DEVOIR SURVEILLE N° 7 Date : le 12 mars 2016 Classe : TES(4 heures)

DISSERTATION S’APPUYANT SUR UN DOSSIER DOCUMENTAIRE

Il est demandé au candidat :- de répondre à la question posée par le sujet ;- de construire une argumentation à partir d’une problématique qu’il devra élaborer ;- de mobiliser des connaissances et des informations pertinentes pour traiter le sujet, notamment celles figurant dans le dossier ;- de rédiger, en utilisant le vocabulaire économique et social spécifique et approprié à la question, en organisant le développement sous la forme d’un plan cohérent qui ménage l’équilibre des parties. Il sera tenu compte, dans la notation de la clarté de l’expression et du soin apporté à la présentation.

Comment expliquer la mobilité et l’immobilité sociales ?

Document 1 :

Document 2 :

Document 3 :Franck est le fils benjamin de la famille Lami – une « vieille famille » de la bourgeoisie viticole. […] A moment de l’entretien enregistré, Franck Lami était âgé de 21 ans et était salarié de l’entreprise familiale. Il s’apprêtait à se mettre à son compte sur une partie de la propriété, tout comme l’avait fait son frère aîné quelques années auparavant. L’entretien enregistré a offert une occasion à Franck de montrer que malgré son statut de salarié, il avait gagné de nombreuses sphères d’autonomie dans le travail quotidien et qu’il participait autant que son frère aux grandes décisions d’orientation de l’exploitation. […]« - Tes parents, ils en pensent quoi de l’installation de ton frère, et de la tienne ?- Mon père est fier ! Bon, il ne le dit pas, mais on voit qu’il est heureux. Il prend du recul un petit peu et il nous laisse des responsabilités très importantes pour des jeunes, installés ou pas hein ! Je prends un petit peu les rênes : prendre contact avec les représentants… quand il est parti, t’es obligé d’assumer, de dire oui, non, de discuter avec les représentants. C’est quand même encourageant ! Tu vois t’as un certain poids dans l’affaire. J’essaye d’apporter des techniques nouvelles, de faire des enherbements contrôlés, changer des méthodes un petit peu. J’ai un projet de rénovation de bâtiment et d’agrandissement en tête. Bon, faut avoir des projets quand on est jeune, c’est sûr ! Bon, mon père sera derrière moi, pour me suivre, forcément, parce que, quoiqu’on dise, c’est impossible de s’installer sans soutien financier et moral. Je pense que le jeune, il va apporter des techniques, des méthodes – c’est indispensable pour un jeune d’apporter un « plus », tu te sens utile, tu te sens plus (davantage) dans l’affaire si tu veux. Mais c’est important aussi que le père laisse l’enfant prendre des décisions. Donc, moi, je vois mon père qui s’en va, pas régulièrement, mais quand il n’est pas là, ou mon frère n’est pas là, ben je prends des décisions et c’est vrai que ça te valorise un petit peu. »On mesure à travers ce récit enchanté d’un jeune viticulteur, combien l’acquisition des compétences de chef d’entreprise, ne se joue pas seulement à l’école.

C. Bessière et S. Gollac, « Les transferts économiques dans la reproduction sociale :le cas des familles d’indépendants », Idées, n°162, décembre 2010.

Document 4 : Vœux d’orientation lors du conseil de classe de fin de 2nde générale et technologique

En % 1ère S 1ère ES 1ère L 1ère STMG Ensemble des élèves de 2nde GT

Enfants d’ouvriers 18,2 22,7 23,9 36,8 23,4Enfants de cadres, professions libérales ou enseignants 38,7 28,7 25,5 12,7 30,4

Ayant déjà redoublé 3,1 8,0 11,7 22,4 9,6Moins de 10 à l’épreuve de français du Brevet 13,0 19,5 14,2 45,1 23,2Plus de 12 à l’épreuve de français du Brevet 64,3 52,0 60,4 21,0 50,2Moins de 10 à l’épreuve de mathématiques du Brevet 14,7 44,7 59,7 73,2 39,6

Plus de 12 à l’épreuve de mathématiques du Brevet 69,8 32,1 22,3 12,0 42,6

Lecture : parmi les élèves demandant une 1ère S, 18,2% sont des enfants d’ouvrier contre 23,4% des élèves de 2nde générale et technologique.Champ : ensemble des élèves rentrés en 6ème en 2007 et parvenus en 2nde GT avec ou sans redoublement.

Sources : ministère de l’Education nationale, Panel d’élèves entrés en 6ème en 2007 et enquêtes Orientation 2012 et 2013.

CORRECTION DU DS N°7 du 12 mars 2016

Introduction « Les hommes naissent égaux. Dès le lendemain, ils ne le sont plus » disait l’écrivain Jules Renard, contredisant l’article 1 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. En effet, si la Révolution française a apporté l’égalité des droits, force est de constater que n’importe qui n’accède pas à n’importe quel statut social et que les chances d’accéder à tel ou tel statut pour un individu dépendent en fait du statut social de ses parents, appelé « origine sociale » dans les enquêtes de mobilité sociale de l’INSEE en France. Dans nos sociétés, tous les statuts sont en droit ouverts à tous, contrairement aux ordres d’Ancien Régime, mais ils le sont avec des probabilités très inégales selon l’origine sociale. La mobilité sociale désigne le fait d’avoir connu un changement de statut social par rapport à ses parents. L’INSEE la mesure en comptabilisant ceux qui n’ont pas la même catégorie socioprofessionnelle que leur père. Si on a le même statut social que ses parents, on parle d’immobilité ou de reproduction sociale. La mobilité et l’immobilité sociales sont deux situations complémentaires : ce qui augmente la mobilité réduit l’immobilité, et inversement. En France, on attend de l’école et du marché du travail qu’ils permettent qu’on mérite son statut plutôt qu’on en hérite. Mais ces attentes ne sont pas toujours satisfaites. Problématique : La permanence d’une reproduction sociale de fait malgré l’égalité de droit s’explique par l’interaction entre l’école et le marché du travail.

I- LES CHANGEMENTS DANS LA STRUCTURE DES EMPLOIS MODIFIENT SUR LE LONG TERME LES POSSIBILITES ET LES CONDITIONS DE LA MOBILITE SOCIALE. A) LE ROLE DE LA MOBILITE STRUCTURELLE 1. Les enfants des catégories socioprofessionnelles en déclin (doc. 1 : agriculteurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprise, ouvriers) doivent nécessairement pour une partie d’entre eux trouver un emploi dans une autre catégorie socioprofessionnelle. Les catégories socioprofessionnelles en expansion (doc. 1 : employés, professions intermédiaires, cadres et professions intellectuelles supérieures) doivent nécessairement recruter chez les enfants d’autres catégories socioprofessionnelles. 2. Les possibilités de mobilité sociale sont contraintes par l’évolution de la part de chaque catégorie socioprofessionnelle dans l’emploi au cours du temps. Une partie de la mobilité sociale est forcée par les mutations de la structure de l’emploi.

B) LA SALARISATION DE L’EMPLOI 1. Chez les enfants d’indépendants (doc. 3), la reproduction sociale peut passer par la transmission de l’entreprise ou la fondation d’une entreprise dans un secteur d’activité connu où son nom est lui-même reconnu. Les compétences nécessaires ne sont pas seulement acquises à l’école mais dans la famille et dans l’entreprise familiale. 2. Néanmoins, les indépendants sont en déclin (doc. 1) et, aujourd’hui, 9 emplois sur 10 sont des emplois salariés : la salarisation de la population active occupée ne cesse de croître. Dans cette situation, ce sont des compétences acquises à l’école qui vont permettre à l’individu de s’intégrer sur le marché du travail ; d’où la croyance très fortement ancrée selon laquelle l’école permettrait la mobilité sociale. En fait, la réussite scolaire apparaît pour beaucoup comme la condition nécessaire de la réussite sociale : pour une même origine sociale, la probabilité de devenir cadre ou profession intermédiaire augmente avec le diplôme (doc. 2).

II- LA REUSSITE SCOLAIRE N’EST PAS INDEPENDANTE DE L’ORIGINE SOCIALE. A) REUSSITE SCOLAIRE ET ORIGINE SOCIALE 1. Les élèves entrés en 6e en 2007 ont été suivis dans leur parcours scolaire (doc. 4). Ils parviennent en fin de seconde en juin 2012 (ou juin 2013 s’ils ont redoublé entre temps). Sur cette génération, 23,4% de l’ensemble des élèves de seconde ont un père ou un tuteur légal ouvrier, mais c’est le cas de 36,8% de

ceux qui demandent une 1re STMG (ils sont 1,6 fois plus souvent d’origine ouvrière que la moyenne) et de 18,2% de ceux qui demandent une 1re S (ils sont 1,3 fois moins souvent d’origine ouvrière que la moyenne), filière qui mène plus souvent aux études les plus prestigieuses comme les grandes écoles. 2. Ceux qui veulent s’orienter en 1re S (doc. 4) sont plus souvent que les autres de bons élèves en mathématiques mais aussi plus souvent de bons élèves en français (ce qui est déjà moins évident), même par rapport à ceux qui demandent une 1re L, et plus souvent d’origine supérieure : les résultats scolaires et les vœux d’orientation ne sont donc pas indépendants de l’origine sociale.

B) HERITAGE CULTUREL ET DECISIONS D’ORIENTATION 1. La socialisation familiale transmet un ensemble de savoir-être et une familiarité avec la culture valorisée à l’école aux enfants issus de familles diplômées, qui ont en moyenne de meilleurs résultats scolaires. Pierre Bourdieu explique ce constat par la proximité entre la culture valorisée par les familles des catégories supérieures et les attentes des professeurs : c’est le capital culturel. 2. À notes équivalentes, les enfants des catégories supérieures s’orientent plus souvent vers des études longues que les enfants des catégories populaires. Raymond Boudon explique ce constat par le fait que la famille se fixe comme niveau de référence le diplôme des parents. En dessous de ce niveau, l’arrêt des études est très mal vécu.

III- APRES LA SORTIE DU SYSTEME SCOLAIRE, L’APPARIEMENT ENTRE LES QUALIFICATIONS DES ACTIFS ET LES EMPLOIS DISPONIBLES ACTUALISE LA REPRODUCTION SCOLAIRE ET OFFRE UNE SORTE DE DEUXIEME CHANCE AUX HERITIERS. A) LE LIEN ENTRE PARADOXE D’ANDERSON ET DECLASSEMENT INTERGENERATIONNEL 1. Chaque famille croit en l’utilité de l’école pour la promotion sociale. Si toutes les familles cherchent à prolonger les études des enfants, le nombre de diplômés du supérieur croît plus vite que le nombre d’emplois de cadres. Dans ce cas, à chaque génération, les chances d’accéder à un poste de cadre pour les diplômés du supérieur diminuent ; il y a inflation des diplômes. Un niveau de diplôme supérieur à ses parents ne garantit donc pas une promotion sociale : c’est le paradoxe d’Anderson. 2. Celui-ci peut expliquer des déclassements intergénérationnels car une personne dotée d’un diplôme supérieur à celui de son père peut être dans une catégorie socioprofessionnelle moins prestigieuse et rémunératrice que son père car elle a eu du mal à valoriser ses diplômes sur le marché du travail.

B) LE RÔLE DU CAPITAL SOCIAL 1. À diplôme équivalent, la probabilité de devenir cadre ou profession intermédiaire dépend de l’origine sociale (doc. 2). 2. Pierre Bourdieu a forgé la notion de capital social, qui renvoie aux stratégies conscientes ou inconscientes de constitution d’un réseau pouvant être mobilisé comme ressource en vue d’améliorer son statut social. Les réseaux s’accumulent (par la sociabilité), se lèguent (au sein de la famille principalement) et rapportent des profits (comme des informations sur des emplois disponibles, voire une recommandation lorsqu’on postule).

Conclusion : A faire chez vous pour vous entraîner !!!!

Tableau des repères d’évaluation du DS n°7 du 12 mars 2016

Compétence IndicateurNiveau d’exigence

BarèmeNon Plutôt non Plutôt oui Oui

Introduire

Cadrage du sujet : France depuis le début des années 1980

Tâche à accomplir : Comment peut-on expliquer la mobilité ou la reproduction sociales ?

Annonce de plan :

Absence de cadrageET deTâche à accomplird’annonce de planOUAnnonce de plan seule

Cadrage incomplet sans sens des notions sans la tâche à accomplir avec annonce de planOUCadrage incomplet sans sens des notions avec la tâche à accomplir mais sans annonce du plan

Cadrage incomplet mais avec sens des notionsETTâche à accomplirETAnnonce de plan

Cadrage completETTâche à accomplirETAnnonce du plan

/2 pts

Mettre en œuvre une réponse organisée et acceptable pour répondre à la question posée par le sujet

la tâche définie par l’élève respecte le sujet : le sujet est compris

Il y a un planI- Le rôle de la structure socialeII- Le rôle de la familleIII- Le rôle de l’écoleLe plan répond à la question posée par le sujet

Absence de partiesOUIl ne traite pas du ou des termes du sujet et la tâche à accomplir n’est pas respectée

Il y a 2 ou 3 partiesSans sous-parties

Mais ne respecte pas la tâche à accomplir ou la question posée sur le sujet sur une des grandes parties.

Il y a 2 ou 3 parties ET2 ou 3 sous-parties

Mais ne respecte pas la tâche à accomplir ou la question posée sur le sujet sur un quart du devoir

Il y a 2 ou 3 partiesET 2 ou 3 sous parties logiquement reliées entre elles sur au moins une grande partieET la tâche à accomplir la question posée par le sujet sont respectés

/2 pts

Utilisation pertinente des termes du sujet pour répondre à la question posée par le sujet

Maîtrise des différents aspects des termes du sujetMobilité sociale comme degré de circulation entre des positions sociales qui ne sont pas équivalentes => MS intergénérationnelle verticale ascendante.Immobilité sociale comme reproduction sociale (complémentaire de la MS => ce qui la MS => l’immobilité)

Emploi à contresens ou contresens sur l’un des termes

Des aspects importants des termes ne sont pas utilisés

Les différents aspects importants sont identifiés mais pas tous utilisés

Les aspects essentiels des termes du sujet sont utilisés

/2 pts

Mettre en œuvre des séquences argumentatives pour répondre à la question posée par le sujet

Présence explicite d’une idée par séquence reliée au sujet

Présence d’argument(s) pour la défendre

Présence d’une illustration(il s’agit ici d’évaluer seulement la cohérence de l’argumentation)

Seulement un des indicateurs

IdéeET illustrationMAIS pas d’argument

Idée ET illustration MAIS partiellement argumentéOUIdée ET argument SANS illustration(2 à 3 fois)

Idée ET arguments ET illustration(3 à 4 fois)

/4 pts

Mobiliser les connaissances du programme pour répondre à la question posée par le sujet

Maîtrise des notions : Mobilité intergénérationnelle/intra-générationnelle, mobilité observée, fluidité sociale, déclassement, capital culturel, paradoxe d'Anderson, capital social, catégories socio-professionnelles, socialisation primaire/secondaire, sociabilité, réseau social

Maîtrise des mécanismes : Dotation inégale en capitaux, Paradoxe d’Anderson, différents déterminants de la mobilité et de la reproduction sociale : l'évolution de la structure socioprofessionnelle, le rôle de l'école et de la famille.

Références théoriques suivant le sujet, balisées par le programme : Bourdieu/Boudon

17 éléments présents dans l’argumentation

Moins de 6 connaissances

repérées

6 connaissances repérées sont

utilisées

8 connaissances attendues sontprésentes dans

l’argumentation.

Au moins 11 connaissances présentes dans

l’argumentation

/5 pts

Mobiliser des informations des documents pour répondre à la question posée par le sujet.

Sélection et mise en œuvre des informations issues du texteDoc 3 :- montre que chez les ACCE, l’immobilité soc peut provenir de la transmission ou la création d’E.

- => compétences transmises au sein de la famille et écoleLecture et compréhension des données chiffréesDoc 1 : - des CSP en déclin (1, 2 et 6) => enfants doivent trouver un emploi dans d’autres CSP => MS ascendante ou déclassement

- des CSP en hausse (3, 4, 5) => recrutent donc dans les autres catégories.=> MS.

- salarisation et tertiarisation des emplois => rôle de l’école très important dans MSDoc 2 : - réussite scolaire = réussite sociale => MS

- inflation des diplômes => paradoxe d’AndersonDoc 4 : - origine sociale => capital économique => réussite scolaireCalculs, comparaisons, tendances, périodisationsDoc 1 : calcul d’au moins 1 CM ou différence en pts de % + 2 tendances à la ↗ ou ↘ de certaines CSP (ex : ouvriers ↘, CPIS↗)Doc 2 : calcul d’au moins une différence en pts de % entre détenteur de diplôme.Doc 4 : Calcul d’un CM ou d’une différence en pts de %13 éléments Présents dans l’argumentation

Moins de 4 éléments ou avec

des contresens

4 informations repérées sont

utilisées

6 éléments sont présents dans

l’argumentation

Au moins 9 éléments sont présents dans

l’argumentation

/4 pts

Conclure

Réponse au sujet

Idées principales de l’argumentationAbsence de conclusionOUReprise du sujet

Réponse partielle (ou insérant de nouvelles connaissances)Réponse non cohérente avec le développement

Réponse au sujet sans reprise des idées principales de l’argumentation

Réponse claire qui récapitule les idées apportées

/1 pt

Barème : « oui » c’est le maximum des points de la compétence ; « plutôt oui », au moins la moitié des points ; « plutôt non », au moins un quart des points, mais « non », c’est zéro.