Une institution sur-mesure pour le Pays basque Compte rendu de lAtelier lgislatif citoyen- 22 mai 2015

Le thme de ce 9e atelier lgisla2f citoyen Une ins2tu2on sur-mesure pour le Pays basque a fortement mobilis : une centaine de par2cipants a en eet rpondu prsent linvita2on de ColeFe CAPDEVIELLE pour deux heures dchanges riches et anims.

Pour la premire fois, cet ALC a t loccasion de solliciter en amont lexpression des citoyens via une plateforme collabora2ve cre pour loccasion. Les rponses au ques2onnaire en ligne montrent un intrt rel des citoyens qui souhaitent tre davantage informs et associs au dbat sur la rforme territoriale (voir en pice jointe les rsultats complets).

Pour nous accompagner dans la discussion, deux intervenants Eric KERROUCHE, directeur de recherche au CNRS et prsident de la Communaut de communes Maremne Adour Cte Sud et Eguzki URTEAGA, professeur de sociologie poli2que lUniversit Euskadi, nous ont fait lhonneur dapporter leur regard dexpert avec pdagogie et passion.

Deux points majeurs ont t abords lors des changes :

- Dans une premire par2e, il a t ques2on des enjeux de la rforme territoriale et de la nouvelle organisa4on territoriale.

- La seconde par2e a permis daborder plus directement les consquences de ceFe rforme pour le Pays basque et les perspec4ves dvolu4on ins4tu4onnelle dans lhypothse notamment de cra4on dune intercommunalit unique.

I. Les enjeux de la rforme territoriale

Cra%on des mtropoles, fusion des rgions et rpar%%on des comptences : une rforme territoriale en trois volets

ColeFe CAPDEVIELLE a dabord rappel les trois grandes lois de dcentralisa2on qui ont t discutes au parlement depuis 2012 :

Le premier volet intervient avec la loi de Modernisa4on de lac4on publique et darma4on des mtropoles du 27 Janvier 2014 qui a abou2 la cra2on de trois grandes mtropoles (Paris, Lyon, Aix-Marseille) et de 10 mtropoles de droit commun (Bordeaux, Nice, Strasbourg, Toulouse, Nantes, Rennes, Rouen, )

Le deuxime volet de la rforme territoriale vise la rduc4on du nombre de rgions de 22 13. Pour ce qui nous concerne, lAquitaine est fusionne avec le Limousin et le Poitou Charentes et cons2tue la 2e plus grande rgion de France, soit lquivalent de la supercie de lAutriche et la dmographie du Danemark.

Enn, le troisime volet porte sur la Nouvelle Organisa4on Territoriale de la Rpublique (loi NOTRe) qui est toujours en cours de discussion (2e lecture lAssemble na2onale prvue la n du mois de juin). Le texte devrait tre dni2vement adopt en juillet 2015. Ce dernier volet a pour principal objec2f de donner plus de poids aux rgions, aux mtropoles et aux intercommunalits.

Notre territoire est par2culirement concern par la loi NOTRe, au premier chef par le seuil minimum de 20 000 habitants qui sera dsormais appliqu pour cons2tuer une intercommunalit. Or, au Pays basque, seulement 3 des 10 EPCI respectent ce seuil. Cest la raison pour laquelle lhypothse dune intercommunalit unique lchelle de tout le Pays basque parait davantage ralisable aujourdhui.

Au terme de ceFe rforme territoriale, lchelon dpartemental est clairement aaibli. Les dpartements ont certes russi, par une ac2on de lobbying intense au parlement, sauver leur peau, au moins jusquen 2020, mais la clause de comptence gnrale a t supprime et une par2e des comptences stratgiques sera dsormais pilote par les Rgions (numrique, tourisme, transport). Leur champ dac2on est donc dsormais limit aux poli2ques sociales (RSA, minimum vieillesse, APH ).

Dcentralisa%on, lexcep%on franaise

Le regard compara2f europen est riche denseignements pour comprendre le processus de dcentralisa2on en France.

Eguzki URTEAGA a fait part de son tonnement quant la mthode employe loccasion de la loi visant rduire le nombre de rgions de 22 13. CeFe dcision brutale, dcide au plus haut sommet de lEtat, sans concerta4on avec les territoires concerns, naurait pas t concevable en Espagne. Lhistoire poli2que des deux pays est trs dirente.

Aprs de longues dcennies de dictature franquiste, la Cons4tu4on espagnole de 1978 reconnait des na4onalits (catalane, valencienne, galicienne et basque) et prvoit la cra2on de Communauts autonomes avec leurs propres comptences et scalits. Deux principes sont la base de lorganisa2on territoriale espagnole :

- Dune part, la dcentralisa2on des comptences sest accompagne dans le mme temps du transfert du processus dcisionnel avec des rgions dotes de pouvoirs lgisla2fs et norma2fs.

- Dautre part, lorganisa2on territoriale espagnole est asymtrique : tous les territoires ne disposent pas des mmes comptences.

Ds les premires lois de dcentralisa2on en France, lEtat na pas souhait droger au principe dgalit et au caractre unitaire de son organisa4on. Ces rformes ont certes donn plus de pouvoir aux territoires mais elles lont fait de faon uniforme (chaque dpartement dispose des mmes comptences, idem pour les rgions) en limitant ainsi la possibilit dadapter leur ac4on aux spcicits locales.

Eric KERROUCHE a rappel la permanence du modle territorial franais depuis 1790 autour du couple commune/dpartement permeFant un dcoupage quasi-quivalent du territoire.

Les graphiques prsents lors du dbat (voir en annexe) montrent la spcicit du rgime poli2que franais qui se caractrise par :

- Le nombre trs lev de communes : plus de 36 000.

- Labsence de rformes dampleur pour limiter ce nombre de communes contrairement aux autres pays europens.

Les raisons de ceFe excep2on poli2que franaise 2ennent dans la dirence de reprsenta4on du fait communal entre Anglo-saxons et Franais : pour les premiers, la commune est conue avant tout comme une collec2vit prestataire de services , tandis que pour les seconds, la commune renvoie davantage un aFachement iden2taire et patrimonial.

En tout tat de cause, le morcellement communal rend trs dicile la mise en uvre ecace des poli4ques publiques. En consquence, lintercommunalit est apparue comme le pallia2f indispensable pour faire fonc2onner ensemble des communes qui partagent au sein du mme bassin de vie, des enjeux communs : ges2on de leau, des dchets, transports, etc

Vers une nouvelle organisa%on territoriale ?

Depuis les annes 2000, lorganisa4on territoriale de la France volue progressivement pour se rapprocher des autres pays europens. Plusieurs actes ont t poss remeFant en ques2on le modle unitaire de lEtat :

- la rforme de Raarin en 2003 a ainsi pos le droit lexprimenta4on pour les territoires.

- en 2010 puis en 2014, avec la loi MAPAM, des mtropoles sont cres ce qui introduit une vraie asymtrie entre niveaux de collec2vits.

- Autre disposi2f moins connu, la confrence territoriale de lac4on publique (CTAP) prvue par la loi MAPAM : organise au niveau rgional par2r de 2016, les collec2vits pourront ngocier directement entre elles des comptences et des nancements sans passer par la loi.

- Enn, la loi NOTRe prvoit pour la premire fois de donner aux rgions un pouvoir prescrip4f et rglementaire par le biais de schmas rgionaux (dveloppement conomique et amnagement du territoire notamment) simposant aux autres collec2vits (Dpartements, EPCI), en dpit du sacro-saint principe de non tutelle dune collec2vit sur une autre.

Il semble que nous entrions ainsi dans une phase de transi4on dans laquelle les deux chelons territoriaux historiques sont progressivement marginaliss au prot des rgions dun ct et des mtropoles et des communauts dun autre ct.

2e partie : "Lintercommunalit Pays Basque : vraie reconnaissance ou institution au rabais ?"

La proposi%on du Prfet

Les consquences de la rforme territoriale sont majeures pour notre territoire. De nouveaux ou2ls ins2tu2onnels ont en eet t cres (ple mtropolitain et ple rural dquilibre territorial respec2vement par les rformes de 2010 et 2014) et, comme nous venons de le voir, les intercommunalits ont t renforces sous leurs direntes formes : communaut urbaine, communaut dagglomra2on et communaut des communes.

Fort de ce constat, le Prfet des Pyrnes Atlan4ques a propos en juin 2014, quatre scnarios dvolu4on ins4tu4onnelle pour le territoire.

Au regard des revendica2ons exprimes lors des mobilisa2ons en faveur du Dpartement dans les annes 1980 et 1990, puis de la collec2vit territoriale statut par2culier dans les annes 2010, ce sont les scnarios dits intgrs dune intercommunalit unique (Communaut urbaine ou dagglomra2on) qui sont demble apparus comme les plus per2nents pour le territoire.

Mais cet EPCI Pays basque est-il de nature sa2sfaire la demande de reconnaissance territoriale ?

Lintercommunalit Pays basque : une opportunit historique pour une vraie reconnaissance ins%tu%onnelle

Les internautes sollicits via la plateforme collabora2ve ne semblent pas encore convaincus par ceFe perspec2ve puisquune majorit dentre eux con2nue de prfrer lop2on dune collec2vit territoriale statut par2culier.

Eguzki URTEAGA rappelle combien la demande de reconnaissance ins4tu4onnelle est ancienne et remonte au moins jusqu la Rvolu2on franaise quand les dputs de la Cons2tuante rclamaient dj un dpartement basque. Nanmoins, la revendica2on dpartementaliste prend un tournant majeur en 1963 avec la cra2on du mouvement Enbata qui incarne alors le renouveau Abertzale en Pays basque franais.

En quelques dcennies, des ides portes par une trs pe2te minorit se sont diuses dans tous les secteurs de la socit et dautres revendica4ons historiques font aujourdhui consensus, au-del du noyau abertzale dorigine : locialisa2on de la langue basque, la cra2on dune universit autonome du Pays basque ou encore la reconnaissance dune chambre dagriculture spcique.

Au dbut des annes 1990, le territoire sest dot dune gouvernance locale avec la cra4on dun Conseil des Elus et dun Conseil de Dveloppement associant reprsentants de lEtat, lus et acteurs de la socit civile. Ils par2cipent llabora2on collec2ve dun projet de territoire et dun contrat territorial spcique. CeFe gouvernance indite a mme fait rfrence au moment de la cra2on des pays par la loi Voynet en 1997.

Au moment de lannonce dune grande rforme territoriale par le nouveau gouvernement en 2012, les acteurs du territoire se sont mis daccord sur un nouveau projet dins2tu2on : la collec2vit territoriale statut par2culier, forte de huit comptences notamment en ma2re de langue basque et de transfrontalier.

Aprs le refus du Gouvernement en 2013 de crer une ins2tu2on spcique pour le Pays basque, le Premier ministre Jean Marc Ayrault a con le soin au Prfet de lancer une nouvelle rexion par2r des ou2ls existants. Cest dans ce contexte quil faut replacer la proposi2on dune intercommunalit unique au Pays basque.

Lintercommunalit, une ins%tu%on poli%que en devenir

Pour Eric KERROUCHE, les intercommunalits sont des collec4vits de fait. Elles exercent, en pra2que, la plupart des comptences normalement dvolues aux communes.

Le problme rside dans le fait que les EPCI sont aujourdhui en dehors de tout contrle dmocra4que : les reprsentants des EPCI ne sont pas responsables de leurs dcisions.

Face ceFe situa2on dhypocrisie, ColeFe CAPDEVIELLE a prsent sa proposi4on damendement pour meFre en place llec4on au surage universel direct des conseillers communautaires par2r des prochaines chances lectorales en 2020.

CeFe dsigna2on directe est une ncessit dmocra2que an de crer un vritable espace poli4que lchelle des intercommunalits. Aujourdhui, les enjeux et les poli2ques passent trop souvent au second plan derrire la vie poli2que municipale.

Cet amendement a t repris par le groupe socialiste lAssemble na2onale lors du dbat sur la loi NOTRe, il a t adopt en 1re lecture lAssemble avant dtre supprim par le Snat. Mais, il ne fait aucun doute quil sera rtabli en 2e lecture lAssemble, tant il apparait comme une avance progressiste pour la dmocra2e locale. Concrtement, lamendement pose le principe de llec2on au surage universel direct des reprsentants des EPCI, mais une nouvelle loi sera ncessaire avant le 1er janvier 2017 pour dnir les modalits concrtes de ceFe mesure, car plusieurs points restent trancher : mode de scru2n (majoritaire ou propor2onnel), reprsenta2on des communes, etc

Quel projet et quelles comptences prioritaires pour la future Communaut Pays basque ?

A ceFe ques2on, les internautes ayant rpondu au ques2onnaire en ligne ont mis en avant cinq poli2ques prioritaires pour le Pays basque. Il sagit par ordre de rponse :

1. Dveloppement territorial

2. Langue basque

3. Transports

4. Transfrontalier

5. Habitat et Agriculture

En commentaire de ces rponses, Eguzki URTEAGA a fait remarquer que les comptences u4litaires (dveloppement, amnagement, transport, urbanisme) sont au moins autant aFendues que les comptences iden4taires (langue, culture). Il apparait ainsi indispensable que la future structure intgre bien ces deux volets. Il convient donc dviter que le choix pour un type dEPCI, par exemple une communaut dagglomra2on, limite le champ des comptences de ceFe future ins2tu2on.

Pour Eric KERROUCHE, le cas du Pays basque est par2culirement intressant dans la mesure o ceFe future intercommunalit combine une logique fonc2onnelle (conomie, habitat) avec une logique culturelle. Elle aura galement traiter des solidarits urbain/rural et devra faire converger les 10 EPCI du territoire tant sur le plan des comptences que celui de la scalit. Les ngocia2ons sannoncent longues et diciles et risquent de provoquer beaucoup de divisions. Dautant que ces volu2ons vont impacter le pouvoir des maires en touchant probablement leur mandat et leur indemnit.

Dbat avec la salle

Franois MAITIA appelle de ses vux la cra2on de ceFe intercommunalit unique qui apporte une reconnaissance du territoire dans le primtre historique du Pays basque franais tout en sinscrivant dans le droit commun franais. Il sinterroge toutefois sur le risque de tension entre les territoires du liForal et ceux de lintrieur.

Jean Claude IRIART es2me que la proposi2on dintercommunalit cons2tue un bon compromis aprs lchec de la cra2on dune collec2vit territoriale spcique dans la mesure o le budget dune telle

ins2tu2on aFeindrait prs de 400 M. En outre, les comptences dont serait dote ceFe future intercommunalit correspondent quasiment celles revendiques. Les comptences manquantes (transport, transfrontalier) pourront tre ngocies directement avec les collec2vits dpartementale ou rgionale. Enn, il faut tre raliste et dire que les 10 EPCI clats ne pseraient rien face la nouvelle grande rgion Aquitaine.

Vianney CIER souhaite rela2viser limportance de laugmenta2on du poids de la scalit quapporterait ce nouvel ou2l ins2tu2onnel dans la mesure o le Pays basque franais se situerait encore loin de lautonomie scale dont bncie la Communaut autonome dEuskadi.

Axel GRAND sinterroge sur les ac2ons transfrontalires que pourraient porter la Communaut Pays basque dans la mesure o les changes actuels demeurent trs faibles.

Franois VIVIER pose la ques2on qui porte enn sur le primtre : quid du bassin du Seignanx ?

Michel BERHOCOIRIGOIN rappelle les revendica2ons successives dun dpartement et dune Collec2vit spcique Pays basque qui bnciaient de comptences stratgiques pour le dveloppement du territoire, et considre la cra2on dune intercommunalit lchelle du Pays basque comme une tape supplmentaire. Sur la ques2on des comptences, il sinterroge sur les possibles transferts de la part du Dpartement et de la Rgion, ceFe future Communaut Pays basque.

Alain IRIART remercie ColeFe Capdevielle pour lini2a2ve de ce dbat public et de son engagement sur ce sujet. Son ac2on parlementaire en faveur de llec2on au surage universel direct des conseillers communautaires est saluer, et permeFra lavnement dun vritable espace poli2que lchelle du Pays basque. Il souhaite galement apporter un tmoignage des travaux des lus en cours, en lien avec les experts commandits par le Conseil des lus. Plusieurs runions ont dj eu lieu runissant une trentaine de reprsentants de toutes les intercommunalits actuelles du Pays basque sur les sujets de la scalit, de la gouvernance, des comptences, etc Il insiste par ailleurs sur la ncessaire complmentarit des travaux lgisla2fs et locaux.

Mot de conclusion de Colette Capdevielle

ColeFe Capdevielle souhaite remercier toutes les personnes prsentes ainsi que les deux intervenants de la soire. Au regard de lintrt suscit par cet ALC, elle souhaite prolonger le dbat et crer un groupe de rexion an de laccompagner dans sa rexion et son travail parlementaire. Ce groupe de rexion pourra tre sollicit en par2culier lors de la 2e lecture du projet de loi NOTRe lAssemble na2onale, vers la n juin, ainsi que lors de llabora2on dun rapport parlementaire sur les condi2ons de mise en uvre de llec2on au surage universel direct des conseillers communautaires.

Plus largement, il sagira de poursuivre collec2vement la socialisa2on et la mise en dbat de lvolu2on ins2tu2onnelle du Pays basque en meFant les citoyens au centre de ce dbat.