Conférence du 10 décembre 2010

Par Pierre BINTZ et Jean-Jacques MILLET

Association pour la valorisation et la diffusion de la Préhistoire Alpine

La taphonomie, la tracéologie

et l’archéologie expérimentale

La taphonomie est la discipline qui étudie les processus de transformation d’un organisme ou d’un objet archéologique après leur mort ou leur abandon.

Cette transformation peut être naturelle ou anthropique

Toute interprétation en paléontologie ou en archéologie doit tenir compte des transformations subies

La vérification des interprétations se fait par le biais de l’expérimentation qui constitue une étape importante dans la reconstitution des modes de vie.

Transformations naturelles – dispersion des ossements par les prédateurs

Transformation naturelle par écrasement

Transformation naturelle - érosion par l’eau et mécaniquement au cours

d’un transport

Transformation naturelle - corrosion due aux racines (absorption calcite)

Traces de grignotage par les rongeurs et par les carnivores

• Traces naturelles - causes biologiques

-> Actions des Oiseaux de proie - Grand Duc

St Thibaud-de-Couz - Lièvre

Coup de bec sur os de

lièvre variable

• Traces Anthropiques - Abattage des animaux

-> Impacts de projectiles-> Présence du projectile

• Traces Anthropiques - Travaux de boucherie

Extraction de la moelle

Trace de percussion

L’exploitation préférentielle de la Marmotte (Marmota marmota)

Les Freydières L'Olette La Passagère Colomb

(Griggo, 2006) (Griggo, 2006) (Patou, 1987) (Tomé, 1998)

stries 28,2% 26,8% 17% 28%

Dépouillement 2,1% 0% 10% -

Désarticulation 51,1% 44,8% 44% -

Décharnement 46,7% 55,2% 46% -

désarticulation

décharnement

Traces anthropiques – sciage et percussion à la base d’un bois de cerf

Abri mésolithique du Pas de la Charmate (Vercors)

Percussion

Sciage

Traces anthropiques – déformation et stries dentaires produits

par le passage d’un lien

Ours apprivoisé de la Grande Rivoire

Omoplate encochée : mise en évidence par expérimentation d’un outil

agricole d’un site néolithique du Moyen orient

Os encoché et perforé à l’aide d’un foret et d’un archer

Site paléolithique supérieur de la Fru (Savoie)

Galet aménagé montrant des enlèvements anthropiques et mécaniques

Val de Lans

La tracéologie

Etude des marques laissées par l’usage sur le tranchant des outils de silex

: stries, polis, esquillage…)

Ces marques varient suivant la matière travaillée (végétal souple ou dur,

peau, viande..) et le mouvement effectué

L’expérimentation sur diverses matières permet par comparaison et

observation au microscope de déterminer l’usage.

Outillage divers du site

lacustre néolithique de

Charavines

Tracéologie

Observation au microscope d’un

tranchant

Interprétations après observations au microscope et comparaison avec

des pièces expérimentales sur l’usagage des outils en silex

Expérimentation concernant les armatures microlithiques

du Mésolithique

Expérimentation réalisée dans le

Vercors

Millet Jean-JacquesPaléoanthropologue

- Département de Préhistoire, UMR 5198 du CNRS-USM 204 du MNHN, Institut de Paléontologie Humaine, 1 rue R. Panhard, PARIS 75013

- AVDPA , Institut Dolomieu, Université Joseph Fourier, 38000 Grenoble

L'AnthropologieAnthropologie biologique documente sur l'aspect physique desindividus, leur lien de parenté, leur condition de vie au fil de leurexistence.

L‘L‘AnthropométrieAnthropométrie évalue les dimensions et la forme du squelette.Elle permet l'étude de la variabilité dans et entre les populations, desanalyses statistiques comparatives d'individus et de groupes, lescalculs de distances entre populations, etc.

Analyse morphologique

1 Détermination de l’âge

2 Détermination du sexe

3 Estimation de la taille

Indice de robustesseIndicesProportion des membres

4 État sanitaire

5 Parenté

6 Démographie

242 pièces osseuses

Identification des structures anatomiques

reliefs supra-orbitaires réduits

(éléments séparés)

frontal redressé

Apophyse

mastoïdienne

menton visible

trigone bien délimité

Occipital: insertion

muscles nucaux

Méat auditif

Plan de

Francfort

L’exemple d’Homo sapiens

Détermination de l’âge

Bassin fémininBassin masculin

Détermination du sexe

femme homme

Estimation de la stature

Stature (cm)+/-3,417=2,26*Longueur fémur+ 66,379L humérusL ulnaL fibula

Indice de robustesse

Indice calculé sur le fémur100(périmètre/longueur)Le périmètre étant pris au milieu de la diaphyse fémoral

Indice brachiale longueur radius/longueur humérusIndice crurale Longueur tibia/longueur oblique du fémurIndice huméro-fémorale longueur humérus/longueur fémur

Cribra orbitalia: cette pathologie se caractérise par des porosités localisées sur le plafond des orbites et associées à des anémies.Site de Chevenez, Combe Varu (Haut Moyen Age).

État sanitaire

Fracture des côtes gauches des rangs 3, 4 et 5 chez un sujet adulte.Site de Chevenez, Combe Varu (Haut Moyen Age)

Blessures

Abcès mandibulaire et carie dentaire chez un sujet adulte.Site de Chevenez, Combe Varu (Haut Moyen Age

Hypoplasie dentaireMarqueur de stress environnemental

De belles images, pour quelle réalité scientifique?

Des techniques

Détermination de l’âge, de la stature et du sexe….

La génétiqueLe MorphingLe scanner et les reconstructions virtuelleLa morphométrie géométrique

Des résultats et nouvelles hypothèses

Une pincée de Neandertal dans nos gènes !Une étude réalisée sur 60% de l'ADN nucléaire de Neandertal en contradiction avec les études précédentes sur l'ADNmt de Neandertal, mais en provenance du même institut...

Un Neandertal en chacun de nous

Variabilité morphologique

L'homme de Denisova : nouvelle espèce d'Homininé ?

Composition chimique des os

Composition chimique des

dents et des os

L'étude de la composition des

dents et des os peut également

donner des indications sur le

type d'aliment ingéré

habituellement .

- la proportion de 13 C par

rapport au 12C permet de

repérer de rares humains se

nourrissant presque

exclusivement de viandes

(Néandertaliens de Sclayn en

Belgique et de Marillac en

Charente).

- le rapport Strontium Sr/ Ca

Calcium est élevé chez les

plantes, diminue

progressivement chez les

herbivores et encore plus

fortement chez les carnivores.

- une forte proportion d'Azote

15 montre la consommation

d'aliments lactés.

Croissance modélisé sur les Australopithecus africanus

Reconstruction virtuelle de l’adolescent du Moustier

Reconstruction virtuelle de Ardipithecus ramidus

Toumai

Stries d'utilisation des dents

Usure dentaire

Stries verticales=viande

Strie horizontales=végétaux

Stries obliques=omnivore

Cupules=graminées, rhizomes

(Image de droite prise au microscope à

balayage électronique - Dent de

néandertal)

En analysant, grâce au microscope à

balayage électronique, l'émail dentaire

on peut découvrir des stries

d'utilisation provoquées par le type

d'aliment mâché. L’existence de stries

verticales et longues indiquent une

alimentation à base de viande. Des stries

horizontales témoignent d’une

alimentation plus riche en végétaux.

Par ailleurs, la consommation de feuilles

laisse des traces de polissage sur les

incisives.

Les hommes, omnivores, ont des stries

obliques depuis le début.

Points repères

Morphométrie géométrique 3DDisparité Diversité

Variabilité

Cercopithècoïdes et Hominoïdes

-0,03

-0,02

-0,01

0,00

0,01

0,02

0,03

0 10 20 30 40 50 60

P1(56,2%)

TAILLE

Pan troglodytesBunopithecusMacaca mulata

Pan paniscusNomascusMacaca nemestrina

Symphalangus syndactylus

Homo sapiensPongo pygmaeus

Papio hamadryas

Gorilla gorillaHylobates larChlorocebus aethiopsPapio papio

Résultats

L’étudeL’étude

Hominidés

-0,03

-0,02

-0,01

0,00

0,01

0,02

-0,04 -0,03 -0,02 -0,01 0,00 0,01 0,02 0,03 0,04

P1(68,8%)

P2(8,09%)

Homo sapiens Gorilla gorilla Pan troglodytes Pan paniscus

Australopithecus africanus Paranthropus Homo habilis Homo erectus

Homo neanderthalensis Homo sapiens ancien

DiversitéMorpho-spécifique

Résultats

ACPACP

VARIABILITE

-0,12

0,00

0,12

-0,20 -0,10 0,00 0,10

P1 (47,4%)

P2 (8,2%)

Africains Asiatiques Européens Américains Océaniens indéterminés

-0,16

-0,12

-0,08

-0,04

0,00

0,04

0,08

0,12

10 20 30 40

TAILLE

P1 (47,4%)

Les hommes actuels

Infantiles AdultesOntogenèse

DiversitéMorpho-spécifique

HOMO SAPIENS

-0,0200

-0,0150

-0,0100

-0,0050

0,0000

0,0050

0,0100

0,0150

0,0200

0,0250

0 5 10 15 20 25 30 35 40

Taille

P1 (

34,9

%)

Néolithique

Mésolithique

Epipaléolithique

Age du fer

Paléolithique

Actuel

Variabilité morphologique des hommes au cours du temps

Accélération de croissance et « gracilisation »

N=454

D’un autre côté, le cerveau, le corps et la taille du groupe social montrent de fortes relations.

Robin Dunbar, 1998…

Il y aurait une progression de la complexité sociale

Robin Dunbar

Impliquant une augmentation des capacités cognitives

Robin Dunbar

Histoire de croissanceStratégie de croissance

CHAMP MORPHOLOGIQUE

mâle femelle

Infantile

Juvénile

Adolescent

Adulte

Phases de croissance

Subadulte

TAUX DE CROISSANCE

Exemple du chimpanzé

Maturité sexuelle

1èrephase 2ème

phase

mâlefemelle

Dimorphisme

Temps

Exploitation de toutes les classes d’âge d’une population, d’un échantillon, d’une collection

Variabilité morphologique et variabilité ontogénétique

Millet 2004aMillet 2000

Les caractéristiques temporelles de l’évolution des modes de vie, des

modalités de croissance et des structures sociales.

Évolution de la variabilité morphologique en fonction de :

L’écologie humaine Temps long

Homo sapiens

I J Ado Ad

Néolithisation? Endémisme ?Homo neanderthalensis

Homo sapiens fossiles(Paléolithique supérieur)

I J Ado Ad

Millet 2004b,c

I J Ado Ad

Multimâles-multifemelles

Monogame

Harem

Stérilité adolescente,

Premiers petits

Faible écart entre les

maturités sociales et

sexuelles

Fort écart entre les

maturités sociales et

sexuellesEspacement entre les

naissances

Sevrage

Petits groupes

Grands groupes

Analyse factorielle des correspondances

Données de croissance, de maturation physiologique et physique des espèces actuelles

Analyse factorielle des correspondancesAvec les hommes fossiles

Coord.L.

Coord.C.

Dimension 2; Valeur propre: ,01290 (15,54% d'Inertie)

Dim

en

sio

n 3

; Va

leu

r pro

pre

: ,00

48

2 (5

,81

4%

d'In

ertie

)

-0,20

-0,15

0,00

0,05

0,10

0,15

-0,4 -0,3 -0,2 -0,1 0,0 0,1 0,2 0,3

Ppan

Ggb

GggGgc

PtcPts

Ptt

Ptv

Ppa

Ppp

Hlar

Ncon

SsynBun

Hsap

HN

Hsf

GEST

IBI

MSOF

MSOM

MSXF

MSXM

PPT

PSTE

SEVR

Hylobates

Hsap

Pan p.

-0,10

-0,05

Gorilla

Pongo

Pan t.

Hsf

Hn

SymphalangusNomascus

Multimâles-Multifemelles

Monogame

Harem

« L‘émergence de l’homme modernes et l’extinction

des hommes de Neandertal…

peut-elle nous faire comprendre la disparition d’une

partie de la diversité humaine du paléolithique moyen et

supérieur ?»

La forme du cerveau est différente, la croissance aussi.

Hypothèse climatiqueL'hypothèse climatique

Après une amélioration climatiqueil y a 40 000 ans, les variations detempératures qui suiventdémontrent une détérioration duclimat. Des chutes et des hausses deplusieurs degrés sont attestéesparfois en quelques dizainesd'années... Selon plusieurs auteursces bouleversements climatiquespeuvent être à l'origine de ladisparition de Neandertal, parmanque d'adaptation.Une étude réalisée par une équipefranco-américaine est venuecontredire cette hypothèse endécembre 2008. En analysant lesmodifications du climat et les sitesou se trouvaient Neandertal, ils ontpu démontrer que les deux itemsn'étaient absolument pas corrélés.D'après les auteurs il semble queNéandertal ait reculé devant lesavancées des sapiens plutôt quedevant les événements climatiques.

Comment Neandertal a disparu ?

Des études font apparaître de très fortes variations de

température sur la période, avec des chutes ou des

hausses de plusieurs degrés en seulement une seule

décennie.Ces modifications ont eu des

conséquences dramatiques sur la faune et la flore de l'époque et bien sûr sur les populations

d'hominidés de l'époque.

Devant l'avancée de la glace, Neandertal est contraint d'émigrer vers le sud de l'Europe. Il partage les territoires restants avec

d'autres hominidés : les Aurignaciens. Ce contact est aussi une concurrence, car les ressources alimentaires ne

sont pas infinies. Homo neanderthalensis Homo sapiens

Hypothèse climatique ou démographique

Buia

Homofloressiensis

Homme de Denisova

Homosoloensis