32
AU SOMMAIRE 3 La mission S0H0, M. PICK 6 NOMAD, T. STOLARCZYK 12 Ilya 100 ans, H. Becquerel..., P. RADVANYI et M. BORDRY 15 Assemblée générale 19 Research Funding in U.K. Universities, Sir R. ELLIOTT 24 Commission IUFM de la SFP 26 La montée en énergie du LEP, F. RICHARD 28 Milieux granulaires secs, H.J. HERRMANN, H. PUHL et D. VANDEMBROUCQ 32 EDITORIAL, M. LAMBERT Société Française de Physique Siège social et Administration 33, rue Croulebarbe 75013 Paris-Tél. :44.08.67.10 Reconnue d'Utilité Publique par décret du 15 janvier 1881 Membre de la Société Européenne de Physique NUMÉRO104 Nouvelle série Abonnement : 250 F le numéro : 60 F Publication pentannuelle MAI 1996 bulletin de la société française de physique

bulletin de la société française de physique

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

A U S O M M A I R E

3 La mission S0H0, M. PICK

6 NOMAD, T. STOLARCZYK

12 I lya 100 ans, H. Becquerel..., P. RADVANYI et M. BORDRY

15 Assemblée générale

19 Research Funding in U.K. Universities, Sir R. ELLIOTT

24 Commission IUFM de la SFP

26 La montée en énergie du LEP, F. RICHARD

28 Milieux granulaires secs, H.J. HERRMANN, H. PUHL et D. VANDEMBROUCQ

32 EDITORIAL, M. LAMBERT

Société Française de Physique

Siège social et Administration

33, rue Croulebarbe

75013 Paris-Tél. :44.08.67.10

Reconnue d'Utilité Publique par décret du 15 janvier 1881 Membre de la Société Européenne de Physique

NUMÉRO 104 Nouvelle série

Abonnement : 250 F

le numéro : 60 F

Publication pentannuelle

MAI 1996

bulletin de la société française de physique

Soho pendant l'intégration (Vial-IAS).

N O U V E A U X M E M B R E S A D M I S A LA SOCIÉTÉ

Conseil du 19 janvier 1996

STAGIAIRES (suite)

• VALERO Henri, Rennes • VELLETTAZ Nicolas, Grenoble • VIVET François, Orléans • VU NGOC Francine, Orsay • WDOWCZYK Didier, Strasbourg • WIRTH Achim, Nice

JUNIORS

• ALBAREDE Pierre, CE/CADARACHE - St-Paul-lez-Durance

• ARNAULT Jean-Charles, GSI- IPCMS - Strasbourg

• ASTIER Alain, IPN - Villeurbanne • BALDACCHINO Gérard, CEA - Gif/Yvette • BARDOU François, IPCMS - Strasbourg • BENASSIS Franck, CLIMESPACE - Paris • BOUAZAOUI Mohamed, Univ. Lille 1,

Villeneuve-d'Ascq • BREIL Marie, LAAS-Toulouse • CHANDEZON Frédéric,

THE NIELS BOHR INST - Danemark • DE FRANCE Gilles, CRN-Strasbourg • DUVAIL Jean-Luc, THOMSON CSF - Orsay • FLECK Sonia, IPN - Villeurbanne • FLESSELLES Jean-Marc, INL-Valbonne • GRANER François,

LSP- CNRS - St-Martin-d'Hères • GULMINELLI Francesca, LPC - Caen • HONORE Cyril, Polytechnique - Palaiseau • INNOCENTI Claudia, LEGI - IMG - Grenoble • KYRIAZIDIS Georges, E D F / D E R - Clamart • LACOUR Didier, LPNHE-Paris • LARROUDÉ Philippe, IIPHE - Marseille • LEWEKEThomas,SibleySchool-USA • MADON Alex, CPT-Marseille • PERCUS Allon, LPT-IPN-Orsay • PETITJEANS Philippe, ESPCI - Paris • PICOUET Pierre, Inst. Minéralogie - Suisse • PILLARD Wilfrid, LMGC - Montpellier • PORION Patrice, MAT. Div. - Orléans • PREVEL Brigitte, DPM - Villeurbanne • ROSSI Maurice, LMM - Paris • SIMERAYJanick, SFIMODS-Velizy • SIRE Clément, LPQ - Toulouse • TOURNE Eric, CRHEA - CNRS - Valbonne • VILLERMAUX Emmanuel, LEGI/IMG

Grenoble

(Suite page 20)

bulletin de la société française de physique

№ 104

s o m m a i r e Observato i re solaire et héliosphérique: la miss ion SOHO, Mon ique Pick 3 NOMAD : de la masse des neutrinos à la masse de l'univers, Thierry Stolarczyk 6 Une Unité Mixte de Recherches entre Thomson-C.S.F. et le C.N.R.S., A. Schuhl , A. Fert et A. Friederich 8 Le Huron et la superfluidité, Yves Pomeau 11 Il y a cent ans, Henri Becquere l découvrit la radioactivité, Pierre Radvanyi et Mon ique Bordry 12 L'IN2P3 a 25 ans, Geneviève Edelheit 14

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE - Composit ion du bureau et du conseil 1996, Rapport sur les comptes de la S.F.P., Message de la trésorière, Prix S.F.P 15 Activité des sect ions locales : A lsace, Auvergne, Bordeaux, Bour­gogne, Bretagne, Centre, Centre-Ouest , Grenoble 16

NOTES DE LECTURE 17

Rudolf Peierls (1907-1995) 18 Research Funding in U.K. Universit ies, Sir Roger Elliott 19 La physique en Inde, Michèle Leduc 21 Données relatives aux étudiants thésards et docteurs, Jacques Joffrin 23 Rapport de la Commiss ion IUFM de la S.F.P 24 La montée en énergie du L.E.P., François Richard 26 Le monde mervei l leux des mi l ieux granula i res secs, Hans J . Herr-mann, Harald Puhl et Damien Vandembroucq 28

ÉDITORIAL - Al locut ion de la présidente lors de l'Assemblée générale, Marianne Lamber t 32

COMITÉ DE RÉDACTION

Pierre A V E R B U C H - A la in de B E L L E F O N - Dav id B E N S I M O N - Jean BORNAREL - Jean-Marc di MIGLIO - Étienne GUYON - Jean-Pierre HULIN -Hervé LEFÈVRE - Valérie LEFÈVRE - Stéphane P A S Q U I E R S - Pierre RADVANYI - Evelyne ROUEFF - Claude SÉBENNE - Jean-Luc SIDA - René de SWINIARSKI - Madeleine VEYSSIÉ - Jacques VIGUÉ Directeur de la Publ icat ion : Claude SÉBENNE Rédacteur-en-Chef : Pierre RADVANYI Secrétaire de Rédaction : Monique BORDRY

dépôt légal 2 e trimestre 1996 - Commission Paritaire 62 802 Imprimerie BLANCHARD fils, 92350 Le-Plessis-Robinson - 41.07.97.97

Société Française de Physique, 33, rue Croulebarbe, 75013 Paris Tél. 44.08.67.10 - Fax : 43.31.74.26 - C.C.P. : 227.92 Paris E-mail : sfp @ ihp.jussieu.fr - Serveur : http:/ /sfp. ihp. jussieu.fr

2 Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96

Observatoire solaire et héliosphérique la mission SOHO

Monique Pick Observatoire de Paris, sect ion Meudon , DASOP

Lancé le 2 décembre 1995, le satell i te SOHO (Solar and Hel iospheric Observa-tory) a atteint le premier point de Lagrange* du système Solei l-Terre situé à 1.5 mill ion de km de la Terre. Placé en orbi te autour de celu i -c i , ses réserves de carburant lui p e r m e t t e n t en principe d ' o b s e r v e r en cont inu le Soleil pendant de nombreuses années au-delà de la durée d ' un cyc le solaire de onze ans.

Projet réalisé grâce à la coopération de l'ASE et de la NASA, SOHO est la mission solaire la plus ambi t ieuse et sophistiquée qui ait jamais été conçue. Elle compor te , à son bo rd , un ensemble de douze instru­m e n t s p e r m e t t a n t de s o n d e r le Sole i l depuis son cœur jusqu 'aux conf ins de la cou ronne sola i re. Il e f fec tue également des mesures in si tu du vent solaire et des pa r t i cu les énergétiques d a n s le mi l ieu interplanétaire au vois inage du point de Lagrange.

Les object i fs pr inc ipaux de cet te mis ­sion sont les études : - de l'intérieur du Soleil à partir des t e c h ­niques de l'héliosismologie ; - des mécanismes de c h a u f f a g e et la dynamique de la couronne solaire ; - du vent solai re et de son mécanisme d'accélération.

La résolution spat iale atteint l 'ordre de la seconde pour certains instruments ; sa couver ture spectra le inclut tou tes les lon­gueurs d ' o n d e depuis l 'XUV j u s q u ' a u x régions visibles du spect re. C'est la pre­mière fois que la couronne est observée jusqu'à une d i s t a n c e de 30 rayons solaires. Le p lasma est étudié à partir de mesures spec t roscop iques et des images à haute résolution à différents niveaux de l'atmosphère so la i re . U n e des très grandes originalités de SOHO est de per­me t t re le f o n c t i o n n e m e n t simultané de tous les instruments et ainsi d'établir les liens entre différents phénomènes et de suivre leur évolution dynamique. En c o m ­binant des observat ions à d is tance et des mesures in s i tu , le vent solaire est ainsi étudié depuis sa source au Soleil jusqu'à l'héliosphère [1].

L'héliosismologie

L'héliosismologie est l'étude de l'inté­rieur du Soleil à partir des propriétés spa ­t io - tempore l les des osci l lat ions solaires. Depuis la mise en évidence de ces osc i l ­lat ions vers les années 60, cet te branche de la phys ique solaire a fait des progrès considérables. L'intérieur du Sole i l se

* Point d'équilibre du système.

compor te c o m m e une cavité résonnante qui piège sous la photosphère des ondes acoust iques. Les osci l lat ions solaires qui son t observab les en sur face obéissent aux lois s tandard de l 'hydrodynamique. La résolution de ces équations condu i t à la m ise en évidence des fréquences p r o p r e s du mi l ieu [2] . C h a q u e m o d e propre (ou harmonique) cor respond à une cavité particulière ; la période des osci l la­t ions est étroitement liée à la distr ibut ion de la température et de la densité du Solei l . Il est donc nécessaire de combiner les mesures en provenance de différents modes pour sonder l'intérieur du Solei l .

Il existe deux grandes classes d 'osc i l ­l a t ions : les osc i l l a t i ons de p ress i on (modes p) ou osci l lat ions acoust iques et les osci l lat ions de gravité (modes g) qu i sont liées à la gravi tat ion. Ces osci l lat ions peuvent être caractérisées par un spect re de raies. Les osci l lat ions de gravité sont , en pr inc ipe, les plus r iches d 'ense igne­ment sur les régions centrales du Solei l , alors que les ondes de pression fourn is­sent des informat ions sur des régions plus extérieures. Seuls les m o d e s p on t été jusqu 'a lors détectés avec cert i tude. A par­tir de l 'observat ion de ces osci l lat ions, et du prof i l de ces ra ies , d ' i m p o r t a n t e s c o n c l u s i o n s peuven t être en p r i nc i pe déduites. A ins i , la s t ruc ture f ine de ces raies nous condu i t , si les observa t ions sont assez complètes, à la détermination de la rotat ion du Soleil en fonct ion de la lat i tude et de la profondeur ainsi qu'à la détection éventuelle d a n s le cœur du Soleil de champs magnétiques intenses d 'or ig ine pr imordia le. L 'ampl i tude et la lar­geur des raies nous rense ignent sur la

Figure 1 : Spectre de puissance d'oscillations solaires acoustiques (modes p) mesuré par l'ins­trument GOLF sur SOHO (courtoisie de A. Gabriel, équipe GOLF). La position des pics correspond aux différents modes. Les observations étant continues, l'intégration sur une durée de 12 jours est largement suffisante pour l'obtention d'un spectre d'excellente qualité. On notera qu'en des­sous de 2 mHz, le bruit est plus faible que celui des observations au sol.

d y n a m i q u e à l'intérieur du So le i l . Les observat ions existantes ont montré que le t emps de vie et la cohérence d 'une raie dépendaient de la fréquence, de un jour à 5 mHz à 1 mois à 1.5 mHz.

Au jourd 'hu i , approx imat ivement 2 700 modes acoust iques ont été détectés, ce qu i a c o n d u i t à la détermination de la vitesse du son et de la densité à l'intérieur du Soleil jusqu'à une profondeur d 'env i ­ron 0.3 rayon solaire. Près du cœur du Solei l , les incert i tudes demeurent néan­moins très importantes. Les observat ions faites à partir du sol souffrent néanmoins de deux l acunes essen t ie l les : la gêne occasionnée par la turbulence atmosphé­rique et l 'absence d 'observat ions con t i ­nues à cause du cyc le jour -nu i t et des condi t ions c l imat iques. Sur ces deux der­niers points, des améliorations considé­rab les on t été apportées grâce à des observat ions effectuées au pôle Sud mais également grâce à l ' imp lan ta t ion d ' u n réseau déployé sur des sites de longi tude différente. Néanmoins, seules les obser­vat ions spat ia les permet tent d 'observer en dessous de 2 m H z avec un rappor t s ignal /brui t sat isfaisant. Ceci est f o n d a ­mental pour l'étude des modes basse fré­quence qui sont de pet i te ampl i tude et qui sont très diff ici les à observer depuis le sol . SOHO permet de lever ce handicap.

De p lus , placé en orb i te au po in t de Lagrange, SOHO fourni t une couver ture cont inue des observat ions. Pour la pre­mière fois, SOHO permet, d 'une part, la m e s u r e des fréquences inférieures à 1 mHz, ce qui exige une excel lente s tab i ­lité des mesures et, d 'autre part, l'étude de l 'ensemble des modes p prédits jusqu'à des degrés aussi élevés que 4 5 0 0 . Ceci nécessite l 'ob tent ion d ' images à haute résolution de l 'ordre de la seconde d 'arc (1 .3" et 4 " d a n s le cas de S O H O ) . On espère ainsi at teindre des d iagnost ics sur les régions pro fondes du Solei l . L'enjeu ma jeur est p r o b a b l e m e n t la détection sans ambiguïté et l'identification des modes g qu i son t , en p r i nc i pe , m ieux adaptés que les modes p pour l'étude du cœur du Solei l . L 'ampl i tude prévisible de ces modes est cer ta inement très pet i te par rapport au bruit solaire (c.a.d. tou te p e r t u r b a t i o n n o n cohérente). La fré­q u e n c e f o n d a m e n t a l e prédite est de l 'ordre de 0.4 mHz.

Les méthodes utilisées se c lassen t selon trois catégories: les variat ions i) de la v i tesse (uti l isation de l'effet Dopp ler -Fizeau qui modi f ie la période d 'une onde lumineuse), ii) de l'intensité lumineuse, iii) du diamètre solaire. Les observat ions por­tant sur le f lux global favor isent l 'observa-

Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96 3

t ion des modes de bas degré ; pour les modes de plus haut degré, l 'absence de résolution spat iale condui t rap idement à une perte rapide de visibilité. C'est la rai­son pour laquelle SOHO comprend trois ensemb les ins t rumentaux complémen­taires: GOLF (Global Osci l lat ions at Low Frequencies) et VIRGO (Variability of solar IRradiance and Gravity Osci l lat ions) met ­tent l 'accent sur la détection des modes basse fréquence (g et p). SOI (Solar Osc i l ­lation Investigation) observe les modes p de degré intermédiaire et élevé.

GOLF mesure les osci l lat ions globales de vitesse de 0.1 uHz à 6 mHz (Figure 1). Le pr inc ipe ins t rumenta l est l 'ut i l isat ion d 'une cuve de résonance de vapeur de sod ium placée dans un c h a m p magné­tique l ong i t ud ina l p e r m e t t a n t l'échan­t i l l onnage des deux a i les de la raie d 'absorp t ion solaire.

VIRGO détermine les oscillations d'in­tensité, entre 1 uHz et 8 mHz, à partir de la mesure de flux lumineux global ainsi que de sa va r ia t ion s p e c t r a l e grâce à des m e s u r e s photométriques d a n s t ro i s canaux spect raux (402, 500, et 862 nm). Cet te ins t rumentat ion fourni t également des images à très basse résolution (12 éléments) adaptées à l'étude des fré­quences propres de bas degré. A côté des objectifs sc ien t i f i ques p r i nc i paux évo­qués, la connaissance de la variabilité de la luminosité solaire a des impl icat ions c l i ­mat iques.

SOI fournit, à partir d 'un interféromètre de Michelson fonct ionnant sur la raie Ni I 676,8 n m , des images so la i res de très grande précision des vi tesses longi tud i ­nales, des intensités de la raie et du con t i -n u u m , des c o m p o s a n t e s du c h a m p magnétique long i tud ina l e t en f in de la posi t ion du l imbe solaire sont obtenues.

Couronne et Vent solaire

L 'ex i s tence de la c o u r o n n e so la i re nécessite une source permanente d'éner­gie pour compenser les pertes par rayon­nement et conduc t i on . Un des object i fs majeurs de SOHO est la mise en évidence de l'origine de ce chauffage et également du mécanisme d'accélération du vent solaire. Ce problème demeure largement ouvert et différents mécanismes ont été proposés tels que la diss ipat ion d 'ondes et l ' ex is tence de mécanismes à pe t i te échelle : a p p o r t d'énergie mécanique sous la fo rme de jets de matière, d'événe­ments exp los i fs . . . convers ion d'énergie magnétique en énergie t h e r m i q u e par r e c o n n e x i o n à différentes échelles du c h a m p magnétique. Ceci passe par un bilan détaillé de l'énergie, pertes et gains, dans un milieu dynamique et hautement structuré.

Chacun des mécanismes évoqués doit fournir, en pr incipe, des signatures obser­vables. Ainsi , le chauf fage se mani festera par un élargissement Doppler de certaines raies d'émission UV. La reconnexion se t radu i ra par l'accélération du p l a s m a

Figure 2 : Longueur d'onde/Température des quatre instruments observant dans l'UV et l'EUV: SUMER, CDS, UVCS et EIT (observe quelques raies sélec­tionnées). Le recouvrement spectral des instru­ments est important pour l'intercalibration. [3]

l oca l , ce qu i do i t être détectable sous fo rme d'effet Doppler sur des spect res ou de déplacement sur des images EUV à haute résolution. Les part icules accélé­rées peuvent être détectées di rectement par des mesures in situ dans le cas de phé­nomènes importants mais également indi ­rectement par leurs s ignatures électroma­gnétiques. La détection d ' ondes qui se p r o p a g e n t d a n s l'atmosphère so la i re reposera sur des observat ions opt iques spectrales et spat iales ou sur des mesures in si tu. Leur origine peut se situer dans des couches plus pro fondes de la couronne so la i re d'où l ' i m p o r t a n c e de d i s p o s e r d 'observat ions conjo intes de la ch romo­sphère et zone de transi t ion.

La relation vent so la i re-couronne pose de n o m b r e u x problèmes. N o u s nous c o n t e n t e r o n s d ' en évoquer q u e l q u e s -uns : - les mesures de vent solaire ont révélé deux régimes: le vent solaire rapide, t yp i ­quement 800 k m . s - 1 , qui t rouve son or i ­g ine au-dessus des régions coronales où le c h a m p magnétique est ouvert (les t rous coronaux) et le vent lent, ~ 400 k m . s - 1 , localisé au-dessus des régions de champ magnétique fermé. Si cec i est g loba le ­ment établi, de nombreuses quest ions se posent néanmoins, en part icul ier sur les mécanismes de format ion des vents lents. Do i t -on , par exemple , faire appel à des processus de reconnexions dans la région de transit ion entre champ fermé et champ ouvert ? Commen t et où s'établissent les régions frontières entre ces deux régimes de vent ? Enf in , ex is te - t - i l une re lat ion entre les f luctuat ions du vent solaire et la structure de la couronne ? On est f inale­ment loin d'avoir compr is la local isation et les caractéristiques des sou rces c o r o ­nales du vent solaire ;

- les distr ibut ions de vi tesses des protons mesurées dans le vent solaire sont for te­ment anisotropiques révélant l 'existence de fa isceaux se propageant à la vi tesse d 'Al fven le long du c h a m p magnétique. Quelle en est leur or igine ? Sont- i ls p ro ­

duits d a n s le mi l ieu interplanétaire par in teract ion ondes-par t i cu les ou sont - i ls les résidus d'événements coronaux ? - les abondances des éléments mesurées dans le vent solaire se différencient s o u ­vent des abondances photosphériques. L'origine de ces différenciations n'est pas c o m p r i s e , en par t ie par m a n q u e de mesures dans la basse couronne de cer­tains const i tuants mineurs.

La couronne et le mil ieu interplanétaire sont soumis à de nombreux phénomènes dynamiques . Une des mani festat ions la plus spectacula i re cor respond aux Ejec­tions de Matière C o r o n a l e s (CME en anglais). Les vi tesses d 'expans ion radiale des C M E et leur évolution son t très var iab les , en t re que lques d iza ines de km.s - 1 et un millier de k m . s - 1 . Leur déclen­c h e m e n t est imprévisible ; leur relat ion avec d 'aut res phénomènes solaires, en par t i cu l ie r avec les éruptions so la i res , n 'est pas élucidée. Le développement vers le mil ieu interplanétaire puis l'hélio-sphère lointaine de ces CME, qui sont des phénomènes s o u v e n t à très g r a n d e échelle, n'est pas établi ni leur inf luence sur l'activité géomagnétique.

L'étude dynamique de l'atmosphère solaire repose sur des diagnostics du plasma (densités, températures, vitesses, abondances...) dans les différentes couches qui sont caractérisées par des paramètres physiques variant de plu­sieurs ordres de grandeur depuis la chro­mosphère jusqu'à la haute couronne. Les instruments de SOHO comportent des mesures spectroscopiques et des images à différents niveaux. La couverture spec­trale inclut toutes les longueurs d'onde depuis l'ultraviolet lointain jusqu'au domaine visible. A titre d'exemple, la figure 2 montre l'échelle de température couverte par les quatre instruments de SOHO observant dans l'ultraviolet. La température varie de 104° dans la chro­mosphère à 106° dans la couronne ou plus. Enfin la résolution temporelle doit être suf­fisante, aussi bonne que l'ordre de la seconde pour l'étude de certains phéno­mènes. Les instruments à bord de SOHO fournissent des mesures complémen­taires de l'atmosphère solaire ainsi que des mesures in situ du vent solaire.

S U M E R (Solar U l t rav io le t M e a s u r e -ments of Emit ted Radiation) et CDS (Coro­nal Diagnost ic Spect rometer ) sont deux télescopes fonct ionnant dans respect ive­m e n t l 'UV (500 à 1600 Â) et l 'EUV. Le domaine d 'observat ion de SUMER est la chromosphère supérieure, la zone de transit ion et la basse couronne avec une résolution spat iale de 1.5", une résolution tempore l le typ ique de que lques secondes et un champ de vue limité à 300" (Figure 3). Il fourni t les mesures de vi tesse et t u rbu ­lence. CDS mesure les intensités abso ­lues et relatives de raies sélectionnées ce qui condu i t à la détermination de la den­sité et température dans différentes struc­tures coronales. Sa résolution spatiale est meil leure que 3" , et son c h a m p de vue est de 4 minutes d'arc. EIT (Extreme ultravio-

4 Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96

Figure 3 : Cartographie d'une protubérance et du bord solaire dans la raie du CIII obtenue avec l'ins­trument SUMER (courtoisie de P. Lemaire et K. Wil-helm, équipe SUMER). Cette raie est formée dans la région de transition à une température inférieure à 100 000°.

let Imaging Telescope) fournit des images de la région de transit ion et de la couronne en dessous de 1.5 R 0 dans quatre raies d'émission du Fer et de l'Hélium corres­p o n d a n t à qua t re températures diffé­rentes entre 6 104° et 310 6° (Figure 4). Les images du Soleil sont fournies dans leur intégralité avec une résolution spat ia le meil leure que 5".

Deux coronographes observent la c o u ­ronne sur une étendue de plusieurs rayons solaires. UVCS (Ultraviolet Coronograph Spect rometer) est un télescope à occu l ta­t ion équipé de plusieurs spectromètres à haute résolution qui fourni t des observa­tions s p e c t r o s c o p i q u e s UV de la cou­ronne jusqu'à 10 R 0 . LASCO (Large Angle a n d S p e c t r o s c o p i c C O r o n o g r a p h ) est composé de trois coronographes dont les champs de vue annulaires sont respect i ­vement : 1.1 à 3 R 0 , 2 à 6 R 0 (Figure 5), 3 à 30 R 0 . C'est la première fois que les st ruc­tures coronales seront observées sur une étendue aussi élevée jusqu 'aux al t i tudes où le vent solaire a atteint sa vi tesse max i ­male. En plus des observat ions en lumière blanche, le coronographe le plus interne est équipé d 'un interféromètre de Fabry Perot réglable sur plusieurs raies spec ­trales.

S W A N (Solar W i n d AN i so t r op i es ) mesure la distr ibut ion selon la lat i tude du flux de masse du vent solaire et de ses va r ia t i ons t e m p o r e l l e s . Ces g r a n d e u r s sont obtenues à partir de cartes du ciel (résolution 1 °) de l'émission Lyman a pro ­duite par les a tomes d'hydrogène inter­stellaire. Cet te émission peut être locale­ment réduite sous l 'effet de l ' ionisat ion des a tomes d'hydrogène par les protons du vent solaire. L'hydrogène Interplané­taire sert ainsi de traceur du vent solaire. Cet i n s t r umen t p e r m e t d ' a u t r e s t y p e s d 'observat ions tel les que la géocouronne et les comètes.

Tro is ins t ruments mesuren t in s i tu la compos i t ion du vent solaire et des par t i ­cules énergétiques. La g a m m e d'énergie couver te est très large et permet l'étude des phénomènes d'accélération corpus­culaire et de propagat ion dans le mil ieu interplanétaire dans des cond i t ions très variées depuis ce l le du vent so la i re jusqu 'aux mécanismes engendrant , lors des éruptions solaires, les part icules rela-t l v is tes . CELIAS (Charge, E lement and I so tope Ana l ys i s Sys tem) m e s u r e la m a s s e , la c h a r g e et l'énergie du ven t solaire et des part icules suprathermiques d 'or ig ine solaire. Il mesure également les ions d ' o r i g i ne in ters te l la i re . C O S T E P ( C o m p r e h e n s i v e S u p r a T h e r m a l a n d Energet ic Part ic le analyser) détecte les par t i cu les s u p r a t h e r m i q u e s et énergé­t iques d 'or ig ine solaire, interplanétaire et galact ique. Il mesure le spect re d'énergie des électrons jusqu'à 5 MeV et celui des p r o t o n s et noyaux d'Hélium jusqu'à 53 MeV/nuc. ERNE (Energetic and Relati­v istc Nuc le i and E lec t ron exper imen t ) mesure le spect re d'énergie, l 'anisotropie et l ' a b o n d a n c e des éléments jusqu'à 540 MeV pour Z = 1-30.

SOHO et la communauté française

Les douze instruments à bord de SOHO ont été réalisés par des consor t iums inter­nat ionaux émanant de 15 pays. Les res­ponsab les de 9 d 'en t re eux sont eu ro ­péens. La pa r t i c i pa t i on française est importante. Pour t rois d 'ent re eux, le pr in -

Fe XII 195 A Fe XV 284 Á

Fe IX/X171 A He II 304 A Figure 4 : Images du Soleil obtenues dans quatre raies différentes par le télescope EIT (courtoisie de J.-P Delaboudinière, équipe EIT). Ces raies, pro­viennent de températures de plus en plus chaudes depuis quelques dizaines de milliers de degrés dans la zone de transition pour l'He II jusqu'à envi­ron 2 millions de degrés dans la couronne pour la raie du Fe XV. D'une image à l'autre, les structures ne sont pas les mêmes. On remarque des régions sombres (nord-est du Soleil et également au-des­sus des pôles solaires) surtout visible dans le FeXII et le Fe XV. Il s'agit de régions de champ magné­tique ouvert, "les trous coronaux". C'est au-dessus de ces régions que se forme le vent solaire rapide. On observe également une multitude de points brillants particulièrement nombreux dans le Fe XII qui révèlent un échauffement thermique.

Figure 5 : Image en lumière blanche de la couronne solaire obtenue avec un des trois coronographes, C2, de l'instrument LASCO (courtoisie de P. Lamy, équipe LASCO). Le Soleil et la couronne interne sont bloqués par un occulteur (disque noir) cerclé de franges de diffraction. La couronne observée de 2.2 à 6 rayons solaires est typique du minimum d'activité solaire avec des grands jets confinés au plan équatorial.

c ipa l invest igateur est français : GOLF (Inst i tut d 'As t rophys ique Spat ia le , IAS, Orsay), EIT (IAS, Orsay) et SWAN (Service d'Aéronomie, SA, Verrières-le-Buisson). Un des trois coronographes de LASCO a été réalisé au Laborato i re d 'As t ronomie Spatiale, LAS, à Marseil le. SUMER a été construi t sous la responsabilité du MPAE en Al lemagne, avec une forte part ic ipat ion française (IAS, Orsay).

M E D O C (Mu l t i -Exper imen t Data a n d Operat ions Centre) à l ' IAS, Orsay, fonc­t ionne c o m m e centre auxil iaire du centre pr incipal d'opérations des instruments à Goddard Space Flight Centre et est centre européen d 'a rch ivage des données de SOHO.

SOHO est un des éléments de STSP (Solar Terrest r ia l S c i e n c e P rog ramme) dont les object i fs scient i f iques t ireront un très grand bénéfice d 'observat ions coor­données entre SOHO et les observat ions in s i tu qu i sont fourn ies par ULYSSES, GEOTAIL, INTERBALL, WIND, POLAR et bientôt CLUSTER. Il en sera de même pour les observat ions coordonnées avec les instruments au sol . En France, le coro­nographe H a du Pic du Midi , le radiohé-l iographe de Nançay, et bientôt le téles­cope opt ique THEMIS, aux Canaries, sont engagés dans les programmes d 'obser­vat ions coordonnées

Je remercie J.-P. Delaboudinière, A. Gabriel, P. Lamy, P. Mein, J.-C Vial et G. E. Artzner qui m'ont aidée à élaborer cet article et m'ont fourni les documents nécessaires.

Références [1] The SOHO Mission, éditeurs B. Fleck, V. Domingo, A.I. Poland, Kluwer Academic Publishers, Solar Physics, Vol. 162, N o s 1-2, 1995 [2] Cox A.N., Livingston, W.C. and Mathews M.S., Solar interior and Atmosphere, Space Science Series : University of Arizona Press, 1991. [3] V. Domingo, B. Fleck et A. I. Poland, Solar Physics, Vol. 162, N o s 1-2, p. 13, 1995.

Bulletin de laS.F.P. (104) mai 96 5

NOMAD : de la masse des neutrinos à la masse de l'Univers

Thierry Stolarczyk CEA-Saclay, DAPNIA, Service de Physique des Particules

Depuis deux ans, les t ro is t onnes de cib le du détecteur N O M A D sont t raver­sées par 1 0 1 2 n e u t r i n o s - m u o n s par seconde, produi ts par l'accélérateur SPS du CERN. À chaque bouffée, un ou deux neut r inos seu lemen t in terag issent . Les phys ic iens de la co l labora t ion espèrent observer, parmi le demi-million d'événe­ments enregistré chaque année, quelques réactions caractéristiques de la présence d 'un neu t r i no - tau v x . Ce t te découverte conf i rmera i t expérimentalement l ' hypo­thèse d'osci l lat ion des neutr inos, phéno­mène fondamenta l qui impl ique que les neut r inos so ient mass i fs . La masse des neutr inos est ainsi un paramètre-clé pour tenter de résoudre l'énigme de la masse cachée de l 'Univers.

La masse des neutrinos

L 'h is to i re du neu t r i no débute en décembre 1930 lorsque Wo l fgang Pauli postule, le premier, son exis tence pour exp l i que r q u e , d a n s un p r o c e s s u s de désintégration B (n —> p + e - + v e ) , le spect re en énergie des électrons est cont inu, s igna tu re d ' une cinématique à p lus de deux corps, c o m m e on l 'observait depuis le début du siècle. Après un accuei l mitigé, le "pet i t neutre" reçoit son nom de bap ­tême d 'Enr ico Fermi, a lors que ce lu i -c i écrivait la "théorie de la désintégration |3" qui por te désormais son n o m . En 1956, C.L. C o w a n et F. Reines appor te ron t la preuve expérimentale de l 'ex is tence de cet te part icule fantôme en observant les interact ions d 'ant ineutr inos émis par un réacteur à f ission nucléaire.

Le modèle s tandard de la phys ique des par t i cu les élémentaires o rgan i se la matière en 6 quarks et 6 leptons répartis en trois famil les. Les leptons se déclinent en trois saveurs, l'électron, le muon et le tau associés respect ivement aux neutr i -nos-électrons v e , neut r inos-muons vu et neutr inos-taus v T Les résultats ob tenus, ces dernières décennies, dans le domaine expérimental, en part icul ier auprès du LEP à Genève, [1] val ident le modèle s tandard de la phys ique des part icules. Néanmoins, ce dernier ne prédit pas les masses des neutr inos et s 'accommodera i t fort bien du fait qu'el les soient nulles. Or la masse des neutr inos est d 'une impor tance capi ta le lorsque l'on sait qu'à l' instar du rayonne­ment fossi le de photons à 3K, l 'Univers est to ta lement baigné de neutr inos à 2K : il en c o m p o r t e env i ron 100 par c m 3 et par espèce c o n t r e 10-7 p r o t o n par c m 3 en

m o y e n n e . Les neut r inos peuven t d o n c jouer un rôle essentiel dans le problème de la masse cachée de l 'Univers [2]. Les neu t r i nos , dépourvus de c h a r g e élec­tr ique, n ' interagissent avec la matière que par interact ion faible. A ins i , un neutr ino d 'un GeV n'a environ qu 'une chance sur 10 mi l l i ons d ' in te rag i r en t rave rsan t la Ter re . La probabilité d' interaction des n e u t r i n o s avec la matière croît avec l'énergie, et les neutr inos produi ts lors du b ig -bang ont maintenant une énergie de l 'ordre de 10~ 4eV ; dans un univers fictif, homogène, de densité égale à la densité m o y e n n e attribuée à l 'Un ive rs ac tue l (p = 10-7 p ro ton par c m 3 ) , cet te part icule voyagera i t 1 0 3 2 . . . années-lumière avant d ' indui re une réaction! On c o m p r e n d ainsi q u e les neu t r i nos p r o d u i t s lors du b ig -bang demeurent encore pour l ong­t e m p s indécelables.

Les l imites actuel les sur les masses de neutr inos sont m (v e )<5eV, m(vu) <160keV et m(v t )<24MeV [3]. Ces limites respectent à peu près les rapports de masse des lep­tons associés (m e = 511 keV, mu=106 MeV, m t =1,8GeV) . Ce fait provient pour l 'essen­tiel de ce que les différentes saveurs ne peuvent se coupler qu 'ent re elles. En effet, seuls deux processus sont permis pour l ' interaction faible d 'un neutr ino de type x = (e,u,t) sur un nucléon cible N (parti­cules désigne, en fait, la gerbe de part i ­cules résultant de l ' interaction) :

v x + N —> x + particules

v x + N —> v x + particules

ce qui cor respond respect ivement à une interact ion par échange d 'un boson inter­médiaire chargé W (courant chargé) et par échange du b o s o n neu t re Z° (couran t neutre).

Les oscillations de neutrinos

Si les neutr inos sont massifs, les trois états de saveur, v e , et v T , qui corres­pondent , au sens de la mécanique q u a n -t i que , aux états d' interaction avec la matière, ne sont pas forcément les états p ropres de p ropaga t i on . Les v obse r ­vés peuvent donc être un mélange des dif­férentes saveurs. On dit que le neutr ino osci l le. Pour mett re ce phénomène en évi­dence, il suff i t d 'observer dans un fais­ceau constitué init ialement de neutr inos d 'une saveur donnée la présence de neu­t r inos d 'une autre saveur.

Pour appréhender ces osci l lat ions, on peut se limiter au calcul avec deux neutr i ­nos. Considérons les deux états de saveur

et v T et les états de propagat ion asso­ciés v1 et v 2 de masses respect ives m1 et m 2 , m1 # m 2 . Un état "neut r ino" |v(t)) qui se p ropage est une combina ison linéaire des éfafs propres de propagation |v1) et | v 2 ) . Par contre, à la source (ainsi que dans le détecteur), on est sensible aux états de saveu rs vu) et |v T ) qu i son t les états propres de l'interaction.

Un état neutr ino u, peut se décomposer sur la base (|v1|),|v2)) :

|Vu) = |v1) cos0 + |v 2 ) sine

(et de même : |v x ) = -|v1) sine + |v 2 ) cos 0). On appel le 6 l 'angle de mélange. Avec le t e m p s |v-|) et | v 2 ) deviennent respect ive­ment |v-|)e"' E et |v 2 )e" l (E représentant l'énergie - on a s implement utilisé l'équa­t ion de Schrôdinger). La composan te |v x ) de l'état " n e u t r i n o " qu i s 'es t propagé jusqu'au détecteur, à l ' ins tant t, est ( v ( t ) | v x ) . A u t r e m e n t d i t , la probabilité d 'observer un état de saveur |v T) dans le détecteur s'écrit :

P ( v u v x ) = | ( v ( t ) | v x >| 2 =s i n 2 2 0 s i n 2 ^ )

Dans ce t te fo rmu le L désigne la d is ­t a n c e p a r c o u r u e et L v est la l ongueur d 'osci l lat ion exprimée en mètres :

L v = (2,48m) E(MeV)

A m 2 ( e V 2 ) A m 2 = m 2 - m 2 représente la différence des carrés des masses m1 et m 2 . Les deux paramètres utilisés pour l'étude des osci l ­lat ions des neutr inos sont A m 2 et l 'angle de mélange 8.

Pour que la probabilité d'oscil lat ion ne soit pas négligeable, il faut que le second terme sinusoïdal soit voisin de l'unité, ce qui détermine le domaine de A m 2 auquel sont sens ib les les expériences, à par t i r de l'énergie des neutrinos incidents et de la distance du détecteur à la source. On dis­t ingue ainsi plusieurs types d'expériences poss ib les se lon l 'or ig ine des neut r inos (table 1).

Dans le p lan ( A m 2 , s i n 2 29) , les expé­riences déterminent des régions au sein desquelles les osci l lat ions sont exc lues (figure 1).

A u c u n e expérience n'a enco re pu démontrer l ' ex i s tence du phénomène d'osci l lat ion des neutr inos.

6 Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96

Source

Réacteurs 2 3 5 U

v atmosphériques

Accélérateurs

" Long basel ine "

Soleil

Supernovas

vémis Énergie Distance

v e , v u

tous

tous

v e

tous

1 MeV

1 GeV

10 GeV

10 GeV

1 MeV

10 MeV

100 m

10 k m

1 km

1000 km

1 5 0 1 0 6 km

1 0 2 1 m

1 0 - 2 e V 2

1 0 - 1 e V 2

1 0 e V 2

1 0 - 2 e V 2

1 0 - 1 1 eV 2

1 0 - 2 0 eV 2

Table 1 : Ordre de grandeur de la zone en Am2 accessible en fonction de la source de neutrinos (pro­duction au sein des réacteurs nucléaires, à l'aide d'accélérateurs, par interaction du rayonnement cos­mique dans l'atmosphère, au sein du Soleil, lors des explosions de Supernovae, ici SN1987A dans le grand nuage de Magellan). La ligne " Long baseline " se réfère à des projets d'expériences pour lesquelles les neutrinos produits auprès d'accélérateurs seraient détectés environ 1000km plus loin (CERN-Gran Sasso, par exemple).

Figure 1 : Diagramme d'exclusion (Am2, sin2 20). On voit, en particulier, la zone exclue a l'heure actuelle (réacteurs, accélérateurs, neutrinos atmosphériques), la zone accessible à NOMAD et la région favorisée si les neutrinos constituent une partie de la masse cachée de l'Univers.

NOMAD : le principe

La c o l l a b o r a t i o n N O M A D (Neut r ino Osci l lat ion Magnet ic Detector) rassemble env i ron 150 phys i c iens européens. La part ie française est constituée du LAPP, à Annecy, du LPNHE, à l'université Paris 6-7 et du DAPNIA , au CEA-Saclay.

Le bu t de N O M A D est d ' o b s e r v e r l 'appari t ion de vt dans un fa isceau de v u . Si tel est le cas, le résultat ob tenu per­met t ra d 'af f i rmer que les neutr inos sont massi fs et que, par conséquent, ils part i ­c ipent à la masse cachée de l 'Univers. De plus, il s 'agira là de la première mise en évi­dence directe du vt ( l 'existence du vt est pour le momen t prouvée de façon indi ­recte par l'énergie qui manque dans les processus où intervient son lepton asso­cié, le t ) .

Si a u c u n vt n 'es t observé, N O M A D repoussera les l imites de la recherche sur les osci l lat ions c o m m e l'ont fait de n o m ­b reuses expériences ces dernières années. De plus, étant données les carac­téristiques du détecteur, NOMAD pourra améliorer les études faites par les expé­r iences précédentes (CDHS, C H A R M et chambres à bulles) sur les Interactions du v u avec la matière.

Faisceau de vu, apparition de vr

Le faisceau de neutr inos est produit à partir de protons de 450 GeV extraits du synchrot ron du CERN (SPS). Les protons interagissent dans une cible de béryllium et produisent des hadrons n ou K qui se désintègrent essentiel lement en u et v u . A la posi t ion de NOMAD, 940m plus loin, le f a i s c e a u est constitué de vu à 9 3 , 9 % (27GeV d'énergie moyenne), de vu (5,3%) d 'une peti te contr ibut ion de v e (0,7%) et de v e (0,2%). Les vt y sont prat iquement a b s e n t s ( p ropo r t i on calculée de 1 0 - 7 ) . L 'observat ion éventuelle d ' interact ions de vt dans le détecteur signerait donc forcé­ment une osci l lat ion.

Détection des vT

L'interaction d'un v e ou d'un par échange de W (courant chargé) produi t un lepton chargé de même saveur que le neu­tr ino incident. L'électron est stable et la

probabilité pour que le m u o n se désin­tègre dans le détecteur est très fa ib le (durée de vie de 2,2 us). Dans le cas du v t , le t produit se désintègre immédiatement. Sa durée de vie est de l 'ordre de 1 0 - 1 3 s, soit un parcours d 'environ 1 m m avant de se désintégrer et ne peut être vu d i recte­ment. Le t se désintègre essentiel lement dans les modes indiqués dans la table 2.

Mode Probabilité (%)

u ~ v u v x 17,8

e ~ v e v T 17,5

II-VX 10,8

p - v T 22,3

Table 2; Principaux modes de désintégrations du lepton T produit lors de l'interaction d'un vT.

On voi t que , dans les deux premiers modes où sont émis un e- ou un u- , le pro­cessus ressemble beaucoup à l ' interac­t ion d 'un v e ou d 'un vu. La différence c ru ­c ia le p rov ien t de ce qu ' i l ex is te une impor tante énergie manquante dans l'état final pu isque deux neutr inos s'échappent. Cet argument , accompagné d 'une étude poussée de la cinématique de chacun des événements, permet de signer une réac­t ion impl iquant un v t .

Caractéristiques du détecteur

Détecter la présence de vt dans le fais­ceau incident revient donc tout d 'abord à identif ier avec une excel lente précision les électrons et les muons , à mesurer la quan ­tité de mouvement de toutes les part icules produi tes afin de déterminer la quantité de mouvement manquante. Le détecteur doit donc avoir les caractéristiques suivantes: - être très massif afin d 'avoir une grande probabilité d ' in teract ion ; - pouvo i r mesurer , avec une excel lente précision, la quantité de mouvement des part icules produi tes ; - pouvo i r reconnaître les électrons, les muons ; - avoir une grande efficacité pour que la quantité de mouvement manquante ne soit pas due à des particules non détectées.

Pour reconst ru i re , aussi précisément que possible, la cinématique des événe­

ments, on utilise le champ magnétique de 0,4 Tesla créé par un aimant placé hor i ­zonta lement dans la direct ion perpendi ­cu la i re à l 'axe du fa i sceau . Le c h a m p magnétique courbe la trajectoire des par­t icules chargées: le rayon de courbure des par t i cu les pe rme t de remon te r à leur quantité de mouvement .

A l'intérieur de l 'a imant , o n t r o u v e (figure 2) des chambres proport ionnel les à dérive, un détecteur à rayonnement de transit ion, un détecteur de pieds de gerbe et un calorimètre électromagnétique.

Les chambres sont destinées à recons­truire les t races des part icules chargées et c o n s t i t u e n t la c ib le . P a r a d o x a l e m e n t , elles doivent être suf f isamment massives pour obtenir un nombre non négligeable d ' in terac t ions, mais, d 'aut re part, aussi légères que possible afin de minimiser les d i f fus ions mul t ip les des par t icu les p r o ­duites, qui détérioreraient la précision sur la mesure de la quantité de mouvement . La c ib le ac t i ve est constituée de 44 c h a m b r e s d ' un seul t enan t et de 5 chambres intercalées avec les modules du détecteur à rayonnement de transi t ion.

Figure 2 : Vue schématique en coupe du détecteur NOMAD. L'aimant crée un champ magnétique perpendiculaire au plan de cette figure qui courbe les trajectoires des particules. On a représenté une interaction de vu avec identification du u dans les chambres à muons. 1. Veto 2. Chambres à dérive 3. T1 4. Détecteur à rayonnement de transition 5. T2 6. Détecteur de pied de gerbes 7. Calorimètre électromagnétique 8. Calorimètre hadronique 9. Chambres à muons 10. Calorimètre avant 11. Retour de champ 12. Bobine de l'aimant

Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96 7

Chaque chambre compor te 3 plans de fils sensibles. Le tout représente une masse d 'env i ron 3 tonnes . Les c h a m b r e s per­met tent d 'a t te indre une précision sur la mesure de la posi t ion de 200 um dans le sens de la hauteur et 2 m m par dans le sens de la largeur. Les chambres à dérive ont été c o n s t r u i t e s au C E A - S a c l a y par le DAPNIA.

Le détecteur à rayonnement de t rans i ­t ion permet de dist inguer les électrons des pions avec un facteur de rejet supérieur à 1000. Il est constitué de 9 modu les d ispo­sés dans la dernière par t ie de la c ib le . Chaque modu le compor te un radiateur et un plan de détection. Les électrons pro­duisent, au p a s s a g e du rad ia teur , un rayonnement de t rans i t ion (pho tons de quelques keV) provoqué par la success ion de matériaux de constantes diélectriques différentes (315 feuil les de polypropylène dans du C 0 2 ) . Ce rayonnement , caracté­rist ique des électrons, est absorbé dans les p lans de détection. Le détecteur à rayonnement de transit ion a été construi t par le LAPP d 'Annecy.

Le détecteur de p ieds de g e r b e est constitué de deux plans de tubes, précé­dés d 'une plaque de p lomb-ant imo ine au sein de laquel le sont initiées les gerbes électromagnétiques des électrons et des photons, ce qui permet de les localiser. Les g e r b e s ainsi p r o d u i t e s s'étendent généralement dans le calorimètre électro­magnétique. La m e s u r e de l'énergie déposée permet, c o m m e dans le cas du détecteur à rayonnement de transi t ion, de discerner les électrons des pions. Cette per fo rmance est améliorée lorsque l 'on util ise le dépôt d'énergie associé dans le calorimètre électromagnétique.

Le calorimètre électromagnétique per­met de mesurer l'énergie des électrons et des photons . Le calorimètre est composé de blocs de verre au p lomb où les par t i ­cu les de la g e r b e électromagnétique, dépassant la vi tesse de la lumière dans ce mil ieu, produisent un effet Cerenkov (pro­duction de lumière d a n s un d o m a i n e p r o c h e du v is ib le) . C e t t e lumière est détectée par des p h o t o m u l t i p l i c a t e u r s

spéciaux (tétrodes) adaptés à l 'environne­ment magnétique.

A l'extérieur de l 'aimant, on t rouve un calorimètre hadronique et des chambres à muons.

Le calorimètre hadron ique détecte et mesure l'énergie des hadrons, en par t icu­lier les neutres (neutrons, K°) qui n'ont pas pu être détectés dans la part ie amont du détecteur. Il doit , en particulier, permet t re une étude plus poussée des deux modes de désintégrations de la table 2. Le ca lo­rimètre hadronique est constitué de plans de scint i l lateurs enchâssés dans la masse de fer qui sert à fermer le c h a m p de la bobine magnétique en aval. Les hadrons interagissent dans la masse de fer et pro­duisent des gerbes de part icules détec­tées par les scint i l lateurs.

Le détecteur à muons est composé de 5 m o d u l e s c o n t e n a n t c h a c u n deux c h a m b r e s à f i ls sens ib les . Ce système perme t de déterminer le passage d ' u n muon avec une précision intrinsèque de 250 um. Les muons ayant la particularité de n'interagir que très peu avec la matière, le b loc de fer fermant la bob ine de l 'aimant (c'est-à-dire le calorimètre hadron ique) sert de filtre à muons.

En p lus de ces sous-détecteurs, NOMAD est équipé de trois plans de sc in ­t i l lateurs utilisés c o m m e déclencheurs: le plan V (pour Veto) en amont , le plan T1 au début de la zone du détecteur à rayonne­ment de transit ion et le plan T2 juste avant le détecteur de pieds de gerbe. L' interac­t ion d 'un neutr ino ne produi t pas de signal dans V et en coïncidence un signal dans T1 et T2.

Conclusion Le faisceau de neutr inos du CERN fonc­

t ionne depuis avril 1994. Durant 1994, le détecteur a commencé à être installé et testé. En 1995, le détecteur était comple t au mois d'août, et environ 300000 inter­ac t i ons de on t été enregistrées. N O M A D devrait prendre des données au ry thme de 500000 interact ions par an, en 1996 et 1997.

Sur la figure 1, on a représenté le c o n t o u r d ' e x c l u s i o n q u ' o b t i e n d r a N O M A D avec environ un mil l ion d ' interac­t ions de v u - Si les neutr inos oscil lent aux l imites fixées par les expériences précé­dentes aux pe t i t s ang les de mélange (s in 2 20 ~ 5 .10 - 3 ) , alors environ 30 interac­t ions de v T devraient être enregistrées. Si aucun candidat v T n'est isolé par nos cr i ­tères de sélection, la l imite d 'exclus ion sur A m 2 ( A m 2 > 20 eV 2 ) sera améliorée d 'au moins un facteur 10, et NOMAD, de par ses caractéristiques p roches de cel les d 'une chambre à bulles, aura contribué à l'étude des interact ions de neutr inos.

Si on interprète les derniers résultats de GALLEX [4], expérience qui observe un déficit de v e provenant du Solei l , en termes d 'osc i l l a t ions de neut r inos , on pourra i t légitimement espérer un s igna l dans N O M A D .

Par cons t ruc t i on , en effet, le modèle s tandard de la phys ique des part icu les permet de mett re en relation les 3 famil les de leptons ((e,v e), (u,v u) et (x, v T)) avec res­pect ivement les trois famil les de quarks. Un modèle général de grande unif icat ion des forces prévoit même que les masses des neutr inos existent dans le rapport des carrés des masses des quarks, autrement dit m v e « m v u « m v t . De plus les hypo­thèses de ce modèle sont tel les que le déficit observé par GALLEX pourrait être associé à des osci l lat ions de type (v e ,v M ) . Le jeu de const ruct ion pourrait condui re à mVu~ 3 . 10 _ 3 eV et m V T = 1 0 eV. Avec une telle masse pour le les neutr inos cont r i ­bueraient largement à la masse cachée de l 'Univers ! Il reste à NOMAD à le confir­mer !

Références [1] " La belle physique de LEP ", Bulletin de la Société Française de Physique, 100 (1995) 36. [2] " A la recherche de la quintessence ", Bulle­tin de la Société Française de Physique, 96 (1994) 12. [3] Review of Particle Properties, Phys. Rev. D50 (1994) 1173. Mise à jour disponible en ligne sur le serveur WWW http : / / w w w -pdg . b . gov/ [4] "Les neutrinos solaires de GALLEX", Bulle­tin de la Société Française de Physique, 86 (1992) 25.

Une Unite Mixte de Recherches entre Thomson-CSF et le CNRS

Le CNRS et Thomson-CSF ont créé, au début de l'année 1995, une Unité Mixte de R e c h e r c h e s q u i , d a n s une première phase, réunit une équipe du Laboratoire Central de Recherche de Thomson-CSF et une équipe du Laboratoire de Physique des So l ides de l'Université P a r i s - S u d , pou r une r e c h e r c h e sur les structures magnétiques artif icielles.

L 'ex is tence d 'un laborato i re c o m m u n repose sur une analyse ident i f iant t ro is phases dist inctes dans le processus de reche rche : la première phase , d i te de r e c h e r c h e de base , précède une recherche orientée, justifiée par la prise de consc ience d 'app l ica t ions potent ie l les ; enfin le cyc le de recherche se termine par la phase di te de "recherche et dévelope-

A. Schuhl, A. Fert et A. Friederich

ment" . En fait, dès la deuxième phase, il apparaît des considérations stratégiques propres à l 'entreprise, sous deux formes : l'idée d 'un éventuel "produ i t " et de son intérêt stratégique et, d 'autre part, l'éva­luation réaliste des moyens à mett re en œuvre pour en assurer sa réalisation. Une Unité Mixte de Recherches se situe entre la recherche de base et la recherche or ien-

8 Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96

tée ; c 'est une st ructure charnière qui favo­rise le transfert de connaissances et qui se construi t grâce à la co-ex is tence dans un même lieu de che rcheurs f o n d a m e n t a ­listes et appliqués. Elle a donc le doub le object i f d 'explorer de nouveaux champs d'études fondamenta les , tout en cont r i ­buant à l ' identif ication et la mise en œuvre de nouveaux concep ts ou techno log ies destinés à générer de nouvel les activités de recherches finalisées. C'est cet te ana­lyse qu i , pour Thomson-CSF et le CNRS, s 'est concrétisée par la création de l'Unité M ix te de R e c h e r c h e s 0 1 3 7 , implantée dans les locaux de Thomson-CSF à prox i ­mité des moyens de haute technologie et la mise en place d 'un premier thème de recherches sur les "S t ruc tu res Magné­t iques Art i f ic iel les".

La co l l abo ra t i on ent re le Labora to i re Central de Recherche de Thomson-CSF et le Laboratoire de Physique des Sol ides de l'Université Pa r i s -Sud (URA-2 du CNRS) a été initiée, dès 1987, avec la volonté de regrouper autour d 'un object i f c o m m u n , d ' une part des compétences fondamenta les dans le domaine de la phy­s ique des métaux et, d 'au t re part , des m o y e n s t echno log iques impor tan ts . La démarche a été f ructueuse, elle a, en par­t icu l ier à son acti f , la découverte de la magnétorésistance géante dans les mu l -t icouches magnétiques. Les mul t icouches magnétiques sont faites de l 'empi lement alterné de couches d 'un métal fe r roma­gnétique (comme le fer ou le cobalt) et de c o u c h e s d ' u n métal non magnétique ( c o m m e le cu i v re , l 'or, l 'a rgent ou le chrome) . Les couches sont très f ines et se c o m p o s e n t souvent de que lques p lans a tomiques (Figure 1). L 'aventure des mu l ­t i couches a réellement démarré en 1986, par une i m p o r t a n t e découverte fa i te simultanément en Al lemagne et aux États Unis. Les chercheurs ont alors mis en évi­dence que , d a n s les m u l t i c o u c h e s fer/chrome ou gadol inium/yttr ium, les m o m e n t s magnétiques des c o u c h e s magnétiques successives sont couplés à travers l'épaisseur des couches d 'espa­c e m e n t en métal non magnétique. Ce coup lage est t ransmis par les électrons de conduc t ion qui se propagent d 'un bord à l 'autre des c o u c h e s non magnétiques. Pour certaines épaisseurs, le coup lage est te l q u e les a i m a n t a t i o n s de c o u c h e s magnétiques success ives prennent des direct ions opposées (couplage ant i ferro­magnétique). La nature du coup lage (fer­romagnétique ou antiferromagnétique) varie, en fait, de manière osci l lante, avec l'épaisseur des c o u c h e s non magné­t iques , et la période de l 'osci l lat ion est reliée à la géometrie de la su r face de Fermi de ces couches. L 'appl icat ion d 'un c h a m p magnétique fait basculer la super­structure antiferromagnétique vers un ar rangement où toutes les a imantat ions sont parallèles. Les t ravaux menés sur des mul t icouches Fe/Cr, dans le cadre de la col laborat ion entre le Laboratoire Central de R e c h e r c h e de T h o m s o n - C S F et le Laboratoi re de Physique des Sol ides de l'Université P a r i s - S u d , on t montré, en

Figure 1 : Mécanisme de la magnétorésistance géante pour une tricouche (Métal Ferromagné­tique 1)/(Métal Non Magnétique)/(Métal Ferroma­gnétique 2). Les flèches indiquent pour chacun des métaux magnétiques les directions respec­tives des spins majoritaires. On suppose (cas extrême) que les interfaces laissent passer les électrons de spin majoritaire (trajectoires en ligne droite) et diffusent ceux de spin minoritaire (tra­jectoires en lignes brisées). Quand les aimanta­tions des deux couches magnétiques sont ali­gnées, par un champ magnétique par exemple, les électrons de spin "haut" traversent toute la structure sans aucune diffusion, ce qui produit un effet de court-circuit. Lorsque les aimantations sont antiparallèles (couplage, coercivité diffé­rente...), cet effet de court-circuit disparaît. La résistance électrique est donc plus élevée.

1988, que ce retournement de la st ructure magnétique s ' accompagne d 'une chute b ru ta le de la résistance électrique. La même découverte a été fa i te p r e s q u e simultanément à Jülich en Al lemagne. La valeur basse de la résistance (état paral­lèle) est, pour certains systèmes, plus de deux fois inférieure à sa valeur en champ nul (état antiparallèle) d'où le n o m de magnétorésistance géante (MRG).

La MRG tire son origine des propriétés de la bande de conduc t ion des métaux de t rans i t ion ferromagnétiques : les demi-bandes de spin haut et de spin bas sont décalées en énergie. Une des deux demi-bandes peut avoir une conductibilité élec­tr ique bien supérieure à l 'autre. Si, dans une mul t icouche, tou tes les couches ont des aimantat ions parallèles, on a un effet de court-c i rcui t par le canal des électrons de la direction de sp in privilégiée. A u contraire, si les aimantat ions sont alter­nées, ce n 'est pas la même d i r ec t i on (absolue) de spin qui est privilégiée dans toutes les couches, l'effet de court circuit disparaît et la résistivité est beaucoup plus élevée (Figure 2). Des var ia t ions de la résistance électrique provoquées par un c h a m p magnétique étaient déjà b ien c o n n u e s dans de n o m b r e u x matériaux "magnétorésistifs". Ma is la va r ia t ion mesurée ne dépassait pas 2 ou 3 %. La découverte de la M R G dans les mu l t i ­couches magnétiques a permis de gagner p lus d ' un o rd re de grandeur . On c o m ­p r e n d l ' e n g o u e m e n t qu i a suiv i c e t t e découverte.

L'effet de M R G , est très vi te appa ru c o m m e très promet teur pour des appl ica­t ions liées à la détection magnétique, que ce soit dans des têtes de lecture, ou plus généralement d a n s des systèmes de mesure de champs magnétiques faibles. L 'ef for t i m p o r t a n t de la communauté internationale a permis de résoudre rapi ­dement deux problèmes qui l imitaient le potent ie l des mu l t i couches Fe/Cr dans

lesquelles la MRG fut découverte : d im i ­nut ion de l'effet à température ordinaire et c h a m p de re tournement t r op élevé. Le premier problème fut rapidement résolu par l ' introduct ion de nouveaux systèmes, c o m m e les mul t icouches Co /Cu , dont les MRG restent très importantes à tempéra­ture ordinai re. Le second problème est quant à lui lié au champ de retournement t rop élevé du système de mul t icouches Fe/Cr, dû au fort couplage ant i - fer roma­gnétique entre couches. Pour augmenter la sensibilité de l 'effet (changement de résistance/échelle de champ) , les efforts ont porté sur des systèmes présentant de fa ib les c o u p l a g e s c o m m e (FeNi /Ag)n . Ega lement , un a l ignement antiparallèle des aimantat ions a pu être obtenu sans coup lage antiferromagnétique, en ut i l i ­sant al ternat ivement deux types de maté­riau magnétique présentant des coerc iv i -tés différentes, c o m m e FeNi et Co, ou en b loquan t l ' a iman ta t ion d ' u n e c o u c h e magnétique sur deux par un couplage fort avec une c o u c h e antiferromagnétique. Aujourd 'hu i , on d ispose de plusieurs sys­tèmes de mul t icouches ou de t r icouches, présentant des effets importants de MRG à température ordinaire avec des sensib i ­lités importantes dans la gamme du mil i-Tes la ( (Co/Cu)n , F e N i / C u F e N i / F e M n , (Co/Cu/FeNi/Cu)n, etc.).

Les appl icat ions de la MRG sont mu l ­t i p les . Elle sera utilisée à très brève échéance dans des têtes de lecture de disques durs ou de bandes magnétiques (DCC, bande video), en bil letterie ou pour des capteurs magnétiques divers (détec­t ion magnétique ul t rasensib le, a u t o m o ­bile, etc.). Pour la lecture de disques durs par exemple, l 'augmentat ion de la densité de s tockage de l ' information et la d im inu­t ion cor respondante de la tail le des élé­ments magnétiques à détecter excluent, pour les générations futures de têtes de lecture, les senseurs tradit ionnels à induc­t ion. Déjà certaines têtes de lectures IBM sont équipées de senseurs magnétorésis­ti fs. Des améliorations importantes seront apportées par l ' in t roduct ion des maté­riaux mul t icouches à MRG. D'autres appl i ­ca t i ons p lus c o m p l e x e s son t déjà à l'étude. Des disposit i fs intégrant dans une même structure mul t icouche un élément de mémoire magnétique et sa lecture par MRG permettrait un accès très rapide à l ' information dans des mémoires de type R A M . L 'aven tu re des m u l t i c o u c h e s magnétiques évolue aujourd 'hui vers de nouveaux thèmes de reche rches . Les capacités t e c h n i q u e s ac tue l les pou r réduire les d imensions des objets magné­t iques dans les trois direct ions sont incon­tes tab lement génératrices de nouveaux ef fets et d ' ob je t s aux propriétés o r i g i ­nales. On peut pour cela utiliser les t ech ­niques de l i thographie, couramment uti l i­sées dans un laboratoire industriel c o m m e le LCR de Thomson-CSF, ou élaborer des matériaux à partir de peti ts agrégats de métaux magnétiques. Ces deux axes sont actuel lement explorés dans divers labora­toires, en particulier dans l'Unité Mixte de Recherches. La phys ique des agrégats

Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96 9

Figure 2: (a) Dans les multicouches dites "doux-dur", l'alignement antiparallèle des couches magnétiques est obtenu grâce à la différence de coercivité entre les matériaux magnétiquement "dur" et "doux". Cette structure est très sensible à la présence de ponts magnétiques qui couplent ferromagnétiquement les couches magnétiques adjacentes. Cela conduit à une diminution du contraste de coercivité et donc un abaissement notable de la magnétorésistance. (b) : En remplaçant la couche magnétiquement "dur" par une assemblée d'agrégats, on diminue considérablement la portée de chaque pont magnétique. Le contraste de coercivité est ainsi restauré avec une grande magnétorésistance à champ faible.

magnétiques soulève a c t u e l l e m e n t un grand nombre de problèmes intéressants. On peut citer l 'appari t ion de ferromagné­t i sme ou l 'ampl i f icat ion de l 'anisotropie magnétique par effet de surface, les p ro ­blèmes liés à la dynamique de renverse­men t du m o m e n t d ' u n e par t i cu le à de l'effet tunnel entre deux or ientat ions de ce moment , etc. Des effets de MRG sont éga­lement observés dans des matériaux à base d'agrégats, en part icul ier leur Intro­duction dans des mu l t i couches nous a permis d'améliorer net tement la perfor­mance de certains systèmes en terme de sensibilité au c h a m p magnétique. En effet dans les systèmes uti l isant deux maté­riaux à coercivité différentes, les défauts s t r u c t u r a u x qu i c o u p l e n t les c o u c h e s magnétiques "dure" et " d o u c e " atténuent for tement le cont raste de coercivité. Ce coup lage peut être fo r tement réduit en remplaçant les c o u c h e s dures par des couches d'agrégats.

Une nouvelle di rect ion de recherche, de type composan t électronique, est aussi a p p a r u e récemment, amorcée par les études de MRG en courant perpend icu­laire et à l 'observat ion des phénomènes liés à " l 'accumula t ion" de spins aux inter­faces. A cause de ces effets d 'accumu la ­t ion de sp in , la longueur d'échelle des phénomènes de type MRG devient la lon­gueur de d i f f us ion de sp in qu i peu t atteindre le micron. Cela permet d 'obteni r des phénomènes intéressants par des t e c h n i q u e s d'électrodéposition ou de l i t hog raph ie . A ins i , l 'UMR pa r t i c i pe à l'étude de nanofi ls stratifiés obtenus par électrodéposition en co l labora t ion avec une équipe de Louvain- la-Neuve. Un autre type de structure à t ranspor t pe rpend icu ­laire dont l 'UMR poursui t l'étude est celle appelée "transistor de sp in " , laquelle a été proposée par une équipe de Bel lcore aux Etats-Unis. Dans cet te st ructure, un c o u ­

rant d'électrons polarisés est injecté depuis un métal magnétique vers un métal non magnétique c o m m e le cuivre. L 'accu­mulat ion de spin se traduit alors par une tension détectée par un autre métal ferro­magnétique et don t le s igne dépend de l 'orientation de l 'aimantat ion de ce métal. Les chercheurs de Bel lcore ont montré la capacité de modula t ion de courant élec­tr ique dans ce type de structure et les pos­sibilités fascinantes ouvertes pour la réa­l isa t ion de mémoires non -vo la t i l es à lecture rapide (10 Ghz) ou de disposi t i fs de type transistor extrêmement miniaturisés. L'appel lat ion de "transistor" est certes un peu abusive pour la structure étudiée par M. J o h n s o n , mais l 'u t i l isat ion de tech­niques p lus p e r f o r m a n t e s , te l le q u e la l i t hog raph ie électronique, p e r m e t t r a d 'env isager la réalisation de d ispos i t i fs net tement plus compétitifs. Face aux t ran­sistors à semi -conduc teurs , le pr incipal avantage de ce type de commuta teur est lié à la pet i tesse des grandeurs caracté­rist iques dans le métal, pr incipalement les l ibres parcours moyen électroniques et de sp in . D'ores et déjà, des calculs théo­r iques m o n t r e n t q u e l 'u t i l i sa t ion a s t u ­c ieuse de ces propriétés pourrait condui re à une nouvel le génération de composan ts mieux adaptés à une plus grande min iatu­r isa t ion q u e les c o m p o s a n t s s e m i ­conducteurs .

Les études sur le t ranspor t polarisé en spin sont actuel lement généralisées à dif­férents type de structures, faisant interve­nir non seulement des matériaux métal­l iques, mais auss i des iso lants ou des semi-conducteurs . En particulier, un effort i m p o r t a n t est a c t u e l l e m e n t mené en étroite col laborat ion entre l'Unité Mixte et l'équipe de G. Lampel du Laboratoire de Phys ique de la Matière Condensée de l'École Poly techn ique, sur le p h o t o c o u ­rant dépendant du spin à l ' interface AsGa-

Fe ou dans des structures plus complexes avec des barrières en AIGaAs. La poss ib i ­lité de placer un matériau ferromagnétique en proximité immédiate d ' u n s e m i ­conduc teur ouvre aussi de nouveaux axes de recherche , c o m m e l ' in ject ion tunne l d'électrons polarisés qui permett ra i t de réaliser une porte opto-électronique à c o m m a n d e magnétique. D'une manière plus générale, ce domaine que l'on c o m ­mence à appeler la magnétoélectronique ou l'électronique de spin est très promet­teur d'effet nouveaux et de composan ts électroniques originaux. La concept ion de disposi t i fs passera bien sûr par l 'explora­t ion et la compréhension sur le plan fon ­damenta l , de la phys ique du transport de spin. D'un autre côté, la réalisation de ces disposi t i fs prof i tera de manière détermi­nante des techno log ies de type mic ro -électronique qui sont couramment mises en œuvre dans un laboratoire c o m m e le LCR de Thomson-CSF.

L'Unité Mix te de Recherches C N R S / T h o m s o n - C S F s 'engage donc , dans un p remie r t e m p s , d a n s le d o m a i n e des St ruc tu res Magnétiques Art i f ic ie l les, en abordant un certain nombre de voies nou­ve l les de ce thème de reche rche . Elle en tend prof i ter de la réunion de fonda ­mental istes et de physic iens des d ispos i ­t i fs, de la col laborat ion de spécialistes du magnétisme et de physic iens des semi ­c o n d u c t e u r s , de la m ise au serv ice du même ob jec t i f de compétences en recherche fondamenta le et de techno lo­g ies sophistiquées. La triple a p p a r t e ­nance (CNRS, Université et T h o m s o n -CSF) des c h e r c h e u r s qu i t rava i l len t ensemble dans l 'UMR ne peut aussi que favoriser la mult ip l icat ion des interact ions entre Thomson-CSF et les organismes de recherche d'état que sont le CNRS et les Universités

ICIFUAS 11 La 1 1 e conférence internationale sur le

f ro t tement intérieur et l'atténuation des ondes ul t rasonores dans les sol ides aura Heu du 7 au 11 juil let 1996, à l 'E.N.S.M.A., au Futuroscope de Poit iers. (Renseigne-nements : J . de Fouquet, Laboratoire de Mécanique et de Physique des Matériaux, ENSMA, BP №109, 86960 Futuroscope Cedex, fax : 49 49 82 38)

ICF7 La septième conférence internationale

sur les ferri tes aura lieu à Bordeaux, du 3 au 6 sep tembre 1996. Un hommage sera rendu à Louis Néel pour ses travaux pré­curseurs sur le ferrimagnétisme. (Rensei­gnements : Vladimir Cagan, ICF7, Labo­ratoires CNRS, 92195 Meudon , fax : 1-39 25 46 52)

IRaP 96 Le 2e sympos ium international sur les

rayonnements Ionisants et les polymères aura l ieu à la G u a d e l o u p e , du 3 au 8 novembre 1996. (Renseignements : Nata-c h a Betz , IRaP 96 , CEA Sac lay , D S M / D R E C A M / S R S I M , 91191 Gi f -sur -Yvet te Cedex)

10 Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96

Le Huron et la superfluidité

Yves Pomeau Laboratoire de Physique Statistique, associé au CNRS, École Normale Supérieure,

et Département de Mathématiques, Université d'Arizona, Tucson, AZ 85721, États-Unis

On connaît le charmant petit conte Vo l -tairien rapportant les aventures d 'un Huron naïf découvrant la France et Paris, l'esprit tout plein de la lecture de l 'Ancien et du Nouveau Tes tament . Inuti le de dire que tous les grands pr inc ipes lui paraissent peu compat ib les avec ce qu' i l découvre. Cet te pet i te in t roduct ion pour faire part d 'un étonnement un peu semblab le qui m'a saisi en essayant de comprendre le statut actuel de la théorie de la superf lu i­dité, et, j ' y viendrai, de la supraconduct i ­vité. Il y a bien long temps que Jacques Yvon nous avait initié aux mystères de la the rmodynamique (on ne parlait guère à l'époque de mécanique s ta t i s t i que , et pourtant il y avait plus de théorie cinétique "mécanique" q u e ma in tenan t ) , et qu ' i l exp l i qua i t que la t rans i t i on l a m b d a de l'Hélium 4, le seul super f lu ide c o n n u à l'époque, était une condensat ion de Bose, la température de transit ion observée co l ­lant à peu près avec la théorie.

Revenant sur le sujet bien des années plus tard , j 'a i le réflexe, c o m m e beaucoup, de regarder d 'abord ce qu 'en dit Landau, et je lis les deux articles du maître sur le sujet [L.D. Landau, J . Phys. USSR 5, 71 (1941) ; 9, 23 (1949)]. Ô surprise, Landau c o m m e n c e j u s t e m e n t en réfutant en quelques lignes peu amènes la théorie de Tisza, qui liait la superfluidité à la conden ­sa t ion de Bose . Le reste , pur che f -d'œuvre, exp l i que la superfluidité, la vitesse l imite, la température de transit ion, la chaleur spécifique en fonct ion de la t e m ­pérature, et prédit le spectre des exci ta­t ions, le tout sans la moindre allusion à la stat ist ique des part icules, bosons ou fer­mions. J'avais donc été mal Informé lors de mes études studieuses, et Landau me convainc : la superfluidité n'a rien à voir avec la stat ist ique des part icules, bosons ou fermions.

Hérésie ! Que l'on fasse taire ce Huron ignare , l 'abus des mathématiques for ­mel les l 'aura égaré ! Il ra isonne au lieu d 'observer, il essaie même de comprendre les maîtres. Bien sûr, mea culpa, j 'ava is oublié la quant i f icat ion de la c i rculat ion, experimentum crucis de l 'ordre de phase boson ique à longue portée, avec Para­mètre d 'Ordreet tout let intouin. Nous voilà en ter ra in so l ide : il y a un paramètre

d 'ordre, la fonct ion d 'onde du condensât (donc des bosons) de module déterminé et de phase arbitraire. Autour d 'un défaut de phase du paramètre d ' o r d r e , la phase tourne de 2 , et la quanti f icat ion de la cir­culat ion suit de la relation entre gradient de phase et vitesse en mécanique quant ique de base. Mais est-i l certain que la quant i ­f icat ion de la c i rcu la t ion ne puisse être expliquée qu 'en faisant appel à un "ordre de phase boson ique" ? L'idée de quant i f i ­cat ion de la circulat ion est due à Onsager, qu i l 'avait mentionnée c o m m e une remarque après une conférence de Görter [L. Onsager, Nuovo Cimento Suppl. 6, 249 (1949)]. Il n'est pas facile de reconsti tuer complètement l 'argument d 'Onsager, en l 'absence de publ icat ion détaillée. On peut tout de même remarquer qu' i l n'y a aucune ment ion d 'ordre de phase dans ce qui a été transcr i t , et la log ique de l 'argument ne l ' impl ique nul lement. Le point de départ d 'Onsager est bien celui de Landau, c 'est-à-dire qu' i l imagine l'écoulement super­f luide c o m m e obtenu par une t ransforma­t ion Galiléenne de l'état f o n d a m e n t a l , bosons ou fermions, aucune importance (Onsager se limite à une transformat ion de phase fa ib lement non un i fo rme, ce qui revient au même qu 'une t ransformat ion Galiléenne infinitésimale). Dans une géo­métrie en anneau, ce t te t rans fo rmat ion Gallléenne, pour préserver l'uniformité de la fonct ion d 'onde, doit faire changer sur un tour la phase d 'un mult iple entier de 2 Π. Il s 'ensuit que la circulation du champ de v i tesse est quantifiée. Ensui te Onsager imagine des régions annulaires emboîtées, c h a c u n e de fa ib le ex tens ion rad ia le et effectue la t ransformat ion du même entier dans chaque anneau [ceci dans une édi­t ion du livre de London : "Supe r f l u i ds " Vol . Il, Wiley, New York 1949, p. 151 ; dans le c o m m e n t a i r e de la conférence, il se contente d'évoquer un tore annulaire dont on ferait disparaître continûment le t rou central]. Le résultat est la quant i f icat ion de la circulat ion le long de n' Importe quelle courbe entourant le centre de ce système d 'anneaux. Cet a rgument suit en dro i te ligne des concept ions de Landau et ne fait appel à aucun Paramètre d 'Ordre, ni a for­tiori à la stat ist ique des part icules. Ce qui ne veut évidemment pas d i re qu ' i l ne s 'appl ique pas aux bosons, mais l 'argu­

ment fonct ionne tout aussi bien avec des fermions, pourvu que ceux-ci satisfassent au critère de Landau sur la v i tesse de phase des excitat ions, critère qui définit la superfluidité. Le cas des particules char­gées appellerait une discussion qui sort un peu du cadre de ce papier d 'humeur.

L'alpha et l'oméga actuel de la théorie de la supraconductivité est l'idée qu' i l faut faire des bosons avec des fermions. Les lapins (fermioniques) une fois transformés en tourterelles (bosoniques), on liquéfie le sang de Saint Janvier par congélation : ces bosons ont le bon goût de subir alors une transit ion de Bose et nous tenons notre superf luide. Ces bosons seraient faits de paires de fermions, d'où un facteur 2 dans le quantum de London de flux magnétique à travers une boucle : London, utilisant un argument proche de celui d 'Onsager, pré­voit une quanti f icat ion du flux en unités de hc/e (h constante de Planck, c vitesse de la lumière et e charge de l'électron), alors que les expériences donnent hc/2e. Il est bien tentant de multiplier par 2 la charge de l'électron du quantum de London, pour en faire une paire et se retrouver d 'acco rd avec les manips. Avec Sergio Rica, nous avons imaginé une autre expl icat ion, qui revient à diviser h par 2 au lieu de multiplier e par 2. L'idée suit un peu les pr incipes de la théorie de Landau : la fonct ion d 'onde des fermions a deux symétries, une de phase et une de rotation de spin. Dans une géométrie en anneau, la quanti f icat ion de la circulation suit de la contrainte d'unifor­mité de la fonct ion d 'onde : faisant tourner la pos i t ion d ' une par t i cu le q u e l c o n q u e d 'un tour, on doit retrouver la même fonc­t ion. Si, le long de ce tour, on fait tourner les spins de 2 Π autour d 'un axe f ixe, on change le signe de chaque spineur (une propriété pas évidente du spin 1/2). Ce changement de signe peut être rattrapé par une rotation de la phase de π au cours du même tour , ce qui rend la f onc t i on d 'onde totale uniforme et divise par deux le quantum de London, c o m m e observé. Len Pismen, du Technion avait imaginé [ L N . Pismen, Physica D 73 (1994), p. 244] avant nous ces défauts avec rotation c o u ­plée de la phase et du spin 1/2, sans faire toutefois le lien avec le h/2 du quanta de London

Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96 11

Le premier mars, il y a 100 ans...

Henri Becquerel découvrit la radioactivité

Pierre Radvanyi et Monique Bordry

Comment la chance sourit à ceux qui sont bien préparés

Henri Becquerel était déjà académicien, professeur au Muséum d'His to i re Natu ­rel le a insi qu'à l 'Eco le P o l y t e c h n i q u e , lorsqu' i l assista, le 20 janvier 1896, à une séance mémorable de l'Académie des Sciences. Il était fils et petit-f i ls de phys i ­cien et d'académicien. Très jeune, il s'était fai t connaître par une jo l ie expérience dans laque l le il souf f la i t f o r t e m e n t sur l'étincelle d ' i nduc t ion au m o m e n t de la rupture du courant électrique traversant un électro-aimant et étudiait l 'ef fet ob tenu.

Lors de la séance du 20 janvier, Henri Poincaré présenta la découverte des rayonsXqu i venait d'être faite par Wi lhelm Rontgen dans la peti te ville de Würzburg, au centre de l 'Al lemagne. Henri Poincaré montra à ses confrères non seulement des clichés obtenus par Rontgen mais égale­ment la première r a d i o g r a p h i e des os d 'une main o b t e n u e en France par les médecins Oudin et Barthélémy. Le mathé­matic ien et physic ien français remarqua que Rontgen indiquait que les rayons X provenaient de la part ie du tube de verre, f o r t e m e n t f l uo rescen te , frappée par le fa isceau de rayons ca thod iques . Il émit l'hypothèse que f luorescence et rayons X étaient des phénomènes associés.

H. Becquerel d iscuta avec Poincaré; il était, à la suite de son père Edmond Bec­querel , le spécialiste français des phéno­mènes de luminescence qui comprennent la f l u o r e s c e n c e , émission de lumière presque instantanée et la p h o s p h o r e s ­cence, émission qui persiste après la sup ­pression de l 'exci tat ion. Il pensa qu' i l était en mesure de vérifier cet te hypothèse. Il r e tou rna d a n s son labo ra to i re du Muséum, rue Cuvier, et se mit en quête de substances luminescentes. Il choisi t dans sa co l l ec t i on un échantillon de su l fa te doub le d 'u ran ium et de po tass ium qu' i l avait préparé quinze ans plus tôt avec son père. L'échantillon était constitué de cr is­taux formant une croûte mince et t rans­paren te . Il f i t l'expérience su ivan te (24 février 1896) :

"On enveloppe une plaque photogra­phique Lumière, au gélatino-bromure, avec deux feuilles de papier noir très épais, telle que la plaque ne se voile pas par une exposition au Soleil, durant une journée.

On pose sur la feuille de papier, à l'exté­rieur, une plaque de la substance phos­phorescente, et l'on expose le tout au Soleil, pendant plusieurs heures. Lors­qu'on développe ensuite la plaque photo-

Henri Becquerel dans son laboratoire du Muséum d'Histoire Naturelle. © Archives Curie. DR.

graphique, on reconnaît que la silhouette de la substance phosphorescente appa­raît en noir sur le cliché. Si l'on interpose, entre la substance phosphorescente et le papier, une pièce de monnaie ou un écran métallique percé d'un dessin à jour, on voit l'image de ces objets apparaître sur le cliché...

On doit donc conclure de ces expé­riences que la substance phosphores­cente en question émet des radiations qui traversent le papier opaque à la lumière et réduisent les sels d'argent." [1]

L'hypothèse discutée avec Henri Poin-caré semblai t donc confirmée, mais Henri B e c q u e r e l , o b s e r v a t e u r précis et consciencieux, ne s'en tint pas là. Il v o u ­lut répéter son expérience, mais le Soleil n'était pas au rendez-vous. Une semaine après, il rappor ta à l'Académie :

"Les mêmes lamelles cristallines, pla­cées en regard de plaques photogra­phiques dans les mêmes conditions et au travers des mêmes écrans, mais à l'abri de l'excitation des radiations incidentes et maintenues à l'obscurité, produisent encore les mêmes impressions photogra­phiques. Voici comment j'ai été conduit à faire cette observation : parmi les expé­riences qui précèdent, quelques-unes avaient été préparées, le mercredi 26 et le jeudi 27 février, et, comme ces jours-là, le Soleil ne s'est montré que d'une manière intermittente, j'avais conservé les expé­

riences toutes préparées et rentré les chassis à l'obscurité dans le tiroir d'un meuble, en laissant en place les lamelles du sel d'uranium. Le Soleil ne s'étant pas montré de nouveau les jours suivants, j'ai développé les plaques photographiques, le premier mars, en m'attendant à trouver des images très faibles. Les silhouettes apparurent, au contraire, avec une grande intensité. Je pensais aussitôt que l'action avait dû continuer à l'obscurité..." [2]

C'était la découverte de la radioactivité — ce substant i f ne fut créé que deux ans plus tard par Pierre et Marie Curie. H. Bec­querel fit l'hypothèse qu' i l pouvait s'agir "de radiations invisibles émises par phos­phorescence et dont la durée de persis­tance serait infiniment plus grande que la durée de persistance des radiations lumi­neuses émises par ces corps".

Le 9 mars, le physic ien du Muséum, ut i ­l isant l'électroscope à feu i l les d 'o r de M. Hu rmuzescu , s ignala que "les radia­tions invisibles émises dans ces condi­tions ont la propriété de décharger les corps électrisés soumis à leur rayonne­ment". Il observa que — tout c o m m e les rayons X — ce rayonnement rendait les gaz conducteurs de l'électricité.

En mai, H. Becquerel découvrit un fait nouveau important : "Tous les sels d'ura­nium que j'ai étudiés, qu'ils soient phos­phorescents ou non par la lumière, cristal­lisés, fondus ou dissous, m'ont donné des résultats comparables ; j'ai donc été conduit à penser que l'effet était dû à la présence de l'élément uranium dans ces sels, et que le métal donnerait des effets plus intenses que ses composés. L'expé­rience faite il y a plusieurs semaines.... a confirmé cette prévision; l'effet photogra­phique est notablement plus fort que l'impression produite par un des sels d'uranium..." [3]. Le savant avait at tendu pour publier ses résultats que Henri Mois-san ait mis à sa d ispos i t ion des échan­til lons d ' u r a n i u m métallique préparés d a n s son four électrique. Il pensa que c'était "le premier exemple d'un métal pré­sentant un phénomène de l'ordre d'une phosphorescence invisible".

En novembre, il appela ces rayons péné­t ran ts , "radiations uraniques", et no ta : "l'on n'a pu reconnaître encore où l'ura­nium emprunte l'énergie qu'il émet avec une si longue persistance".

Le 12 avril 1897, H. Becquerel indique dans une note aux Comp tes Rendus que l'intensité du rayonnement de l 'uranium est demeurée constante depuis plus d 'un an . Il va alors in terrompre ses expériences

12 Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96

sur les rayons uraniques, ayant sans doute le sent iment d'avoir — provisoirement — épuisé le sujet. Il se consacrera à l'étude de l'effet Zeeman qui avait été découvert aux Pays -Bas q u e l q u e s mo is p lus tôt; l ' interaction entre un champ magnétique et la lumière l'avait toujours particulière­ment intéressé.

Les nouveaux radioéléments et les énigmes des rayonnements

Fin 1897 , Mar ie C u r i e - S k l o d o w s k a commence ra ses propres recherches sur les rayons de Becquere l . Elle découvrira, en avril 1898, que les minéraux d 'uran ium son t p lus ac t i f s q u e l ' u ran ium qu ' i l s con t iennent et émettra l'hypothèse que c e s minéraux c o n t i e n n e n t , en fa ib le teneur , un élément rad ioac t i f i n c o n n u . C'est alors que Pierre Curie abandonnera ses t ravaux en cou rs pou r j o i nd re ses ef for ts à ceux de sa f e m m e ; tous deux découvriront, en juillet 1898, le po lon ium et, en décembre de la même année, le rad ium. Les notes rappor tant la décou­ver te de ces deux nouveaux éléments se ron t présentées à l'Académie des Sciences par Henri Becquere l . Ces résul­tats att i reront immédiatement l 'attention générale du m o n d e sc ien t i f i que : d ' une part, ils montrent que la radioactivité est un phénomène plus général ; d 'autre part, le rad ium, plus de 1 mill ion de fois plus actif que l 'uranium, deviendra un puissant outi l pour explorer la structure mic rosco­p i q u e de la matière et pou r t ou tes les appl icat ions de la radioactivité. Becquerel lui-même nota à ce sujet "les nouveaux produits découverts par M. et Mme Curie donnèrent à la question une extension considérable en révélant des phénomènes que le faible rayonnement de l'uranium eût été, sinon impuissant, du moins beaucoup plus lent à manifester " *.

Fin mars 1899, Henri Becquerel reprend ses expériences sur le rayonnement des co rps radioact i fs. Des sources de po lo ­n ium et de radium lui sont prêtées par P. et M. Curie et lui permet tent de comparer le rayonnement émis par ces deux radioélé­ments avec celui de l 'uranium. Il observe que celui du po lon ium est beaucoup plus absorbab le que les deux autres.

Becquerel ci te les noms de physic iens br i tanniques et a l lemands qui ont publié dans l ' intervalle sur ce sujet. Parmi eux, un jeune physic ien d 'or ig ine néo-zélandaise qui vient d 'achever sa thèse à Cambr idge auprès de J . J . T h o m s o n . C 'es t Ernest Rutherford qui a étudié le rayonnement de l 'uranium avec une chambre d ' ionisat ion reliée à un électromètre. Il a étalé la poudre d 'uran ium en couche mince sur le plateau Inférieur de sa chambre et consta te que le rayonnement est comp lexe : un rayonne­ment très absorbab le qu' i l appel le rayon­nement a et un autre, plus pénétrant, qu' i l n o m m e rayonnement B. Sa pub l i ca t ion

* Un article sera consacré ultérieurement aux travaux de Pierre et Marie Curie.

paraît au début de 1899, mais el le est datée du 1 e r sep tembre 1898.

Ces appe l l a t i ons m e t t r o n t q u e l q u e s années pour être adoptées par tou t le m o n d e . En a t tendant , des expériences nombreuses — et parfois contradicto i res — vont se succéder, menées par H. Bec­querel , par P. et M. Curie, par E. Ruther­fo rd mais aussi par St. Meyer et E. von Schweidler, à Vienne, et par F. Giesel, à B runsw ick . Pour démêler les rayonne ­ments émis et en déterminer les caracté­rist iques, on va les soumet t re à l 'act ion d 'un c h a m p magnétique, puis d 'un champ électrique. On ne parv iendra pas , tou t d 'abord, à dévier le r a y o n n e m e n t très absorbable (les a ) et on l 'appellera sur le con t i nen t , p e n d a n t q u e l q u e t e m p s " rayonnement non déviable"; le rayonne­ment pénétrant (les p), par contre, est fac i ­lement courbé dans un c h a m p magné­tique et on l 'appe l le ra " r a y o n n e m e n t déviable". En q u e l q u e d i x -hu i t mo i s , grâce, en par t i cu l ie r , aux expériences faites à Paris, on constatera que le rayon­n e m e n t "déviable" t r a n s p o r t e des charges négatives et qu' i l est ident ique aux rayons c a t h o d i q u e s , mais de p lus grande énergie ; ce sont des électrons.

Il f a u d r a toute l'ingéniosité d 'E rnes t Ruther ford , devenu professeur à Mon t ­réal, pour réussir, à la f in de 1902, à dévier les rayons a, sous atmosphère d 'hydro ­gène, dans un puissant c h a m p magné­t ique, puis dans un champ électrique, et pour montrer qu' i l s 'agissait de part icules de charge posit ive, animées d 'une grande vi tesse, et d 'une masse bien supérieure à cel le des électrons, comparab le à cel le des "rayons posi t i fs" , mis en évidence par E. Goldstein dans les tubes à décharge.

En avril 1900, Paul Vi l lard, du laboratoire de ch imie de l'École Normale, met en évi­dence dans le rayonnement du rad ium, une composan te non déviable, extrême­ment pénétrante, se présentant c o m m e des rayons X de très grande énergie. Ce sera le rayonnement Y auquel Becquerel d 'abord refuse de croire et qu' i l n 'accep­tera qu 'au bout d 'un an.

En juil let 1900, cherchant à purifier ses échantillons d 'u ran ium par un nouveau procédé, H. Becquere l a des dou tes ; il note qu' i l retire à chaque fois de l'activité, l 'uranium devenant de mo ins en mo ins actif, quo ique d 'une façon irrégulière. Au bout de 18 opérations de puri f icat ion suc­cessives, le rayonnement mesuré au t ra­vers du pap ie r noir n 'est p lus q u e le sixième environ de son intensité initiale. Le physicien conclut : "ces expériences, qui demandent à être reprises et complétées, ne permettent pas encore de décider si l'uranium possède une activité propre, ou si cette activité est due à une substance étrangère qu'on pourrait enlever en tota­lité, de manière à obtenir de l'uranium inactif". Deux mo is aupa ravan t , à Londres, Wi l l iam Crookes avait fait une observat ion similaire et avait séparé de l 'uranium un corps très actif que, faute de mieux, il avait provisoirement appelé ura­

n ium X. Becque re l se rassura , car , q u e l q u e s mo is p lus t a r d , son uran ium avait regagné son activité initiale.

Becquerel rechercha si l 'uranium émet­tait bien le "rayonnement non déviable et très absorbable" (rayons a) qui avait été observé par Rutherford. A cet te f in, en j an ­vier 1902, il réalisa une expérience so i ­gnée, dans laquel le il plaça la s o u r c e rad ioac t i ve d i r e c t e m e n t c o n t r e une p laque pho tog raph ique dans le c h a m p un i f o rme d ' un a iman t pe rmanen t . Il n 'observa pas de rayons a malgré un très long temps de pose. Il cons igna : "Il n'y a pas eu trace d'impression par des rayons a très actifs, bien que l'on s'attendît à cette constatation par les conclusions des recherches de M. Rutherford" [4]. Il avait voulu conserver sa méthode expérimen­tale habi tuel le et avait tassé la matière act ive dans la fente const i tuant la source ; de ce fait, l 'auto-absorpt ion pour les par­t icules a était max imum, alors qu'el le était faible pour les part icules |3, contrairement à ce qui avait été le cas dans le disposit i f de Rutherford. De plus, les a de l 'uranium ont un parcours plus faible que ceux du radium ou du polon ium. Becquerel cepen ­dant écrivit : "Il paraît donc résulter de (mes) observations que l'on soit en droit de conclure à l'absence, ou du moins à la faible proportion, dans le rayonnement de l'uranium de cette partie a que l'on ren­contre dans le rayonnement du radium et du polonium. " Dans sa conférence Nobel , à S tockho lm, en décembre 1903, il soul i ­gna à nouveau : "...que, même dans le vide, l'uranium n'émet que des rayons B... "

En 1902, à Montréal, Ernest Rutherford et Frederick Soddy montrèrent, à partir du thor ium et de ses dérivés, que la radioac­tivité est la t ransmutat ion spontanée d 'un élément ch imique en un autre par émis­sion de rayonnement. Les radio-éléments formaient des famil les radioact ives dans lesque l les un parent de très l ongue période avait des descendants successi fs de période plus courte. Le rayonnement, impressionnant la p laque photograph ique à travers le papier noir, qui permit à Bec­querel de découvrir la radioactivité, était non pas le rayonnement a de l 'uranium, mais le rayonnement |3 de ses descen­dants directs, l 'uranium X1 et l 'uranium X 2 , que l'on appel le aujourd'hui le thor ium 234 et le protact in ium 234 m.

Henri Becquerel et Pierre et Marie Curie se v i ren t décerner c o n j o i n t e m e n t , en 1903, le prix Nobel de Physique. Ernest Rutherford reçut, en 1908, le prix Nobel de chimie.

Bibliographie [1] H. Becquerel, CR. Acad. Sciences, vol. 122, 1896, p. 420. [2] H. Becquerel, CR. Acad. Sciences, vol. 122, 1896, p. 501. [3] H. Becquerel, CR. Acad. Sciences, vol. 122, 1896, p. 1086. [4] H. Becquerel, Recherches sur une propriété nouvelle de la matière, Mémoires de l'Acadé­mie des Sciences, t. 46, Firmin-Didot, 1903.

Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96 13

L'IN2P3 a vingt-cinq ans

Geneviève Edelheit IN2P3, Paris

Envisagée, dès 1962 , par le Comité consu l ta t i f de la recherche sc ien t i f ique pou r gérer les p ro je ts de ta i l le q u a s i -industriel le de l 'astronomie et de la phy­s ique nucléaire, la création d ' I ns t i t u t s nat ionaux au sein du CNRS n'about i ra, en ce qui concerne l 'Institut national de phy­s ique nucléaire et de physique des par t i ­cules (IN2P3), que neuf ans plus ta rd . Au cours de toutes ces années, les débats furent liés à des choix scient i f iques et s t ra­tégiques : fallait-i l opter pour la const ruc­t ion d 'un accélérateur nat ional , un s y n -chrot ron à électrons complémentaire de l'accélérateur du CERN, ou faire résolu­ment le choix du synchrot ron à pro tons de l ' institution européenne ? Des choix inst i ­tut ionnels étaient aussi en cause : fallait-i l créer une agence d 'object i fs ou un institut capable d 'assurer la gest ion des labora­toires qui lui sont rattachés ? Cette longue gestat ion a été analysée ailleurs*.

Enfin, sous la direct ion de Jean Teil lac, NN2P3 voit le jour le 14 avril 1 9 7 1 , répon­dan t à la nécessité de reg roupe r les moyens de l'université et du CNRS dans les domaines de la phys ique suba tomique où de grands projets de plus en plus inter­nat ionaux devaient être réalisés.

Vingt -c inq ans après, quels ont été les fruits de cet te pol i t ique ?

Investi d 'une fonct ion d 'an imat ion et de coordinat ion essentiel le pour élaborer les priorités, coordonner les réalisations, p la­nifier l'évolution des moyens techniques. . . l 'Institut a favorisé une présence signi f ica­t ive des laboratoires universitaires et du CNRS dans la compétition internationale. Les chercheurs de l'IN2P3 ont largement contribué aux résultats impor tants ob te ­nus au cours de ce quart de siècle, s o u ­vent en étroite co l labora t ion avec leurs collègues du CEA.

Dans le d o m a i n e de la matière nucléaire, des thématiques dont l 'objectif est l'étude des propriétés du noyau dans ses états d 'exci tat ion extrême ont condu i t à des avancées très signif icat ives.

Ce sont, en phys ique des ions lourds, l'étude des noyaux chauds , la compré­hens ion des mécanismes de réaction. C'est aussi , no tamment à GANIL, labora­toire c o m m u n IN2P3/CEA, mais aussi à

* Gérard Darmon, Cahiers pour l'histoire du CNRS (1939-1989), volume 10, 1990, Editions du CNRS.

Isolde au CERN, ainsi qu'à SARA à Gre­nob le , l ' exp lo ra t i on systématique des propriétés des n o y a u x e x o t i q u e s j u s ­qu ' aux l imi tes de la stabilité nucléaire. Au tou r du multidétecteur Eurogam, les physic iens de l'IN2P3 ont pris par ailleurs une part importante à l'étude et à la c o m ­préhension du phénomène de superdé­format ion.

En phys ique hadron ique, les équipes travail lant à SATURNE, également labora­to i re c o m m u n IN2P3/CEA, ont apporté une moisson de résultats sur les interac­t ions nucléon-nucléon et nucléon-méson, sur les propriétés de résonances dans les noyaux, tand is que cel les t ravai l lant au SLAC éclaircissaient la distribution du spin dans les nucléons.

En phys ique des par t icu les, la g rande majorité des équipes se sont tournées vers des p r o g r a m m e s i n t e r n a t i o n a u x . Elles ont eu un rôle " prépondérant" dans les expériences du CERN, en part icul ier ce l l es qu i en on t fa i t sa renommée c o m m e la découverte des c o u r a n t s neutres, la mise en évidence des bosons W et Z°, et les m e s u r e s de précision menées au LEP. Dans ce t te d isc ip l ine , l ' IN2P3 a joué un rôle moteur , tout spé­c i a l e m e n t d a n s la const i tut ion et le déroulement des grandes col labora­t ions, de par sa capacité à fédérer et c o o r d o n n e r les in i t ia t ives de t ous ses labo ra to i res , q u e ce so i t au CERN ou aussi dans les laborato i res DESY, à H a m ­bou rg et SLAC, à S tan fo rd . Le rôle de l ' Inst i tu t reste essent ie l d a n s les nou­veaux d o m a i n e s de r e c h e r c h e s qu i s 'ouvrent , d ' abo rd par le doub lemen t de l'énergie du LEP et peut être la révélation de nouveaux ob je ts , puis par la poss ib i ­lité d 'observer , à SLAC, la v io lat ion de la symétrie C P d a n s les q u a r k s de la beauté. En parallèle, l ' Inst i tut s ' invest i t dans que lques expériences plus ciblées sur la compréhension des neutr inos : on t -ils une masse, quel le est leur nature? Les expériences visant la mise en évidence de leurs osci l la t ions, auprès des accélé­ra teu rs du C E R N , ou de réacteurs nucléaires c o m m e au Bugey ou à Chooz, ou encore de la doub le désintégration B de noyaux sans émission de neut r inos sont au coeur des projets actue ls .

Ces dernières années ont vu l'émer­gence d 'un nouveau c h a m p scient i f ique, à la frontière de la phys ique des part icules et nucléaire, de l 'astrophysique et de la cosmolog ie pour étudier les interrelat ions entre les propriétés de la matière aux plus

peti tes d imensions et les énergies g igan­t e s q u e s mises en jeu dans les phéno­mènes cosmiques, no tamment à l'époque du B ig -Bang . L 'observat ion des rayons cosmiques, moyen d'accéder aux phéno­mènes les p lus v io len ts de l 'Un ivers ; l'étude de la matière noire de l 'Univers, en connex ion avec la c o s m o l o g i e ; l'étude des s e c t i o n s e f f i caces de réactions nucléaires pour cerner les modèles de la nucléosynthèse stel laire ou pr imord ia le ont déjà permis d 'appor ter de précieuses informat ions.

Dans tous ces domaines, les résultats obtenus appor tent leur moisson de ques­t i ons nouvel les et l ' IN2P3 est impliqué d a n s de g r a n d s p ro je t s qu i devraient déboucher à l 'horizon du prochain millé­naire. Pour n'en citer que quelques-uns : le LHC (Large Hadron Coll ider) au CERN -le seul accélérateur mondia l capable de sonder la matière au-delà de l'énergie du TeV- qui permet t ra peut-être de découvrir un autre monde au-delà du Modèle s tan­d a r d ; l ' an tenne V i rgo , à Pise, grâce à laquelle pourraient être mises en évidence d i rec tement les ondes gravi tat ionnel les, Spiral , à Caen, post-accélérateur de fais­ceaux radioact i fs , qu i , out re son intérêt pour l'étude de la matière nucléaire, a des impl icat ions en ast rophys ique nucléaire. Quant au projet Elfe d'accélérateur d'élec­t rons, en physique hadronique, il est en cours de discussion. . . Bien sûr, il ne s'agit là que d 'un bref survol. . .

Le 10 avril dernier, l 'Institut national de phys ique nucléaire et de phys ique des part icules, a choisi de célébrer ses v ingt-c inq années d'activité en demandant à des responsab les de po l i t i que sc i en t i ­f ique, en France et en Europe, d 'appor ter leur regard sur le rôle de l ' IN2P3 au cours de ce t te période. C'est ainsi qu 'Huber t Cur ien, président du Consei l du CERN, a développé le rôle de l'Institut dans le sys­tème de recherche français tand is que Paul Kienle, ancien président du Comité européen de phys ique nucléaire, et Chris L lewe l l yn S m i t h , d i r ec teu r général du CERN, l 'analysaient respect ivement dans les domaines de la phys ique nucléaire et de la physique des part icules.

Un ouvrage collectif, analysant les évo­lut ions sc ien t i f iques, po l i t iques, ins t i tu-t ionnel l les et soc io log iques de la d i sc i ­pl ine au cours de ces v ingt -c inq ans sera publié à l 'automne et une exposi t ion au Palais de la Découverte met t ra en scène quelques grandes quest ions actuel les de la phys ique nucléaire et des part icules

14 Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96

Assemblée générale du samedi 17 février 1996

Composition du bureau et du conseil 1996

Bureau

M m e Marianne LAMBERT, Président M. Roger BALIAN, Vice-Président entrant

M M . ClaudeSEBENNE,Secrétaire général M. Thierry STOLARCZYK, Secrétaire Loïc AUVRAY, Secrétaire M m e Madeleine GANDAIS, Trésorière Domin ique LE QUÉAU, Secrétaire

Conseil

1994 - Renouvelables en 1997 M M . J . ANDRE (Strasbourg)

B. BERCHE (Nancy) P. BRAULT (Orléans) F. BUCHY (Thomson-CSF) J . CHAUVEAU (Paris VI) J.P. DUFOUR (Bordeaux) V. FLEURY (Polytechnique) G. GOUSSET (Orsay) J.F. JAL (Lyon I) B. LEROY (Paris-Meudon) J.Y. MARZIN (CNET) C. STEPHAN (Orsay)

1995 - Renouvelables en 1998 M m e V. CAYATTE (Paris) M M . G. COHEN-SOLAL (Montpell ier)

P. GAY (Clermont-Ferrand) C. HIRLIMANN (Strasbourg)

M m e D. LANGEVIN (Bordeaux-Pessac) M M . F. LIVET (Grenoble)

J.F. MATHIOT (Orsay) H. NIFENECKER (Grenoble) J.F. SADOC (Orsay) P. VAN B A L L M O O S (Toulouse) G. WLODARCZAK (Lille)

1996 - Renouvelables en 1999 M m e C. CHAILLOUT (Grenoble) M M . P. C H O M A Z (Caen)

P. CROZET (Lyon) A. KHATER (Le Mans)

M m e s M.C. LEMAIRE (Saclay) I. LHENRY (Orsay) C. PETIPAS (Rouen) F. VEDEL (Marseille)

Rapport sur les comptes de la S.F.P. clos le 30 septembre 1995

En exécution de la mission qui nous a été confiée par votre Association, nous avons examiné les comptes de l'exercice 1er octobre 1994- 30 septembre 1995 tels qu'ils ont été arrêtés par le Bureau de votre Association.

Compte de résultat

Il fait apparaître un résultat «brut», avant mouvements sur les réserves, légèrement excédentaire de 22 KF. Ce résultat reflète la si tuat ion actuel le de la Société en année moyenne, où nous équilibrons à peu près nos produi ts et nos charges. Les mouve­ments sur la réserve ainsi qu ' une p lus-value except ionnel le sur nos p lacements de trésorerie ont permis de const i tuer une provis ion indispensable pour une année où il n'y aurait pas d 'exposi t ion (leur pério­dicité ne pouvant être abso lument régu­lière). On about i t ainsi à un résultat «net» excédentaire de 10 KF, qui reflète aussi bien la si tuat ion de la Société.

Remarque - les provis ions techniques intégrées dans les charges du c o m p t e «brut» cor respon­dent à des opérations réalisées en 1995, mais dont les factures seront payées sur l ' exerc ice su ivan t . I nve rsemen t , les reprises de provisions intégrées dans les p rodu i t s co r responden t à des fac tu res payées dans l 'exercice actuel pour des opérations réalisées en 1994.

- les comp tes des sect ions locales (qui son t généralement peu impor tan ts ) ne figurent pas dans ce tableau. De même, les sommes, beaucoup plus importantes, m ises en oeuvre dans la ges t i on des congrès n'apparaissent que très part iel le­ment, pour la f ract ion ayant transité par le siège (et pour chaque congrès, elle s'étale sur deux ou trois exercices).

Bilan

Le total de l'actif se monte à 4869 KF. - l 'act i f immobilisé est essent ie l lement constitué de deux part ies impor tantes : l ' appa r temen t de la rue C r o u l e b a r b e , compté pour 0, pa rce q u e t o t a l e m e n t amor t i su ivant les règles c o m p t a b l e s , mais dont la valeur est bien supérieure, le capital des Edit ions de Physique, compté pour la valeur nominale de 537 KF; en fait, le comp te de résultat de ces Edit ions a renoué cet te année avec un bénéfice net subs tan t ie l : 409 KF, c o r r e s p o n d a n t à environ 2 % du chiffre d'affaire. Le bilan des Edit ions fait apparaître un actif net légèrement supérieur à 2000 KF. le rap­port des commissai res aux Comptes des Edit ions de Physique doit nous être c o m ­muniqué. - les réserves financières sont essentiel le­men t constituées par le por te feu i l le se montant à 1255KF et les p lacement de tré­sorer ie de 2046 KF. L 'ensemble est en baisse par rapport à l'année dernière, à cause du fort excédent des reprises de prov is ion " techn iques " par rappor t aux nouvelles provisions (cf. Remarque, pre­mier paragraphe).

Hors bilan

Le portefeuil le du don Ricard, dont la ges t ion est soumise à des règles spé­ciales.

En conclusion, l 'examen des comp tes auxque l s nous avons procédé nous condui t à les considérer c o m m e réguliers et sincères.

Bernard Cagnac

Elections au Consei l

Votants 644 Bulletins blancs et nuls 14

Sont élus : Catherine Chaillout 471 Patrick Crozet 448 Claude Petipas 430 Marie-Claude Lemaire 412 Fernande Vedel 401 Antoine Khater 377 Isabelle Lhenry 372 Philippe Chomaz 370

Message de la trésorière

Le budget 1995 a été équilibré avant reprise sur réserves du montant des act ions spé­ci f iques et avant prise en comp te de produi ts except ionnels. Ces deux opérations ont donné un excédent de 400 kF qui a été mis en réserve pour faire fonct ionner la SFP une année, au cas où l 'Exposit ion de Physique n'aurait pas lieu. Le budget d 'act ions spéci­f iques 95 s'est élevé à 200 kF dont une bonne part (80 kF) a servi pour des bourses aux doctorants part ic ipant au congrès général de Marseil le.

1996 sera la troisième année dotée d 'un budget notable pour les act ions spécifiques. Cette année verra aussi la création d 'une nouvelle catégorie de membres SFP à part entière, avec une cot isat ion réduite (72 F) : les doctorants .

M.G.

Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96 15

Prix Jean Perrin 1995 à Jean-François Augereau

Jean-François Augereau, né en 1942, a commencé des études de phy­s i que , ma is s 'es t ensu i te tourné vers la socio logie. Sa car­rière de jou rna l i s te scient i f ique a débuté en 1969 à Combat . Il est passé ensui te au

Figaro, puis à l 'Agence France Presse. Il rejoint le M o n d e e n 1978 dont il est, depuis 1984, chef de la rubr ique scient i f ique. A ce t i tre, il a, en particulier, la responsabilité de la page sc ien t i f i que qu i paraît c h a q u e mardi .

C o m m e de nombreux journal istes de sa génération, il avait d ' a b o r d été recruté pour su iv re les af fa i res spa t ia les et nucléaires. Mais il s 'es t t ou jou rs vou lu généraliste, et ses fonc t ions au M o n d e l 'ont condu i t à abo rde r t ous les su je ts scient i f iques et techn iques, ainsi que le suivi de la pol i t ique scient i f ique. Un quo t i ­dien doit répondre à l'actualité dans des délais parfois très brefs. Il écrit plusieurs art icles par semaine. Il est rare que des résultats scient i f iques restent récurrents pendant une longue période, alors que c 'est la règle dès qu' i l y a des c o m p o ­san tes po l i t i ques et économiques, c o m m e c'est le cas pour la const ruct ion d 'un accélérateur ou d 'un satell i te sc ien­t i f ique. Il arrive cependant qu 'un thème de reche rche soi t l o n g t e m p s à la une de l'actualité. S'agissant de physique, ce fut

le cas de la supraconductivité à haute température, sujet diff icile que Jean-Fran­çois Augereau a suivi dès l 'origine et dont il a développé les impl icat ions potentiel les à une époque où il n'était pas facile de dis­t inguer entre les espoi rs réalistes et les rêves vains.

Le Prix Daniel Guinier (jeunes cher­cheurs) 1995 a été attribué à M. Régis Melin (CRTBT, Grenoble). Le jury a décer­né deux mentions à Jean Duprat (I.P.N., Orsay) et à Patrice Roche (Saclay). Le Prix Saint-Gobain (jeunes chercheurs) 1995 a été remis à A rmand Derode (E.S.P.C.I, Laboratoire Ondes et Acous­tique).

Un débat sur l'énergie à la S.F.P. Le bureau de la S.F.P. a décidé d 'o rga ­

niser un débat sur l'énergie don t la coor ­d inat ion sera assurée par H. Nifenecker. Il s 'ag i ra de faire le point sur les pers ­pect ives économiques, les défis t e c h n o ­log iques, les déchets de divers ordres, l ' impact écologique, la rentabilité éner­gétique des différentes sources d'éner­g ie s u s c e p t i b l e s de r e m p l a c e r , à un niveau signif icat i f , les sources actuel les caractérisées par l 'ex istence de réserves

finies et la production de gaz à effet de serre. Seront également discutées les différentes formes d'utilisation de l'éner­gie : piles à combustibles, filière hydro­gène et les techniques de production : le solaire (thermique et photovoltaïque), l'éolien, la biomasse, l'énergie de fission: réacteurs avancés et systèmes hybrides et l'énergie de fusion : conf inements magnétique et inertiel. On tentera de prendre en compte les contextes écono­

miques et socio-culturels susceptibles d'avantager telle ou telle forme d'énergie et d'examiner la morbidité du dévelop­pement de telle ou telle forme d'énergie : irradiation des travailleurs du nucléaire, mortalité des bûcherons, sil icose des mineurs, etc.

Nous faisons appel aux volontaires et à des correspondants régionaux suscep­tibles de répercuter le débat de l'échelon national à l'échelon local.

Activités des sections locales

ALSACE Président : Dinia Aziz L'activité principale de la section Alsace

continue à porter sur l'organisation de col­loques mensuels touchant à tous les domaines qui intéressent la communauté alsacienne. Pour répondre à l'appel lancé par René Turlay concernant les débats sur les déchets nucléaires et pour connaître la situation actuelle sur l'un des problèmes les plus préoccupants du cycle nucléaire, nous avons abordé l'année 1994-1995 par l'organisation de trois colloques sur ce thème : J.C. Sens (CRN, Strasbourg) a parlé des origines, caractéristiques et principes de traitement ; H. Vialettes (CEA, Valduc) sur les risques pour l'homme et son environnement et M. Salvatores (CEA, Cadarache) sur la recherche et le développement sur la transmu­tation. Ces colloques ont eu un grand succès et ont été suivis par des débats. Ils se sont pour­suivis par des conférences : B. Escoubès (Secrétaire général de notre section) sur les sources et l'évolution de la physique quantique, A. Fert, prix Ricard 94, sur les couches minces, multicouches et autres nanostructures magné­tiques (janvier 95), J. Dalibard sur le refroidis­sement et la manipulation d'atomes par laser (février 95).

Nous regrettons l'absence des concours des Olympiades de physique que nous avons tou­jours parrainés et qui ont eu un grand succès dans les lycées de Strasbourg.

AUVERGNE Président : Michel Dugay Actions réalisées au cours de l'année : confé­

rence sur les récents développements en phy­sique des semiconducteurs, par Bernard Gil

(Groupe Etude des Solides, Montpellier). Avec le concours de la SFEN, conférence "déchets nucléaires" (CRDP - février 95) interventions de J.P. Schapira (CNRS), H. Mouney (EDF) et R. Turlay.

Nos projets : en cours de réalisation, visite de l'ESRF à Grenoble. Au stade des idées à explorer : venue à Clermont de l'expo Fusion Nucléaire de Cadarache.

BORDEAUX Président : Jean-Pierre Dufour Nous avons repris cette année les confé­

rences grand public. La Section faisait face à un manque global d'implication des adhérents ; aucune conférence n'a pu être organisée au premier semestre. L'arrivée au bureau de la section locale, en tant que secrétaire, de Fabrice Piquemal (CENBG), jeune chercheur au CNRS, a permis de constituer un "noyau mini­mal" de deux personnes pour relancer l'activité de la section.

La série de conférences planifiées pour l'année universitaire 95/96 a été établie à par­tir du mois de septembre. Nous avons donc eu, le 8 novembre, un exposé sur "La production centralisée d'énergie électrique par capteurs photovoltaïques" par lonel Solomon, de l'Ecole Polytechnique. Ce conférencier a fait un exposé très attrayant, et l'assistance compre­nait environ quatre-vingt personnes, dont une grande partie a laissé ses coordonnées pour constituer un fichier de mailing comportant des adresses individuelles et pas seulement celles d'institutions. Un bon contact avec Mme M.B. Mauhourat, la responsable régionale de l'UdP,

a permis d'établir un relais efficace de diffusion de l'Information. Le reste de l'activité de 1995 a porté sur la préparation d'activités prévues en 1996.

Une conférence grand public a été faite par Serge Haroche (ENS) sur des tests de la Mécanique Quantique, le 14 février et une réunion-débat sur les débouchés des filières de Physique, le 20 mars 1996. Ce projet est réa­lisé en partenariat avec le service d'orientation et d'information de l'Université Bordeaux 1. Enfin nous avons été contactés par l'équipe des étudiants de l'ENSCPB qui organise l'édition 96 de "PHYSIQUE EN HERBE" et nous leur appor­tons notre concours.

BOURGOGNE Président : Gérard Niquet La Sect ion Bourgogne-Franche-Comté

regroupe une vingtaine de physiciens des deux régions dont trois non universitaires. Le tréso­rier et le président sont respectivement F. Pauty et G. Niquet, tous deux maîtres de confé­rences, à Dijon. Cette localisation des respon­sables pose parfois des problèmes. La Section participe à l'Ecole Doctorale Louis Pasteur créée entre les universités de Dijon et de Besançon (membre du conseil, aide à l'édition de textes...)

Elle organise des réunions destinées à un public non spécialiste en physique : la gestion des déchets nucléaires, le temps et la physique. Régulièrement, pour permettre une meilleure liaison entre les physiciens, un voyage d'étude est proposé (centre de stockage des déchets radioact i fs de Soulaines, Framatome, au

16 Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96

Creusot). Pour ces voyages, le financement est assuré pour une partie par les participants, l'équilibre de l'opération est assuré par la Section Locale. Un projet de voyage d'étude à Marcoule sur deux jours avec visite et séjour en Avignon est en cours d'étude pour l'année 1996. Une autre part importante de l'activité est tournée vers les lycées et l'UdP (participation aux Olympiades de Physique, liaison avec l'UdP pour le congrès dijonnais).

BRETAGNE Président : Roger Le Naour Actions spécifiques en 1995 : participation

au Séminaire-Débat sur "les déchets nucléaires", à Paris, les 27 et 28 janvier 1995. Exposition sur "Louis de Broglie" (10 pan­neaux) sur les campus de Rennes et de Nantes avec participation, pour la partie bibliogra­phie, des bibliothèques universitaires de Rennes et de Nantes (février-mars). Conférence sur "Les propriétés ondulatoires de la matière" par G. Lochak, couplée avec l'exposition sur L. de Broglie, sur les sites de Rennes et de Nantes (février-mars). Débat sur l'insertion professionnelle des physiciens à la Faculté des Sciences de Nantes (avril). Participation de la Section Locale à la réunion académique de l'UdP (Conférence sur la "Physique des Lasers" et présentation des équipes des "Olympiades de Physique", 31 mai). Part ic ipat ion au "Vil lage des Sciences" (Rennes, du 6 au 8 octobre 1995) : stand avec affiches SFP et présentation de deux expériences par A. Defrance. Thème : l'atome et ses rayonnements, du visible à la radioactivité.

CENTRE (Orléans) Président : Pascal Brault Physique en Sologne (cf. compte rendu dans

le bulletin de la SFP n° 100). Conférence de Gilles Cohen-Tannoudji pour les étudiants de 2 e

cycle : "Les constantes universelles". Depuis septembre, tout le bureau de la SFP locale est sur la brèche pour l'organisation des prochaines JMC5, 28-30 août 1996, (ce qui comportera peut-être une nouvelle édition de physique en Sologne). Olympiades de Physique (Lycée Pothier, Orléans) : asservissement optique de deux pendules couples (a obtenu un prix).

CENTRE OUEST Président : Jacques Rabier Participation à la journée de formation, à

Paris, 27 et 28 janvier 1995. Cycle de confé­rences sur la gestion des déchets nucléaires. Les faisceaux d'ions sur la trace des déchets radioactifs, J.C. Dran, Orsay. Retraitement et procédés de séparation des radionucl ides, B. Boullis, CEA Fontenay-aux-Roses. Mini­misation des déchets radioactifs et transmuta­tion, M Salvatores, CEA Cadarache. Confé­rences-Exposition sur "les 100 ans des RX" (annulée pour cause de grève des transports et reportée au mois de janvier 1996). Participation aux réunions du bureau.

GRENOBLE Président : Massimo Altarelli Les activités de la Section en 1995 se lais­

sent résumer en mentionnant d'abord les acti­vités traditionnelles de la Section, de l'autre quelques actions "ponctuelles".

Les activités traditionnelles de la Section: l'édition et la distribution du "38 de Physique",

une feuille hebdomadaire avec la liste des sémi­naires et des autres événements susceptibles d'intéresser les physiciens des laboratoires grenoblois. L'organisation des "Conférences d'intérêt général de la SFP", dont est chargé Dominique Block ; 4 conférences ont eu lieu en 1995. L'organisation du séminaire Daniel Dautreppe, une école d'été qui réunit des phy­siciens, surtout grenoblois, pendant 5 jours; en 1995, le thème a été "Le rayonnement syn-chrotron et ses nouvelles perspectives", et l'organisation a été dirigée par Anne Renault. Il y a eu 65 Inscrits, 30 conférenciers dont 13 pro­venaient de Paris ou de l'étranger; le niveau scientifique semble avoir répondu aux attentes de la communauté grenobloise spécialisée, et la Section est rentrée dans ses frais. L'organi­sation des "Clips de Physique", un mini­congrès grenoblois organisé par Jean Souletie où tout le monde peut présenter son travail en trois transparents et quatre minutes - très fré­quenté et très apprécié surtout par les thésards.

Parmi les activités ponctuelles, on peut men­tionner une action dans le cadre des "Droits de l'homme", pour soutenir du point de vue finan­cier le séjour à Grenoble, pendant l'année sco­laire, d'un lycéen bosniaque, fils d'un profes­seur de physique de l'université de Sarajevo. Les physiciens grenoblois, répondant à un appel de la Section, ont donné environ 20 000 F.

Le Bureau de la Section a aussi joué un rôle dans la sensibilisation de la communauté gre­nobloise à l'organisation des Journées de la Matière Condensée et de la Conférence CMD-EPS à Grenoble, en 1998.

(à suivre...)

notes de lecture

Liaisons intermoléculaires. Les forces en jeu dans la matière condensée, Alain Gerschel (Collection Savoir Actuels. InterÉditions/CNRS. Éditions 1995)

L'ouvrage d'Alain Gerschel présente un pano­rama complet des forces entre molécules. Il sera particulièrement utile à l'étudiant de second cycle universitaire et de DEA et est un des rares livres consacrés au sujet rédigé en français. Il est bien sûr impossible de ne pas faire la comparai­son avec le livre de Jacob Israelashvili Intermolecular and Surface Forces : le livre de Alain Gerschel est plus général, tout en présen­tant une excellente description de l'eau et de ses propriétés spécifiques et en offrant une très bonne introduction aux méthodes de la simula­tion numérique. Le livre de Jacob Israelashvili traite beaucoup plus de la physique de la matière dite molle (polymères, cristaux liquides lyo-tropes, etc.) et des Interfaces.

Jean Marc di Meglio

Physique de la croissance cristalline, Jacques Villain et Alberto Pimpinelli (Collection Aléa Saclay, Eyrolles 1995)

Le livre de J.Villain et A. Pimpinelli donne une approche de type «physique statistique» de ces phénomènes. Ce domaine de recherches s'est largement développé récemment aussi bien expérimentalement (instabilités de fronts de croissance, croissance de cristaux dans l'hélium...) que théoriquement (modèles KPZ, Kosterlitz Thouless, Witten Sanders...). De plus, ces processus font apparaître des comporte­ments génériques qu'on retrouve dans des sys­

tèmes souvent très différents (instabilités d'interfaces, croissance d'agrégats, écoule­ments dans les poreux).

Il était donc important de disposer d'un livre analysant la croissance cristalline à la lumière de ces développements récents. Le présent ouvrage atteint bien cet objectif tout en ne cher­chant nullement à être exhaustif sur ce sujet immense.

Le premier chapitre est consacré à une des­cription bien imagée de la surface des cristaux ainsi que de la notion de transition rugueuse; les auteurs donnent une description thermo­dynamique à travers les énergies libres de sur­face et de marche et leurs conséquences sur la forme à l'équilibre (une description «taupi-nale» comme le remarquent les auteurs). Après un chapitre sur les éléments de base de la crois­sance cristalline (analogies avec le mouillage, effets de l'élasticité), le livre se poursuit par la discussion des modèles classiques de crois­sance des marches, des problèmes de diffu­sion des atomes en surface et des processus qui peuvent mener à un lissage spontané des surfaces avec le temps.

La dernière partie du livre est consacrée à sept chapitres traitant de problèmes plus spé­cifiques : croissance du silicium, instabilités de croissance cristalline (on regrette un peu que les auteurs ne parlent presque pas des pro­blèmes de croissance dendhtique sur lesquels beaucoup a pourtant été appris récemment), longueur de diffusion et effets temporels, équa­tion de Kardar-Parisi-Zhang, interaction élas­tique entre défauts de surface. Enfin, l'ouvrage se termine un peu curieusement par un cha­pitre traitant généralement de l'élasticité des solides et de son influence sur la forme des sur­faces; plusieurs appendices rappelent utile­

ment certains éléments théoriques utilisés au cours du livre.

En conlusion, ce livre concis et bien présenté donne une excellente vision très actuelle de la croissance cristalline : il aborde les problèmes quantitatifs et les théories récentes tout en res­tant acessible à des non spécialistes. Le texte est vivant, agréable à lire et riche de réflexions physiques. On apprécie, en particulier, le fait que les auteurs, tout en gardant un point de vue de physiciens théoriciens, illustrent leur propos par de nombreux diagrammes et photos bien choisis dans la littérature récente (microscopie à champ proche, par exemple).

Jean-Pierre Hulin

A vaincre sans péril... A propos de "La défaite de Platon", par Claude Allègre

A la vérité, (c'est justement ce que naguère je te disais), sur ce sujet je me mets l'esprit sens dessus dessous, sans réussir à me fixer, et jamais je ne suis du même avis. (PLATON in Hippias Mineur)

Claude Allègre, à qui ses nombreuses occu­pations ne retirent pas le temps d'écrire à l'intention du grand public, sort ici de son domaine strict des sciences de la Terre et se propose de montrer que les progrès de la science contemporaine détruisent, non pas les résultats des grands prédécesseurs, mais leur conception mathématique du monde. Il en déduit qu'il est urgent de passer à un ensei­gnement où les mathématiques ne seront plus le seul critère de sélection des élites, où la science ne sera plus enseignée de manière déductive de façon à permettre un développe­ment de l'intuition chez l'enfant, chez l'étudiant,

Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96 17

chez le futur chercheur, chez le futur PDG. Il nous promet, au cas où cela n'arriverait pas, que notre pays ne sortira pas du sous-déve­loppement qui, chacun le sait, le caractérise.

Je suis incapable de savoir si les quatre cents premières pages du livre seront compréhen­sibles pour des lecteurs un peu plus béotiens que moi, mais je me pose des questions sur le titre de ce livre ainsi que sur le contenu du der­nier chapitre. Pythagore a peut-être été le pre­mier à déclarer que les mathématiques per­mettaient une description du monde et sa compréhension. Les successeurs ont, chacun à leur époque, utilisé des mathématiques de plus en plus compliquées, inventées souvent pour les besoins de la cause, pour décrire des réalités et réaliser des synthèses entre de nom­breux phénomènes. C'est encore vrai de nos jours, même si les plus modernes de ces abs­tractions sont hors de portée de Claude Allègre ou de moi-même.

Qu'il puisse être formateur pour l'esprit de nos étudiants de leur enseigner à voir le monde, à observer la réalité et à procéder de façon inductive et pas seulement déductive, c'est clair, et l'on ne voit pas en quoi la méthode de Socrate s'y oppose. Elle a justement été Inven­tée pour montrer que le seul jeu du raisonne­ment, auquel les Grecs s'exerçaient depuis Thaïès, avait ses limites ; elle a rendu néces­saire la première formalisation faite par Aristote puis Euclide. Alors déclarer qu'elle a échoué parce que les maths de Platon étaient naïves comparées aux nôtres n'est pas sérieux. Se plaindre du caractère trop déductif de l'ensei­gnement français est raisonnable bien sûr, mais de la part de quelqu'un qui, de son propre aveu, l'a pratiquement gouverné sans rien pouvoir changer, non ! Plutôt que d'accuser les autres, ce qui est toujours facile, ne devrait-il pas se demander si quelques-unes de ses concep­tions propres n'ont pas été à l'origine de ce qu'il considère lui-même comme un échec ?

Pierre Averbuch

Les rayonnements nucléaires, Pierre Radvanyi (PUF, Que-sais-je, 1995)

La Terre est constamment soumise à des flux divers de rayonnements dont le plus apparent est le rayonnement visible émis par le Soleil,

mais qui comporte également un rayonnement électromagnétique analogue à la lumière visible, mais d'énergie très différente. A côté du rayonnement solaire, il existe celui émis par les éléments radioactifs, phénomène découvert en 1896 par H. Becquerel et nommé ensuite radio­activité par P. et M. Curie; on parle plus géné­ralement de rayonnements nucléaires, car ils proviennent des noyaux des atomes.

Ce petit ouvrage décrit ces rayonnements nucléaires, depuis ceux observés dans la radio­activité naturelle jusqu'à ceux émis dans les divers processus d'interaction entre noyaux atomiques grâce aux accélérateurs de parti­cules ou aux réacteurs nucléaires construits par l'homme, voire à ceux observés lors de colli­sions entre les rayons cosmiques et des atomes à la surface de la Terre.

L'ouvrage débute par un rappel fort utile de notions élémentaires de physique et chimie. L'origine et les sources de rayonnements sont présentées dans le chapitre suivant. Quelques pages sont consacrées — et c'est une excel­lente idée — aux (encore) mystérieux rayons cosmiques et aux rayons X qui ne sont cepen­dant pas d'origine nucléaire, mais atomique.

Les derniers chapitres traitent de l'interaction de ces rayonnements avec la matière et de leur détection. Un bref aperçu de l'effet biologique des rayonnements, ainsi que des problèmes de radioprotection termine ce petit livre.

En définitive, il s'agit d'un excellent ouvrage, de lecture facile et très agréable, qui remplit parfaitement son but de vulgarisation scienti-fique pour cette prestigieuse collection des P.U.F., et il faut remercier Pierre Radvanyi de l'avoir écrit avec succès et talent.

René de Swiniarski

La cavitation : mécanismes phy­siques et aspects industriels, J.P Franc, F. Avellan, B. Belahadji, J.Y. Billard, L. Briançon-Marjollet, D. F réchou, D.H. Fruman, A, Karimi, J.L. Kueny et J.M. Michel (Grenoble-Sciences)

La cavitation, ou apparition de bulles de gaz ou de vapeur dans les zones de forte vitesse et

de faible pression d'un écoulement, est un phé­nomène d'une grande Importance en hydrody­namique navale (hélices, furtivité des sous-marins, turbo-pompes de fusées,...) et même en génie civil (dégâts causés par l'implosion des gouttes sur les parois d'une conduite ou... al imentat ion des fontaines de la ville de Florence, au XVIIe siècle...).

Ce gros livre collectif réunit des auteurs venant de l'ensemble des centres français les plus actifs sur le sujet et des spécialistes suisses. Son but est de donner une vue d'ensemble du problème de la cavitation mais aussi de rassembler un assez grand nombre de résultats qualitatifs et quantitatifs présentés d'une manière qui puisse les rendre directe­ment utiles à des ingénieurs.

Les trois premiers chapitres sont généraux et donnent une bonne présentation globale du phénomène suivie d'une étude de la nucléation et de la dynamique des bulles. Les deux cha­pitres suivants discutent les phénomènes de cavitation dans les tourbillons marginaux émis en bout de pale d'hélice qui sont une des mani­festations les plus classiques et spectaculaires de ce phénomène et la cavitation dans les sillages et les jets (en particulier dans les allées de tourbillons de Karman émises derrière les obstacles). Le chapitre 8 est consacré au pro­blème très important pratiquement de l'érosion par les bulles de cavitation. Les deux chapitres suivants traitent des problèmes pratiques spé­cifiques de la cavitation dans les turboma-chines hydrauliques et les propulseurs marins en donnant de nombreux exemples et courbes d'intérêt pratique. Enfin, les deux derniers cha­pitres sont consacrés à la description de quelques grandes installations d'essais et de problèmes de modélisation.

Le livre est illustré de nombreux diagrammes et photographies dont certaines sont specta­culaires (par exemple piégeage des bulles dans les tourbillons ou implosion de bulles avec for­mation d'un jet réentrant) et les auteurs don­nent de nombreuses références.

En conclusion, ce livre dense et riche d'infor­mations sera utile pour les chercheurs, étudiants et ingénieurs ayant besoin d'un ouvrage de réfé­rence pour résoudre des problèmes théoriques et pratiques liés à la cavitation.

Jean-Pierre Hulin

Rudolf Peierls (1907-1995)

Rudolf Peierls, membre d'honneur de la S.F.P. depuis 1976, est décédé en septembre 1995. C'était l'un des derniers pionniers survi­vants de la théorie quantique. Il était né à Berlin et avait suivi les cours de M. Planck, W. Nernst et A. Sommerfeld, ainsi que ceux de Schur. A partir de l'âge de 21 ans, il parcourut le monde, rencontra sa future femme Genia, lors d'une conférence à Odessa en 1930, fit un séjour fruc­tueux à Copenhague et s'installa en Grande-Bretagne où il devint professeur à Birmingham, en 1937. C'est lui qui, avec O. Frisch, au début de 1940, se rendit compte qu'une masse rela­tivement modeste d'uranium 235 pur pouvait constituer une bombe atomique, ce qui les conduisit à écrire un mémorandum célèbre adressé au gouvernement britannique qui créa aussitôt le Comité MAUD. Pendant la guerre, il travailla sur le programme nucléaire, d'abord en Grande-Bretagne, puis à Los Alamos. Par la suite, il fut un ardent avocat du contrôle des armes nucléaires et du dialogue international entre hommes de science. Il devint l'un des pro­moteurs du mouvement Pugwash pendant la guerre froide. Il a toujours pensé que la raison triompherait.

A Birmingham d'abord, puis à Oxford où il enseigna à partir de 1963, il constitua une Ecole qui attira de brillants jeunes physiciens de nom­breux pays. Il fut l'un des fondateurs de la phy­sique des solides théorique et développa le concept de "trou"; il étudia, en particulier, le mécanisme de la résistivité thermique des iso­lants, l'effet Haas-van Alphen, l'absorption de la lumière dans les solides, "l'instabilité de Peierls" et le mouvement des dislocations dans les cristaux. Ses contributions théoriques à la physique nucléaire, à la physiquedes particules élémentaires et à la théorie quantique des champs sont également très importantes. Il est l'auteur de plusieurs livres de physique ; il écri­vit également de nombreux articles sur l'his­toire de la physique du XX e siècle ainsi qu'une auto-biographie "Birds of passage".

Voici quelques souvenirs d'un physicien fran­çais ayant séjourné chez Peierls.

Souvenirs des années Birmingham Le département ne payait pas de mine : un

préfabriqué, au chauffage incertain, abandonné par les militaires, à l'extérieur une remorque de camping qui hébergeait deux ou trois étudiants supplémentaires. Mais la chaleur de l'accueil et l'enthousiasme que tous partageaient com­pensaient au-delà ces maigres inconvénients.

La porte du bureau de "Prof", comme nous l'appelions, était toujours ouverte et l'on pouvait facilement avoir son avis. Cela ne voulait pas dire que le travail nous était mâché. Selon sa formule, la seule clé pour une bonne recherche était "to sit down and have a good idea!" Peierls faisait cours chaque semestre, variant les sujets (nucléaire, statistique, champs... ), développant des points de vue originaux devant la douzaine d'étudiants (dont, ces années-là, Elliott Lieb, Stanley Mandelstam et, pour les Français, Lascoux, puis Yoccoz... ) et les quelques membres du staff (dont les jeunes post-docs Gerry Brown et Sam Edwards).

Les Peierls, Genia et Rudolf, agissaient comme si les étudiants admis dans le départe­ment faisaient partie de la famille avec d'ailleurs, en permanence, l'un ou l'autre d'entre eux logeant avec eux et leurs quatre enfants. Genia veillait avec un soin jaloux au bien-être matériel et moral de tous, sa pression amicale interve­nant même pour aider tel ou tel étudiant à conclure la rédaction de sa thèse. Je me sou­viens de cette veille de Noël, où Peierls était apparu chez nous pour offrir un petit animal en peluche à notre bébé. Peierls faisait ainsi le tour des jeunes enfants du département, à bicy­clette, malgré la neige et le froid. Nous en fûmes touchés au cœur

C.D.

18 Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96

Research Funding in UK Universities Sir Roger Elliott

Dept. of Theoritical Physics Oxford University

Background

The policies of the Conservative Governments over the last fifteen years towards universities and scientific research have undergone almost conti­nuous change, sometimes in apparently contradictory directions. Over the past two years, new structures have emerged for both higher education and research which seem likely to prove more stable. The modus operandi of the new system is still evolving but it is clear that it will be, and is intended to be, quite different from the old.

Since the last war funds for scientific research based in universities have come through the research councils which evol­ved from earlier structures. Before the most recent reforms there were five of these of which physics was an important component of the largest, the Science and Engineering Research Council (SERC). This supported research in mathematics, physics, chemistry and engineering, toge­ther with some aspects of biology and earth sciences. It was responsible for the UK's adherence to large international faci­lities such as CERN, ESA, and the ILL. In addition it ran two large research labora­tories in Britain, the Rutherford Appleton Laboratory (RAL) which supplied support to the High Energy and Astronomy Pro­grammes, and housed the spallation neutron source ISIS, and the Daresbury Laboratory which housed a synchrotron radiation source and a nuclear structure facility (NSF) although the latter was recently closed and the nuclear physics research group was reduced so that it now relies entirely on experimental facilities abroad.

The science budget was the responsi­bility of the Department for Education and Science and was overseen by the Advi­sory Board of Research Councils (ABRC). The latter set overall priorities for research but had almost no influence over the detai­led programmes of the research councils. The latter had large administrative staffs and many employees in their own labora­tories and they vigorously guarded their independance.

Grants to individual workers for research were awarded by the councils in largely open compet i t ion. There were three "rounds" each year when the avai­lable money was divided between the applicants who were judged to have the best projects, on the basis of extensive peer review. The priorities were decided

by committees of scientists, and although these needed to be ratified by higher boards and the council itself, it was usual for the committee decision to stand unless the monies involved were extremely large or involved some matter of principle.

Over the years it is true to say that uni­versity researchers became increasingly disenchanted with these procedures. There were two main reasons which bet­ween them led to a basic inadequacy in funds available, although the budgets of the research councils were normally aug­mented slightly ahead of the rate of infla­tion. The first of these was the impact of the costs of the large central facilities. No compensation was provided for fluctua­tions in the exchange rate and when the pound sterling fell in value this had an immediate impact on the funds available for other purposes. Moreover, the large programmes run within the SERC's own laboratories had costs which were extre­mely difficult to reduce at short notice. It was therefore not uncommon to find that the funds available for a particular round of grants had been drastically reduced. The second difficulty arose from the increasingly difficult financial posit ion within universities. Throughout this period it was government policy to increase the national participation in tertiary education and the numbers of students attending such institutions doubled to more than 1.2 million in the last decade. Howeverthe financial resources available did not increase proportionally.

Research in universities was supposed to be covered by a "dual support system" whereby the university provided through its grant the basic infrastructure of buil­dings, consumables, technical and secre­tarial staff, libraries etc. Using these funds they were expected to provide a "well found laboratory" so that the research council money needed only to cover the cost of the apparatus, salaries for research students and post-doctoral associates, and some minor costs such as travel etc. The drastic worsening of the financial position of many universities made it extremely difficult to provide this essential support.

Even before the recent reforms it had been decided that the overhead to sup­port for the infrastructure should be trans­ferred to the research councils and it is now provided to the university as a speci­fic percentage of appropriate items in the grant. This has on the whole been advan­tageous to those researchers who are

successful in obtaining research council support. The money available to support their infrastructure is clearly indentifiable by themselves, and by the university authorities. On the other hand it means that the university has almost no money available to support those researchers who for one reason or the other are not in possession of adequate research funding.

The New System

The main reform of the universities has been to create a single funding body to cover all institutions of tertiary education, although these higher education funding councils (HEFC) have been divided geo­graphically so that there are separate bodies for England, Scotland, Wales and Northern Ireland. All tertiary institutions now call themselves "universities" and there are over one hundred in the United Kingdom. However, only a small number carry out a significant amount of research and although attempts to classify univer­sities rigorously into groups that do or do not carry out research have been resisted, there is no doubt that major research is being increasingly concentrated into the larger, mainly the old universities.

Since April 1994 there have been six research councils operating under this regime. The main change has been to split up the SERC essentially into three bodies. "Big" science is now concentrated in the Particle Physics and Astronomy Research Council (PPARC) which is responsible for UK adherence to CERN and ESA and also runs astronomical observatories abroad. Its budget this year Is approximately £180 million. The bulk of the SERC's acti­vities are now the responsibility of the Engineering and Physical Sciences Research Council (EPSRC) which covers all areas of engineering, mathematics, physics and chemistry. Responsibility for any biological work has passed to the Bio­technology and Biological Sciences Research Council (BBSRC) whilst work in geophysics and scientific archeology has transferred to the Natural Environment Research Council (NERC). The other two councils, the Medical Research Council (MRC) and the Economic and Social Research Council (ESRC) remain largely unchanged. Furthermore, the two major laboratories in the UK, Rutherford Apple-ton and Daresbury, have been hived off into a separate agency which provides services to all the research councils and may do so to other bodies.

Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96 19

EPSRC now has an annual budget of £360 million of which some 10 % is devo­ted to programmes in "Mainstream" phy­sics. A part of the budget devoted to "Materials" also funds its way into Physics departments. Expenditure by EPSRC is roughly divided 60 % to research grants, 20 % for studentships and research asso­ciates and 20 % for large facilities.

But in addition to this reorganisation there has been a considerable change in the philosophy which the research coun­cils are expected to operate. This was signalled by the government white paper "Realising Our Potential" which originally aired these proposals. The view taken was that although the quality of British research was almost universally high, it was inadequately focused on the benefits it could provide to the nation through improved training and in particular through wealth creation via appropriate liaison with industry. Improving this last relationship between academic scientific research and industry has been a recur­ring theme of the last few years. At one stage there were strong incentives for academics to do applied research, if pos­sible in close collaboration with some industrial organisations. After a while the government decided it was inappropriate for its funds to be used so near the market and academic research should be focu­sed on strategic and fundamental objec­tives and not on specific industrial pro­blems. The pendulum now seems to have swung at least partly the other way, and this may have been encouraged by the noticeable reduction in research being carried out within the main industrial orga­nisations in Britain, stimulated in part by the last recession. Industry, now feels that it is only justified to do research very close to the production of its products, and that all other research should be performed at the government's expense, albeit with good liaison with industries. In order to emphasise this, the new research councils have been given a much stronger indus­trial bias. They all have a Chairman drawn from industry. In the case of PPARC it is Peter Williams who is Managing Director

and Chairman of Oxford Instruments, while at EPSRC it is Alan Rudge the Research Director of British Telecom. The research councils each have a Chief Exe­cutive responsible for the implementation of their programmes and these are nor­mally academics. At PPARC it is Ken Pounds, previously Professor of Astro­nomy and Space Research at the Univer­sity of Leicester, while at the EPSRC it is Richard Brook who was previously Pro­fessor of Materials Science at the Univer­sity of Oxford. The emphasis towards research which might eventually have impact in industry has been underlined by the recent Foresight Exercise. In this, groups of people working in industry and universities have attempted to identify the developing technologies which are likely to have the greatest Impact over the next decade and the areas of research which are likely to underpin these changes. Reports from each of the groups have recently been published, and the research councils are determining their priorities for funding in the light of their recommenda­tions.

The change in philosophy has also been emphasised by the way in which respon­sibility for science has been moved within government. Originally it was tranferred away from the Department for Education and given a separate status as the Office for Science and Technology (OST). This was part of a new ministry called the Office for Science and Society where the Minis­ter responsible rejoiced in the title of the Chancellor of the Duchy of Lancaster. However, after John Major's most recent cabinet reshuffle, responsibility for the OST has been transferred to the Depart­ment of Trade and Industry (DTI), which seems logical given the emphasis now in government policy. The new arrange­ments are naturally causing concern to those whose research lies a long way from applications, for example astronomy or mathematics.

The whole research council programme is overseen by a single Chief Executive John Cadogan who reports to the Minis-

ter who is currently Ian Taylor. He is res­ponsible for overseeing the division of the total budget between the councils and for setting overall priorities and modes of operation. For example, as referred to ear­lier fluctuations in international subscrip­tions have in the past caused severe pres­sure on other parts of the SERC budget. Although such subscript ions are now partly separated from the rest in PPARC, they still fall within the overall science bud­get so that any unexpected increases from exchange rate fluctuations would still, pre­sumably, have to be accommodated within the whole. In fact the new structure has a much greater emphasis on mana­gement of the research enterprise. Under the old scheme the allocation of grants and their value was effectively in the hands of committees of peers. Now, although there will be peer review by panels of experts, the detailed allocation and mana­gement of grants will be in the hands of programme managers. This arrangement is similar to that which has long applied in the National Science Foundation in the US, but there is a crucial difference which causes concern to some. At the NSF most programme managers are in fact research scientists on secondment from their insti­tutions for limited periods. They therefore have an understanding of the position of their colleagues. In the UK these mana­gers will be the civil servants who were previously involved in the research coun­cil structure, most of whom have no expe­rience of doing research themselves.

So it is clear that the new system of allo­cating money for research is different in many ways from the old. The administra­tive structures have been revised, and the general philosophical approach gives a totally different emphasis. All this change has yet to settle down and in the initial stages it is the new administration which causes the main headaches for those see­king research grants, but in the long term it is the philosophical shifttowards "wealth creation" and "national competitiveness" which is likely to be more far reaching (unless the Government changes its mind again !)

N O U V E A U X M E M B R E S ADMIS A L A SOCIÉTÉ (suite de la page 2)

RETRAITÉS

• KATSAROS Kristina, FREMER - Plouzane • KESSLER Paul, Collège de France - Paris • MARCHE Robert, Brumath

TITULAIRES

• ARNEODO Alain, CRPP-Pessac • AZAIEZ Faiçal, IPN- Orsay • BAREYRE Pierre, SPP- DAPNIA - Gif/Yvette • BOUILLOT Jean-Louis, Université- Marseille • CAYATTESERVAN Véronique, Obs.-Meudon • CHAIX Pascal, CE.-B-le-Châtel • CYROT Michel, LLN - Grenoble • DELHAYE Jean-Marc, CEA-Grenoble • DEMAISON Jean, LSH - Villeneuve-d'Ascq • FONTAINE Bernard, LP3 - IRPHE - Marseille • FOUAN Jérôme, GANIL - Caen • GILLES Dominique, CEA-CELV

Villeneuve-St-Georges

• GOUREAU Yann, Hôpital Necker - Paris • GROSSIORD Jean-Yves, IPN-Villeurbanne « HESLOT François, ENS - Paris • HODEAU Jean-Louis, LC - Grenoble • JEANDEY Christian, CEA - Grenoble • JOUAN Denis, IPN - Orsay • KAMINSKI Wanda, LDPSE - Paris • KOUNNAS Costas, CERN-Suisse • LIMAT Laurent, ESPCI-Paris • MARCEROU Jean-Paul, CRPP-Pessac • MARTIN Jean-Paul, IPN-Villeurbanne • MAYRARGUE Arnaud, REHSEIS - Paris • PALMARI Jacqueline, LIPM - Marseille • PLANAT Michel, LPMO - Besancon • PUMIR Alain, INL-Valbonne • RIVER Nicolas, LPT - Strasbourg • ROVATI Philippe, CILAS-Marcoussis • SEMEROK Alexandre, C E/S - Gif/Yvette • SIRUGUE-COLLIN Madeleine

CPT-Marseille

UNION DES PHYSICIENS

• SARTRE Laurent, Lycée Montaigne -Bordeaux

Conseil d'avril 1996

JUNIORS

• GUISELIN Olivier, StGobain- Paris • HADDAD Ferid, Subatech - Nantes • KELLER Niels, LMOV-CNRS - Versailles • MASTRIPPOLITO Roland, IPN - Orsay • PAPAGEORGIOU Nicolas, Marseille • ROBERT Jérôme, ICS - Strasbourg • ROYNARD Denis, ENSPM - Marseille • ZITHA Pacelli, Pays-Bas

RETRAITÉ • DUCROS Yves, DAPNIA - Saclay

(suite dans le prochain numéro)

20 Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96

La physique en Inde : une coopération originale avec la France

Michèle Leduc Laboratoire Kastler Brossel

Département de Physique de l'ENS

On connaît mal , en général, la science indienne dans le mil ieu de la recherche en France. Il est vrai que nous avons rare­ment l 'occasion de rencontrer un visage indien dans les coulo i rs de nos labora­toires, c o m m e c'est le cas en Angleterre ou aux États-Unis. Pour la plupart d 'entre nous , l ' Inde évoque l ' image de fou les immenses, de villes au trafic diff icile et à la misère I n s u p p o r t a b l e , de c a m p a g n e s groui l lantes, d 'enfants regroupés autour d 'un habi tat hérité du Moyen Age . A u x plus aventureux, elle rappel le les souve­nirs d 'un voyage tour is t ique qui leur a fait découvrir les somptueux palais moghols du Rajastan ou les immenses temples h in­dous du Sud . Et pour nous, les physic iens, l ' Inde est la patr ie d 'or ig ine de quelques grands scient i f iques: Bose, Saha, Raman et Chandrasekhar . Nous avons entendu parler du Tata Inst i tute of Fundamenta l Resea rch (le TIFR) de B o m b a y , qu i concent re les meil leurs mathématiciens et phys ic iens théoriciens du pays, ou ren­contré ce r ta ins d ' en t r e eux d a n s des congrès. Mais là s'arrête en général notre connaissance de la sc ience et de la t ech ­nologie qui s'élaborent dans ce pays.

Cependant , si l 'on prend le temps de visiter les grands inst i tuts de recherche et certains laboratoires universitaires, on est su rp r i s de la variété des d o m a i n e s de recherche abordés, allant de la biologie moléculaire à l 'astronomie en passant par les super-ord inateurs. On est également frappé de la qualité et du haut niveau tech ­n o l o g i q u e s des r e c h e r c h e s qu i y son t menées. Il importe, en effet, de bien réali­ser à quel po in t l ' Inde est, sur tous les plans, un pays de haut niveau culturel , à la différence de nombreux pays en dévelop­pement avec lesquels la France coopère par t radi t ion depuis longtemps. A propos de l ' Inde, on devrait plutôt parler de pays en émergence, c o m p t e tenu de sa classe moyenne bien éduquée, for te de 200 mi l ­l ions de personnes et malgré les régions arriérées où l'analphabétisme d o m i n e . Grâce aux développements de la "révolu­t ion ver te" entrepr ise dans les années 60, l ' Inde est devenue l 'une des toutes pre­mières puissances agr icoles du monde, à même de nourr i r son quas i -m i l l i a rd d 'hab i tants . Lancés à la même époque, ses p r o g r a m m e s de sate l l i tes en fon t au jourd 'hui la sixième puissance spatiale du monde . En outre, l'évolution du pays est particulièrement rapide ces dernières années depuis le c h a n g e m e n t de c a p assez radical de la po l i t ique gouve rne -

Le GMRT (Giant Metrewave Radio Telescope) en construction près de Pune.

menta le , en 1992 . L ' e n c o u r a g e m e n t à l'économie libérale et l ' ouver tu re aux entrepreneurs étrangers sont en train de modif ier profondément le mode de vie, du moins dans les vil les. Ainsi le visiteur occ i ­dental perçoit la mult ip l icat ion des deux roues, d 'une visite annuelle à l 'autre. Des villes relat ivement jeunes c o m m e Pune et Bangalore (un mill ion d 'habi tants en 1980, six mil l ions aujourd 'hui) se développent à une vitesse surprenante et concentrent , pour la recherche scient i f ique, des centres d'excel lence qui n'ont rien à envier à nos c a m p u s universi ta i res les plus réputés. Par exemple, IUCAA (Inter University Cen -ter for A s t r o n o m y and As t rophys ics ) , à Pune, est un m i rac le d ' a r c h i t e c t u r e , moderne et élégante, et un ilôt de paix intel lectuelle où chacun d 'entre nous rêve­rait de faire une retraite.

J'ai le privilège, depuis deux ans, de me rendre régulièrement en Inde en tant que membre du Consei l Scient i f ique du CEFI-PRA (Cent re F ranco - Ind ien Pour la Recherche Avancée), où j ' a i succédé à Edouard Brézin. Je suis, à chaque séjour, très chaleureusement accueil l ie et guidée à la fois par les collègues indiens et par les se rv i ces cu l tu re ls de l ' A m b a s s a d e de France, très Impliqués dans la coopéra­t ion scient i f ique. Une de mes premières surpr ises a été de rencontrer un certain nombre de grands instruments et d'équi­pemen ts lourds que je ne soupçonnais pas. La physique nucléaire est présente auprès d'accélérateurs c o m m e le pel le-t ron au TIFR de Bombay , l'accélérateur d ' ions lourds récemment installé à Bhu-baneshwar ou le synchrot ron de Calcut ta. Le microtron et l 'anneau de s tockage en chantier, à Indore, pour produire du rayon­nement synchrot ron seront les premiers

accélérateurs dont tous les éléments, des pompes aux aimants, seront entièrement faits en Inde. On note d'ai l leurs partout cette volonté de " fab r i que r i n d i e n " . L ' as t rophys ique est auss i un d o m a i n e bien équipé où l'Inde a une forte t radi t ion, attestée, par e x e m p l e , par l ' admi rab le observatoire construi t à Jaipur à l'époque des grands moghols . Aujourd 'hu i , on peut voir un radiotélescope près de Bangalore et su r tou t le G M R T (Giant M e t r e w a v e Radio Telescope) dont les 30 antennes de 45 m de diamètre, en const ruct ion près de Pune, susci tent déjà beaucoup d'intérêt chez les collègues français.

La physique du sol ide et la microélec­t ron ique bénéficient également d'équipe­men ts impor tan ts . J 'a i ainsi pu voir au TIFR, à Bombay, un apparei l de déposi­t ion selon le procédé MOCVD qui fabr ique des semi -conduc teurs en mul t i couches ou enco re un fou r de tirage de f i b res opt iques dopées de terres rares. Le CAT (Cent re fo r A d v a n c e d T e c h n o l o g y ) , à Indore, est un grand laboratoire de lasers créé à par t i r de r ien , il y a huit ans . A u j o u r d ' h u i , on y poursu i t des études d 'op t i que non linéaire résolues dans le temps et j 'a i eu la surprise d 'y visiter une petite usine de fabr icat ion de lasers YAG at tenante aux laborato i res. Plus répan­dues encore sont les études de physique de la matière mol le, sans doute parce que les moyens mis en jeu sont relat ivement faibles, et aussi à cause des débouchés possibles dans l 'Industrie des matériaux: polymères, c r i s taux l i qu ides , ca ta l yse const i tuent des points for ts de beaucoup de laboratoires de chimie. Le grand NCL (National Chemical Laboratory), à Pune, vient même de se doter d 'une petite unité de product ion de catalyseur pour la pétro­chimie. Cette ouverture de la science vers la recherche industrielle est d'ai l leurs une nouvelle tendance qui est partout percep­t ib le en Inde. Elle résulte d 'une volonté polit ique c la i rement affichée par M .N . Rao, l 'actuel premier min is t re, qui jou i t d ' u n e g r a n d e considération pa rm i les intellectuels. Pource lu i -c i , la réussite de la t rans i t i on vers l'économie de marché passe , en Inde, par l'amélioration des technologies locales et les transferts de technologies nouvelles à travers la coopé­rat ion in te rna t iona le . Pour le p remie r min is t re , la sc ience et la communauté scient i f ique ont un rôle décisif à jouer dans cet te évolution économique. C'est pour­quo i les bons laborato i res sont par tout poussés à augmenter leurs f inancements

Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96 21

par des cont ra ts avec les f i rmes indus­trielles, d 'autant plus que la part des f inan­c e m e n t s ins t i t u t i onne ls est amenée à baisser inéluctablement.

Beaucoup d 'e f for ts sont consacrés à modéliser par ordinateur des problèmes posés par la fabr icat ion industriel le. Il est d 'a i l leurs f rappan t de cons ta te r à que l po in t les o rd i na teu rs , très s o u v e n t cons t ru i t s en Inde, son t répandus non seu lemen t d a n s les labo ra to i res ma is auss i d a n s t o u s les sec teu rs de la v ie pub l ique. Cet te priorité à l ' in format ique résulte d 'une impuls ion v igoureuse d o n ­née par le précédent premier min is t re , Rajiv Gandhi , qui pensait a jus te t i tre amé­liorer ainsi les c o m m u n i c a t i o n s désas­t reuses à l'intérieur du pays et , d ' u n e façon générale, moderniser la p roduc t ion . L'Inde aujourd 'hui a donc une f lor issante industr ie du logiciel . En phys ique app l i ­quée, l 'ordinateur sert aussi bien à prédire les propriétés catalyt iques d 'une zéolithe qu'à décrire l ' interface de cr istal l isat ion d 'un all iage en métallurgie ou la façon dont se b loque l'écoulement des grains de riz dans un entonnoir .

La plupart des bons laboratoires que j 'a i visités font partie de grands inst i tuts f inan­cés et contrôlés au niveau nat ional. Les p lus p res t i g ieux d ' en t r e eux son t l 'IIS (Indian Institute of Science), à Bangalore, et les 5 IIT (Indian Institute of Technology) qui dépendent, c o m m e les universités, du M H R D (Min is t ry of H u m a n R e s o u r c e Development) . Les chercheurs y ont une for te ob l iga t ion d ' ense ignemen t à haut n iveau. Par con t re , ce n'est pas le cas dans les NL (National Laborator ies) qui relèvent du CSIR (Counci l for Sc ience and Industrial Research) ou du DST (Depart­men t of S c i e n c e a n d T e c h n o l o g y ) , ou enco re dans les établissements qu i dépendent de la Défense ou de l'Énergie A t o m i q u e , c o m m e le TIFR ou le BARC (Bhabha A t o m i c Research Cen te r ) , à Bombay, ou le CAT, à Indore. Les IIT ont été créés dans les années 50 sur le modèle du MIT, aux États-Unis, et l'IIS remonte au début du siècle. S'i ls semblent aujourd 'hui un peu à l'étroit dans des locaux qui ont, de plus, souffert des moussons , tous ces laboratoires dépendant de l'État Fédéral paraissent bien équipés - la provenance du matériel de base dépend essentiel le­ment du pays qui a "sponsorisé" l'IIT - et pas t rop handicapés par le m a n q u e de moyens.

La si tuat ion est différente dans les uni­versités financées par les États eux -mêmes. Le niveau de la recherche qui s'y fait est très variable et dépend avant tout de la qualité des pro fesseurs en p lace. Que lques universités privées c o m m e n ­cent à apparaître ; elles sont ouvertes aux étrangers et font payer des droi ts élevés, c o n t r a i r e m e n t aux institutions précé­dentes qui sont, pour l ' instant, peu coû­teuses mais prat iquent la sélection. Ainsi pour être admis à faire une thèse dans un IIT, un étudiant doit passer un concours nat ional pour lequel la compétition est extrêmement for te. En résumé, on peut

avancer que la bonne recherche, en Inde, s 'ef fectue pr inc ipalement dans les Insti­tu ts , qui ne se limitent d'ai l leurs pas aux IIT. Il existe de mult ip les inst i tuts par t icu­liers qui sont, la plupart du temps , liés à l ' industrie, c o m m e l'Institut du Pétrole, à Dehra Dun, ou le Carbon Technology Unit du NPL, à Delhi, et qui s 'apparentent à cer­taines de nos Ecoles d'ingénieurs. Enfin, je ne voudrais pas oubl ier les très n o m ­breux établissements qui résultent de for­tunes privées, c o m m e celle des Tata ou encore le Raman Insti tute, à Bangalore, merve i l l eusemen t installé dans la fraî­cheur d 'un parc aux essences t ropicales les plus variées.

Dans les bons laboratoires, la plupart des chercheurs ont fait au moins un séjour prolongé à l'étranger, souvent pour y faire leur thèse. L'Inde coopère off iciel lement avec 70 pays pour la R et D. En fait, il y en a su r tou t 6 qu i c o m p t e n t : la Russ ie , l 'Ang le te r re , les États-Unis, le J a p o n , l 'Al lemagne et la France. La coopération scient i f ique f ranco- ind ienne a des carac­téristiques tout à fait or ig inales, pour la France c o m m e pour l ' Inde. En fait, l ' Inde est l 'un des rares pays - à m a connais­sance, le seul - avec lequel la co l labora­t ion soi t aussi structurée. L 'accord est bilatéral, le f inancement des programmes est st r ic tement partagé en deux entre les deux pays. En Inde, le DST est concerné. En France, seul le Ministère des Affaires Étrangères est impliqué. Le CEFIPRA a son siège à Delhi, et son efficacité tient beaucoup à l 'except ionnel le personnalité de P.G.S. Mony, son directeur. Le budget annuel , d 'env i ron 20 MF, est approuvé chaque année par le Consei l d 'Admin is ­t ra t ion. Les projet sont discutés deux fois par an par le Consei l Scient i f ique qui c o m ­porte 4 membres indiens et 4 français. Les projets sélectionnés, environ 15 par an, ont une durée de 3 ans. Leur f inancement , qui va de 0,3 à 1,2 MF, sert aux voyages et aux séjours d ' Indiens en France, avec possibilité d' inviter un "pos t -doc " pour un an. Les visites de partenaires français sont également prévues, et même requises. Des sommes modérées sont accordées, sur just i f icat ion, c o m m e contr ibut ion aux frais de fonc t i onnemen t et, éventuelle­men t , d'équipement des labo ra to i res indiens et français concernés.

Les domaines de coopération recher­chés couvren t p ra t i quement t ou tes les sciences exactes, des mathématiques à la médecine. Il y a des sec teu rs où les Ind iens son t particulièrement deman­deurs de co l labora t ions , c o m m e l 'envi­r onnemen t ou les matériaux, d 'au t res , c o m m e l ' as t r ophys ique , où pour ra i t s 'organiser une coopération à plus large échelle. Les sujets fondamen taux aussi bien qu'appliqués sont également cons i ­dérés. Toutefo is, lors du dernier consei l d 'admin is t ra t ion , en décembre dernier, les bail leurs de fonds ont tous les deux recommandé, parallèlement à la poursui te de projets de recherche fondamenta le , la promot ion de recherches pouvant débou­cher éventuellement sur des appl icat ions

industriel les et, selon l 'expression consa­crée en Inde, améliorer les produi ts . En tou t cas pour l ' instant, la sélection des proposi t ions est faite essentiel lement sur des critères de qualité scient i f ique. Cette sélection est d 'a i l leurs sévère: chaque membre du Consei l prend au moins deux ou trois avis écrits d 'exper ts et guère plus d'1 projet sur 3 est, en général, accepté. Il faut ajouter que le CEFIPRA soutient aussi la tenue annuelle de 3 à 4 séminaires en France et en Inde destinés à préparer les futurs projets de coopération et à faire se rencontrer les partenaires.

On connaît encore mal , en France, les possibilités de la coopération avec l'Inde, malgré la présence de plusieurs anciens d i rec teurs sc ient i f iques du C N R S (Leh-mann, More l , Berroir, Fayard) au Consei l du CEFIPRA. Sur la centa ine de projets financés depuis 1987, plus de la moitié d'ai l leurs sont concentrés en région par i ­s ienne . Pour tan t il m e s e m b l e q u e les échanges scient i f iques peuvent être vrai­ment réciproques et profi ter intel lectuelle­ment aux laboratoires français qui s 'enga­gent dans un projet f ranco- ind ien . Pour citer un peu arbi trairement un exemple, j 'a i particulièrement remarqué la complé­mentarité des reche rches menées par D. Roux, à Montpel l ier, et par A.K. Sood , à Bangalore, sur les f luctuat ions d' inter­face dans les so lu t i ons colloïdales. La possibilité d'accuei l l i r de bons "pos t -doc " Ind iens et d'échanger de jeunes cher ­cheurs est, en elle-même, porteuse d 'ave­nir avec un pays qu i va sans d o u t e se re t rouver m e m b r e du p rocha in g roupe des pays les plus développés (l 'actuel G7).

En conc lus ion , j 'a i la conv ic t ion qu 'une visite appro fond ie en Inde représente pour un Français un invest issement personnel très enr ichissant qu' i l ne regrettera pas. Ce sera pour lui l 'occasion de découvrir un pays magni f ique et une très vieille culture avec laquelle la nôtre possède, en défini­t ive, beaucoup de points communs . Les relations avec les collègues indiens sont agréables et même s o u v e n t c h a l e u ­reuses. La communica t ion ne semble pas poser de problèmes. Enf in je voudra i s ajouter une dernière remarque. Certaines quest ions aiguës sont posées aux sc ien­t i f iques indiens par le vif contraste entre leur techno log ie avancée et l'arriération d 'une part ie de leur populat ion. D'une cer­taine façon, ces interrogat ions renvoient aux nôtres, et l 'exemple de l'Inde, où la sc ience ne peut être considérée c o m m e un objet abstrait , déconnecté de la réalité, prend à cet égard une impor tance part i ­culière

E.P.S. 10, Trends in Physics Le 1 0 e congrès général de l'E.P.S. aura

lieu à Séville, du 9 au 13 septembre pro­chain. R e n s e i g n e m e n t s : EPS 10 Organ iz ing Secretar iat, PROCONSUR, avenida San Francisco Javier 15, 4°, E - 41018 Sevil la, tel : 34 5 492 27 55, fax : 35 5 492 30 15.

22 Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96

Données relatives aux étudiants thésards et docteurs

Jacques Jof f r in

L e s données consignées ci-dessous sont extraites d 'un document public publié par le MESR, en février 1995; leur présen­tat ion et les commentai res qui sont regrou­pés à la fin du documen t résultent d 'un choix personnel. Ces derniers ont été pré­sentés lors du Séminaire de réflexion annuel de la SFP, à Orléans, en janvier 1996.

Pour chacune des rubr iques, on s'est efforcé de donner, d 'une part, des chiffres globaux pour toutes les discipl ines, d'autre part, des chiffres qui particularisent trois domaines systématiquement classés dans l 'ordre physique + chimie + génie des pro­cédés (gdp) . Ce d o c u m e n t ne con t ien t aucune information confidentiel le.

Données brutes : les docteurs

Nombre de thèses soutenues en 1993 :

total tou tes discipl ines : 8783 phys ique + chimie +gdp :

1818 (697 + 980 + 141) - soit un nombre assez ident ique à celui de 1992 après une augmentat ion régulière au cours des années précédentes ; - so i t ne t tement p lus qu 'en Angle ter re , mais moins qu 'en Al lemagne ; - dont 2 3 % en Ile-de-France et 17 % en Rhône-Alpes; toute fo is cet te p ropor t ion est no tab lemen t p lus fa ib le en I le -de-France pour la chimie, au contraire de la physique qui reste plus concentrée tout en étant loin d'at teindre les 48 ou 50 % des fo rces v ives du C N R S en région par i ­sienne ; - dont 31 % d'étrangers (dont on est ime que 42 % retournent dans leur pays) ; - dont 32 % de femmes ; - don t la durée moyenne est de 3,2 ans (la plus cour te des discipl ines alors que, pour les sc iences de l 'homme et de la société, cet te durée avoisine 5 ans) ; - dont 550 (278 + 243 + 28) ont été f inan­cées par une al locat ion du MESR distr i ­buée 3 ans plus tôt (on sait que ce nombre a augmenté j u s q u e vers l'année 1993 dont on ne verra le résultat en nombre de docteurs que trois ans plus tard ; à t i tre de compara ison , le nombre d 'a l locat ions du MESR distribuées en 1994 était de 875 dans le même secteur discipl inaire et de 750 environ en 1995) ;

- don t 8 5 % des 1818 thésards ont pré­paré leur thèse avec des f inancements normaux (593 + 765 + 117) ; par normal, il fau t e n t e n d r e une dotation mensue l l e pour le thésard voisine de celle du MESR. (C'est dire qu' i l y a t rop de thèses prépa­rées dans des condi t ions inacceptables.)

post-doc universités

(ATER+MC)

physique 26 21+10

chimie 30 12+8

g d p 12 16+8

epst entreprises sans emplois

10 6 14

6 16 20

10 30 19

Devenir des «thèses» soutenues en 93 : situation observée en février 94

Il s'agit, ici, d 'une stat ist ist ique relative à une populat ion observée de 545 + 809 + 94 = 1448 indiv idus ayant répondu aux enquêtes nominat ives du Ministère parmi les 1818 docteurs ; dans le tableau c i -des­sous, les chif fres sont donnés en pour­centages des 1818 docteurs ; on ignore le s ta tu t des d o c t e u r s n 'ayant pas répondu à l'enquête, soi t env i ron 1 5 % d'entre eux.

Pour bien comprendre ce tableau, il faut insister sur le fait que cet te «mesure» du devenir des docteurs a lieu en février 1994 et qu 'e l le por te sur l 'ensemble des thèses soutenues en 1993; la même mesure, faite en avr i l ou ju in 1994 , aura i t sûrement réduit la propor t ion des «sans emplois» issus de l'année 1993 mais le s tock de ceux-c i aurait été augmenté par des doc ­teurs ayant soutenu leur thèse au début de l'année 1994; le chiffre donné des sans-emplo is a donc une fiabilité raisonnable.

Données brutes : les thésards et les DEA

Étudiants inscrits en thèse en 1994 : - toutes discipl ines : 66600 - phys ique+chimie + g d p : 8100 (3039 + 4392 + 669), dont 1500 sont aussi ingé­nieurs (470+737+312) et 94 agrégés

Étudiants inscrits en DEA en 93/94 : - toutes discipl ines : 43000 - don t phys ique + ch imie + g d p : 4107 (1358 + 2384 + 365)

Étudiants reçus aux DEA en 1994 : - toutes discipl ines : 27000 - dont phys.+ chimie + gdp , 3397 (1137+ 1977+283).

Une p ropor t ion de 52 % d 'en t re eux s' inscr ivent en thèse, soit un nombre très voisin de la moyenne des discipl ines; ce ch i f f re , re la t i vemen t fa ib le au vu des nombres précédents, résulte d 'un taux de départ, la même année, au service nat io­nal de 22 % : une partie de ces derniers s' inscriront en thèse de manière différée.

Commentaires

Ces résultats son t basés sur une enquête nominale, individu par individu ; il est remarquab le que , malgré les m a u ­vaises habi tudes françaises, une propor­t ion de 85 % d'entre eux aient répondu ! Cela étant, aucune indicat ion ne permet de savoir comment répartir les 15 % " m a n ­quants" ; c 'est le handicap de ces résultats dont la physionomie serait très affectée si ces 15 % étaient tous chômeurs (on sait que ce n'est pas vrai) ou tous pos t -doc , par exemple.

Les difficultés économiques ont grave­ment modifié le paysage en peu d'années : le nombre des pos t -docs a for tement aug ­menté, pour le meilleur (séjour à l'étran­ger) , c o m m e pour le p i re (pos i t ion d 'at tente avant obtent ion d 'un emploi) ; le nombre des chômeurs faisant valoir leurs droits a, lui auss i , augmenté, et ce la exp l ique la d iminu t ion for te du nombre d 'a l locat ions attribuées en 1995 à la ch i ­mie, par exemple, et à la sous-disc ip l ine des "matériaux".

Une compara ison avec les années pré­cédentes met en évidence un ef fondre­ment des recru tements de thésards en entreprises ; cela est particulièrement net pour la chimie qui suit "mieux" les cycles économiques que la physique.

Le pourcentage élévé des recrutements "universitaires" ne doit pas faire illusion : dans l 'addit ion proposée dans la co lonne du tableau précédent, sont comptés les ATER + MC; la première situation est t ran­sitoire et const i tue une orbite de parking provisoire (comme les post -docs) .

Ces chiffres montrent donc qu' i l existe un gros "s tock" de docteurs suscept ib les de se présenter sur le marché du travail dans les années qui viennent ; aux chô­meurs déclarés, il faut, en effet, ajouter les ATER, les pos t -docs et une augmentat ion notable du flux des docteurs se présen­tant sur le marché du travai l . Une vision plus complète du marché du travail devrait inclure les Ingénieurs dont on sait que le flux a, lui aussi, augmenté au cours des dernières années

Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96 23

Rapport de la Commission IUFM de la S.F.P. (Extraits)

Introduction

La SFP, à l' initiative de Pierre Léna, a mis en place, en 1992, une commiss ion chargée d'enquêter et de réfléchir sur l 'enseignement de la phys ique dans les IUFM, et plus spécifiquement, sur la pos ­sibilité de faire acquérir aux futurs profes­seurs d'école une culture sc ien t i f i que dans le cadre de la polyvalence qui est requise d 'eux. Il ne s'agissait nul lement de réformer l 'enseignement dans les écoles, ou d 'en modif ier le p rogramme, ni même d'établir un p r o g r a m m e pour les IUFM, mais bien plutôt de faire l'état des lieux en matière d ' e n s e i g n e m e n t des s c i e n c e s expérimentales au niveau de l'école élé­mentaire et de réfléchir à la manière de susc i te r chez les fu tu rs p r o f e s s e u r s d'école l'envie d 'enseigner ces sc iences expérimentales (dont la phys ique) 1 .

Composit ion de la Commission

Ont participé de bout en bout aux travaux de la commiss ion : Françoise BALIBAR (Université Paris 7-Denis Diderot), Claude CABOT (Université Paris XI), Pierre FONTES (Université Paris XI, IUFM Ver­sailles), Marima HVASS (La Joie par les Livres), Bernard PERRIN (Université Paris 7- Denis Diderot), Edith SALTIEL (Université Paris 7-Denis Diderot, IUFM Paris), Laurence VIENNOT (Université Paris 7-Denis Diderot).

On t participé aux travaux p e n d a n t de longues périodes : Loïc AUVRAY (Laboratoire Léon Brillouin), Marie-France BACCHIALONI (Lycée de Nice puis Académie de Dijon), Claudette LAPER-SONNE (IUFM de Créteil), Jean-Pierre MAURY (Université Paris 7-Denis Diderot), Richard PLANEL (CNET Bagneux), Françoise PRADE-RIE (Observatoire de Paris-Meudon), David QUERE (Matière Condensée, Collège de France), Jacques TOUSSAINT (IUFM Orléans-Tours), Brigitte ZANA (IUFM Versailles).

On t été consultées o u on t assisté à q u e l q u e s réunions les p e r s o n n e s s u i ­vantes : Claude DUBOC (Cité des Sciences), André GUINIER (Université Paris XI), Lucienne GOU-GENHEIM (Observatoire de Paris-Meudon), Jean-Marc LEVY-LEBLOND (Université de Nice), Jean SIVARDIERE (CENG, Grenoble).

Mode de fonct ionnement

La commiss ion s'est réunie de janvier 92 à mai 95 ; durant la première année, les réunions avaient lieu environ une fois par mois ; elles ont été moins fréquentes dans la deuxième année, ma is d ive rs pe t i t s groupes (deux dans la période finale de

1. Rappelons qu'à l'école élémentaire, trois matières sont dites principales : le français (lecture, écriture), les mathématiques (calcul) et l'éducation physique. Les autres disciplines sont dites d"'éveil" (même si le mot a disparu des instructions, l'idée est restée).

dépouillement des questionaires) ont été formés, dont les réunions étaient moins régulières mais quelquefo is plus rappro­chées.

Le travail de la commiss ion peut être divisé en deux part ies :

1) Une réflexion, menée au cours de dis­cuss ions parfois vives, tou jours intéres­santes, sur ce qu' i l faudrai t a t tendre d 'un enseignement de la physique aux futurs professeurs d'école. Il va de soi qu 'une réflexion sur la format ion des maîtres ne peu t être t o t a l e m e n t dissociée d ' u n e réflexion sur l 'enseignement à l'école élé­menta i re même. Bien que le rôle de la commiss ion n'ait jamais été de réformer l 'enseignement à l'école élémentaire, elle a bien été obligée de se poser des ques­t ions portant sur la nature et les modalités de cet enseignement.

Ces d iscussions ont débouché sur l'éla­borat ion de deux idées que nous croyons neuves et qui cor respondent à la manière dont , en tant que physiciens, nous voyons l ' ense ignement des futurs p ro fesseurs d'école : la leçon de sciences et la salle de sciences. On trouvera p lus lo in le résumé de nos conc lus ions sur ce sujet. Il s'agit de proposi t ions à faire éventuelle­ment au Ministère.

Voulant prouver le mouvement en mar­chan t , la c o m m i s s i o n s 'es t attaché à construi re une de ces leçons de sc iences ; elle a choisi pour cela le thème "évapora-t ion " .

La conclus ion que nous avons tirée de cet te expérience - conc lus ion qui n'a rien d'étonnant mais don t la vérité nous est alors apparue avec une évidence forte -est la suivante : c 'est le travail que nous avons nous-mêmes effectué à propos de l'évaporation qui est formateur ; aut re­ment dit, pour vraiment former au métier d' instituteur, l 'enseignement des sciences physiques dans les sect ions professeurs d'école des IUFM devrait prendre la fo rme d 'une élaboration collective de trois ou qua t re leçons par les étudiants eux -mêmes, à partir de rien et avec l'aide de leurs enseignants. En réalité, il conv ien­drait que les étudiants puissent avoir le type de discussions que nous avons eues à propos du thème "évaporation", d iscus­sions qui ont porté, à la fois, sur les con te ­nus discipl inaires, les problèmes pédago­giques, l ' introduct ion ou non du modèle atomique pour décrire un tel phénomène, la nécessaire d is t inct ion entre le niveau d'élaboration requis des fu turs p ro fes ­seurs (étudiants en IUFM) et ce qui sera enseigné aux élèves. Il faudrai t également que les étudiants en IUFM soient incités à aller chercher la documen ta t i on néces­saire là où elle se t rouve et puissent éla­

borer et tester leur leçon d 'abord devant leurs camarades et enseignants et ensuite devant de "v ra i s " élèves. N o u s avons about i à la conc lus ion qu' i l est absolument nécessaire de me t t r e les étudiants en s i tua t ion de cons ta te r par eux-mêmes qu' i ls sont capables de faire une leçon de sc iences et qu ' i l n'y a pas de mei l leur moyen pour cela que de les obl iger à en fabr iquer par eux-mêmes. Cet te conc lu ­s ion p rend évidemment à rebours , à la fois, la demande de f iches - recettes et autres kits, et l'idée que les difficultés du métier seront aplanies grâce à un surcroît de psychopédagogie.

2) La const ruct ion et le dépouillement de q u e s t i o n n a i r e s ayan t pou r ob jec t i f de dresser un bilan de l 'enseignement de la phys ique à l 'heure actuel le dans les IUFM.

Le p remier ques t ionna i re s 'adressa i t aux futurs professeurs d'école (étudiants de première et deuxième année d' IUFM), le deuxième aux professeurs de physique enseignant dans les divers centres IUFM dans le cadre de la format ion de premier degré. Ce deuxième quest ionnai re était lui-même divisé en deux part ies : la pre­mière avait pour ob je t de recueil l i r des données o b j e c t i v e s , et il était envoyé aux responsables de l 'enseignement de la p h y s i q u e d a n s c h a q u e cen t re ; la deuxième par t ie , p lus pe rsonne l l e , à laquelle il était demandé de répondre indi­v iduel lement et de façon anonyme, était envoyée à tous les enseignants de phy­s ique concernés qui étaient libres d 'expr i ­mer leurs suggest ions et idées concernant l 'ense ignement idéal de la phys ique en IUFM à destination des pro fesseurs d ' école.

Leçon de sciences, salle de sciences

Les IUFM sont des insti tuts de forma­t ion, ce r t es , ma is ce son t auss i des centres de création pédagogique, d' infor­mat ion et de di f fusion. C'est dans cet te opt ique, et pour renforcer cet te vocat ion, que nous p roposons , pour la format ion aux discipl ines scient i f iques des profes­seurs d'école, futurs et actuels, le d ispo­sitif suivant, centré autour de la "leçon de sc iences" et de la "salle de sc iences" .

La "leçon de sciences"

Définition Séquence pédagogique de durée va­

r iable, pouvan t s'étendre en c lasse sur plusieurs semaines et centrée autour d 'un thème. Elle fo rme la base de l 'enseigne­ment des sc iences à l'école élémentaire.

24 Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96

Apprentissage

L ' a p p r e n t i s s a g e de ce t e x e r c i c e ne devrait mob i l i se r q u ' u n e v ing ta ine des heures du cursus officiel de la format ion générale (en deuxième année, après le concours) des futurs professeurs d'école. Des stages devraient permett re aux pro ­fesseurs d'école en exerc ice de se recy­cler périodiquement.

État d'esprit à créer chez les professeurs d'école

Enseigner les sciences, c'est possible.

Objectif de cet apprentissage

Dédramatiser, démythifier l 'enseigne­ment des sc iences en faisant construi re par les étudiants (ou p ro fesseu rs en s tage) , guidés par les ense ignan t s de l ' IUFM, un n o m b r e limité (3 ou 4) de "leçons de sc iences" sur des thèmes bien chois is. Il ne s'agi t pas d 'enseigner aux étudiants d ' IUFM des sciences de façon académique, mais bien de démontrer la marche en marchant. A la f in de son séjour en IUFM, l'étudiant doi t aborder la vie pro­fess ionne l l e avec l'idée q u e bâtir une leçon de sc iences, c 'est possib le parce qu'il l'a déjà fait.

Modalités

Env i ron hui t heu res pou r ra ien t être consacrées à la réalisation d 'une leçon sur un thème donné. L'élaboration d ' u n e leçon de sc iences pourra i t se dérouler selon quatre phases : - préparation co l lec t ive de la leçon (re­c h e r c h e de d o c u m e n t a t i o n , matériel, bib l iographie, Idées, etc. ), avec l 'aide des enseignants ; - première ébauche individuelle ; - d i scuss ion en g roupe animée par les enseignants ; - intégration par le p ro fesseu r des conna issances académiqus accessib les aux étudiants (rappel de modèles, élé­m e n t s d ' h i s t o i r e des s c i e n c e s , par exemple) ; - élaboration en c o m m u n de la leçon-syn­thèse (c'est dans cet te phase qu' intervient l'expérience et le métier des enseignants).

Il ne devrait pas y avoir de p rogramme des "leçons de sc iences" possibles, mais une liste (à géométrie variable, établie par un g roupe mixte comprenant des repré­sentants des diverses discipl ines sc ient i ­f iques) de thèmes, liste dans laquelle le professeur d'école en poste pourrait par la sui te choisir.

Exemples

L'évaporation.

Les couleurs. La couleur est un thème très souvent traité à partir de manipula­t ions sur la décomposition de la lumière (pr ismes, arc-en-c ie l . . . ) . Ces man ipu la ­t ions, agréables à voir, introduisent l'idée q u e la lumière c o m p o r t e b e a u c o u p de radiat ions colorées, mais passent sous si lence le rôle de la percept ion. Les man i ­

pulat ions d 'addi t ion de lumières colorées (à large bande ) , r ouge , ve r te et b leue nécessitant un matériel modes te ( lampes de poche et fi ltres, pyramide b lanche en bristol), permet tent de mett re en évidence l ' importance de l'œil dans la détermina­t ion des couleurs ainsi que le rôle de la lumière avec laquelle on éclaire les objets colorés, p e r m e t t a n t a insi de dépasser l'idée d 'une "couleur de l 'objet".

Le bruit.

La "salle de sciences"

Définition

Salle c o m m u n e à toutes les discipl ines scient i f iques, ouverte en libre accès, où l'on fait des sciences c o m m e on fait de l 'exercice dans une salle de gymnast ique. C h a q u e cen t re IUFM devrait être doté d 'une telle salle ; mieux vaut c inq salles s o m m a i r e m e n t équipées q u ' u n e seu le mieux fournie mais localisée en un seul point de l'Académie.

État d'esprit à créer

Les sciences, c'est formidable.

Objectif

Faire prat iquer les sc iences , c'est-à-dire toucher, fabr iquer, observer, interro­ger , l i re, se rense igner , d a n s un l ieu attrayant et stratégique du centre IUFM.

Ce t t e sal le devrait évidemment être access ib le aux p ro fesseurs d'école en poste (voir c i -dessous) .

Contenu - un coin atelier, équipé d 'un strict min i ­m u m , où l'on peut bricoler et construi re les expériences des leçons de sc iences ; - série de manips pas chères, p r o v o ­cantes, st imulant une réflexion act ive et renouve lab les (une même m a n i p ne devrait pas rester en p lace plus de six mois, et certaines devraient circuler d 'un IUFM à l'autre). Il ne s'agit pas de réaliser des démonstrations amusantes (l'idéal est plutôt la sal le Eurêka du Palais de la Découverte). Un object i f Important est de développer la conf iance en soi : l'étudiant doit constater qu 'en alliant désir de c o m ­prendre, souci de cohérence et prise en c o m p t e de l ' observa t ion , on peut déjà déboucher sur des conc lus ions intéres­santes ; - une bibliothèque munie d 'un présentoir sur lequel son t disposés une sélection émanant de la bibliothèque compor tan t des livres (en particulier, des manuels, une sélection de livres pour enfants so igneu­sement choisis, des ouvrages de vulgar i ­sation), la gazette IUFM (voir c i -dessous), des c o m p t e s rendus des leçons de sciences réalisées par les étudiants (voir c i - dessus ) , des revues (La Hu lo t t e , S c i e n c e et V ie , e tc . ) , la l iste des res ­sources locales (centres de cul ture scien­tif ique, f ou rn i sseu rs de matériel...) et éventuellement des cassettes v ideo so i ­gneusement sélectionnées ;

Encadrement

Il devrait être assuré par un binôme (uni­versitaire ou CNRS détaché + formateur IUFM), avec possibilité de s'adjoindre un enseignant en poste (primaire ou secon­daire).

Dispositif d'accompagnement

Définition

Mesures permettant d'intégrer la salle des sciences et les leçons de sciences à la v ie p ro fess ionne l l e du p ro fesseu r d'école (non pas pour alourdir cet te der­nière mais bien au contraire pour l'alléger).

État d'esprit à créer

On sort de l'IUFM, on ne le quitte pas.

Objectif

Il est double : - s 'ag issant des ense ignants : les faire revenir (ou venir, pour les plus anciens) à la salle des sciences du centre IUFM le plus proche. Tous les professeurs d'école en pos te do iven t savoi r qu ' i l s peuven t t rouver dans leur centre IUFM des idées et des réponses aux q u e s t i o n s qu ' i l s se posent dans l 'exercice de leur métier ; - s 'agissant de l ' IUFM : en faire un centre de format ion permanente, de ressources et de recherche pédagogique.

Dispositif - ouverture de la salle de sciences ; l'idéal serait qu'el le soit ouverte en continu ; elle devrait, en tout cas, l'être, à coup sûr, le m e r c r e d i e t , si poss ib l e , également à l'heure du déjeuner de 11 h à 14h, le soir de 18h à 20h et le samedi après-midi ; - création d 'une gazette de l'IUFM d o n ­nant des c o m p t e s rendus de cer ta ines leçons de s c i e n c e s montées à l ' IUFM (sans oubl ier la liste du matériel néces­saire, l 'endroit où le trouver et à quel prix), des rense ignements d ivers sur les res­sources locales, les nouveautés dans le matériel, leurs po in ts de ven te locaux. Cette gazette devrait ouvrir ses pages aux p ro fesseu rs d'école (p ropos i t i ons de leçons, de peti tes manips, récit d'expé­riences e tc . . ) ; - mise en place d 'un réseau faisant appel aux compétences locales ( labora to i res un ivers i ta i res , CNRS) , f o n c t i o n n a n t en service minitel et suscept ib le de fournir r a p i d e m e n t te l ou te l r ense ignemen t demandé par un professeur d'école en poste. La communauté scient i f ique doit sentir qu' i l est de sa responsabilité de par­t i c iper à la f o r m a t i o n des p ro fesseu rs d'école ;

- éventuellement, un coin informatique (accès à un banque de données, petits pro­grammes, logiciels d'apprent issage, etc.) ; - une collection c o n t e n a n t un n o m b r e limité d 'apparei ls plus sophistiqués que ceux utilisés dans les petites manips.

Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96 25

- organisat ion de stages thématiques de recyclage, d 'une durée de deux ou trois j ou r s , p e r m e t t a n t au s tag ia i re de se replonger dans la fabr icat ion d 'une leçon de sciences et de réapprendre à se servir de la salle des sc iences et du disposit i f d ' accompagnemen t ; - organisat ion d 'une série de conférences de vulgarisation sur des sujets modernes, prononcées par des personnalités sus ­cept ib les de redonner de l 'enthousiasme

à la fols aux étudiants en format ion et aux p ro fesseu rs d'école en fonct ion. Là encore, la communauté scient i f ique doit s ' impl iquer.

L ' impl icat ion de la communauté sc ien­t i f ique dans la format ion des professeurs d'école ne devrait pas se l imiter à des conférences et à un service de renseigne­ments. Il conviendrai t d 'organiser systé­mat iquement des échanges entre univer-

sitaires ou membres du CNRS et des for­mateurs scient i f iques en IUFM. On peut Imaginer q u ' u n fo rma teu r IUFM v ienne remplacer pendant un semestre un ensei­gnant fonct ionnant dans un des modules de type " p h y s i q u e expérimentale" de l'université (pour les membres du CNRS?) et qu ' inversement un universitaire a c c o m ­plisse son service c o m m e animateur de la salle de sc iences d 'un IUFM pendant un semestre. . .

La montée en énergie du LEP

"Le monde eut-il été plus vaste, ils y seraient allés" (CAMOENS, Les Lusiades)

François Richard L.A.L., Orsay

Introduction

Le 31 oc tobre 1995, le LEP, c'est-à-dire le col l is ionneur e + e - du CERN, a atteint une énergie de 130 GeV dans le centre de masse. Les quatre expériences (ALEPH, DELPHI, L3 et OPAL), situées aux points de rencontre des posi t rons et des élec­t rons , ont observé les premiers événe­ments d 'annihi lat ion.

Dès l 'o r ig ine , le LEP était destiné à explorer un domaine d'énergie au-delà de la résonance Z à 90 GeV. A la réunion des Houches, en 1978, la communauté des physic iens des part icules avait reconnu la nécessité de vérifier l 'aspect le plus inouï du modèle s tandard électro-faible: la pos­sibilité de coupler les bosons vector ie ls entre eux, soit le Z à une paire de bosons chargés W + W - .

Dans le projet initial ("livre rose" 1979), il était envisagé de monter à 2 x 130 GeV en utilisant des cavités RF (Radio-Fréquence) supraconductr ices. Les contra intes géo­logiques imposées par le si te du CERN au pied du Jura, ainsi que des considéra­t ions budgétaires, ont fixé une l imi te à 2 x 1 0 0 GeV.

On peut s ' in terroger quant à l ' impor­t a n c e réelle de ce débat sur l'énergie maximale de LEP puisque, pour produire des paires W + W - (masse du W = 80 GeV), 2 x 90 GeV serait tout à fait suff isant. On doit en trouver la raison dans des déve­loppements théoriques récents qui pr iv i­légient la supersymétrie, considérée par b e a u c o u p c o m m e la seu le e x t e n s i o n v iab le du Modèle S t a n d a r d . Or, cette théorie prédit l 'existence d 'un boson de Higgs "léger", de masse inférieure à 130 GeV. Un LEP de 2 x 100 GeV permet de produire une telle part icule en associat ion avec un boson Z jusqu'à une masse de l 'ordre de 100 GeV.

L'enjeu est donc de tail le, si l'on sait par a i l leurs que l 'observa t ion du b o s o n de Higgs est particulièrement délicate dans ce domaine de masse pour le futur col l i ­s ionneur p r o t o n - p r o t o n L H C d o n t la construct ion vient d'être décidée.

Figure 1 : Schéma de principe d'un module de 4 cavités SC montrant les divers composants.

La supersymétrie prédit auss i l 'ex is­t ence de nouvel les par t icu les "m i ro i r s " des part icules existantes et différentes par leur spin e.g. : Lequark de spin 1/2 -> Squark de spin 0 Le boson W de spin 1 ->Wino de spin1/2 Le boson H de spin 0 -> Higgsinode spin1/2

Ces part icules doivent être assez mas­s ives pour exp l i que r leur a b s e n c e aux basses énergies mais la théorie et cer­ta ines mesures précises ob tenues à la résonance Z suggèrent qu 'e l l es pou r ­raient tomber dans le domaine d 'observa­t ion de LEP 200 (LEP à 2 x 100 GeV).

L'énergie de LEP

Dans une machine circulaire, l'énergie rayonnée par les part icules chargées varie c o m m e y 4 /R , où y est le facteur de Lorentz égal au rapport de l'énergie et de la masse et où R est le rayon moyen de la machine. Pour des électrons, ce t ef fet est très important (y est très grand) et le doub le ­ment de l'énergie mult ipl ie par 16 l'éner­gie rayonnée.

Ainsi chaque électron doi t , pour être conservé, recevoir en moyenne 2 % de son énergie par tour sous forme de puis­sance RF (champ électrique accélérateur).

Il est exc lu de mul t ip l ie r par 16 le nombre des cavités RF "chaudes" car on aboutirai t à une consommat ion de puis­sance excessive. C o m m e prévu, on util ise

des cavités RF supraconduc t r i ces four­nissant un gradient 4 fois plus élevé que les cavités de cu i v re (6 mi l l i a rds de Volts/mètre) avec un rendement énergé­t ique très supérieur. La fréquence de fonc­t ionnement , 352 MHz, cor respond à des cavités de grande tail le, de const ruct ion délicate, mais permettant d'accélérer les forts courants nécessaires pour observer un taux suff isant d'événements (la sect ion eff icace de product ion de paires de W est 3000 fois plus faible que la sect ion eff icace à la résonance Z). Le matériau supracon­ducteur est un f i lm de 1 micron de n iobium (Il en faudra 1700 m 2 au to ta l !) sur du cuivre à la température de l'hélium liquide (4.5 degrés Kelv in) , ce qu i assure une mei l leure conductivité t h e r m i q u e q u e pour du n iob ium pur et donc une bonne stabilité en cas de réchauffement local. La const ruct ion des cavités est en très bonne vo ie avec un taux de réussite (cavités a t te ignant le grad ient nomina l avec un débit su f f i samment faible) en cons tan te augmentat ion : 15 % en 1992, 75 % en 1995. Trois f i rmes européennes, dont une française, ont assuré, sous la direct ion du CERN, cet te const ruc t ion , l 'assemblage final étant réalisé au CERN (figure 1).

De nombreux défis technolog iques ont jalonné cet te entreprise. Ci tons, en part i ­culier, le problème récent des coupleurs, sortes d 'antennes qui ont pour mission de faire entrer dans les cavités la puissance électromagnétique générée à partir des klystrons et des modulateurs . Des effets d'émission seconda i res (électrons arra­chés à la surface des matériaux par les forts c h a m p s en présence), hab i tue ls d a n s ces systèmes, ent ra ient en réso­nance et l imitaient la puissance t ransmise. Des m o d i f i c a t i o n s t e c h n o l o g i q u e s et l 'appl icat ion d 'une tens ion cont inue ont éliminé ces effets.

Les cavités ont été introduites progres­s i vemen t pou r tes ter le c o m p o r t e m e n t avec fa isceaux. En 1995, les Ingénieurs du CERN ont constaté des phénomènes de résonance mécanique liés aux forces de Lorentz exercées par les champs électro­magnétiques sur les cavités. Rappelons

26 Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96

q u ' u n e cavité sup raconduc t r i ce n 'entre en résonance que pour une bande de fré­quence très étroite et qu 'une déformation mécanique in f ime peu t mod i f i e r ses cond i t ions de fonct ionnement . Pour lutter cont re ce phénomène, il a fallu recourir à des systèmes auto-correcteurs agissant sur les sources de pu issance, les k lys-t rons.

La première montée en énergie, le 31 octobre 1995, réalisée avec 56 cavités SC en fonctionnement, a permis d'atteindre 2 x 65 GeV dans de très bonnes conditions de bruit de fond. Une luminosité record de 3.1 1 0 3 1 cm-2s-1 a été obtenue peu après à 2 x 68 GeV (voir le paragraphe suivant pour une discussion sur la luminosité). Le but actuel est d'avoir, en 1998, 272 cavités SC et d'atteindre 2 x 96 GeV.

Quelle pourrait être l'énergie maximale de LEP ? Cet te quest ion a été traitée en détail lors d 'un workshop récent (fin 1995) consacré à LEP 200. Si l'on s 'abst ient de tout travail de génie civi l , il est possible d'atteindre une énergie to ta le dans le centre de masse de 205 GeV en augmen­tant le nombre de cavités installées. La c o u r b e de la figure 2 mon t re les coûts des différentes étapes, l'étape notée "phase IV" ayant été approuvée par les autorités du CERN, f in 1995.

Les étapes ultérieures, si elles voient le jour, devraient être décidées avant la f in 1996 puisqu' i l faudrai t pouvoir maintenir en vie les chaînes de product ion des cav i ­tés dans les pays européens concernés.

Pouvai t -on faire mieux ? Il est Incontes­table que la technolog ie des cavités SC a évolué très rap idement avec les études suscitées par CEBAF (mach ine à élec­t rons SC aux Etats-Unis) et par TESLA (projet de col l is ionneur linéaire e + e - ) . Des g rad ien ts élevés, dépassant 20 M V / m , sont réalisés, mais en laboratoire et pour des fréquences dépassant le GHz (mill iard de Hz) qui ne semblent pas adaptées au LEP. Il faut également noter que TESLA f o n c t i o n n e r a à 2 degrés Ke lv in , ce qu i d iminue la résistance résiduelle et favorise les plus for ts gradients. On pourrait donc rêver d 'un LEP plus performant et certains en rêvent encore.. .

La luminosité de LEP

La luminosité est le coeff ic ient qui per­met de passer de la sect ion eff icace du processus phys ique étudié (en c m 2 ) au n o m b r e d'événements par s e c o n d e s . Pour obtenir, par exemple , 10000 paires W + W - par expérience pendant 3 années de prises de données, il est nécessaire de mult ipl ier par 10 la luminosité ob tenue à LEP 100 et donc at te indre une luminosité de 1 0 3 2 c m - 2 s - 1 . L ' a u g m e n t a t i o n est obtenue par l 'accroissement des courants c i r cu lan t d a n s la m a c h i n e et par une meil leure focal isat ion.

Le courant maximal est déterminé par la puissance RF disponib le ou , si l 'on pré­fère, le nombre de klystons d isponib les et

Energie du faisceau Figure 2: Coûts en Mega francs suisses des diffé­rentes phases d'augmentation de l'énergie par faisceau de LEP.

par la l imite de stabilité à l ' injection (on injecte les électrons à 20 GeV). Cet te l imite est liée aux champs parasites induits sur les parois par le passage du fa isceau. Il n'est pas encore assuré que l'on parv ien­dra à atteindre les per formances escomp­tées mais les "orb i teux" nous ont habitués à faire preuve d 'astuce.

Une raison d'être opt imis te, après les essais à 2 x 65 GeV, est la très faible tail le de faisceau observée dans la d imension ve r t i ca le . A v e c des c o u r a n t s b ien moindres, on a ainsi pu obtenir 1/3 de la luminosité f inale escomptée.

Quelle physique à LEP 200 ?

Les mesures de précision

LEP 100 a permis de vérifier la validité du Modèle Standard (MS) des interact ions électro-faibles à un degré de précision suff isant (environ 0.1 % ) pour établir la présence des termes virtuels. En s impl i ­fiant, on devient sensible à l'émission et à la recombina ison de paires de fermions lourds (e.g. les quarks top) que l'énergie du LEP ne permet pas de produire réelle­ment. Cet effet permet une détermination précise de la masse du quark t op (mt = 170 ± 21 GeV) en bon accord avec le résultat de mesure d i recte du col l is ionneur p ro ­ton-ant ipro ton de Fermilab (près de Ch i ­cago ) . La contribution v i r tue l le liée au boson de Higgs est t rop faible pour une détermination précise de sa masse mais pourra i t permet t re de met t re une l imite supérieure de l 'ordre de 500 GeV d 'un très grand intérêt pour les recherches futures.

A LEP 200, on pourra produire le boson W et déterminer sa masse qui , dans le MS, est reliée aux quantités mesurées à LEP 100. L'excel lente précision espérée (50 MeV pour une masse de W de 80 GeV) ne permet t ra pas d'améliorer l 'est imation indirecte de la masse du boson de Higgs mais peut rendre manifeste une déviation par rapport au MS d'or ig ine Imprévue.

A LEP 200 , on déterminera les cou­plages du photon et du Z aux paires W + W -en mesurant les sec t ions ef f icaces, les d is t r ibu t ions angula i res et les po lar isa­t ions de ces part icules. On n'at tend pas de déviations spectacula i res de ces mesures par rapport au MS car, par les termes vir­tuels, ces effets auraient probablement pu

être décelés à LEP 100. Il faut toutefois se défier des a priori théoriques...

Le boson de Higgs

Sa découverte est l 'objectif majeur de la physique des hautes énergies (LHC, col l i -s i onneu rs e + e _ en pro je t ) , et LEP 2 0 0 couvre un domaine de masse particuliè­rement important.

Dans le MS, on prédit une masse de Higgs entre 100 et 200 GeV, accessib le à LHC et hors de portée de LEP 200. Mais le MS, au sens strict ("il ne se passera rien jusqu'à l'échelle de Planck 1 0 1 9 GeV où doit intervenir l'effet de la gravitat ion") pré­sen te des inconvénients ma jeu rs . La masse du boson de Higgs est déstabilisée par des correct ions virtuelles anormale­ment élevées, de l 'ordre de la masse de Planck. En somme, dans ce modèle, on n'arrive pas à accommoder l 'existence de deux échelles de m a s s e différant par 17 ordres de grandeur...

La supersymétrie se propose de fournir une solut ion viable à ce problème par une compensat ion des termes virtuels du MS par des termes dus aux part icules super­symétriques. Elle prédit une masse de Higgs de l 'ordre de la masse du Z avec des correct ions liées à la masse du quark t op . La va leur m a x i m a l e a t t e n d u e est de 130 GeV.

La détection du b o s o n de H iggs à LEP 200 a été évaluée précisément lors d ' u n w o r k s h o p récent organisé par G. Al tare l l i au C E R N . Le d o m a i n e de masse couvert atteint 100 GeV pour une énergie de LEP de 2 x 96 GeV. Cela per­met de couvrir une fract ion importante du d o m a i n e de m a s s e d a n s un scénario supersymétrique.

La supersymétrie

A u c u n e par t i cu le supersymétrique n'ayant été observée, les seuls arguments qui plaident en faveur de cet te théorie rési­dent dans sa cohérence interne et dans le fait qu'el le respecte tous les aspects véri-f iables par l'expérience. Certains théori­ciens soul ignent que ce mérite n'est pas mince pu isqu 'aucun modèle concurrent n'y parvient de manière convaincante.

Il existe deux résultats expérimentaux indiquant que le MS n'est pas vérifié alors que la supersymétrie (SUSY) peut en four­nir une interprétation.

Le pos tu la t d ' un i f i ca t i on des f o r ces électromagnétiques, fa ib les et fo r tes à très haute énergie, permet de prédire la c o n s t a n t e de c o u p l a g e d ' u n e de ces forces ayant mesuré les deux autres. Pour obtenir cet te relation, on utilise les équa­t ions d'évolution des constantes de c o u ­plage des trois interact ions où intervient le spectre des part icules connues (e.g. les 3 famil les de quarks et de leptons). Avec les mesures précises obtenues à LEP, on a constaté que le MS ne marche pas alors q u e la supersymétrie, avec un spec t re élargi, d o n n e na tu re l l emen t la b o n n e valeur. Il faut toutefois rester prudent dans nos conclus ions, car l 'unif ication des trois

Bulletin de la S.F.P. (104)mai96 27

in teract ions peut être modifiée de bien d 'autres façons jusqu'à l'échelle d 'uni f i ­cat ion (14 ordres de grandeur au-dessus de la masse du Z !)

Plus récemment, on a mesuré une déviation très ténue ma is s ign i f i ca t i ve dans la désintégration du Z en part icules de beauté. L'effet peut être attribué à la contr ibut ion virtuelle de part icules super­symétriques légères (il s 'agit du Higgsino et du squark top) n' intervenant que pour ce mode de désintégration du Z. Si cela était vrai, il deviendrait possib le de pro­duire ces part icules supersymétriques à l'énergie obtenue fin 1995...

La première montée en énergie à 2x68 GeV

La montée en énergie programmée fin 1995 devait avoir un caractère purement technique destiné à évaluer le compo r te ­ment des cavités SC et les caractéris­t iques opt iques de LEP à cet te énergie. La recherche du boson de Higgs à LEP 100 avait atteint une limite de masse de l 'ordre de 65 GeV qui ne pouvait être dépassée avec une énergie aussi faible. Les spécu­la t ions théoriques, mentionnées p lus haut , en on t décidé a u t r e m e n t . Les 4 expériences ont exprimé le désir de col­lecter le p lus de données poss ib l es à l'énergie proposée.

Les physic iens machine du LEP ont joué le jeu et, tout en faisant les tests ind ispen­sab les , on t pe rm is aux 4 expériences d 'accumuler assez de données pour tes­ter l'hypothèse proposée.

Figure 3 : Evénement typique observé lors de la montée en énergie.

Avec ces données, analysées en un temps record, les 4 expériences ont pré­senté leurs conc lus ions début décembre dans un séminaire c o m m u n au C E R N . Elles ont pu exclure, dans le domaine de masse exploré, l 'existence de part icules supersymétriques invoquées pour exp l i ­quer la déviation mesurée dans la désin­tégration du Z en quarks de beauté. Cer­ta ins théoriciens, peut-être un peu hâtivement, en concluent que cet te inter­prétation est devenue improbable après ces nouveaux résultats de LEP.

Il faut toutefois noter que l'expérience ALEPH observe un excès d'événements à 4 jets de hadrons (un jet = une émission collimée en angle de hadrons issue géné­ralement d 'un quark) . Cet excès donne

une accumula t ion qui suggère que l'on a produi t une paire de part icules massives d 'une masse de 55 GeV. Cet effet, non interprétable dans la théorie supersymé­tr ique ordinaire, a t tend conf i rmat ion (ou démenti !) des 3 autres expériences LEP.

A suivre...

En guise de conclusion

La montée en énergie du LEP, dans le contex te des développements théoriques récents, est devenue une priorité majeure et, pour citer G. Altarell i , " chaque GeV de plus c o m p t e " . Il faut donc soul igner à nou­veau que, pour le LEP, (contrairement à ce qui se passe pour une mach ine hadro-n ique c o m m e le LHC où un progrès en luminosité est équivalent à un progrès en énergie), l'énergie maximale définit inexo­rab l emen t le d o m a i n e de reche rche a c c e s s i b l e . Il sera i t in jus te de taxer d'imprévoyance les const ructeurs de LEP puisqu' i ls ne percevaient que l 'objectif du canal W+W- et il faut au contraire saluer le travail remarquable accompl i récemment pour surmonter les dernières difficultés techniques. Dans un contexte budgétaire très diff ici le, le CERN a pu nous accorder "que lques GeV de plus" , et il reste à espé­rer qu' i ls suff iront pour at te indre les ob jec­t i fs de phys ique dont j 'a i parlé.

Pour en savoir plus G. Kane "The particle garden" Helix Books, Addison-Wesley. G. Altarelli et al. "Physics at LEP2" Rapport CERN 96-1.

Le monde merveilleux des milieux granulaires secs Hans J . Herrmann, Harald Puhl et Damien Vandembroucq

PMMH, ESPCI, Paris

Les milieux granulaires et la physique

Vous souvenez-vous du bac à sable de votre enfance, des fabuleux concours de châteaux de sable sur la plage ? Avec le t e m p s , vo t re intérêt pour le sab le s 'est peut-être émoussé. Qu ' y a-t- i l de p lus c o m m u n que que lques grains de sable, après tou t ? Et pour tan t ! Regardez- les mieux, ces grains de sable, regardez- les avec l'œil du phys i c i en q u e v o u s êtes devenu : vous y t rouverez des mervei l les ! Le sable perle entre les do ig ts c o m m e un l iquide, on peut le modeler, le déformer à loisir ; le même sable est cependant si dur et si sol ide qu 'on pourrait rouler en voi ture sur une p lage sans d o m m a g e (seule la perspect ive des vi laines c ica t r ices lais­sées par les roues sur le sable nous font renoncer à cet te possibilité).

En fait, le sable ne coule pas tout à fait c o m m e un l iquide : lorsqu 'on déverse du sable sur un plan incliné, il gl isse en ava­lanches irrégulières qui v iennent mour i r t ranqu i l lement en bas. Même dans son état le plus f lu ide, le c o m p o r t e m e n t du sable est inhabituel : un sablier ne nous donne une mesure du temps que parce que la mécanique des f luides s 'app l ique mal au cas des mi l ieux g ranu la i res . C o n t r a i r e m e n t à la loi de H a g e n - P o i -seuil le, le f lux de sable qui s'écoule par le gou lo t du sab l ie r est c o n s t a n t et ne dépend pas de la hauteur de sable restant dans le réservoir du haut.

Des matériaux granula i res c o m m e le sable, mais aussi c o m m e la farine ou le suc re , les minera is ou les ca i l loux , les comprimés, les granulats, le c iment et le toner sont d 'une grande impor tance t e c h ­nologique. Leur compor temen t est étudié

depuis le début du siècle par des ingé­nieurs un peu partout dans le monde. On connaît ainsi beaucoup de lois empir iques étonnantes, mais jusqu 'a lors les études étaient p r i nc ipa lemen t guidées par les appl icat ions.

Jusqu 'au siècle dernier, les propriétés e x o t i q u e s des p o u d r e s fasc ina ien t les physic iens ; Faraday, Reynolds et Hagen, en t re au t res , pe rm i ren t des avancées no tab les d a n s la compréhension des matériaux granulaires. Mais dès le tour­nant du siècle, ces matériaux tombèrent peu à peu en désuétude. Le fait qu 'aucune théorie cont inue ne soit capable de modé-liser leur compor temen t les écarta inéluc­tab lement des sujets "nob les" prisés par les théoriciens modernes . En revanche, depuis quelques années, on assiste (par­ticulièrement en France) à une véritable renaissance de l'intérêt pour ces maté-

28 Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96

r iaux. Ce re tour en grâce s ' e x p l i q u e d ' a b o r d par l'élaboration de nouveaux concep ts permet tant de comprendre les mil ieux désordonnés et les systèmes co l ­lectifs, un travail largement encouragé et sou tenu par Pierre-Gi l les de Gennes et Etienne Guyon . De plus, les ordinateurs nous permet tent aujourd 'hui de modéliser des systèmes très complexes (au sens où ils son t constitués par un très g r a n d nombre d'éléments) et de comparer quan ­t i t a t i vemen t les s imu la t i ons aux expé­riences. Avec la méthode de la dynamique moléculaire, on peut ainsi suivre indiv i ­duellement la trajectoire de chaque grain avec des intervalles de t e m p s réalistes (i.e. q u e l q u e s m inu tes ) et t ra i te r en même t e m p s jusqu'à 1 0 4 grains. On peut simuler e n c o r e p lus de par t i cu les avec les modèles de gaz sur réseau [1]. Les auto­mates cellulaires que l 'on peut définir ainsi sont particulièrement adaptés aux ord ina­teurs parallèles.

Qu'y a-t-il de si particulier dans les milieux granulaires ?

Dissipation de l'énergie

Pour un physic ien, les matériaux granu­laires ont une caractéristique fondamen­tale : ils sont dissipat i fs. Les chocs entre grains sont , en effet, inélastiques, entre aut re en raison des déformations p las­t iques à leur surface. La chaleur résultante est évacuée par r a y o n n e m e n t ou par convect ion de l'air. Au contraire des pro­cessus phys iques microscop iques, dans les mi l ieux granu la i res , l'énergie ne se conserve pas au niveau local. Si on ne lui appor te pas cont inuel lement de l'énergie, le sable revient donc très vite au repos. Un enfant passera allègrement des heures à barbo te r dans l 'eau d 'une p isc ine g o n ­f lable ; s'il devait brasser du sable plutôt que de l 'eau, il tombera i t d'épuisement au bout de quelques minutes.

Les systèmes dissipat i fs comparab les aux mil ieux granulaires sont nombreux ; on peut citer, par exemple, le trafic auto­mobi le et les mouvements col lect i fs des êtres vivants (colonies de bactéries, bancs de poissons, etc.).

La diss ipat ion a c o m m e conséquence une instabilité de densité : dans les régions de densité élevée il y a davantage de co l ­l isions inélastiques. Ceci abaisse l'énergie cinétique loca le , c e qu i entraîne une baisse de la press ion locale. La masse a lentour t end alors à s 'accumule r dans ces zones de dépression. Les zones s p o n ­tanément denses deviennent encore plus denses. Lorsqu 'on fait s'écouler du sable dans un tuyau, ces régions denses se pro­pagen t c o m m e des ondes qu i ressem­b len t b e a u c o u p aux b o u c h o n s sur les autoroutes. Lors de la v idange des silos industr ie ls , de tel les ondes de densités peuven t exercer , de façon spo rad ique , des forces si Importantes sur les parois q u e des e n s e m b l e s indus t r ie ls ent ie rs sont détruits par ces " t remb lements de si lo".

Figure 1 : Le même tuyau, rempli de particules, est montré à différents pas de temps. Le temps s'écoule de gauche à droite, la gravité s'exerce de bas en haut. Ces calculs de dynamique molécu­laire ont été effectués par Th. Pöschel pour des particules sphériques dans une géométrie 2D avec des conditions de bord périodiques.

Les résultats les plus récents ont m o n ­tré la présence de f luctuat ions cr i t iques e x a c t e m e n t c o m m e dans les t r e m b l e ­m e n t s de te r re . Ce la s ign i f ie q u e des ondes de densité de longueurd 'onde arb i ­traire peuvent apparaître. C o m m e pour la t e c t o n i q u e , le système évolue de lui-même vers cet état cr i t ique ; ce concept est connu sous le nom de "criticalité au to­organisée" [2]. La figure 1 représente un d i a g r a m m e e s p a c e - t e m p s c o r r e s p o n ­dant à des part icules sphériques tomban t dans un tuyau sous l'effet de la gravité. Cet te s imu la t ion sur ord ina teur mon t re clairement des régions de for te et faible densité presque au repos ainsi que des lignes de pente constante, cor respondant aux "ondes cinématiques".

On peut analyser quant i tat ivement ces fluctuations d a n s le d o m a i n e des fré­quences. Sur la figure 2, on observe la transformée de Fourier de la densité en fonct ion de la fréquence sur une échelle log- log. On reconnaît une loi de puissance avec un exposant 4 /3 et un pic de fré­quence qui cor respond aux ondes ciné­mat iques.

En raison de la d iss ipat ion, la v i tesse d 'ag i ta t ion des gra ins dans un écoule­ment de sable est du même ordre de gran­deur que celle du f lux lui-même. Dans le langage des l iquides moléculaires, cela

rev iendrai t à d i re que l 'on ne peut pas séparer les termes thermiques et convec-t i fs. C'est pourquoi la viscosité n'est pas constante mais s'accroît proport ionnel le­ment à la vi tesse de cisai l lement. Cet te loi a été mesurée la première fois, en 1954, par le brigadier anglais Bagnold . A cause de la dissipat ion locale, le sable se c o m ­porte exactement c o m m e un f luide non-Newtonien.

Forces non-linéaires

Dans un tas de sab le au repos , les forces qui s 'exercent entre les grains ont aussi leurs particularités. Dans le cas idéal d 'un mil ieu granulaire sec, il n'y a pas de forces de rappel lorsqu'on appl ique une tens ion . Lorsque le mi l ieu est en c o m ­pression, les forces qui s 'exercent entre les grains dépendent étroitement de leur f o r m e . Dans le cas des sphères, par exemple, la force de répulsion élastique F n

croît avec la profondeur de pénétration delta selon :

(1)

avec la profondeur de pénétration ô. Cette "loi de Hertz" est basée sur le fait que, lors de la compress ion , la surface de contac t s 'agrandit . Pour quelques autres formes de grains un peu plus compliquées, on retrouve le même type de loi, mais géné­ralement avec un exposant différent.

Les forces de f ro t tement (stat ique ou dynamique) qui s 'exercent tangent ie l le-ment à la surface de contact sont, elles, régies par la loi de fr ict ion de Cou lomb.

Le c o m p o r t e m e n t non-linéaire du contac t élémentaire se t rouve renforcé par l 'empi lement d 'un grand nombre de part i ­cules : en raison du désordre, il arrive fré­q u e m m e n t q u e des gra ins vo is ins ne soient pas en contact . On obt ient ainsi des con tac t s "ouver ts " . En appuyan t sur le tas, on ferme ces contacts . Le groupe de p h y s i q u e de la matière condensée, à Rennes, a montré que, dans ce cas, la force à appl iquer s'accroît de façon telle que l'on t rouve une loi de la forme [1] avec un exposant supérieur à 4.

Sous l'effet de la gravité, le poids des par t i cu les qu i son t sur le dessus d ' u n empi lement se propage vers le bas le long des l ignes de c o n t a c t en t re g ra ins . Lorsque la gravité diminue, ces lignes se raréfient, chacune t ransmettant alors une part plus grande du poids tota l . Pour une force de gravité tendant vers zéro, Sté­phane Roux, à l 'ESPCI, a remarqué que le réseau de contact devient même fractal .

Ces non-linéarités mènent à n o m b r e d 'anoma l i es lors de la p ropaga t i on du son . L'effet "mi rage" [3] est particulière­ment connu : une onde sonore plane se propageant dans la direct ion horizontale voit sa surface d 'onde s' incl iner progres­s ivement de la vert icale à l 'hor izontale. Ceci est dû au fait que la vi tesse de pro­pagat ion du son c s'accroît avec la p ro -

Pow

er

Frequency

Figure 2 : Spectre de la densité en fonction de la fréquence (échelle log-log). Ces calculs ont été effectués à l'aide d'un gaz sur réseau dissipatif(2).

Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96 29

fondeur d . La loi de Hertz [1] prédit pour un e m p i l e m e n t de bi l les c oo d1/6. Des s imulat ions avec 64.000 part icules sur un ordinateur parallèle (Connexion Mach ine du CNCPST de l 'Institut de Physique du Globe à Jussieu) montrent un c o m p o r t e ­ment plus compliqué c o m m e on peut le voir sur la figure 3. On obse rve q u e la vi tesse du son ne dépend que très fa ib le­ment de la profondeur . Derrière le premier front, suit un deuxième, plus lent. Avec des modèles unid imensionnels (équation de Nes te renko ) , on peu t m o n t r e r qu ' i l apparaît une infinité d ' o n d e s d ' o r d r e supérieur, d ' amp l i t ude de plus en p lus faible.

Ségrégation

La na ture par t icu la i re des matériaux granulaires se prête à d 'autres manipu la­t ions : on peut, par exemple, mélanger des grains de tail les ou fo rmes différentes. Dès lors qu 'on met tous ces grains en mouve­men t , on ass is te à un phénomène t y p i q u e : la ségrégation. On peut ainsi séparer différents types de part icules en uti l isant un plan incliné, un t a m b o u r en rotat ion ou des plaques v ibrantes. Ce phé­nomène de ségrégation intervient même dans les anneaux d'astéroïdes !

"L'ef fet noix du Brésil", no tamment , est très spec tacu la i re : mélangez d a n s un récipient des noix de tai l les différentes mais de même densité. Secouez fo r te ­ment le récipient (muni d 'un couvercle) , vous verrez alors les grandes noix surna­ger à la surface. Le mécanisme local qui fa i t r e m o n t e r les g r a n d e s b i l les a été dévoilé grâce à des expériences au A O M C , à Jussieu, et à des calculs numé­r iques de R. Ju l l ien à Mon tpe l l i e r . Un mécanisme parallèle p e r m e t t a n t aux grandes part icules de parvenir à la surface est la convect ion. Dans du sable qui vibre, au-dessus d 'un certain seuil d'accéléra­t ion de vibrat ion, on observe, en effet, des rouleaux de convec t ion , comparab les à ceux obtenus dans l'expérience de Ray-leigh-Bénard avec un f luide soumis à un g rad ien t de température. Des ca l cu l s récents montrent qu 'une grosse part icule peut elle-même générer au-dessus d'el le la cellule de convect ion qui la fait r emon­ter [4]. On peut voir figure 4 le c h a m p de vitesse de billes placées dans une boîte v ib ran te . Dans la boîte de d ro i te , on a placé une bille 4 fois plus grosse que les autres. On observe c la i rement que la pré­sence de la grosse bille fait croître les ce l ­lules de convect ion .

Dans un tambour en rotat ion, on t rouve, par exemple , une ségrégation de par t i ­cu les en fo rme de bandes cy l indr iques perpendicula i res à l'axe de rotat ion. Lors de la chute libre, on observe des bandes de ségrégation le long de la direct ion de l'écoulement. Ces effets de ségrégation ne sont pas anecdot iques, ils posent s o u ­ven t des problèmes t e c h n o l o g i q u e s importants, par exemple dans l 'embal lage al imentai re ou dans l ' industr ie pha rma­ceut ique.

Figure 3 : Propagation d'un front d'onde, provoqué par le déplacement brutal du bord gauche dans un empilement de billes Identiques qui suivent la loi (1). Les niveaux de gris sont proportionnels à la valeur locale de l'énergie cinétique (thèse de S. Melin).

Modèles théoriques

Le compor tement d 'un matériau g ranu­laire dépend de façon décisive de sa den­sité. Dans les cas extrêmes de haute et faible densités, les ingénieurs ont déve­loppé, pendant les 30 dernières années, des théories c o n t i n u e s très e f f i caces . Pour ca lcu ler la déformation d ' e m p i l e ­ments très compac ts , les mécaniciens du sol ut i l isent une théorie de la plasticité " M o h r - C o u l o m b " non associée [5]. Il s 'agit d 'un système d'équations différentielles util isant c o m m e variable le vecteur dépla­cement avec une cond i t ion supplémen­taire non-linéaire qui f ixe la l imite p las­t i q u e . C o n t r a i r e m e n t au cas de la plasticité métallique, dans les mil ieux gra­nulaires, le seuil de plasticité augmente propor t ionne l lement à la press ion exté­rieure appliquée. De plus, il existe généra­lemen t une var ia t ion de v o l u m e qu i dépend de " l 'angle de di la tat ion" . Cet te théorie expl ique entre autre l 'origine des bandes de c isa i l lement : si on déforme doucement une boîte rempl ie de sable, on observe à la surface du sable des l ignes parallèles. Cel les-ci sont les coupes des plans de cisai l lement à l'intérieur du sable. Le long de ces plans de moindre densité, des e m p i l e m e n t s p lus denses et d o n c moins mobi les peuvent glisser les uns par rappor t aux aut res. L 'ex is tence de ces

Figure 4 : Dynamique moléculaire de 930 billes de rayons tirés au hasard entre 0.85 cm et 1.15 cm dans une boîte qui vibre avec une fréquence de 2.8 Hz et une amplitude de 2 cm ; présence dans la boite de droite d'une bille de très grande taille (4).

plans singuliers a également été démon­trée par une analyse de stabilité des équa­t ions de la plasticité [6]. La figure 5 montre le résultat d 'une résolution numérique des équations quand les deux bords latéraux sont comprimés alors que l 'on t i re à la même vitesse sur chacun des bords lon­g i t u d i n a u x . Un réseau c o m p l e x e de bandes de cisai l lement apparaît alors ; si on augmente la résolution du réseau /, ces l ignes deviennent p lus ténues et p lus nombreuses [6]. De nouveau, le système se met de lui-même dans un état cr i t ique. O n s'aperçoit, en ef fet , q u e la densité locale des zones plast iques dépend de I selon p ~ I1-58 . En d 'aut res termes, le réseau est f racta l .

Cet te théorie de la plasticité ne reste va lab le q u e pour un mi l ieu g ranu la i re empilé de façon dense. Dès que l'on veut calculer les zones de stagnat ion dans un entonnoir ou les bouchons se formant lors de l'écoulement d a n s un tuyau par exemple, on voit apparaître de gros écarts avec les expériences. En revanche, si le sable est dispersé de façon telle que les contac ts entre grains sont rares, on peut fo rmu le r une théorie cinétique des gaz avec dissipat ion d'énergie. Ceci a été fait indépendamment par Haff , J e n k i n s et Savage [7]. Cet te théorie reprodui t la vis­cosité de Bagno ld et fourni t des profi ls de vi tesse réalistes pour des lits de poudre v ibrants, mais elle n'est pas en mesure de décrire la ségrégation pas plus que de prendre en c o m p t e l 'existence d 'angles au repos finis.

Les phénomènes les p lus caractéris­t iques des milieux granulaires apparaissent dans les doma ines de densité intermé­dia i res pour lesquels aucune des deux théories n'est plus pert inente. Pour c o m ­prendre les difficultés qui apparaissent, il est très instruct i f de considérer l'expé­rience de Reynolds en 1885 [9] : on remplit un ballon avec du sable et de l'eau et on fixe en haut un petit tube pour mesurer le niveau de l'eau dans le ballon. Si maintenant on déforme le ballon, le niveau de l'eau chute alors que, sans sable, il devrait monter. La raison en est que le sable comprimé doit d 'abord se détendre pourat te indre la "den ­sité de Reynolds" pd avant de pouvoir être déformé. En ce sens, on a là un coefficient de Poisson négatif. Pour des densités infé­rieures à pd, le mouvement du sable est relativement libre. Vous avez certainement déjà observé ce phénomène pendant des vacances à la plage : lorsqu'on marche sur du sable mouillé, le pied ne s 'enfonce pas dans le sable en créant un t rou qui se rem­plirait d 'eau c o m m e on pourrait le penser ; en revanche, le sable devient sec autour du pied.

Du sable que l 'on fait vibrer, que l 'on verse ou cisai l le, se détend loca lement pour s'écouler, mais en raison de la d iss i ­pa t ion , il se redensi f ie aussitôt, puis se f ige. Cet te al ternance est à la source du mouvement intermit tent des avalanches à la sur face d 'un tas de sable [10], du m o u ­vement saccadé (stick-sl ip) obtenu avec une force de cisai l lement constante et des

30 Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96

Figure 5 : Calcul numérique du réseau de bandes de cisaillement dans un solide granulaire sur un réseau carré de taille 300 x 300 . Les niveaux de gris correspondent à la vitesse de cisaillement locale (6).

f luctuat ions de densité, dans un tuyau ou un en tonno i r , évoquées au début de l'article. Le compor temen t générique d 'un tel système à dynamique à seuil a été ana­lysé par Bak et al. à l 'aide de modèles s im­plifiés [2] et baptisé du nom de "criticalité auto-organisée" : lorsqu'on excède le seuil, on peut déclencher des réactions en chaîne de tail le arbitraire, dont la d is t r ibu­t ion suit une loi de puissance. Appliqué au cas des mil ieux granulaires, ceci veut dire q u ' a u - d e s s o u s de la d i la tat ion de Rey­nolds des zones fluidisées de taille arb i ­traire peuvent apparaître. On t rouve, en effet, expérimentalement des lois de puis­sance pour la d istr ibut ion de tail le des ava­lanches sur les pet i ts tas de sable [10], pou r le spec t re d'émission acous t i que sous cisai l lement et pour le spect re en fré­quence des f luc tua t ions de fo rce et de densité d a n s les e n t o n n o i r s . Les a v a ­lanches sur les grands tas de sable ont malgré tout une fréquence caractéristique à cause des différences entre f ro t tement s tat ique et dynamique [10].

Des c o n c e p t s t o t a l e m e n t différents c o m m e les équations de Langev in , les systèmes d y n a m i q u e s et les f e r m i o n s sans spin ont commencé à être utilisés, ces dernières années, pour décrire les propriétés dynamiques des mil ieux gra­nulaires près de la di latat ion de Reynolds. On a proposé des ana log ies avec les verres de spin, les modèles de vortex et les réseaux aléatoires. Dans l'avenir, on peut sans doute s 'at tendre à des progrès très exci tants dans la compréhension de ces phénomènes.

On peut encore rapporter beaucoup de fai ts inhabituels à p ropos des matériaux granulai res. Ainsi l'expérience suivante, très s imple , décrite pour la premiere fois par Faraday, en 1 8 3 1 , et qui a été exp l i ­quée récemment par S. Fauve, à Lyon : si on fait v ibrer une mince couche de sable sur un plateau à l 'aide d 'un haut-par leur, de façon spontanée, il se fo rme aussitôt des pe t i t s t as d a n s l esque ls le sab le bouge. Il mon te par le mil ieu et gl isse en

ava lanches le long de la su r face pour r e d e s c e n d r e . D 'au t res drôles d ' e f f e t s sont décrits dans l 'article de vulgar isat ion de la référence 3. On peut approfond i r le sujet à l 'aide des art ic les de revue de la référence 11 édités par D. Bideau et A. Hansen

Bibliographie [1] G. Peng et H. J. Herrmann, Phys. Rev. E 49, R1796 (1994). [2] P. Bak, C. Tang et K. Wiesenfeld, Phys. Rev. Lett. 59, 381 (1987). [3] H. M. Jaeger et S. R. Nagel, Science 255, 1523 (1992). [4] T. Pôschel et H. J. Herrmann, Europhys. Lett. 29, 123 (1995). [5] J. W. Rudnicki et J. R. Rice, J. Mech. Phys. Solids 23, 371 (1975). [6] A. N. Poliakov et H. J. Herrmann, Geophys. Res. Lett. 21, 2143 (1994). [7] P. K. Haff, J. Fluid Mech. 134, 401 (1983) ; J. T. Jenkins, Arch. Rat'l. Mech. Anal., 87, 355 (1985) ; S. Savage, J. Fluid Mech. 241, 109 (1992). [8] M. Faraday, Phil. Trans. R. Soc. London 52, 299 (1831). [9] O. Reynolds, Phil. Mag. Soc. 20, 469 (1885) [10] G. A. Held, D. H. Solina, D. T. Keane, W. J. Horn et G. Grinstein, Phys. Rev. Lett. 65, 1120 (1990). [11] A. Hansen et D. Bideau (eds.) Disorder and Granular Media (North-Holland, Amsterdam, 1992).

E.P.S. Secretary General The Eu ropean Phys ica l Soc ie t y

(E.P.S.) w i s h e s to a p p o i n t its next Secre tary Genera l . The person to be a p p o i n t e d w o u l d s tar t w o r k i n g on 1 Janua ry 1997 in M u l h o u s e , F rance , where the Society wil l have its h e a d ­quarters as f rom this date.

The person appo in ted, who wou ld be expected to assume off ice as the Secre­tary General when the present Secretary General retires on 31 August 1997, will have responsibi l i ty for the adminis t ra­t ion of the Society. Candidates should have a strong background of manage­ment and scienti f ic expert ise. Fluency in Engl ish a n d a g o o d k n o w l e d g e of French are requ i red . An en thus ias t i c commi tmen t to the ideas of the Society is expec ted , wh ich will entail substant ial t ravel and f lex ib le wo rk i ng prac t ices . Salary shall be negot iable, accord ing to age (which is ant ic ipated as being in the range 40-50 years) and qual i f icat ions.

Expressions of interest and affi l iations should be made as soon as possible to : Secre ta ry Genera l , EPS, BP 69, C H -1213 Pet i t -Lancy 2.Tel. + 41 22 793 11 30 - Fax: + 41 22 793 13 17. E-mail : [email protected]

Further information can be obta ined f rom the EPS Secretary General.

Bulletin d'adhésion (A PHOTOCOPIER)

à re tourner à la Société Française de Phys ique , 33 , rue C rou leba rbe , 75013 Paris. Tél. : 44 .08 .67.11. Fax : 43.31.74.26

Je demande mon admission comme membre de la Société Française de Physique en qualité de : (cocher la case qui vous concerne)

(Cotisation normale à 360 F) • Physicien en activité > 35 ans

(Cotisation réduite à 150 F) • Physicien en activité < 35 ans • Retraité • Membre de l'Union des Physi­

ciens • Membre d'une société nationale

étrangère résidant dans son pays

N o m (Mlle, Mme, M.

Prénoms :

(Cotisation réduite à 72 F pendant 3 ans et bulletin gratuit)

• Doctorant (Dispensé de cotisation pendant 2 ans

et bulletin gratuit) • Étudiant

• Maîtrise • D.E.A. • D.E.S.S. • 3 e année d'école d'ingénieur

• A la recherche d'un emploi

Adresse personnel le : Tél. : -

E mail :-

Fax :

Tél.

Adresse professionnel le : (à rempl ir impérativement)

Adresse d'expédition du courrier:

• Adresse personnel le

• Adresse professionnel le

Abonnement au bulletin et à Europhysics News : 130 F

Abonnement au bulletin seul : 110 F, à Europhysics News seul : 1 1 0 F

Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96 31

EDITORIAL Allocution de la Présidente de la S.F.P. lors de l'Assemblée générale

J 'aborde actuel lement la seconde partie de mon mandat et j 'a i essayé de faire le point sur les act i ­vités de notre Société. Je me suis également posé la quest ion du rôle que doivent jouer les Sociétés Savantes, c'est-à-dire essent iel lement les Sect ions locales et les divisions de Spécialité qui les cons t i ­tuent . Il me semble qu'el les ont deux fonct ions essentiel les : - une mise en valeur de la discipl ine cor respondante par une dif fusion des connaissances; - une part ic ipat ion à l'évolution de la Société dans laquelle nous v ivons en introduisant la cul ture sc ien­t i f ique dans un monde qui semble surtout obéir à des soucis de gest ion économique.

Voyons d 'abord les mani festat ions périodiques qui ja lonnent la vie de notre Société.

Notre prochain Congrès Général aura lieu à Paris, en 1997, avec une certaine or ientat ion "Radioac­tivité", liée au centenaire de la découverte de la radioactivité. Il sera présidé par notre collègue Hélène Langevin.

L 'exposi t ion de Physique se situera, cet te année encore, dans le cadre de la Semaine de l 'Electro­nique et de la Physique. Nous souhai tons que les nombreux visiteurs (~17 000 l'an dernier) y t rouvent plus d'expériences de physique présentées par les laboratoires et que soient regroupés autour d 'un "Grand Equ ipement " les s tands des entrepr ises industr iel les qui part ic ipent ou ont participé à sa const ruct ion et à son instal lat ion.

Le nombre d'équipes part ic ipant aux Olympiades de Physique (45) a plus que doublé depuis l'an dernier, et nous espérons qu 'une des équipes gagnantes pourra, c o m m e précédemment, présenter ses réalisations dans le cadre de notre Exposi t ion.

De nombreux Col loques et Conférences sont et seront également organisés par les Divisions de Spé­cialité et Sect ions locales (ainsi les 5 e journées de la Matière Condensée, à Orléans, en août prochain). Dans le cadre de "Phys ique et Interrogations fondamenta les" , le co l loque sur la "Virtualité" a attiré, cet te année encore, beaucoup de part ic ipants.

A la suite de notre séminaire annuel (Orléans) qui fut très animé, un certain nombre de débats nou ­veaux ont été suscités, et des commiss ions de travail se sont mises en place : - un débat sur l 'Energie permet tant de faire le point sur les différentes sources d'énergie potent iel les et les défis techno log iques associés, en tenant comp te des perspect ives économiques et de l ' impact écologique. Notre collègue Hervé Nifenecker a accepté de prendre la responsabilité de l 'organisat ion de ce débat. - La nature des Universités et de l 'enseignement qu ' on doit y donner, les liens avec l 'Enseignement Secondaire ont condui t à la création d 'une nouvelle Commiss ion "ense ignement" , présidée par notre collègue Madele ine Veyssié. - Les relations Physic iens du Public - Physiciens du Privé (chercheurs et ingénieurs des entreprises) devraient être resserrées. Une act ion est menée dans ce sens sous la responsabilité du vice-Président Daniel Kaplan : des ateliers thématiques sont prévus, dès oc tobre 1996, dans le cadre des Entret iens de la Physique et avec la col laborat ion du CNISF*.

Je terminerai en soul ignant le problème des "Jeunes Physic iens" qui nous préoccupe tous actuel le­ment, au point que se t rouve parfois posée la quest ion : faut- i l envisager une l imitat ion du f lux des jeunes doc torants ? Je pense que, même si tous les Docteurs que nous fo rmons ne travail lent pas ensuite dans le doma ine scient i f ique qu' i ls avaient choisi au cours de leurs études, l ' importance de la format ion par la recherche, des acquis scient i f iques et de l 'att i tude qui en résulte devant les problèmes à poser ou à résoudre, reste pr imordiale, bien entendu pour le développement de notre discipl ine, mais également pour l 'ouverture vers d 'autres domaines de la vie act ive. Il n'en demeure pas moins que la situat ion actuel le impose une réflexion, non seulement aux doc torants mais à leurs di recteurs de thèse, sur notre système de format ion et sur les ouvertures des moyens souhaités.

Marianne LAMBERT

* Comité National des Ingénieurs et Scientifiques de France.

32 Bulletin de la S.F.P. (104) mai 96