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Synthèse – 5 juin 2013 – ESA / ESSEC Mutabilités, externalités, inclusions : cultiver l'économie dans son territoire Plus que jamais réel aujourd’hui, un territoire en mutations économiques est amené à questionner sa compétitivité, que nous comprenons comme le fruit d’une dynamique d’inclusion par l’activité économique et sociale. Non moins central, un territoire en mutation est aussi soumis au principe d’adaptabilité (de ses espaces, de ses fonctions…) de plus en plus requis et sur lequel s’élaborent de(s) stratégie(s) de développement et d’aménagement. Pour cela, une gouvernance cohérente et innovante est essentielle et à considérer dans le cadre de temporalités variables (économique, politique, sociétale…) qui constituent tout territoire. Dans le souci de ces deux enjeux, compétitivité inclusive et adaptabilité, notre réflexion étudie, au-delà du schéma classique de gouvernance, une nouvelle dynamique de leadership, autour de différents acteurs locaux, dont les synergies seraient en mesure de produire elles-mêmes de l’économie et de l’aménagement urbain. En effet, au cœur de nos perspectives pour un territoire en 2030, figure la consolidation d’une gouvernance publique « facilitatrice » plutôt « qu’organisatrice » de développement économique sur le territoire : - une intervention publique a posteriori du projet, un accompagnement plutôt qu’un pilotage intégral, - une mobilisation des citoyens née de situations concrètes, en réponse à un besoin partagé, créatrice de valeur et d’économie : les gens agissent plutôt qu’ils ne proposent. En somme, une citoyenneté au service de l’économie. Cette « production de la ville autrement », à l’appui d’une chaîne régénérée d’acteurs locaux, a commencé à émerger en réponse à la crise qui a affecté durablement certaines populations à partir de 2010, et à la volonté de collectivités locales de favoriser une économie diversifiée, aux formes multiples, « accessible à tous ».

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Mutabilités, externalités, inclusions : cultiver l'économie dans son territoire

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Synthèse – 5 juin 2013 – ESA / ESSEC

Mutabilités, externalités, inclusions : cultiver l'économie dans son territoire

Plus que jamais réel aujourd’hui, un territoire en mutations économiques est

amené à questionner sa compétitivité, que nous comprenons comme le fruit d’une

dynamique d’inclusion par l’activité économique et sociale. Non moins central, un

territoire en mutation est aussi soumis au principe d’adaptabilité (de ses espaces, de

ses fonctions…) de plus en plus requis et sur lequel s’élaborent de(s) stratégie(s) de

développement et d’aménagement. Pour cela, une gouvernance cohérente et innovante est essentielle et à considérer

dans le cadre de temporalités variables (économique, politique, sociétale…) qui

constituent tout territoire.

Dans le souci de ces deux enjeux, compétitivité inclusive et adaptabilité, notre réflexion

étudie, au-delà du schéma classique de gouvernance, une nouvelle dynamique de leadership, autour de différents acteurs locaux, dont les synergies seraient en

mesure de produire elles-mêmes de l’économie et de l’aménagement urbain.

En effet, au cœur de nos perspectives pour un territoire en 2030, figure la consolidation

d’une gouvernance publique « facilitatrice » plutôt « qu’organisatrice » de

développement économique sur le territoire :

- une intervention publique a posteriori du projet, un accompagnement plutôt qu’un

pilotage intégral,

- une mobilisation des citoyens née de situations concrètes, en réponse à un besoin

partagé, créatrice de valeur et d’économie : les gens agissent plutôt qu’ils ne proposent.

En somme, une citoyenneté au service de l’économie.

Cette « production de la ville autrement », à l’appui d’une chaîne régénérée d’acteurs

locaux, a commencé à émerger en réponse à la crise qui a affecté durablement certaines

populations à partir de 2010, et à la volonté de collectivités locales de favoriser une

économie diversifiée, aux formes multiples, « accessible à tous ».

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Des métiers d’art à l’économie circulaire : faire de l’économie à partir du territoire

Nos travaux s’appuient notamment sur un cas théorique, le territoire de Pantin, au riche potentiel d’étude. Située en première couronne parisienne, la ville de

Pantin a longtemps été caractérisée comme ville de banlieue industrielle et populaire,

avant de connaître aujourd’hui une phase d’expansion (10% de croissance

démographique en 10 ans et plus de 5 000 emplois crées sur son territoire au cours de

la même période) et d’intégrer une communauté d’agglomération, 1Est Ensemble. En

pleine mutation, Pantin présente un véritable potentiel de projets en cours,

suffisamment récents pour ouvrir un espace d’étude. Pour autant, les fractures urbaines

persistent et la gentrification se développe, renvoyant tout particulièrement à l’enjeu de

gouvernance évoqué plus haut.

Pantin bénéficie d’une position stratégique, aux portes de Paris.

Les stratégies de développement économique, qui programment une

compétitivité « classique » du territoire, fonctionnent le plus souvent dans un schéma classique de gouvernance : un pilotage bicéphale entre l’élu (portage politique,

1 9 communes : Bobigny, Bagnolet, Bondy, Pré-Saint Gervais, Noisy le sec, Romainville,

Montreuil, Les Lilas, Pantin

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selon la « vision » du territoire) et l’expert de l’urbain (qui optimise les contraintes

techniques et règlementaires dans une logique de profitabilité). Mais de fait, la

conjonction de ces deux logiques ne permet pas d’estomper les fractures urbaines,

politiques et sociales. Elle aboutit souvent à du zoning, une réalité observée à Pantin via

ses fracture urbaines (voies ferrées, périphérique, zone industrielle, logements

sociaux…). Si d’autres acteurs locaux sont parfois sollicités ponctuellement, et de

manière non contraignante pour le décideur, comme les habitants au fil de

concertations, le processus de décision demeure globalement déterminé par les visions

et objectifs prédéfinis de chacun de ses deux pôles, entre rentabilité technico-

économique et argumentation politique. Cela compromet la diversité des fonctions

urbaines d’un territoire et de leurs ancrages et expressions sociales, notamment dans la

recherche d’un équilibre habitat / travail.

Pour répondre à cet enjeu de diversité,

générer plus de synergies entre acteurs locaux est essentiel. Plusieurs responsabilités de terrain seraient

donc à mobiliser : non seulement les élus et

les aménageurs, mais aussi, et même avant,

des habitants « tête de réseaux », des

acteurs économiques et tout acteur

opportun en fonction du projet. Chacun peut

être amené à diversifier ou à changer son rôle

au cours du projet commun, l’habitant

devenant par exemple acteur économique ou

inversement. Ces synergies, non formalisées mais

pérennisées par la dynamique qu’elles

génèrent, travailleraient à « fabriquer de

l’économie » en conjuguant des intérêts respectifs :

les intérêts particuliers de chacun et la capacité à produire ensemble des valeurs

collectives.

C’est cela que la Ville de Pantin et sa Communauté d’agglomération Est Ensemble ont

bien compris, dès les années 2010. En 2030, l’innovation économique est reine et le

territoire déjà en profond changement, à des échelles et grâce à des jeux d’acteurs

différents.

L’histoire de deux filières nouvelles est particulièrement remarquable.

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1. Le pôle des métiers d’art de Pantin se développe à partir des quartiers, crée de

l’emploi et contribue au renouvellement des zones d’habitat qu’il côtoie.

L’actuel pôle des

Métiers d’Art de Pantin

(cf la carte ci contre, en

points rouge) comprend

des locaux réhabilités

mais le développement

de la filière implique un

besoin de surface accru

pour les professionnels.

La zone est limitrophe de

quartiers résidentiels

(habitat mixte, quelques

maisons et résidences).

Se profilent donc :

- un besoin de surface pour les ateliers,

- des espaces inutilisés chez les particuliers et les entreprises

- et un manque de budget (chez les particuliers ou de copropriété) pour rénover des

espaces collectifs insalubres dans l’habitat (cage d’escalier, ascenseur…)

Se dessine alors l’opportunité de mettre à disposition, à l’amiable, des locaux et bouts

de terrain de particuliers sous exploités au profit des professionnels, en contrepartie d’un

loyer ou d’une prise en charge directe de ces travaux par de petites entreprises locales.

Cela implique quelques aménagements pour adapter les locaux à l’utilité

professionnelle, notamment la déconstruction de cloisons donnant sur l’extérieur, et non

prévue dans le PLU municipal et dans les règles d’affectation (habitat / activité).

Pour aménager les ateliers, les artisans sollicitent l’aide de quelques jeunes des

résidences (en recherche de « petit boulot »). Ceux-ci en profitent alors pour découvrir la

réalité des métiers d’art, et pourquoi pas, les opportunités professionnelles.

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Ces aménagements prennent notamment la forme de constructions temporaires (dans les

jardins).

A l’inverse, une entreprise disposant d’un terrain pourrait accueillir pendant quelques mois

un artisan d’art itinérant venu échanger son savoir-faire et ses idées, qui y loge (mobil

home) et travaille avec des artisans locaux dans leurs ateliers.

Une fois installés, ces artisans ont besoin d’un peu de main d’œuvre pour se

développer, mais sans budget disponible pour prendre des apprentis. Une proposition

simple alors : un travail à l’atelier (non rémunéré) en échange d’une formation terrain.

Pas de sécurité de l’emploi certes, mais une réponse pragmatique à des intérêts

compatibles : une recherche d’emploi / un besoin de main d’œuvre.

A moyen terme, il devient possible, en complément de la formation terrain, de mobiliser des

formateurs de la municipalité avec le CFA ou autre organisme.

Cette proximité habitat / ateliers est créateur de synergies et de mixité sociale : les

particuliers aussi s’initient à une forme d’art « brut » et se mettent à récupérer leur

matériau usé, sur les conseils des artisans sur place.

La municipalité n’interviendra qu’ensuite, sur plusieurs plans : accompagner la

réhabilitation des logements insalubres en financement le complément de travaux

nécessaires (en + du revenu des loyers des ateliers) ; valider l’expérience professionnelle des

jeunes chômeurs ayant pu rejoindre les ateliers ; mettre en place une école de formation

dans ce quartier des métiers d’art pour accompagner cette filière sous forme

d’apprentissage.

Les artisans du pôle étant regroupés en association, celle-ci profite alors de cette

dynamique pour sensibiliser les jeunes à ces métiers, au sein même des résidences

accueillant des ateliers. Parallèlement, la Maison Revel2, centre de ressource et promoteur

du quartier d’Art, développe des visites d'ateliers, rencontres, projections, workshops et

conduit la Biennale Déco et Création d'Art.

2. L’économie circulaire (à partir d’échanges de troc, tri et recyclage) fédère

différents acteurs du territoire, mobilisés différemment dans une chaîne de

production et constitue ainsi une filière d’avenir à soutenir.

Dans une conjoncture difficile, beaucoup de ménages rencontrent des difficultés à

boucler leurs fins de mois. A la suite d’une brocante de quartier ayant connu un franc

succès, quelques copropriétaires proposent de mettre à disposition un garage inutilisé pour

entreposer ce dont les résidents veulent se débarrasser ou pouvant convenir à d’autres : en

somme, un micro-système de troc.

Le troc entre particuliers prend forme peu à peu, mais faute d’informations

suffisantes sur les objets disponibles et à donner, cet espace devient en réalité un

amoncellement d’objets divers.

Pour trier plus rapidement tout cela, la co-propriété décide alors de faire appel aux

petites entreprises et artisans spécialisés du quartier et de leur mettre à disposition ces

objets délaissés. Plusieurs d’entre eux y trouvent leur affaire, mais le traitement de

récupération de ces trouvailles n’est pas adapté à leurs ateliers et ils manquent de main

d’œuvre bon marché.

2 Centre de ressources du Pôle Pantin Métiers d'Art 56, av. Jean-Jaurès 93500 Pantin

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Une solution pragmatique se profile : rémunérer à temps partiel quelques personnes

en ré-insertion professionnelle pour la répartition du recyclage au sein des entreprises

intéressées.

Ces mêmes entreprises en viennent à restructurer elles aussi leur gestion des déchets

(plastique, ferraille et métaux, déchets industriels banals, papiers, équipements

électriques…), car le tri et la valorisation de leurs déchets peuvent leur constituer une

source de revenu complémentaire…Une opportunité à considérer !

Mais reste à trouver des espaces disponibles pour le travail de récupération.

La collectivité s’y intéresse et décide d’aménager les quais et quelques entrepôts pour

organiser le développement de cette activité de recyclage, localisée près du canal de

l’Ourcq pour un acheminent des matières brutes vers des sites industriels de proximité

(Genevilliers par exemple).

En parallèle, des campagnes de sensibilisation au tri et des dispositifs à cet effet sont

distribués chez les particuliers et les entreprises.

A partir de ces entrepôts sur les quais, et dans une logique d’essaimage pour acheminer ces

différentes matières brutes, des péniches sous-exploitées (industrielles et de particuliers qui

souhaitent s’en défaire) sont remises en état pour accueillir cette activité de fret.

Les responsables de ces acheminements, pris en charge par la municipalité, se voient

proposer d’habiter sur ces péniches, et plusieurs autres péniches réhabilitées permettent

même d’accueillir des personnes en errance ou en difficulté financières tout au long de

l’année (accueil géré par une association).

L’activité locale de tri et recyclage née à Pantin s’émancipe alors pour changer

d’échelle territoriale, se relier à d’autres territoires complémentaires (Gennevilliers,

Argenteuil, Aubervilliers…) et essaimer l’activité.

In fine, l’économie de troc en vient à rejoindre le circuit classique pour une

complémentarité dans l’échange.

A bord des péniches, cette dynamique et ce type d’activité sont donc à considérer en

mutation continue, car ces plateformes comme les rives du canal sont précisément des

espaces mixtes, ouverts aux différentes fonctions urbaines (industrielles, loisirs, services…).

A terme, selon le succès du projet, la surface d’activité est amenée à s’étendre pour créer de

nouveaux espaces de proximité, notamment à partir du pont, élément plastique aux

différentes échanges, connexion des trames urbaines et nouvelle centralité de l’espace

public.

La ville autrement : faire du territoire à partir de l’économie

Ces deux aventures se sont d’abord développées séparément, avant de trouver des

synergies entre elles après quelques années, à l’horizon 2040. Sans objectif précis au

départ, elles répondent simplement, concrètement à des opportunités que la puissance

publique vient accompagner, faciliter, une fois que les acteurs opérationnels ont

identifié leur besoin et enclenché leur dynamique.

La vie locale et son économie s’organisent donc dans une large mesure ensemble à partir

de situations et d’initiatives individuelles qui réunissent au cas par cas des particuliers,

des associations et des acteurs économiques proprement dits. Des acteurs et dispositifs

plus institutionnels s’y ajoutent ensuite, lorsque nécessaire, peut-être plus souvent

d’ailleurs pour autoriser ce qui ne l’est habituellement pas, que, comme autrefois, pour

encadrer.

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Dans un rôle très différent de ce qu’ils avaient imaginé au début des années 2000, élus et

services locaux ont aussi adopté, pour eux-mêmes, une culture de la disponibilité et de

l’innovation. La Région Ile-de-France a fait de ces nouvelles dynamiques un axe fort de

ses interventions, notamment en repensant ses dispositifs de formation et de soutien de

l’innovation économique et sociale.

L’économie de l’après crise rejoint l’économie de l’optimisation des ressources et celle

de l’inclusion sociale. Cela n’est pas sans rappeler, d’une manière très différente,

l’économie de friche, la vie des « faubourgs », proches du rebus mais sources d’une

nouvelle économie, appelée à prendre de la valeur et inspirante pour les gens. Un espace

d’innovation sociale et de diversification des activités et des entreprises. Une « Fabrique

de la cité » dans un sens renouvelé.

Le 21ème siècle réinvente cette improvisation, cette liberté, au-delà des schémas

classiques de gouvernance, pour « faire de la ville » autrement.

A horizon 2030-2040, cette dynamique n’est pas celle d’une « sous-économie » mais

bien au contraire ce qui aura favorisé le développement de la nouvelle économie circulaire généralisée grâce à une très grande souplesse d’adaptation et une grande

diversité des contraintes économiques. Ce processus très interactif permet en effet la

combinaison de « modèles économiques » très différents reposant sur des acteurs

variés du territoire, allant de la plus faible valeur ajoutée (un habitant qui améliore

sensiblement son logement par exemple) à la plus forte (celle d’un tissu d’entreprises

qui se construit en filière à part entière).

On peut par exemple observer cela sur des péniches, qui transportent des produits de

valeurs très différentes grâce à des chaînes logistiques diverses mais bien articulées

entre elles : de la « chaîne » industrielle très structurée à des transports par les petits

artisans eux-mêmes ou de nouveaux colporteurs, les ports étant par exemple organisé

pour permettre la convergence des uns et des autres.

Dans cette configuration, plusieurs interlocuteurs spatiaux se profilent et participent à

l’émancipation des projets locaux sur le territoire : le service de développement

économique local, les acteurs de la formation, de la culture, les urbanistes… La Région

favorise toutes les innovations que cette dynamique impose aux uns et aux autres grâce

à sa souplesse d’intervention et sa réactivité.

Au cœur de cette logique, intervient aussi la responsabilité territoriale des entreprises, notion émergente qui intègre l’entreprise dans le « patrimoine citoyen »

d’un territoire. Parce que des gains de compétitivité réels sont identifiables pour des

entreprises impliquées dans leur environnement, celles-ci contribuent en retour à des

projets de développement local, conjointement avec les autres acteurs, et de manière

inclusive et non pyramidale.

En termes de formes urbaines ou architecturales, cette dynamique a favorisé une

interpénétration continue entre projets urbains et développement économique. A

l’échelle de Pantin, des voies et passerelles nouvelles ont ainsi été ménagées pour

décloisonner le territoire, favoriser les flux entre activités et les interactions entre

fonctions et services de travail et de résidence. Ici encore, les initiatives ont suggéré des

tracés et des formes d’aménagement peu familières aux urbanistes.

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La continuité urbaine est restée en effet pour Pantin un enjeu tout particulier, étant

donné sa configuration fracturée par des axes structurants : Canal de l’Ourcq et voie

ferrée Paris Est, ZA Bresson, ZA du Citrail, gare de triage… En pleine phase de

désindustrialisation (sous le départ des grandes usines de production comme Marshall,

Sanofi…), la ville de Pantin fut confrontée à un phénomène de libération de grosses

emprises foncières pour lesquelles il importe de garder le contrôle de leurs évolutions

futures.

Il s’agit notamment du projet d’aménagement du quartier de la gare, où la gestion de la

densité urbaine y est stratégique pour le territoire. A horizon 2030-2040, la nouvelle

économie circulaire permet précisément un équilibre « habitat-emploi », soit un levier pour réduire à la source les besoins de déplacements routiers et en conséquence, en faire une zone accessible à pied ou à vélo et soutenir ainsi en même temps une éco-mobilité. Ces

interactions suscitées entre fonctions de travail et de résidence, en quartier de gare, sont fortes d’enjeux, quand on peut noter que 70 % des actifs travaillent hors de leur commune de résidence (INSEE, donnée nationale).

En définitive, ce schéma de gouvernance à partir de l’inclusion de capacités

locales ne prend tout son sens que dans sa duplication sur plusieurs territoires. Cet effet

démultiplicateur intègre à cette approche un puissant moteur de développement territorial et ouvre ainsi de nouvelles perspectives de partenariats, pour faire de la

ville autrement, à partir du territoire et de son économie circulaire.

Dans le cas de Pantin, cela s’incarne, dans l’évolution de ses relations avec la

capitale, jusqu’alors difficiles, faute de réseaux et de rencontres d’acteurs. En réaction à

cette frilosité de franchissement du périphérique, et selon cette dynamique de

gouvernance renouvelée, des logiques de « micro » centre-ville se développent à horizon

2030/2040 en première couronne3, à partir des ressources internes, et recherchent une

coopération avec la capitale pour mieux tirer parti de l’activité économique. Un

phénomène que Pantin suit déjà en partie, dans le souci crucial de préserver sa mixité

fonctionnelle locale, et qu’une gouvernance inclusive « polycéphale » permettra

d’encourager.

3 Montreuil, Clichy, Levallois…

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Texte des enseignants

Nos villes sont depuis plusieurs décennies absorbées par des stratégies d'attractivité

économique fondées sur la « haute valeur ajoutée » et ordonnées par les

réglementations et l’aménagement urbains. Les activités économiques jugées peu

valorisantes sont reportées en périphérie ou mises en difficulté par l’impossibilité de

trouver des lieux répondant à leurs différents besoins, et avec elles une part croissante

de la population. Les étudiants ont choisi d'inverser cette logique en faisant place à une

économie qui émane du territoire et de ses forces sociales. Cela suppose un modèle

nouveau de gouvernance, capable d'épouser la dynamique des projets économiques et

territoriaux. Il en résulte des formations urbaines en évolution permanente, articulées

aux forces locales et internationales. C'est aussi la (re)création d'une culture vivante du

travail, directement liée à la production et inscrite dans la vie sociale quotidienne.

L'économie retrouve une diversité de lieux et de valeurs. Le territoire crée son

aménagement et non plus l'inverse. Voici le territoire circulaire d’une nouvelle économie

circulaire.

Les étudiants ESA et ESSEC ont ainsi lancé un redoutable défi à la confrontation de leurs

deux cultures, spatiale et socio-économique. Comment en effet concrétiser et exprimer

la singularité et la pertinence d’idées finalement si complexes ? L'avancement du projet

a été marqué par trois étapes. A l'appropriation et la réinterprétation de la thématique

des ACU, phase enthousiaste, ont succédé doutes et difficultés pour mettre en œuvre des

idées multiples, les spatialiser dans un territoire. La singularité de Pantin, longuement

étudiée, offrait des caractéristiques intéressantes pour ce travail mais posait aussi de

nouvelles questions. C’est finalement après la présentation publique que les déclics

décisifs sont venus et que le projet a pris une réelle substance.

Ce travail relève davantage de la mise en marche d'un processus que d'un projet

précisément abouti. Il lance maintenant son défi à la décision publique et à la

planification technocratique.

Marlène Ghorayeb, Patrice Noisette, Jacques Sautereau

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Annexe : Formalisation des dynamiques d’un territoire

Une diversité des terrains d’action pour « faire de la ville » et développer un territoire : la

sphère économique, sociale et écologique, échelles complémentaires pour une ville durable.

Une logique d’essaimage dans l’aménagement des activités urbaines, grâce à la

complémentarité des différents acteurs et des échelles d’action.

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Enfin, une fois l’essaimage enclenché, différentes temporalités s’inscrivent dans le

développement d’un territoire, et ce, à l’appui de deux exigences stratégiques du projet

urbain : la réversibilité et la mutabilité.