14
Fabrique de sens Amitiés intellectuelles A l’appui Médiation scientifique Oreille attentive Plumes et claviers d’amis Algérie Art Crise économique Culture Fabrique de l’Histoire France Culture Histoire Intellectuel engagé Littérature Manifeste des 121 Science Aide Plan du site Rechercher : R.S.S 2.0 Aperçu avant impression Espace privé La bleuïte ou l’art de la guerre / La Fabrique de l’Histoire Transcription, par Taos Aït Si Slimane, de l’émission de France Culture « La Fabrique de l’Histoire », par Emmanuel Laurentin, diffusée le mardi 19 février 2008 : Histoire du renseignement, le colonel Amirouche. Edito sur le site de France culture : La bleuïte ou l’art de la guerre, un documentaire de Jean-Louis Rioual et Véronik Lamendour. Avec les témoignages de Hamou Amirouche (secrétaire du colonel Amirouche) ; Djoudi Attoumi (secrétaire au PC de la Wilaya III) ; Lakhdar Bouragaa (moudjahid dans la Wilaya IV) ; Jean-Charles Jauffret (professeur à l’IEP d’Aix en-Provence) ; Rémy Madoui (officier de renseignement et de liaison dans la Wilaya IV) ; Abdel Halim Medjaoui (moudjahid dans la Wilaya III) ; Salah Mekacher (secrétaire au PC de la Wilaya III) ; Tarik Mira (fils du Commandant Abderrahmane MIRA) ; Georges Oudinot (officier dans la SAS de Béni Douala, Kabylie) ; Paul et Marie-Catherine Villatoux (historiens au Service Historique de la Défense - SHD Vincennes). La guerre d’Algérie (1954-1962) a été une guerre dure, totale, où le renseignement militaire a pris une place centrale pour connaître les choix, les positions et les stratégies du camp adverse. Méthode subversive et non-conventionnelle, il a été utilisé comme une arme offensive pour détruire le potentiel ennemi. La bleuïte est la grande purge qui affecta les maquis de l’Armée de Libération Nationale après la bataille d’Alger, dès la fin de l’année 1957. Elle a été dirigée et orchestrée par les Services secrets français, et plus précisément par le capitaine Paul-Alain Léger. Habitué aux techniques de guerre psychologique, de manipulation, d’infiltration, d’intoxication, de « coups tordus », Léger a ciblé le colonel Amirouche, chef de la Wilaya III en Kabylie, réputé déterminé et cruel. En lui faisant croire que son secteur était noyauté par des agents doubles, des maquisards ralliés à la cause française, il a persuadé le leader algérien d’entreprendre dans son propre camp l’extermination, l’épuration de ceux qu’il pensait être des traîtres. Ce « nettoyage » a duré des mois et a eu des effets dévastateurs sur le moral des moudjahidines. Le doute, la suspicion, la paranoïa se sont diffusés comme un poison dans les La bleuïte ou l’art de la guerre / La Fabrique de l'Histoire - Fabrique de... http://www.fabriquedesens.net/La-bleuite-ou-l-art-de-la-guerre 1 of 14 09/11/2013 23:50

Bleu i Teart Guerre f

  • Upload
    fihsef

  • View
    10

  • Download
    0

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Bleu i Teart Guerre f

Citation preview

Page 1: Bleu i Teart Guerre f

Fabrique de sens

Amitiés intellectuellesA l’appuiMédiation scientifiqueOreille attentivePlumes et claviers d’amis

Algérie Art Crise économique Culture Fabrique de l’Histoire France Culture Histoire Intellectuel engagéLittérature Manifeste des 121 Science

AidePlan du siteRechercher :

R.S.S 2.0

Aperçu avant impression Espace privé

La bleuïte ou l’art de la guerre / La Fabrique de l’Histoire

Transcription, par Taos Aït Si Slimane, de l’émission de France Culture « La Fabrique de l’Histoire », parEmmanuel Laurentin, diffusée le mardi 19 février 2008 : Histoire du renseignement, le colonelAmirouche.

Edito sur le site de France culture : La bleuïte ou l’art de la guerre, un documentaire de Jean-LouisRioual et Véronik Lamendour. Avec les témoignages de Hamou Amirouche (secrétaire du colonelAmirouche) ; Djoudi Attoumi (secrétaire au PC de la Wilaya III) ; Lakhdar Bouragaa (moudjahiddans la Wilaya IV) ; Jean-Charles Jauffret (professeur à l’IEP d’Aix en-Provence) ; Rémy Madoui(officier de renseignement et de liaison dans la Wilaya IV) ; Abdel Halim Medjaoui (moudjahid dans laWilaya III) ; Salah Mekacher (secrétaire au PC de la Wilaya III) ; Tarik Mira (fils du CommandantAbderrahmane MIRA) ; Georges Oudinot (officier dans la SAS de Béni Douala, Kabylie) ; Paul etMarie-Catherine Villatoux (historiens au Service Historique de la Défense - SHD Vincennes).

La guerre d’Algérie (1954-1962) a été une guerre dure, totale, où le renseignement militaire a pris uneplace centrale pour connaître les choix, les positions et les stratégies du camp adverse. Méthodesubversive et non-conventionnelle, il a été utilisé comme une arme offensive pour détruire le potentielennemi.

La bleuïte est la grande purge qui affecta les maquis de l’Armée de Libération Nationale après labataille d’Alger, dès la fin de l’année 1957. Elle a été dirigée et orchestrée par les Services secretsfrançais, et plus précisément par le capitaine Paul-Alain Léger. Habitué aux techniques de guerrepsychologique, de manipulation, d’infiltration, d’intoxication, de « coups tordus », Léger a ciblé lecolonel Amirouche, chef de la Wilaya III en Kabylie, réputé déterminé et cruel. En lui faisant croireque son secteur était noyauté par des agents doubles, des maquisards ralliés à la cause française, il apersuadé le leader algérien d’entreprendre dans son propre camp l’extermination, l’épuration de ceuxqu’il pensait être des traîtres. Ce « nettoyage » a duré des mois et a eu des effets dévastateurs sur lemoral des moudjahidines. Le doute, la suspicion, la paranoïa se sont diffusés comme un poison dans les

La bleuïte ou l’art de la guerre / La Fabrique de l'Histoire - Fabrique de... http://www.fabriquedesens.net/La-bleuite-ou-l-art-de-la-guerre

1 of 14 09/11/2013 23:50

Page 2: Bleu i Teart Guerre f

rangs de l’ALN FLN avec une efficacité redoutable, et se sont étendus dans les wilayas voisines, le toutsans exposer le moindre soldat français.

Encore aujourd’hui, on ne connaît pas précisément le nombre de victimes de ces purges ni même lesconséquences qu’elles ont eu sur le cours de l’histoire de l’Algérie.

« Tout l’art de la guerre est basé sur la duperie » : jamais cet exergue du théoricien Sun Tzu n’aura euun tel écho, un tel impact et surtout une telle réussite dans l’histoire des conflits armés.

Merci à tous les lecteurs qui voudront bien me signaler les probables imperfections.

Emmanuel Laurentin : Deuxième temps d’une histoire du renseignement et des services secrets dans LaFabrique de l’Histoire. Hier, notre grand témoin Constantin Melnik (http://www.fabriquedesens.net/La-Fabrique-de-l-Histoire-Histoire) qui fut conseiller de Michel Debré à Matignon pendant la Guerred’Algérie, qui, à ce titre, eut à coordonner les services secrets français, nous a expliqué combien il étaitdifficile de faire l’histoire de ces services secrets et de renseignement tant les sources sont parcellaires etquelquefois exagérées par les témoins eux-mêmes. Demain, notre émission du mercredi, fondée sur lesarchives, diffusera des archives orales, enregistrées à la fin des années 1990, par le Service historique de ladéfense, sur les services secrets pendant la Seconde Guerre mondiale. Jeudi, le débat portera sur la difficultépour l’historien de travailler sur ce type de sujet. Aujourd’hui, le documentaire d’une heure, celui deJean-Louis Rioual et de Véronique Lamendour portera sur une opération réussie, pourrait-on dire, pendant laGuerre d’Algérie, la bleuïte. La bleuïte qui était une façon d’intoxiquer, par les services français, les Wilayas,en particulier la Wilaya III en Kabylie, celle du fameux colonel Amirouche, en faisant croire qu’il y avait,dans ces Wilayas, des agents doubles qui travaillaient pour la France et provoquer ainsi l’élimination de cesmilitants autonomistes et indépendantistes Algériens. C’est l’histoire qui est racontée dans ce documentaire,par les témoins eux-mêmes, La bleuïte ou l’art de la guerre, un documentaire de Jean-Louis Rioual etVéronik Lamendour.

1 ? voix masculine : J’ai été arrêté à l’Akfadou, les mains derrière le dos, je suis ficelé et quelques minutesaprès, c’est déjà l’interrogatoire, déjà la torture.

2 ? voix masculine : Il aurait pu arriver, cela aurait pu m’arriver d’être soupçonné, peut-être même d’êtretué. Mais, pour moi, ce n’est pas mes camarades du maquis qui sont responsables.

Commentateur, voix masculine : la bleuïte ou l’art de la guerre.

3 ? voix masculine : la bleuïte, oh ! c’est l’armée française, pour faire de l’intox, contra la révolution.

4 ? voix masculine : Cette histoire est montée de toutes pièces par les services secrets français pouressayer de semer le doute dans l’armée algérienne qu’il y avait à cette époque-là et qui se battait avec lesmoyens qu’elle avait. Voilà.

5 ? voix masculine : Nous, de notre côté, nous avons vécu ce complot. On était étonné. On était écœuré.Des gens comme ça qu’on traite de traîtres ? Parfois des gens braves, des gens courageux. Vraiment, on necomprenait plus rien à ce qui se passait.

Commentateur : La Guerre d’Algérie a été une guerre totale, où l’exploitation du renseignement a étéprépondérante pour recueillir des informations sur l’ennemi, mais aussi pour le déstabiliser, souvent à la

La bleuïte ou l’art de la guerre / La Fabrique de l'Histoire - Fabrique de... http://www.fabriquedesens.net/La-bleuite-ou-l-art-de-la-guerre

2 of 14 09/11/2013 23:50

Page 3: Bleu i Teart Guerre f

marge, à la limite des règles conventionnelles admises dans les états-majors militaires. Suivant les logiques dela guerre subversive, de la guerre psychologique où tous les coups sont permis, même les plus tordus, lableuïte reste cette incroyable machination, pensée et dirigée par les Services secrets français, pour détruireles maquis de l’Armée de libération nationale, en jetant le trouble, le doute, la suspicion dans l’esprit descombattants Algériens. L’ALN a ainsi cru être victime d’un complot par l’infiltration de traîtres, de bleusdans ses propres rangs. Cette manipulation machiavélique, montée de toute pièce par le capitaine Paul-AlainLéger, a eu pour conséquences les purges qui affectèrent d’abord la Wilaya III, la région politico-militairekabyle du colonel Amirouche. Pour comprendre comment le virus de la bleuïte a pu pénétrer la Révolutionalgérienne, il faut revenir à la Bataille d’Alger. En janvier 1957, les quatre régiments paras de la 10er divisionparachutiste, dirigées par le général Massu, investissent la capitale algérienne avec la mission de faire cesserles attentats et de décapiter la tête de la rébellion dans la Casbah. En quelques mois, la recherche durenseignement, lors d’interrogatoires souvent poussés jusqu’à la torture, a eu des résultats effectifs sur lesdémantèlements des cellules FLN. A la mi-septembre, il ne reste que Yacef Saadi, dernier responsablefrontiste à être en activité. Les autres étant tués, arrêtés ou retournés par le capitaine Léger et son équipe duGRE, le groupe de renseignement et d’exploitation.

Paul-Alain Léger, interrogé par Patrice Gélinet, le 13 août 1987. [1 (#nb1) ]

« Paul-Alain Leger : [...] Il y avait cette petite équipe de responsables FLN, qui étaient des gens connus,puisqu’il y avait un dénommé Alilou, qui était l’ancien homme de confiance de Yacef Saadi. Il y avait Farès,qui faisait partie de ce petit groupe, du staff de Yacef Saadi. [...] J’ai proposé donc d’aller dans la Casbahet c’est là bien sûr que je dis nous nous habillerons comme tous les jeunes de la Casbah, c’est-à-dire avecdes bleus de chauffe, ni plus ni moins. Quand j’ai proposé ça au colonel Godard, évidemment il a un petitpeu sauté en l’air, il m’a dit : Mais enfin vous êtes fou, est-ce que vous êtes candidat au suicide ? [...] Parcequ’évidemment c’étaient des anciens FLN que j’avais avec moi. Ils vont retourner à leurs anciennesamours, de plus on va livrer aux gens d’en face un certain nombre de mitraillettes. J’ai profité - je dois direque j’ai été un petit peu indiscipliné - d’une permission, d’un congé du colonel Godard pour mettre enpratique ce que j’avais proposé. Alors, ma foi, nous sommes rentrés dans l’après-midi dans la Casbah, onnous prenait d’ailleurs pour un groupe FLN, puisque les femmes on entendait leurs youyous dans les étages.Et le premier café maure dans lequel nous sommes rentrés naturellement ça été la surprise générale parcequ’on a commencé à fumer, on a demandé les dominos pour jouer et qu’on a offert des cigarettes à laronde. Alors, le tenancier naturellement qui connaissait Alilou, lui a dit : « Mais tu es fou, tu sais bienquelles sont les consignes du front ? » il lui a répondu : « Les consignes, maintenant c’est lui qui lesdonne », en me désignant. On a fait tous les cafés maures dans la journée et quand nous sommes repassésaprès la radio a joué à fond, les gens, les clients qui étaient à l’intérieur étaient tout heureux de pouvoirjouer aux dominos et de pouvoir fumer. Ça a commencé comme ça. C’est-à-dire qu’on a commencé àdonner des ordres pour que les consignes du FLN ne soient plus respectées. »

« Ici Alger, RTF, - 23 septembre 1957 - Eh bien, notre gros titre c’est, comme vous pouvez l’imaginer,l’arrestation de Yacef Saadi, devenu depuis quelques mois l’ennemi public n°1 d’Alger, et qui a étéaccueillie avec une joie et un soulagement difficile à imaginer. Pour comprendre cette atmosphère devictoire, évidemment il faut savoir que depuis plusieurs mois déjà, cet ancien boulanger de 29 ans, devenule chef de la Zone autonome d’Alger pour la clandestinité, représentait à lui tout seul le terrorisme traquébien sûr mais encore redoutable. »

Paul Villatoux : En fait ce qui s’est passé, c’est qu’à partir d’octobre 1957, la Zone autonome d’Alger, toutce qui avait été crée par Saadi et ses comparses, a été à peu près totalement démantelé. Donc on a reconstituétout l’organigramme etc. Mais l’idée de Léger c’est de faire en sorte que cette Zone soit toujours active. Sonidée, presque de génie, du point de vue du renseignement, même si l’on peut contester les méthodes elles-mêmes, ça a été de reconstituer cette Zone autonome d’Alger à son profit et ensuite de mettre en relation uncertain nombre de personnes qui l’avaient rallié mais qui étaient sensées être à la tête ou faire partie de cettenouvelle structure, de les mettre en contact avec les hommes d’Amirouche, avec Amirouche lui-même, pourfaire que cette fiction d’une Zone toujours active au sein d’Alger soit toujours réelle.

Rémy Madoui, combattant de l’ALN dans la Wilaya IV : Et le groupe qui a commencé ça évidemment,comme vous le savez, c’est Léger, le capitaine Léger avec son patron le colonel Godard. Et ce groupe, plutôt

La bleuïte ou l’art de la guerre / La Fabrique de l'Histoire - Fabrique de... http://www.fabriquedesens.net/La-bleuite-ou-l-art-de-la-guerre

3 of 14 09/11/2013 23:50

Page 4: Bleu i Teart Guerre f

cette organisation s’appelait le Groupe de renseignement et d’exploitation, le GRE, C’était vraiment,initialement, ça a débuté pendant la Bataille d’Alger, de retourner les gens évidemment pour en quelque sorteréencadrer l’organisation d’Alger. D’ailleurs la plupart de ces gens-là étaient encore en contact avec lemaquis, puisque le maquis, soit la Wilaya III ou la Wilaya IV qui était autour d’Alger, ne savaient pas que cesgens-là étaient déjà retournés. C’est ce qui a d’ailleurs permis de contrôler la ville d’Alger. Depuis la Batailled’Alger il n’y a eu absolument aucune action, ou même toutes les actions qui ont eu lieux étaient sous lecontrôle du capitaine Léger.

Paul Villatoux : Chaque fois qu’un agent du FLN essayait de s’introduire dans la Casbah, on le repérait, dumême coup on avertissait Léger et Léger pouvait le retourner. Donc, ça lui a permis de recruter plusfacilement ses agents. Il s’est aperçu que ce qu’il avait créé, la structure qu’il avait créée était parfaitementadaptée à l’action, c’est-à-dire à toutes les actions de manipulation beaucoup plus qu’aux renseignements ouà la protection. Donc, il s’est orienté spécifiquement sur l’action et c’est vrai que c’est à partir de la secondephase de la bataille d’Alger que ça va prendre une ampleur toute particulière avec ce que l’on a appelé les« bleus-de chauffe ».

Jean-Charles Jauffret : Si vous voulez, je pourrais vous prendre cet exemple que Paul Alain Léger avaitdéveloppé devant moi et qu’il n’avait jamais évoqué par ailleurs. Il reçoit, un jour, à la fin de la Batailled’Alger, il ne m’a pas indiqué quand, certainement à la fin d’octobre, quelqu’un qui n’a pas été pris dansAlger même mais dans ce que l’on appelle le grand Alger, certainement à la limite de la Mitidja. Et il se rendcompte qu’il a affaire, ce personnage n’a pas été torturé, certainement à un cadre de la Wilaya III. Il ne saitpas qui il est. Il n’a pas encore constitué d’organigramme sûr de cette Wilaya III, mais il pense tenir un grospoisson. Alors, que fait Léger ? Eh bien, c’est l’intelligence à l’état pure. Au lieu de le menacer, il leconsidère comme son égal. Il établi une sorte de lien de confiance. Mais il se rend compte, car c’est un finpsychologue, et c’est le propre d’un officier de renseignement digne de ce nom, que de ce cadre de l’Arméede libération nationale, même par les méthodes les plus fortes, on n’en obtiendra strictement rien. Alors, onva arriver au stade ultime de ce qu’est une intoxication. Léger le garde 15 jours, fait en sorte qu’il soitparticulièrement bien nourri, à la limite presque choyé, il veille à son confort et puis au bout du quinzièmejour il lui dit : écoute, je ne peux rien faire pour toi, tu n’as rien voulu me dire, je respecte ton engagement decombattant, je te remets aux mains des autorités. Et il prononce le mot terrible de la prison de Barberousse,vous savez là où avaient eu lieu, vous le savez, les exécutions capitales et d’autres choses dans le sens demauvais traitements. Et là se produit cette mise en scène où - ce n’est pas très loin entre la basse Casbah et laprison de Barberousse qui était dans la haute Casbah – on lui fait tout un tour dans Alger, un jour, vers lesmidis, dans une 203 avec un gendarme à l’avant qui somnole, il se rend compte que les menottes lui ont étémises certes mais que la porte arrière droite de cette 203, où il y a également un inspecteur de police quimanifestement se cure les dents, il peut s’échapper. C’est ce qui se passe. Il ouvre la porte, se précipite dansla foule, l’inspecteur sort, essaye de l’arrêter, tire un coup de pistolet en l’air et le bonhomme se fond dans lafoule. Alors qu’est-ce qui se passe ? La suite est assez facile à imaginer. Il est réceptionné par son propreréseau tout heureux de le retrouver vivant. Il demande immédiatement à reprendre le combat et il part dans jene sais plus quelle Zone de la Wilaya III retrouver ses anciens camarades. Là, il tombe sur un des secondsd’Amirouche, l’homme qui avait inventé ce supplice terrible qu’on appelle « l’hélicoptère », je crois deprénom de Hossein, qui a des doutes sur la détention de son camarade. Il pose la question fatidique : Mais tun’as pas été torturé ? Il constate qu’effectivement il avait pris quelques kilos. La suite est facile à imaginer.Notre cadre a subi des supplices, il est exécuté. Le résultat c’est qu’ensuite ses compagnons veulent sevenger. Il y a, à l’intérieur, un règlement de comptes qui vire à une purge pour tous ceux qui ont tournéautour de ce personnage aussi bien à Alger que dans la Wilaya III. C’est le mécanisme des purges telles queles a amorcées Léger, bien qu’il ne soit pas du tout sali les mains.

Commentateur, voix masculine : Il aura fallu le plus grand des hasards pour que la mécanique des purges,dite « la bleuïte » , se mette réellement en place. Durant l’hiver 1957- 1958, alors que l’intoxication de laWilaya III, par le Groupe du renseignement et d’exploitation fonctionne pleinement, la capitaine Léger serend à Bordj Menaïel où une jeune militante du FLN vient d’être arrêtée, son nom Tadjer Zohra, dite Rosa.

Nous retrouvons Paul-Alain Léger, interviewé par Patrice Gélinet, le 13 aout 1987.

« Paul-Alain Léger : Je suis allé la voir, et suivant mon habitude, je discute avec elle et je lui ai dit que tout

La bleuïte ou l’art de la guerre / La Fabrique de l'Histoire - Fabrique de... http://www.fabriquedesens.net/La-bleuite-ou-l-art-de-la-guerre

4 of 14 09/11/2013 23:50

Page 5: Bleu i Teart Guerre f

cela ne valait plus le coup, tout était terminé, qu’il fallait donc travailler avec moi. Elle me connaissaitd’ailleurs, de nom tout au moins. Alors, elle m’a dit : « oui, effectivement, je pense que vous avez raison, jevais jouer, je vais accepter. » Je vous amène à Aller, « Oui, oui, je suis d’accord. » Évidemment ça m’a paruun peu trop rapide. Alors, j’ai eu mon adjoint Zerrouk, qui l’a un petit peu interviewée, il m’a ditégalement, il était de mon avis, il m’a dit : « moi, j’ai l’impression que tout ce qu’elle demande c’est derevenir à Alger pour repartir aussi vite que possible. » Alors, nous l’avons ramenée à Alger mais avant derepartir, elle était dans ma voiture, à côté de moi, et nous avons fait tout le marché de Bordj Menaïel. Et là,je savais très bien que la Wilaya, dans les vingt-quatre heures qui suivraient, serait au courant et on sauraitque la dénommée Tadjer Zohra était à côté de moi, dans ma voiture. Je l’ai ramenée sur Alger. J’ai discutéun petit peu avec elle et là, pour faire semblant de la convaincre, parce que j’étais absolument persuadéque là par contre il n’y avait rien à faire, je lui ai montré toutes les lettres, que j’avais reçues de la Wilaya,et je lui ai lu des passages imaginaires, mais par contre ce que je lui ai montré ce sont les signatures avecles tampons. [...] À ce moment-là le téléphone a sonné, le téléphone n’était pas sur mon bureau, il setrouvait un petit peu dans un couloir, et par l’interstice de la porte j’ai parfaitement vu la fille qui se levaitet qui regardait encore les signatures. Je suis revenu et je lui ai dit : tu vois les signatures ? « oui, oui,d’accord je marche, je travaille avec vous, etc. » Je lui ai dit eh bien, tu vas retourner chez toi, chez ta mèreet puis ma foi pour l’instant je ne te demande rien mais de temps en temps tu me téléphones. Elle est partie.Elle m’a téléphoné une fois puis 8 ou 10 jours après n’ayant plus de nouvelles, j’ai envoyé des gens voirchez elle et sa mère nous a dit qu’elle était partie. Moi, je savais bien où elle était partie. On a eu desnouvelles quelques temps après, lorsqu’on a appris qu’elle était remontée au maquis et que là elle étaittombée sur le fameux capitaine Mahiouz dit « Hacène la torture » qui évidemment l’avait accusée d’êtreune espionne. Elle s’est défendue comme un beau diable, une diablesse plus exactement. Elle lui a dit :« écoute, tu m’accuses d’être une espionne, mais alors des espions, autour de toi, il y en a en pagaille,parce que moi je sais. » Elle s’est mise à raconter évidemment tout ce qui s’était passé dans mon bureau.Là, Mahiouz, qui n’était pas très intelligent, a voulu en savoir beaucoup plus, et pour en savoir plus il yavait qu’une seule chose, il fallait la passer à « l’hélicoptère ». « l’hélicoptère » c’est une torture tout à faitparticulière, c’est-à-dire que la pauvre fille a été mise complètement nue, les mains et les chevilles entravésdans le dos, suspendue au-dessus d’un brasero, on la faisait tourner au-dessus du brasero, on la descendaitpetit-à-petit, on la faisait tourner. Naturellement sous la douleur elle a raconté, - j’ai son compte-rendud’interrogatoire -, toute son histoire. Elle a raconté qu’effectivement elle était envoyée par le capitaineLeger, elle devait aller ensuite en Tunisie où elle devait rencontrer untel, untel, elle a donné les mots depasse tout-à-fait farfelus, des mots de reconnaissance invraisemblables. La malheureuse a été égorgéeaprès, mais avant naturellement elle avait donné les noms non seulement des gens dont elle avait vu lessignatures sur les lettres mais elle a même donné des noms de gens de sa famille, des gens qui habitaient enKabylie. Ces gens-là ont été arrêtés, on les a torturés… [...] Par le FLN. Ils ont parlé bien sûr. Ils ont ditn’importe quoi, ils ont dénoncé des gens qui n’étaient strictement pour rien mais en général des cadressupérieurs. Et là, ça a commencé comme ça. »

Commentateur, voix masculine : « Front armé de libération nationale. Aux armées, le 3 août 1958. LeColonel Amirouche, chef de la Wilaya III, au colonel chef de la Wilaya VI. Cher frère, j’ai le devoir etl’honneur de vous informer, en priant Dieu que ce message vous parvienne à temps, de la découverte, dansnotre Wilaya, d’un vaste complot ourdi, depuis de longs mois, par les services secrets français contre larévolution algérienne avec la complicité d’éléments les plus divers. Ce complot, d’après les renseignementsen notre possession, s’étendrait à toutes les Wilayas d’Algérie. Il aurait même des ramifications dans nosbases de Tunisie et du Maroc. Le réseau tissé dans notre Wilaya vient d’être pratiquement mis hors état denuire après une enquête d’autant plus ardue que ses chefs dans le maquis étaient des hommes en apparenceau-dessus de tout soupçon. »

Salah Mekacher, secrétaire d’Amirouche au PC de la Wilaya III : Alors, la Wilaya III, sur la partie duterritoire algérien située pratiquement au centre, occupe les montagnes de Kabylie. Elle va, à peu près, deBordj Menaïel jusqu’à Bordj-Bou-Arreridj, à l’est, et des rivages de la méditerranée jusqu’à Bouira et plus auSud jusqu’à M’Sila. – En ce qui concerne le colonel Amirouche, à l’époque, 1956 - 1957, il n’était quecommandant. En 1956, c’était la grève, c’est Abane Ramdane et Ben M’Hidi, les deux grands leaders duFLN, qui ont appelé à la grève des études, des examens, de la scolarité. On a fait la grève le 16 mai, je crois,ou le 19 mai 1956, et ici j’ai trouvé tous mes copains, mes amis qui étaient engagés, d’autres structurés déjàdans l’organisation du FLN. Je devais m’intégrer. Je suis rentré dans une cellule du FLN. Au début c’était

La bleuïte ou l’art de la guerre / La Fabrique de l'Histoire - Fabrique de... http://www.fabriquedesens.net/La-bleuite-ou-l-art-de-la-guerre

5 of 14 09/11/2013 23:50

Page 6: Bleu i Teart Guerre f

uniquement pour collecter de l’argent, donner des renseignements. Il fallait donnerdes gages, montrer aux dirigeants qui étaient sur place que vous êtes vraiment acquisà l’idée de l’indépendance mais aussi au sacrifice.

Djoudi Attoumi, secrétaire d’Amirouch : En principe, avant de monter au maquis,il fallait d’abord commettre un attentat, tuer un traitre ou un soldat pour couper lesponts derrière soi, être recherché et ainsi il n’y aurait pas d’équivoque. Celui quimonte au maquis n’a plus à le regretter, il doit assumer ses responsabilités. Mais lefait le plus important c’est quand j’ai présenté mes adieux à la famille. Mongrand-père qui vient derrière moi, dehors, et me dit : « Djoudi, tu veux monter aumaquis ? » Je lui dis : oui, je veux monter au maquis. Alors il me dit : « Il ne faut paste faire prendre. Meurs en homme, il ne faut pas que tu sois la risée du village, de latribu, de la famille. Il ne faut pas que tu sois trainé comme un animal, au bout d’une

corde, dans le village. » Eh oui ! Rejoindre le maquis c’était la mort. Personne ne croyait survivre à la guerre.Bien que les nouvelles étaient filtrées, on n’avait pas beaucoup de nouvelles de nos camarades qui étaientdéjà maquisards mais malgré tout on savait que la mort était au bout du chemin. On devait servir en donnantle meilleur de soi, c’est-à-dire sa vie. [Et vous aviez peur, Salah Mekacher, dans ces conditions ?] Oui, audébut, puis après c’est fini parce qu’on voit partir ses meilleurs camarades, ses meilleurs compagnons, on n’aplus d’attaches... c’est uniquement, à ce moment-là, donner des coups. Je sais que je vais en recevoir, j’endonne, c’est presque des automates. [Et quel est l’esprit entre les maquisards ?] Ah ! L’esprit, au débutc’étaient des frères. Un esprit de sacrifice qui les liait et fait qu’on constituait presque un seul organisme. Il yavait un respect de la hiérarchie. Et oui, l’ALN, on voyait déjà sa silhouette se dessiner parce que l’ALN n’aété constituée qu’en 1956, après le congrès de la Soummam. Mais dès le départ on la voyait se dessiner parceque les premiers éléments qui ont constitué les groupes des Moudjahidines – on les appelait comme ça, lesMoudjahidines - étaient préparés à la discipline et au secret et c’est cette habitude-là, cette expérience-là quis’est reproduite, les premières années de la guerre avec les Moudjahidines.

Lecteur, voix masculine : « Armée de libération nationale, Wilaya III, en ayant l’honneur de vous faireconnaître qu’il y a lieu d’abattre immédiatement les captifs et de les enterrer secrètement, au préalable lestorturer s’ils peuvent fournir des renseignements. Félicitations et sentiments fraternels. Le colonelAmirouche, le 11 mai 1958. »

Georges Oudinot, officier de la section administrative spécialisée (SAS) de Béni-Douala, en Kabylie :Amirouche avait une réputation de vrai sauvage, de sauvage assez grave et tout le monde, le FLN lui-mêmeen avait un trouille bleue ! parce que c’était un type qui n’allait pas par quatre chemins. Pour lui, le moindrepet de travers n’avait pas de pardon, c’était la gorge tranchée et c’était fini, on n’en parlait plus. C’était untueur, un révolutionnaire, un sanguinaire, donc une petite tête.

Djoudi Attoumi : C’était un activiste, un nationaliste activiste. Amirouche, une fois est rentré un grandmonsieur, il y avait une agitation dans le PC, quelqu’un qui se présente avec un calot, un bel homme svelte, etc’est là que j’ai découvert Amirouche. Amirouche, quelqu’un de sympathique, d’abordable, d’une simplicitéexemplaire ce qui fait que j’ai tout de suite eu cet homme en sympathie. Plus tard, j’ai découvert en luiquelqu’un d’exceptionnel. Un chef exceptionnel, un stratège et même un génie. Il n’avait pas un bon niveaud’instruction mais toujours est-il qu’il avait une très bonne formation dans plusieurs domaines : politique,militaire, psychologie… c’était un meneur d’hommes. Donc, si vous voulez, il y avait cette symbiose entreAmirouche et ses hommes et c’est de là qu’est née l’idée qu’Amirouche était vénéré par ses hommes et par lapopulation aussi.

Salah Mekacher : En ce qui concerne le colonel Amirouche, il a donné le meilleur de lui-même en tant queguerrier Il croyait beaucoup à la force, à la violence. C’était un véritable révolutionnaire. Il me donnaitl’impression que c’était un Saint-Just. J’ai beaucoup discuté avec lui, je le connais très, très bien. Il y avait unpetit courant de sympathie entre lui et moi. J’étais très jeune et j’osais lui poser des questions, ce que d’autrescamarades n’osaient pas faire, ils étaient d’ailleurs un peu étonnés. Je lui ai posé une question un jour, je lui aidit : (je le tutoyais) toi, tu n’es pas instruit, tu n’as pas de niveau, comment se fait-il que tu as pu nous donnertoutes ces instructions ? Il nous fait a travaillé toute une nuit. Il m’a dit : « c’est Dieu qui me montre ce que jedois faire chaque jour. » Il se méfiait de ceux qui voulaient occuper des postes, des grades… Il punissait, il

La bleuïte ou l’art de la guerre / La Fabrique de l'Histoire - Fabrique de... http://www.fabriquedesens.net/La-bleuite-ou-l-art-de-la-guerre

6 of 14 09/11/2013 23:50

Page 7: Bleu i Teart Guerre f

châtiait les gens. [Il était très dur ?] Très dur. Je peux dire même cruel. Oui, très cruel. C’est-à-dire qu’il nepardonnait pas les fautes qui pouvaient porter ombrage à la révolution, à l’ALN, au FLN, à la guerre qui sepoursuivait. Oui, il fallait vraiment être sincère avec son engagement, ne pas se permettre des fautes. Il medisait lui-même, à l’Akfadou : « Salah - c’est mon prénom -, nous sommes là pour mourir. Nous devonscombattre jusqu’à la mort. » On n’avait pas espoir de survivre jusqu’à l’indépendance. Lui, en tout cas nel’avait pas.

Hamou Amirouche, secrétaire de la Wilaya III : Mais l’image que je garde de lui, c’est l’image dequelqu’un d’extrêmement aimé, respecté et craint. C’était quelqu’un qui avait le sens de la justicequelquefois poussé à l’extrême. Il a menacé de mort quelqu’un qui nous a servi des poulets rôtis. Amirouchel’a interpellé : « Est-ce que vous avez reçu la circulaire ? [Oui.] Est-ce que c’est jour de viande aujourd’hui ?[Non.] Pourquoi vous l’avez servi ? » Il s’est mis à trembloter et Amirouche l’aurait exécuté s’il refaisait lamême chose. Bien sûr, il a ordonné que l’on donne le poulet rôti aux gardes. Ce jour-là, bien sûr, on a regrettéqu’on n’ait pas été de garde.

Lecteur, voix masculine : « Aux armées, le 3 août 1958. Le complot est dirigé par les services secretsfrançais : Godard, Léger… qui se sont assurés la complicité de mouchards professionnels infiltrés depuisdes années dans les anciennes formations politiques et de personnes apparemment honorables embrigadéessous-couvert de messalisme ou autre déviationnisme. Ses buts sont l’affaiblissement de l’ALN, le noyautagede l’ALN, la destruction de l’ALN. Tous les éléments ci-dessous étaient généralement chargés de missionavant d’entrer au maquis mais à côté d’eux on peut trouver des chefs entrés purs dans la révolution et quipar lassitude, ambition ou autres motifs personnels ont cédé aux sollicitations de ces suppôts de l’ennemi,se sont laissés insensiblement glisser sur cette pente criminelle pour se retrouver de plain-pied dans latrahison pure et simple. Le colonel Amirouche, chef de la Wilaya III »

Reporter : Concernant la bleuïte, vous, vous avez été suspecté à votre tour, Salah Mekacher. Vous avezdonc été arrêté.

Salah Mekacher : Oui. J’ai été arrêté à l’Akfadou. Je ne m’y attendais pas, j’étais secrétaire particulier ducolonel. Il m’a confié son cachet, il m’a confié son bloc note. Et à l’Akfadou, pendant la bleuïte, c’est sonescorte, son aide-du-camp, Tayeb, qui m’a interpellé. J’étais armé, il m’a dit : « Voilà, il y a moustache -parce qu’entre nous c’est ainsi on appelait le colonel moustache. Il avait une très belle moustache – quit’appelle » J’y vais comme ça, innocemment, et c’est Mahiouz qui me met la main sur l’épaule et me dit :« Mon petit gros, tu ne nous trompera plus jamais maintenant. » J’ai été arrêté les mains derrière le dos, toutde suite ficelé, et quelques minutes après c’est déjà l’interrogatoire, déjà la torture.

Reporter : Qu’est-ce qu’on vous pose comme question ?

Salah Mekacher : On vous dit : « Parle. » Voilà, c’est tout. On ne vous pose pas de question. On vous dit enkabyle, l’interrogatoire se fait en kabyle, Inid !, Inid !, c’est ça. Et le comble, c’est que ce sont mescompagnons du PC qui m’interrogeaient. Évidemment ce n’était pas eux, il y avait des soldats, desdjounouds, qui me mettaient dans l’eau. J’avais les mains liées et on me mettait dans une marre d’eau puis onvous tire et on appuyait sur le ventre et quand l’eau sort cela fait mal, très mal. Elle sort des oreilles, de labouche… Voilà, vous devenez pratiquement inconscient. On m’a mis des épingles dans les ongles, on m’alardé un peu la poitrine avec un couteau, on m’a mis du sel, du tabac à priser. C’est douloureux mais enfinc’est supportable. Des coups évidemment, beaucoup de coups, des coups à la matraque ça vous fait desecchymoses, vous êtes tout de suite gonflé, on ne vous reconnaît plus avec des bleus etc. mais le feu, on n’apas utilisé le feu avec moi alors qu’avec d’autres on a utilisé systématiquement le feu, ah ! oui.

Reporter : Et quel est le comportement de vos camarades, de vos frères d’armes ?

Salah Mekacher : Ils étaient réticents, un peu. Ils n’avaient aucun fil, ils ne savaient d’ailleurs pas interroger.La plupart de leur victimes sont mortes d’ailleurs comme ça. Qu’est-ce que c’est qu’un homme ? L’organismehumain c’est une coquille. Une toute petite pression et hop ! c’est fini. Il vous claque entre les mains. Pourtorturer, il faut savoir torturer. Il faut savoir s’arrêter à temps. Et pour ça que les gens meurent, meurentétouffés, meurent asphyxiés.

La bleuïte ou l’art de la guerre / La Fabrique de l'Histoire - Fabrique de... http://www.fabriquedesens.net/La-bleuite-ou-l-art-de-la-guerre

7 of 14 09/11/2013 23:50

Page 8: Bleu i Teart Guerre f

Djoudi Attoumi : Alors, nous, de notre côté, nous avons vécu ce complot. Nous voyions des convois de cinq,six, dix combattants enchaînés, on connaissait beaucoup parmi eux. On était étonné, on était écœuré. Desgens comme ça qu’on traite de traîtres ? Des gens braves, des gens courageux, vraiment on ne comprenaitplus rien à ce qui se passait. Chacun de nous attendait son tour mais de façon stoïque. On n’a pas perdu latête sachant qu’il y avait un élément aggravant dans la situation, la hargne du commandant Mahiouz,Ahcène Mahiouz. Mahiouz qu’on surnommait Eichmann à l’époque. Lui, avec des yeux grands ouverts ilentrait dans un refuge, il regardait les djounouds dans les yeux pour déceler un quelconque signe detrahison. Et à l’époque son doigt nous désigne mais il y avait quand même le contrepoids d’Amiroucheparce que Mahiouz ne reconnaissait que l’autorité d’Amirouche. Il ne reconnaissait personne d’autre. Maisil y avait quand même Amirouche, Amirouche qui a libéré plusieurs bleus. C’est vrai qu’à la fin il aconstitué un tribunal, il y a plusieurs gens qui ont été jugés etc. mais il s’est rendu compte que quelque partil y avait une erreur et il a fait une lettre au GPRA à Tunis, pour leur dire d’envoyer une commissiond’enquête neutre en dehors de la Wilaya III pour enquêter sur le complot des bleus. Donc, là, il sentait qu’ilétait dans l’erreur.

Salah Mekacher : En ce qui concerne le colonel Amirouche, quand j’ai vu comme ça des prisonniers je lui aidit : Mais tu ne t’es pas trompé ? Il m’a dit : « Si, on va se tromper mais tu vois dans quelles conditions ontravaille. Regarde. On va avoir 10% d’erreurs mais ceux qu’on va tuer nous ce sont des chouhadas, ce sontdes martyrs comme ceux qui sont morts ou qui vont mourir sous les balles de l’ennemi. Ceux-là vont mourirde nos mains mais ils sont sincères, ils sont innocents, ce sont des chouhadas. Il n’y a pas meilleur statu. »

Reporter, voix masculine : Le martyr ?

Salah Mekacher : Le martyr, c’est ça. 90% pensaient qu’il était dans le vrai. Il m’a dit : « Il faut arrêter lagangrène. Et pour arrêter la gangrène il faut toucher la chair saine. » Et ça, c’est lui qui me l’a ditdirectement. J’étais à côté de lui pendant ce court séjour dans l’Akfadou.

Djoudi Attoumi : D’abord Amirouche avait réuni, si vous vous souvenez, le 20 août 1958, les officiers de laWilaya III dans la forêt de l’Akfadou. J’étais présent, il leur a dit : « Messiers, il y a un complot qui est montécontre la Wilaya III. La révolution est en danger, prenez vos responsabilités, je ne veux pas que demain jesois traité de criminel devant l’histoire » Textuellement et puis tout de suite après il y a des mesures : créationde comité de lutte contre la torture, en l’occurrence Ahcène Mahiouz, Si Hmimi, Rachid Adjaout. Troischargés d’enquêter, d’interroger, interroger entre guillemets, plus qu’interroger torturer.

Reporter, voix masculine : C’était ça interroger ?

Djoudi Attoumi : Oui. Oui.

Hamou Amirouche : Il y a une formule - je suppose que c’est dans cette réunion-là qu’il l’a prononcée - queje trouve admirable personnellement, il a dit : « On dit que l’ALN commet des injustices. Non, l’ALN necommet pas d’injustice, elle commet des erreurs. » Donc, en chef, en vrai chef il a reconnu ses erreurs.

Djoudi Attoumi : Absolument. Vous savez qu’il y avait un universitaire qui était conseiller d’Amirouche,Aissani Mohamed-Saïd, il était l’élève du professeur Mandouze. J’étais présent. Vous savez ce qu’il a dit àAmirouche ? Il a dit : « Mon colonel, devant ce complot, comme a dit Staline « s’il y a un traitre parmi 100communistes, il faut tuer les 100 communistes afin que le traitre disparaisse. »

Lecteur, voix masculine : « Front armé de libération nationale, Wilaya II, Nord-constantinois. Le colonelde la Wilaya II au colonel de la Wilaya III. Cher Frère, Nous avons étudié avec soin la lettre en date du 3août courant et où vous nous apprenez la découverte d’un vaste complot ourdi contre la Wilaya III. Noustenons à vous féliciter pour la mise hors état de nuire de ce complot. Après étude de votre message et à lalumière de ce texte, nous voulons avoir de plus amples informations sur cette importante affaire. C’est pourcela que nous vous proposons qu’une réunion urgente ait lieu entre nos deux Wilayas en vue d’étudier lasituation dans tous les domaines. Vu la gravité de la situation dans votre Wilaya, nous vous demandons deprendre certes des précautions nécessaires pour sauvegarder la bonne marche de l’organisation et ne pascréer des difficultés qui peuvent porter atteinte à cette bonne marche. Nous espérons que ces conseilsseront entendus et que la sagesse et le bon sens l’emporteront. Dans l’attente d’une réponse urgente et

La bleuïte ou l’art de la guerre / La Fabrique de l'Histoire - Fabrique de... http://www.fabriquedesens.net/La-bleuite-ou-l-art-de-la-guerre

8 of 14 09/11/2013 23:50

Page 9: Bleu i Teart Guerre f

favorable, nous vous adressons nos salutations patriotiques et fraternelles à tous les combattons de votreWilaya. Aux armées, le 23 août 1958, Le commandant en chef de la Wilaya II, Ali Kafi. »

Tarik Mira, fils du commandant Abderrahmane Mira : Mon père arrive au moment où les Wilayas del’intérieur commençaient à s’affaiblir, j’ai un témoignage oral que je tiens de Mohammedi Saïd, deuxièmechef de la Wilaya III, chef d’État major de l’Est de l’ALN, qui connaît très bien la Wilaya III puisqu’il aexercé son commandement ici. Il disait : « lorsque ton père a décidé de repartir en Kabylie, je lui ai confiécette mission, il faut absolument arrêter « la bleuïte » quand bien même il faut entrer en conflit avecAmirouche. »

Reporter, voix masculine : Comment a réagit votre père lorsqu’il a appris que des purges avaient coursdans cette Wilaya, la Wilaya III ?

Tarik Mira : Il a demandé tout de suite à ce que l’on cesse cette machine infernale. Il a sanctionné deuxpersonnes. D’abord le commandant Mahiouz, à l’époque il était capitaine. Parce que « la bleuïte » est passéd’abord par Mahyouz avant arriver jusqu’à Amirouche. Mahyouz on l’appelait Ahcène la torture parce qu’ila participé, je crois, à la mise en scène des tortures, à la mise en place des tortures etc. Il a sanctionné aussiTahar Amirouchene, qui était à l’époque secrétaire du conseil de la Wilaya III, le plus proche collaborateurd’Amirouche. Je pense que ce sont les deux sanctions les plus importantes. Mais Ahcène Mahiouz, je nepense pas qu’il ait considéré que ces gens là il fallait les exécuter parce que c’étaient des rivaux, mais parceque simplement il a été pris dans cette immense opération d’intoxication des services secrets de l’arméefrançaise avec le capitaine Léger. Pour le capitaine Léger c’était la mise en fonction de tout cela, c’est lui quil’a propagé. Le capitaine Léger était très connu pour ses coups hors normes dans l’intoxication. Il avait mêmemonté un contre-maquis en Kabylie, avec des gens qui parlaient kabyle. On les prenait pour des maquisards.C’était un spécialiste de l’antiguérilla. Je ne sais pas quels sont ses autres exploits mais en tout cas « lableuïte » , pendant la Guerre d’Algérie, a été le plus grand exploit d’intoxication de l’armée française àl’encontre des maquis du FLN.

Paul Villatoux : Léger, c’est quand même, je ne sais pas si vous l’avez déjà vu en vidéo ou autre, un typetrès étrange. On n’en rencontre pas des dizaines comme ça. Il avait un ton de voix qui était très particulier. Ilétait sec,on sentait l’homme du renseignement, c’est-à-dire quelqu’un qui ne se livre pas comme çafacilement, en même temps qui a un esprit presque compliqué. Dans la mise en œuvre de ce qu’ils font, c’estd’une simplicité extraordinaire mais en même temps il y a un côté très complexe en eux.

Marie-Catherine Villatoux : Ce sont des gens qui sont aussi d’une froideur et qui ont un esprit, je dirais, demathématiciens et de joueurs d’échecs. C’est-à-dire qu’ils avancent des pions, souvent, ce que je vais direpeut paraître terrible, ils sacrifient des pions pour protéger le roi. Il faut sauver le roi. Donc, pour eux, c’estune magistrale partie d’échecs. Souvent, on a l’impression qu’on a à faire à des gens qui sont des maîtres, ausens d’un maître de jeu d’échecs. Pour eux c’est un jeu. Et c’est vrai que c’est aussi ce côté un peu souventlà du renseignement, mais du renseignement au sens manipulation, j’allais dire presque insidieux, plus tordu,c’est le terme, parce que l’objectif de Léger c’est d’amener les Wilayas et les katibas à s’entretuer entre-elles.C’était ça son objectif. C’était en fait faire faire le travail par les Algériens eux-mêmes entre eux.

Reporter, voix masculine : En février 1959, les opérations militaires prennent une tournure réellementoffensive. Le plan Challe a pour objectif de reprendre le terrain au FLN dans l’ensemble des Wilayas enratissant l’Algérie d’Ouest en Est. La réussite du Groupe de renseignement et d’exploitation pourdésorganiser la Wilaya III, dans le cadre de « la bleuïte » , amène le colonel Henri Jacquin à contacter lecapitaine Léger. Jacquin, spécialiste du renseignement, initié aux parties clandestines et chef du BEL, lebureau des études et des liaisons.

Paul Villatoux : Il lui a dit en gros, « ce que vous avez réussi dans la Wilaya III est extraordinaire,maintenant je voudrais que l’on étende ça à toutes les Wilayas voisines et puis au-delà à toutes l’Algérie etpuis répandre, au sein du FLN, un climat de suspicion qui soit tellement intolérable qu’ils ne puissent plustenir et continuer à combattre.

Reporter, voix masculine : 24 juillet 1959.

La bleuïte ou l’art de la guerre / La Fabrique de l'Histoire - Fabrique de... http://www.fabriquedesens.net/La-bleuite-ou-l-art-de-la-guerre

9 of 14 09/11/2013 23:50

Page 10: Bleu i Teart Guerre f

Archive radiophonique, voix masculine : Voici « Paris vous parle », présenté par Joseph Pasteur : C’estl’Algérie qui fournit ce soir le titre de ce journal. Depuis quarante-huit heures en effet, vous le savez, uneoffensive de vaste envergure est engagée contre les rebelles du bastion de Kabylie, d’Alger même nousrecevons les dernières informations sur cette opération. « Les troupes de réserve générale qui depuis le 8juillet ont collaboré à l’opération Étincelle, qui vient de se dérouler avec le succès que l’on sait dans leHodna, sans prendre un repos bien mérité ont été engagées dans la grande bataille de Kabylie. Il y a deuxjours, c’est-à-dire mercredi, un régiment de parachutistes a été largué sur le massif de l’Akfadou. Sautant à16000 mètres d’altitude, les hommes aux treillis camouflés traquent les rebelles de la Wilaya III dont leseffectifs s’élèvent à quelques 5000 combattants en armes. L’Akfadou, cela a été pendant longtemps, lerepère inviolé de feu Amirouche. L’Akfadou cela a été il y a peu de temps le théâtre de purges horribles etde nombreux charniers y ont été découverts. L’Akfadou, le donjon kabyle, va être passé au peigne fin,rocher par rocher et bosquet après bosquet. Ici, Alger. A vous Paris.

Paul Villatoux ( ?) : Léger a été absolument un génie. Un génie du mal si on veut mais enfin un génie.C’était quelque chose d’incroyable. Alors, donc, ça crée un syndrome mais alors aigüe de la paranoïapolitico-militaire qui a absolument non seulement gagnée mais qui s’étend en cercles, je dirais même,concentriques à toutes les Wilayas. Évidemment ça a fait démarrer un nettoyage pratiquement style Khmers-rouges.

Reporter, voix masculine : Comment expliquez-vous, Rémy Madoui, que vous avez été arrêté en mars1960, après que les purges aient cessé en Wilaya III et qu’on ait attesté qu’il s’agissait d’une vaste entreprised’intoxication de la part des services secrets français ?

Rémy Madoui : Ça s’est arrêté en Wilaya III parce qu’Amirouche avait été tué et Mohand El Hadj a pris larelève et a compris que c’était une manipulation. Malheureusement en Wilaya IV, ça a continué parce qu’il yavait un Amirouche qui était présent et qui a non seulement continué à le faire, croyant, je suppose, qu’ilprotégeait la révolution, puisque c’est la raison que ces gens-là donnent, et en même temps il était aussisanguinaire et aussi fanatique qu’Amirouche l’était. C’est la raison pour laquelle ça a continué. Alors, nonseulement pour éliminer soi-disant les traîtres mais aussi des petits comptes à régler et qui avaient été régléspendant cette période.

Reporter, voix masculine : Quand on évoque « la bleuïte » , donc les purges, Salah Mekacher, on parleévidemment des intellectuels, qui ont été éliminés, quel est votre sentiment par rapport à cela ?

Salah Mekacher : Alors là, c’est très, très important. Quand ils ont rejoint, les étudiants, à ce moment-là,dans la Wilaya III c’était le colonel Si Amirouche. Il les a reçus les bras ouverts et il les a installés dans lespostes de commandements, des postes décisionnaires, des postes de responsabilités qui a fait que la Wilaya aeu un nouveau visage. Mais pour le faire il a fallu écarter les précédents, les premiers. Et ça, quand ils ont étéécartés des responsabilités ils ne l’ont pas accepté sans rechigner mais ils ont obéi parce que c’est la loi del’armée. Par la suite, lorsque l« la bleuïte » s’est déclarée, ils ont pris leur revanche. Ils ont dit : « On vous l’adit. Et vous nous avez échangés avec des gens comme ça. On vous a dit qu’il fallait se méfier d’eux ». Ils ontpris leur revanche et ça a été les plus cruels.

Djoudi Attoumi : C’est un concours de circonstances qui a fait que ces gens-là se sont retrouvés face à « lableuïte » . Pourquoi ? Parce qu’à l’époque tous ceux qui venaient d’Alger étaient suspectés à passerautomatiquement par la torture. Tous ceux qui venaient d’Alger étaient arrêtés et interrogés. Mais je peuxvous dire que parmi tous les bleues libérés aucun ne s’est rallié à l’ennemi. Aucun ne s’est vengé. C’est trèsimportant. Pourquoi ? Parce qu’ils ont la foi en la révolution. Ils savent qu’il y a une justice. Ils savent qu’ilsont été lavés de tout soupçon. Donc, il n’y a pas un seul qui s’est rallié. Et combien ont été libérés ? Il y aplus de 200, 300 qui ont été libérés. Donc, si vous voulez, c’est un complot qui a été bien préparé maisqu’est-ce que vous voulez Amirouche s’est fait avoir d’une façon très simple. Il l’a reconnu.

Hamou Amirouche : On aborde systématiquement le complot de l« la bleuïte » du point de vue de laresponsabilité d’Amirouche, systématiquement, or il faudrait l’envisager, l’aborder aussi du point de vue del’armée française. Qu’elle est la responsabilité de l’armée française dans l’exécution de centaines d’étudiantsmaquisards, d’authentiques patriotes ? Personnellement, j’estime que ce soit par le biais d’un complot,comme le complot de « la bleuïte » , ou par le biais de B26 et de Napalm, c’est le même résultat. Donc, à

La bleuïte ou l’art de la guerre / La Fabrique de l'Histoire - Fabrique de... http://www.fabriquedesens.net/La-bleuite-ou-l-art-de-la-guerre

10 of 14 09/11/2013 23:50

Page 11: Bleu i Teart Guerre f

mon avis, il faut aussi ne pas disculper, ne pas écarter l’énorme responsabilité que porte l’armée française, lesservices spéciaux français dans le complot de « la bleuïte » .

Reporter, voix masculine : A ce jour, on ne connaît pas le nombre de victimes de « la bleuïte » . Sont-ils300 ? 500 ? 1000 ? 2000 ? 6000 ? Aux termes de la Guerre, lorsque la machination sera révélée, tous lesbleus, les moudjahidines considérés comme traîtres seront intégrés dans la nation algérienne au titre demartyres.

Merci à Hamou Amirouche, Djoudi Attoumi, Lakhdar Bouragaa, Jean-Charles Jauffret, Rémy Madoui,Abdel-Halim Medjaoui, Salah Mekacher, Tarik Mira, Georges Oudinot et Paul et Marie-Catherine Villatoux,historiens au Service historique de la défense.

Merci également à Janine Léger, Hocine Bouzaïr et au colonel Hacène de la Wilaya IV.

Archive INA, Olivier Tosseri.

Les chants du maquis proviennent du Musée national du Moudjahid à Alger et de la Fondation mémoire de laWilaya IV historique.

Textes lus par : Kader Kadda et Madjid Bouali.

Mixage : Johan-Richard Dufour ( ?)

« La « bleuïte » ou l’art de la guerre », un documentaire de Jean-Louis Rioual, réalisé par VéronikLamendour.

Des livres signalés sur le site de France Culture

Paul-Alain Léger, Aux carrefours de la guerre, Ed. Albin Michel, 1989.

Présentation de l’éditeur : Le 11 novembre 1940, Paul-Alain Léger manifeste à l’Arc de triomphe aux côtésde ses camarades lycéens contre l’occupant allemand ; en mai 1961, devenu capitaine après avoir traversétous les « grands carrefours de la guerre », il se retrouve incarcéré au fort de Nogent à la suite du « putsch desgénéraux » à Alger. Ce raccourci résume le caractère exceptionnel de la vie de combattant de l’auteur de cessouvenirs.

Fuyant à 19 ans la zone occupée, Paul-Alain Léger gagne l’Algérie. Après le débarquement anglo-américainde novembre 1942, il est envoyé à l’école d’élèves-officiers de Cherchell. Il rejoint les FFl en Grande-Bretagne. Parachuté en France en juillet 1944, avec une quinzaine d’hommes, il est au centre de l’opérationdu Bois d’Anjou, épisode mémorable dans l’histoire des missions des SAS. En avril 1945, c’est l’opération« Amherst » derrière les lignes allemandes, aux Pays-Bas. Paul-Alain Léger effectue ensuite deux séjours enIndochine ; il participe, entre autres, en janvier 1947, à la fameuse mission parachutiste sur Nam-Dinh.

Opérant pour le SDECE, le capitaine Léger prend part à l’expédition de Suez en 1956. Il demande sonaffectation en Algérie où il forme le Groupe de Renseignement et d’Exploitation qui obtient des résultatsremarquables par l’infiltration et l’intoxication du FLN à Alger et dans la Wilaya III. Léger laisse son nom àla Bleuïte, l’un des épisodes les plus extraordinaires de la guerre d’Algérie.

1958, 1960, 1961... Le 13 mai, les Barricades, le putsch des généraux. Trois dates d’espérances maisd’espoirs ensevelis. Là s’achèvent les souvenirs passionnants, évoqués avec talent, humour et émotion, d’uncombattant dont la vocation s’était éveillée à 18 ans par le refus de la défaite.

La bleuïte ou l’art de la guerre / La Fabrique de l'Histoire - Fabrique de... http://www.fabriquedesens.net/La-bleuite-ou-l-art-de-la-guerre

11 of 14 09/11/2013 23:50

Page 12: Bleu i Teart Guerre f

Rémy Madoui, J’ai été fellagha, officier français et déserteur : du FLN à l’OAS, Ed. Seuil, 2 avril 2004.

Présentation de l’éditeur : La vie de Rémy Madoui, pris dans le chaudron de la guerre d’Algérie, tient duroman d’aventures. À 16 ans, en 1955, le jeune Algérien quitte sa famille pour monter au maquis FLN.Pendant cinq ans, il est un fellagha, dans des unités de combat, avant de devenir officier des services derenseignements de la Wilaya IV, celle de l’Algérois.

En 1960, au cours d’une purge interne au FLN qui fait des milliers de victimes, il est arrêté et torturé par lessiens. Il réussit à s’évader et à rejoindre un poste militaire français. Il choisit alors de continuer la lutte arméecontre le FLN qui, à ses yeux, ne défend plus le peuple algérien. Sous-lieutenant dans un commando, ilcombat dans la région où il était maquisard, contre ses anciens amis. En 1962, en désespoir de cause, ildéserte et rejoint le maquis OAS de l’Ouarsenis. Fait prisonnier, jugé, il purge une peine de deux ans deprison.

À travers cet itinéraire incroyable, Rémy Madoui offre un témoignage irremplaçable et inédit sur la vie desmaquisards pourchassés par l’armée française. Il raconte de l’intérieur l’« affaire Si Salah » à laquelle il a étémêlé, montrant la lutte interne au FLN entre modérés et extrémistes, intérieur et extérieur, politiques etmilitaristes. Ce récit de la prise de pouvoir par l’aile radicale du FLN permet un éclairage indispensable surl’évolution de l’Algérie après l’indépendance

notes bas page

[1 (#nh1) ] On peut lire la totalité de cette émission, ainsi que l’ensemble des épisodes de cette série sur cesite, voir par exemple « La guerre d’Algérie, vingt cinq ans après : la Bataille d’Alger 1957 »(http://www.fabriquedesens.net/La-guerre-d-Algerie-vingt-cinq-ans,458) d’où ont été extraits les propos dePaul-Alain Leger

(#forum)

Messages

(#comment437) (#forum437)

1 La "Bleu te", ou l art de la guerre / "La Fabrique de l’Histoire" (#forum437)18 mai 2009, 18:57, par thirga

Le journal El-Moudjahid N 3, 1956.

Le peuple fran ais comprendra t-il enfin que ses gouvernants le m nent l ab me ?

Tous les hommes sens s que la question alg rienne int resse doivent se demander ce qui autoriseMr Lacoste afficher tant d optimisme devant une situation plut t dramatique. Six cent millesoldats fran ais se r v lent insuffisant pour contenir l ALN. Les embuscades se multiplient surtout le territoire alg rien et deviennent de plus en plus meurtri res. La liste des victimes fran aisess allonge tous les jours. Parall lement au succ s de l ALN, le FLN se renforce chaque jourdavantage. Et cependant, Lacoste r p tant sans cesse, tel Candide, que tout va pour le mieuxpour le meilleur des mondes . C est que Mr Lacoste dispose d une carte ma tresse, d un atoutmajeur, d une bombe ultra secr te qui doit pulv riser la r bellion alg rienne. Lacoste, Soustelle,Mollet, Lejeune, Ollie, Pantal, Longchamp et bien d autres sommit s politiques, militaires etpolici res ont conjugu leurs efforts pour inventer une v ritable machine infernale, quid clench e l heure H, devra branler tout le syst me rebelle et par la suite emporter lad cision. La Kabylie, d partement-pilote, a t choisie pour servir de champ d exp rience.

La bleuïte ou l’art de la guerre / La Fabrique de l'Histoire - Fabrique de... http://www.fabriquedesens.net/La-bleuite-ou-l-art-de-la-guerre

12 of 14 09/11/2013 23:50

Page 13: Bleu i Teart Guerre f

Une fois ce bastion de l ALN r duit, et devant l effet de surprise, les Alg riens mettront bas lesarmes. En quoi consiste cette bombe ?

Mr Soustelle et ses policiers Pontal et Longchamp d accord avec les dirigeants du clan des Borgeaudet Serigny imagin rent, il y a un an, un plan pour pacifier, l Alg rie en partant de la Kabylie.

A cet effet, ils d cid rent d organiser dans une clandestinit absolue des groupes arm s contre-terroristes en Kabylie (il est pr ciser que cela n a rien de commun avec les habituelles harkasorganis es au vu et au su de tout le monde).

Trois alg riens, trois responsables clandestins du FLN : Ahmed Zaidat, Tahar Achiche et MohamedYazouren, que les services de renseignements de Soustelle consid raient comme des serviteurs surs

pour tre organis s en groupe de quinze vingt (exactement comme les groupes de l ALN).Ces groupes, une fois encadr s par des officiers et sous-officiers choisis par les colonialistesd Alg rie les plus imp nitents, devaient dans l esprit de ces messieurs du C.G liquider l ALN enKabylie et partir la reconqu te de l Alg rie, voir de ..l Afrique du Nord.

Les patriotes Zaidat, Achiche et Yazourene vinrent trouver les responsables de la Kabylie BelkacemKrim et Said Mohamedi et les mirent au courant des intentions du retors Soustelle. Ordre leur futdonn d accepter le travail . Le recrutement, l organisation et l armement des groupesfurent faits en un rien de temps. Il va de soi que tous les hommes furent choisis parmi les meilleursmilitants du FLN.

Lorsque Robert Lacoste vint prendre la rel ve de Jaques Soustelle, ce dernier, en lui passant lesconsignes, insista sur cette importante affaire . Notre nouveau gouverneur faillit attraper unesyncope de joie. Voil , s cria t-il, le meilleur truc pour nous d barrasser des fellaghas .

Lors de la derni re r union de nos principaux responsables oranais, alg rois et Constantinois, il futd cid que ces groupes arm s s int greront dans les rangs de l ALN et prendront part l offensive d automne qui sera d clench e sur tout le territoire national, le 30 septembre 1956 ausoir.

(#comment759) (#forum759)

1 La "Bleu te", ou l art de la guerre / "La Fabrique de l’Histoire"(#forum759) 7 septembre 2009, 10:10

Pour r pondre Romana au sujet de son soutien la guerre, l’Alg rie d’aujourd’hui apr s47 ans d’ind pendance est dans un tat tant politique, conomique, et autre, qu’elle n’avaitpas connu au cours des 130 ans de pacification.Gardez vos vivas pour d’autre situation.

(#comment1056) (#forum1056)

2 La "Bleu te", ou l art de la guerre / "La Fabrique de l’Histoire"(#forum1056) 16 mai 2010, 00:00, par moun

alors pourquoi les patriotes hachiche eyt zeidet on t ils ete execute pour trahison.?

(#comment1057) (#forum1057)

3 La "Bleu te", ou l art de la guerre / "La Fabrique de l’Histoire"

La bleuïte ou l’art de la guerre / La Fabrique de l'Histoire - Fabrique de... http://www.fabriquedesens.net/La-bleuite-ou-l-art-de-la-guerre

13 of 14 09/11/2013 23:50

Page 14: Bleu i Teart Guerre f

(#forum1057) 16 mai 2010, 13:45, par Taos A t Si Slimane

Sans doute parce que l’intox avait fonctionn et qu’elle rencontrait par ailleurs des tensionsinternes, mais a seuls les historiens et un long travail de documentation et de d cryptaged’archives, s’il en reste, pourraient nous le dire.

Ce qui compte, c’est de continuer poser des questions : pourquoi ? Comment ? Qui ? O ? etsurtout participer la collette des donn es tangibles.

Ma r ponse ne va probablement pas vous satisfaire, croyez bien que je suis autant d sol eque vous sans doute.

Cordialement

(#comment1058) (#forum1058)

4 La "Bleu te", ou l art de la guerre / "La Fabrique de l’Histoire"(#forum1058) 16 mai 2010, 23:34, par moun

merci pour votre reponse cordiale ;la bleuite resemble a l’arme de destruction massive des crimes de guerre voir des crimes contrel’humanite dont le coupable est l’Etat francais car les executants algriens aln ou amirouch oumahiouz la torture ils restes les premiere victime de cette machine diabolique nommee guerrecontre subversive ou action psy

(#comment1106) (#forum1106)

2 La "Bleuïte" ou l’art de la guerre / "La Fabrique de l’Histoire" (#forum1106) 30octobre 2010, 17:09, par Bencheikh Nour-Eddine

Bonjour,je suis trés intéressé par l’histoire de la guerre d’Algérie et particulièrement par cette période del’histoire de la guerre d’Algérie, l’époque de la "bleuite", car j’ai un parent trés proche qui est victime.

j’aimerai lire tous les ouvrages qui relatent cette triste affaire, voir et écouter toutes les émissions, et sipossible assister aux différentes manifestations y afférentes, et connaitre et discuter avec ceux quiétaient acteurs.

Remerciements.

N.Bencheikh

Haut de page Mentions légales Contact Rédaction

réalisation web : webdesigneuse.net

La bleuïte ou l’art de la guerre / La Fabrique de l'Histoire - Fabrique de... http://www.fabriquedesens.net/La-bleuite-ou-l-art-de-la-guerre

14 of 14 09/11/2013 23:50