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L'ACTE DE NAISSANCE DES TROUPES ALPINES Le contexte géopolitique Depuis le premier Empire, il n'existe plus dans l'armée française d'unités spéciali- sées dans le combat en montagne comme l'avaient été, depuis le XVIe siècle, les compagnies franches de Lesdiguières, les fusiliers de montagne de Berwick ou les chasseurs des Alpes de Kellermann. A partir de la défaite de 1870 la nécessité de telles unités apparaît de plus en plus évidente. En effet, si la "ligne bleue des Vosges" représente l'objectif sacré, c'est en direction de la frontière transalpine que naissent les inquiétudes. Alors que la France avait été le principal acteur de sa création et de son unification, l'Italie subit l'attraction du système bismarckien. Dès 1872, elle crée les pre- mières unités "d'Alpini" dont quatre régiments sur sept sont positionnés face à la France. Bismarck, qui a réussi à isoler diplomati- quement notre pays en Europe, l'encou- rage cependant à poursuivre son expan- sion coloniale, en Afrique notamment. Mais l'Italie a aussi des visées africaines, en particulier sur la Tunisie, où vivent déjà dix mille de ses ressortissants. Le traité du Bardo, signé le 12 mai 1881, plaçant la Tunisie sous protectorat fran- çais, provoque une grave tension entre la France et l'Italie. Un an plus tard, le 20 mai 1882, celle-ci adhère à la Triple Alliance qui la lie pour cinq ans à l'Autriche-Hongrie, son ancienne enne- mie, et à l'Allemagne. •Après la signature, en 1887, d'un accord ecret avec l'Angleterre sur les problèmes méditerranéens, l'Italie se trouve au centre un réseau d'alliances défensives t offensives toutes orientées contre France dont elle devient l'ennemi potentiel. C'est dans ce contexte diplomatique et istorique que, le 24 décembre 1888, sont . stituées les troupes alpines françaises. Laloi modifiant l'organisation des bataillons de chasseurs à pied Journal officiel de la République françai- se 27 décembre 1888. Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté: le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit: Art. 1 - Le chiffre normal des compagnies de chaque bataillon de chasseurs à pied, fixé à quatre par le tableau C, annexé à la loi du 25 juillet 1887, est porté à six. Cette mesure sera immédiatement appli- quée aux douze bataillons stationnés sur le territoire des quatorzième et quinzième régions. Les autres bataillons seront successivement portés au même effectif suivant les néces- sités du service et les exigences budgé- taires. Art. 2 - La composition de l'état-major et des compagnies continuera à être réglée par le tableau C précité pour les dix-huit bataillons rattachés aux corps d'année. Les douze bataillons plus spécialement chargés d'opérer dans les régions monta- gneuses auront un effectif eomplémentai- re indiqué au tableau A annexé à la présente loi. Le ministre est autorisé, dans la limite des crédits dont il dispose, à apporter à la tenue et à l'équipement de ces derniers les modi- fications nécessitées par le climat des régions où ils ont à manœuvrer . Art. 3 - Les chefs de ces douze bataillons peuvent, pour moitié, être maintenus dans leur emploi, quand ils sont promus au grade de lieutenant-colonel. La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l'Etat. Fait à Paris, le 24 décembre 1888 . Par le président de la République Carnot Le ministre de la Guerre, C. de Freycinet 15

ALPINS ET NICOIS DE LA BELLE EPOQUE 1870/1914

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BCA DES ALPES MARITIMES

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L'ACTE DE NAISSANCEDES TROUPES ALPINES

Le contexte géopolitiqueDepuis le premier Empire, il n'existe plusdans l'armée française d'unités spéciali-sées dans le combat en montagne commel'avaient été, depuis le XVIe siècle, lescompagnies franches de Lesdiguières, lesfusiliers de montagne de Berwick ou leschasseurs des Alpes de Kellermann.A partir de la défaite de 1870 la nécessitéde telles unités apparaît de plus en plusévidente. En effet, si la "ligne bleue desVosges" représente l'objectif sacré, c'est endirection de la frontière transalpine quenaissent les inquiétudes.Alors que la France avait été le principalacteur de sa création et de son unification,l'Italie subit l'attraction du systèmebismarckien. Dès 1872, elle crée les pre-mières unités "d'Alpini" dont quatrerégiments sur sept sont positionnés face àla France.Bismarck, qui a réussi à isoler diplomati-quement notre pays en Europe, l'encou-rage cependant à poursuivre son expan-sion coloniale, en Afrique notamment.Mais l'Italie a aussi des visées africaines,en particulier sur la Tunisie, où vivent déjàdix mille de ses ressortissants.Le traité du Bardo, signé le 12 mai 1881,plaçant la Tunisie sous protectorat fran-çais, provoque une grave tension entre laFrance et l'Italie. Un an plus tard, le20 mai 1882, celle-ci adhère à la TripleAlliance qui la lie pour cinq ans àl'Autriche-Hongrie, son ancienne enne-mie, et à l'Allemagne.•Après la signature, en 1887, d'un accordecret avec l'Angleterre sur les problèmes

méditerranéens, l'Italie se trouve au centreun réseau d'alliances défensives

t offensives toutes orientées contreFrance dont elle devient l'ennemi

potentiel.C'est dans ce contexte diplomatique etistorique que, le 24 décembre 1888, sont

. stituées les troupes alpines françaises.

La loi modifiantl'organisation des bataillons

de chasseurs à piedJournal officiel de la République françai-se 27 décembre 1888.Le Sénat et la Chambre des députés ontadopté:le Président de la République promulgue laloi dont la teneur suit:Art. 1 - Le chiffre normal des compagniesde chaque bataillon de chasseurs à pied,fixé à quatre par le tableau C, annexé à laloi du 25 juillet 1887, est porté à six.Cette mesure sera immédiatement appli-quée aux douze bataillons stationnés sur leterritoire des quatorzième et quinzièmerégions.Les autres bataillons seront successivementportés au même effectif suivant les néces-sités du service et les exigences budgé-taires.Art. 2 - La composition de l'état-major etdes compagnies continuera à être réglée parle tableau C précité pour les dix-huitbataillons rattachés aux corps d'année.Les douze bataillons plus spécialementchargés d'opérer dans les régions monta-gneuses auront un effectif eomplémentai-re indiqué au tableau A annexé à la présenteloi.Le ministre est autorisé, dans la limite descrédits dont il dispose, à apporter à la tenueet à l'équipement de ces derniers les modi-fications nécessitées par le climat desrégions où ils ont à manœuvrer .Art. 3 - Les chefs de ces douze bataillonspeuvent, pour moitié, être maintenus dansleur emploi, quand ils sont promus au gradede lieutenant-colonel.La présente loi, délibérée et adoptée par leSénat et par la Chambre des députés, seraexécutée comme loi de l'Etat.

Fait à Paris, le 24 décembre 1888 .Par le président de la République CarnotLe ministre de la Guerre, C. de Freycinet

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ALPINS ET NIÇOIS" ~A LA BELLE EPOQUE

UN MODÈLE D'INTÉGRATION(1870-1914)

Groupe de chasseurs sur le col de Crousette (A-M)."/

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1) La population du comté est de94600 habitants en 1861, juste

après le rattachement. Aux-acensements de 1889 et 1891 , oneénombre 24 367 immigrés italiensa ice, et ils seront 32 602 en"911, soit 23,5 % de la population--:içoise. En 1914, ils sont 87 000zans les Alpes-Maritimes, ce qui en- . le deuxième département:: accueil en France. Ils. missent les manœuvresYaccianti) dans l'agriculture,

ustrie et les travaux publics.:ette souche, compte tenu des-muralisations, représente dans lesails au moins la moitié de la_ ulation du comté. On comprend

c la perplexité de nos=sponsables politiques et

aires. (les chiffres proviennent:e l'étude d'Anne-Marie Faidutti-:: olph "L'immigration italiennezene le Sud-Est de la France", in :=evue géographique des pays-ëditerranéens, éd. OPHRYS,~).

Se souvenir des irréductibles'Sarbets", les chouans niçois.

Le Il juin 1860, à la suite d'un référendum ayantdessiné une t ès large majorité, un sënatus-consul-te impérial entérinait la réunion à la France duvieux duché de Savoie et du comté de Nice. Cettedernière province se voyait amputée, au nom deconsidérations stratégiques, des cantons de Tendeet de la Brig e, rattachés au royaume d'Italie.La défense du nouveau département des Alpes-Ma-ritimes ne ta dera pas à poser un difficile problè-me aux responsables militaires. Ce problème seprésentait sous trois aspects:- Unaspect tactique, lié au tracé de lafrontière quiprocurait au Italiens un important espace de ma-nœuvre au-delà de la ligne de partage des eaux.Maîtres des uersants niçois du Mercantour, du colde Tende, de la haute Roya, et de lachaîne du ramond, nos adversaires potentielspouvaient presque sans obstacle percer vers lelittoral et s'emparer des hauteurs de Nice;- Un aspect technique: comment, surtout après ledésastre de 1870, défendre un second front sur lesAlpes alors que toutes les ressources de la nationdevaient se mobiliser pour affronter le Reichtriomphant? Or, la frontière des Alpes-Maritimes,la plus perméable et la plus vulnérable, ne disposed'aucune organisation fortifiée et de quasimentpas de troupes, à l'exception du Ille d'infanterie àAntibes, pour la garnir;- Un aspect olitique et. humain, découlant de laprésence d'importantes minorités italiennes rési-dant dans le département (1). Quelle serait l'attitu-de de cette p ipulation en cas de conflit ouvert avecla mère pat 'e ?Pour rëpon re à ces menaces, la Ille Républiquemettra en œ vre un ensemble de mesures dont laplus remarquable sera la création, en 1888, destroupes alpi es. Avec une population militaire deplus de 10 0 0 hommes, le département des Alpes-Maritimes s ra l'un des plus marqués par ces évo-lutions.Et cette mili arisation si étrangère aux traditionsde cette pr vince aura pour conséquence, sansdoute inattendue, de jouer un rôle décisif dans sonintégration u sein de la communauté nationale.

La mise en défense du départementLes craintes ourries par nos dirigeants concernant lavolonté d'assimilation des populations locales, qui avaientprouvé à plusieurs occasions, et notamment au cours de laRévolution et e l'Empire (2), leur détermination à préserverleurs particularismes et leur culture propre, n'étaient pastotalement dénuées de fondement. "Il n'y avait qu'à sesouvenir des multiples incidents qui avaient marqué en 1861et 1862 l'insta lation à Nice du 90e Régiment de ligne: rixes

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quasi-quotidiennes, soldats consignés pour éviter lesaffrontements, manifestations d'hostilité autour des casernesniçoises de Saint-Augustin et de Saint-Dominique ... " (3)

TIest vrai que les tensions retombèrent rapidement, et que lesmenées séparatistes restèrent rares. Mais il était difficiled'apprécier à sa réelle valeur le consensus populaire des Niçoisautour du nouvel État. "Dans ce département annexé, tout lemonde reconnaît qu'il serait utile d'avoir une très fortegarnison, non pas du point de vue des dangers que peutprésenter la situation actuelle, mais du point de vue desrelations qu'il était essentiel d'établir entre Italiens etFrançais" (4). Ainsi s'exprime un haut représentant del'administration, qui soutient qu'il faut "hanituer les gens ànotre costume militaire ; dans les contrées annexées, l'œil abesoin de se faire aux uniformes nouveaux pour oublier peuà peu les anciennes couleurs nationales; au lieu d'agir ainsion a oublié en quelque sorte que Nice était française ... les déta-chements qui se trouvaient autrefois à Menton ont étéretirés depuis déjà quelques temps; aujourd'hui on semblevouloir encore reculer nos frontières militaires en portant àAntibes le peu de troupes casernées à Villefranche. Avantl'annexion, des détachements étaient constamment échelonnésà Breil, à Sospel et ainsi aujourd'hui la population de cesmontagnes, essentiellement séparatistes, ne connaissent mêmepas nos uniformes mais tressaillent encore à la vue d'unmilitaire italien. Une exception est nécessaire pour cedépartement récemment annexé."

On laissera au commissaire des chemins de fer la responsabi-lité de ses propos sur la fidélité aléatoire des locaux à leurnouvelles patrie, mais on conviendra qu'il pose une questionessentielle en constatant le vide militaire de la province.,(")

Les Barbets du comté de Nice.

(3) Michel Bottin, "La militarisationde la frontière des Alpes-Maritimes"(1878-1889), in: "Les Alpes-Maritimes", 1860-1914, Intégrationet particularisme; éditions Serre,collection Actual, 1988.

(4) Rapport du commissaire spécialdes chemins de fer aupréfet du 20 juillet 1875 ; Archivesdépartementales des Alpes-Maritimes (ADAM) 2R24179.

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quasi-quotidiennes, soldats consignés pour éviter lesaffrontements, manifestations d'hostilité autour des casernesniçoises de Saint-Augustin et de Saint-Dominique ... " (3)

Il est vrai que les tensions retombèrent rapi ement, et que lesmenées séparatistes restèrent rares. Mais il était difficiled'apprécier à sa réelle valeur le consensus po ulaire des Niçoiautour du nouvel Etat. "Dans ce départeme t annexé, tout lemonde reconnaît qu'il serait utile d'avotr une très fortegarnison, non pas du point de vue des aangers que peutprésenter la situation actuelle, mais du point de vue desrelations qu'il était essentiel d'établir entre Italiens etFrançais" (4). Ainsi s'exprime un haut représentant del'administration, qui soutient qu'il faut "habituer les gens ànotre costume militaire; dans les contrées nnexées, l'œil abesoin de se faire aux uniformes nouveaux our oublier peuà peu les anciennes couleurs nationales; au lieu d'agir ainsion a oublié en quelque sorte que Nice étaitfra çaise ... les déta-chements qui se trouvaient autrefois à Menton ont étéretirés depuis déjà quelques temps; aujourd'hui on semblevouloir encore reculer nos frontières milita ires en portant àAntibes le peu de troupes casernées à Villefranche. Avantl'annexion, des détachements étaient constan ment échelonnésà Breil, à Sospel et ainsi aujourd'hui la population de cesmontagnes, essentiellement séparatistes, ne c nnaissent mêmepas nos uniformes mais tressaillent encore à la vue d'unmilitaire italien. Une exception est nécessaire pour cedépartement récemment annexé."

On laissera au commissaire des chemins de f r la responsabi-lité de ses propos sur la fidélité aléatoire des locaux à leurnouvelles patrie, mais on conviendra qu'il p se une questionessentielle en constatant le vide militaire de la province.10

Les Barbets du comté de Nice.

1897: Colncotpotetioa: ...a;;Français. 8' :;;..~~

r.- '"suffrage universel. ont adhérésans réserve aux valeursde la République.

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5) Rapport du général Ferron auconseil supérieur de la Guerre le23 juin 1882.

6) Séré de Rivières, "Exposé dunouveau système défensif àadopter pour la France".

Charles de Freycinet, ministre de laGuerre de 1888 à 1893.

(7) Général Humbert, "La Défensedes Alpes, 1860-1914"; in: RevueHistorique de l'Armée 1956, n° 3,p.62.

Faut-il défendre le comté?La défaite de 1870, la frontière du Nord-Est fragilisée parl'annexion de l' Alsace- Lorraine, les lourdes indemnités deguerre qui obèrent nos finances, conduisent les responsablesà repenser la défense nationale, avec l' hypothèse de moins enmoins improba le de l'ouverture d'un second front sur lafrontière Sud-Est.D'autant plus que dès 1872, sous l'impulsion du généralRicotti, ministr de la Guerre, l'Italie vient de constituer lesquinze premièr s compagnies d' Alpini, dont l'effectif ne feraque croître : "le 7e jour, elles seront soixante-douze, soitdix-huit mille hommes, de la plus grandes vigueur et de la taillede nos cuirassiers." (5) Et derrière cette infanterie d'élite sepressent les trois cent mille hommes, répartis en sept ou huitcorps d'armée, que l'Italie est en mesure de masser à nosfrontières. Avec cette menace d'une manœuvre concertée avecles Allemands: "L'armée italienne ne saurait avoir d'autrebut que de s'em arer de Lyon pour aller rejoindre les arméesallemandes" (6/.La voie de cett invasion est donc toute tracée, la Tarentaiseet la Maurienne. dont il suffit de barrer.les débouchés par lesplaces fortifiées d'Albertville et de Chamousset. Et dans cettehypothèse, il n est pas question de distraire un homme enmaintenant des troupes au sud de la Durance.Dès lors, on se contenterait d'assurer la sûreté immédiate dela ville par un fort sur le Mont-Leuza, mais la véritable lignede résistance s rait fixée sur le Var, abandonnant ainsi auxItaliens la quasi-totalité de l'ancien comté. Sur les 25 millionsde francs de remière urgence prévus par le Comité dedéfense en 1874 pour fortifier notre frontière alpine, la placede Nice ne fig e pas. Et le sursaut d'indignation du généralBerthaut, ministre de la Guerre en 1876, choqué de voir "lesunités italiennes se promener chaque jour sur le Gramond etcapables de s'emparer en une nuit de la Turbie," restera sanslendemain.C'est alors que ce dessine une nouvelle réflexion qui prend encompte, au-delà des visées stratégiques, les enjeux politiquesd'une éventuell action des Italiens, "les jugeant plus enclinsà saisir Nice qu'à s'empêtrer dans les hautes montagnes", etpour laquelle il est "plus urgent d'éviter ce coup moralementet politiquement si redoutable" (7) ; cette nouvelle conceptionsera proclamée avec force par de Freycinet, ministre de laGuerre, le 2 mars 1899 : "Si nous laissons envahir Nice et laProvence, partout on criera à la trahison et toute la défensedu pays sera compromise."S'il n'est plus question d'abandonner sans combat la rivegauche du Var, reste à réaliser les infrastructures et les moyenshumains nécessaires à cette défense.

Fortifier la rontièreLà aussi, deux options prévalaient, celle soutenue par legénéral de Berckheim et visant à transformer Nice en "ungrand camp retranché extrêmement solide comme à Epinal,"qui s'appuierait sur la crête Mont Boron-Mont Gros et sur leMont Chauve, et sur lequel viendrait s'épuiser l'effort

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DEFENSE DES ALPES-MARITIMES AVANT 1914

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= == Frontière d'avant 1947+++ Frontière actuelle

_ Fort Séré de Rivières• Poste d'altitude

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adverse, et cell du général Ducrot, qui privilégiait la positionde l'Authion, véritable clé du pays niçois, ce qu'a abondam-ment démontré l'histoire. Le Comité de défense aboutira à uncompromis, avec la construction des trois forts de la Tête deChien, la Revère et la Drette, qui tiennent sous leurs feux aussibien la route littorale des Corniches que la vallée du Paillon,et la réalisatior d'un réseau des routes stratégiques sur leshauteurs de l'Ai.thion. Le programme est arrêté le 24 mai 1878.Pourtant, il ap araîtra rapidement comme insuffisant, et enavril 1882 un nouveau chantier est décidé par le Comité, avecla construction u puissant fort du Mont-Chauve d'Aspremont,celui du Mont-Chauve des Tourrettes, les forts d'arrêt duBarbonnet (l'u des premiers forts Séré de Rivières partielle-ment bétonné et doté de coupoles Mougin) et du Picciarvet,barrant la trou ·e de Sospel et la vallée de la Tinée, et lesouvrages de l' uthion. En 1889, on lancera les travaux duMont Agel, au-dessus de Monaco, du Mont Ours, du MontToumaïret, du Mont Maccaron ; on barre le débouché de lavallée de La Vésubie sur la "Chiuse" (resserrement) de Saint-Jean-la-Rivière et le confluent Tinée-Var sur la "Chiuse"deBauma Negra; enfin on prolonge le système défensif vers lehaut pays avec la position du col des Fourches (haute Tinée)et celle du col es Champs (haut Var).·Les contemporains ont apprécié à sa juste valeur l'exception-nel effort défen if ainsi mené à bien :"Depuis quelques années ces montagnes fameuses que bordela Corniche ont changé de caractère: leurs lignes pnt pris ausommet un aspect régulier, parfois rébarbatif. C'est que l'ona dû organiser 'éfensivement cette entrée de la terre de France.Des forts et de batteries s' étagent de la mer aux.plus hautes

Le fort du Barbonnet au dessus de Sospel.

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cimes,jerment le bassin de Nice, interdisent "entrée de la bellerade de Villefranche et des ports de Menton, Monaco et Nice,ensemble de positions maritimes dont la perte au début d'uneguerre serait un véritable désastre car l'ennemi pourraitprendre à revers les positions de la vallée de l'Ubaye où nousavons établi defonnidables défenses pour empêcher Briançond'être tourné ... Tous les accès de Nice ont été couverts et Nice,en devenant la grande cité du luxe et du plaisir se voyaittransformée en gigantesque forteresse, c' est-à-dire en campretranché" (8).Naturellement, ce travaux gigantes ues auront surl'économie locale un impact important, puis u'ils furent le plussouvent soumissionnés à des entrepreneurs locaux. On sait quele coût moyen d'un fort Séré de Rivières était de un millionde francs.

(8) Ardoin-Dumazet, "Voyage enFrance"; 55e série; La Provencemaritime, Berger-Levrault, 1909, pp368 sq,

Soldats du pays niçoisA la vacuité militaire initiale du comté, avec la seuleprésence du Ille Régiment d'infanterie à An ibes après la guer-re de 70, va succéder un renforcement constant de cetteprésence, en corrélation avec la montée es tensions avec

des Alpes-l'Italie, qui aboutira à faire du départementMaritimes le plus militarisé des Alpes ..-----------------------------------------~La loi du 24 juillet 1873 portantréforme de l'organisationmilitaire créait notamment le xveCorps d'armée de Marseille, dontrelevait la 2ge Division d'infante-rie qui installait son quartier-géné-ral à Nice.A partir de 1877, une compagniedu 24e Bataillon de chasseurs àpied s'installait dans la vieille cita-delle de Villefranche, rendue dis-ponible par le transfert du bataillondu Ille RI à Antibes. Il s'agitmaintenant de "coller" davantageà la frontière. Rapidement, le 24au complet tiendra garnison àVillefranche, et inaugure dès 1880les premières marches-manœuvresen montagne. En 1883, c'est l'ar-tillerie qui fait mouvement avec letransfert à Nice d'un groupe du13e Bataillon d'artillerie de forte-resse, destiné à occuper les nou-veaux ouvrages fortifiés. Il fallutles graves événements de 1887,l'arrivée de Crispi, la rupture dutraité de commerce franco-italien,et l'accueil enthousiaste réservépar Rome à Guillaume II, pourvoir le processus s'accélérer, etêtre scellé par la loi du24 décembre 1888 instituant lestroupes alpines.

'ARMEE DES ALPES ET LES GROUPES ALPINS (GA)

1~GA (Il' BCA)ANNECY •

2 e GA (22' BCA)ALBER1VIlLE •

3' GA (13< sai CHAMBERY •3' GA bis (i/97'-RJ)

7'GA (JO·IlCA).GRENOBLE2'RA4eRG 159' RIA

\,4' GA (12' BCA)BRIANCON.S'GA (14' BCA)ŒRVERETTE·

(157'RIA) EMBRUN.

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9) Dès l'origine, et pour répondre" x nécessités deJécentralisation qu'impliquait lecontrôle des hautes vallées=ontaüères, les Alpins sont:::onstitués en unités interarmes:::omprenant un bataillon:i'infanterie, une batterie d'artillerieJe montagne, un détachement desapeurs-transmetteurs, et des-"TlOyensdu Train des équipages.

10) Michel Bottin, op. cit. p. 108.

"Pour les Alpes-Maritimes. c'était un véritable cadeau deNoël: sur les d uze groupes (9), cinq étaient stationnés dansle département. le 23e Bataillon de chasseurs à Nice puis àGrasse dès 189C, le 7e à Nice, puis à Antibes à partir de 1896,le 24e restait à Villefranche, le 6e à Nice avec des détachementsà Breil, Sospel et Saorge, le 27e à Menton"."Cinq bataillons de chasseurs à environ 900 hommes chacun,deux régiments d'infanterie, le 112e depuis 1890 à Antibes et le15ge à Nice, à en iron 1800 hommes chacun, dix batteries d' ar-tillerie (trois de forteresse, deux montées et cinq alpines) à 120hommes en moyenne, une compagnie du génie de 110 hommes,plus les états-majors du gouverneur de Nice, de la 2ge Divisiond'infanterie, de la 57e Brigade d'infanterie, à Nice depuis 1890,et les différents services administratifs militaires, génie, artille-rie, topogra hie, intendance... Telle était lasituation de 1890 : une garnison de près de 10 000 hommes" CI 0).La "Répartitior et emplacement des troupes de l'arméefrançaise" de 1 Il donne le recensement militaire suivant :- Quartier général de la 2ge DI à Nice;- Quartier général de la 57e Brigade à Nice ;- 6e BeA à Nice ;-7e BeA à Ant bes;- 23e BeA à Grasse;- 24e BeA à Vi efranche;- 27e BeA à Menton-Villefranche;- 55e Régiment d'artillerie à Orange-Nice;- 2e Régiment d'artillerie de montagne à Nice;- 7e Régiment d'artillerie à pied à Nice.

Groupe de chasseurs de la 1re c mpagnie du 6" BGA (1902).

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Mais on trouve aussi les dépôts de nombreuses formationsterritoriales :- se Bataillon territorial de chasseurs à pi d à Grasse;- 6e Bataillon territorial de chasseurs à pi d à Nice;- 7e Bataillon territorial de cha seurs à pi d à Villefranche;- Groupe territorial du 2e RAM à ice;- Groupe territorial du 7e RAP à Nice.On n'insistera jamais uffi amment sur les innombrables consé-quences économiques, sociales et culturelles de laprésence de cette garnison considérable sur un pays qui n'avaitpas connu d'antécédent historique d'une telle militarisation.

L'armée, un puissant outil d'intégrationOn a coutume de dire, non sans raison, que ce sont les caserneset les instituteurs de la me République, le "hussards noirs",qui ont le plus contribué à forger l'identité n tionale telle qu'el-le nous a été léguée jusqu'à nos jours (11).Sans doute doit-on considérer que l'implantation des troupesalpines dans les Alpes-Maritimes, plus que nulle part ailleurs,a servi de ferment d'intégration d'une population qui était, parson histoire et sa culture originale, loin de partager toutes lesvaleurs de notre communauté nationale.Il va sans dire que le phénomène a joué dans un double sens:les Niçois ont découvert, ~u travers notamment des corpsalpins, une conception valorisante et positive de la France, etles militaires, par le soutien et l'adhésion opulaire qu'ils ontrecueillis, ont pris pleine conscience de l'importance de leurmission et de la noblesse de leur action. Certes ce mécanismed'intégration a aussi joué dans d'autres pr vinees, mais sousle généreux soleil de la Riviera, il va connaître une vigueur etune ostentation très remarquables.

(11) Se Souvenir à ce sujet de ladevise que choisit Jean Macé pourla Ligue de l'enseignement: "Pourla patrie, par le livre et l'épée 1"

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(12) ADAM, 2R24179.

La gue~ des garnisonsQuand les élu du comté eurent connaissance des projets quele ministère de la Guerre entrevoyait pour le département, ilstentèrent par t utes les voies possibles de se faire attribuer uneformation militaire, ayant parfois recours à des arguments quidénotent une onnaissance des problèmes stratégiques et del'histoire locale qui ne manque pas de surprendre.Ainsi Cachiar y de Montfleury le maire de Breil-sur-Roya,petit village fr ntalier qui a pu bénéficier durant l'été 1882d'une compagnie du 24e BCP, écrit-il en ces termes au ministrede la Guerre : "La 3e Compagnie du 24e Bataillon dechasseurs à pied est à Breil depuis le 17 avril dernier, et jepuis dire, sans exagération, que jamais corps de troupe n'a étémieux reçu et n'a vécu en meilleure intelligence avec une popu-lation bourgeoise ''.Il sollicite le maintien de cette unité toute l'année, enexposant toutes les raisons qui militent en faveur de cettepermanence: "C'est, quoiqu'on en puisse dire, un élémentcivilisateur que, pour ma part, je souhaite de voir le pluslongtemps possible en contact avec la population de nosmontagnes, afn de compléter l'œuvre de' l'administrationcivile; c'est-à-dire, leur union parfaite et indispensable avecla grande patrie française".Et s'il admet q e cette unité, trop avancée, est "à peu près inuti-le pour la défense réelle de l'extrême frontière qu'elle occu-pe, forcée qu'elle serait, en cas de complication avec l'Italie,de se replie,' immédiatement sur la vraie ligne dedéfense ... ". il n'en reste pas moins que cette position luipermettrait d'approfondir "l'étude de cette partie des Alpes,aussi pénible qu'intéressante, au point de vue militaire desévénements qui s'y sont produits ... lors de la campagne de1792 à 1798".Et de livrer c tte surprenante conclusion : "les lignes dedéfense des Alpes sont aussi impénétrables pour la France quepour l'Italie, en temps ordinaire, et (. .. ) ce n'est que pendantl' hiver qu'on peut espérer de laforcer par-suçprisè. Or, depuisla création de ses compagnies alpines, l'Italie commetl'erreur de les retirer des garnisons montagneuses à l'approchede l'hiver de sorte que, le" cas échéant, ces troupes ne setrouveraient n llement préparées pour une campagne d'hivercomplètement différente d'une campagne d'été ... il Y aurait unavantage réel à devancer l'Italie sur ce point, et àfamiliariser les troupes avec les obstacles qu'elles peuvent êtreappelées à vaincre" (12).Devançant de plusieurs années la pensée stratégique dugénéral baron erge, commandant de l'armée des Alpes, lespropos de ce modeste notable, qui n'obtiendra malheureuse-ment pas gain de cause, démontrent que la réflexion sur lesproblèmes de défense n'est pas interdite aux élus du peuple.Autre municipalité à faire le "forcing" pour obtenir unegarnison, celle de Grasse. Dès 1881, elle adresse au préfet unerequête qu'elle renouvelle l'année suivante. En 1883, le sous-préfet de Grasse se fait l'interprète des édiles: "Seulement cettefois-ci, le Conseil municipal ne s'est pas contenté d'un simple

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Défilé des chasseurs sur la Promenade des Anglais, devant le Casino de la Jetée.

vœu. .. il offre à l'État de construire aux frais de la ville unecaserne pour un bataillon. .. L'avant-projet est prêt, ladépense serait d'environ 100 000 francs, somme qui n'est pashors de proportion avec les ressources de la ille" (13). Grasse (13) ADAM, 2R24179.obtiendra satisfaction avec l'installation en 1890 du 23e BCA.Avant cette date, une véritable campagne e presse avait étéorganisée à l'adresse du rninistre de Freycinet, alors quel'implantation d'une garnison à Grasse était en balance avecd'autres hypothèses : "On accusa le préfet de mettre peud'empressement dans la transmission du d ssier de candida-ture, justement pour réduire les' chances e Grasse au seulprofit de l'arrondissement de Nice. La "COI édie garnisons",comme l'appelait "Le Mentonnais" du 23 juin, menaçait dedégénérer en une lutte acharnée entre les villesprétendantes ... " (14) (14) Michel Bo . , . p.107.

Le 27 mai 1882, c'est la ville de Sosp 1 qui réclame lemaintien pendant l'hiver de la compagnie e chasseurs qui ystationne l'été. Le 6e BCA finira par y conserver undétachement permanent.Et Menton, menacé d'un transfert de "son 27e BCA n àVillefranche, s'émeut bruyamment: "Si l'on nous enlève notre27e Chasseurs, plus de fanfare, plus d'état-major. Et beaucoupd'étrangers nous quitteront, rien que pou ce motif 1- .Mais les cités niçoises ne sont pas prêtes pour autant à accueillirn'importe qu'elle formation. Ainsi les édile anno'saisissent-ils le ministre, sous couvert du préfet. onprojet d'installation des "Bat'd'Af' ''. le ba .disciplinaires, sur l'île Sainte-Marguen te _ .23 juillet 1896).On réclame du soldat, mais pas n'importe lequel.

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Général baron Berge

Les postes d'altitudeDès sa prise de fonctioncomme corrunandant du XIVecorps en 1889, le généralbaron Berge décide de faireoccuper sans interruptiontoute l'année les forts fronta-liers des Alpes, dont la batte-rie de Viraysse à 2 772mètres, au nord du col deLarche. TI ordonne aussi laconstruction de postes d'alti-tude au plus près de lafrontière, gardés par des déta-chements de chasseurs pen-dant la période hivernale.Sont ainsi réalisés les bara-quements des Chapieux,Séloges, la Redoute Ruinéeen Tarentaise, de la Turra, ducol de Sollières (2 660 m) etdu Fréjus en Maurienne, ducamp des Rochilles et desAcles en Briançonnais, ducol Agnel en Queyras, desFourches sous le Restefond,ou de I'Authion dans lesAlpes-Maritimes.Ces interminables hivernages,ponctués de missions dereconnaissance, de liaisonsde ravitaillement et de travauxd' entretien, sont l'occasionde parfaire la connaissance dece milieu hostile.

Naturellement, le patriotisme et le sens de l'intérêt nationaln'étaient pas le seuls ressorts de cette "guerre des garnisons".Ainsi apprend- n par une correspondance du ministère del'Intérieur au remier bureau de la préfecture, en date du29 juin 1881, qi e "la consommation individuelle en viande deboucherie est certainement bien plus considérable pour lestroupes que pour l'élément civil" (16). Or, ces entrées deviandes représentent plus de la moitié du revenu de l'octroid'Antibes, ce q i explique que la municipalité ne rechignaitpas à acquitter ~.l'armée le paiement de frais de casernement,sur la base forfaitaire annuelle de 5 à 6 francs par homme.

La monta ne:un vaste c mp de manœuvresLa manne éc nomique représentée par les garnisonspermanentes pe dait de sa substance l'été, car l'essentiel de lapopulation militaire partait pour le haut pays. Les quartiersd'été duraient de juin à septembre, et chaque bataillonmanœuvrait le lus souvent dans sa zone de responsabilité :Haute-Tinée pour le 23e BCA, vallée de la Roya pour le 24e,Authion pour 1 6e, Mentonnais pour le 27e, Vésubie pour leT". Chaque bataillon se constituait en groupe alpin, emportantsa batterie d'artillerie de montagne et son détachement dugénie. "Au total, c'étaient plus de 6000 hommes qui serépandaient dans la montagne niçoise et la sillonnaient en toussens jusqu'à la fin de l'été. Accueillis avec chaleur par lespopulations, ces soldats allaient rompre pendant quatre moisavec la routine de la vie de garnison. La montagne devenaitpendant l'été n champ de manœuvres permanent" (17).Le service du gnie a fait édifier plusieurs baraquements d'al-titude pour loger la troupe pendant l'estivage: Peira-Cava en1883 pour le 24, puis à partir de l'implantation des BCA,Turini, col de Braus, col de Brouis, granges de la Brasque, coldes Fourches, :;01 des Champs, Mont AgeL Mais il s'enfallait de beaucoup que ces cantonnements suffisent à héber-ger cette masse d'hommes; aussi a-t-on recours le plus sou-vent au logement chez l'habitant.Toute une littérature a relaté cet estivage bon enfànt, et l'ac-cueil fait aux chasseurs. Ainsi, à l'Escarène, sur la route du colde Braus à la fr ntière, Roge~ Lacan raconte-t-il ses souvenirs

Les batteries montées à Roquebillière.

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d'enfance : "Comme l'hirondelle annonçait leprintemps, le garde municipal. .. faisait le tour du village pourdistribuer les billets de logement chez les particuliers: leschambres chez l'habitant étaient réservées aux sous-officiers.Et cela faisait ainsi une petite rentrée d'argent chez les villa-geois qui vivaient en autarcie à peu près complète" (18).En effet, pour les ruraux du haut pa) s, soumis à uneéconomie de subsistance, outre la distraction qui procuraitl'arrivée des fringants alpins, les indemnités de séjourreprésentaient un appoint des plus substantiels: 1 franc par jourpour un officier, 50 centimes pour un sous-officier, 10 centimespour un soldat, 5 centimes pour un cheval. Si le cantonnementse prolongeait, l'opération devenait fructueuse. Aussi nombred'habitants aménageaient-ils des pièces en vue d'y abriter desmilitaires, souvent selon des normes de confort auxquelleseux-mêmes ne pouvaient prétendre : 'La présence destroupes a métamorphosé la notion du confortable dans maintshameaux" (19).Mais aussi l'arrivée des chasseurs générait-elle toute uneéconomie improvisée: " ... partout où peut passer un Alpinavec un mulet, le mercanti arrive avec les provisions de bouche.Les artilleurs n'auront pas encore dëbâte leurs animaux etmonté leurs petits canons pour constituer le parc et déjà lemercanti, gras, fleuri, aura fait un étalage alléchant :saucisson et fromage, pain blanc, raisins, pêches et melons,tomates, aubergines, haricots verts, piments, concombres, toutce qui peut rapidement frire, rissoler Olt accompagner lemouton de l'intendance. Non loin, un autre industriels'installe: quelques piquets et des clous fichés dans lesmurailles d'une maison lui permettent de dresser une tenteforte de grosse toile ou de vieux sacs; il a hissé à ceshauteurs, sur des mulets, des tables et des bancs; entre quatrepierres il fera bouillir l'eau destinée à une gigantesquecafetière; sur un banc s'aligne l'armée innombrable desapéritifs inventés par les liquoristes du Midi, trônant autourde la reine Absinthe... Dans ce café une partie spéciale estréservée aux officiers. L'établissement est naturellement lecentre de la vie au cantonnement. Fourriers et sergents-majorsy viennent aux ordres; on va y chercher les officiers pour lescommunications. Le tableau est presque partout lemême 1" (20)Et l'image que propagent, à leur insu, les Alpins, celle de larigueur dans l'instruction, de l'accent porté sur l'entraînementphysique, mais aussi de l'absence de formalisme, de laconvivialité, et de l'exemplarité nécessaire des cadres quimontrent le chemin, revêt aux yeux des locaux uneconnotation très positive, et l'armée, l'ure des plus hautesinstitutions de la République, se révèle ici sous un jourparticulièrement avantageux.

Des soldats bâtisseursL'estivage des alpins dans le haut pays a une autreconséquence, l'ouverture d'immenses chantiers auxquels estconsacrée une grande partie des manœuvres.Au moment du rattachement de 1860, les Alnes-Maritimes soncertainement l'un des départements les plus arriérés en

(16) ADAM. 2,'''''-(17) Michel -. p.109.

(18) Roger Lacan. "Chasseurs àl'Escarène, in : 1.ou Sourgentin", lemagazine du pays niçois, n° 96,avril 1991.

(19) Henri Duhamel, "Au pays desAlpins", Grenoble, 1899 ; p. 30.

(20) Ardoin-Dumazet, op. cit.p.342.

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La grande routedes Alpes

On reconnaît aux troupes demontagne un rôle importantdans le désenclavement deshautes vallées alpines, avecnotamment la construction,étalée sur une trentaine d'an-nées, de la Grande route desAlpes. Il s'agit en effet pourl'état-major de disposer d'unerocade à grand gabarit per-mettant de basculer des forcesd'une vallée à l'autre en fonc-tion de la menace adverse.Du sud au nord on ouvre en1891 la route du col d'Allos,doublée en 1913 par celle dela Cayolle; en 1898 c'est lecol de Vars qui est rendu car-rossable; pour diminuer savulnérabilité on le flanque àl'ouest du tunnel duParpaillon à plus de 2 700mètres d'altitude. En 1894, laroute de l'Izoard est livrée autrafic, tandis que trois annéesauparavant, le tunnel duGalibier avait permis la liai-son entre Romanche etMaurienne. Parallèlementsont entreprises les premièresétudes pour la route del'Iseran.C'est à la main d'œuvre et augénie de l'armée des Alpesgu' on doit donc l'essentiel decette grande voie touristique.

(21) L. Imbert, "La route de Nice auPiémont du XI!" au Xlxe siècle" ;in : Nice historique, 1938.

matière de communication, et il avait fallu attendre l'invasionde 1792 pour qu'un pont, enfin, franchisse le Var."Nous savons, 'après les témoignages les plus certains et lesplus concorda ts, qu'au début du siècle dernier, les Alpes-Maritimes avaient conservé un système de communications toutà fait archaïque, réduit à ses éléments les plus simples: dessentiers de montagne, conçus et entretenus en vue de besoinslocaux, uniquement accessibles aux piétons et aux bêtes desomme, et qui ne pouvaient se prêter qu'à grande peine à untrafic normal et étendu" (21).Or, la mise en défense du département requiert de pouvoirtransporter rapidement troupe et charroi vers tout point mena-cé. Il s'agit notamment de rendre carrossable la "Grande roca-de alpine" définie par le général baron Berge laquelle, par laCayolle, Allos, Vars, Parpaillon, Izoard, Galibier et Iseran,devrait permette de rejouer sur une toute autre échelle les"navettes" de Berwick. Afin d'économiser les deniers de laRépublique, on écide que la Main d'œuvre militaire (MOM)fournira une partie du personnel des chantiers.

Ouverture du tunnel du Parpaillon à 2 700 mètres d'altitude.

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La route national 210, d'Entrevaux à Barcelonnette, sera l'unede ces grandes réalisations. Elle présente pour nos stratèges unintérêt évident, puisqu'elle a surera, par ne vallée éloignéede la ligne de résistance, une liaison rapid et sûr entre la XVe

et la XIVe Région militaire. Le 26 janvier 1 94, une conférencemixte entre le chef de Génie et l'ingé ieur des Ponts etChaussées définit le tracé de la route et la répartition descharges. On apprend ainsi que ce tracé, pour la partiesornmitale du moins, "est fait dans les conditions les pluséconomiques en évitant autant que possible les ouvrages d'art,ce qui permet d'en confier l'exécution presque entière à la maind'œuvre militaire" (22).Bien, d'autres routes sont réalisées par la MOM, notammenttout le réseau stratégique tracé autour de la position-clé del'Authion, à partir des Mille-Fourches ver Colla-Bassa et versle col de la Gonelle, la route du col de' Champs, entre lehaut- Var et le Verdon, la route de Colmars à Aspremont; sil'on ajoute la construction des cantonne ents d'altitude, auTournaïret, à Turini, Cabanes-Vieilles, col de Brouis, camp desFourches, camp d'Argent, on conçoit que os Alpins aient étébien employés.

Le poste de Plan-Caval (hiver 190::'-1904).

"On comprend qu'on ne trouve guere de traces demécontentement. L'armée est trop étroitement unie au pays, unpays qu'au demeurant elle finit par bien connaître et dont ellecontribue année après année à améliorer le réseau decommunications, élargissant un chemin ou réparant sonempierrement entre deux exercices. Qui sorgerait à se plaindred'une armée qui travaille, paye, indemni: e ses dégâts, et enprime régale les populations de ses airs de fanfare ... " (23).

Le chemin des cœursMais au-delà des considérations économiq es, le mérite le pluséminent des Alpins est d'être parvenu à se faire adopter etservir de référence à des populations ba11cttées par l'hi toire.aux particularismes marqués, et instinctivement défiantevis-à-vis de l'ordre établi et des institutions de l'ÉtatLe rituel fascinant de ces sociétés militai es, la prestance etl'efficience de ces unités d'élite, leur capaci é d'adaptation. leurrespect des populations frontalières, leur sens du en; e e?f\

(22) ADAM, Fonds Travaux publics,3051.

Le poste d'altitude des Grangesde la Brasque (hiver 1902).

(23) Michel Botf op. ciL p. 111.

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La fanfare prépare son aubade au village.

(24) Carletou, "Lou Sourgentin"n° 94, P 32 : "Et en avant! Toute lamarmaille, les enfants du village,nous partions enthousiastes audevant des chasseurs alpins".

(25) Roger Lacan, op. cil.

La montagne est pleine de périls(ascension région du Caire-Gros).

de la collectivité leur assurent une place à part dansl'imaginaire populaire. Les témoignages abondent de cettesymbiose si exemplaire : "E en avant! touta la rafatàia, luenfant dou vitage, partiavan entousiast au rescontre deichas sus !" (24/Toute une gén 'ration a vécue ainsi dans cette communion etcette concord avec ses défenseurs. Les "chapatouns"(garnements) d s villages s'émerveillaient du spectacle hauten couleur des -nanœuvres alpines: "Ils étaient là, le long dela route au mil.eu d'un nuage de poussière, suant, soufflant,se soulageant e leur barda, fusils rassemblés en faisceaux,sacs à dos posés au sol, le fameux sac carré entouré de lapèlerine roulée avec bouteillons et gamelles plaqués autour,les bidons métalliques de deux litres à deux goulots, lesinnombrables musettes ... Et puis l'on allait rentrer dans levillage qui servirait pour une ou deux nuits de cantonnement;et il fallait étaler le prestige des Diables bleus auprès desjeunes villageoises, qui prudemment et discrètement, jetteraientun regard au 'Tavers des jalousies, les volets à lamellessoigneusement aissés à moitié" (25).Sur les basque' des chasseurs, les gamins observent avecintérêt l'organi ation du cantonnement; et se précipitent versle bidon vide tendu par un soldat qui réclame, moyennent dixcentimes, du "pinard bon et pas cher"."Et le lendem iin, les yeux pleins de sommeil, nous nousretrouvions dans notre village de vacances où le rêve"bleu-jonquille " les couleurs des chasseurs alpins, s'étaientévanoui: Pendant quelques heures ces jeunes hommesavaient bouleversé la routine quotidienne du village qui repre-nait, rythmé par le pas lent des -ânes et le chant des coqs" (25).Rarement troup ne suscita un tel engouement et une tellepopularité. Au p int que se développe sur la Côte tout un réseaud'entraide et de soutien, notamment destiné auxchasseurs isolés l'hiver dans les postes d'altitude. Dans un livreparu en 1905, Théodore Valentin raconte ainsi le Noël de 1904à Peira-Cava: "<tl'occasion de lafête de Noël nos chasseursont réveillonné avec ce bel entrain qu'ils savent retrouver aubon moment. L'ordinaire de nos Alpins, dont ils ne se plaignent

jamais, avait changé du tout autout", par la grâce surtout d'unéleveur de dindes qui les avaitabondamment pourvus.Le bulletin paroissial de Lucéram,dans son numéro de mars 1905,évoque aussi ces festivités: "NosAlpins de Peira-Cava n'ont pas àse plaindre, on les soigne commejamais soldat n'a été soigné ...Nous souhaitons que la maisondu soldat de Nice leur distribuedes jeux et des livres aveclesquels, durant les longuesheures de l'hiver alpin, ilsoublient un peu la monotonie, latristesse, et le danger de leurexistence. "

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MO TGENÈVRE 1907Premier concours

international de ski

Le saut, discipline reine du concours.

Arc de triomphe avec la devise du CAF.

Les al ins précurseurs du s . en FranceLe ski, pra .iqué depuis l'antiquité par les populati nordiques(le roi scandinave Svère possédait au Xlfl" iècle un orps deskieurs mi .taires), ne pénètre les Alpes qu' à l'e: trême fin duXfX" siècle, sous l'impulsion de mouvemen rtifs, Clubalpin français d'Henri Duhamel, Rocher Club d'Ernest Thérant,mais surt ut à l'instigation de militaires couvain de l'inté-rêt tactiqu de cet accessoire.En 1897 le lieutenant Widmann, du 28e BCA de Barcelonnette,rédige le premier rapport sur l'utilisation militaire du ski. En1902, le capitaine Clerc démontre dans un document célèbrel'évidente supériorité du ski sur la raquette. Son action reçoitla caution de l'état-major qui décide de la création. à Briançon,de la première "École normale de ski" en 1904. Elle sera suc-cessivement dirigée par les capitaines Bernard et Rivas. auquelon doit le premier manuel technique du ski, ain i que le pre-mier atelier de fabrication au 15ge RIA en 1906. TI sera égale-ment l' ar ent propagandiste du ski :« Soyez le,' apôtres du ski dans vos villages, montrez à vos amisle parti que vous êtes capables de tirer de ce moyen de loco-motion; formez des élèves ... »

L'armée discerne tout l'intérêt qu'elle trouverait à favoriser lapropagaticn de cette pratique; ainsi que l'écrit Duhamel« main-tenant, c est dans la population civile qu'elle cherche àrépandre le ski car ... cette diffusion constitue le seul moyen effi-cace de préparer les quelques milliers de skieurs militaires quiseraient nécessaires à nos troupes de couverture dans une cam-pagne d'hiver ». En 1907, les recrues sont ainsi autorisées àrentrer ch z elles avec leur matériel pour en promouvoir etrépandre l'usage, tandis que de nombreuses paires de skis sontdistribuée' gratuitement aux guides, gardes-forestiers, chefscantonnie-s, instituteurs, et autres "relais d'opinion".Les besoins des troupes alpines sont donc, dans une largemesure, à l'origine de la démocratisation du ski.

3888. Sports Il'/uver à PEfj(Yl-O'I'J/Y! - 'Environs Ife 9{jce [alt. 1500 mJ.

Sur le thème: "Un siècle de ski ou les pistes de la mémoire", le numéro 4 des gCahiersn•

édité en 1996 est entièrement consacré au ski cvit et militaire. (Disponible au Musée des Troupes de montagne)

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(26) Michel Bottin, op. cit., p. 111-112.

27) l'historiographie des Alpinss'est, curieusement, renduecoupable de complicité, au moinspar omission. Ainsi Henri Duhamel,dans "Au pays des Alpins",consacre la quasi-totalité de sonouvrage aux sept groupes alpins duXIve Corps, et seulement troisoages aux cinq groupes alpins duxve Corps.

Réparation de la ligne téléphoniquede l'Authion.

Dans chaque village, on veut sa fanfare et son détachement dechasseurs pour r ehausser l'éclat de la fête patronale. Les Alpinsprennent part à l'organisation des batailles de fleurs, et legénéral Lescan se remémorait le spectacle d'une compagnie,assise en rond dans la cour du quartier, occupée à lier les petitsbouquets destinés à cette manifestation. Et même le carnavalde Nice ne pouvait plus se concevoir sans les chasseurs.Sur ces terres arides de la montagne niçoise, que les Alpinsont si profondé ent marqué de leur empreinte, l'armée, "endevenant familière, en partageant la vie des ruraux, a faitpénétrer l'idéal patriotique auprès de populations jusque-làindifférentes". Ion ne peut que) mesurer à sa juste valeurl'omniprésence militaire dans le département et sesconséquences sur la rapide intégration de la partie rattachéeen 1860" (26).Cette assimilati n si parfaitement achevée, sans doute est-elleen partie à l'origine de la césure culturelle, aux relents parfoisségrégationnist s, qui a longtemps opposé alpins du Nord etalpins du Sud placides et robustes Savoyards, austèresDauphinois, aux populations hâbleuses, aux fidélitésincertaines, et a courage parfois défaillant, au sein desquellesse recrutaient les "bataillons des fleurs." (27). Ce procès, quiprit une dimen ion nationale lors de la polémique sur le XVe

Corps en 1914, est doublement injuste:- D'abord parce que le recrutement était loin d'être aussi régio-nal qu'on ne li-nagine ;- Ensuite parce que l'attitude au feu des alpins méditerranéenspendant la Grande Guerre n'a rien à envier à celle du XIveCorps. Dans l' ffensive meurtrière et inepte de la ne Armée,du 20 au 22 aout 1914, sur la 'ligne Morhange-Sarrebourg, leXVe Corps lancé, sans appui d'artillerie, sur des positionsinexpugnables, a perdu la moitié de ses effectifs. On neput reconstitu er que 17 des 28 bataillons composantl'infanterie du corps d'armée, et les quatre bataillons dechasseurs engagés (6,23,24,27) perdirent en deux journées3 400 hommes 'ur 6 800.

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Les 6e et 27e BCA, deux bataillons niçois, reçurent lafourragère aux couleurs de la Légion d' honneur, le premierayant compté pendant le conflit 44 officiers, 139 sous-officierset 1 227 caporaux et chasseurs tués, soit une fois et demi soneffectif initial. Le 24e BCA de Villefranche et son bataillondérivé, le 64, furent cités 15 fois, et perdirent 85 officiers, 156sous-officiers, 2586 chasseurs, et plus de 6000 blessés.Non, le xve Corps n'a pas démérité, et les Azuréens ont payéle prix fort pour que le prestige de ses bataillons ne soitentaché d'aucune arrière-pensée. A l'he.ire où la totalité desformations alpines atteint. en effectif, à peine la moitié de lapopulation militaire du comté d'avant 19 4, interrogeons-nouslégitimement sur les moyens de substitution à cette formidablemachine à intégrer que fut l'armée de la me République.

Lieutenant-colonel Jean-Pierre Martin

L'auteur dédie cette étudeà son grand-père JacquesMartin, capitaine au 6e

Bataillon de Chasseursalpins, mort pour laFrance le 29 septembre1914 à Avocourt (Meuse).

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Les 6e et 27e BCA, deux bataillons niçois, reçurent lafourragère aux couleurs de la Légion d'honneur, le premierayant compté pendant le conflit 44 offici rs, 139 sous-officierset 1 227 caporaux et chas eur tués, soit une fois et demi soneffectif initial. Le 24e BCA de Villefranche et son bataillondérivé, le 64, furent cités 15 fois, et per 'rent 85 officiers, 156sous-officiers, 2586 chas eurs, et pl de 6000 blessés.

on, le XVe Corps n'a pas démérité, et les Azuréens ont payéle prix fort pour que le prestige de s s bataillons ne soitentaché d'aucune arrière-pen ée. A l'he re où la totalité desformations alpines atteint, en effectif, à peine la moitié de lapopulation militaire du comté d'avant 19 4, interrogeons-nouslégitimement sur le moyens de substitution à cette formidablemachine à intégrer que fut l'armée d la me République.

Lieutenant-colonel J an-Pierre Martin

L'auteur dédie cette étudeà son grand-père JacquesMartin, capitaine au 6e

Bataillon de Chasseursalpins, mort pour laFrance le 29 septembre1914 à Avocourt (Meuse).