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L’APPRENTISSAGE ORGANISATIONNEL : PENSER L’ORGANISATION COMME PROCESSUS DE GESTION DES CONNAISSANCES ET DE DÉVELOPPEMENT DES THÉORIES D’USAGE Note de recherche de la Chaire Bell en Technologies et organisation du travail par Nadia Tebourbi, sous la direction de Diane-Gabrielle Tremblay, Professeure et directrice de la recherche, Télé-Université Septembre 2000 Direction de la recherche Télé-Université Université du Québec

Apprntissage organisationnel

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Apprntissage organisationnel

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  • LAPPRENTISSAGE ORGANISATIONNEL : PENSER LORGANISATION COMME PROCESSUS DE GESTION DES CONNAISSANCES ET DE

    DVELOPPEMENT DES THORIES DUSAGE

    Note de recherche de la Chaire Bell en Technologies et organisation du travail

    par Nadia Tebourbi,

    sous la direction de

    Diane-Gabrielle Tremblay, Professeure et directrice de la recherche, Tl-Universit

    Septembre 2000

    Direction de la recherche Tl-Universit

    Universit du Qubec

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    ORGANISATION, APPRENTISSAGE ET PERFORMANCE

    Document labor par Nadia Tebourbi

    tudiante en thse de doctorat en gestion,

    Dans le cadre dun stage la Tl-universit,

    Sous la direction de Diane-Gabrielle Tremblay,

    Professeure responsable du cours RIN 4120

    Document utilis dans le cadre du cours

    RIN 4120

    De la Tl-universit

    Septembre 2000

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    I. VERS UNE NOUVELLE APPROCHE DE LORGANISATION ET DE LA

    PERFORMANCE

    1. VERS UNE NOUVELLE APPROCHE

    A. Lvolution du raisonnement stratgique

    Lvolution du raisonnement stratgique nous permet de voir comment les chercheurs et les

    praticiens sont arrivs sintresser aux liens potentiels entre les connaissances de lentreprise et

    sa performance.

    Jusque vers les annes soixante-dix, la performance de lentreprise dpendait de la qualit

    des dcisions de ses dirigeants. Ces derniers sont considrs comme les pilotes du systme. La

    planification stratgique est base sur le postulat de lentreprise fonctionnant sur le modle

    commande - contrle. La planification stratgique fournit la garantie dun bon pilotage. En effet, elle

    est une procdure organisationnelle visant anticiper les changements stratgiques, et dans ce

    sens, un moyen daider la prise de dcision stratgique. Elle a aussi pour mission dassurer

    lintgration des diffrentes parties de lorganisation (services et fonctions) et notamment la

    mobilisation du personnel par rapport aux buts et aux objectifs poursuivis1.

    La prise de conscience de la variabilit des tats de lenvironnement et de la difficult

    danticipation des variations a amen les chercheurs faire recours au concept du systme ouvert

    (L. Von Bertallanfy, 1973). Lentreprise est pense comme un organisme2 influenc par les tats

    de son environnement, mais dote dune fonction dadaptation qui lui permet de survivre et de se

    dvelopper. La planification stratgique cde la place au management stratgique, apparu dans

    les annes 1970, notamment sous limpulsion de I. Ansoff (1975). Le management stratgique se

    substitue la planification long terme, cette dernire marque par une lecture assez rigide du

    futur sappuyant principalement sur des objectifs affichs, des choix de couples produits/marchs.

    Le management stratgique souligne, en revanche, la ncessit de prendre en compte dans

    lapproche stratgique des dimensions technologiques, humaines, conomiques,

    organisationnelles, politiques et socitales qui entourent les choix. Mais cest toujours de la qualit

    des stratgies adoptes par les dirigeants et des structures mises en place que dpend la

    performance. La fonction dadaptation est assure par les dirigeants de lentreprise.

    Dans les annes 80, larrive des entreprises japonaises sur les marchs mondiaux a cr

    un besoin de nouvelles thories sur les fondements de la comptitivit. W. Ouchi (1982) dveloppe

    la thorie Z et soutient que les entreprises japonaises sont plus comptitives que leurs

    1 Mah de Boislandelle H., Dictionnaire de gestion. Vocabulaire, concepts et outils, d. Economica, Paris, 1998, p326 et p251. 2 Mtaphore tire de la biologie.

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    concurrentes amricaines parce que les employs se comportent comme les membres dun clan3.

    Peters et Waterman (1983) nous livrent dans Le prix de lexcellence4 les secrets des meilleures

    entreprises : grer lambigut et le paradoxe, le parti pris de laction, tre lcoute du client, tre

    autonome et avoir lesprit dentreprise, opter pour la productivit par la motivation du personnel, la

    loi des valeurs partages, sen tenir ce que lon sait faire, une structure simple et lgre, la

    souplesse dans la rigueur.

    Mais quavons appris dans les annes 90 ? Avec le dveloppement du mode dorganisation

    par projet et en rseau, limage du systme ferm ou ouvert se trouve dpasse. Les spcialistes

    de la stratgie sintressent de plus en plus lexistence de variables internes lentreprise

    (ressources, capacits et comptences) pouvant servir de base la constitution dun avantage

    concurrentiel. Lapproche Resource-Based repose sur lide selon laquelle la comptitivit de

    lentreprise dpend de lacquisition et de valorisation des actifs et comptences quelle dtient.

    Aujourdhui la macro-comptence (corecompetence) se trouve au cur du nouveau

    raisonnement stratgique. Manfred Mack (1995) dfinit une macro-comptence comme une

    comptence collective juge stratgique pour lentreprise, parce quelle lui permet de raliser soit

    une offre produit apportant une valeur exceptionnelle au niveau de ses fonctionnalits et de sa

    qualit, soit une offre service galement de premier plan5.

    Quest-ce que cest quune comptence collective juge stratgique pour lentreprise?

    La segmentation stratgique (choix du couple : produit/march) se fera partir du savoir-

    faire que possde lentreprise dans tel ou tel domaine (technologie de base, expertise industrielle,

    comprhension du consommateur, gestion des marques internationales, matrise des rseaux de

    distribution). Dans ce cadre, il incombe lorganisation didentifier les macro-comptences quelle

    considre comme pertinentes pour sa russite future. Ainsi lobjectif dacquisition de macro-

    comptences motive des oprations telles que lacquisition dentreprises, les alliances, lintgration

    en amont ou en aval dactivits, (FIGURE 1)

    Dans ce contexte caractris par des progrs technologiques rapides reposant sur la

    rvolution de linformatique et des tlcommunications, la drglementation et louverture des

    marchs, on parle de lre du savoir, de lconomie du savoir, de lentreprise du savoir, du

    travailleur du savoir.

    3 Ouchi W.-G., Thorie Z : faire face au dfi japonais, d. InterEditions, Paris, 1982. 4 Peters T. -J. et Waterman R -H., Le prix de lexcellence, d. InterEditions, Paris, 1983. 5 Mack M., 1995, Lorganisation apprenante comme systme de transformation de la connaissance en valeur, in Revue Franaise de Gestion, sept-oct, pp43-48.

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    Il nest pas tonnant que le rapport de la Banque Mondiale sur le dveloppement dans le

    monde de 1998-1999 soit intitul Le savoir au service du dveloppement6. Cela reflte la prise

    de conscience de limportance de la connaissance dans le dveloppement. Dailleurs, la Banque

    Mondiale ne se voit plus comme une banque facilitant uniquement le transfert de capitaux

    financiers vers les pays en voie de dveloppement. Elle sassigne un nouveau rle, celui de

    banque de connaissances (Knowledge Bank)7, notamment en focalisant ses actions sur le partage

    des connaissances concernant les stratgies de dveloppement entre les pays, la cration dune

    base de donnes The Africa Live Data Base comportant environ 1500 indicateurs et couvrant

    une priode de 53 ans, le lancement dune revue sur Internet Development News. En 1999, la

    Banque Mondiale lance le rseau dapprentissage World Bank Learning Network8 qui est un

    programme dapprentissage distance offrant des cours interactifs sur vido et Internet et reliant

    en mme temps des participants travers le monde.

    Ds le dbut des annes 90, des auteurs comme James Brian Quinn, Robert Reich, Peter

    Druker et Alvin Tofler, ont soulign limportance prise par la connaissance. (Annexe No. 1 : REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES)

    James Brian Quinn (1992) note que dans lentreprise moderne, la valeur des produits et

    services provient du dveloppement de facteurs incorporels, bass sur la connaissance, tels que le

    savoir-faire technologique, la conception des produits, la comprhension des besoins des clients,

    linnovation et la crativit9.

    Robert Reich (1991) distingue trois catgories demploi de lavenir : les services de

    production courante, les services personnels et les services de manipulation de symboles10. Les

    services de production courante se rapportent aux tches rptitives effectues dans lentreprise

    de production de masse. Ces services sont excuts selon des tapes dans une squence

    destine laborer des produits finis. Ces emplois, bien que considrs le plus souvent comme

    des emplois de cols bleus, incluent aussi la supervision courante. Celle-ci est confie aux

    contrematres et aux cadres moyens, et se dfinit comme le contrle rptitif du travail des

    subordonns et du respect des procdures opratoires standards et des rgles codifies dans le

    systme technique. Lordinateur contrle la quantit et la qualit de la production. Les employs

    doivent tre capables de lire et dexcuter des calculs simples. Les critres dvaluation du 6 Banque Mondiale, Rapport sur le dveloppement dans le monde 1998-1999 : Le savoir au service du dveloppement, ed. Eska, Paris, 1999. (Version originale : Wold Bank, World Development Report 1998/1999 : Knowledge and Information for Development, Washington D.C, 1999) 7 Le concept de banque de connaissances (Knowledge Bank) a t introduit par James D. Wolfensohn, prsident de la Banque Mondiale, lors de son discours en 1996 la Confrence annuelle de la Banque Mondiale et du FMI. 8 Wold Bank, The World Bank Annual Report 1999, Washington D.C, 2000, p21. 9 Quinn J.B., Lentreprise intelligente : savoir, services et technologie, d. Dunod, Paris, 1994. (Quinn J.B., Intelligent Enterprise, ed. The Free Press, New York, 1992).

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    personnel porte sur la fiabilit, la loyaut, la ponctualit et la capacit suivre des instructions.

    Robert Reich les appelle les travailleurs routiniers. Il remarque que de nombreux emplois de

    traitement de linformation se rangent dans cette catgorie11. Ces employs entrent ou extraient

    des donnes de manire routinire.

    Les services personnels sont une deuxime catgorie demploi impliquant certes des tches

    rptitives. Cependant, la diffrence des services de production courante, les services

    personnels sont fournis de personne personne. Les aides personnels12 sont en contact direct

    avec les bnficiaires ultimes de leur travail. Leurs objets de travail immdiats sont des clients

    spcifiques plutt que des flux de matires ou de donnes.

    Les services de manipulation de symboles concernent toutes les activits de rsolution de

    problmes, didentification de problmes et de courtage stratgique. Ce qui est chang avec le

    client, ce sont les manipulations de symboles : donnes, mots, reprsentations orales et visuelles.

    Les manipulateurs de symboles13 sont des travailleurs autonomes avec des carrires

    nomades14, partenaires et associs ou lis des organisations et rseaux. Ils possdent15

    leurs moyens de production. Le travail dquipe est privilgi dans ces emplois. Ces services,

    effectus laide doutils analytiques constamment amliors par lexprience, produisent des

    innovations. En effet, les critres dvaluation dans cette catgorie demploi portent sur la qualit,

    loriginalit, la vitesse avec lesquels les problmes sont identifis et rsolus.

    Les employs de cette catgorie demploi sont qualifis de travailleurs du savoir par Peter

    Druker (1999). Il dfinit le travailleur du savoir (Knowledge Worker) comme tant une personne qui

    utilise des connaissances thoriques et analytiques, acquises travers une formation formelle,

    pour dvelopper de nouveaux produits et services16.

    La connaissance, devenue lingrdient essentiel de la cration de valeur 17, se rtablit au

    cur de la stratgie. Daprs Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi (1995), le succs des

    entreprises japonaises ne sexplique pas uniquement par la politique de lemploi vie, le systme

    10 Reich R., Lconomie mondialise, d. Dunod, Paris, 1993, pp157-169. (Reich R., The Work of Nations, ed. Alfred A. Knopf, Inc., New York, 1991). 11 Enregistrements dachats et de paiements effectus avec une carte de crdit, compensation de chques, comptes bancaires, correspondance, fiches de paie, notes dhpital. 12 Employs de commerce, dhtel, dagences immobilires, serveurs de restaurants, caissiers, infirmires, baby-sitters, femmes de mnage, chauffeurs de taxi, secrtaires, coiffeurs, mcaniciens, htesses de lair, kinsithrapeutes, gardiens et agents de scurits. 13 Ingnieurs, informaticiens, chercheurs, avocats, consultants en management, conseillers financiers ou fiscaux, spcialistes en organisation, publicitaires, ralisateurs, diteurs, journalistes, professeurs duniversit. 14 Cadin L., Bender A-F.et de Saint-Giniez V., 1999, Les carrires nomades, facteur dinnovation, in Revue Franaise de Gestion, No.126, novembre-dcembre, pp58-67. 15 Drucker P.-F., Lavenir du management, d. Village Mondial, Paris, 1999, pp145. (Drucker P.-F., Management Challenges for the 21st Century, d. Harper Business, New York, 1999). 16 Drucker P.F., 1999, Knowledge-Worker Productivity : the Biggest Challenge, in California Management Review, Vol.41, No.2, Winter, pp79-94. 17 Mack M., 1995, op. cit.

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    de promotion lanciennet ou toute autre politique de gestion des ressources humaines. Les

    entreprises japonaises auraient connu le succs grce leur aptitude dvelopper des

    connaissances organisationnelles (organizational knowledge creation), cest--dire la capacit

    dune entreprise considre dans son ensemble, crer de nouvelles connaissances, les

    diffuser en son sein et les incorporer dans ses produits, services et systmes18.

    Par consquent, la gestion des connaissances ne devrait plus tre fortuite mais planifie et

    systmatise. Mais peut-on prdire les processus de gestion des connaissances?

    Dans le but de faire des connaissances un levier stratgique, les entreprises se

    mtamorphosent en organisations intelligentes (intelligent organizations). Il sagit doptimiser les

    connaissances dans lorganisation dune manire crative et intelligente. Dans cette perspective,

    des entreprises19 ont mis en place une entit au sein de leur entreprise pour grer les

    connaissances. La dnomination du responsable de cette unit est la suivante : directeur de la

    connaissance ou manager de la connaissance (Chief Knowledge Officer ou Knowledge

    Architect). Ce dernier est assist par des analystes des connaissances pour lanalyse des

    processus de gestion des connaissances dans le but damliorer la performance humaine, et la

    canalisation des savoirs de leur organisation vers des activits et services destins devenir la

    principale source de comptitivit par rapport la concurrence. Les emplois au titre de Chief

    Knowledge Officer ne cessent de progresser sur le march de lemploi20.

    Par ailleurs, la gestion des connaissances se trouve de plus en plus au cur de la gamme

    des prestations de services propose par les socits de conseil21 travers le monde. Notons quil

    existe sur le rseau Internet un grand nombre de sites qui portent sur le thme de la gestion des

    connaissances. (Annexe No. 2 : LES SITES WEB)

    18 Takeuchi H. et Nonaka I. (Avec des contributions de Ingham M.), La connaissance cratrice. La dynamique de lentreprise apprenante, ed. De Boeck Universit, Bruxelles, 1997. (Takeuchi H. and Nonaka I., The Knowledge-Creating Company : How Japanese Compagnies Create the Dynamics of Innovation, Oxford University Press, 1995). 19 Xerox, Hewlett-Pakard, Ford MotorCo., DaimlerChrysler, General Motors, Monsanto, Buckman Labs, AT&T, Cisco, Shell Oil, U.S. Department of Defense, Dow, Dell computer, Scient, Platinum Technology, World Bank, Chevron, DuPont, Pfizer, Boeing, FedEx, Sears, Disney, News Corp., General Electric, Intel, American Home Products, Skandia, Amazon.com, Lucent sont les entreprises ayant intgres la gestion des connaissances dans leur entreprise. Source : The Knowledge Management Year in Review, in Knowledge Management, december, 1999, sur http : //kmmag.com/kmmagn2/km199912/feata1.htm. 20Fast-Track Knowledge Careers, in Knowledge Management, september, 1999, sur http : //kmmag.com/kmmagn2/km199909/featurea1.htm. 21 Ernst & Young, KPMG, Deloitte & Touche, Andersen Consulting, Arthur Andersen, IBM Global Services, PricewaterhouseCoopers, Barnett International, ICM Group, Stanford Research International (SRI), Renaissance, RWD Technologies, Lighthouse Consulting U.S Web/CKS sont les socits de conseil les plus cites par les articles de la revue Knowledge Management (The Knowledge Management Year in Review, in Knowledge Management, december, 1999, http : //kmmag.com/kmmagn2/km199912/feata1.htm.)

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    Des revues spcialises en gestion, telles que Organization Science, Organizational

    Dynamics, Revue Franaise de Gestion, Strategic Management Journal, Journal of Management

    Studies, California Management Review, Management Learning, Organizational Dynamics,

    LExpansion Management Review, Journal of Organizational Change Management, Gestion,

    Organization et la srie Advances in Strategic Management ont consacrs des numros spciaux

    aux thmes de lapprentissage organisationnel et la gestion des connaissances. (Annexe No.3 : LES NUMEROS SPECIAUX)

    Mais comment expliquer limportance que prend la gestion des connaissances ? Sagit-il

    dun phnomne de mode ? Dans lorganisation tayloriste, les analystes22 des bureaux des

    mthodes sont bien chargs de planifier et de concevoir le travail et dassurer la formation des

    oprateurs. Lentreprise na-t-elle donc pas de tout temps grer ses connaissances ?

    B. Lmergence dun nouveau modle

    Pierre Veltz et Philippe Zarifian (1993) se posent la question : y a-t-il mergence dun

    nouveau modle par rapport au modle taylorien ou classique23? Le dveloppement des

    processus dintgration informationnelle, lapparition de potentialits nouvelles dinterconnexion

    des tches et des processus modifient radicalement ce que les deux auteurs appellent la

    physique de la performance. Lefficacit des systmes de production dpend de plus en plus de

    la qualit des interfaces, et de moins en moins de la productivit des oprations lmentaires. Les

    deux chercheurs constatent une crise du modle dopration, de coopration et dapprentissage.

    Cette triple crise constitue trois ruptures par rapport au modle classique taylorien et ce pour trois

    raisons.

    En premier lieu, dans le modle classique, la recherche defficience est focalise autour de

    la productivit du travail, et de manire plus prcise, la productivit des oprations de travail

    objectives. Le modle dopration se distingue par un caractre objectiv, squentiel et additif. En

    effet, le travail est dfini comme un ensemble doprations lmentaires de transformation de la

    matire que les analystes peuvent objectiver, dcrire, analyser, rationaliser, organiser et imposer

    dans les ateliers. Le travail exige essentiellement des capacits physiques telles que la dextrit

    manuelle, lhabilet du geste, la force physique, lendurance. Lintelligence se trouve au niveau des

    analystes chargs de trouver lenchanement optimal des oprations lmentaires. Dans les

    organisations o les situations de travail ncessitent des ractions techniques difficiles

    programmer, et des interprtations et diagnostics spcifiques (combinant des niveaux divers

    dobjectifs techniques et conomiques), les caractristiques qui sont la base du caractre 22 H. Mintzberg (1982) distingue trois sortes danalystes : les analystes du travail (tels que les spcialistes de mthodes) qui standardisent les procds de travail; les analystes de planification et de contrle (planification long terme, budget, comptabilit); et les analystes du personnel (recrutement, formation) qui standardisent les qualifications. (Souce : Mintzberg H., Structure et dynamique des organisations, d. Les Editions dOrganisation, Paris, 1982)

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    objectivable de lopration (possibilit de description par procdures squentielles et donc de

    prescription stricte, stabilit dans le temps, nature individualisable de lopration) ne sont plus

    possibles. Le travail moderne est de plus en plus variable. Il est galement de plus en plus collectif

    car lenvironnement complexe de lactivit exige lintervention de plusieurs spcialistes devant

    travailler ensemble pour laccomplissement du travail. Des procdures de deuxime et de troisime

    rang (par exemple, de choix dans un rpertoire donn de procdures primaires) peuvent se

    substituer limpossibilit de prescription procdurale. Les auteurs constatent des tentatives de cet

    ordre notamment pour le travail des ingnieurs et des techniciens. Actuellement, les modes de

    gestion prconisent de substituer la dfinition classique des tches, une dfinition par les

    objectifs atteindre ou par les fonctions remplir. Cette tendance laisse ouverte ou semi-ouverte

    la question du chemin suivre. Cela peut donc rpondre une ncessit de rgulation. Les

    auteurs insistent sur le fait que la pertinence dune action dpend de linterprtation (technique et

    conomique) de chaque situation.

    En deuxime lieu, dans le modle classique, la coopration est additive. La performance

    agrge est une fonction additive de la performance locale. En effet, la dfinition de la coopration

    entre les actions est pense comme une mise en ordre des oprations. Elle nest pas le rsultat

    des interactions effectives des acteurs ou de la ralisation dun accord social. Pour Pierre Veltz et

    Philippe Zarifian, la coopration, il ne faut pas seulement ladmettre comme ncessit de rgulation

    mais il faut la rintroduire dans le modle defficience lui-mme. La recherche dun modle de

    coopration dynamique seffectue plusieurs niveaux distincts :

    - Au niveau de la coordination des activits. Il faut une coordination horizontale directe

    sopposant au principe de coordination verticale via le canal hirarchique.

    - Au niveau de la coopration comportant la refonte des activits elles-mmes et la

    coproduction de comptences nouvelles. La structure devrait favoriser la mise en commun

    des comptences nouvelles. Les structures doivent avoir pour objectif de nouvelles

    synthses dans le contenu des activits, dans llaboration des finalits et dans la

    dfinition des professionnalits elles-mmes.

    En troisime lieu, on ne peut plus voir dans la fonction de production uniquement un

    processus dallocation de ressources donnes. Il ne sagit pas dune meilleure coordination des

    activits, dun couplage systmique plus troit entre les phases de conception,

    dindustrialisation, de fabrication, ou de couplage systmique entre la production et les

    comportements du march. La qualit de cette coordination et de ces couplages est une

    composante essentielle de la comptitivit. Cependant, il sagit plus profondment de la nature

    mme de ce quon appelle apprentissage. La gestion de lapprentissage ne devrait plus tre 23 Veltz P. et Zarifian P., 1993, Vers de nouveaux modles dorganisation ?, in Sociologie du travail, No.1, pp3-25.

  • 9

    confie uniquement une unit fonctionnelle spcialise mais en faire un processus actif dans

    lorganisation.

    Lentreprise passe dun modle o lefficience exprime la productivit en terme

    daugmentation de dbit des modles o lefficience exprime des capacits dexpertise et de

    mise en ordre dun monde dvnements. Lvnement peut tre dfini comme dune part

    lensemble des alas qui interviennent lintrieur du systme de production (pannes, matires

    manquantes, rebuts, changements imprvus de programme de fabrication, demande impromptue

    dun client), et dautre part comme des problmes poss par lenvironnement pour lesquels

    lentreprise na pas de modle de rponse prtabli (nouvelles attentes de la clientle, possibilits

    de nouveaux usages des produits). Par consquent, lvnement est une situation laquelle les

    acteurs sont capables de donner un sens, non dfini une fois pour toute, mais un sens relatif aux

    finalits poursuivies et aux arbitrages entre ces finalits. La qualification des personnes et des

    organisations se trouve dans la capacit de mettre leurs savoirs en relation avec des situations

    spcifiques. Lorganisation ne tire plus sa pertinence de la rgularit des routines, mais de sa

    capacit de construire et de ractualiser des finalits (locales), de se doter de modles adquats

    de sa propre complexit, et de procdures de rsolution des problmes.

    La capacit faire face lvnement ncessite la mobilisation dun rseau dacteurs au

    sein duquel la comptence collective rsulte du degr de dveloppement de la communication

    intersubjective. Dsormais la performance dpend de la qualit des interactions24.

    Pierre Veltz et Philippe Zarifian partent des lignes de fractures qui se dessinent dans le

    modle classique pour dgager les contours du nouveau modle dorganisation. Ils prsentent ces

    mutations autour des concepts interrelis dvnement et de communication. P. Zarifian (1999)

    introduit un troisime concept, celui de service25, qui concerne le travail moderne quel que soit le

    secteur dactivit et dont il faut tenir compte dans la nouvelle approche de la productivit du travail.

    Le meilleur moyen de parler des clients dune faon pratique et rflexive est de considrer le

    produit comme un service rendu des destinataires prcis, par rapport des usages clairement

    dfinis, des problmes et des applications concrets que ces clients peuvent faire du produit

    ainsi offert26.

    24 Veltz P. et Zarifian P., 1994, Travail collectif et modles dorganisation de la production, in Le travail humain, Tome 57, No.3, pp239-249. 25 Zarifian P., 1999, Productivit, logique de service et mutations du travail, in Revue Franaise de Gestion, novembre-dcembre, pp106-116. 26 Zarifian P., 1999, op. cit., p112.

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    Lauteur tablit une distinction entre deux notions : la qualit de service et la qualit du

    service. Il dfinit la qualit de service comme les outils qui permettent dobjectiver les lments

    factuels qui auront t engags dans la relation un destinataire (respect dun dlai, service

    aprs vente). La qualit du service dsigne la manire dont le produit sinsre dans les usages

    du destinataire et modifie sa situation (ses conditions de production sil sagit dune autre

    entreprise, ses conditions de vie sil sagit dun consommateur final). Et cette qualit du service est

    tout la fois objective et subjective. Elle touche la fois ce quon peut objectiver dans la situation

    de ce destinataire et la manire dont ce dernier la peroit et lapprcie. La qualit du service

    pousse lorganisation rflchir sur la manire dont ses services sinsrent dans les formes de

    vie de ses clients. (Annexe No. 4 : EXEMPLE ILLUSTRANT LE CONCEPT DE LA QUALITE DU SERVICE)

    Pour P.Veltz et P.Zarifian, le modle dorganisation repose, dsormais, sur une structure,

    que les auteurs appellent structure socio-cognitive, qui combine troitement deux ensembles : dun

    ct les schmas types de nature cognitive, et dun autre ct, les schmas types dorganisation

    sociale (structures hirarchiques, formes dexercice du pouvoir, rgles rgissant les relations entre

    acteurs, la coordination et le traitement des conflits). Cette structure sincarne non seulement dans

    des reprsentations mais dans des ralisations en acte.

    C. Le capital intellectuel

    Lentreprise est compose dune part du capital financier et dautre part du capital

    intellectuel, ce dernier devenant la principale source de comptitivit de lentreprise. La valeur

    dune entreprise procde de ses actifs physiques et montaires son capital financier et de ses

    ressources intangibles ou immatrielles son capital intellectuel. Le capital humain comprend les

    comptences (savoirs et savoir-faire), les comportements (motivation, leadership des cadres

    dirigeants) et lagilit intellectuelle (capacit des responsables organisationnels ragir vite et avec

    jugement, capacit dinnovation et dinitiative, facult dadaptation). Lessence du capital structurel

    est le savoir ancr dans les procdures dune socit. Il inclut : les relations externes avec les

    fournisseurs, les clients, les partenaires associs, les collectivits locales, ladministration, les

    actionnaires; lorganisation de lentreprise, sa structure, sa culture, ses procdures; et ses

    processus de dveloppement et de renouvellement27. (FIGURE 2)

    Selon Jay Liebowitz et Tom Beckman (1998), le capital intellectuel est la combinaison du

    capital humain et du capital structurel. Le capital humain est compos des connaissances,

    comptences et aptitudes des employs apporter des solutions aux clients; le capital structurel

    est compos de tout ce qui reste quand les employs rentrent chez eux (base de donnes, fiches

    27 Bontis N., Dragonetti N.C., Jacobsen K. et Roos G., 1999, Les indicateurs de limmatriel, in LExpansion Management Review, dcembre, pp37-46. (Bontis N., Dragonetti N.C., Jacobsen K. et Roos G., 1999, The Knowledge Toolbox : a Review of the Tools Available to Measure and Manage Intangible Resources, in European Management Journal, Vol.17, No.4, aot).

  • 11

    clients, software, manuels, tudes de marchs, structures organisationnelles)28. Lorganisation

    apprenante est celle qui permet de faire apparatre une synergie entre le dveloppement de

    lentreprise et celui des personnes qui en font partie29.

    Riel Miller (1996) dfinit le capital humain comme le savoir que les personnes acquirent et

    utilisent au cours de leur vie afin de produire des objets, des services, ou des ides dans le

    contexte du march ou hors de celui-ci30. Cette dfinition ne se proccupe pas de lorigine des

    savoirs (acquisition formelle ou informelle, familiale ou scolaire, professionnelle ou rcrative) et

    fait abstraction tant de la nature spcifique des comptences acquises (cognitives ou

    comportementales, techniques ou axs sur lquipe) que de la mthode de certification ou de

    validation utilise pour lacquisition effective de comptences spcifiques (travail antrieur,

    performance relle sur le poste de travail). Le capital humain est donc lensemble des

    connaissances, qualifications, comptences et autres qualits possdes par un individu et

    intressant lactivit conomique31, cest--dire toute activit qui cre directement ou

    indirectement de la richesse ou des revenus. Le capital structurel (existence de rseaux, normes,

    relations permettant aux individus dagir ensemble, de dvelopper des synergies et de construire

    des partenariats) fera en sorte que les connaissances acquises (le capital humain) par les

    personnes se transforment en savoir collectif ou en une comptence suprieure la somme de

    ses comptences. Toute action visant dvelopper le capital humain doit prendre en compte le

    contexte structurel dans lequel le capital humain volue. Le capital structurel soutient le capital

    humain.

    Thomas A. Stewart (1997), qui a introduit dans la presse populaire32 le concept de gestion

    des connaissances, met laccent sur linteraction entre le capital humain et le capital structurel dans

    son ouvrage Intellectual Capital :the New Wealth of Organizations 33. Le capital humain est la

    source de linnovation et du renouvellement. Notons que le capital humain est une caractristique

    individuelle. Le partage des connaissances ncessite un capital intellectuel, comme par exemple

    les systmes dinformation, les laboratoires, la matrise des circuits de distribution qui font que

    lexpertise (Know How) individuelle devienne la proprit de lorganisation.

    D. Une nouvelle approche de lvaluation de la performance

    28 Liebowitz J. and Beckman T., Knowledge Organizations : What Every Manager Should Know, d. CRC Press LLC, Florida, 1998, p10. 29 Mack M., 1995, Lorganisation apprenante comme systme de transformation de la connaissance en valeur, in Revue Franaise de Gestion, sept-oct, pp43-48. 30 Miller R., Mesurer le capital humain, d. OCDE (Organisation de coopration et de dveloppement conomiques), Paris, 1996, p23. 31 Centre pour la recherche et linnovation dans lenseignement, Linvestissement dans le capital humain, d. OCDE (Organisation de Coopration et de Dveloppement conomiques), Paris, 1998. 32 Stewart T.A., 1995, How a Little Company Won Big by Betting on Brainpower, in Fortune, 4 september, pp121-122. Stewart T.A., 1995, Getting Real about Brainpower, in Fortune, 27 november, pp201-203. 33 Stewart T., Intellectual Capital :the New Wealth of Organizations, ed. Doubleday, New York, 1997.

  • 12

    Lvaluation du capital intellectuel doit dsormais faire partie de lactivit de lentreprise. De

    l merge une nouvelle approche dvaluation de la performance. Au cours dune tude ralise

    auprs de douze entreprises34 la pointe de lvaluation de la performance, Robert Kaplan et

    David Norton (1992) ont mis au point un indicateur de performance global quilibr (balanced

    scorecard) ou tableau de bord prospectif35, cest--dire un ensemble dvaluations donnant aux

    dirigeants un aperu rapide mais complet de lactivit36. Lvaluation des performances ne peut

    se limiter aux indicateurs purement financiers. Les systmes dvaluation traditionnels de la

    performance, conus par des financiers, ont essentiellement une fonction de contrle, tandis que

    lindicateur global de performance ou tableau de bord prospectif privilgie la vision stratgique. Il

    traduit la stratgie de lentreprise en objectifs spcifiques et mesurables. (FIGURE 3)

    En effet, lindicateur global dvaluation est qualifi dquilibr car il rpond au besoin des

    dirigeants de visualiser la performance de lentreprise dans une approche globale, et davoir une

    reprsentation quilibre des valuations aussi bien financires (retour sur investissement et

    valeur ajoute conomique) quoprationnelles telles que la satisfaction de la clientle (satisfaction,

    fidlisation, part de march et part du portefeuille clients), les processus internes lis la

    ralisation des produits et services (qualit, ractivit, cot et lancement de nouveaux produits), et

    lapprentissage organisationnel (rorientation des comptences, systme dinformation, et

    motivation et promotion de linitiative personnelle). (Voir Annexe No. 5 : LES DETERMINANTS DE PERFORMANCE DE LAPPRENTISSAGE ORGANISATIONNEL)

    La clarification de la vision gnrale par lexplicitation des missions et des stratgies long

    terme (translation the vision), la communication interne et la coordination des initiatives

    (communication and linking) et la planification stratgique et la dfinition des objectifs (business

    planning) sont des processus managriaux qui forment ensemble un important processus

    dapprentissage en boucle simple. Mais la plupart des entreprises oprent aujourdhui dans un

    environnement dynamique qui exigent delles de samliorer de faon continue. Pour cela, elles

    doivent tre capables dapprentissage en double boucle consistant recueillir le feed-back sur la

    stratgie, tester les hypothses sous-jacentes cette stratgie et faire les ajustements ncessaires

    au cas o les hypothses pour le futur ne sont plus cohrentes avec lvolution de la situation,

    34 Advanced Micro Devices, American Standard, Apple Computer, Bell South, CIGNA, Conner Peripherals, Cray Research, DuPont, Electronic Data Systems, General Electric, Hewlett-Packard et Shell Canada. 35 Kaplan R.-S. et Norton D.-P., Le tableau de bord prospectif. Pilotage stratgique : les quatre axes du succs, ed. Les Editions dOrganisation, Paris, 1997.( Kaplan R.-S. et Norton D.-P., The Balanced Scorecard : Translating Strategy into Action, ed. Harvard Business School Press, Boston, Ma, 1996) 36 Kaplan R.-S. et Norton D.-P., 1992, Lvaluation globale des performances, outil de motivation, in Harvard-LExpansion, t, p8. (Kaplan R.-S. and Norton D.-P., 1992, The Balanced Scorecard-Measures That Drive Peformance, in Harvard Business Review, january-february).

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    cest ce que Robert Kaplan et David Norton (1996) appellent lapprentissage stratgique37

    (Strategic Learning).

    La capacit grer des connaissances grce lapprentissage devient la comptence

    dcisive.

    2. LES DIFFERENTES FORMES ORGANISATIONNELLES

    Des thoriciens se sont intresss aux formes organisationnelles capables de sadapter

    lenvironnement dynamique et complexe. Tom Burns et George M. Stalker38 (1961) introduisent le

    concept de structure organique, Henry Mintzberg (1978) distingue parmi les configurations

    structurelles ladhocratie, Gareth Morgan (1986) utilise la mtaphore du cerveau, Peter Senge

    (1990) prsente cinq disciplines de lapprentissage39, David Garvin (1993) expose les pratiques de

    lentreprise intelligente, Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi (1995) utilisent la mtaphore du

    lhypertexte pour dcrire lentreprise apprenante.

    A. La structure organique

    Tom Burns et George M. Stalker dveloppent le concept de structure organique (par

    opposition la structure mcaniste) pour dcrire la rponse des organisations des conditions

    dynamiques de leur environnement. Notons que selon H.Mintzberg (1978), un environnement est

    dynamique en ce sens que des problmes rels40 sont causs par des changements qui ne

    peuvent pas tre prvus, pour lesquels lentreprise na pas de modles pralables. Un certain

    nombre de facteurs peuvent contribuer rendre un environnement dynamique : des sources

    dapprovisionnement incertaines, des changements inattendus de la demande des clients ou de la

    concurrence, demande de crativit ou de nouveaut frquente de la part des clients, changement

    frquent de produits, technologie en volution rapide. Un environnement dynamique rend le travail

    imprvisible. Par consquent, la dimension stabilit affecte la structure de lorganisation par

    lintermdiaire de la dimension intermdiaire quest la prvisibilit du travail faire. Plus

    lenvironnement est dynamique et plus la structure est organique.

    37 Kaplan R.-S. et Norton D.-P., 1996, Using the Balanced Scorecard as a Strategic Management System, in Harvard Business Review, january-february, pp75-85. 38 Burns T. et Stalker G.M., The Management of Innovation, London, Tavistock, 1961. 39 Les cinq disciplines de lapprentissage selon Peter Senge : penser systmique, acqurir la matrise personnelle, clarifier et remettre en cause les modles mentaux, construire une vision partage et apprendre en quipe. 40 La littrature en gestion et mme les responsables dentreprises, lorsquils sont appels faire part de leurs expriences, utilisent souvent la mtaphore de la guerre ou gurilla. I. Nonaka et H. Takeuchi parlent des travailleurs de la ligne de front pour dsigner les travailleurs du centre oprationnel.

  • 14

    Dans la structure organique, il ny a pas de sparation claire entre les dpartements. Pour

    coordonner le travail, on a recours lajustement mutuel qui ralise la coordination du travail par

    simple communication informelle. En effet, la communication est trs ouverte aussi bien

    verticalement que latralement.

    B. Ladhocratie

    Ladhocratie41 une configuration structurelle que dveloppe Henry Mintzberg (1978). Elle

    volue dans un environnement complexe. Un environnement est dit complexe lorsquil exige de

    lentreprise la possession dun savoir tendu et difficile sur les produits et les clients. Une

    entreprise, fabriquant des botes de carton, utilise un savoir simple en ce sens quil peut tre

    rationalis ou dcompos en lments comprhensibles. Lentreprise agit dans un environnement

    complexe lorsquelle utilise, pour mettre au point ses produits, des connaissances scientifiquement

    diffrentes et exigeant un degr de professionnalisme.

    La structure adhocratique permet de fusionner les travaux dexperts appartenants des

    disciplines diverses dans des groupes de projets constitus en petites units en fonction des

    besoins pour la ralisation du travail.

    Cest une structure capable dinnovation. Par consquent, elle ne peut sappuyer sur aucune

    forme de standardisation pour coordonner ses activits. Le principal mcanisme de coordination

    est lajustement mutuel lintrieur des quipes et entre les quipes. Pour H. Mintzberg, la

    structure de ladhocratie est flexible, organique, se renouvelant delle-mme.

    C. Lorganisation vue comme un cerveau

    Gareth Morgan (1986) dveloppe la mtaphore du cerveau42 qui est assez attrayante pour

    aborder lorganisation surtout si nous cherchons amliorer lintelligence de ce qui sy fait.

    G.Morgan souligne la supriorit du cerveau, en tant quorgane de connexion et de commande

    de laction intelligente, tout systme connu quil soit naturel ou dvelopp par ltre humain.

    Les sciences de la cognition se sont intresses laction intelligente dfinie comme le processus cognitif par lequel lesprit construit une reprsentation de la dissonance quil peroit

    entre ses comportements et ses projets, et cherche inventer quelques rponses ou plans daction

    susceptibles de restaurer une consonance souhaite (la rsolution de problmes). Le principe

    daction intelligente nous dit que la raison humaine peut, de faon reproductible, laborer et

    transformer des reprsentations intelligibles de ces phnomnes de dissonance - consonance que

    peroit lesprit, ce qui lui permet parfois dinventer des rponses en forme dactions intelligentes,

    autrement dactions adaptes la rsorption de ces dissonances cognitives. Les processus

    41 Mintzberg H., 1982, Structure et dynamique des organisations, d. Les Editions dorganisations, Paris. (Mintzberg H., 1978, The Structuring of Organizations : a Synthesis of the Research, d. Prentice-Hall.) 42 Morgan G., 1989, Images de lorganisation, d. Les Presses de lUniversit de Laval et les Editions Eska, Qubec. (Morgan G., 1986, Images of Organization, d. Sage Publication, Inc., Beverly Hills, Californie)

  • 15

    cognitifs ainsi mis en uvre, trs gnralement selon des procdures ttonnantes, alternant la

    mise en uvre de moyens adapts des fins intermdiaires, lesquelles suggrent de nouveaux

    moyens qui voquent dautres fins possibles (means-ends analysis). Ces modes de raisonnement

    dialectique privilgient lexamen des expriences antrieures qui leur fournissent des rservoirs

    dheuristiques plausibles, toujours slectionnes par leur critre de faisabilit. A.Newell et H.A.

    Simon (1976) appellent principe daction intelligente, cette capacit dun systme cognitif

    explorant et construisant les reprsentations symboliques des connaissances quil traite43. De

    faon gnrale, lintelligence est dfinie comme une aptitude dun tre vivant sadapter des situations nouvelles. Lintelligence, serait-elle propre ltre humain ? Lentreprise, artefact, peut-elle tre dote dintelligence, cette aptitude sadapter des situations nouvelles, aptitude dont

    elle a besoin dans lenvironnement dynamique et complexe ?

    Cette mtaphore du cerveau est intressante non pas dans le sens que lorganisation ait

    besoin dun cerveau ou dun service qui fasse office de cerveau et dont le travail est de penser

    pour le reste de lorganisation, de diriger et dintgrer toutes les parties de lorganisation. G.Morgan

    veut penser lorganisation comme si elle tait un cerveau et voir si lon peut trouver de nouvelles

    formes dorganisations qui diffusent des comptences similaires celles du cerveau travers toute

    lentreprise, plutt que de les limiter certaines units ou parties, notamment la comptence

    dapprentissage.

    D. Lorganisation apprenante

    Pour Peter Senge (1990), les organisations apprenantes (The Learning Organization)44

    portent leurs efforts sur la qualit du raisonnement des individus, sur leurs visions partages, sur

    leur aptitude la rflexion, lapprentissage en quipe, et la comprhension des problmes

    complexes de la vie des affaires 45. Lauteur prsente cinq disciplines de lapprentissage : penser

    systmique, acqurir la matrise personnelle (Personal Mastery), clarifier et remettre en cause les

    modles mentaux (Mental Models), construire une vision partage (Shared Vision), et apprendre

    en quipe (Team Learning).

    Il souligne que les trois premires disciplines abordent les qualits conceptuelles et

    personnelles qui sont indispensables pour faire un bon dirigeant. Construire une vision partage et

    apprendre en quipe sont des disciplines collectives, autrement dit se faisant au niveau du groupe.

    1. Penser systmique. La pense systmique conditionne toutes les disciplines de lapprentissage.

    La pense systmique est une discipline qui consiste voir les phnomnes dans leur intgralit.

    43 Le Moigne J-L., Les pistmologies constructivistes, Que sais-je?, No.2969, d. Presses Universitaires De France, Paris, 1995, p83. 44 Senge P., La cinquime discipline. Lart et la manire des organisations qui apprennent, ed. First, Paris, 1991. (Senge P., The Fifth discipline. The Art and Practice of the Learning Organization, ed. Doubleday, New York, 1990) 45 Senge P,1991,op.cit.,p355.

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    Elle permet dtudier les interrelations plutt que les lments individuels, dobserver des

    processus de changement. Elle permet dobserver les structures qui sous-tendent les situations

    complexes, et de mettre le doigt sur les effets de levier capables de les modifier. Les mthodes

    classiques de prvision, de planification et danalyse sont faits pour grer des situations

    composes de nombreuses variables ce que lauteur appelle la complexit de dtail. Les

    valuations bases uniquement sur les finances et la comptabilit sont adaptes la complexit

    de dtail et non pas la complexit dynamique. Il y a complexit dynamique lorsquune action a

    des impacts sur le court et le long terme. Trouver les leviers les plus efficaces dans une situation

    dentreprise consiste comprendre sa complexit dynamique.

    La discipline du raisonnement systmique est fonde sur un changement de mentalit qui

    consiste observer les interrelations plutt que les liens simples et linaires de cause effets, et

    observer le processus de changement plutt quune srie dimages fixes. Le raisonnement

    systmique commence par la comprhension de la rtroaction qui est la capacit quont les actes

    se renforcer mutuellement. La rtroaction amne reconnatre les types de structures qui se

    reproduisent perptuellement. Les amplificateurs et les rgulateurs (ou quilibrants) sont deux

    sortes de boucles de rtroaction. Les amplificateurs sont des moteurs de croissance mais ils

    peuvent aussi provoquer un dclin acclr. Quant au systme rgulateur, il sagit dune situation

    la recherche de stabilit. Peter Senge note que l o il y a une rsistance au changement, vous

    pouvez tre srs quelle traduit un ou plusieurs processus implicites dautorgulation. Cette

    rsistance nest ni un mystre ni un caprice du systme. Elle intervient lorsque pse une menace

    sur les pratiques et les normes habituellement en usage46.

    Pratiquement tous les processus de rtroaction connaissent des formes diverses deffet -

    retard. Leffet retard est le temps qui scoule entre les actions et leurs consquences. Le point de

    vue systmique est, en gnral, orient vers le long terme et cherche comprendre lorganisation

    en tant que systme et saisir les forces internes et externes qui la font voluer.

    Les effets amplificateurs, rgulateurs et leffet - retard sont les lments constitutifs de

    structures plus complexes, qui ne cessent dintervenir dans la vie professionnelle et prive des

    acteurs de lorganisation et que P. Senge appelle les squences de base. Il distingue dix

    squences de base : la croissance limite, la solution anti-symptme, sen remettre lintervention

    dun tiers, le processus de rgulation avec un effet - retard, les remdes qui chouent, lrosion

    des objectifs, lescalade, le succs va au succs, la tragdie du bien commun, la croissance et le

    sous - investissement. (Annexe No.6 : LES DIX SEQUENCES DE BASE)

    Le principe du levier est au cur de la pense systmique : o et comment agir sur la

    structure pour obtenir des amliorations substantielles et permanentes ? Le rle des squences de

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    base, telles que la croissance limite ou les remdes anti-symptmes, est de mieux expliquer les

    structures qui sous-tendent laction des acteurs ainsi que les moyens dexercer un levier.

    2. Acqurir la matrise personnelle (Personal Mastery). Senge dfinit la matrise personnelle

    comme une discipline qui consiste vous concentrer sans relche sur votre but vritable afin de

    redfinir chaque fois une vision souhaite de lavenir 47. Lauteur nous trace le profil des

    individus qui bnficient dun haut niveau de matrise personnelle : ils ont un certain dessein, dont

    la mise en uvre rpond plus une vocation qu une application dune bonne ide; ils regardent

    la ralit de tous les jours comme un tremplin plus quun obstacle; ils utilisent les forces de

    changement leur profit plutt que de leur rsister; ils sont profondment curieux, toujours la

    recherche dune comprhension plus exacte du monde; ils ne se sentent solidaires des autres, en

    phase avec tous les aspects de la vie tout en ne sacrifiant rien de leur personnalit; ils restent

    lucides quant leur ignorance, leur incomptence, les progrs quil leur reste accomplir; ils se

    sentent partie prenante dun vaste processus de cration, quils peuvent influencer mais non

    contrler; ils ont confiance en eux; finalement ces personnes vivent un apprentissage permanent.

    Lauteur note que la matrise personnelle nest pas une qualit que lon possde une fois pour

    toutes mais une discipline que lon ne cesse dacqurir.

    3. Clarifier et remettre en cause les modles mentaux (Mental Models) Une organisation qui

    souhaite travailler avec les modles mentaux doit apprendre de nouveaux savoir-faire et instaurer

    en son sein de nouvelles rgles qui les rendent applicables (p239). P.Senge classe les savoir-faire

    de la science de laction en deux catgories : ceux de la rflexion et ceux de lexamen. Le savoir-

    faire de la rflexion consiste sarrter un moment dans le processus de la pense pour valuer

    comment nos modles mentaux sont construits, et comment ils influencent nos actes. Le savoir-

    faire dexamen ou dinvestigation nous permet danalyser nos attitudes face aux autres, notamment

    dans la gestion de problmes complexes et conflictuels.

    4. Construire une vision partage (Shared Vision). La vision donne un sens laction. Elle est

    dfinie comme le rsultat dun acte cratif au travers duquel lorganisation exprime une ambition

    collective. Cette vision est partage en ce sens que le rle du dirigeant est de faire merger cette

    expression de lorganisation et non dimposer sa vision.

    5. Apprendre en quipe (Team Learning). Lquipe prsente une capacit de perception, et

    dexploration suprieure la somme des capacits individuelles. La discipline de lapprentissage

    collectif ncessite la matrise du dialogue et de la discussion. Le dialogue est un change libre et

    ouvert sur des sujets complexes, qui exige une coute trs attentive des autres et une mise entre

    parenthses de ses propres ides. Dans une discussion, une srie dopinions sont prsentes et

    46 Senge P., 1991, op.cit., p116. 47 Senge P., 1991, op.cit., p197.

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    dfendues. Les membres de lquipe recherchent celles qui sont les plus aptes dboucher sur

    une dcision.

    Lauteur affirme que les cinq disciplines dcrites dans son livre nont de valeur que si elles

    permettent de rpondre des interrogations telles que : Comment dpasser les jeux de pouvoir qui

    dominent souvent dans les organisations traditionnelles ? (Louverture : la vision partage, nouvel

    tat desprit contre lgosme; louverture envers les autres et envers soi-mme; le management

    participatif); Comment jouer fond la dcentralisation des dcisions tout en gardant le contrle et

    la coordination? (Le pouvoir au terrain : lillusion du contrle, vrifier sans contrler); Comment

    trouver le temps ncessaire pour apprendre?; Comment la matrise personnelle et lapprentissage

    peuvent essaimer chez soi et dans son travail? (conflit vie prive/vie professionnelle); Quelle est la

    nature de lengagement et des savoir-faire ncessaires pour diriger une organisation intelligente ?

    (La nouvelle mission du dirigeant; les organisations intelligentes ont besoin dune nouvelle

    conception du leadership); Comment apprendre par lexprience lorsque nous ne pouvons pas

    vivre les consquences de nos dcisions ? (Micromondes : outils permettant, travers

    lexprimentation, de mieux apprhender les problmes complexes, mettant en jeu des

    phnomnes systmiques. Les micromondes compriment le temps et lespace et rendent visibles

    les retombes lointaines de nos actes. Ils permettent aux managers de tester des ides nouvelles

    sans le risque inhrent leur application directe dans la vie des affaires. (Par exemple : le jeu de

    rle, la simulation, le dialogue).

    Le gnie des organisations apprenantes se nourrit de leur besoin permanent dapprendre.

    Pour Hubert Landier (1991), lentreprise intelligente voluera vers une plus grande

    intgration entre fonction danimation laboration dune vision stratgique de lavenir, affirmation

    dun certain projet, de certaines valeurs - fonction de communication et fonction de formation. Elle

    sera la fois une organisation apprenante et une organisation communicante visant la

    ralisation dun certain dessein collectif qui devra intgrer les desseins individuels48.

    48 Landier H., Vers lentreprise intelligente. Dynamique du changement et mutation du management, d. Calmann-Lvy, Paris, 1991, p83.

  • 19

    Pragmatique, David Garvin critique les approches adoptes par les thoriciens, dont Peter

    Senge, dans la prsentation de lorganisation apprenante. Il pense que les thoriciens ont

    contribu rendre lorganisation apprenante trs floue. En effet, il ne passe pas un mois sans

    quun ouvrage ou article ne soit publi traitant de lentreprise apprenante, la gestion des

    connaissances et lapprentissage organisationnel.

    Labondante littrature comporte des ouvrages, sadressant essentiellement aux

    professionnels, et ayant des titres trs attrayants tels que : Managing the Unknowable. Strategic Boundaries Between Order and Chaos in Organizations; Sculpting the Learning Organization. Lessons in the Art and Science of Systematic Change; Managing Ego Energy. The Transformation of Personal Meaning into Organizational Success; Organizational Learning Cycle How we can Learn Collectively; The Boundaryless Organization. Breaking the Chains of Organizational Structure; The Teamnet Factor : Bringing the Power of Boundary Crossing into the Heart of Your Business; Wellsprings of Knowledge; Fifth Generation Management : Co-Creating Through Virtual Enterprising, Dynamic Teaming, and Knowledge Networking; The Distributed Mind. Acheving High Performance Through The Collective Intelligence of Knowledge Work Teams; Built to Last : Successful Habits of Visionary Companies; The Knowledge Evolution : Expanding Organizational Intelligence; The Knowledge-Enabled Organization. Moving From Training to Learning to Meet Business Goals; The Centerless Corporation : A New Model for Transforming Your Organization for Growth and Prosperity; If Only We Knew What We Know : The Transfer of Internal Knowledge and Best Practice; The Centerless Corporation : A New Model for Transforming Your Organization for Growth and Prosperity; Beyond Productivity; Action Learning in Action : Transforming Problems and People for World-Class Organizational Learning; How Leading Companies Achieve Superior Performance by Leveraging Their Human Capital; The Knowing-Doing Gap : How Smart Companies Turn Knowledge into Action; Common Knowledge: How Companies Thrive by Sharing What They Know; The Social Life of Information; Peak Performance: Aligning the Hearts and Minds of Your Employees.

    (Annexe No. 7 : LES REFERENCES DES OUVRAGES CITES)

    Les recommandations ou mots dordre donns par certains ouvrages, telles que laisser

    parler les subordonns, encourager les initiatives, dlguer le pouvoir, responsabiliser vos

    employs, soutenir les autres, tmoigner de lintrt, faire preuve de confiance et dhonntet

    quand il sagit dchanger les ides, sengager dans un dialogue, tablir un consensus restent

    un niveau tel dabstraction quil est difficile aux praticiens de mettre en place une organisation

    apprenante. Rien nest indiqu quant la manire de mettre en uvre concrtement, dans la

    pratique quotidienne, une organisation apprenante.

    Selon David Garvin (1993), les entreprises intelligentes49 grent de faon active leur

    processus dapprentissage en intgrant dans le tissu oprationnel cinq principales activits : la

    rsolution systmatique des problmes, lexprimentation de nouvelles approches, lapprentissage

    partir des expriences propres et des enseignements du pass, lapprentissage partir des

    expriences et des succs des autres, le transfert de la connaissance travers lorganisation.

    Ainsi, grce ces pratiques, lentreprise intelligente possde laptitude de crer, dacqurir et de

    49 Garvin D., 1993, Construire une organisation intelligente, in Harvard-LExpansion, automne, pp53-64. (Garvin D., 1993, Building a Learning Organization, in Harvard Business Review, july-august).

  • 20

    transfrer des connaissances, ainsi que celle de modifier son comportement, afin de reflter de

    nouvelles connaissances et de nouvelles manires de voir les choses.

    1. La rsolution systmatique des problmes. La rsolution systmatique des problmes

    sappuie sur les mthodes de la qualit totale. Parmi les ides qui caractrisent les mthodes de

    la qualit totale, lauteur distingue : le diagnostic des problmes ou le cycle de Deming

    (planification, mise en application, vrification, action; ou les techniques de gnralisation

    dhypothses); le management partir des faits rels (prendre des dcisions en sappuyant sur

    des faits rels, des donnes que sur des hypothses admises, prendre des dcisions en temps

    rels) et lemploi doutils statistiques simples pour organiser les donnes et tirer des conclusions.

    Pratiquement, les employs devront apprendre simposer une grande discipline dans leur faon

    de raisonner (exactitude et prcision) et tre plus attentifs aux dtails, approfondir les causes

    sous-jacentes par rapport des effets qui paraissent priori vidents (amasser des preuves mme

    lorsque la sagesse traditionnelle leur dicte que cest du superflu) et viter les raisonnements

    tendancieux.

    2. Lexprimentation de nouvelles approches. Lexprimentation de nouvelles approches

    consiste en la recherche systmatique et la mise lpreuve de nouvelles connaissances. Le but

    est de passer dune connaissance superficielle une comprhension approfondie.

    Lexprimentation se prsente habituellement sous les deux formes : les programmes en continu et

    les projets de dmonstration.

    a) Programmes en continu servent mettre en uvre une srie de petites expriences dans le

    but damliorer progressivement les connaissances sur un sujet donn. Les caractristiques

    communes aux programmes en continu considrs comme des succs :

    - Les employs qui y participent veillent approvisionner ces expriences par un flux continu

    dides nouvelles, ventuellement puises lextrieur.

    - Il y a mise en place dun systme incitatif la prise de risques. Pour que les employs ne

    refusent pas de participer aux expriences reprsentant des risques, il faut quils aient le

    sentiment que les avantages tirer de lexprimentation sont suprieurs aux cots gnrs. La

    direction gnrale doit trouver un quilibre entre la matrise des expriences et la

    comptabilisation de leurs cots dune part et la crativit des employs dautre part (sans quils

    soient personnellement responsables des checs essuys).

    - Le personnel qui prend part ces programmes doit possder les aptitudes la ralisation et

    lvaluation des expriences, aptitudes acquises par des formations en mthodes statistiques

    appliques la conception dexpriences, techniques graphiques, mthodes de crativit.

  • 21

    b) Les projets de dmonstration concernent des changements de nature holistique. Par exemple :

    un projet de dmonstration ayant pour but de responsabiliser les travailleurs en leur laissant une

    grande autonomie oprationnelle, de revoir compltement le processus de dveloppement des

    produits. Les projets de dmonstration, gnralement confis des quipes pluridisciplinaires,

    sont des projets pilotes que lorganisation espre adopter plus grande chelle, par un transfert

    dapprentissage.

    3. Lapprentissage partir des expriences propres et des enseignements du pass.

    D.Garvin met laccent sur limportance de lvaluation systmatique des succs et des checs de

    lentreprise. Lentreprise doit retenir les enseignements sous une forme facilement accessible pour

    les employs. On trouve des entreprises qui tablissent des processus formels exigeant de

    rflchir priodiquement sur les expriences passes pour en tirer des enseignements pour

    lavenir. Les moyens qui acclrent le processus dapprentissage : tudes de cas, valuations

    posteriori dinvestissements, cration des banques de donnes, appel laide aux professeurs ou

    tudiants duniversit.

    4. Lapprentissage partir des expriences et des succs des autres. Les organisations

    intelligentes cultivent lart de lcoute ouverte et attentive. Lauteur donne deux exemples ou

    sources dides :le "benchmarking" (une recherche destine identifier les organisations qui se

    dbrouillent le mieux dans les faits), ltude attentive des mthodes et des performances propres

    lentreprise qui mne ltalonnage, les visites des sites et les interviews, lanalyse de rsultats, les

    recommandations et suggestions de mise en uvre. Les ides rsident aussi dans la clientle : les

    conversations que lon a avec les clients fournissent des comparaisons avec la concurrence, des

    ides concernant lvolution de leurs valeurs ainsi quun retour immdiat sur la qualit et lutilit

    des services rendus.

    5. Le transfert de la connaissance travers lorganisation. Les mcanismes permettant de

    gnrer des processus de diffusion des connaissances travers lorganisation : les rapports crits,

    oraux ou visuels fournissant une synthse des nouvelles dcouvertes, des listes de choses faire

    ou ne pas faire, des descriptions de processus ou dvnements importants; les programmes de

    rotation du personnel (les sciences cognitives soutiennent lide quil est trs difficile pour un

    idividu dacqurir une connaissance en restant passif, lexprience acquise a plus de valeur quune

    description, le transfert des membres, du directeur gnral au manager de base, dans dautres

    units organisationnelles contribue au partage de ces connaissances); lorganisation du travail

    contribuant lenrichissement du travail50 (le personnel ouvrier, organis en petites quipes,

    assume les responsabilits de dfinition du travail accomplir, dordonnancement de la production,

    de rsolution des problmes rencontrs, de dfinition et de mise en uvre des amliorations, ainsi

  • 22

    que dautocritique); et les stages de formation, relis immdiatement leur mise en application,

    pour sassurer que la connaissance acquise en formation sera effectivement applique en retour

    du stage.

    E. Lorganisation hypertexte

    Pour Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi (1995), la structure formelle hirarchique et la

    structure non hirarchique auto-organisante sont complmentaires. Ils ont recours la mtaphore

    de lhypertexte51 dveloppe dans les sciences informatiques. Lorganisation hypertexte est faite

    de couches ou contextes interconnects. La couche centrale est forme par le systme

    dentreprise dans lequel les activits routinires sont ralises. Cette couche est configure

    comme une pyramide hirarchique. La couche suprieure est celle des quipes de projets. Les

    membres proviennent dunits diffrentes du systme dentreprise. Ils se voient assigns

    exclusivement lquipe de projet jusqu ce que celui-ci soit achev. Et finalement, nous avons la

    couche appele base de connaissances. Cette couche nexiste pas en tant quentit

    organisationnelle. Elle fait partie de la vision dentreprise, la culture organisationnelle, la

    technologie.

    Les membres dune quipe de projet sont slectionns dans diffrentes fonctions ou

    dpartements de la couche systme dentreprise. Leurs efforts sont guids par la vision

    dentreprise prsente par la direction gnrale. Aprs avoir ralis lobjectif de lquipe, les

    membres se dplacent vers la couche formant la base de connaissances et ralisent linventaire

    des connaissances acquises et dveloppes lors de leur participation au projet. H. Takeuchi et

    I.Nonaka (1995) prcisent que cet inventaire inclut tant les succs que les checs qui sont

    documents et analyss. Par la suite, les membres de lquipe retournent dans la couche systme

    dentreprise et soccupent dactivits routinires jusqu ce quils soient nouveau appels pour un

    autre projet. (FIGURE 4)

    La capacit organisationnelle grer des connaissances est dtermine par la capacit de

    changer de contexte dune faon flexible et rapide.

    50 Concept dvelopp par Herzberg. 51 Takeuchi H. et Nonaka I. (Avec des contributions de Ingham M.), 1997, La connaissance cratrice. La dynamique de lentreprise apprenante, ed. De Boeck Universit, Bruxelles. (Takeuchi H. and Nonaka I., 1995, The Knowledge-Creating Company : How japanese Compagnies Create the Dynamics of Innovation, Oxford University Press).

  • 23

    Nous constatons que lintrt port lorganisation dote de capacits dadaptation nest

    pas rcent. Nous assistons une profusion de travaux de recherche aussi bien de praticiens que

    dacadmiciens portant sur ce thme. Mais que lentreprise soit organique, adhocratique, vue

    comme un cerveau, apprenante, hypertexte, quelle est la ralit organisationnelle qui se cache

    derrire ces qualificatifs ? Quels sont les paramtres de conception communs toutes ces formes

    organisationnelles ?

    3. CONCLUSION

    A. Problmatique de la performance

    La performance organisationnelle, apprhende dans sa dimension dynamique, consiste

    dvelopper dans la structure de lentreprise des habilets des transformations permanentes. La

    performance organisationnelle rside dans la recherche la fois dun meilleur fonctionnement de

    lorganisation, et de lamlioration continue et durable de ce fonctionnement.

    La thse dfendue est que lentreprise performante fonde la conception de lorganisation sur

    ses processus dapprentissage organisationnel. Lorganisation dtermine la capacit apprendre.

    Lobjectif de notre recherche est denrichir notre comprhension des organisations, en particulier

    notre comprhension des moyens de dvelopper dans lorganisation des habilets des

    transformations permanentes grce lapprentissage organisationnel. Lapprentissage

    organisationnel est un phnomne collectif dacquisition et dlaboration de comptences qui

    modifie la gestion des situations et les situations, plus ou moins durablement et plus ou moins

    profondment52.

    Beaucoup de consultants et chercheurs dfendent des discours montrant que

    lapprentissage organisationnel, les comportements quotidiens des membres et les interactions

    tous les niveaux dune entreprise sont ses principales sources de comptitivit. Pour cela, il faut

    comprendre les processus par lesquels se fait lapprentissage organisationnel et les critres de

    lvaluation de lefficacit de la mise en uvre dun programme dapprentissage organisationnel.

    Comment institutionnaliser ou systmatiser lapprentissage ? Quels sont les processus qui

    assurent le transfert de lexprience entre les diffrentes composantes dune mme organisation ?

    Jusqu quel niveau lorganisation dtermine-t-elle la capacit apprendre ? Autrement dit, jusqu'

    quel niveau lorganisation peut-elle jouer un rle dterminant dans lapprentissage ?

    52 Koenig G., 1994, Lapprentissage organisationnel : reprage des lieux, in Revue Franaise de Gestion, Janvier-Fvrier, pp76-83.

  • 24

    Dans notre travail, nous nous intressons au processus dapprentissage organisationnel

    travers la gestion des connaissances au niveau organisationnel dune part, et le dveloppement

    des thories dusage des individus dautre part. Nous cherchons analyser lapprentissage

    organisationnel dans ces deux perspectives complmentaires se basant sur les travaux de Ikujiro

    Nonaka et Chris Argyris53.

    B. Hypothses de travail

    1) Selon lapproche constructiviste, lentreprise est une totalisation toujours en cours. La

    relation entre lacteur et la situation de travail nest pas uniquement le fait de normes mais cette

    relation est produite par des processus dinterprtations. Lanalyse des processus mis en uvre

    dans les actions permettrait de mettre au jour les procdures par lesquelles les acteurs interprtent

    constamment la situation. Une partie importante de la gestion des connaissances consistera

    formaliser les connaissances construites dans laction. En effet, les acteurs construisent sans

    cesse des connaissances dans une dialectique permanente qui prend la forme de processus

    dextriorisation (rendre les connaissances implicites explicites) et dintriorisation des

    connaissances (assimiler les connaissances produites dans laction). Lextriorisation et

    lintriorisation sont des processus qui constituent les tapes cls de la spirale de la connaissance

    dveloppe par I. Nonaka et H. Takeuchi. La dynamique densemble (le collectif) repose sur les

    processus dextriorisation et dintriorisation des connaissances.

    Lapproche constructiviste consiste dfinir une organisation comme un espace social

    travaill en permanence par des processus de structuration. Ces processus sont entretenus par un

    mouvement dialectique entre les traits structurels dune organisation et des comportements de ses

    membres 54. Nous allons considrer les connaissances comme tant des traits structurels dont

    dpend le plus la performance de lentreprise. Le postulat de base est que la performance dune

    organisation dpend, pour une part importante, de la nature des actions/interactions quotidiennes

    qui sy droulent. Pour comprendre la gense de ces actions/interactions, il faut remonter aux

    processus de structuration et mettre en vidence la nature dialectique entre les connaissances

    dune organisation et les actes quotidiens de ses membres. Les connaissances sont des traits

    structurels, elles mergent et sont reproduites travers les comportements des membres de

    lorganisation. Lapproche constructiviste a enlev llment prdtermin de la connaissance. La

    connaissance est construite dans les interactions.

    53 Notre objectif nest pas lanalyse dune ventuelle transfrabilit du modle japonais de la gestion des connaissances. 54 Bouchikhi H., 1995, Structuration des organisations et comptitivit : un point de vue constructiviste, in Ingham M. (d.), Management stratgique et comptitivit, d. De Boeck - Wesmael, Bruxelles, 1995, pp379-394.

  • 25

    La gestion des connaissances implique lidentification et lanalyse des connaissances

    disponibles et acqurir, la planification et le contrle des actions pour dvelopper lactif

    connaissance afin de raliser les objectifs organisationnels. La gestion des connaissances passe

    par une tape pralable de formalisation de ses connaissances implicites et tacites (dans le but

    que lentreprise sache ce quelle sait).

    Lentreprise cherche apprendre de ses acteurs car ces derniers ne traitent pas seulement

    de linformation55 mais dveloppent des connaissances dans leur travail. Dans lOrganisation

    Scientifique du Travail, un bureau des mthodes grait les connaissances de lentreprise en ce

    sens quil simplifiait la science pour quelle soit applique par des ouvriers non qualifis.

    Aujourdhui, lentreprise cherche formaliser des connaissances que les acteurs dveloppent dans

    laction et capitaliser le retour dexprience.

    2) Selon le paradigme systmique, lentreprise nest pas une addition dlments mais un

    tout ayant son comportement propre. Un systme de significations et de normes partages par les

    acteurs, que Chris Argyris appelle les thories dusage, gouverne lentreprise. Lentreprise sauto-

    organise comme une ralit objective ordonne, finalise, dote de rationalit et de cohrence.

    Lauto-organisation signifie que le systme peut faire voluer sa constitution interne et son

    comportement. Cette auto-organisation se traduit par la dfinition des procdures de travail. Les

    procdures, sous la forme de propositions du type si-alors, sont considres comme des

    processus de codification des connaissances applicables au quotidien, le stockage des

    connaissances se faisant au niveau de la mmoire de lacteur mais galement des procdures.

    Ces procdures dboucheraient-elles sur des routines organisationnelles dfensives ? Autrement

    dit, est-ce que sous la forme de normes, les acteurs fabriquent des routines organisationnelles

    dfensives qui renforceraient les effets surprotecteurs et anti-apprentissage (Overprotective and

    Anti-learning Consequences) ? Est-ce que ces normes autorisent la modification des valeurs

    directrices des individus, autrement dit, la modification des logiques sous-jacentes qui guident leurs

    actes ? Comment construire des normes et btir des routines assurant un apprentissage efficace ?

    Les mthodes utilises pour valuer les capacits dapprentissage organisationnel et le

    fonctionnement de lorganisation incluent-elles les activits organisationnelles dfensives parmi les

    variables tudier ? Comment arriver mettre en place une organisation capable de dvelopper

    des comportements organisationnels favorisant lapprentissage en double boucle ? Comment

    55 Le thoricien doit-il choisir le paradigme nergtique ou infogtique de linformation pour tudier la gestion des connaissances? You cant solve the problems of Information Age business or gain a competitve advantage simply by throwing more information and people at the problems. And you cant solve knowledge-based problems with approaches borrowed from the product-orientd, print-based economy. Those solutions are reactive and inappropriate . Source : Rebecca O. Barclay et Philip C. Murray, 1997, What is Knowledge Management , Knowledge at Work, Knowledge Management Associates, Portsmouth, in http ://www.knowledge-at-work..com/whatis.htm

  • 26

    raliser durablement des apprentissages en double boucle ? Pour C.Argyris, ltablissement des

    normes mme exige un apprentissage.

    C. Mthodologie de recherche

    Une fois que nous aurons rappel les conclusions auxquelles diffrents travaux ont abouti,

    nous entamerons une partie empirique. La mise au point dun modle danalyse, articulant les

    paradigmes systmiques et constructivistes de lanalyse des organisations, permet de mettre en

    lumire les processus dapprentissage organisationnel au travers de monographies (tudes de cas

    qualitatives).

    1) Le guide dentrevue

    La collecte de donnes qualitatives se fera laide dinterviews semi-directifs. (Annexe No.8 :

    LE GUIDE DENTREVUE) Dans les situations dentreprises tudier, nous voulons associer les

    volutions organisationnelles lapprentissage organisationnel dans le but de la recherche de la

    performance. Dans le cadre dune recherche en management compar, il serait intressant de se

    poser les questions : Comment peut-on expliquer les diffrences observables dune entreprise

    lautre ? Pourquoi certaines organisations semblent tre des contextes favorables tels types

    processus ?

    2) La grille de lecture

    La partie empirique nous permettra daboutir une dfinition et une modlisation

    oprationnelle du concept dapprentissage organisationnel; nous prciserons les caractristiques

    essentielles de ce modle ainsi que les principaux enjeux de sa mise en uvre. Pour observer

    lorganisation, nous pouvons avoir recours la grille de lecture dveloppe par H. Mintzberg

    (1982) et compose des paramtres de conception56 suivants: la spcialisation du travail (la

    division de base du travail), la formalisation du comportement (la standardisation du contenu de

    flux rguls), la formation et la socialisation, le regroupement en units (les constellations de

    travaux, lorganigramme), la taille des units (le systme de communication informelle, la

    supervision directe, la surface de contrle), le systme de planification et de contrle (la

    standardisation des productions, les systmes de flux rguls), les mcanismes de liaison , le

    systme de prise de dcision. (Annexe No.9 : LES PARAMETRES DE CONCEPTION)

    56 Mintzberg H., Structure et dynamique des organisations, d. Les Editions dOrganisation, Paris, 1982, p85.

  • 27

    3) Lethnomthodologie

    La validation des hypothses auxquelles conduisent les lmen5ts prcdents exige des

    entretiens et de lobservation, voire mme lobservation participante comme technique de

    recherche, afin de saisir les mcanismes sur lesquels repose lapprentissage organisationnel. Ce

    type de dispositif est employ par les ethnomthodologues.

    Lethnomthodologie, sinscrivant dans un paradigme interprtatif, sest dfinie comme la

    science des ethnomthodes, cest--dire des procdures dinterprtation que les membres de

    la socit mettent en uvre dans la gestion courante de leurs affaires quotidiennes, pour donner

    un sens leurs actions et celles des autres. En effet, la relation entre acteur et situation est

    produite par des processus dinterprtation.

    Le postulat de base est le suivant : le fait social nest pas un objet stable, il est le produit de

    lactivit continuelle des hommes, qui conoivent des savoir-faire, des procdures, des rgles de

    conduite appels des ethnomthodes. Ces mthodes appartiennent un groupe particulier, une

    organisation ou une institution locale. Les pratiques, mthodes et procdures sont des activits

    sociales structurantes.

    Pour Alain Coulon, contrairement la sociologie qui cherche savoir comment les individus

    agissent dans des situations qui seraient dj dfinies en dehors deux et qui prexisteraient leur

    changes, lethnomthodologie essaiera de comprendre comment les individus voient, dcrivent et

    proposent ensemble une dfinition de la situation57. La ralit sociale, constamment cre par les

    acteurs, nest pas une donne prexistante. Cest pourquoi lethnomthodologie porte son

    attention sur la faon dont les membres prennent des dcisions. Au lieu de faire lhypothse que

    les acteurs suivent des rgles, lintrt de lethnomthodologie est de mettre jour les mthodes

    par lesquelles les acteurs actualisent ces rgles. Il serait intressant dadopter cette posture

    intellectuelle pour tudier lapprentissage organisationnel.

    Un trait essentiel de la pratique de lethnomthodologie est quelle requiert la description.

    Lobservation attentive et lanalyse des processus mis en uvre dans les actions permettraient de

    mettre au jour les procdures par lesquelles les acteurs interprtent et organisent constamment la

    ralit sociale en commun. Les ethnomthodologues ne prennent pas des descriptions de la ralit

    sociale les comptes rendus quen font les acteurs. Lanalyse de ces comptes rendus ne leur est

    utile que dans la mesure o elle rvle comment les acteurs reconstruisent en permanence un

    ordre social, afin de se comprendre et tre capables dchanges. La proprit de ces descriptifs

    nest pas de dcrire le monde, mais den montrer en permanence la constitution. La description, en

    se ralisant, fabrique le monde, le construit. Rendre visible le monde, cest rendre

    57 Coulon A., Lethnomthodologie, Que sais-je?, No 2393, d. Presses Universitaires De France, Paris, 1987.

  • 28

    comprhensible mon action en la dcrivant, parce que jen donne voir le sens par la rvlation

    autrui des procds par lesquels je la rapporte 58.

    58 Coulon A., Lethnomthodologie, Que sais-je?, No 2393, d. Presses Universitaires De France, Paris, 1987, p42.

  • 29

    II : LAPPRENTISSAGE ORGANISATIONNEL

    LA.O se trouve au carrefour de plusieurs champs disciplinaires : la psychologie, la stratgie

    dentreprise, la gestion des ressources humaines, les thories des organisations, lorganisation

    industrielle, le management de la technologie, la production, linformatique. Plusieurs auteurs59 se

    sont intresss au phnomne de lapprentissage organisationnel (A.O) et ont tabli des typologies

    des travaux portant sur ce thme.

    Notons tout dabord que ce sont les individus qui apprennent. Les recherches portant sur

    lapprentissage humain sont de longue date et constituent une base aux recherches sur lA.O. La

    plupart des recherches sur lapprentissages individuel proviennent des tudes psychologiques sur

    le comportement humain. Les bhavioristes ont dvelopp les premires thories de

    lapprentissage en terme de modle comportemental Stimulus-Rponse. Lapprentissage est

    considr comme le changement dans les probabilits de comportement. Simultanment, avec le

    dveloppement des thories dapprentissage et de comportement, des analyses exprimentales

    des mcanismes, constituant lapprentissage, ont t menes. Lapprentissage est peru comme

    lacquisition dassociations, de rflexes conditionns, et de chanes Stimulus-Rponse. Ces

    premires recherches sur lapprentissage sont domines par les thories du comportement en

    psychologie. Vers la fin des annes 50 et pendant les annes 60, ltude de lapprentissage verbal

    (rote verbal learning) sest intresse aux processus de renforcement et daffaiblissement des

    associations, incorpores dans ce qui est appel thorie dinterfrence. Lide matresse de cette

    thorie repose sur linterprtation de concepts tels que la mmorisation, loubli en terme de

    gnralisation de Stimulus-Rponse. Lmergence de la perspective du processus dinformation

    dans la psychologie cognitive, avec laccent mis sur la rsolution des problmes, apporte de

    nouvelles ides sur la conceptualisation de lapprentissage. Lapprentissage est analys comme le

    changement des connaissances (states of knowledge), plutt que dans le changement de

    probabilits de rponses.

    59Shrivastava P., 1983, A Typology of Organizational Learning Systems, in Journal of Management Studies, Vol. 20, No.1, pp7-28. Fiol C-M. and Lyles M-A., 1985, Organizational Learning, in Academy of Management Review, Vol. 10, No 4, pp803-813. Huber G-P., 1991, Organizational Learning : the Contributing Processes and the Litteratures, in Organization Science, Vol.2, No. 1, February, pp88-115. Dixon N.M., 1992, Organizational Learning : a Review of the Literature with Implications for HRD Professionals, in Human Resource Development Quarterly, Vol. 3, No 1, Spring, pp29-49. Dodgson M., 1993, Organizational Learning : A Review of Some Literatures, in Organization Studies, Vol.14, No.3, pp375-394. Koenig G., 1994, Lapprentissage organisationnel : reprage des lieux, in Revue Franaise de Gestion, Janvier-Fvrier, pp76-83.

  • 30

    La recherche sest alors oriente vers ltude des structures de mmorisation, les processus

    dinformation, lorganisation de la connaissance et lacquisition et la recherche dinformation pour la

    rsolution de problme. Avec lmergence de la perspective des processus de linformation, la

    simulation et la modlisation informatique ont pris de limportance.

    1. DEFINITIONS

    Grard Koenig (1994) dfinit lapprentissage organisationnel comme un phnomne collectif

    dacquisition et dlaboration de connaissances qui, plus ou moins profondment, plus ou moins

    durablement, modifie la gestion des situations et les situations elles-mmes60. La dimension

    collective de lorganisation peut tre active dun part travers la circulation et la diffusion des

    nouvelles connaissances et dautre part travers le dveloppement des relations entre les

    comptences prexistantes. En ce qui concerne la diffusion et la circulation des nouvelles

    connaissances, limpact de lapprentissage crot avec le nombre et la diversit des interprtations

    produites. Le dveloppement des interprtations larg