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1 Import / Export Rossila Goussanou (PFE), Borha Chauvet, Bruno Bermudez, Marion Thomazo, Delphine Courroye (PFE) Directeurs d'études : Saweta Clouet, Chérif Hanna, Jean-Yves Petiteau ensa nantes - arts de faire BOUGUENAIS ESTUAIRE 2029 RECONQUÊTE DES DELAISSES BOUGUENAIS, ON S’EN FRICHE PAS

Bouguenais - Reconquête des délaissé

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« Le monde de la surmodernité n’est pas aux mesures exactes de celui dans lequel nous croyons vivre, car nous vivons dans un monde que nous n’avons pas encore appris à regarder. Il nous faut réapprendre à penser l’espace. »Cette citation de Marc Augé nous rappelle que la ville de Bouguenais est un monde de surmodernité, un monde fait d’hétérotopies. Cisaillée entre ses pistes aéroporuaires et le tracé de ses infrastructures routiéres, la ville regorge de non-lieux, ces territoires hors de l’espace et du temps.Comment faire tomber les limites ? Comment ouvrir les perspectives ? Comment hybrider les pratiques pour créer des passages, de terres inconnues, aux terrains connus ?Aprés une immersion à travers la parole habitante, nous avons cherché à venir révèler ces espaces délaissés en venant y apporter un nouveau regard.

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arts de faire - juillet 2014

ESTUAIRE 2029

Import / Export

« Le monde de la surmodernité n’est pas aux mesures exactes de celui dans lequel nous croyons vivre, car nous vivons dans un monde que nous n’avons pas encore appris à regarder. Il nous faut réapprendre à penser l’espace. »

Cette citation de Marc Augé nous rappelle que la ville de Bouguenais est un monde de surmodernité, un monde fait d’hétérotopies. Cisaillée entre ses pistes aéroporuaires et le tracé de ses infrastructures routiéres, la ville regorge de non-lieux, ces territoires hors de l’espace et du temps.

Comment faire tomber les limites ? Comment ouvrir les perspectives ? Comment hybrider les pratiques pour créer des passages, de terres inconnues, aux terrains connus ?

Aprés une immersion à travers la parole habitante, nous avons cherché à venir révèler ces espaces délaissés en venant y apporter un nouveau regard.

Import / ExportRossila Goussanou (PFE), Borha Chauvet, Bruno Bermudez,

Marion Thomazo, Delphine Courroye (PFE)Directeurs d'études : Saweta Clouet, Chérif Hanna, Jean-Yves Petiteau

ensa nantes - arts de faire

BOUGUENAIS

ESTUAIRE 2029

RECONQUÊTE DES DELAISSESBOUGUENAIS, ON S’EN FRICHE PAS

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Estuaire 2029 #3Estuaire de la Loire, territoire en mouvementimport/export

Equipe enseignante : Chérif Hanna, Architecte Urbaniste Jean-Yves Petiteau, Anthropologue Saweta Clouet, Architecte

Intervenants : Nicolas Tixier, Architecte Xavier Dousson, Architecte Anne De Sterck, Artiste Plasticienne Bernard Prud’homme Lacroix, Directeur du GIP Loire Estuaire Stéphane Bois, Directeur du pôle métropolitain Nantes/Saint-Nazaire Philippe Léon, Grand Port Maritime Nantes/Saint-Nazaire Flore Grassiot, Architecte et Artiste Ricardo Basualdo, Artiste et Scénographe Urbain

Ouvrage édité en 20 exemplaires - Achevé d’imprimer en juin 2014

Reconquête des délaissésBouguenais, on s’en friche pas.

Import/Export

ESTUAIRE DE LA LOIRE, Territoire en mouvement

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PréfaceRicardo Basualdo

Depuis plusieurs années la volonté pédagogique d’Estuaire de la Loire, territoire en mouvement, Master à l’ENSA de Nantes, est d’initier les étudiants à une approche de l’urbain et du territoire fondée sur la reconnaissance de la diversité des interactions des personnes et des institutions de l’Estuaire de la Loire entre Nantes et St. Nazaire.

Ce livre tente de restituer le processus de repérage de récits réalisés par les étudiants de l’atelier de 2013 pour rendre compte des territoires vécus et construits de l’Estuaire.

Chaque année, l’atelier définit la problématique du cadre général de l’enjeu métropolitain qui sera ensuite décliné et mis en œuvre par les projets des étudiants pour l’Estuaire de la Loire.

Ensuite, les étudiants sont conviés à réaliser des dispositifs cartographiques les aidant à comprendre les dynamiques géologiques, démographiques, économiques, anthropologiques et d’infrastructure travaillant le territoire de leurs futurs projets. En même temps, les étudiants sont incités à tenir un carnet de bord (mêlant photographie et récit de leur vécu territorial), à produire des récits de longue durée résultant d’une écoute approfondie lors d’un parcours élaboré par la personne concernée et d’organiser dans les salles de fêtes, les marchés ou la voie publique, des débats autour des perceptions du territoire.

Or, l’addition de ces informations ne donne pas à elle seule une « explication » du territoire, ni des forces agissant en son sein. Elle ne fonde pas davantage la « nécessité » d’un projet participant à la construction de l’enjeu métropolitain recherché.

Au contraire. La juxtaposition des cartes, du carnet de bord et des propos des personnes rencontrées creuse la fragmentation des perceptions du territoire. Les écarts ainsi produits approfondissent les zones d’ombre. Ils révèlent les hiatus, souvent incommensurables, séparant les données récoltées (sensations subjectives, rhizome des canaux d’irrigation, trame des voies de transport passées, présentes ou à venir, mobilité des périmètres des rives, itinéraires des personnes traçant au quotidien la singularité de leurs modes d’habiter…) et empêchant de prime abord une lecture globale des enjeux territoriaux.

Pourtant, il s’agit bien d’énoncer et de choisir les problématiques en jeu dans la dynamique territoriale observée et d’en prendre parti à travers le projet, soit pour les reformuler, pour les accompagner ou pour les contrer…

Ce travail d’énonciation prend racine dans la technique du collage. Celle-ci permet aux étudiants de transposer la pluralité des lectures du territoire. Grâce à l’énonciation graphique des enjeux qui, selon l’étudiant « agissent » le territoire, le collage amorcera le passage de la pluralité de perceptions à leur diversité. Toutefois, cette énonciation graphique ménage des paradoxes. C’est là que se nouera la dynamique de nécessité du projet, son arête de connaissance et d’expérimentation.

Le projet prend corps à travers le processus de reconnaissance des enjeux que les personnes et les institutions mettent en œuvre pour faire ville et territoire.

Ce livre souhaite restituer ce processus afin que chacun de ceux qui ont participé puisse resituer son récit et sa position (et les protocoles des pratiques qui en découlent : l’urbaniste, l’élu, les personnes habitantes…) au sein du territoire et éventuellement, fort de cette nouvelle vision, poursuive le processus de reconnaissance de la palabre amorcée par l’ENSA de Nantes, comme moteur du projet d’architecture et d’urbanisme.

Pour le lecteur n’ayant pas pris part à ce processus, ce livre lui offre une vision de première main sur l’une des tentatives contemporaines pour faire de la ville une condition du vivre ensemble dans la reconnaissance réciproque des personnes.

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Sommaire8 Calendrier

10 Introduction

16 Exploration Avant-propos Tour d’Horizon Bouguenais en chiffre Des compositions paysagères Un archipel d’îles Une figure en mouvement Les coutures Population

18 Prospection Les projets métropolitains Les projets de la commune La vision des enfants Notre vision

26 Proposition Investir les Friches Accompagner le PLU Activer Réactiver Entrer en résonnance

30 Projection Les plantation nomades. Bohra Ferme permaculturelle. Marion La ville pliée. Bruno De port en bord. Rossila Ré-animer le port d’hivernage. Delphine 40 Remerciements

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CALENDRIERHABITER AVANT DE BATIR AGENCEMENT CONSTRUCTION

IN SITU

LIEUXPARALLÉLES

LE STUDIO

7 MARS

repèrages sur le site

14 MARS

traversée urbaine

avec Xavier Dusson

1-3 AVRIL

atelier public

20 MARS

Itinéraires avec

Joël Hutteau

26 MARS

rencontre avec les

Dokers

28 MARS

rencontre avec les urbanistes de la mairie

14 MARS

retour sur la traversée

urbaine premier

contact avec Port Lavigne

14-20 MARS

approche cartographique

des données territoriales

2 AVRIL

rencontre avec Flore

conférences

24-30 AVRIL

voyage à Bilbao découverte «d’un estuaire d’ailleurs»

10 AVRIL

rendu cartesatelier publicitinérairescollages

14-18 AVRIL

workshopchoix du siterecontres

22 MAI-19 JUIN

rendu intermédiaire

rendu final

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NANTES

SAINT - HERBLAIN

REZE

SAINT - AIGNAN - DE GRAND - LIEU

BOUAYE

BRAINS

LE PELLERINSAINT_- JEAN - DE -

BOISEAU

PONT - SAINT- MARTIN

BOUGUENAIS

LA MONTAGNE

IntroductionCe livre est un prolongement au travail réalisé par l’équipe de Estuaire 2029. Il traite du territoire de Bouguenais, un lieu d’entrée et de sortie de la métropole Estuairienne, un lieu sous tensions.« Bouguenais est dans une situation d’attente du à l’arrivée ou au départ ou non d’une infrastructure lourde, l’aéroport, et la mise en rapport avec une qualité recherchée en bord de Loire »Dans un premier temps, il sera question de voir ce qui fait l’identité de la ville de Bouguenais. Nous verrons ensuite les éléments d’analyse communs: l’histoire des friches et la perception du territoire en mouvement. Puis, il sera question de la stratégie globale des interventions, de leurs développements dans le temps, et de façon individuelle de leur spécificité. Durant ce semestre nous n’avons eu de cesse de faire des allers-retours entre l’école et le terrain. La rencontre avec les habitants est au cœur de notre travail, et vous sera conté tout au long de cet ouvrage.

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ExplorationUn territoire révèlé

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Tour d’horizon ...Bouguenais en chiffres et en images

Bouguenais est une commune bordant l’estuaire de la Loire et située à seulement 7km de Nantes. D’une superficie de 31,5km2, elle est composée de 1843 habitants et génère plus de 10700 emplois. Aujourd’hui par son identité à la fois urbaine, agricole, naturelle et industrielle, ce territoire hétéroclite, est un lieu stratégique pour la métropole.

L’identité urbaine de Bouguenais est profondément marquée par la séparation de ses quartiers entre deux pôles urbains : les Couëts à l’est et la Croix-Jeannette à l’ouest. Cette dualité héritée de l’histoire est aujourd’hui renforcée par la présence du périphérique qui coupe la commune en deux. Par ailleurs Bouguenais est composée de 48 villages qutour desquels la Ville cherche à limiter le développement urbain.

L’identité agricole et naturelle, couvre 50% de l’espace du territoire de la commune. Malgrés un héritage historique fort, les terres agricoles sont en friches en attendant d’être réactivée. En ce qui concerne les espaces naturels, bien que nombreux ils ne sont pas toujours accessible et sont des trames vertes vues du ciel.

L’identité industrielle à la fois historique et contemporaine de la commune se compose de carrières, du port à bois, de l’aéroport et de son pole d’attractivité et est desservit par d’importantes infrastructures de mobilité comme le pont de Cheviré. Ce patrimoine fait de Bouguenais une commune historiquement ouvrière et lui confère un rapport d’échelles urbaines et territoriale inédit.Finalement Bouguenais est composée d’un archipel identitaire contrasté entre lesquels flotte des Friches en attente de devenir.

Suite à nos explorations et aux rencontres que nous avons eu la chance de faire, nous nous sommes rendu compte que cet archipel territorial était cousu par la formation de réseaux d’usages. Nous nous sommes alors demandé de quoi était constituée ces « vides urbains », et comment il était possible de réactivé l’identité patrimoniale et contemporaine de ces friches en s’inscrivant sur des problématiques à échelle locale, métropolitaine et internationale.

Avant-propos

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Déplacements> Dans la commune, 90% des ménages sont motorisés. > On compte 18Km de bandes et pistes cyclables, et 55Km de chemins piétons ruraux. > Les Couêts sont desservis par le tramway qui s’arrête à l’arrêt «la Neustrie». Alors que le Bourg se trouve sur la ligne de transport en commun express reliant «le Pellerin» et «Pirmil».> Le flux motorisé est généré par les migrations domicile-travail.

> La population municipale est de 18343 habitants > On observe une densité de 582 habitants/Km2. > Bouguenais se compose de deux centralitésurbaines qui sont le Bourg et les Couêts.> Par ailleurs on compte 19 lieux-dits.> En ce qui concerne la topographie, l’altitude est au minimum de 1 métre et au maximum de 41 métres. > La superficie totale de la commune est de 31,5 Km2.

Géographie et répartition urbaine

> Bouguenais posséde 700 entreprises. > Le territoire génére 10700 emplois (dont 1900 chez AIRBUS).

Développement économique

> La commune est composée de 7137 logements > dont 1407 font partie du parc de logements sociaux. > Le parc de logement total est constitué à 83% de mai-sons et à 17% de logements collectifs. > Bouguenais compte 300 associations qui portent sur le social, la santé, la culture, les loisirs et le sport. > Aujourd’hui, 1500 enfants sont agés de moins de 6 ans.

Démographie et habitats

Tour d’horizon ...

Bouguenais en chiffres et en images

Déplacements

63% de VOITURES

13% de transports COLLECTIFS

19% à PIED

2% en VELO

3% en DEUX ROUES motorisées

Géographie et répartition urbaine

38% d’ espaces URBANISES

5% d’espaces DESTINES à une URBANISATION

27% d’espaces NATURELS

28% d’espaces AGRICOLES

2% d’espaces de LOISIRS

Développement économique

1% d’AGRICULTEURS

4% d’artisans COMMERCANTS

13% de CADRES et professions

28% de professions INTERMEDIAIRES

30% d’EMPLOYES

24% d’OUVRIERS

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Des compositions paysagères

La Vallée La Vallée de Bouguenais s’étend du bas du coteau jusqu’au rives ligériennes. Elle est essentiellement constituée d’un paysage de prairies humides, et reste un lieu sauvage, peu investit par l’Homme. Nous pouvons considérer cette strate paysagère comme un espace « entre deux », qui établit à la fois un lien et une distance entre le coteau urbanisé et la Loire. Autrefois, La Vallée était fleuve. L’ancien lit de la Loire s’étendait jusqu’au pied du coteau de Bouguenais. Parsemé d’îles et de bancs de sables, le lit majeure a été comblé suite aux travaux d’aménagements de la Loire navigable. Cependant, ces prairies sont encore soumises à d’importants mouvements d’eau. Aujourd’hui, Le lit du « fleuve sauvage » se contracte et se dilate lors des crues et des grandes marées. Ainsi, les eaux salines viennent inonder les prairies. Les différents cours d’eau qui sillonnent le plateaux de Bouguenais se déversent dans la Vallée qui devient le principale réceptacle fluviale de la commune. Ces conditions de submersion où se mêlent eaux douces et eaux salines offrent un important potentiel de diversité biologique dans la Vallée de Bouguenais.Cette présence de l’eau a favorisé le développement d’un paysage de marais et de prairies humides accueillant une faune et une flore riche et diversifiée.

Le Coteau L’étendue de prairie humide est bordée par un coteau escarpé culminant à une altitude de 20 à 25m. Assurant une protection naturelle face aux mouvements du fleuve, c’est le long de ce paysage en surplomb que se sont implantés les premiers villages de la commune. Leur urbanisation s’est ensuite développé vers le Sud de Bouguenais.

Le Plateau Le plateau de Bouguenais occupe une grande moitié du Sud de la commune. Il s’élève à une hauteur de 20 à 40m d’altitude. Celui - ci est traversé par les ruisseaux de la Jaguère, du Chaffault, du Bougon et de la Caillière qui le structure en quatre vallons orientés selon l’axe Nord-Sud.Il est peuplée de nombreux hameaux et développe un paysage principalement agricole et forestier.

Légende :

La loire

La Vallée

Le Coteau urbainsé

Le Plateau

Légende :

Terre arables

Zones agricoles

Prairies

Bois et Forêts

Les milieux Forestiers et agricoles

Des compositions paysagères

La commune de Bouguenais présente une topographie singulière qui a participé à l’organisation et la diversité de son paysage actuel. Elle se décompose en différentes couches paysagères qui se succèdent parallèlement à la Loire : La Vallée, le Coteau urbanisé et le Plateau.

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Le paysage raconté L’acte de faire connaissance à pris une part importante dans notre démarche. Au fil des rencontres, nous nous sommes aperçu que les espaces naturels avaient beaucoup d’importance aux yeux des habitants. Certains ont l’impression d’en manquer, d’autres sont enchantés des promenades et de la diversité paysagère qu’offre la commune.

Nous avons effectué un itinéraire avec Joël HUTEAU, professeur et plasticien qui vit depuis quelques années à Port Lavigne. Il a décidé de s’installer ici pour profiter du calme et du cadre naturel de ce petit hameau, niché au coeur de la Vallée. Sensible à la poésie qu’évoque la nature indompté, Joël HUTEAU n’a pas hésité à nous emmener hors des sentiers battus pour nous faire découvrir les secrets cachés de la Vallée.

Paroles Habitantes

Itinéraire avec Joël HUTEAU

« Les chemins autours de Port Lavigne, ça me fait penser au bateau ivre de Rimbaud! Vous savez il parle de forêt tropicale. Il rêve de végétaux qui res-semblent à des serpents. Ce côté sauvage, observer le cycle végétal avec les arbres qui tombent tous seuls, j’aime beaucoup. »

«Là il y a un court d’eau. J’aime bien cet endroit car on a l’impression d’être tout près mais en même temps on est assez éloigné des chemins battus.»

« Ici, c’est assez entre-tenu même peut-être un peu trop. Maintenant ils dégagent tout, les che-mins. Je préfère où c’est impraticable, où les ronces traversent..là où la nature reprend ses droits.»

« Je me ballade pas mal par ici. Là où il y a une grande prairie, où ils devaient installer le broyeur à métaux mais les habitants de port Lavigne se sont levés contre cela. Il y a quand même un bruit de fond, il y a le va et vient des camions toute la journée. Ils fournissent la fargue et compagnie, ceux qui font du béton»

«Il y a une marre là, il faut la contourner. A côté le petit bois où je me suis perdu. Il y a de l’eau partout et on ne peut pas passer facile-ment.»

«Il y a des ruisseaux qui se forment ici. Là un peu plus loin il y a de gros tuyaux avec les eaux pluviales qui ressortent. Là ce matin c’était à sec, car la marée monte. On entend les énormes tuyaux, cela me rappelle une œuvre d’étu-diantes : eau pures.»

«Saviez vous que les roseaux montent jusqu’à 3,5m ? Ceux là ce sont des jeunes pousses. C’est beau, très fragile. Les gens des espaces verts me donnaient des matériaux pour faire des installations. On peut coudre ou tresser les roseaux, en fait c’est solide une fois sec. On peut en faire des parois pour les jardins, des clôtures.»

« Des quads et des mo-tocross viennent souvent faire des figures ici. Ce n’est pas très bon pour les oiseaux. Je pense que ce terrain est soit à la ville ou soit au Port autonome. C’est un peu compliqué les responsabilités sur les bords de la Loire.»

«Les hommes ne viennent pas mettre leurs mains ici. J’aime beaucoup. C’est que du remblaiement ici. Les arbres, ils tombent, mais il y a un autre arbre qui repoussent dessus on ne verrait pas ça dans une forêt trop entretenue.»

«La journée du vélo, il y a 600 km de pistes prati-cables pour les vélos. Ils ont retravaillé les chemins. Ce jour là il y avait un em-bouteillage de vélo, c’était très drôle.»

«La végétation est très fragile. Il y a beaucoup de traces d’animaux, beaucoup de ragondins. On entend des bruits d’oi-seaux et de circulations au loin. Ici il y a pleins de traces. Putois, chevreuil, il y a des sangliers aussi mais je ne les jamais vu. De l’autre côté il y a un bois et c’est là qu’on peut voir les chevreuils.»

C’est un appareil pour mesurer les marées. Ils y a des chemins submer-sibles par là-bas. L’eau monte ici! Parfois, je l’ai vu jusque sur la route. Là sur la plaque, il y a des photos. J’ai vu des tas de pierres derrière les bambous. Je ne sais pas ce que ça symbolise. Les bambous ont mangés un tas de pierre...

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Un archipel d’îlesNous avons constaté que la commune de Bouguenais se compose d’une mosaïque d’insularité qui se distingue par leur programme et leur échelle.

Des insularités résidentielles :

Bouguenais à la particularité de présenter une double polarité avec le développement de deux centralités : Le Bourg et les Couëts. Scindés par de grosses infrastructures routière, la route de Pornic et le périphérique, ces deux centres semblent fonctionner de façon indépendante. Beaucoup de services sont dédoublés : il existe une mairie au bourg, et une mairie annexe au Couëts, il y a deux clubs de football, deux amicales laïques, deux marchés sur la commune. Nos rencontres avec les habitants ont révélés une appartenance à ces centralité plus qu’à la commune de Bouguenais en elle même. Nous avons régulièrement entendu des habitants se présenter en disant : « J’habite au Bourg », « j’habite au Couëts ». Rare ont été ceux qui se présentait comme étant « Bouguenaisien ».Ces centres se sont étendu vers le Sud du plateau de Bouguenais.

48 Hameaux sont éparpillés sur la commune. Ils sont témoins de l’importance du passé rural de Bouguenais. Leur répartition n’est pas uniforme, elle est lié au spécificité du cadre naturel dans lequel ils s’implante.

Nous retrouvons deux hameaux dans la vallée de la Loire : Port Lavigne et la Roche Ballue. Ils se sont développés sur des émergences rocheuses naturelles et sont représentatifs des hameaux de pêcheurs implantés en alignement sur rue, face à la Loire.

Certains hameaux se sont développés en surplomb de la Vallée, sur une étendue comprise entre les pentes du coteaux et la route de la Montagne. Nous y retrouvons les hameaux de La Ravardière, La Mothe, Les Chaudières, La Pagerie et La Guérinière. L’habitat est de type pavillonnaire est relativement dense. Il s’est établit le long des voiries à partir des noyaux anciens.

Les hameaux localisés sur le plateau de Bouguenais présente une densité plus faible. Certains ont été absorbé par l’étalement urbain des deux centralités et font désormais partie du bourg ou des Couëts en tant que quartier. C’est le cas de la Bouguinière et de la Gouretterie, qui font partie intégrante du bourg. Le Bois Chabot et le Bourneau sont rattachés au Couëts.`

La Matrasserie, Basse Bouguinière, la Mouchonnerie et la Couillauderie sont des hameaux de « rue », plus isolés du bourg, qui se sont développés le long de la route du soleil qui relie le Bourg de Bouguenais à la Montagne.

D’autres hameaux, se sont extrêments éloignés des zones urbanisés. Ils sont localisés au Sud du Plateau.

Des insularités closes :

Le territoire Bouguenaisien est également investit par des îles à vocation économique ou industrielles. Ce sont des espaces clairement délimités, où le public est filtré voir interdit.

L’île de Cheviré fait interface entre Bouguenais et la Loire. C’est une île de remblais qui appartient au port autonome, spécialisée dans l’import et l’export de Bois. Sa vocation industrielle interdit l’accès a un public extérieur aux travailleurs. Bien qu’elle jouxte la commune, elle reste méconnu et énigmatique pour les Bouguenaisiens.

Plusieurs carrières sont implantés dans le paysage bouguenaisien. Situées au niveaux des gros échangeurs, ces carrières sont encore en activités. Présente mais invisible, elles sont également fermées au public.

Des insularités résidentielles

Des insularités closes

Des insularités de Loisirs

La Roche Ballue

L’île Cheviré

Aéroport Nantes Atlantique

Le Piano’cktail

Bouguenais Bourg

Quartier de la Croix Jeanette

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La zone aéroportuaire de Nantes Atlantiques appartenant à l’Etat français prend une place importante sur la commune. Aujourd’hui, c’est un lieu de transit conséquent, Il s’agit d’un lieu attractif pour toute l’agglomération nantaises qui brasse plus de 3,5 millions de passager par ans. . Cependant, il génère des nuisances sonores et polluante sur Bouguenais. Bien que cette île aéroportuaire accueille tout public, ses contours restent strictement délimités et son infrastructures imposante (340 hectares), marque fortement le territoire.

Bouguenais accueille aussi des îles économique. C’est par exemple le cas de l’IFSTTAR, l’institut français des sciences et technologie de transport. Il s’agit d’un vaste centre de recherche européen spécialisé dans le transport et le génie civil. Il s’agit d’une île centré sur une activité qui s’étend sur 150 hectares.

Le port d’hivernage de Bouguenais est également considéré comme une île économique appartenant au port autonome. Supposé être fermé au public, cette insularité est aujourd’hui traversée par un sentier de randonnée.

Des insularités de Loisirs :

Nous avons identifié deux insularités notables, destiné aux loisirs sur Bouguenais, qui ont une forte attractivité à l’échelle de l’agglomération Nantaise.

Le site de la Roche Ballue est une ancienne carrière transformée en une véritable plate forme de Loisirs dans un site naturel. Elle propose des activités en plein air, conviviale et sportive tel que le bicross, l’escalade, un bassin pour se baigner et faire de la plonger. Barbecue en libre service et jeux pour enfants sont aussi mis a disposition, au grand plaisir des familles. Cet espace de loisirs exerce une attractivité sur toute l’agglomération nantaise qui vient profiter des services inédits que propose ce site. L’été, cette île de loisirs est sur fréquenté se transforme en une île plus fermé, qui filtre ses entrées en rendant son accès payant.

Le Pianocktail est une salle polyvalente qui accueille spectacle, théâtres, musiques, conférences et débats. Situé au carrefour du périphérique Nantais et de la route de Pornic, cet équipement culturel est isolé des zones urbanisés de Bouguenais. Cependant, son emplacement stratégique au croisement de deux grande voies de desserte lui confère un attrait et une utilité pour les bouguenaisien mais aussi pour toute l’agglomération nantaise.

Légende :

Les deux centralités

Les Hameaux Les Carrières

Les insularités à vocation économique Les insularités de Loisirs

Une mosaique d’iles

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Figure du mouvement

L’histoire de Bouguenais se lit aussi par l’arrivée successive des différents moyens de déplacement. Il nous a alors semblé important de faire un bref récapitulatif de ces transformation du territoire.

1700-1920: Trafic fluvial.A cette époque, Port Lavigne et la Roche-Ballue, deux anciennes îles de Loire appartenant aujourd’hui à la commune de Bouguenais, étaient des petits ports de pêcheurs. Le réseau routier était très sommaire, constitué surtout de chemins terre et de caillasse entre le bourg et les hameaux isolés. L’essentiel des communications se faisaient donc par le fleuve et les rivières. Mais le comblement de la Loire et l’arrivée d’industries vient mettre un terme à cette activité batelière intense.

1876 : Trafic ferroviaire.La mise en service de la ligne de chemin de fer Nantes-Pornic vient ouvrir la ville sur l’Estuaire. Son tracé sera modifié en 1966 suite au prolongement des pistes de l’aéroport.

1928 : Trafic Aérien. Cette année marque la création d’un aérodrome pour un usage essentiellement militaire. C’est en 1951 que commencent les premières activités commerciales de l’aéroport, alors nommé aéroport international Château Bougon.

1950 : Trafic maritime. Bien que l’ouverture de la Loire au commerce international commence dès le 14eme siècle, Bouguenais se retrouve directement lié à ce mode de navigation dans les années 1950, lors du rattachement de l’île Cheviré à Bouguenais et de la création du port à bois. .

1991 : Trafic routier. Les Trentes Glorieuses marquaient la vulgarisation de l’utilisation de la voiture en France, mais c’est l’arrivée du pont de Cheviré qui bouleversa complètement l’équilibre de la ville. La création de ce nouveau franchissement se répercute sur la mobilité de la ville. Le territoire est alors cisaillé par la création de la rocade sud du périphérique nantais.

2000’s : Trafic piétonnier et aménagement cyclable. Depuis le début du siècle, le réseau intercommunal marque une volonté de renforcer la mobilité douce. A terme, plus de 100 km de promenades seront proposés afin de lier la zone urbaines aux sites naturels. À Bouguenais, elle se traduit par la mise en place du chemin des canotiers et de sentiers de randonnée.

2005 : Trafic Tramway. Cette date marque l’arrivée du tram nantais jusqu’à Neustrie. La ville se retrouve enfin connecté plus facilement à Nantes.

La conséquence de l’arrivée de toutes ces infrastructures, c’est que Bouguenais est une ville qui se lit à trois vitesses. Effectivement, la ville propose des trajectoires allant de la mobilité douce à des trajets basés sur des infrastructures plus lourdes. Ces différents chemins ont alors des portées différentes : ils vont de l’intra-communale à l’internationale.

On remarque aussi des répercussions dans la lecture de la ville. Le fait de proposer autant d’équipements dédiés au transport offre une particularité à la ville : sa découverte en 3 dimensions. Vue depuis la rive, le ciel ou la terre, Bouguenais ne se lasse pas d’offrir tous ses points de vues aux itinérants. Des petits chemins piétonnier longeant les marais au vol aérien dévoilant l’immensité du lac de Grand lieu bordant la commune, comme depuis les bouchons depuis le pont de Cheviré, l’appréhension du paysage est changeante. Du sensible à l’intuitif, du pratique au contraignant, chacun s’approprie la ville différemment.

Mais l’aboutissement d’une telle pratique du territoire amènent à des conclusions un peu décevantes au début. En effet, aux premiers abords, la ville nous semblait vide. Traversée, vécue, mais vide. Personne

sur la place de l’église, personne dans les commerces, personnes à l’horizon ! Les gens se croisent mais ne se parle plus.

Cependant, cette ville basée sur un mode de fonctionnement très mobile semble plus ou moins remis en cause, ou tout du moins a un caractère instable, par le soulèvement de plusieurs questions :_ le départ de l’aéroport (ou non) ;_ la baisse des activités commerciales portuaires pour un nouveau trafic de plaisance ; _ la prolongation des transports en commun et notamment du tram ;_ la volonté de créer des balades qui se rapprochent de la loire ;_ l’accentuation des mobilités douces et du vélo dans les prochaines années.

Une histoire de déplacement

Une ville à 3 vitesses

0 500m 1km

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t

Carte des différents moyen de transport présents sur Bouguenais. avionroutetraintgv

bateau transport navibusroutetramà piedà vélo

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La rencontre avec le docker fut un des points important de la découverte de Bouguenais par une approche plus sensible et estuairienne.

Cette entrée dans le milieu très masculin et fermé que représente l’activité portuaire, a permis une meilleure compréhension du territoire.

En effet, les dockers sont la mémoire des anciennes pratiques de la Loire aujourd’hui en marge. Ils ont longtemps fait parti des perspectives marines que l’on prenait plaisir à voir le long du quai de la fosse. Ils représentaient un des éléments constitutifs du paysage et de l’émerveillement que cela suscitait. Mais aujourd’hui, tout le monde semble avoir oublié jusqu’à leur existence.

Peut-être parce que l’on cherche aussi à oublier la pratique d’anciens moeurs aujourd’hui prohibés. « Les hommes cultivés n’ignorent pas que les rivages de la mer, si longtemps déserts et répulsif, ont été jadis lieux de médiation, de repos de plaisir collectifs et de volupté débridée.  », écrivait Alain Corbin.

Ils dominent le rivage et jouissent quotidiennement de l’interpénétration de la terre et de l’eau. Les dockers deviennent alors la personnification de ce sentiment de solitude que l’on éprouve face au à l’immensité d’un paysage, et que les poètes ont longtemps cherché à ressentir en venant errer dans cette ambiance si particulière.

Mais ils représentent également cette fixité du paysage. Effectivement, alors qu’ils côtoient tous les jours cette eau mouvante, eux- restent enracinés à leur quai. Ils ne partent pas, mais attendent ce qui arrivent de contrées plus lointaine. Et pourtant, ils côtoient l’internationale. Ils ont peut -être rencontrées plus d’étrangers que nous en restant au même endroit.

Etrange paradoxe, qui fait également penser à la ville de Bouguenais. Ce paysage ne semble guère changer, entre son église romane et ses petites habitation en tuile. Et pourtant, elle est traversée de tous les cotés par des itinérants qui lui donnent toute sa richesse.

Portrait : docker, figure de cette mouvance immobile.

Il y a 21 dockers professionnels à Nantes, et après il y en a des occasionnels. On fait ici, à la Roche Maurice, avant il y avait

aussi le quai Wilson, mais ils ont préféré faire une boite de nuit.

Ici c’est un bateau russe, donc c’est le langage de signes, on se débrouille. Mais on a demandé d’avoir une formation « anglais » pour pouvoir évoluer, mais aussi

échanger sur les conditions de travail. Parce que l’on côtoie des gens à l’international.

C’est un milieu assez fermé. Avant il y avait plus de monde, mais ça a changé. Quand nos pères ont commencé, ils étaient plus de 400. Il y avait le quai Wilson, le quai de la fosse. Aujourd’hui pour décharger un bateau on est 11, à l’époque il

fallait être 50. Tout va toujours plus vite, c’est mécanisé.

Les bateaux se retournent dans la zone d’évitage, parfois il sont é n o r m e s c ’ e s t

impressionnant . C ’est dommage, il n’y a qu’un bateau aujourd’hui.

On ne connait pas tous ceux qui sont sur la zone, les dockers, les grutiers, ceux qui sont en jaune là… Après il y a beaucoup d’entreprises qui n’ont rien à voir avec le quai. Bon après ça fait travailler des

gens, mais bon ça aide pas les portuaires.

C’est un milieu fermé dans le

sens ou c’est de père en fils. Notre père était docker, notre grand père était docker, là le frisé c’est mon oncle, celui qui a le bonnet c’est mon cousin. Il y en a quelques uns qui ne sont pas fils de docker non plus.

Enfin c’est pas qu’on ne les aime pas mais c’est qu’un

intérimaire qui vient, qui n’a jamais connu, il arrive ici, il y a des charges entre 3 tonnes, 5 tonnes voir plus, c’est vrai qu’il va arriver ici, il est perdu. On le comprend hein, mais c’est vrai que nous on a toujours connu ça avec nos parents, et c’est logique.

Les rails c’est pour les grues, elles bougent. Parfois les grues rouges

viennent ici. Et avant les wagons venaient ici. Là ce sont des rails de la sncf, ils sont plus fins. Les autres, c’est pour les grues, elles bougent en fonction des bateaux.

Il n’y a pas de salle pour manger le midi, mais on a la chance d’avoir deux heures. Beaucoup rentrent chez eux, et après quand il y a trop de kilomètres, tu manges à coté, t’en profite pour aller faire tes courses, voir les bricoles, les

conneries ont va dire. Il faut occuper quoi.

Si on aurait un souhait, ça serait

plus de bateau. Du travail, du travail, du travail. Après à changer non, nous on est bien, ça nous plait ici. Comme je te disais tout à l’heure, c’est de père en fils. C’est la famille ici. Nous ce qu’on aime, c’est d’être dehors, il n’y a pas un patron pour ta casseroles couilles.

Les dockers, c’est un bon temps. Après c’est ça aussi, cette ambiance qu’il n’y a pas ailleurs. Les entreprises, les gens ils travaillent ensemble et c’est tout. Que nous on se fréquente, on se voit. Bah tu vois on est parti en vacances ensemble. C’est une question d’affinité aussi, c’est comme partout, mais c’est vraiment une ambiance différente… Familière et bonne enfant.

Tu vois là ou il y a les silos, ils sont achetés des maisons. Sauf que comme il y a un port ils ne

l’ont pas acheté cher, sauf que maintenant ils voudraient enlever le port pour que leur maison elles flambent. Donc maintenant ils font des pétitions contre nous.

Tu n’auras peut être pas eu le même accueil. Mais après, dans l’ambiance on est tous sympas, corrects.

L’exportation arrive en série, mais les conteneurs arrive surtout par routier. Donc le

bateau arrive au port, on décharge, là c’est du contreplaqué.

Vous avez de la chance, vous

avez le droit de rentrer là, mais tu vas en Espagne, tu vas à Saint Nazaire, il y a la police portuaire. Sinon il y a des gens qui viennent squatter, regarder ce qu’il y a. C’est une question de sécurité aussi. C’est vrai que le bois, ça coute cher d’une part, et puis ça peut être dangereux.

C’est vrai que depuis tout

petit on voit notre père rentrer, travailler...

Lui il habite Nantes, et moins c’était Saint-Herblain mais

je me suis exporté à Saint J!ean-de-Boiseau

C’est vraiment que les petits ports ou tu peux encore venir.

C’est vrai qu’à Nantes, souvent, les gens passent sur le pont de Chéviré et se disent : «Mais il y a un port à Nantes ? »

C’est vrai qu’on a tellement été dénigrés dans la presse qu’il arrive un moment ou tu as peur dès que tu vois un appareil photo.

On a nos marque de fringues

aussi.Fier d’être docker quoi.On est fiers de notre travail et on est là…

Après quand on ne connait pas...Comme mon oncle, il m’a fait : «Nico, va les jeter». Donc j’ai dit : « attends, ça ne sert à rien de faire les

agressifs. Si on veut changer notre image, c’est pas en jetant les gens. Mais dès qu’il y a besoin vous me dites. Il n’y a pas de soucis ! A bientôt

Rencontre avec jéremy, docker sur l’île Cheviré

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Afin de répondre aux mieux à ces problématiques de mobilité et de pouvoir vivre le territoire dans sa totalité, nous avons opté pour un atelier public mobile. Equipés d’un van aménagé, d’une tenelle et d’un bon thermos de café, nous sommes partis à la rencontre de ces usagers du territoire encore inconnus.

L’approche fut difficile, notamment parce que nous étions en pleine rencontre électorale. Mais aussi parce que la plupart des habitants était réticent à l’idée de venir nous donner leurs avis. Comme si le fait d’avoir perdu le contact avec le reste de la population les avait fait oublier la rencontre spontanée de l’autre.

Nous avons alors établi un transect horizontal de la ville, afin d’aller d’une extrémité à l’autre de cette ville archipelisée.

1

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Complexe de la Croix Jeannette

Carrière de la Roche Ballue

Marché du Bourg

Atelier et Sortie des classes- Ecole Notre Dame /Chateaubriand

Marché des Couëts

Mercredi Matin. Devant la Médiathèque. Croix Jeannette.

Installés sur une des premières extensions de la ville, nous avalons attaqué notre tournée de Bouguenais en croisant essentiellement des lycéens et des retraités allant à la gymnastique que proposait les équipements environnant.

Etonnament, la grande majorité des personnes rencontrées n’était pas résidente de ce territoire. La carte Gommette a alors révélé que ces personnes connaissaient la ville par ces infrastructures de loisir et d’équipement, et que beaucoup venait des communes environnantes, ou d’un peu plus loin. Les transports en commun et notamment la ligne de bus 66 qui vient de Nantes on beaucoup été évoqué par les lycéennes, alors que les sportifs semblaient plutôt se déplacer en voiture et à pied.

Mercredi Après-midi. Sur le parking du centre de loisir. La Roche Ballue

Cette après-midi fut riche en rencontre, car l’espace est fortement pratiqué par les promeneurs et amoureux de la nature, venant du bourg, de Rezé ou même de Nantes.

Les entretiens-post-its, que nous avons beaucoup pratiqué lors de ces rencontre, ont démontré que ces passeurs étaient conscients de la richesse paysagère de ce territoire, mais qu’ils trouvaient décevant de devoir venir en voiture. A l’image de leur pratique du territoire, ces itinérants avait le temps et les discussions furent approfondies.

Un atelier public mobile

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Jeudi Matin.Place du Marché. Aux Couëts

Peut-être est-ce du au crachin qui nous accueillit lors de cette matinée, peut-être est-ce en raison de l’heure pas si matinale, toujours est-il que ce fut la demi-journée ou il fut le plus difficile de capter l’attention des gens. Mais installés sous le porche de l’église des Couëts, la fin de matinée fut fructueuse et nous découvrîmes les passeurs de Bouguenais. Effectivement, ce fut une rencontre avec certaines figures du territoire : Guy, le marginal de la commune qui partage sa maison avec 3 autres familles itinérantes de la commune, l’employé de LNH qui connaissait le fonctionnement des habitations sociales du coin, Christiane qui vivait dans sa caravane sur un des emplacements réservés aux gens du voyage, l’apiculteur présent sur le marché depuis de nombreuses années. A l’aide des cartes mentales que nous leurs avons fait dessiner, ils nous ont décrypter comment lire ce territoire composé de plusieurs couches.

Jeudi Après-midi. Intervention dans les classes CE2-CM1. Ecole notre dame.

La première intervention auprès d’écolier visait à révéler l’imaginaire du lieu, qui est toujours plus développé chez les enfants, comme par exemple la présence de pylône dans le paysage ou les immenses carrières qui viennent perforer le territoire. En leur demandant de dessiner leur propre carte de Bouguenais ainsi que les éléments qui faisait repère pour eux, mais également de prolonger un élément du paysage que nous avions pris soin d’isoler sur une feuille blanche, nous avons pris conscience que certains objets n’étaient pas effacé des mémoires, mais aussi que la notion de frontière était présente.

Vendredi Matin. Place du Marché. Bouguenais Bourg.

De nouveau placé sous le signe de la croix, cette demi-journée acheva notre tournée de Bouguenais auprès d’une population (très locale) réactive et, semble-t-il, plus investie dans le fonctionnement de la commune. Le marché étant bien fréquenté, les avis fusèrent et les tasses de cafés aussi, qui permirent de compléter nos interrogations sur ce qui interpellent les gens, notamment en proposant aux invités de garder une des cartes postales que nous proposions en échange d’une explication.Ainsi s’acheva notre immersion dans le site, avec une brioche gentiment offerte par le boulanger du marché sous un bras, et les remarques menaçantes et déconcertantes de l’élus municipale de l’autre. Décidément, Bouguenais semble être une ville de l’entre-deux. Entre enfants et grands-parents, entre itinérants et descendants de bouguenaisien, entre son bourg désert et ses vides fréquentés. Ils se sentent saturé alors qu’il y a du vide.Sortie de l’école primaire public.

Ecole Chateaubriand.

La seconde intervention, à la sortie de classes, nous permis de toucher une population encore inconnu et non sans intérêt, les fameux actifs de la commune. Effectivement, ce fut l’occasion de discuter de détails pratiques et petits soucis technique auprès desquels la commune, comme l’absence de ramassage poubelles dans les communes, ou les problèmes de garde pour les enfants. Un autre modèle de population, un autre type de préoccupations, mais le même besoin de considération.

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> Insularité sociale

Il existe des insularités entre les bouguenaisiens «  pur souches  », les nouveaux arrivants, les gens du voyages, les dockers, les ouvriers en transit, les enfants des Couëts et ceux du bourg…

Effectivement, nous avons repertoriés un très grand nombre de populations différentes. Cela soulève alors des problematiques sociales très présentes sur le territoire. Le manque de reconnaissance et la perte de repères sociales se font ressentir. Pourtant, on a pu noter que ces usagers ont certains points communs.En fonction des populations, il y a un renversement des lieux repères; et pourtant, on retrouve le besoin de nature dans quasiment toutes les bouches. Cela s’explique notamment avec le choix de venir vivre dans cette ville attractive, qui est à cheval entre la ville et la campagne. A l’inverse, le port de Cheviré qui la côtoie ne semble que très peu connu. Et effectivement, ils ont un rapport à l’eau différents des Nantais, qui aiment profiter de la présence d’un fleuve, ou des Pornicais, qui vivent le rivage de manière estivale.

> Les infrastructures comme coutures

Les pratiques de cette ville sont à l’image de son territoire qui s’est transformé en même temps que la Loire, mouvantes.

En partant du constat que les infrastructures de transport, servant paradoxalement à relier les personnes entre-elles, venant finalement créer des cicatrices dans le territoire, l’atelier public à également révéler qu’elles faisait également signe d’un manque de communication entre les différentes populations.

> Le vide comme étoffe pour retisser des liens

Ce territoire archipelisé doit se lire dans ses «vides». Les frontières deviennent des liens, et ne sont plus des espaces à délaisser. Et les trajets des usagers sont les coutures qui viennent relier ces différents tissus du territoire. L’atelier a révélé que l’on croise, en fonction des endroits et des temporalités, des groupes de population distinctes. Malgré le clivage Couëts/bourg, les populations se croisent parce qu’elles vont finalement dans les mêmes lieux.

Finalement, ce n’est pas seulement dans les destinations qu’il faut attendre les habitants, mais sur leur trajectoire.

«Grâce à l’aéroport, on paye moins

d’impots»

«Le départ de l’aéroport, ça risque d’être repoussé, peut

être qu’il suffit d’ajouter une piste»

«Le nouvel aéroport, plus le temps passe, plus

ça s’estompe, avec les Verts qui ont fait une

belle perçée ... »

«On construit en fond de parcelle»

«Il y a deux sortes de populations

aux Couêts avant c’était trés socialo maintenant c’est

plus à droite»

«Le Hameau est dénaturé... »

«Elle nous fou dans le béton!»

«Trop de logements sociaux qui donnent une mauvaise image

de Bouguenais!»

«La popuLation a changé, avant c’était SociaLo!»

«A la Pierre-Blanche il y a peu d’harmonie entre les mai-sons, pourtant le cahier des

charges est lourd mais les gens ne le respecte pas!»

«Aux Couêts on fait plus de choses !»

«Pour moi Bouguenais et

les Couêts c’est deux choses différentes!»

«J’en ai marre de la dictature socialo»

«Si gain d’argent c’est rentable, les politiques

sont motivés!»

«Mon terrain a failli être exproprié!»

«On ne sait pas adoucir les angles!»

«Non à l’invasion de Nantes!»

«C’est une ville dortoire, la ville ne fait rien pour qu’on

y reste!»

«Plus ca va, moins on respire!»

Cartes des différents trajets représentés par les usagers du territoires durant l’atelier public

Renversement du vide et du plein.

Représentation de quelques paroles habitantes.

Coutures duterritoireCette découverte du territoire par une approche réelle et à travers une parole habitante a permis, à la fois de dévoiler, confirmer ou infirmer des caractéristique du terrritoire.

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Prospection Le territoire envisagé

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Aujourd’hui, la métropole nantaise se pose aussi la question du demain. Les 24 maires de l’agglomération, dont celle de Bouguenais, ont alors confié à l’Agence d’urbanisme de la région nantaise (Auran) la coordination de la démarche de projet de territoire.

En prenant en compte les différents enjeux climatiques, énergétique, économique et démographique, 3 visions sont alors proposées :> Au niveau économique, «Aller vers l’excellence et l’international  », c’est-à-dire de développer une logique de filière dans les secteurs porteurs, ce qui permettrait à l’agglomération de rayonner à l’international.> «  Miser sur l’innovation et la créativité  », en favorisant la culture et l’émergence de talent . C’est notamment ce qu’illustre le projet du quartier de la création, implanté sur l’île de Nantes.> Au niveau environnemental et social, l’idée est de «  S’appuyer sur les ressources locales et la citoyenneté  ». Cette vision propose une forte implication citoyenne qui permettrait de d’offrir une production et une organisation plus locales afin d’aller vers l’économie de ressources.

Projets directement liés à Bouguenais

Certains projets, axés vers ces thématiques sont plus concret et ont notamment des répercussions sur l’organisation et le développement de la ville de Bouguenais.> Le développement et la résidentialisation de l’île de la création.> L’édification d’un nouveau franchissement entre la future ZAC des isles, et le bas Chantenay, deux territoires en pleine reconversion.> L’amélioration de la desserte de bouguenais (projet de prolongation de la ligne de tram qui ne va actuellement seulement jusqu’à Bouguenais Couëts)> Le déplacement du tracé actuel de la Loire à vélo, pour se rapprocher du fleuve.

Tous ces projets vont donc impacter l’attractivité de la ville et son lien avec la grande métropole.

«  Ma Ville Demain s’attache à cerner les contours d’un modèle de société locale pour aujourd’hui et pour demain. »

Perspectives politiquesA l’échelle de la métropole

L’étude du PADD de la ville de Bouguenais, orientée sur cette horizon 2030, peut se résumer ainsi :> Construction : Lutter contre l’étalement urbain en venant développer et soutenir la diversification du parc de logements dans le bourg et les Couëts, et donc venir renforcer les deux centralisés de la ville.> Economie : Maintenir les activités actuelles (le port, Airbus) et la diversité qui s’est crée dans les différentes zones industrielles de la ville. Dynamiser les espaces commerciaux des deux polarités.> Agriculture : Pérenniser les espaces agricoles et leurs exploitations.> Transport : Accentuer la mise en place de déplacements doux et les transports en commun depuis Nantes.> Espaces naturels : Protéger la qualité de ces espaces tout en permettant la découverte de ces milieux, et concrétiser le projet de forêt urbaine.

On se rend alors compte que cette volonté de conserver les grands équilibres du territoire, avec une «  urbanisation maîtrisée et économe de nouveaux espaces naturels» , vient encore une fois accentuer les frontières déjà existantes. Cette volonté de préserver les espaces naturelles en venant construire va alors être le contrepied que nous allons prendre, comme

nous le verrons par la suite.

Il semble important de préciser que cette volonté municipal ne soient pas au goût de tout le monde. Effectivement, lors de nos différentes rencontres avec les habitants de Bouguenais (et plus particulièrement ceux qui sont issus du bourg), nous avons sentis une certaine réticence vis-à-vis des décisions du maire. Il semblerait que ces derniers reprochent à la municipalité de favoriser les Couëts (dans la construction d’équipements, le réaménagement des espaces publics, etc.). Ce qui explique d’une part, la difficultés de cette liste à se faire ré-élire e en mars dernier, et d’autre part, le venue de l’adjoint au maire lors de notre atelier public afin de contrôler les avis et paroles émises.

A l’échelle de la ville

Bas Chantenay Prolongation du tram ?

NavibusNouveau franchissementFutur tracé de la Loire à vélo.

Quartier de la créationZAC des îles

Zone à densifierEmprise de l’aéroportForêt urbaineZ.naturelle préservéeZ. d’activités économiqueCorridor écologique

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le futur de la ville en dessin

L’industrie et la nature. Un monde plus écologique. Les avions.

La cité des enfants

La connaisance de la ville actuelle et le désir de se rapprocher de la Loire et de la nature.

Les moyens de transport en com-mun.

L’école, les loisirs, les jeux, les lieux préférés et les avions.

Le ponte de Cheviré et les voitures avec la nature et les loisirs.

Le rapport à l’eau et au fleuve. La nature et le ciel.

La Loire, la pêche, las activités en plein air. L’écluse et les marais.

Le tranport et l’importation de marchandises. Les grandes machines

La nature, les animaux, les pilones, les jeux et la neige à Noël.

La loire et l’Île de Nantes. La pêche et les poissons. La maison et la famille.

Le pont de Cheviré et les lieux où il nous amène, les voitures, les bateaux, l’Île Cheviré et le fleuve.

La réhabilitation des anciennes carrières pour mettre les loisir dedans.

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Problématique Les infrastructures et les zones urbanisées sont comme des îles, des espaces autonomes. Les pratiques des habitants créent des ponts entre ces îles. Nous nous sommes intéressés à ces espaces d’entre-deux, nous voulions habiter ces vides.

Dans la mer urbanisée du territoire. , il y ces insularités qui sont porteuses de traces des activités et d’échanges passés. Nous prenons le parti de travailler à partir de l’existant, Port Lavigne était un port, l’île Cheviré une plate forme d’échanges industrielles, et les champs aujourd’hui en partie désertés étaient autrefois cultivés par les locaux.

Ainsi nous nous posons la question de savoir comment réactiver ces interstices, ces espaces délaissés en lisère? Quels usages peuvent faire carrefour entre les populations et réactiver des échanges?Nous verrons à qui sont destinées nos interventions, et quels heritages elles réactivent.

Faire lien

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PropositionDe terre inconnu au terrain connu

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Au regard des données objectives et subjectives, nous avons relevé la présence de nombreux espaces délaissés dans la commune de Bouguenais. Ce sont souvent des espaces naturels, où il n’y a pas d’activités, et leur accès est parfois difficile. Ils sont de nature différente allant de la parcelle agricole non exploitée, ou à usage de loisir, à l’espace en friche, au bois,… Ces espaces ont un potentiel énorme et ont d’ailleurs fait l’objet d’un recensement de la part de l’association AIRES et de Nantes Métropole.Nos cinq interventions s’insèrent dans ces délaissés, ces non-lieux : dans des friches industrielles (sur l’île Cheviré et île Botty), dans un port d’hivernage (friche portuaire), et dans des friches agricoles. Les

Les cinq interventions sont situées dans des espaces délaissés, mais ne sont pas des espaces isolés. Au contraire, elles sont reliées aux réseaux des mobilités : connectées avec la Loire, en relation avec le Périphérique, avec la route de Paimboeuf, traversées par le futur parcours de la Loire à vélo, ou encore par des corridors écologiques et un réseau de sentiers piétons. Ces cinq espaces en friches sont par la croisée de ces chemins des lieux privilégiés d’échanges entre les

Histoire de friches

Quelle stratégie ?

En complémentarité avec le PLU

Interactions avec le contexte

pratiques et parcours habitants, coutures entre les insularitésnos interventionsaxes majeursintéractions avec le contextezones industrielleszone inondablefôret urbainecorridor écologiqueaéroport

parcelles agricoles exploitéesparcelles entretenues hors du cadre agricole professionnel ou friches recentesdernière fauche 4 ans maximundernière fauche 6 ans maximumboisparcelles occupées par des activités agricoles de loisirparcelles de jardin, potager, parc privé

politiques d’aménagement préconisent de renforcer les centralités par une densification des deux zones urbanisées : Bouguenais bourg et les Couets. Elles défendent ainsi le non étalement urbain et souhaitent maintenir le caractère naturel des espaces bouguenaisiens, comme avec la démarche de forêt urbaine et de corridor écologique. Ellesmaintiennent et confortent également les pôles économiques tels que l’aéroport, l’île Cheviré et l’Ifstar.

En complément de cette politique et du PLU, nous proposons une relecture du territoire. Nos interventions se situent en lisière de ces pôles « à renforcer », ces lieux

de frontière sont stratégiques. Dans un territoire géant en mouvement, elles proposent des activités pour faire place à l’interaction entre les populations et réactiver les échanges.

populations.Dans un territoire en mouvement, ces endroits ont le potentiel d’engager des rencontres entre différentes populations et générations.

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Passé portuaire, passé industriel et passé agricole

Activer Les acteurs

A qui nos interventions s’adressent-elles?

RéactiverLa mémoire du lieu

Le concept de créolisation ou d’hybridation des programmes se retrouve dans nos interventions. Ainsi, la mixité des programmes permet de mêler plusieurs acteurs. Elle facilite aussi les interactions entre les populations. Créatrices d’échanges, ces interactions entre les populations répondent aux besoins de liens sociaux énoncés par les habitants lors de nos rencontres :

« On ne connaît plus les gens »« Bouguenais c’est divisé, il y a Bouguenais et les Couets »« Il y a des relations cordiales, mais on ne se connaît pas du tout »« Il faudrait faciliter les rencontrer intergénérationnelles » « Avec les gens du voyages il y a comme une frontière »« Plus d’animations !»

Chacune de nos interventions prend en compte un ou des aspects de l’histoire de la ville : le passé industrielle, le passé portuaire et agricole de la commune.L’observation insitu des traces des activités passées, nous a conduit à situés nos interventions. Un ancien port, un hameau où autrefois il y avait un activité agricole et viticole, une zone industrielle, un port à bois.

La rencontre avec l’association Aires nous a beaucoup apporté sur la connaissance des histoires de la commune. En effet, l’association contribue à faire connaître le patrimoine local, l’histoire et la vie des habitants des villages et quartiers au travers de publications.

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Réseaux - Résonance

Nos interventions fonctionnent en réseaux et leur développement s’échelonne dans le temps. Tout d’abord les aménagements des cheminements permettent de faciliter l’accès et leurs traversées. L’aire d’attractivité de nos interventions est grandissante.Sur le territoire de Bouguennais, le Port à sec de Port Lavigne fait écho à celui de Couéron, de Haute Indre, de Bas Chantenay, et de Trentemoult.L’intervention sur l’île Botty et pour l’île de Cheviré fonctionne avec toute l’île de Cheviré. Pour la ferme permaculturelle, son aire d’influence touche la ferme des 9 journaux,

la ferme des gens du voyage et les autres producteurs locaux fonctionnant en circuits-court, Boug’Amap, le hameau de la Bouguinière , et de la MatrasseriePlantation nomade se développera sur les parcelles agricoles le long du périphérique, et sera en lien avec les fermes voisines telles que la ferme de la Rangonnière.

A l’échelle de la commune de Bouguenais

nos cinq interventionsaire d’attractivité liée à l’agricultureaire d’attractivité liée à la zone portuaire et industrielle

A l’échelle de la métropole, nos interventions rentrent en résonnance avec d’autres territoires.Pour le Port à sec tous les autres ports à secs et à flots de l‘estuairePour l’île de Cheviré et pour l’île Botty, les projets influence avec la métropole nantaise entière.

La ferme permaculturelle est en lien avec le réseau de permaculture national et du 44 (association, éco-hameau et autres ferme en permaculture). Plantation nomade influence les aires d’accueil des gens du voyages et autres espaces agricoles délaissés près des axes routiers.

A l’échelle de la métropole Estuairienne

Coueron

port à secîle Botty île pliéeferme permaculturelleplantation nomade

Basse Indre

Bas Chantenay

port à sec de l’estuaire

Ile de NantesEstuaire

aire d’accueildes gens du voyages

zone agricole périurbaine

réseau de permaculture 44

agriculteurs en circuit- court

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ProjectionConcrétiser la pensée

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Les plantations nomadesBorha Chauvet

L’intention est de faire projet sur des terres agri-coles en attente d’un devenir qui sont actuel-lement soumises à de fortes pressions fonciéres dûes à leur mitoyenneté aux pôles urbains que sont le Bourg et les Couëts.Le projet est de réactiver le patrimoine agricole de Bouguenais en s’interessant ici aux territoires situés à proximité du périphérique donnant lieu à des pratiques hybrides et paralléles. Les Bougue-naisiens s’y proménent, les personnes nomades y font escales, et les pratiques agricoles sont tou-jours en mémoire. Le projet s’appuyrait donc sur cette hybridation des usages, en renforcant de nouveaux chemins de déambulation piétonne sur la commune, en proposant un lieu d’escale auto-risé pour les personnes nomades, et en donnant la possibilité à des agriculteurs d’exercer leur métier sur ces terres. On retrouve sur la commune de nombreux sites répondant à des critéres identiques. Ce projet a la possibilité d’être reproduit à l’échelle locale, mé-tropolitaine et internationale. En effet, on assiste face à la formation de la ville «diffuse», à de nombreux cas similaires situés aux periphéries des grandes métropoles, et qui sont partagées entre passée agricole et nouvelles pratiques induites par l’industrie et par les nom-breuses infrastructures de transport qui leur conférent à ces communes des dimensions inter-nationales.

De plus, l’image de la périphérie de ville est au-jourd’hui perçue de maniére négative, c’est un lieu où on ne fait que passer il est rare qu’on s’y arrête, et pourtant des gens y vivent.Finalement, le projet entre en résonnance avec tout un réseau d’indrastructures tel que les fermes agricoles, les aires d’acceuils des personnes no-mades, les lieux de loisirs de plein aire, les centres ville, et les lieux culturels, présents sur la com-mune, dans la métropole Nantes, St Nazaire. Ce projet pour exister serait un voyage experimental qui serait partagé entre différents acteurs habi-tant aujourd’hui sur le territoire. Les politiques, les industriels, les Bouguenaisiens, les agriculteurs, les populations nomades à la fois personnes itinérantes, voyageurs, et touristes.

Pression fonciére sur les terres agricoles Une situation répétée, création d’un réseau Résonnance du projet à l’échelle

Vue aérienne du site

Les paysages de prairies

Photo du site d’intervention

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BOIS

PIANO’CKTAIL

RUE DES SENCIVES (les Couêts)

GARAGE AUTOMOBILE

LIEUX-DITS

MAISON D’HÔTE

TERRAIN ACCUEILLANT DES NOMADES

LA CROIX-JEANNETTE ( le Bourg)

ECOLE DE MUSIQUEMUNICIPALE

FERMES AGRICOLESAEROPORT DE NANTES

PERIPHERIQUE ROUTIER ET VOIE FERREE

ROUTES PRINCIPALES

CHEMINS DES DESIRS

Bois et forêts

Vergers

Légumes et fleurs

Blé tendre

Orge

Maïs, grain et ensilage

Cultures industrielles

Prairie mésohygrophile

Phalaridaie

Blé tendre

Prairie temporaire

Le site est entouré de nombreux repéres urbains tel que le piano’cktail qui est une salle de concert, l’école de musique municipale, les Couêts et le bourg, l’aire d’acceuil des gens du voyage, les chambres d’hôtes CARPE DIEM, la ferme pédagogique de la Ranjonniére et pour finir l’aéroport qui donne lieu à des pratiques telles que l’observation pour les grands et les petits bouguenaisiens des avions à leur aterissage.Ainsi ce site est pratiqué à pied et souvent traversé pour aller d’un lieu à l’autre. C’est ainsi qu’ une petite fille me l’a conté, «tous les Bouguenaisiens garent leur voiture et partent du parking du piano’cktail le dimanche pour se promener sur le chemin des Bélians , et s’arrêter à l’observatoire des avions ». Ce lieu traversé par un corridor écologique composé du ruisseau de Bougon, offre un paysage à la fois agricole, forestier, et de prairies remarquables. Finalement l’intention de ce projet est de réussir à conserver la prairie qui se trouve actuellement sur le site et à renforcer les chemins des désirs pratiqués, tout en créant à la fois un jardin agricole ludique et des logements pour personnes nomades de passage souhaitant ou non rester.

Le verger boc-cagé

Les serres horticoles

Les bandes maraichéres

Agroforesterie et systéme hydraulique éolien

Alternance entre verger boccagé, chemins de traverse, systéme hydraulique éolien,

et bandes de culture maraichére.

Coupe des paysages urbains et paysagés

Un tissu urbain à la fois linéaire et perméable, pour répondre au front construit de

la rue des Sencives et permettre la traversée piétonne.

Les espaces «entre» des espaces d’interactions et de rencontres

RDC

R+1

Habitations de sédentarisation, logements de fonction, chambres d’hôtes et studios.

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Ferme permaculturelle

Le site se situe le long de la Route de Paimboeuf, dans l’interstice entre la partie urbanisée de Bouguenais bourg, la Bourguinière, et le hameau de la Matrasserie. A proximité des habitations, la ferme est en lien avec les deux parties urbanisées. Elle est traversée par plusieurs chemins: parcours rando et corridors écologiques.Son voisin directe est la ferme bio des neufs journaux (élévage de vaches la Nantaise) et elle est aussi associée avec la ferme Plantations nomades.

Interactions avec le contexte

A l’origine, la permaculture est une «science» qui se base sur trois principes fondamentaux :- une écologie durable- une société éthique- un certain rendement économique

La permaculture est une science de conception de cultures, de lieux de vie, et de systèmes agricoles humains utilisant des principes d’écologie et le savoir des sociétés traditionnelles pour reproduire la diversité, la stabilité et la résilience des écosystèmes naturels.

Vitrine d’une agriculture durable

La Matrasserie - histoire de hameau-activité entièrement axée sur l’agriculture jusqu’au 19ème siècle-culture de pommes de terre, de blé, de choux, élevage de bovins, vignes-13 pressoirs dans le village, convivialité-livraison des barriques à la gare de Bouguenais ou au quai de la vallée (à côté de l’étier près de la place de l’église)-tradition des moissons et vendanges, grandes fêtes et repas, veillées

Programmeau fil du temps

TEMPS 0 TEMPS 1 TEMPS 2 TEMPS 3

L’impact multi-échelles

- ECHELLE LOCALE (agriculteur Dimitri, association AIRES, Boug’Amap, ville de Bouguenais , Chambre d’agriculture, Nantes Métropole, Nomadism Farm)Réactivation des friches, maintien d’une activité agricole pérenne et locale

- ECHELLE RÉGIONALE (Permaculture 44 le réseau avec la SCEA les demains dans la terre à Chauvé, le éco-hameau le troisième lieu, l’association Hen44 évênements culturels)

- ECHELLE NATIONALE ET MONDIALE (Ruth Stegassi sur France Culture)grands enjeux : énergie, climat, eau, agriculture, forêts, pauvreté, éthique

habitation

ferme

bassin

serres 1

potagers 1

potagers 2céréales

verger

serres 2

Plan masse

accès ferme

accès habitation

«il faudrait plus d’endroits pour se promener»«renforcer l’aspect village : des artisans, des animations»«faciliter les rencontres intergénérationnelles»«des couleurs!»

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Axonométrie sur la fermeEchelle 1/200

grange 90 m2 bureaux asso.salle de réunion

120 m2

auberge150 m2

bibliothèque85 m2

préau55 m2

ferme pédagogique180 m2

accueil vente76 m2

atelier cuisinetransformation

76 m2

Chemin principal horticole partagé

Chemin secondaire horticole partagé

Chemin réservé à l’exploitant

Chemin en campagne, parcours rando

Paysage traversémixité d’usages sur les chemins

Vue des serres Vue de la ferme

Vue de la ferme, typologie de petites maisons en écho avec le contexte architectural pavillonaire

Plan des abords de la ferme et de l’habitation

parcelle =

9,3 ha

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De port en bordChevirement de situation Rossila Goussanou

S’immerger

Territoire en tension

Accoster

Résilience du territoire

Prospectives

Genèse du projet Intentions programmatiques

Evolution

Escale Botty

Penser la halte

Mouvance

Médiagraphie

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Lever du soleil. C’est beau. Stupéfiant. Apaisant.Le paysage se dévoile en même temps que ces structures monumentales qui m’entourent. Elles semblent plus familières quand elles sont seules. Quand elles sont immobiles. Inactives.Le soleil se reflète à peine dans la Loire. Je suis au bout du bout de Bouguenais. Au bord du bout. Enfin de Nantes. Peu importe.La mer et le ciel se confondent encore.

C’est un port. Un lieu de départ. On ne voit que ça. L’inconnu.C’est grand, et en même temps pas autant que les pays vers lesquels ce lieu amène. C’est démesuré. Démesurément Grand. Et petit en même temps. Prise entre l’immense pont de Cheviré qui laisse apparaître le trafic routier, chemin quotidien de ceux qui commencent leur journée, l’avion que j’entends décoller, les camions chargés, et puis ces rails qui cisaillent le sol. Ou vont-elles ? Quels potentiels ?

Du bois. Des conteneurs. Des silhouettes.

Et puis le plaisir, la délectation d’être là où je ne devrais pas être. D’avoir bravé l’interdit. D’être entrée. Et de savourer ce paysage qui ne se dévoile ce matin que pour moi.

Mercredi 26 mars 2014, rue de l’île Botty, ZI Cheviré, A l’aube.

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S’immergerEn choisissant la ville de Bouguenais comme objet d’étude, je ne pensais pas me retrouver autant confrontée à un territoire du vide, un territoire du blanc.

Habituée durant ces études d’architecture à me voir imposer un site et un programme, ce fut une nouveauté pour moi que de questionner le territoire en profondeur, pour en ressortir des problématiques sociétales empreintes d’un attrait personnel ; puisqu’il semble que l’on interroge indéniablement ce qui nous touche personnellement. «  Nous sommes nous-mêmes porteurs d’iceberg que chaque projet cherche à faire émerger.»1

À la différence des quatre autres villes proposées dans cette option, j’ai été troublée par la démesure des espaces bouguenaisien et le potentiel qui ne demandait qu’à s’exprimer. Et puis la découverte du Port à sec de Port Lavigne et tout l’imaginaire que ce lieu transporte a achevé de me convaincre. Parce que l’Estuaire, c’est l’appel du large et le début de la fiction.Est-ce un hasard si Jules Vernes n’a écrit que des récits de voyages ? De 20000 lieux sous les mers au voyage en ballon, quelle est la part d’influence de la Loire ?

Après une première approche sensible, je commence à découvrir Bouguenais - que je ne connaissais que par les quelques passages dans son aéroport. Mais des données cartographiques et objectives à la réalité du site (qui se dévoile à moi lors des itinéraires, rencontres, marches, ateliers publics, photographies) le fossé est grand. Expression à prendre au propre comme au figuré. Effectivement, autant les cartes nous dévoilent un territoire portant des infrastructures de transport telles des cicatrices, autant la rencontre avec 1 Cf rencontre avec Ricardo Basualdo. 10.04.2014

les habitants nous montre que ces insularités sont encore plus visibles au sein de la population. C’est une ville archipelisée par ce vide inhabité, in-urbanisé. Cependant, malgré cette vision séquencée de la ville, lorsque l’on y regarde bien, certains lieux font liens. Venir travailler autour de ces frontières, c’était comprendre ce qui donne sens à ce paysage.

En m’intéressant à ce qui fuit, à une silhouette qui n’est plus qu’entre-aperçue, j’ai cherché à comprendre en quoi les traces du passé et l’existant peuvent réactiver un territoire et ses usages.Comment développer une possibilité de reconversion sur un site dénigré et pourtant porteur d’enjeux futurs ?

C’était également une manière d’inverser la tendance à subir ce territoire plutôt qu’à le choisir, comme a semblé révéler notre rencontre avec le pôle urbanisme de la mairie.

Après avoir énoncé dans un premier temps les enjeux que je souhaite traiter, puis exposer les caractéristiques du territoire auxquelles je me suis attachée, je présenterai dans la dernière partie de ce développement la réflexion urbaine et architecturale qui a suivi.

De la carte au territoire, du territoire à la rencontre

Traversée urbaine avec X. Dousson 14.03.14

Atelier public 03.04.14

Parole habitante 03.04.14

Retour habitant 06.06.14

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Territoire en tension

Séjourner ou habiter

> La précarité de certains logements, et le caractère instable des solutions proposées.

En effet, la ville de Bouguenais étant un point d’installation stratégique - située à la périphérie de Nantes, elle comporte de nombreuses infrastructures de transport, avec plus d’emplois que d’actifs - la ville se trouve traversée, séjournée, habitée par un grand nombre de personnes.

Pour pallier ce manque d’habitations, la commune commence à intégrer au tissu pavillonnaire (des deux pôles urbains majeurs) des logements intermédiaires et/ou sociaux, toujours dans cette volonté de densification. Une arrivée plutôt mal perçue par les locaux qui avait l’habitude des toits inclinés en tuile. Concernant le passage d’un grand nombre d’itinérants - soit les ouvriers temporaires, les hommes en voyage d’affaire, les pratiquants de la Loire à vélo, les participants des différents événements organisés au Piano’cktail comme dans le Hall de la Trocardière, les routiers, les amateurs de bateau qui doivent séjourner dans leur embarcation le temps de la remettre à neuf sur le site de Port Lavigne, etc. - rien n’est prévu à cet effet, si ce n’est le camping municipal de 73 emplacements et plein à craquer de travailleurs, qui va fermer en juillet 2014.

Hormis cela, je n’ai recensé que la présence d’un hôtel Formule 1 au Sud de la ville, et deux annonces proposant une chambre d’hôte. Face à ce manque de considération pour ces divers voyageurs, il semble qu’un circuit parallèle se soit plus ou moins créé, puisque l’on a rencontré plusieurs personnes qui louaient une partie de leur logement à ces migrants. Cette figure du dehors constitutive du territoire m’amène à présenter le second constat que j’ai pu faire.

Après la relecture des différents souhaits des habitants et l’analyse des cartes mentales réalisées durant l’atelier public, trois aspects du fonctionnement de la ville et du quotidien des Bouguenaisiens m’ont interpellée.

Dessin d’une habitante, lors de l’atelier public.

Rencontre avec les habitants.

île et désillusion

L’île Cheviré et la présence des dockers, emblème du rivage, sont également des symboles qui tendent à disparaitre, tout du moins dans la mémoire des habitants.

Il y a une méconnaissance de l’ile Cheviré et de la Loire. Pourtant, l’eau a longtemps joué un grand rôle dans le développement économique des villes ligériennes. Mais avec le rejet vers la périphérie des dernières installations portuaires, c’est comme si la Loire disparaissait également. Aujourd’hui, Bouguenais possède un linéaire de rives d’environ deux kilomètres, mais un vaste territoire naturel de prairies humides et d’étiers très peu aménagés. Pourtant, depuis peu, il y a une volonté de renouer avec le large.

mouvance et permanence

> La perte de repère des familles bouguenaisiennes depuis quelques générations.

Effectivement, Bouguenais est un village qui ne s’est pas vu grandir. Entre une population qui a quasiment doublé en 50 ans et l’influence grandissante de la métropole nantaise, la commune s’est vue « envahir »1 par de nouvelles typologies de populations, d’usages et de professions.

Ce territoire majoritairement agricole et ouvrier s’est retrouvé propulsé au rang de ville convoitée. « Cette trame urbaine lâche se combine donc très souvent avec la trame bocagère résiduelle, des reliquats boisés ou les derniers lambeaux conservés des anciens grands parcs associés aux folies nantaises. Si cela donne une impression forte de quartiers verts, le caractère labyrinthique des espaces urbains, ainsi que la déprise agricole lisible dans les enclaves laissées par l’urbanisation, contribuent à laisser une image qui n’est ni la campagne, ni la ville »2.

Ainsi, il n’est plus étonnant d’entendre dans plusieurs bouches le mot « nostalgie », « dans le temps » ou « autrefois ».

En creusant un peu plus le sujet avec les habitants, ce n’est pas tant le désir d’un jadis plus rose qu’aujourd’hui, mais finalement le manque de lien social que l’on déplore. En effet, la reconversion des dernieres boutiques d’artisans en banques ou la diminution des étalages du marché hebdomadaire, mais aussi plus généralement la fin des rendez-vous dominicaux devant la place de l’église et la transformation des derniers espaces publics en parking, ont éradiqué les derniers lieux propices aux rencontres des différents usagers du territoire. Ne plus connaître son voisin, ne plus pouvoir échanger sur les derniers commérages familiaux, ne plus parler du décollage du dernier boeing avec le cordonnier du coin ont fait oublier l’entente et la reconnaissance de l’autre, véritable coeur du problème.

A ce manque de repères sociaux s’ajoutent la perte de références spatiales. La densification du bourg coupe les habitants de cette nature qu’ils avaient l’habitude de côtoyer.

1 pour reprendre les mots de certains habitants2 http://www.paysages.loire-atlantique.gouv.fr

Bouguenais, hier et aujourd’hui.

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Accoster

Comme il en a déjà été question dans la partie commune, la stratégie que nous souhaitons appliquer sur ce territoire est axée sur le remaniement des friches délaissées par la commune, afin de mieux lier ce territoire en opposition.

Le choix du site s’est donc naturellement porté vers ce qui faisait carrefour entre le lieu de vie des habitants, et les possibilités d’ancrage des désirs qui m’ont affectée. Et donc entre Bouguenais Bourg (en opposition aux Couëts, qui est finalement plus rattaché à Rezé) et le rivage, entre Port Lavigne et les marais. C’est ainsi que j’ai élu domicile l’île Botty, et plus particulièrement sa partie Sud-Est, qui m’avait été révélée lors d’une traversée dominicale à vélo.

Localisation

La Loire n’a pas toujours eu la physionomie qu’on lui connait. Et ses bords non plus. Comme partout dans l’estuaire, la chenalisation du fleuve a conduit à accélérer le processus naturel de colmatage de ce bras. L’île Botty est une ancienne île de Loire, un ancien banc de sable devenu territoire, au même titre que l’île Cheviré, l’île aux Moutons et l’île de la Fourche qui l’entourent.

Située à 60 km de l’embouchure de la mer, l’île Botty est aujourd’hui rattachée aux berges sud de la Loire et le découpage administratif partage l’île entre deux communes : Bouguenais, qui en détient la majeure partie - et très certainement la totalité dans la prochaine révision du PLU, et la ville de Nantes, (mais sous la dépendance du Port Autonome).

Afin de mieux cerner la position particulière de ce site et de comprendre pourquoi j’ai décidé de m’implanter sur ce site, l’analyse suivante se fera autant sur ce site, que sur ces frontières, soient l’île Cheviré et le bourg.

Ile Botty

Ile Cheviré

BouguenaisBourg

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Un passé présent

L’île Botty est une discontinuité du territoire qui fut rattaché à Cheviré en 1758.1

Ces deux îlot qui ne forment alors plus qu’un seul territoire, deviennent « une vaste étendue de terrains vagues, une série de petites dunes de sable où le chiendent poussait à merveille et dont les racines étaient recueillies par des gens des Couëts ou de Trentemoult. […] L’unique vacher de l’île, le père Guilbaud, vieille figure de Bouguenais était en reste malgré tout l’unique habitant, surveillant son maigre troupeau de vaches ».2

En effet, le bourg, situé en retrait de la Loire et principalement tourné vers l’agriculture, à flancs de coteaux, n’a pas de relation direct avec le fleuve, si ce n’est les pêcheurs et les quelques agriculteurs qui exploitent des terrains alluvionnaires implantés dans le lit majeur du fleuve.

Le 25 février 1909, la ville de Nantes se décide à acheter l’île Cheviré à une riche famille nantaise et transforme à jamais le destin de cette île marécageuse en une zone industrialo-portuaire en venant d’abord créer une cale entre Trentemoult et Cheviré. « L’île n’est plus considérée comme un terrain vague au bord de la ville mais comme le prolongement logique de son port vers la mer. Des quais de la Fosse aux chantiers Crucy de Chantenay, de Chantenay au nord à Cheviré au sud. »3

Paradoxalement, si l’île permet de rapprocher Nantes de Saint-Nazaire et son estuaire, pour les habitants de 1 www.shpr.fr/?Les-atterrissements-de-la-Basse2 Ouest France, Août 1950.3 ARNOUX Jacques, PUAUD Claude, Cheviré: usine à re-créer, 1987, p.9

Bouguenais elle porte l’image d’un lieu hors de la ville et rejeté, même si elle deviendra accessible depuis la ville en 1950.

En effet, pour éviter l’envasement de ses berges lors des marées basses, et les inondations en hautes eaux, phénomène incompatible avec une occupation industrielle du site, la Loire est élargie de 25 mètres à la hauteur de l’île Cheviré, et le terrain est remblayé de mètres cubes de terre et de sable.

Très vite, ce nouveau remblai artificiel, d’une longueur de 3,5 km pour une largeur de 1km, va se positionner dans le négoce de bois en devenant le port à bois officiel de tout l’Estuaire. Ils regroupe alors 25 sociétés industrielles d’importation et de transformation du bois provenant principalement de l’Afrique noire et des pays nordiques.

Les activités industrielles et portuaires vont alors contribuer à l’essor de l’arrière-pays agricole qu’était Bouguenais, en venant y employer la main d’oeuvre.

Résilience du territoire

Plan cadastral des environs de Nantes, Pinson, 1886.

Plan cadastral des environs de Nantes, E.Fleury, 1914.

Plan cadastral des environs de Nantes et limite communale, Aujourd’hui.

Plan de la ville de Nantes et banlieue, 1949.

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Skyline : verticale à l’horizon !

Le comblement du bras Sud de la Loire puis la création de la centrale électrique de Cheviré (qui offrira une consommation énergétique à tout l’Ouest de la France jusqu’en 1989) achève de dessiner une nouvelle histoire pour ce lieu.

Cette vaste étendue inhabitée va complètement changer de silhouette pour passer d’une échelle horizontale à une posture verticale ; et lui donner une nouvelle dimension. Depuis la Loire aussi, le panorama change également. On passe d’une rive «  naturelle  » à dominante végétale à une berge dotée de quais, d’appontements et d’enrochement. Mais l’apparition de hangars et grues démesurées ne touche que la zone de Cheviré. A l’ouest, l’île Botty et la grande Vallée restent vierges et marquent encore plus le décalage avec le territoire du bourg qui lui fait face, fait d’un tissu urbain ancien, dense et étendu.

De port en bord.

Alors que la zone industrielle est desservie aussi bien par le trafic fluvial que le trafic routier, le bourg de Bouguenais est également traversé par le périphérique et un axe routier important (la route de Pornic). Aucune liaison franche n’est créée entre les deux jusque dans les années 2000, lorsque la ville s’engage dans la mise en place d’un réseau dense de continuités piétonnes. C’est ainsi qu’est réalisé le chemin des canotiers, un sentier long de 8 km allant du centre de Bouguenais à la Roche Ballue. La grande vallée et l’île Botty sont enfin percées, la porosité territoriale peut commencer.

Etier de Bouguenais

île Botty

Quai de l’île Cheviré

Ainsi, on comprend mieux pourquoi l’île Botty, et même la zone Cheviré dans sa globalité, sont vues comme des espaces isolés, archipelisés.Effectivement, en plus de n’être que très peu accessibles directement par les locaux, lors des fortes inondations annuelles, les quais viennent à nouveaux se détacher du territoire. L’île redevient île.

Présence de rails

Zone de la sablière

Route desservant les entreprisesAccès à la zone Cheviré

Chemins piétonniers formels et informels Futur tracé de la loire à VéloAccès à l’île BottyPoint de fermeture d’accès à la zone Cheviré

Port à bois

Port à métaux

Chemin des canotiers

Figure de l’île .

Il m’a alors semblé important de faire un point sur cette figure de l’île. Parce que l’homme a fait disparaitre les îles de la Loire, mais pas dans leur imaginaire.En effet, les îles sont des lieux de mythes, du fait de leur décalage avec la réalité, leur distanciation du reste du monde. Mais aussi parce qu’on les perçoit comme des îles, des lieux aux frontières marquées. Est-ce un hasard si les territoires des utopies sont des îles ? De l’utopie de Thomas More à Madagascar de Daniel Defoe, les îles sont toujours représentées comme des lieux idéaux, originaux, solitaires.

« Si l’île est un monde en elle-même, l’écart qui existe entre elle et le continent propulse paradoxalement l’île en marge du monde. »1

Mais de quelles marges parle-t-on ? Quelles limites pour un espace fini mais mouvant ?

1 LE BECHENNEC, Mouvance des îles de la Loire, 2002, p.10

Dans le cas de l’île Botty, elle-même rattachée à l’île Cheviré, quand on essaye de tracer les contours, on se rend compte qu’ils sont très flous. On pourrait s’arrêter à la Loire, mais en fait cette île dialogue avec la Roche Maurice et se lit dans sa continuité depuis le pont de Cheviré. L’étier de Bouguenais pourrait aussi faire une rupture, mais la végétation qui se développe jusqu’à la grande vallée et le pont qui y a été construit sèment le doute… De plus, les quais sont un moment de départ et d’arrivée, un lieu de transition. On a l’impression que c’est un cul de sac mais en fait c’est le départ vers l’inconnu. Les frontières aussi sont mobiles.

Mais l’île existe à partir du moment où elle est nommée. Or, combien d’habitants connaissent le pont de Cheviré, mais pas l’île du même nom ?

L’île redevient inaccessible lors des grandes crues.

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Chanzy BoisBois d’importation

SINBPlAVente de bois du Nord

Suez environnementGestion et valorisation des déchets

CapitainerieGestion de

l’activité maritime

Réseau ProVente de bois et Materiaux

SogebrasClub entreprise : serruier, design, prototype

La Rivière Entreprise de

toiture

Idea TransportLogistique. Transport

Sea investManutention portuaire

Charpente FrançaiseCharpente bois

Friche

Alliance HealthcareRépartition pharmaceutiqueDescours etCabaud

Distribution professionnelle

Friche

ID bois Fournisseur de

bois

Veranda Construction

Picot Cheminée Chauffage bois

Sogebras

Port Nantes-St Naz

Hangar 2Port autonome

Pelletier Bois Importation. Scierie. Distribution

Ouest BoisSciage Manutention Friche.

Africa bois Importation et négoce de bois tropicaux

De Riechebourg Benne. Recyclage.

GPA Oliwood Parquet Plancher Bois massif

DLH passion for wood Commerce de gros.Bois de constructoion.

Leroux Logistique Transport international.

SCAC Transport international.

SBASciage et bois de l’Atlantique

Cid Bois tropicauxImportation de bois

SFMSoc Forestière MaineImport.Export.Vente.

Chageneau logistique Transport routier

Sarrion Charbonnier Transport routier

Bois des 3 ports Importation Transformation de bois

Bogast bois Négoce de bois.

European Yacht B Occasion de bateaux

Mateloc location de materiel.

Euroteck Vente de teck

Castor de l’ouest Aménager.Rénover

FCA Isolation

De Riechebourg Benne. Recyclage.

Du bois et des boîtes

Aujourd’hui, le site de Cheviré a su faire face au départ de la centrale électrique vers Cordemais en renforçant son statut de port à bois. «  Le port de Nantes Saint-Nazaire est la première place française pour l’importation de bois d’œuvre. En 2009, il a reçu 90 000 tonnes, dont la moitié de bois tropicaux et l’autre de bois du Nord. Ses outillages modernes permettent l’accueil de toutes les variétés (grumes, bois de sciage et contreplaqués) et de tous les modes de conditionnement ; […] Transporteurs et experts, stockeurs, scieurs et sécheurs, ou encore entrepositaires et distributeurs, Cheviré est au cœur d’une véritable industrie de première transformation du bois. »1

Autour de cette activité historique, Cheviré cherche à profiter de sa situation stratégique pour se positionner sur de nouveaux marchés afin de capitaliser tous ses atouts.

Fin 2007, le Grand Port maritime décide donc de regrouper toutes les activités sable sur le site de Cheviré. Prélevé au large de l’embouchure de la Loire, le sable est alors acheminé par barge jusqu’à la pointe Ouest de l’île sur laquelle un second appontement de déchargement a dû être édifié (en 2010) suite à l’expansion de l’exploitation et sa commercialisation (gérée par cinq sociétés implantées sur la zone industrielle).Les quais sont également réinvestis avec l’arrivée d’une activité nouvelle, celle du trafic des produits issus du recyclage (assuré par la société AFM Recyclage). Les déchets, une fois broyés, sont expédiés vers l’Espagne, 1 www.nantes.port.fr

la Turquie et la Chine, ce qui crée de nouveaux flux.En parallèle, le Grand Port cherche à s’adapter aux évolutions sociales et aux nouvelles façons de travailler. Il profite donc de ses réserves foncières disponibles et de l’attractivité du site en créant un partenariat avec le développeur immobilier ALSEI. Un premier bâtiment avec des cellules divisibles, adaptables et évolutives tournées vers la location destinée à des entreprises nécessitant des plate-formes logistiques multimodales, des parcs d’activités évolutifs et bureaux flexibles.

Face à toute cette ouverture vers de nouvelles activités, le contraste avec la constance et l’immuabilité de l’île Botty est frappante. C’est comme si deux mondes aux temporalités différentes se côtoyaient, comme si l’inertie vivait en parallèle du mouvement.

Quant au bourg de Bouguenais, il est toujours dynamique suite à sa position périphérique de Nantes. L’implantation de nombreuses entreprises ont reconverti en zone industrielle et technologique avancée, mais la ville subit néanmoins la crise économique, ce qui la pousse à envisager d’autres ouvertures économiques.

Entreprise liée au bois

Entreprise liée au recyclage

Espace en fricheSaint-Nazaire

Nantes

Bouguenais

Pornic

Paimboeuf

Donges

Rezé

Saint-Brévin-les-Pins

Intelligence du lieu

A travers toutes ces activités, on se rend alors compte que Cheviré possède une résonnance à plusieurs échelles.

Effectivement, ce lieu échange avec la population locale, estuairienne et internationale. Cheviré, comme la ville Bouguenais, fonctionne à 3 vitesses.

CheviréDestination aerienne

Trafic du bois

Exportation de déchet

Périphérique

Voie secondaire

Trafic routier

Trafic fluvial

Trafic pietonnier et

cycliste

Trafic fluvial

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Passeurs et parcours

Face à l’écho que renvoit l’île Cheviré, les diffférences entre les ambiances et usages du territoire est encore plus frappante.

Aujourd’hui, l’île Botty est toujours dans cet entre-deux et semble en attente d’un devenir. Présentant une végétation que la mairie veut sauvegardée, elle est traversée par des promeneurs qui vont de Port Lavigne à la Loire, ou par des jeunes en quête de friches pour pouvoir faire du motocross.

Quant à la zone industrielle, elle n’est pas sans activités, mais en perte d’identité. Effectivement, même si le trafic du port atteint en 2005, les 34,5 millions de tonnes qui entraînera même l’inauguration d’un quatrième quai sur Cheviré la même année pour accueillir de nouveaux trafics, l’île souffre d’un manque de reconnaissance.

Et c’est notamment ce qu’a traduit ma rencontre avec les dockers. « Il y a souvent des écoles qui viennent, et ça nous fait plaisir parce qu’on ne veut pas que notre métier s’oublie. C’est vrai qu’à Nantes souvent, les gens passent sur le pont de Chéviré et se disent mais il y a un port à Nantes ? Mais c’est dommage. » De même, les dockers sont contrariés par la pression foncière exercée sur la zone Cheviré, qui s’ouvre alors à des entreprises qui n’ont pas de rapport avec l’activité portuaire. Avant, la ville leur appartenait, mais ils ont peur que cette zone en reconversion, trace du temps qui passe, ne prenne pas en compte la mémoire du

lieu qui en fait la matière.Parallèlement, les Bouguenaisiens se sont détournés de la Loire à mesure que celle-ci s’éloignait physiquement d’eux, sous l’action des travaux de comblement et de remblaiement liés aux aménagements du port de Nantes. «  Aujourd’hui, l’évolution des mentalités, la prise de conscience de la richesse de ce patrimoine créent les conditions d’une redécouverte, voire d’une reconquête du fleuve et de ses rives trop longtemps délaissées. »1 Ce désir pour un tourisme nouveau reflète une tendance générale en Europe occidentale qui débuta dès le 18ème siècle, mais mit du temps à arriver en France et à se vulgariser, comme le montre l’analyse d’Alain Corbin. «  La promenade le long des quais et des jetées de pierres, qui se perpétuera sous des formes renouvelées, traduit la fascination exercée par une scène sur laquelle se déploient, avec une particulière évidence, l’ardeur, l’activité, l’héroïsme et le malheur. »2

1 http://www.ville-bouguenais.fr2 CORBIN Alain, Le territoire du vide, l’Occident et le désir du rivage, 2010, Ed. Flammarion, p.213

Trois figures du territoire : le docker, le businessman et le promeneur.

Chevirement de situation

Finalement, on se rend compte que l’île Botty est porteuse d’enjeu fort, par sa position stratégique, par les deux territoires qui l’entourent. C’est une parcelle urbaine qui articule une parcelle métropolitaine. En glissant à côté, on fait revivre la figure de l’île Cheviré.

Le futur projet doit alors se baser sur un jeu d’échelle, pour trouver un équilibre entre un territoire fragile et naturel et la présence d’activités économiques vitales pour les alentours.

Il semble que les deux propriétaires de ce site (Nantes et Bouguenais) aient déjà compris la puissance et la valeur d’un tel lieu. En effet, alors que l’île Botty est en jachère depuis de nombreuses années, est-il étonnant de constater que cette zone est classé 2AU - à urbaniser dans un second temps-, et que le Port Autonome s’intéresse déjà à un système de reconversion de cette zone portuaire ?

Zone Cheviré vue depuis le Nord Loire

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Vous avez dit Estuaire 2029 ?

Ce site se trouve donc au coeur des problématiques contemporaines, en partie soulevées par le Grenelle de l’environnement. On vit une période de transition énergétique, d’explosion démographique, de dérèglement climatique, et d’instabilité politique. Peut-être pourrions-nous résumer tout ça en un simple mot : Changement.

Comment, quand toutes les données semblent incertaines, proposer un projet qui pourrait être viable ?En posant des hypothèses que l’on prendra pour vraies. En intitulant «  données  » les postulats sur lesquels repose le projet. En posant les suppositions comme étant des évidences, parce qu’on a envie d’y croire.

Voilà alors le contexte dans lequel j’inscris mon projet:

Facteur économique.

Nous vivons dans un pays dit «  développé  », mais qui semble avoir atteint son point économique le plus haut. Effectivement, alors que la Chine et les pays «  émergents  » marquent une croissance à 6%, celle de la France semble stagner, voire chuter.A cela s’ajoute une crise économique qui perdure. Le mythe de la croissance infinie s’écroule, face à une population mondiale qui est en train d’exploser. Il faut donc envisager différemment le système économique actuel, et donc, à plus petite échelle la manière de consommer. La question est : Comment vivre pauvre ? Ou avec moins d’argent ? Car ce ne sont plus les occidentaux les nouveaux riches : nous vivons à crédit.

Deux tendances lourdes vont apparaître. Soit j’achète quelque chose parce que l’objet me parle (peu importe le prix), soit j’achète un véhicule, parce qu’il est fonctionnel et que j’en ai besoin. On tend donc vers une économie du sens, dans une phase post-matérialiste. Parce qu’on n’en a plus les moyens. C’est la fin de l’obsolescence programmée.

En parallèle, une consommation éco-responsable se met en place. On ne peut plus construire du jetable, donc on va vers un système de recyclage, de récupération. Du coup, on fait avec ce qu’il y a sur place. Car moins de transports signifie moins de frais. On entre dans le raisonnement de l’économie du partage de biens, mais aussi de connaissances. On apprend à faire soi-même nos objets, ou on apprend de l’autre qui sait.

Cela entraine donc forcément une révolution dans le domaine social. Et une façon de penser l’emploi différemment. Peut-être allons-nous vers des échanges plus horizontaux ?Ou du moins empreints de plus de reconnaissance pour la valeur «  savoir  » que la valeur «  avoir  ». La mise en place de jardin citoyen et de réseaux d’échanges n’en est il pas la preuve ?

C’est notamment ce qu’expliquait déjà Félix Guattari, dans son concept d’écologie sociale. « L’écosophie sociale consistera donc à développer des pratiques spécifiques tendant à modifier et à ré-inventer des façons d’être au sein du couple, au sein de la famille, du contexte urbain, du travail, etc. […] Il s’agira littéralement de reconstruire l’ensemble des modalités de l’être-en-groupe.  »1 Selon lui, seule la mise en place d’une écosophie mentale et sociale, associée à l’écologie environnementale que nous connaissons déjà, pourrait venir changer les perturbations écologiques actuelles et le dysfonctionnement sociétal.

1 GUATTARI Félix, Les Trois Écologies, 1989, Ed. Galilée, p.22

Prospectives L’aéroport de Nantes Atlantique.

Pour ce qui est de la question épineuse de l’aéroport, poser des évidences semble plus délicat. Projet très polémique, je laisserais de côté le jeu des certitudes incertaines en proposant deux scénarios. 1. Le projet de déménagement de l’aéroport traine depuis une cinquantaine d’années (il est envisagé depuis 1963 pour être exact), c’est un projet couteux et avec un fort impact écologique.Dans l’optique où nous nous tournons vers des démarches plus économiques à cause de l’augmentation du prix du pétrole, et où l’alternative d’un moyen de transport moins onéreux et moins polluant sera proposée comme le TGV, (concurrence direct avec l’avion et par conséquent réduction du trafic aérien existant), on peut imaginer que le départ de l’aéroport ne se fera jamais. On peut même hypothétiquement envisager que l’aéroport de Bouguenais sera réaménagé ou agrandi dans le cas où il faudra supporter un nombre croissant de voyageurs et que son unique piste arriverait à saturation. 2. L’aéroport ouvrira ses portes à Notre-Dame des Landes en 2017 comme il est indiqué dans le calendrier prévisionnel du nouvel Aéroport du grand Ouest. Cependant, comme il est prévu, les pistes d’atterrissage de l’actuel aéroport seraient conservées pour la Société Airbus, située à proximité pour livrer ses pièces. Soit trois ou quatre avions-cargos Beluga qui en décolleraient chaque semaine. Cela nécessite donc finalement encore le fonctionnement d’une tour de contrôle et la maintenance générale (apparemment assumés financièrement par l’Etat en contrepartie de la manne économique qu’apporte Airbus dans la Métropole) et Airbus prendra en charge les questions de sécurité (pompiers,…). Ne peut-on pas alors imaginer que cet aéroport puisse toujours assumer ponctuellement la venue d’appareils privés, ou occasionnellement des vols internationaux importants ?

Voilà mes postulats de départ pour une vision version 2029.

Facteur environnemental.

Je me servirais de la référence, énoncée précédemment, pour faire la transition avec le seconde hypothèse, celle de l’écologie.

Effectivement, la surconsommation a amené l’épuisement de ressources fossiles. Etant implantée sur un site traversé par des moyens de transport «  lourds », comment repenser le site sans pétrole ? C’est notamment la question que pose le Grenelle de l’environnement et à laquelle tente de répondre Nantes Métropole. Effectivement, la communauté urbaine a une volonté de développer le trafic fluvial (par barge), qui est plus économique et écologique (mais pas forcément avantageux en terme de temps), en alternative au transport routier. Cependant, cette réalisation tarde à se mettre en place car les ports de Nantes (Chantenay et l’île de Nantes) ne sont accessibles qu’une partie de l’année à cause d’un tirant d’eau1 trop faible. De plus, le projet de créer un nouveau franchissement entre Trentemoult et Chantenay vient de nouveau limiter cette idée.

Ne peut-on pas alors imaginer que l’île Cheviré serait le point idéal d’arrivée pour un trafic fluvial commercial et de plaisance ? « Cela serait jouable si elle déploie les infrastructures de transport qui vont avec… », me confirme Kristell Le Bot, travaillant au Groupement d’intérêt public (GIP) Loire Estuaire.

La prolongation des transports Navibus envisagée par la ville de Nantes pourrait alors être la solution. De même, la réactivation des rails présentes sur l’île Cheviré (servant anciennement au transport de marchandises) et rejoignant déjà la gare de Nantes viendrait appuyer ce projet, surtout que la pression immobilière autour de Trentemoult et de la zone Atout Sud laisse penser que ce lieu va subir une urbanisation assez forte, et la présence d’un tram-train pourrait desservir ces zones et amortir l’impact économique d’un tel projet.Tout le système basé sur la mobilités des individus va être repensé pour être plus collectif, plus économe et moins polluant.

1 Le tirant d’eau est la hauteur de la partie immergée du bateau qui varie en fonction de la charge transportée.

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Genèse du projetLe projet se construit donc dans un site qui occupe une place stratégique. L’idée première est d’amplifier ce qui est déjà présent dans les pratiques, mais dans une optique de mixité plus que de pluralité.

Ouverture du territoire

L’île Cheviré se trouve être finalement la transposition d’une plateforme multi-modale, puisqu’elle est accessible par tous les moyens de transport :

> au nord, par la Loire et les quais d’amarrage encore existants, mais aussi par le port à sec qui serait réhabilité ;

> au Sud, par le périphérique et la rue de l’île Sainte-Hélène qui vient desservir chacune des différentes zones du port ;

> à l’Est, par la présence d’un réseau ferroviaire qui pourrait être réactivé comme le démontre le projet de Bruno Bermudez pour en faire un moyen de transport interne à l’île mais également un espace d’échange des savoirs ;

> par le détournement du parcours cycliste La Loire à Vélo, qui passe actuellement par le bourg de Bouguenais mais que Nantes Métropole cherche à rapprocher de la Loire afin de mieux profiter de ces nombreux paysages. Cette balade, de 800 kilomètres de long, relie Cuffy (à hauteur de Nevers) à Saint-Brévin-les-Pins (en face de Saint-Nazaire). Elle draine chaque année de plus en plus d’adeptes du vélo (plus de 800 000 cyclistes par an sont recensés dont 1/3 d’étrangers).

> par l’existence de nombreux sentiers pédestres traversant l’île Botty pour se rapprocher de cette fameuse Loire. On retrouve des sentiers « sauvages » nés du désir de promeneurs de s’approprier cette friche, mais également des parcours balisés à l’initiative du programme Estuaire, en 2007. Afin de conjuguer art, paysage et fleuve, et donc de faire découvrir la Loire estuairienne avec un autre regard, 29 oeuvres pérennes ont été installées entre les Anneaux de Burens sur le quai des Antilles à Nantes et la Suite de triangles de Varini sur les toits des hangars

de Saint-Nazaire, dont une, The Settlers de Sarah Sze, justement sur la point de l’île Botty.

> par la présence (pour un temps indéterminé) de l’aéroport de Nantes Atlantique à 6,5 km de ses quais, soit moins de 10 minutes en voiture, et 1 heure et 7 minutes à pied selon l’itinéraire géoportail, le temps d’une balade à travers le paysage hétéroclite bouguenaisien.

Face à la pratique peu connue de l’île Botty et Cheviré, il semble important que le projet viennent révéler la puissance du lieu en dévoilant ces accès.Cependant, le site n’a pas seulement pour vocation d’être traversé, mais aussi d’être vécu. Un programme adéquat doit donc être pensé afin de réactiver l’île par l’idée d’embarquement.

L’ère de rien.

Lors de notre découverte de Bouguenais, il nous a semblé important de venir réanimer des pratiques passées, mais également d’outils du territoire.

La réactivation des rails dans le projet de Bruno peut s’accompagner du réaménagement des embarcadères le long de la Loire. Leurs structures en béton encore apparentes laisse une trace de cette mémoire du lieu.

En parallèle, me positionnant dans une optique de consommation plus écolologique, il m’a semblé important d’intégrer la présence du bois et d’une entreprise de recyclage (de métaux ferreux). Travailler avec ces chutes, ces invendus, ces «restes», m’a orienté dans la programmation de ce projet.

0 500m 1km

f

t

Présence du bois

Reste de structure d’embarcadère

Chemin ferré à l’abandon

Réactiver le rapport à la Loire

Chutes de ferrailles

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Intentions programmatiques

Rester

Face à toutes ces données, on se rend compte que l’île Cheviré est un Hub, une gare multimodale qui ne le sait pas. Ce noeud de communication ne tend qu’à être révélé. Il est le point stratégique pour s’adapter à cette nouvelle façon de penser les transports.Entre le quai d’amarrage et les rails, l’idée est de venir créer un espace qui vient regrouper tous ces itinérants.

Ce serait un port pour les cargos transportant du bois et les navires de plaisance, offrant la vue sur le patrimoine industriel de l’Estuaire. Mais aussi une gare ferroviaire faisant office d’étape entre la ville attractive de Nantes et l’esprit balnéaire de Pornic, pour les visiteurs du Voyage à Nantes comme pour les affiliés de la Loire à Vélo, afin d’interrompre ou de rejoindre cette grande balade ligérienne avec son vélo dans le wagon (seulement une vingtaine de gares sont accessibles aux vélos sur les 800 km de parcours1). C’est à la fois une extension de l’aéroport pour les voyageurs en attente d’un train pour rejoindre la capitale comme un agrandissement de la gare de Nantes par la voie rapide Gare-Chevirée qui serait créée. C’est également une étape pour les promeneurs qui seraient descendus à Trentemoult par le biais du navibus mais qui décideraient de découvrir une partie des oeuvres de l’Estuaire à pied, ou pour les passagers de la croisière (qui attend la prochaine marée afin de regagner la mer) de profiter des pâtisseries toutes chaudes du bourg à 10 minutes. Ce serait le point d’acheminement du bois et des matériaux, mais surtout des hommes qui les transportent, ces autres voyageurs.

Gare ferroviaire, routière, maritime ou aérogare. C’est un tout à la fois. Bouguenais et l’île Cheviré deviennent une interconnexion entre la grande agglomération et les villes de province. Ce site devient un élément clé pour imaginer l’urbanisation de demain, comme le furent les gares, autrefois appelées « embarcadères », lors de la révolution industrielle et de l’organisation des villes du XIXème siècle.

Mais pourquoi intituler ce chapitre « rester » quand l’idée est d’en faire un lieu destiné à la montée et à la descente des voyageurs, un lieu d’éternel mouvement ?1 www.loireavelo.fr

Parce qu’historiquement, les gares avait un rôle monofonctionnel. «  Les opérateurs ferroviaires et aériens sont aujourd’hui confrontés à une nouvelle donne: le schéma traditionnel des gares et des aéroports devient peu à peu obsolète face à l’émergence de nouveaux comportements voyageurs. Les infrastructures actuelles ne sont en effet plus adaptées à la hausse prévisionnelle de la fréquentation attendue pour les lignes à grande vitesse (+40 % à 70 % de trafic supplémentaire d’ici 2025) et la multiplication des points de correspondance entre les différents modes de transport (tram, train, avion, métro, bus, …). »2

On ne voyage plus de la même façon.

Outre le fait d’être rationnel et pratique, les gares s’humanisent et se transforment en pôles d’échanges multimodaux qui s’adaptent à ces nouveaux usages : - faciliter la correspondance d’un moyen de transport à l’autre, - repenser les espaces de transit en proposant pourquoi pas des espaces dans lesquels on peut sommeiller entre deux voyages, - offrir une table de pique-nique à l’ombre d’un arbre avant de reprendre la navette pour Nantes, _ s’adapter à la présence croissante d’enfants dans ces espaces de transits, etc…

L’enjeu est énorme. Mais Cheviré a les prédispositions pour en être à la hauteur.2 http://www.solucominsight.fr/2013/11/gares-et-aeroports-vers-une-transformation-simultanee/

L’étude du site et les enjeux soulevés ont fait apparaitre plusieurs proposition de programme afin d’allier usages existant et possibilité du lieu.

Image suggestive du réaménagement des quais

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Se restaurer

Comme on vient de le citer, la création d’un noeud de communication à l’échelle métropolitaine s’appuie sur le grand nombre d’itinérants qui traversent les franges de cette île pourtant interdite au public. Mais en s’ouvrant à ce type de projet, le nombre de voyageurs potentiels deviendrait alors exponentiel.

La question d’un lieu de restauration, au sens strict, était alors déjà amorcée précédemment dans la programmation d’un nouvel espace de transit. L’idée est alors d’ouvrir ce dernier qui répond à un besoin des passagers de la gare comme au désir des nantais d’avoir une nouvelle destination de sortie atypique. Effectivement, pourquoi ne pas proposer un nouveau spot avec une vue imprenable sur la Loire et sa vallée, comme sur les activités industrielles, ancienne colonne vertébrale de l’économie nantaise ? Mais pas trop «chic» non plus, pour que les midis, en semaine, les ouvriers et travailleurs de la zone industrielle, qui se connaissent tous entre eux (sauf les dockers) mais qui n’ont aucun lieu pour venir échanger ni déjeuner, puissent venir utiliser les tickets resto qu’ils réclament depuis un moment. Plus besoin de prendre sa voiture entre midi et deux (encore une dépense en carburant) pour se rendre au MacDonald à l’entrée de l’île (au plus proche), ou bien dans le restaurant ouvrier des Couêts (au plus loin). La réactivation de la ligne de tram permettrait de les emmener directement dans ce lieu où se mêlent diverses populations, et renouer avec l’autre. Ainsi, le restaurant vivrait au rythme des temporalités qui animent la zone industrialo-portuaire.

J’entends également l’expression «  se restaurer  » comme étant le synonyme de «se nourrir, se

sustenter, se maintenir en équilibre». J’intègre alors à cette notion un programme d’habitation aux typologies diverses. L’idée est de répondre autant à la demande des ouvriers qui viennent effectuer une mission d’un an ou deux, dans les différentes zones industrielles de Bouguenais (et que la fermeture du camping de Bouguenais met à la rue), qu’au besoin d’habitations beaucoup plus temporaires. Je sous-entends ainsi le passage, pour une nuit ou deux, des routiers qui viennent décharger leur cargaison, des cyclistes parcourant la Loire, des hommes d’affaires venus le temps d’un rendez-vous, des vacanciers venus découvrir les machines de l’île, des festivaliers du Hall de la Trocardière (à Rezé) qui est actuellement en partenariat avec le campus de Nantes, soit à plus de 10 km, à la personne qui attend son train et cherche un endroit où se reposer 2 heures,etc. Les scénarios peuvent être multiples et variés.

Une fois encore, les temporalités sont mêlées, entre demandes ponctuelles et habitations plus permanentes. Mais la complémentarité ente les programmes est ce qui appuie ces synopsis.

Image suggestive du restaurant

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Restaurer

En parallèle de ces activités, se greffe un projet qui s’appuierait sur la projection vers une économie du sens, comme on l’a évoqué précédemment. En effet, le site est le premier importateur de bois en France. Il comporte de nombreuses usines qui traitent, découpent, scient ces troncs venus d’ailleurs. Ces entreprises créent alors des invendus, des restes, des découpes non vendables, et se débarrassent aussi de machines trop obsolètes pour être revendues ou utilisées. Parallèlement, une entreprise de collecte et recyclage de matériaux en ferrailles est également implantée sur place. Pourquoi ne pas utiliser ces «  restes  », ces «  pertes  » pour en faire don aux nécessiteux.

Qui n’a jamais pensé faire soi-même son propre bureau en bois, sa charmante petite table basse, ou son lit en palette si design en ce moment, mais n’a jamais pu aller au bout de son projet parce qu’il faut d’abord trouver la planche de bois assez large pour un tel projet, la transporter dans un local assez grand pour commencer le projet, rassembler tous les outils nécessaires à sa réalisation, et, dans le cas où vous n’êtes pas trop débrouillard, mais quand même ambitieux, trouver quelqu’un pour vous conseiller sur le type de cheville à mettre pour que le projet soit viable. On se dit très rapidement que c’est très compliqué de réunir toutes ces conditions, et comme à chaque fois, on file chez ikea acheter une bibliothèque en bois aggloméré blanche à 100 euros. Alors que tous les éléments étaient réunis à 800 mètres de chez soi

(sauf le temps, bien évidemment, que chacun doit apprendre à prendre.)

Le plan, c’est de mettre en place un espèce de marché clandestin, un atelier géant, basé sur une économie du partage. Il s’agit en fait d’intensifier une pratique apparemment déjà présente sur place, en la légalisant et en lui donnant un cadre, une forme et un lieu. Il serait ouvert à tout le monde en général, et aux Bouguenaisiens locaux en particulier, mais aussi aux usagers de la zone, qui savent travailler cette matière et la transformer. La transmission du savoir et l’entraide serait la clé de la réussite de ce projet.

La question des restes, de ce qui n’est pas important, pas reconnu, n’est pas anodine dans un espace qui est complètement délaissé par ses voisins les plus proches. Travailler avec ces «  restes  » de matériau invendu, c’est en fait réapprendre à oeuvrer avec cette île marginalisée, abandonnée. Les restes portent la réinvention du lieu.

Image suggestive de l’atelier.

E c o l e N o t r e - D a me Mais comment les Bouguenaisiens pourraient deviner ce qui se trame derrière chez eux, quand ils ont déjà perdu l’habitude de voir toute la verdure qui s’ouvre à eux ?C’est la question que je me posais, alors que j’achevais de mettre sur pied tout ce programme patiemment élaboré, en me faisant la réflexion que j’avais oubliée tous ces désirs de renouer avec le passé et les gens, émis durant l’atelier public. Je me suis alors rappelée de notre intervention auprès d’élèves de CE2 dans l’école primaire Notre-Dame, située juste sur le flanc du coteau, entre la vallée et le début de l’étalement pavillonnaire. Cette école va bientôt être vendue à un promoteur immobilier parce que l’école élémentaire va intégrer les locaux où sont déjà installées les maternelles, un peu plus au sud du bourg, près du cimetière. Or, cette école se trouve également à un point stratégique de la ville de Bouguenais, puisqu’il s’agit d’une parcelle qui traverse tout le coteau, allant donc de la place de l’église à l’étier de Bouguenais, qui donne directement sur le chemin des Canotiers menant à l’île Botty.

C’est donc un lieu symbolique dans la perception des habitants, puisqu’un certain nombre d’entre-eux sont passés sur ces bancs. Il s’agit d’une structure qui animait le bourg et lui donnait un rythme : le son des cloches annonçant le début et la fin de la classe, les récréations), en comparaison avec le calme des mercredis et week-ends, l’attroupement des parents devant les grilles de l’école le soir à 16h15 pour venir chercher leurs enfants en même temps que le pain du soir, … Face à la perte de la vie du Bourg et de la notion de village, il y a besoin de garder le peu d’éléments qui fait encore repère pour les habitants.Le projet, c’est alors d’utiliser cette école, qui est en fait une fenêtre urbaine sur l’arrière-pays, en la transformant en café belvédère. On y associe des

ateliers-bricolages pour les plus petits (afin de garder le caractère public et traversant du lieu), ainsi une transmission des savoirs s’y perpétue.

En fait, ce programme a un double rôle :il s’agit d’une mise en écho avec ce qui se passe derrière, sur cette île Cheviré. Comme un miroir, les petits ateliers viendraient refléter ce qui se passe à une autre échelle dans les ateliers du reste, pour éveiller la curiosité des habitants. Les ateliers, ouverts aux enfants et/ou adultes, seraient également basés sur le recyclage des restes des usines. Pour faire passer le message. Tel un miroir.Mais avec l’implantation d’un café belvédère dans le deuxième niveau de cette école, qui offre une vue imprenable sur le pont de Cheviré et ses industries, l’idée du miroir va bien plus loin que ça. Le but, c’est de venir briser la distance symbolique qui s’est ancrée dans l’imaginaire des gens en donnant à voir ce qu’il est réellement : l’île perdue n’est qu’à 800 mètres de chez eux, 8 minutes à pied, 3 en vélo. Ce bistrot-belvédère où les gens pourraient enfin prendre un café au soleil, c’est pour mieux initier une mutation du regard. C’est donner à voir pour anticiper le passage de l’échelle violente de la traversée par celle plus douce de la perception.

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Evolution

Progression spatiale

«  Nous sommes à l’époque du simultané, nous sommes à l’époque de la juxtaposition, à l’époque du proche et du lointain, du côte à côte, du dispersé. Nous sommes à un moment où le monde s’éprouve, je crois, moins comme une grande vie qui se développerait à travers le temps que comme un réseau qui relie des points et qui entrecroise son écheveau. »1

C’est dans leur articulation que les projets deviennent cohérents et viables face aux problématiques énoncées par les habitants. Le programme est basé sur une idée de progression, qui va du loisir au travail, du travail au loisir, de l’homme à la Loire, du bourg immuable aux quais en constant changement.

En créant une porosité, en venant créer des petites interstices dans ces insularités territoriales, le territoire est devenu perméable. Son aptitude à se laisser traverser par de nouveaux usages et pratiques s’est amplifiée. Et les îles intérieures à chacun redeviennent accessibles.

Finalement, l’île Botty n’est qu’un prétexte pour mieux appréhender l’ensemble de ce transect.

Hétérotopie

Cela m’amène alors au concept d’Hétérotopie développé par Michel Foucault en 1967, qui semble entrer en résonance avec ce projet. Ce dernier explique que jusqu’au 17ème siècle, les lieux étaient liés par 1 FOUCAULT Michel, «  Des espaces autres(1967), Hétérotopies  », in Architecture, Mouvement, Continuité, n°5, octobre 1984, pp. 46-49.

un ensemble de relations qui les faisaient apparaitre comme juxtaposés. Il cite alors les lieux sacrés et profanes, les lieux urbains face aux lieux campagnards, etc. Mais Galilée, en redécouvrant que c’est la Terre qui tourne autour du soleil, vient dissoudre cette hiérarchie en révélant qu’un espace peut être infini. Une certaine désacralisation théorique de l’espace est opérée. «  Autrement dit, l’étendue se substitue à la localisation. », et de nos jours, l’emplacement (défini par des relations de voisinage) se substitue à son tour à l’étendue. Foucault explique alors que l’inquiétude de l’homme aujourd’hui concerne plus l’espace que le temps, parce qu’il a perdu ses repères et la pratique de l’espace. L’auteur se penche alors sur l’espace du dehors (en complémentarité de l’espace du dedans, celui de nos perceptions et nos rêves), pour expliquer que certains lieux sont encore liés à tous les autres, ils sont paradoxalement en rapport avec l’ensemble des différents emplacements, tout en les contredisant. Ils sont de deux types : Les utopies (coïncidence avec l’île qui est l’endroit idéal des utopies), des emplacements sans lieu réel ; et les hétérotopies, des lieux réels et pourtant hors de tous les lieux, des sortes d’utopies réalisées.Ils en sort alors six principes :1.Les hétérotopies sont universelles : elles existent dans toutes les sociétés mais peuvent prendre différentes formes : les lieux sacrés des sociétés primitives, les cliniques et les maisons psychiatriques d’aujourd’hui...2. Chaque hétérotopie a un fonctionnement précis et déterminé à l’intérieur de la société. Foucault prend pour exemple le cimetière. Sa façon d’être ancré dans la ville ou rejeté à l’exterieur varie d’une communauté

à l’autre ainsi que les sépultures qui accompagnent ce rite, etc.3. L’hétérotopie juxtapose en un seul lieu réel plusieurs espaces. C’est le cas du théâtre, du cinéma, mais aussi des jardins traditionnels.4. Les hétérotopies sont liées à des découpages du temps. Le cimetière l’illustre parfaitement (passage de la perte de la vie mais accès au repos éternel), mais les musées et les bibliothèques aussi, en venant renfermer dans un seul espace tous les savoirs des époques traversées. A l’inverse, les foires et les villages vacances sont aussi des lieux parallèles dans le rapport futile et chronique qu’ils entretiennent avec le temps. 5. Les hétérotpies sont des espaces isolés avec un système d’entrée particulier (Cf. les prisons et les casernes militaires)6. Les hétéropies ont une fonction révélatrice d’une caractéristique du monde réel qu’elles côtoient. (Les maisons closes sont des hétérotopies de compensation du monde).

Finalement, ce chevirement de situation ne touche-t-il pas du doigt ces contre-emplacements ? En proposant un lieu dans lequel on arrive par différents moyens, mais toujours «  guidé  » par un autre, et qui s’ouvre sur l’hétérotopie par excellence, soit le

navire «ce morceau flottant d’espace, un lieu sans lieu, qui vit par lui-même, fermé sur soi et livré en même temps à l’infini de la mer  » ? En venant se confronter à ce paysage mouvant et infini, dans une île aux contours justement finis mais flous, ne vient-on pas à la limite, entre espace réel et hétérotopie ?

Chemin des canotiers, allant du bourg à l’île Botty

Coupe territoriale, du bourg au quai

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L’escale Botty

La mise en place de ces différents programme m’ont amener à repenser l’ensemble de l’île. D’une part parce que l’ouverture de Cheviré au public, et donc la transformation d’un espace de travail en un lieu de loisir, nécessite de repenser les accès. Et d’autre part, parce que le négoce du bois est toujours présent sur la zone industrielle, mais qu’il a perdu de sa grandeur. Ce territoire devient alors un espace qui se libère pour penser un autre projet, qui viendrait articuler les mêmes échelles que celles qui dialoguent actuellement avec le port.

En gardant toujours l’idée de recyclage des matériaux présents sur la zone, et en cherchant à répondre aux enjeux des différents usagers du territoire, plusieurs temporalités ont été dessinés pour reconvertir l’île Botty et Cheviré.Temps 1. Ouverture d’un atelier « aux restes » dans la zone industrielle. Équipé de machines et des invendus

de l’île, il serait ouvert au public. Implanté à l’Ouest de la zone Cheviré pour dialoguer avec l’île Botty et le bourg, il viendrait s’installer dans un des grands hangars déjà existant. Afin de pouvoir s’y rendre en voiture, une partie de l’île deviendrait accessible accessible pour les piétons comme pour les voitures. Un parking devrait être aménagé dans les mêmes temps, comme me l’ont précisé les usagers, afin de pouvoir s’y rendre avec du matériel et de l’outillage.

Temps 2. Réactivation du tram-train et création du marché des savoirs. Son parcours irait de la gare de Nantes à l’île Cheviré, en faisant une halte devant l’atelier. L’île pourrait alors être traversée et dévoilée au public, tout en lui permettant de préserver son activité professionnelle. On imagine dans ce même temps l’ouverture de la nouvelle voie du parcours de la Loire à vélo, déjà en construction sur l’île Botty.

Temps 1 : Atelier

Temps 3. Concentration de la zone portuaire. Le port à bois serait centralisé sur la pointe Est de l’île Cheviré afin d’avoir un accès direct à l’axe routier longeant la zone, mais aussi pour ouvrir le reste du territoire à d’autres activités.

Temps 4. Ouvrir Cheviré à d’autres perspectives. L’idée serait d’en faire un lieu attractif à l’échelle de la métropole. Ce site pourrait alors accueillir quelques bureaux et logements, mais aussi des équipements plus atypique comme la transformation de la sablière en un « Nantes plage ».En se basant sur le concept de «  recyclage  » des infrastructures et pratiques présentes, il pourrait être intéressant de créer des échanges avec les provenances des bateaux accostant sur le quai. De même, le dialogue très fort entre l’horizontalité du paysage et la verticalité des structures qui le composent, mais aussi l’alternance de plein et de

vide sont des caractéristique du site à préserver. En s’appuyant sur la thématique du bois et des bois, un espace très végétale pourrait venir coloniser l’espace vacant depuis le départ de la centrale, et se proliférer dans toute l’île. Cela permettrait de garder un espace de respiration sur l’île, mais aussi de renforcer la figure qu’elle porte déja.

Temps 4 : Concentration

du port à bois

Tracé de la Loire à Vélo

Tracé du train

Arrêt du train

Percée visuelle ou physique

Temps 3 : Gare et logements

Temps 4 : Reconquête

des marais

Temps 4 : Extension des ateliers

Temps 2 : Train et vélo

Temps 4 : Respiration verte

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Penser la halte

S’implanter

Les différents sites - île Cheviré, île Botty et le bourg - ont principalement la caractéristique d’être des espaces délaissés ou préservés, et donc de disposer d’un réservoir foncier assez important. L’espace ne coûte rien donc on en use sans limite. Cependant, en prenant pour postulat le fait que la croissance démographique actuelle ne va pas stagner tout de suite, et face à la pression foncière importante que connaissent les espaces péri-urbains, j’ai fait le choix de venir étaler mon programme depuis les quais jusqu’au bourg, mais en densifiant chaque pôle.

Afin que le projet fonctionne et que le lien puisse être créé entre l’île Cheviré et le bourg de Bouguenais, l’idée serait

1. Placer la gare multimodale et les ateliers près de la Loire et donc sur l’île Cheviré, afin de profiter directement des équipements à proximité.2. Disséminer les habitations sur l’île Botty, pour faire office d’intermédiaire mais aussi pour profiter à la fois de l’eau, tout en étant relativement proche de tous les biens de nécessité que proposent les commerces du centre.3. S’ouvrir sur le chemin des canotiers qui mène à l’école. Le plan masse viendrait donc marquer cette gradation de l’échelle urbaine à l’échelle métropolitaine. évoquée un peu plus haut.

Plan masse schématique de la zone Ouest de l’île. 1:2500

Escale

Atelier

Chemin qui mène à l’école

Logements

Repères et repaires

Ce plan masse aborde alors différentes typologies, bien qu’il se calque sur les éléments structurant du paysage. Effectivement,depuis l’île Botty, on s’aperçoit que ce qui fait repères, ce sont les énormes grues industrielles qui viennent perforer le ciel au nord. Quant au sud, le clocher de l’église vient faire rappel et révèle la présence de ce hameau derrière l’épaisse ripisylve. Ainsi, un des points important de ce projet serait de venir en écho à ces deux symboles et créer une transition.

La tour viendrait alors se placer non pas sur la même ligne que les autres points hauts du site, mais un peu en décaler. A la croisée des lignes dessinées par les rails et des chemins des promeneurs, ce symbole viendrait marquer la fin de l’île.

Points hauts visibles depuis le site.

Eglise de Bouguenais Pont de Cheviré

Pylône

Grues

Silos à grains

Grue TitanTour Bretagne

Points hauts Implantation de la tourAxes structurants

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Haut et eau

Ce plan masse aborde alors différentes typologies, bien qu’il se calque sur les éléments structurant du paysage.

La gare se materialiserait alors par un point haut et créerait ce lien.Elle aurait pour but d’être vue, et sa présence deviendrait rassurante. Parfois, le simple fait de savoir qu’un élément est là, et qu’on peut y aller si le besoin s’en fait ressentir, suffit à créer des repères.Mais la fonction d’un point haut, c’est aussi de donner la vue. Justement pour découvrir un autre point de vue. Et s’ouvrir sur l’Estuaire. Et parce qu’il est important de ne pas dissocier l’ouverture sur le paysage de l’ouverture sur les autres.

A l’inverse, la zone qui se rattache à l’embarcadère déja existant viendrait se prolonger au-delà. C’est une projection vers la Loire qui marque cette volonté de renouer avec le fleuve.

Accueil

Sanitaire

Locaux techniques

Tramway

Sablière

Espace de transitSalonBanc

Gare

Parking voiture

Vélo

Accès tour

Atelier

Café

Capitainerie

LOIRE

POINTE DE L’ILE

LOGEMENT

NANTES

Bureau

Quai

CommercesPressePatisserie

Escale, cale et caillebottis.

Ce bâtiment s’articule autour de trois pôles : le train -le quai des bateaux- la tour. Chacune de ces identités est reliés aux autres par des programmes intermédiaires (espaces de transit, Restaurant, serres, ...). Les cheminements et flux sont donc important à traiter, entre le privé, semi-privé, semi-public et public. D’où l’image avec le caillebottis, cette structure posé sur les sols boueux pour faciliter le passage.

Quai

Gare

Transit

Bureaux

Logements

Logements

Resto

Matériaux

Irrémédiablement, le projet va donc s’articuler autour du bois et de la ferraille. Donc il s’agirait de concevoir le projet sur une structure en bois lorsque c’est possible, avec des remplissages en tôle et en matière plus translucide comme le polycarbonate (rappel des hangars existants), en bois, mais aussi en matériaux bruts tels que le béton (pour créer un aspect rudimentaire mais naturel).

L’idée serait de venir alterner l’effet «  ancrage au sol », avec quelque chose de plus léger.

Typologie

Quant aux habitations et à ce qui se passera sur l’île Botty, j’imaginais reprendre la typologie du hangar, en créant des espaces ouverts et larges, mais en m’inspirant également de la cabane du pêcheur, petite boite en bois sur pilotis.

Pour l’école, qui accueillerait le bistrot-belvédère et les ateliers, l’idée serait de partir sur une réhabilitation. Garder la façade d’origine me semble important pour que le lieu conserve son aspect d’école, mais également pour venir faire contraste avec la façade arrière, qui deviendrait alors complètement ouverte pour créer cette fenêtre urbaine. Découvrir ce nouvel endroit dans la ville, c’est comme passer dans un autre monde, et en gardant son aspect initial, cela donne l’impression (que l’on a déjà tous vécue) de dénicher la perle rare d’une ville. Le lieu serait accessible mais discret. Parce que les lieux secrets donnent du désir, du fait qu’on soit un initié. C’est le plaisir de découvrir l’endroit par soi-même. Ils donnent de l’importance à ceux qui le connaissent, mais aussi aux lieux. Les différentes cours de récréations pré-existentes viendraient amorcer cette descente vers le végétal en créant des espaces de plus en plus verts.

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Ce projet est finalement un jeu d’échelle. La valeur première et réelle du projet, c’est ce lien qui unit l’école au port. Et ce qu’il s’y passe entre les deux. Des échanges de savoirs, de connaissances, des personnes, de matériaux. Ne rien perdre, ne rien créer de nouveau, mais tout transformer, selon la formule physique. Ce chavirement de situation illustre la capacité de réactiver le passé dans un contexte futur.

En cherchant à comprendre les mécanismes présents sur le territoire de Bouguenais, c’est aussi la Métropole qui s’est vue revisitée.

En saisissant la vocation d’un tel site, et en s’attachant à ses « vides », ses frontières que l’on pense inhabitées mais qui recèlent de pratiques et d’usages qui ne cherchent qu’à être approfondis, l’esprit d’un lieu des possibles est conservé et amplifié.

C’est donner une autre fonction à la ville de Bouguenais qui est en attente du départ ou non de l’aéroport. Lui faire révéler son potentiel, pour mieux se tourner vers autre chose.

A travers différentes temporalités, le but est de développer et proposer une capabilité.

Car Bouguenais et l’île Cheviré ne tendent pas à être la nouvelle «île de Nantes» ou bien à se calquer sur le masterplan de Zaha Hadid pour l’île de Zorrozaure que nous avons découvert lors de notre voyage à Bilbao, deux projets finalement très résidentiels. Même si le statut du Port Autonome change en devenant quasiment un gestionnaire de ce territoire, le caractère de cette île doit rester industriel et fabriquer

encore le rapport à la Loire. Car ça ne peut plus être un endroit où les gens se terrent, et ça ne peut pas devenir un lieu où les nouveaux arrivants s’enterrent. Parce qu’il y a toujours cette dynamique et mouvance qui l’ont animé par la présence de la Loire.

Alors évidemment, il ne faut pas que l’aménagement soit purement touristique, afin qu’il puisse garder son esprit originel, mais on ne peut le priver non plus de son côté envoûtant, surprenant, presque chimérique avec ces énormes grues et ces poteaux électriques. De plus, cela amène une nouvelle manne économique et vient fortifier le projet. Car en créant une nouvelle polarité à ce territoire qui n’existait auparavant qu’à travers les coups de théâtre de son aéroport, cela viendrait réactiver à la fois la ville de Bouguenais mais aussi la métropole.

Ce projet démontre la capacité à innover de l’île Cheviré en particulier, et son impact sur le potentiel de la métropole Nantes Saint-Nazaire en général, le tout dans une perspective de développement durable.

Mouvance

Analyse de

Enjeux

De bord en port //Chevirement de situation.

Comment développer une possibilité de reconversion sur un site dénigré et pour-tant porteur enjeux futurs ?

.Le problème de logement du au grand nombre d’itinérants traversant le paysage..La perte de repères spatiaux et sociaux à Bouguenais..Le rejet de l’île cheviré et de la Loire.

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Hypothèses

Facteur économique : nous allonsvers une économie du sens.Facteur environnemental : nous tendons à recycler nos ressources fossiles et allons vers des transports plus collectifs.Aéroport de Nantes : départ ou non, il sera toujours en fonctionnement.

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ECOLE ND

café- belvédèreAteliers de bricolage

Les locauxLes initiés

ILE BOTTY

Lits + LogementsCamping

Les itinérantspermanents (ouvriers,...)ponctuels (voyageurs, routiers, vacanciers,...)

ILE CHEVIRE

Gare multi-modaleRestaurant Logements

Les itinérantspermanents (ouvriers,...)ponctuels (voyageurs, routiers, vacanciers,...)

+

Ateliers

Les LocauxLes itinérants permanentsLes travailleurs à Cheviré

++ +

Salle de Congrès/ExpoForêt urbainePlage

Les LocauxLes itinérants permanentsLes travailleurs à Cheviréparticipants aux workshopBusinessman

Quoi ?

Qui ?

Programmes et sites

Fiche récapitulative de la démarche

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BibliographieOuvrageColloque organisé par l’Agence d’urbanisme de l’agglomération orléanaise, Le fleuve et ses territoires : des enjeux patrimoniaux aux grands projets urbains, 2003, 132p.CORBIN Alain, Le territoire du vide, l’Occident et le désir du rivage, 2010, Ed. Flammarion, 407p.Communauté urbaine de Nantes, Agence d’études urbaines de l’agglomération nantaise (AURAN), Rives de Loire : enjeux urbain pour la métropole, 1999FOUCAULT Michel, « Des espaces autres(1967), Hétérotopies », in Architecture, Mouvement, Continuité, n°5, octobre 1984, pp. 46-49.GUATTARI Félix, Les Trois Écologies, 1989, Ed. Galilée, 78p.

TPFEARNOUX Jacques, PUAUD Claude, Cheviré: usine à re-créer, 1987, 98p.LE BECHENNEC, Mouvance des îles de la Loire, 2002, 88 p.PILLU Anaïs, De fil en île... : l’industrie culturelle et l’espace public générateurs d’urbanité, 2013, 43p.

Médiagraphie

www.nantes.port.frwww.ville-bouguenais.frwww.loire-estuaire.org/documents/svg/carte_ouvrages.htmsoa-architectes.fr

EntretiensJulien Bregeat et Thomas Gaborit, Service Aménagement de la cité, mairie de Bouguenais.Jéremy, Docker sur l’île Cheviré et le gestionnaire de la capitainerie de CheviréKristell Le Bot, du GIP Loire Estuaire

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Ré-animer le Port à secDelphine COURROYE

Avant Propos

La mémoire des rives

«Si proche mais si loin»

Une nouvelle figure des bords de Loire

Critique des ports d’hivernage

Les singularités du Port d’Hivernage de Bouguenais

> Au coeur d’un site naturel et sauvage> Un paysage traversé> Un carrefour d’usages

Vers le projet

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Avant propos

Dès nos premiers parcous sur le territoire de Bouguenais, le port d’Hivernage de la commune m’a beaucoup interpellé. Notamment lors de la traversée organisée par Xavier DOUSSON, architecte et historien, membre du collectif «Bazar Urbain». Ce collectif expérimente différentes méthodologies pour découvrir un lieu à travers la vision habitante. D’après leur démarche, nous avons effectué une première marche longeant les bords de Loire, ponctuée de multiples arrêts pour rencontrer et échanger avec les diverses personnes croisées. Le port d’hivernage s’est avéré être pour moi un élément marquant dans la promenade, insolite et inattendue dans ce parcours végétal.

Au fil des rencontres avec les habitants et des ateliers publics, ce port à sec s’est révélé comme un lieu porteur de paradoxes. A la fois connu et oublié, habité et traversé, utile et controversé, ce petit port à priori négligé est pour moi devenu lieu de potentialités.

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La mémoire des rives

Autrefois, la commune de Bouguenais en-tretenait un lien fort entre sa rive et son arrière pays. Elle était composée d’un chapelet de petits ports comme Port Lavigne, la Roche Ballue, Bouguenais, la Bouvière et les Couets. Ces villages portuaires, spécia-lisés dans l’activité de pêche, étaient précieux pour la commune, comme lieu d’import et d’export des den-rées, mais aussi comme point d’échange et de mise en relation permanente avec l’ensemble des communes estuariennes.

L’évolution de la figure de la Loire a pro-gressivement atténuée et parfois même effacée ces activités portuaires. En effet, la Loire présente aujourd’hui un tracé lisse et régulier. Cependant, il y a plus de 2000 ans, le fleuve avait une configuration bien différente. Son lit, beaucoup plus étendu, était parsemé d’îles et de petits ports. Les rives ligériennes se découpaient en une succession de criques naturelles qui permettaient aux navires de pénétrer facilement dans les terres. Ainsi les activités portuaires avaient un lien plus di-rect avec le reste de la commune. Aujourd’hui, la Loire est mise à distance des zones urbanisées de Bouguenais. Tout d’abord, en raison de l’accumulation de dépôts sédimentaires amenés par le fleuve, qui ont naturellement comblé ces criques portuaires. Cependant, ce sont principa-lement les grands travaux d’endiguement de la Loire, établis au XIXème siècle, qui ont participé au déclin des petits ports estuariens, au profit de l’industrie portuaire et de la navigation fluviale.

Les ports de Bouguenais ont subi ces modi-fications du cours de la Loire. Seules deux anciennes figures portuaires subsistent encore dans le paysage : le Village de la Roche Ballue et Port Lavigne.

Le hameau de la Roche Ballue était à l’ori-gine un village de pêcheurs dont l’activité s’est es-tompée suite au remblaiement qui l’ont distancé du fleuve. Il s’est converti à des occupations ouvrières et industrielles influencé par la création d’une fonderie à canon sur l’Ile d’Inderet. Port Lavigne était également un village por-tuaire animé par d’importantes activités fluviales et commerciales. Rythmée par les marées et les saisons, la pêche à la senne constituait l’activité principale du ha-meau. il s’agissait d’une activité familiale, collective et festive. Cependant, l’approfondissement du chenal de la Loire a défavorisé la remontée des poissons jusque dans l’estuaire, ce qui a fortement atténué l’activité de pêche, autrefois fructueuse à Port Lavigne. Ce hameau est aujourd’hui essentiellement résidentiel et attire les habitants pour son cadre pai-sible et naturel. Huit carrelets longent la rue des pê-cheurs de Port Lavigne. Ils accueillent des habitants temporaires, souvent extérieurs à la commune de Bouguenais, qui louent les pêcheries aux Port auto-nome. Bien que rarement utilisées, elles rappellent ce passé tourné autour de la pêche. Les quelques bateaux amarrés le long de l’étier de Bouguenais commémo-rent une ancienne vie portuaire qui s’est doucement essoufflée.

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Ancienne Carte Postale de Port Lavigne

La cale de Port Lavigne aujourd’hui Les pêcheries de Port Lavigne

Peinture d’une scène de pêche à la senne à Port Lavigne

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Légende

Ancienne situation portuaire de Bouguenais

Les petits ports de l’estuaire Port de la Roche Ballue

Port LavignePort de BouguenaisPort des CouëtsPort de La Bouvrière

Limite communale de Bouguenais

Les îles de l’estuaire

Ancien Lit de la Loire

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«Si proche mais si loin»

Pendant les ateliers publics organisés dans le Bourg et aux Couëts, j’ai été surprise de constater que les Bords de Loire n’aient pas été évoqués en priorité par les Bouguenaisiens. Pour certains, le rivage semble trop à l’écart :«C’est le parcours du Combattant pour aller à la Loire»

Pour d’autres, il ne présente aucune attractivité :«Port Lavigne, ça attire les gens à l’extérieur, mais pour les Bouguenaisiens, il n’y a rien»

« Je préfère me balader à Trentemoult pour voir les maisons, la Loire»

«Port Lavigne, c’est trop calme»

Cependant, plusieurs Bouguenaisiens ont réagi sur des photos représentant les Bords de Loire en suscitant une certaine nostalgie de l’usage des rives, autrefois plus animées.

«C’était l’art de vivre simplement, les loisirs d’AVANT, dans la proximité et sans frais»

«Cela me rappelle le temps où j’allais à la pêcherie»

«C’est en voie de disparition, peut-être ça va continuer, c’est local, ça rappelle l’histoire folklorique de Bouguenais que l’on ne voit pas dans beaucoup d’endroits»

«Le bateau à voile c’est ancien, c’est beau. On n’en voit plus...ça va trop vite»

Au regard de l’Histoire, le dynamisme des rives Bouguenaisiennes semble s’être progressivement endormi. De plus, les Habitants de Bouguenais évoquent un désintérêt pour leur rivage. Le projet de réanimation du Port d’Hivernage s’inscrit donc dans un objectif de réappropriation des Bords de Loire de Bouguenais.

Ateliers Publiques

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Une nouvelle figure des bords de Loire

Depuis une vingtaine d’années, une nouvelle figure portuaire s’est inscrite sur les rives de Bouguenais : Le Port d’Hivernage de Port Lavigne.

Isolé de la ville urbanisée par les vastes étendues de prairies humides de la Vallée, il se situe en lisière de la commune, et borde les rivages de la Loire. Il a donc une position d’interface entre le fleuve et l’arrière pays qu’il est important d’entretenir pour ré-inventer les liens oubliés entre ces deux entités. Bien qu’il soit établi dans une zone peu urbanisée, il est installé à proximité de l’ancien village de pêcheurs Port Lavigne et se situe en vis à vis du petit port de Haute Indre. En voiture, il est accessible par une voie unique : la rue de Port Lavigne qui se prolonge par la rue des Pêcheurs. Il a la particularité de faire office d’impasse pour les véhicules à quatre roues. En effet, La route s’arrête au port d’Hivernage pour se prolonger en un chemin de randonnée praticable uniquement des piétons et des cyclistes. Malgré une distance physique existante entre le coteau urbanisé et la rive, le port d’hivernage est accessible en 5 minutes en utilisant la voiture, 8 minutes en vélo et 25 minutes à pied si l’on considère que l’on part de la place du bourg de Bouguenais.

A l’origine, il s’agissait d’un chantier de construction navale nommé «Alu Marine». Par soucis d’extension, ce chantier a déménagé à Couëron. Cependant, les activités d’Hivernage et de réparation ont été préservées à travers la société «Port Lavigne Hivernage» dirigée par Mr Hérissé.

Le port d’hivernage de Port Lavigne accueille aujourd’hui environ 200 bateaux principalement utilisés pour la plaisance. Il est équipé d’une cale et d’une darse pour permettre avant tout les départs et les arrivées des plaisanciers. Un élévateur pour déplacer les bateaux et un travel-lift pour assurer leur manutention sont mis à disposition de la clientèle. Le Hangar d’une surface de 3000m² a été édifié par Mr Hérissé, gérant actuel du port. La surface foncière sur laquelle il est implanté appartient au Port Autonome. Il est donc locataire du terrain, mais le bâtiment lui appartient. Le parc extérieur est réservé au stationnement des bateaux.

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Légende

La Vallée

Haute IndreLe Port d’HivernagePort LavigneBouguenais BourgAccès au Port d’hivernage

Localisation du Port d’Hivernage

La Darse La Cale L’élévateur Le Travel Lift

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Critique des Ports d’hivernage

Un port d’Hivernage se définit comme un parc à bateaux qui offre la possibilité à des plaisanciers de stationner leur bateau sur un terre-plein à des fins d’hivernage. Il peut être également qualifié de «Port à sec». Ce type de port propose des services de mise à l’eau des bateaux pour des sorties de longue et de courte durée. Outre leur vocation première de stationnement, ils sont également des lieux de chantier où les usagers sont autorisés à entretenir leur bateau. Carénage, peinture et autres réparations sont des activités couramment pratiquées dans ces ports.

Cependant, ces ports hors de l’eau sont souvent considérés comme de simples «parkings à bateaux». De façon plus péjorative, il arrive même qu’on les qualifie de «cimetières à bateaux». «La plupart des ports à sec sont de véritables décharges publiques» m’explique Jean-François.D, usager des ports à sec, «Quand on y est, on a l’impression de vivre dans un chantier permanent!»

Peu accueillants, très fonctionnels, et parfois négligés, les ports d’hivernages sont souvent dénigrés des plaisanciers et ne présentent aucune attractivité pour un public extérieur.

Jean-François.D, propriétaire d’un voilier, a longtemps loué une place dans un port à sec. Cependant, cette option était pour lui provisoire. Il a toujours cherché à mettre son voilier dans un port à flot, car pour lui, le port à flot est plus confortable, plus rentable et présente beaucoup plus de charme.

« Il faudrait faciliter la vie des gens dans les ports à sec!... Ce n’est pas l’endroit le plus agréable quand tu vis sur ton bateau»

Inventaire de l’insalubrité du port à sec

L’organisation informelle du parc à bateau de Bouguenais

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Les singularités du Port d’Hivernage de Bouguenais

Le Port d’Hivernage de Bouguenais est installé sur l’île de la Fourche. Essentiellement composée de sable, cette île artificielle issue du dragage de la Loire offre un contraste très intéressant entre le fleuve et les marais humides qui la bordent.

Cette île vallonnée est principalement recouverte de pelouses sèches. Peupliers et Saules se sont implantés en lisière humide de l’île dessinant deux écrins boisés qui filtrent les vues de part et d’autre de l’insularité. Le bas des pentes de l’île de la Fourche est propice à l’émancipation de quelques arbustes, églantiers et roselières.

> Au coeur d’un site naturel et sauvage

Cheminement Boisé La Forêt de Roselière Les écrins de pelouses sèches Le Port d’Hivernage

Vers Port Lavigne

La Roche Ballue

Cette île à la particularité d’être en perpétuel mouvement. Au fil des saisons, sa végétation se modifie. Elle est également soumise aux mouvements de la Loire qui, selon les crues et les marées, se dilate et se contracte pour venir modifier ses contours.

Étonnamment, le Port à sec est au contact de ce site naturel. Cependant, son caractère industriel et son échelle monumentale le place en position de rupture avec cette continuité paysagère et son inscription dans le territoire n’établit aucun lien avec le paysage.

Une île en mouvement, soumise au rythme des marées

Une promenade séquencée

Coefficient exceptionnelCoefficient moyen Coefficient fort

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Les singularités du Port à sec de Bouguenais

La Vallée de Bouguenais propose un réseau de promenades très fréquentées qui sillonnent l’île de la Fourche et le Port à sec de Bouguenais. Les Bouguenaisiens et les habitants de l’agglomération Nantaise prennent plaisir à venir s’y promener les Week-end et les jours fériés.

Lors des ateliers publics, nous avons rencontré beaucoup de randonneurs confirmés qui aiment arpenter ces sentiers de façon régulière. L’absence de voiture et le cadre sauvage du paysage font de ce lieu un endroit favorable pour pratiquer la course et la marche. Ces cheminements sont aussi très appréciés des «amoureux de la Nature». Les séquences de boisements, de prairie humides, de roselières et de prairie d’herbes sèches proposent une promenade aux paysages diversifiés, abritant une faune et une flore précieuses à observer.

Le chemin de la Mandine qui traverse l’île de la Fourche est ponctué par 3 œuvres appelées «The Settlers» et réalisées par l’artiste Sarah Sze. Ces sculptures qui s’intègrent dans le paysage font partie de la collection d’art contemporain «Estuaire». A travers cette exposition permanente qui s’étend de Nantes à Saint-Nazaire, les bords de Loire de Bouguenais prennent une dimension artistique et touristique à l’échelle de l’estuaire.

La rencontre de Cyprien, travaillant pour Nantes Métropole sur la définition d’un nouveau parcours pour la Loire à vélo dans les communes du Sud Loire laisse présager une fréquentation plus importante des bords de Loire dans les années à venir, attirant un public plus large, qui s’étend à une échelle européenne. Le port d’Hivernage de Bouguenais

a donc la particularité d’être un lieu traversé par les cyclistes et les promeneurs. Ordinairement, un port d’Hivernage est un lieu privé, clôturé, et fermé au public.

«On n’est pas clôturé parce que la mairie a préempté le passage pour pouvoir laisser passer un sentier de promenade» nous explique Mr Hérissé, gérant du port.

«Normalement, c’est interdit au public mais bon, on tolère les gens qui se promènent dans le port à sec. C’est un accord par la force de choses»

Bien que ce ne soit pas intentionnel, le chantier du port à sec de Bouguenais se donne à voir. Il n’est pas rare de croiser des promeneurs faire le tour du Hangar, intrigués par cet univers naval.

Cependant, le cheminement qui le traverse n’est pas accueillant et mal indiqué pour le promeneur qui peut vite ressentir un sentiment d’intrusion dans ce lieu en chantier. Ce passage a été réalisé par nécessité de traverser mais n’établit pas de réelle interaction entre le port et la promenade. Pourtant, nous pouvons imaginer une augmentation de la fréquentation de ce parcours avec le futur tracé de la Loire à vélo, qui aura un impact inévitable sur le port à sec. Plus qu’un rapport de tolérance entre le port et la promenade, il s’agira de trouver un système de négociation entre ces deux usages.

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> Un paysage traversé

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Oeuvres Estuaires

Zone Industrielles

Zone humides

PromenadeParcours Loire à Vélo actuel

Parcours Loire à Vélo futur

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île d’indret

Parc ornithologique de la Mandine

La Roche Ballue, Base de Loisirs

île de la Fourche

Port Lavigne

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Bouguenais Bourg

île Cheviré

Haute Indre

Basse Indre

Légende

Les sentiers de la Vallée

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La vocation première du port à sec est destinée à la plaisance. D’après Mr Hérissé, la clientèle provient essentiellement de l’agglomération Nantaise.

« J’habite à Rezé, je viens tous les jours en vélo au port d’Hivernage pour réparer mon bateau» Paroles d’un Rezéen croisé sur le chemin du Port d’Hivernage.

Certains plaisanciers ont donc une fréquentation régulière du Port à sec, souvent pour entretenir leur bateau. Cependant, l’attractivité du Port ne se limite pas à la région Nantaise. La clientèle s’ouvre à l’échelle européenne.

«On a des suisses, des autrichiens, des anglais, des allemands...» explique Mr Hérissé.

Ces navigateurs ont un usage plus exceptionnel du port : «Ils mettent leur bateau en hivernage pour la saison d’hiver. En été et au printemps, ils le mettent à l’eau, ils vont faire leur tour et ils reviennent»

Pour des raisons financières, Mr Hérissé a décidé de compartimenter le Hangar qu’il a édifié afin de louer ses locaux à différentes sociétés liées au domaine naval mais surtout à l’industrie.

Liste des entreprises accueillies dans le port d’hivernage :

- INDUMAR : spécialisée dans la réparation de moteur à bateau

- BBS : spécialisée dans la mécanique hydrauliqueEntreprise Renou : spécialisée dans le terrassement.- ABR réparation : spécialisée dans la réparation et la construction de bateaux de plaisance.

Le port à sec de Bouguenais est donc également un lieu de travail, du lundi au vendredi, occupé par des professionnels et des industriels.

Le gérant du port nous a aussi appris que six personnes habitent en permanence sur leur bateau. En parcourant le port d’hivernage un dimanche midi, j’ai pu observer des plaisanciers partager un repas sur leur voilier. Des barbecues, des chaises et des tables laissées au pied des bateaux stockés, sont des traces d’usage des plaisanciers qui cherchent à habiter de façon permanente ou temporaire le port à sec.

Au delà d’un simple lieu d’hivernage, ce port à sec est un carrefour d’usages différentiels qui se croisent mais qui n’interagissent pas. A la fois lieu de plaisance, de travail, de chantier, de promenade et d’habitat, ces usages cohabitent mais ne dialoguent pas. Comment créer de l’interaction entre ces pratiques existantes? Entre le travailleur industriel, le randonneur des sentiers de la Vallée, le plaisancier qui vient régulièrement réparer son bateau, le touriste qui pratique la Loire à vélo, et l’habitant permanent du port d’hivernage?

> Un carrefour d’usages

Plaisanciers6 Habitants

Promeneurs

Travailleurs

Cyclistes

Agglomération NantaiseEurope

Les singularités du Port à sec de Bouguenais

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120 121

Organisé de façon informelle, le port d’Hivernage voit son emprise s’étendre au delà des limites autorisées par le Port Autonome et la mairie de Bouguenais. Désireux d’agrandir son domaine, le gérant du port à sec s’est lui même autorisé à remblayer les alentours de sa parcelle. Dès lors, il est devenu objet de désaccord.

En effet, le port d’hivernage est niché au coeur d’une zone naturelle protégée et très réglementée, ce qui limite considérablement les possibilités d’expansion de ce lieu industriel.

Les prairies humides qui l’entourent sont répertoriées par la commune en tant que Zone Naturelle d’Intéret Ecologique Faunistique et Floristique (ZNIEFF de type 2). Ces zones désignent «les grands ensembles naturels riches et peu modifiés qui offrent des potentialités biologiques importantes». Les prairies humides abritent donc des espèces végétales rares ou menacées mais aussi, présentent un intérêt ornithologique. Cependant, une ZNIEFF ne constitue pas une mesure de protection réglementaire mais un inventaire qui recense les espaces présentant un patrimoine naturel d’intérêt à l’échelle métropolitaine.

En revanche, le port d’hivernage est ceinturé par un périmètre réglementaire mis en place par l’Union Européenne : Le réseau Natura 2000. Il s’agit d’un réseau écologique de sites naturels européen qui vise à assurer le maintien de la Biodiversité. La commune de Bouguenais doit appliquer des directives afin de conserver et protéger les espèces végétales et animales considérées comme fragiles et sauvages.

De plus, le site est soumis à un Plan de Prévention des risques d’inondation en aléas forts et moyens qui contraint d’autant plus l’urbanisation de ce territoire.

Il est assez paradoxal de constater qu’un lieu à vocation économique et industrielle soit localisé au cœur d’un site naturel fortement réglementé. Cette position entretien des rapports houleux entre le port à sec et les autorités. La mairie cherche à respecter les directives Natura 2000 par aseptisation de la nature, en empêchant toute construction de s’implanter sur le site. De l’autre côté, le port d’hivernage cherche à étendre son domaine sans prendre en compte les réglementations instaurées et les milieux naturels sur lesquels il est inséré.

«La mairie m’empêche de remblayer, de m’agrandir. Apparemment ils parlent de détourner le chantier. Ils m’ont créé des problèmes.» explique Mr Hérissé.

Face à ce non respect des réglementations, le port d’Hivernage de Port Lavigne est fortement déprécié des autorités. Cependant le projet de ré-animation du port d’hivernage se positionne comme une remise en question des normes imposées par le PLU, en proposant la reconnaissance du port d’hivernage de Bouguenais.

> Un lieu controversé

Aléas fort ( h>1m )

Aléas moyen ( 0,5>h>1m )

Légende

Légende

Plan de prévision des risques d’inondation

Un périmètre règlementé

Zones Humides

Périmètre Natura 2000

Espace boisé classé à conserver

NH2

UCp Zone déjà urbanisé à caractère pavillonaire

Construction isolées de taille et de capacité limité au sein des zones naturelle

NNs

NN Zone de protection d’espaces naturels d’intéret paysagé ou écologique

Milieux naturels sensible d’intéret écologique

Les singularités du Port à sec de Bouguenais

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La situation portuaire estuarienne

Une étude économique réalisée en 2009, pour la création d’un port de plaisance à Paimboeuf, fait le constat d’une saturation des ports de plaisance dans la région Loire Atlantique. Face à la demande des plaisanciers qui ne cessent d’augmenter, il existe à l’échelle de l’estuaire de Nantes à Saint-Nazaire, une réelle volonté d’augmenter la capacité d’accueil des ports littoraux et estuariens. Il est prévu pour 2016 d’augmenter la capacité d’accueil des ports du littoral de 23% mais aussi d’accroître fortement l’offre portuaire dans l’estuaire de 65% afin de combler la demande des plaisanciers et limiter la proportion des listes d’attente pour l’obtention d’une place dans un port.

Par ailleurs, cette étude révèle une mutation des mentalités des plaisanciers qui trouvent dans la formule du port à sec une réponse satisfaisante à leurs besoins. En effet, le stockage des bateaux à terre en dehors des périodes d’utilisation présente des avantages non négligeables pour les plaisanciers : l’entretien du bâtiment navigable est diminué et le coût de l’emplacement est moins onéreux que dans un port à flot.

Nous pouvons donc envisager l’avenir de la plaisance maritime dans l’estuaire à travers la figure du port à sec. D’autant plus qu’il est extrêmement difficile de construire des ports à flot sur les rives ligériennes. Non seulement la création d’un port à flot dans l’estuaire constitue un investissement financier important, une réalisation longue sur la durée, mais en plus, les ports estuariens sont soumis à un phénomène d’envasement permanent. C’est par exemple le cas du port de Trentemoult, qui, à l’origine pouvait accueillir 50 bateaux dans son port à flot. Face aux sédiments apportés régulièrement par le fleuve, le port de Trentmoult s’envase. En conséquence, sa capacité d’accueil s’est réduite à seulement 20 bateaux et il est contraint d’effectuer des opérations de dragage fréquemment pour éviter un envasement définitif.

BAS CHANTENAY

PORT DE L’ERDRE

LA TURBALLE

PIRIAC600

LE CROISICLA PLAINE SUR MER

LA BAULE PREFAILLES PORNIC PAIMBOEUF BOUGUENAIS

TRENTEMOULT367

330

PORNICHET970

SAINT-NAZAIRE CORDEMAIS

COUËRON

180 150

37

60

400

724 13

80

754 150 200

30

Légende

Commune de bouguenais

367

367

367

Ports à flot

Ports à sec

Ports à flot et à sec

Capacité d’accueil des ports

La situation Portuaire actuelle dans l’estuaire

La situation Portuaire actuelle dans l’estuaire

Le Port à flot de Couëron Le Port à flot deTrentemoult

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Vers le projet...

«Ré-animer le Port d’Hivernage» de Bouguenais part de la reconnaissance d’un lieu délaissé par la mairie, considéré comme «friche» dans le Plan Local d’Urbanisme de la commune. Ce port à sec est un lieu fragile, qui n’est pas durablement installé sur le territoire. Il s’agit donc de lui redonner de la qualité pour lui offrir une certaine légitimité.

Il s’inscrit également dans un objectif de réappropriation des rives ligériennes de Bouguenais en posant la question de la revalorisation de ces entitées portuaires, dites «ports à sec» ou «ports d’hivernage» que l’on retrouve tout au long de l’estuaire. Pourquoi le Port à sec ne deviendrait-il pas aussi captivant que les ports à flot actuels?

Pour cela, le projet s’engage à tenir compte de l’existant, qu’il s’agisse du site comme des usages présents. Son intégration s’appui sur les qualités paysagères de l’île de la Fourche, permettant d’établir un dialogue entre port et paysage. Il remet en question les règlementations imposées par le PLU et le réseau Natura 2000 , en montrant que construire n’est pas incompatible avec les milieux naturels protégés. Par ailleurs, nous avons pu constater précédemment qu’il existe un métissage d’usages qui se croisent sur ce territoire sans réèl échange. Le projet cherche à créer de l’intéraction entre ces diverses pratiques pour que ce lieu de traverse deviennent lieu d’escale et de halte.

Ainsi, le Hangar qui abrite des activités indutrielles est conservé. Le projet s’attache donc à réactiver «l’autour» du Hangar par un réaménagement du parc à bateaux, mais aussi par l’ajout de nouveaux services qui favorisent le confort des usagers du port.

Le programme se formalise donc en regard des pratiques des usagers. Tout d’abord autour d’une réorganisation du parc à bateau, qui s’articule autour de trois thématiques :

- Typologie escale et port à sec : Ces emplacements

concernent les utilisateurs réguliers du port, qui effectuent souvent des sorties en bateaux.

- Typologie atelier : Il s’agit d’emplacements pour bateaux dédiés aux utilisateurs réguliers qui viennent essentiellement pour réparer leur bateau.

- Typologie Hivernage : Ces emplacements sont dédiés aux bateaux utilisés uniquement en saison estivale.

Ensuite, des services sont ajoutés pour améliorer la qualité de vie sur le port à sec :

- Une capitainerie- Des Vestiaires, sanitaires, douches- Une boutique d’accastillage- Un restaurant- Une aire de Carénage

L’insertion de ces nouveaux éléments et la restructuration du port s’appliquent à conforter la promenade et la traverse du Port d’hivernage ainsi que favoriser son accès fluviale et routier.

Comme le dirait Lucien Kroll, «L’autre n’existe que lorsque l’on peut aborder son désordre».

Réactiver «l’autour»

Préserver l’existant

Conforter la promenade

Programmation

E m p l a c e m e n t s types Atelier

Emplacements types Escale et Port à sec

Restaurant

CapitainerieSanitaires Douches

Cuisine libre serviceBoutique d’accastillage

E m p l a c e m e n t s types Hivernage

Accès fluvial

Accès voiture

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Médiagraphie

Rencontres :

- Service aménagement de la mairie de Bouguenais - Julien BREGEAT et Thomas GABORIT

- Gérant du Port d’hivernage de Port Lavigne - Mr Hérissé

- Plaisancier - usager des ports d’hivernage - Mr Jean-François Dion

- GIP - Groupement d’intéret public - Loire estuaire

Sites internet :

- GIP - Groupement d’intéret public Loire Estuaire. http://www.loire-estuaire.org/accueil

- Ville de Bouguenais - http://www.ville-bouguenais.fr/

- Estuarium - http://www.estuarium.org/

- Nantes Port - http://www.nantes.port.fr/

- Port Hivernage de Port Lavigne - http://www.plhivernage.com/

- Nantes métropole-http://www.nantesmetropole.fr/

Ouvrage :

- Etude économique pour la création d’un port mixte pêche -plaisance à Paimboeuf - Communauté de commune Sud estuaire - 3 juin 2009

Remerciements à :

Saweta Clouet, pour sa patinece et ses conseils,Jean-Yves Petiteau ,pour son approche philosophique et anthropologique,Cherif Hanna, pour son pragmatisme et son ivestissement,

Pierre Cahurel, pour son determinisme et sa bonne humeur,

Julien Bregeat et Thomas Gaborit , pour leur accueil au sein de la mairie de Bouguenais,

Aux habitants et usagers de Bouguenais pour leur sympathie et leur aide précieuse,

Nos familles et amis pour nous avoir soutenus tout le long de ce semestre,

M. Christian Dautel, directeur de l’ENSA.

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arts de faire - juillet 2014

ESTUAIRE 2029

Import / Export

« Le monde de la surmodernité n’est pas aux mesures exactes de celui dans lequel nous croyons vivre, car nous vivons dans un monde que nous n’avons pas encore appris à regarder. Il nous faut réapprendre à penser l’espace. »

Cette citation de Marc Augé nous rappelle que la ville de Bouguenais est un monde de surmodernité, un monde fait d’hétérotopies. Cisaillée entre ses pistes aéroporuaires et le tracé de ses infrastructures routiéres, la ville regorge de non-lieux, ces territoires hors de l’espace et du temps.

Comment faire tomber les limites ? Comment ouvrir les perspectives ? Comment hybrider les pratiques pour créer des passages, de terres inconnues, aux terrains connus ?

Aprés une immersion à travers la parole habitante, nous avons cherché à venir révèler ces espaces délaissés en venant y apporter un nouveau regard.

Import / ExportRossila Goussanou (PFE), Borha Chauvet, Bruno Bermudez,

Marion Thomazo, Delphine Courroye (PFE)Directeurs d'études : Saweta Clouet, Chérif Hanna, Jean-Yves Petiteau

ensa nantes - arts de faire

BOUGUENAIS

ESTUAIRE 2029

RECONQUÊTE DES DELAISSESBOUGUENAIS, ON S’EN FRICHE PAS