona espérait luimontreràtraverssonexemplequelemariagen’étaitpasunechosesi terrible…siellemettaitdecôtésonenlèvement,évidemment.
Quelquesinstantsplustard,toutestroisdescendirentdanslagrandesalle,etRionaretintsonsouffle,abasourdiepar le spectaclequi l’attendait. Jamais elle n’avait vu lapiècedécorée avec tant de faste,avec ses tapisseriesdecouleuret sesbannières sur lemur.Toutes les torchesétaientallumées, etunebonne centaine de personnes étaient rassemblées. CommentHugh avait-il fait pour prévenir autant demondeensipeudetemps?Tousétaientvenuspourlui,leurchef.
Ilsetenaitdeboutsurl’estradeavecOwen,ettousdeuxnesemblaientpasàleuraise.MaisOwenparutsedétendreenapercevantMaggie.Illaguidajusqu’àunsiègeàcôtédelui,etelleluiréponditparun sourire poli.Riona se détourna en poussant un soupir.Elle était prête à aider sa future belle-sœurautantquepossible.
Hugh la contemplait avec une telle gravité qu’elle en ressentit un pincement d’inquiétude.Maisbientôt,lesplissoucieuxdesonfrontdisparurent.
Ilsepenchasursamain.—Avez-vousconfianceenmoi?murmura-t-il.Il fixa sur elle ses prunelles grises qui lui rappelaient au début le froid glacial de l’hiver.Mais
aujourd’hui, l’heure du dégel avait sonné, comme si le printemps s’était installé entre eux, signe d’unnouveaudépart.
—Jevousfaisconfiancedetoutmoncœur,répondit-elleàvoixbasse.Il se redressa alors et, sans lâcher sa main, demanda l’attention de l’assemblée d’une voix
modérément forte mais autoritaire. Tous se turent, comme s’ils attendaient ce moment. Riona avaitl’impressionquemêmeleursouffleétaitcapabledebriserl’immobilitéquirégnaitdansl’air.
—J’aimeraisvousprésentermafemme,RionaDuff,déclara-t-il.L’assembléel’acclamaavantdesetaire,confuse.—Oui, vous savezqu’elle estma fiancée,mais je l’ai prise comme femmeà lamanière denos
ancêtres,saufqu’iln’yaurapasdemariaged’essai.Nousferonsbénirnotreuniondevantunprêtre.Il finitparadresseràRionaun sourirequ’elle lui retourna, radieuse.Quoiqu’ildisemaintenant,
ellesavaitqueceseraitpourlemieux.—Sijevousdiscela,c’estparcequejen’étaispaspromisàRionadepuismonenfance,maisàsa
cousine,ladyCatriona.IldésignaCat,quirougit jusqu’àlaracinedescheveux, toutenlevantfièrement lementon.Owen
avaitgardéunmasqueimpassible,maissesyeuxétincelèrentquandilsetournaversHugh.Ilrégnaitdenouveaudanslasalleunsilencedemort.Touséchangeaientdesregardsconfus.Riona
savaitqu’ilsserappelaientlestermesducontratetcequesignifiaitpoureuxsarupture.—Dès l’instantoù j’aivuRiona, j’ai suqu’elledevaitêtrema femme,déclaraHughd’unevoix
rauque.J’airessentipourelleunélanquejenepouvaispasnier.Rionam’étaitdestinée.Jen’avaispasoublié le contrat établi entre nos clans, mais je savais que je trouverais un accord avec Aberfoyle.Pendanttoutcetemps,jevousaitenuàl’écartdecesecretetjeleregrette.Necraignezrien,lecontratest toujours d’actualité entre nos familles. Et lady Catriona pourra choisir sonmari, décision qu’ellepréfèreprendreseule.
CatsouritpourlapremièrefoisàHugh,etRionasentitsesdernièresinquiétudesdisparaître.— Maggie, ma sœur, va devenir l’épouse du comte, et nos deux mariages mettront fin aux
désaccordsquiséparentlesMcCallumetlesDuffdepuisdessiècles.Les applaudissements qui suivirent cette déclaration furent assourdissants, et même Owen parut
surpris.IlfixaMaggie,quisoutintsilonguementsonregardqueRionaéprouvalebesoindesedétourner,commesiellevenaitdelessurprendreenpleinbaiser.Ellesavaitqu’ilsn’étaientpasencoreamoureux,mais…ilyavaitquelquechoseentreeuxdepalpable.
Hughlevatrèshautsacoupe.—Cewhisky,cetteeau-de-vie,nousaaussiaidésàguérirdupassé.Ilbutlonguement,puispassalacoupeàOwen,quin’hésitapasàytremperleslèvres.Lorsquelewhiskyarrivaentresesmains,Rionasaisitlacoupesousl’œilsurprisdeHugh.—Vousn’êtespasobligéedeboire,jeunefille,murmura-t-il.Jemesouviensdevotreréactionla
premièrefoisquevousyavezgoûté.—Jesuisvotrefemme,HughMcCallum,etjeferaicommebonmesemble.Elleentenditdesriresfuserautourd’elleetbutuneminusculegorgéedewhisky.Ellehochalatête,
retintsonsouffleetessayadenepastousserlorsquel’alcoolluibrûlalagorge.—C’esttrèsbon,dit-elled’unevoixenrouéeavantdepasserlacoupeàMaggie.Hughluidécochaungrandsourireetluipritlamain.
—Venezavecmoi.Sesjoues,déjàrougesàcausedel’alcool,s’empourprèrentviolemment.—Nousnepouvonspasdéjàpartir,Hugh,murmura-t-elle.Ilritdoucement.—Alorsvenezdehorsavecmoi.Ill’aidaàsefaufilerdanslafoule.Asonpassage,lesinvitésluiserrèrentlamainoulafélicitèrent.
Ilsarrivèrentenfindehors,oùdestorcheséclairaientlechâteau.Maisl’escaliersemblaits’enfoncerdansl’obscurité.
Hughnedescenditpaslesmarches,secontentantdefouillersonregard,tandisqueleventsoufflaitdanssescheveuxnoirs.
Ilsemitalorsàgenouxetluipritlamain.—RionaDuff,jenevousaipasencorefaitcorrectementmademande.Voulez-vousmedonnervotre
main,devenirmafemme,etaccepterdeprendreuneplacedansmonchâteauetdansmoncœur?Rionacroyaitavoirdéjàversétoutesseslarmes,etpourtantellesluimontèrentauxyeux.Ilpressaleslèvressursamainetlevasesprunellesgrisesverselle.—Jevousaime,Riona, etpourtant jenevousméritepas. J’aidoutédevous, alorsquevousne
faisiezquedirelavérité.Jemesuisconcentrésurlesbesoinsdemonclansansmesoucierdutortquejevouscausais.J’aibienfaillivousperdre.
Savoixdevintrauque.—J’aurais ressentiune tristesse insoutenable.Vousêtesdevenue la lumièredemoncœur,Riona.
Jamaisjen’auraiscrupouvoiraimerainsi,sachantdequoimonpèrem’aprivé.Acceptezdedevenirmafemme.
Ilfitunepauseetcontinuad’unevoixéraillée:—Dites-moiquevousm’aimez,jeunefille.—Oh!Hugh…Jevousaimedepuislongtempssansvraimentl’avoirsu.J’avaissipeurdenepas
pouvoirvousépouserquejenemesuispasautoriséeàcroireennotreamour.Aujourd’huiencore,celameparaîtpresqueirréel.Maisjevousaime!
Ellepassalesbrasautourdesoncou,etillasoulevadanslesairsenlaserrantcontrelui.—Jevaisvousépouser,Hugh.Et,mêmesivousavezdéclaréàtousquej’étaisvotrefemme,sachez
quecelanevousdispensepasdem’aideràorganiserunmariageofficiel!Hughritdeboncœurenlareposantausol.—Commevouspouvezlevoiraveclebanquetdecesoir,jesauraimemontrertrèsefficace.—Vous ferez un excellent époux, et chaque jour je remercieraiDieu d’être celle que vous avez
kidnappée.Illuisourit,luipritlamainetl’entraînadanslagrandesalle,parmilesmembresdeleurclan.
***
Nemanquezpasleprochaintomedelasérie«Nocesécossaises»
deGayleCALLEN,àparaîtreenjanvier2017
dansvotrecollectionVictoria!
TITREORIGINAL:THEWRONGBRIDE
Traductionfrançaise:EmmanuelleSander
©2015,GayleKloeckerCallen.
©2016,HarperCollinsFrancepourlatraductionfrançaise.
HarperCollinsPublishers,LLC,NewYork,U.S.A.
Levisueldecouvertureestreproduitavecl’autorisationde:
Objets:©TREVILLIONIMAGES/SANDRACUNNINGHAM
Réalisationgraphiquecouverture:L.SLAWIG(HarperCollinsFrance).
Tousdroitsréservés.
ISBN978-2-2803-6604-5
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Cetteœuvreestuneœuvredefiction.Lesnomspropres,lespersonnages,leslieux,lesintrigues,sontsoitlefruitdel’imaginationdel’auteur,soitutilisésdanslecadred’uneœuvredefiction.Touteressemblanceavecdespersonnesréelles,vivantesoudécédées,desentreprises,desévénementsoudeslieux,seraitunepurecoïncidence.
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