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ABANE RAMDANE FACE AUX SOMBRES AFFAIRES DU FLN Arrêt sur de nouvelles révélations Jeudi, 30 Août 2012 13:32 Belaïd Abane débat avec le colonel Chafik Mesbah et apporte un éclairage nouveau sur l'assassinat de Bennaï Ouali. Mohamed Chafik Mesbah m'avait appelé lorsqu'il préparait son entretien à L'Expression sur Abane. Il voulait avoir mon avis sur un certain nombre de points et m'avait posé au pied levé des questions auxquelles il n'était pas possible de répondre au téléphone. Je lui avais cependant indiqué qu'Abane ne m'appartenait pas, que j'étais un chercheur comme lui et tant d'autres, que je n'avais aucune autorité universitaire qui ferait en sorte que mon avis soit plus «autorisé», voire indépassable pour tout ce qui avait trait au parcours et à la personnalité de Abane. J'ai cependant donné mon point de vue concernant la «violence» et «l'impulsivité» du caractère de Abane, qu'il avait évoquées. J'avais en effet précisé contrairement à ce qui est dit çà et là que Abane était porté à dire ce qu'il pensait et à faire ce qu'il disait. Que cela relevait plus d'une culture familiale que de la symptomatologie d'une quelconque irritabilité d'origine thyroïdienne ou ulcéreuse, comme on a eu souvent tendance à le rabâcher. On peut si on veut, appeler ça violence ou impulsivité. Dans sa contribution à L'Expression, il évoque également, un «caractère retors» qui aurait incité Krim à baisser le pouce, scellant ainsi le sort de Abane: sa mise à mort par «ses pairs du CCE». Cet aspect me paraît être une partie mineure de la vérité. «Son franc-parler lui coûtera la vie plus tard.» «En partie», précise Chafik Mesbah. Nous sommes d'accord. L'aide de Ben Khedda Nous sommes également d'accord que Abane, comme Didouche, Ben Boulaïd, Boudiaf, Ben M'hidi, Amirouche, Zighout et tous nos héros et dirigeants nationaux, ne sont pas des «patrimoines régionaux» mais des symboles de référence nationale, qu'ils appartiennent au peuple algérien dans sa totalité. C'est exactement ce que je dis et martèle chaque fois que je rencontre le public en Kabylie ou en France. Je souhaiterais aussi dire à l'ensemble de nos compatriotes d'où qu'ils soient, de changer leur regard sur nos dirigeants: ne plus les percevoir à travers leur région d'origine mais tout simplement comme Algériens. Pour certains il faut que cesse ce rejet allergique de tout ce qui vient de la Kabylie. Les Kabyles et la Kabylie c'est aussi l'Algérie profonde. Je peux témoigner que c'est de cette façon que le conçoit l'immense majorité des habitants de la Kabylie, qui se sentent profondément Algériens car profondément Kabyles. «Par souci de justice», Chafik Mesbah souligne que «la période la plus féconde dans le parcours de Abane Ramdane fut celle où il formait avec Larbi Ben M'hidi un parfait binôme fonctionnant harmonieusement pour le plus grand profit de la

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ABANE RAMDANE FACE AUX SOMBRES AFFAIRESDU FLN Arrêt sur de nouvelles révélations

Jeudi, 30 Août 2012 13:32

Belaïd Abane débat avec le colonel Chafik Mesbah et apporte un éclairage nouveausur l'assassinat de Bennaï Ouali.

Mohamed Chafik Mesbah m'avait appelé lorsqu'il préparait son entretien àL'Expression sur Abane. Il voulait avoir mon avis sur un certain nombre de points etm'avait posé au pied levé des questions auxquelles il n'était pas possible de répondreau téléphone.

Je lui avais cependant indiqué qu'Abane ne m'appartenait pas, que j'étais unchercheur comme lui et tant d'autres, que je n'avais aucune autorité universitaire quiferait en sorte que mon avis soit plus «autorisé», voire indépassable pour tout ce quiavait trait au parcours et à la personnalité de Abane. J'ai cependant donné mon pointde vue concernant la «violence» et «l'impulsivité» du caractère de Abane, qu'il avaitévoquées. J'avais en effet précisé contrairement à ce qui est dit çà et là que Abaneétait porté à dire ce qu'il pensait et à faire ce qu'il disait. Que cela relevait plus d'uneculture familiale que de la symptomatologie d'une quelconque irritabilité d'originethyroïdienne ou ulcéreuse, comme on a eu souvent tendance à le rabâcher. On peut sion veut, appeler ça violence ou impulsivité.Dans sa contribution à L'Expression, il évoque également, un «caractère retors» quiaurait incité Krim à baisser le pouce, scellant ainsi le sort de Abane: sa mise à mortpar «ses pairs du CCE». Cet aspect me paraît être une partie mineure de la vérité.«Son franc-parler lui coûtera la vie plus tard.» «En partie», précise Chafik Mesbah.Nous sommes d'accord.

L'aide de Ben KheddaNous sommes également d'accord que Abane, comme Didouche, Ben Boulaïd,Boudiaf, Ben M'hidi, Amirouche, Zighout et tous nos héros et dirigeants nationaux,ne sont pas des «patrimoines régionaux» mais des symboles de référence nationale,qu'ils appartiennent au peuple algérien dans sa totalité. C'est exactement ce que je diset martèle chaque fois que je rencontre le public en Kabylie ou en France. Jesouhaiterais aussi dire à l'ensemble de nos compatriotes d'où qu'ils soient, dechanger leur regard sur nos dirigeants: ne plus les percevoir à travers leur régiond'origine mais tout simplement comme Algériens. Pour certains il faut que cesse cerejet allergique de tout ce qui vient de la Kabylie. Les Kabyles et la Kabylie c'est aussil'Algérie profonde. Je peux témoigner que c'est de cette façon que le conçoitl'immense majorité des habitants de la Kabylie, qui se sentent profondémentAlgériens car profondément Kabyles.

«Par souci de justice», Chafik Mesbah souligne que «la période la plus féconde dansle parcours de Abane Ramdane fut celle où il formait avec Larbi Ben M'hidi unparfait binôme fonctionnant harmonieusement pour le plus grand profit de la

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Révolution». Il est certain que Abane et Ben M'hidi ont formé un tandem intelligentet efficace et qu'«ils se sont complétés l'un l'autre dans la tâche gigantesque deconsolidation du Mouvement national à un moment crucial de son histoire», commel'écrira plus tard Ben Khedda. Cependant, par souci de précision et de vérité, il fautrappeler que Ben M'hidi était arrivé à Alger, venant du Caire via Oran, en mai 1956.Que la période féconde dans le parcours de Abane c'était aussi, l'unification dumouvement de Libération nationale par l'entrée au FLN des centralistes, de l'Udma,des Ouléma dont les élus furent d'abord poussés à la démission enlevant au systèmecolonial son principal alibi, puis le ralliement de l'appareil militaire (les combattantsde la liberté) et logistique du Parti communiste algérien. C'est aussi au cours de cettepériode que furent rétablis les contacts avec les wilayas, la Délégation extérieure, quefurent approchés les étudiants et les lycéens, les commerçants, que fut impulsée lanaissance de l'Ugta, que fut désamorcée la colère des Mozabites doublement surtaxéspar le FLN et le MNA et que, sur commande de Abane, Moufdi Zakaria accepta decomposer, Kassaman. Que naquit l'idée d'une rencontre nationale des chefs de laRévolution et fut mise en place une commission de rédaction pour la préparation duCongrès de la Soummam, que fut créé le journal El Moudjahid. Tout ce travail fécondavait été réalisé avant l'arrivée de Ben M'hidi et plutôt avec l'aide de Ben Khedda.Pour la suite bien entendu (Congrès de la Soummam, Bataille d'Alger...), l'apport deBen M'hidi fut considérable.Revenons à l'objet de ma réaction d'aujourd'hui. Chafik Mesbah m'a fait l'amitié deme demander mon avis après leur publication, sur la teneur de son article et sonadditif. J'en profite pour lui dire que j'ai été très sensible à sa démarche, en leremerciant pour le grand cas qu'il fait de mon point de vue sur ses déclarations.Néanmoins, je me sens le devoir de répondre publiquement et de porter à laconnaissance du public quelques précisions sur ces questions très délicates et nonmoins complexes soulevées dans son article dont j'ai fait une lecture très attentive. Jene vais pas rentrer dans les détails que le lecteur trouvera dans Résistancesalgériennes (Casbah 2011) et bientôt dans mon prochain livre. Je voudrais revenir surquelques points soulevés par Chafik Mesbah dans l'additif de son entretien.

«Ma vision des choses»

Premièrement je suis étonné par ce «rectificatif» qui ne l'est pas en vérité tant il a, àl'évidence la teneur d'un additif de rééquilibrage. Connaissant la rigueur etl'honnêteté intellectuelles de Chafik, je suis également étonné par ces affirmationsgraves assénées comme un couperet dans un «errata» d'une page, sansargumentation et sans références. Je lui ai fait part à deux reprises de ma vision deschoses quant à la liberté de chacun de s'exprimer sur les sujets de son choix. Cetteliberté, je la revendique aussi pour moi-même et entends en faire usage chaque foisqu'il me paraît nécessaire de porter la contradiction de manière amicale, sinonsereine. Et, connaissant son ouverture d'esprit et sa disposition au dialogue fécond, jeme permets en toute amitié de lui faire remarquer qu'il a fait preuve d'imprudence,voire de légèreté dans sa façon de présenter les choses.S'agissant de la fin malheureuse et tragique de Si Ouali N'Senior, Bennaï Ouali, deson vrai nom, j'ai eu l'occasion de dire à Maître Ali Yahya Abdenour avec lequel j'aiévoqué cette question, à quel point je trouvai scandaleux, voire ignominieux le fait dejuger, condamner et exécuterdes hommes, et quels hommes (Bennaï Ouali, Amar Ould Hamouda, M'Barek AïtMenguellet...) pour leurs opinions passées ou même pour leurs comportementspolitiques car il ne s'agit ici que de politique.

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J'évoque ici Abdenour Ali Yahya car son témoignage me paraît fondamental pourdémêler les fils de cette sombre affaire qui a conduit à l'exécution de ces grandesfigures de notre longue lutte pour la liberté. Nous y reviendrons.Je dois à la vérité de commencer par dire, ce qui n'est un secret pour personne, queAbane considérait que la question berbère était à la fin des années 1940, prématurée,que l'urgence était de mettre à bas le système colonial et qu'à ce titre il ne sedémarquait pas de la ligne générale du Parti. Ce que me confirmera MabroukBelhocine qui a vécu de près la crise de 1949 et en a connu donc tous les ressorts. Sontémoignage plus complet est rapporté dans mon prochain livre.

Berbéristes ou messalistes?

Les autres chefs kabyles de la direction intérieure, notamment Krim et Ouamraneétaient exactement sur la même ligne: la fin du colonialisme d'abord, le règlementdes problèmes algéro-algériens, ensuite, après l'Indépendance. Pour Abane surtout,mais aussi pour Krim, Ouamrane et Amirouche pour ne citer que ces quatre grandschefs kabyles de l'intérieur, il ne doit pas y avoir de dissonances. Aucune autrequestion, qu'elle soit identitaire ou sociale, ne doit interférer avec la Révolution nisurtout la faire dévier de son objectif sacré: la fin du colonialisme. Tout ce quiviendrait contester le bien-fondé de la démarche sur le fond ou sur la forme, ougêner, contrarier le projet libérateur ainsi conçu, était assimilé sans nuances à de lacontre-révolution ou même à de la trahison. «Tous ceux qui ne sont pas avec noussont contre nous!» Tel était le credo de ces chefs «fous de nationalisme» prêts à tousles sacrifices mais aussi à tous les excès.Et les excès, il y en aura à foison. L'un de ceux-là fut commis au début de l'année1956. Amar Ould Hamouda et M'Barek Aït Menguellet, deux éminents militants duMouvement national et de la cause indépendantiste, sont convoqués au PC de lazone III (future wilaya III), à Aït Ouabane, un gros village niché entre deux muraillesrocheuses du Djurdjura. C'est là que les attendent Krim Belkacem, Amar Ouamrane,Mohamedi Saïd et Amar Aït Chikh, les 4 grands chefs de la Kabylie à la fin de l'année1955. Ils seront jugés, condamnés et exécutés pour des raisons qui restent à ce jourtrès floues. Et, comble d'ironie et de cynisme, les motifs sont une chose et soncontraire: accointance messaliste d'une part et berbérisme d'autre part, cette idéologieidentitaire nationale, antinomique du messalisme, plutôt panarabiste et wahabiste.A ces deux griefs, il faut ajouter, par souci de vérité, deux points: d'abord ce quipouvait être interprété à l'époque comme des atermoiements, notamment après lescoups de semonce donnés aux politiques constantinois par Zighout le 20 août 1955pour signifier aux dignitaires ouléma et aux partisans de Ferhat Abbas que nul nedevait rester en dehors de la mêlée. Il y a ensuite que Bennaï Ouali et Amar OuldHamouda, tous deux anciens membres du comité central du PPA-MTLD, exclusaprès la crise politico-identitaire de 1949, étaient quelques années auparavant deschefs politiques et paramilitaires de la Kabylie. Krim et Ouamrane en étaient lessubordonnés. Aussi, la procédure expéditive de leur mise à mort pourrait égalementrenvoyer à quelque parcelle sombre de l'inconscient de ces hommes devenus leschefs incontestés de la Kabylie.S'il a sans doute été informé de ce qui s'était passé à Aït Ouabane, Abane occupé àAlger à d'autres tâches et, dès l'automne 1955, à la préparation du Congrès de laSoummam, n'y était pas mêlé de près.

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Ali Yahia rencontre Abane

On peut gloser encore et encore sur cet épisode tragique de notre histoire. Le fait estque la liquidation de Amar Ould Hamouda et de M'barek Aït Menguellet annonçaittout logiquement d'autres liquidations. Bennaï Ouali ne s'y était pas lui-mêmetrompé, qui charge Abdenour Ali Yahia d'une «mission» auprès de Abane. Voici unextrait de son témoignage recueilli le 4 avril 2012 à son domicile d'El Biar en présenced'un ami commun.«J'étais à l'époque responsable syndical. J'ai rencontré Abane trois fois. La première aété très brève. Il était en train d'écrire. Il écrivait tout le temps. Il ne leva les yeux quepour me lancer une remarque désobligeante sur mon frère Rachid. La seconde s'estdéroulée quelques jours avant la grève générale des 8 jours. J'étais allé lui présenterun rapport sur l'opportunité de la grève et sa durée. J'ai considéré que huit joursc'était beaucoup et que le peuple allait en pâtir durement. Je lui ai proposé une grèvede deux jours au lieu de huit. Sans précautions de langage, il m'envoie balader en medisant: «Comment ça? Alors viens prendre notre place.La Révolution a pris une décision et toi tu arrives avec une nouvelle proposition!»Nous nous sommes revus une troisième fois durant plusieurs heures. J'étais allé levoir de la part de Bennaï Ouali pour lui transmettre un message de ce dernier. «Dis àAbane qu'on est en train de creuser ma tombe. Sachez que vous êtes tous en train decreuser la vôtre. ´´Ce à quoi Abane me répond ´´Moi je suis là pour servir laRévolution. C'est la seule chose qui m'importe. Je sais qu'il y aura des erreurs. ´´Il merajouta: ´´Parle-moi de Ouali Bennaï et d'Amar Ould Hamouda´´, car il ne lesconnaissait pas puisqu'il avait milité dans le Constantinois...»En décryptant la chronologie de ce témoignage, on peut être certain- Abdenour AliYahia le confirmera sans doute dans son prochain livre- que sa dernière rencontreavec Abane avait eu lieu après le Congrès de la Soummam. Or, c'est à la Soummamque fut prise la décision collégiale de liquider tous les «contre-révolutionnaires», lesmessalistes mais aussi les berbéristes. Une lettre datée du 20 août 1956, signée parBen M'hidi, Krim, Abane, Ouamrane, Zighout, Bentobbal et Si Chérif (Ali Mellah,Ndla) assure les responsables de la Fédération de France du FLN de la confiance desdirigeants soummamiens, appuyant leur «travail de clarification, de consolidation duFLN en France et de liquidation des berbéristes, des messalistes et autres contre-révolutionnaires qui continuent leur travail de sape et de division au sein del'émigration algérienne (Anne-Marie Louanchi, Salah Louanchi. Parcours d'unmilitant algérien. Editions Dahlab, 1999).La mise à mort de Bennaï Ouali a-t-elle été décidée expressément à la Soummam ouétait-elle inscrite dans la logique implacable de l'hégémonisme FLN? Dans l'un oul'autre cas, la décision était collective: elle émanait du CCE, l'instance exécutivesuprême de la Révolution. Affirmer, comme l'écrit Chafik Mesbah, que «AbaneRamdane était expéditif dans certaines de ses décisions» et qu'«il n'avait pas hésité àordonner l'exécution de Bennaï Ouali, figure emblématique du PPA-MTLD enKabylie, lequel était accusé de berbérisme», relève du raccourci imprudent. Est-il eneffet prudent de lancer sans les restituer dans leur contexte historique, desinformations aussi sensibles à la face d'un pays meurtri et encore et toujourstourmenté par son histoire, et d'une Kabylie traumatisée dans sa chair et dans soncoeur?

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Décisions collégiales

Revenons à la tragédie de Djemaa N'Saridj. Comment au demeurant peut-onimaginer Abane donnant l'ordre à l'ALN de Kabylie d'abattre Bennaï Ouali, et ce à labarbe d'un Krim Belkacem dont on connaît le sens obsessionnel de la préséance et lavolonté pointilleuse de préserver son pré carré kabyle. Car ne l'oublions pas, BennaïOuali a été abattu en Kabylie, le 17 février 1957 dans son village natal.Que Abane ait eu par la suite le courage d'assumer les décisions du CCE est un faitparfaitement crédible. Il était en effet dans sa nature de ne jamais se défausser surd'autres. Maître Ali Yahia que j'ai interrogé au lendemain des déclarations de ChafikMesbah, m'a confirmé que la décision de mise à mort de Bennaï Ouali était unedécision collective du CCE et n'était absolument pas une décision personnelle deAbane. Il apportera sans doute, comme il le promet, plus de détails dans sonprochain livre sur cette malheureuse affaire.Au surplus, la lecture attentive des livres de Saad Dahlab (Mission accomplie,Editions Dahlab, 1990) et de Benyoucef Ben Khedda (Abane, Ben M'hidi, leur apportà la révolution algérienne, Editions Dahlab 2000), tous deux membres du CCE auxcôtés de Ben M'hidi, Krim et Abane, nous apprend que le principe de la collégialitéau sein de l'instance exécutive suprême de la Révolution, le CCE, n'était pas un vainmot, que «tout devait être discuté et décidé de la façon la plus démocratique»(Dahlab), même s'il est vrai aussi qu'«il y avait comme une entente tacite, une espèced'unanimité à faire confiance à Abane et à lui reconnaître le leadership parce qu'ilétait homme de décision, animateur et coordonnateur hors pair...» (Ben Khedda).Ceci dit, Abane comme tous les hauts responsables de la Révolution, n'était pas undirigeant infaillible.Loin s'en faut. Son parcours n'a pas été exempt d'erreurs. Ceux qui l'ont connu dansle feu de l'action attestent que ces dernières sont pour la plupart liées à sa vision del'unité nationale et de la Révolution, sacralisées à l'excès, lesquelles devaient primersur tout, partout et en toutes circonstances, sans nuances et sans réserve. Il y eut bienévidemment des erreurs tactiques. Notamment celles qui le rapprocherontinexorablement d'une mort déjà bien inscrite dans les projets et les ambitions depouvoir. Cela est une autre histoire. J'y reviendrai en détails dans mon prochainlivre.

* Neveu de Abane Ramdane et auteur du livre «Ben Bella, Kafi, Bennabi contre Abane»

Par Pr Bélaïd ABANE