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Alain Fournier – adolescence et symbolisme « Le Grand Meaulnes » , l’unique roman d’Alain Fournier, cache, sous la simplicité de la narration, tout un monde complexe rempli des rêves d’enfance de l’auteur. On peut dire qu’il s’agit d’un roman d’aventures, d’un roman d’adolescence, mais aussi d’un roman symboliste. En fait, le roman parle des charmes de l’enfance, des problèmes de la croissance et de l’abandon des rêves enfantins, mais d’une manière originale, voire symbolique. L’inspiration d’Alain Fournier se trouve dans la campagne de son enfance , dans ses rêves enfantins , dans son ravissement par la poésie symboliste , surtout par la poésie de Laforgue et de Jammes, et dans la rencontre de sa Femme idéale , Yvonne de Quiévrecourt, sur les marches du Grand Palais. Suvisno (La Correspondance qu’il entretint avec Jacques Rivière, son beau-frère permet de cerner ses goûts littéraires : les symbolistes, Maurice Maeterlinck, Jules Laforgue, Francis Jammes, Arthur Rimbaud, André Gide, etc. L'influence de Jammes est sensible dans l'effort de naïveté, celle de Laforgue dans l'idée d'une prose poétique. Comme Laforgue, en effet, il se sent un immense besoin de la Femme, mais de la Femme pure et d'une innocence parfaite.) L’influence du symbolisme chez Fournier se reflète dans son refus du réalisme et du positivisme , dans son retour à l’enfance et au passé , dans la recherche d’une femme idéale , ctd de l’Amour, et dans l’adoption d’une prose vraiment poétique . Dans son roman, c’est le narrateur, François Seurel, qui raconte la recherche de cet enfance parfaite mais perdue de son ami Augustin Meaulnes. Son histoire est une quête des magies d'un univers entrevu, retrouvé, puis quitté — symbole d'un bonheur qui ne se retrouve pas. L'espace et le temps se troublent, le roman va et vient entre rêve et réalité, confirmant soudain le fantasme dans la mort, vérité enfin fixée qui est aussi le refuge ultime du merveilleux de l'enfance. Les images symboliques apparaissent dès la première page du roman, par la description de l’école où François habite avec ses parents. De même, roman s’achève par la maison de Frantz où Le Grand Meaulnes habite avec sa fille. Ces maisons , symboles du foyer et du bonheur familiale encadrent les aventures à travers 1

Alain Fournier-adolescence et symbolisme

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Alain Fournier – adolescence et symbolisme

« Le Grand Meaulnes » , l’unique roman d’Alain Fournier, cache, sous la simplicité de la narration, tout un monde complexe rempli des rêves d’enfance de l’auteur.

On peut dire qu’il s’agit d’un roman d’aventures, d’un roman d’adolescence, mais aussi d’un roman symboliste. En fait, le roman parle des charmes de l’enfance, des problèmes de la croissance et de l’abandon des rêves enfantins, mais d’une manière originale, voire symbolique.

L’inspiration d’Alain Fournier se trouve dans la campagne de son enfance, dans ses rêves enfantins, dans son ravissement par la poésie symboliste, surtout par la poésie de Laforgue et de Jammes, et dans la rencontre de sa Femme idéale, Yvonne de Quiévrecourt, sur les marches du Grand Palais.

Suvisno (La Correspondance qu’il entretint avec Jacques Rivière, son beau-frère permet de cerner ses goûts littéraires : les symbolistes, Maurice Maeterlinck, Jules Laforgue, Francis Jammes, Arthur Rimbaud, André Gide, etc. L'influence de Jammes est sensible dans l'effort de naïveté, celle de Laforgue dans l'idée d'une prose poétique. Comme Laforgue, en effet, il se sent un immense besoin de la Femme, mais de la Femme pure et d'une innocence parfaite.)

L’influence du symbolisme chez Fournier se reflète dans son refus du réalisme et du positivisme, dans son retour à l’enfance et au passé, dans la recherche d’une femme idéale, ctd de l’Amour, et dans l’adoption d’une prose vraiment poétique.

Dans son roman, c’est le narrateur, François Seurel, qui raconte la recherche de cet enfance parfaite mais perdue de son ami Augustin Meaulnes. Son histoire est une quête des magies d'un univers entrevu, retrouvé, puis quitté — symbole d'un bonheur qui ne se retrouve pas. L'espace et le temps se troublent, le roman va et vient entre rêve et réalité, confirmant soudain le fantasme dans la mort, vérité enfin fixée qui est aussi le refuge ultime du merveilleux de l'enfance.

Les images symboliques apparaissent dès la première page du roman, par la description de l’école où François habite avec ses parents. De même, roman s’achève par la maison de Frantz où Le Grand Meaulnes habite avec sa fille. Ces maisons, symboles du foyer et du bonheur familiale encadrent les aventures à travers lesquelles les personnages du roman passent dans la quête d’une vie de leurs rêves.

Les personnages eux-mêmes sont des symboles participant dans l’aventure de l’auteur, qui est dans la recherche d’un absolu. Les personnages masculins, François, Meaulnes et Frantz de Galais représentent les 3 parties de la personnalité de l’auteur.

François, le narrateur, représente la réalité et le moment présent, et reflète les idées éthiques de l’auteur. Il traverse une phase qui mène à l’adolescence où l’attachement à la famille est remplacé par l’attachement à un chef, où il commence à refuser son entourage, à se rendre compte que ses parents ne sont pas idéaux. Alors il commence à créer son propre monde, sa propre famille, et c’est pourquoi il part à la recherche du monde des rêves et des aventures avec Meaulnes.

Dès son installation dans la nouvelle maison, il erre autour du puits, il est calme et timide et comme s’il avait peur de découvrir la cour. Symboliquement, il n’est pas prêt à découvrir le lieu le plus intime de son âme. Ce n’est qu’à l’arrivée de Meaulnes que François commence à changer, ctd à mûrir.

Frantz et un héros romantique, tourné vers l’avenir puisqu’il fait des projets sans cesse, et qui représente le rêve de l’auteur. Il refuse la réalité et tend à rester enfant à jamais. Son monde est fait des fêtes et rempli des enfants. Il cherche des aventures, joue toujours, et il voit même son propre mariage comme un jeu. Il se déguise et danse au cirque. Dans son imagination, il a déjà vu Valentine

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mener une vie idéale avec lui dans leur maison, une vie remplie des jeux enfantins et entourée des enfants au lieu des adultes. Mais elle existe, elle appartient à la réalité, et elle s’enfuit. C’est le moment où il doit ouvrir les yeux devant la réalité, ce qui le mène à la tentation de se suicider. Puis il erre en cherchant sa fiancée, ctd il revient symboliquement dans son enfance où il peut mener une vie extraordinaire et aventureuse, ce qui est d’ailleurs son idéal.

Meaulnes, lui est un adolescent qui refuse les limites déterminés par les adultes, il pressent et désire un grand événement qui va changer sa vie. Il est un héros symbolique, et il forme le lien entre la réalité de François et le rêve de Frantz. Et en même temps il représente les désirs réalisés de François. Il est tout ce que François voudrait être. Il est lié à son passé et à son rêve de la Femme idéale. Sa recherche et ses aventures représentent une aventure et une recherche spirituelle et esthétique, durant laquelle le héros se transforme. Après son aventure dans le domaine mystérieux, il n’est plus le même. « Ce bond dans le paradis » l’a éloigné des autres. Il ne lui a resté que François. On peut reconnaître dans ce moment la découverte de la poésie symboliste par Fournier et son amitié avec Jacques Rivière.

Les détails dans le roman suggèrent les événements extraordinaires qui vont se passer : avant de son arrivée dans le domaine mystérieux, Meaulnes s’est endormi, et lorsqu’il s’est réveillé, il ne sait plus où il se trouve. Donc, le chemin qui mène vers le domaine mystérieux est secret, il se trouve quelque part entre la réalité et le rêve. Les événements qui suivent - son cheval est blessé, la nuit est tombée, il est blessé lui-même pendant qu’il a soigné le cheval – représentent les obstacles symboliques qu’il doit surmonter afin de prouver son courage et arriver jusqu’à la fille.

Lorsqu’il est arrivé dans le domaine mystérieux, il y trouve un monde où règnent les enfants en costumes anciens, qui vivent selon les lois de leur imagination. Ce monde est un monde à rebours  : les enfants se comportent comme les adultes, et les adultes se disputent sans raison, comme les enfants. Dans le château il y a du sable, tandis que le parc et la cour sont parfaitement propres.

Il entend une musique lointaine et il se souvient de sa mère qui joue du piano. Comme si ces souvenirs lui suggéraient la rencontre avec sa Femme idéale. Le réalité se mêle avec le rêve, le passé avec le présent, Meaulnes se trouve dans une réalité absolue, ctd dans une sur-réalité.

Il rencontre une fille jouer du piano. Il ne voit que son dos, mais c’était un rêve pour lui, comme son rêve de jadis. Il a toujours rêvé d’une femme qui était assise au fond de son lit, et dont il n’a jamais vu le visage parce qu’il n’avait pas de force de sortir de son lit pour aller voir cette femme . Lorsqu’il voit cette inconnue dans le domaine mystérieux, il imagine qu'il est dans sa propre maison, marié, un beau soir, et que cette fille qui joue du piano est sa femme. Et elle devient sa Femme idéale. Il suit cette inconnue, ce qui est une des caractéristiques des adolescents.

Pendant son retour du domaine, il s’endormit de nouveau et le lieu où se trouve ce monde merveilleux reste un paradis qu’il ne peut pas retrouver.

La deuxième femme qu’il rencontre à Paris pendant qu’il cherche sa femme idéale, sera la cause de sa chute morale et de ses remords. Il se sent indigne d’Yvonne et le monde du domaine mystérieux devient symbole du bonheur passé.

Le mariage avec Yvonne ne sera pas le bonheur pour Meaulnes, parce qu’à ses yeux, le bonheur et le désir sont séparés. Elle n’est que L’Amour absolu, elle a les caractéristiques de l’art symboliste : elle est blonde, avec des vêtements blancs, et elle vit dans un château dans la nature, près de l’eau. Et c’est pourquoi elle ne peut pas faire partie de la vie réelle. Elle est symbole de la Femme pour Seurel aussi. Elle représente un rêve d’enfance perdu à jamais, elle est à la fois tout et rien, elle est mère et sœur, amante et amie, et mort. Elle doit rester inaccessible et elle ne peut pas vieillir, et c’est pourquoi elle doit mourir.

Et Valentine, la femme qui appartient à la réalité, est noire, toujours vêtue d’une robe noire, elle vit dans la ville, et elle a introduit Meaulnes dans le monde des adultes.

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Il rencontre Yvonne toujours dans la nature, dans un paysage impressionniste où les rayons du soleil se reflètent sur l’eau, tandis que ses rencontres avec Valentine ont lieu dans la nuit, près de la Seine, à Paris, sur l’asphalte gris. En plus, Valentine est toujours dans le noir : à part de ses vêtements, de ses yeux et ses cheveux noirs, elle habite dans un appartement sombre, dans une rue étroite et obscure et elle ne sort que le soir. Même son mariage avec Frantz devait se dérouler sous le clair de lune.

Ainsi sont opposées, d’une manière symbolique, les deux femmes, qui représentent l’une le rêve et l’idéal et l’autre la réalité.

La fin du roman est aussi symbolique : le départ de Meaulnes pour des aventures nouvelles représenterait le choix de Fournier d’être écrivain, puisque l’écriture de chaque nouvelle œuvre est bien une nouvelle aventure.

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