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TEMPO

RAIN

23 mars - 30 avril 2010

La tête d’obsidienne

Sacha Koutseff

Sacha Koutseff

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Bankiva Acier inoxydable et aluminium - hauteur 70 cm - 2009

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Peintre du mouvement

Peindre le mouvement, décrire les caprices du vent, matérialiser l’action des vagues,

questionner le regard aidé par la danse poète des diodes électroluminescentes… voici

depuis une soixantaine d’années le credo du sculpteur Sacha Koutseff, contre vents

et marées… Cet ingénieur atomicien de formation et ancien officier de Marine reste

encore aujourd’hui émerveillé par le catapultage et les appontages des chasseurs

sur le pont du Foch avec pour décor magistral l’hôtel à mille étoiles. Là est Koutseff :

reproduire grâce à la science et la technique ce qu’il observe dans la nature, plus

précisément le mouvement dans son acception large, mouvement physique,

sonore, lumineux ou tout simplement faisant appel aux sens. "Ce qui m’a toujours

intéressé c’est le mouvement quel qu’il soit, le mouvement lumineux revenant à la

même chose, c’est une variation de l’état d’une surface. Pour moi, le mouvement

c’est la vie et il n’existe pas de vie sans mouvement. Il s’agit d’imaginer des oeuvres

offrant le maximum de mouvements, oscillations, balancements avec le minimum

d’énergie".

Gamin, il s’amusait à construire des petites pièces - on ne les nommait pas encore

mobiles - à l’aide de matériaux dérisoires à la manière de Jean Tinguely qui investissait

les ruisseaux des forêts de son enfance en installant des systèmes de roues en

bois, de boîtes de conserves résonnant de sons iconoclastes dans les cathédrales

végétales. Cette analogie s’arrête à l’orée du bois car Tinguely tentait d’oublier le

temps alors que l’artiste désormais hyérois prend le risque de le compter parmi ses

amis, même si ce pont jeté vers la mémoire peut s’échouer sur les rives de l’oubli,

misérables humains que nous sommes... Adolescent, Koutseff s’attaque à des

réalisations plus complexes, élaborant des boîtes cybernétiques réagissant à la

lumière et au bruit. Voie royale, l’Ecole Navale lui ouvrira des passerelles, d’un sous-

marin nucléaire (le Redoutable) et d’un porte-avions. Posons-nous un instant pour

imaginer ce jeune officier au patronyme russe en pleine guerre froide, prisonnier

volontaire d’un gigantesque boudin de métal quelque part au fond d’un océan,

mettant à profit les quelques précieux moments de temps libre pour concevoir des

pièces censées s’animer avec le vent. Évoquant ces souvenirs, le regard de l’artiste

s’illumine "j’exploitais les quelques heures de liberté pour construire, faire des

assemblages et le dimanche, je montrais aux copains ce que j’avais réalisé dans la

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semaine et ce qui était amusant, c’est qu’au gré des changements de quarts, mes petites sculptures se chargeaient de détritus, de reliefs de casse-croûte, et l’espace de quelques heures, ces objets devenaient vivants et avaient changé l’atmosphère du carré".

Basé sur l’esthétique du mouvement, l’art cinétique apparaît au début du XXe siècle pour être consacré en tant que mouvement artistique dans les années 50, Marcel Duchamp qualifiant le premier de "mobiles" les œuvres d’Alexander Calder. Autodidacte, Koutseff prend plus tard connaissance de ce travail auquel on songe immanquablement avec ses assemblages de formes mus par les mouvements de l’air. "J’ai cherché à analyser comment ses œuvres fonctionnaient, donc j’ai subi l’influence de Calder, d’abord pour comprendre, pour ensuite m’en évader et avoir ma propre interprétation du mouvement et de sa logique, comme d’ailleurs avec l’œuvre de Tinguely. Le constructivisme russe me passionne également, que les frères Antoine Pevsner et Naum Gabo rendirent célèbre avec la publication d’un manifeste en 1920 et bien sûr Vladimir Tatline". Ce dernier souhaitait construire un "Monument à la Troisième Internationale" à Petrograd. La "tour Tatline", sorte de gigantesque meccano faisant appel aux matériaux de son temps (acier, verre…) devait abriter les quartiers généraux du Komintern. Ce défi technologique demeura à l’état de projet, la tour Eiffel en vibre encore d’effroi puisque Vladimir Tatline espérait atteindre les quatre cents mètres de hauteur. Mais revenons à nos boulons, écrous, soudures…

Les matériaux employés proviennent pour la plupart de la récupération que le couple Koutseff a érigée en principe actif. "C’est pour donner une seconde chance à tout un tas de choses qui ont été jetées, c’est aussi une lutte contre l’oubli et c’est enfin une espèce de revanche contre la mort avec aujourd’hui un caractère écologique évident. Le Poulpe [œuvre suspendue à un piètement, qui ne compte bizarrement que sept pattes, une énième facétie de l’artiste] est l’exemple le plus abouti à mon sens de ce geste, le détournement le plus total d’objets puisque avec les ressorts [les pattes] de lits de malades qui ont connu la souffrance, la maladie, la mort je crée à l’inverse quelque chose de parfaitement ludique. Très souvent, ces matériaux récupérés me servent pour faire des études, des maquettes, etc. C’est aussi une source d’idées. Je récupère partout, dans les bennes des garages automobiles, dans les déchetteries ou au hasard des promenades, je connais certains endroits où les gens ont l’habitude de jeter... et enfin les gens qui connaissent mon activité se débarrassent à mon profit de divers objets". Du reste, l’atelier est à la mesure de l’homme aux mille idées, en

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Sémaphore Acier, aluminium, contreplaqué, roulements à billes, composants électroniques, cellules photovoltaïques

hauteur 230 cm - 1984

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La vague Acier inoxydable et aluminium - ø 60 cm - 1980

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soi une œuvre qu’il conviendra de montrer un jour. Ainsi, cuivre, acier, alliages divers, fils, verre, plexiglas, composants électroniques, bois, piles solaires… l’inventaire est sans fin tant nos déchets reflètent le confort de nos vies. Autant de petits bouts de riens qui, réunis par l’esprit et accompagnés par l’évolution technologique, empruntent un chemin nouveau : sculpture monumentale de dix mètres, boîte en plexiglas délivrant des signaux lumineux aléatoires, miroir cinétique réagissant à la présence, gracieuse sculpture métallique s’inspirant des mouvements des vagues, des œuvres à l’apparente simplicité qui masque une authentique complexité…ou comme le précise Koutseff "faire en sorte que le travail efface le travail, que la force d’une œuvre soit dans son évidence".

Une fois achevées, ces sculptures conquièrent leur autonomie, propriété à rechercher dans les différentes sources d’inspiration ou plutôt de réflexion. Il en est ainsi du hasard, qu’il s’agit de réintroduire pour en extraire quelque chose de plus structuré possible. Par exemple Pulsar, une œuvre en trois dimensions, luminescente, cinétique et interactive, réagissant à un bruit sec, singulièrement rigoureuse dans la conception et la fabrication, concède une part au hasard. C’est sans doute une tentative émouvante pour régenter ce qui domine le mouvement des atomes, des planètes, la vie étant le plus bel exemple de manifestations du hasard. La mer qu’il connaît pour l’avoir parcourue, explorée et respectée est également une des clés du mystère. Champ démesuré d’investigation des poètes, elle-même manifestation la plus exceptionnelle du hasard et de l’infini à la fois transformé et renouvelé éternellement. Elle n’est jamais semblable, la mer change constamment au gré de la lumière, des courants, du vent. Enfin la relation au temps. "Elle est essentielle...c’est notre ennemi le plus mortel, c’est avec lui qu’il faut composer, on ne peut pas s’en faire un ami, on essaie de l’apprivoiser pour tirer le meilleur parti possible de ce qui nous est alloué, décompté. C’est une quête perpétuelle".

Ces œuvres exigeant un incroyable investissement en temps, Koutseff limite ses démonstrations. Préalable à chaque pièce, la recherche absorbe des centaines d’heures usées en croquis, essais, déceptions et trouvailles de génie. La reconnaissance de celui qui découvrit dans les yeux des autres "qu’il faisait de l’art" s’est pleinement manifestée lors de l’exposition Anthologie de la création contemporaine dans le Var. Au milieu des années 80, cet événement conçu par Jean-Roger Soubiran, alors Conservateur des Musées de Toulon, réunissait une quarantaine de peintres et sculpteurs. D’autres récompenses suivront, certaines plus

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Quasar Acier inoxydable,

contreplaqué, miroirs, 169 leds et composants

électroniques 55 x 55 x 20 cm - 1985

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symboliques et touchantes. "Le couronnement a été pour moi la sculpture [L’Envol] installée à l’Hôpital Sainte-Anne, où je cherchais à apporter une diversion dans le quotidien des malades ou de ceux qui viennent les visiter. Le gardien m’a ensuite confié que les patients venaient avec leur perfusion s’asseoir devant la sculpture et c’est pour moi la vraie récompense. Ce que je crois, s’il y a un message, c’est que tant qu’il y a de la vie, l’espoir est là. Pour un événement difficile comme un événement heureux, etc, on ne vit pas sans espoir et cela me permet de faire partager cet amour de la vie en créant des œuvres que j’espère le plus ludiques possible".

Les mathématiques m’ont toujours inspiré un arsenal de questions… A vrai dire, c’est au mieux un souvenir enfoui, au pire les séquelles d’une maladie que l’on contracte très tôt, contre laquelle les vaccins sont inopérants et dont on se débarrasse, dans le meilleur des cas, à l’âge où la loi ouvre les droits à une vie enfin civique. Quant à résoudre l’équation suivante : manifestations (vents, courants etc) de la nature multipliées ou divisées par je ne sais quoi, je n’en sais fichtre rien. Alors quid de l’oeuvre ? Harmonie, équilibre, énergie, grâce, poésie que procure chaque sculpture ? Sacha Koutseff génial inventeur et / ou éternel enfant aux capacités intellectuelles d’adulte qui refuse d’oublier l’univers des possibles qu’offrent les plus jeunes et belles années ? Artiste sculpteur en perpétuel questionnement, comme le peintre de la Renaissance s’interrogeait sur la chimie de ses pigments sur la toile ? Ou plus radicalement peintre du mouvement, par et pour le mouvement ?

Jean-Christophe Vila

Pulsar (Détail) Aluminium, plexiglas, 35 leds et composants électroniques - 24 x 18 x 18 cm - 1984

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Le temps Miroir, 64 leds et composants électroniques - hauteur 230 cm - 1997

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Les trois glorieuses Acier inoxydable et aluminium - hauteur 35 cm - 1984

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Sacha KoutseffNé le 22 mars 1940 à Toulon.École Navale, Ingénieur atomicien.

Vit et travaille à Hyères (Var)

Principales expositions personnelles

1974 Galerie - Cherbourg1980 Galerie - Toulon1982 Galerie - Toulon1984 Agence Var-Matin - Toulon1985 Centre Culturel Communal - Bandol1993 "Une œuvre, un jour" - Musée des Beaux Arts de Toulon1998 Galerie - Toulon1999 "Une œuvre, un lieu" - exposition intercommunale :

Vieux Moulin (Ollioules), Centre Culturel (Bandol), Maison Flottes (Sanary), Maison du Patrimoine (Six-Fours) et Villa Tamaris (La Seyne)

2000 "Sculptures en mouvement" - Cour d’Honneur de la Préfecture du Var "Sculptures aux vents" - Château - Sillans-la-Cascade2001 Jardinerie Rey - La Londe-les-Maures Fondation Vasarely, Sculptures lumino-cinétiques,

Fête de la Science - Aix-en-Provence 2002 Maison du Cygne - Six-Fours-les-Plages2003 Set Club - Aix-en-Provence

Principales expositions collectives

1973 Foyer des Jeunes Travailleurs - Cherbourg1976 Salon de Landerneau1977 Arts et Marine - Toulon1978 Salon International - Musée des Beaux-Arts de Toulon Arts et Marine - Toulon Les Compagnons des Arts - Le Beausset1979 Arts Inter - Arles Bilan Art Contemporain - Paris Les Compagnons des Arts - Le Beausset1980 Salon International - Musée des Beaux-Arts de Toulon Salon de la Marine - Musée de la Marine, Palais de Chaillot - Paris1981 Arts et Marine - Toulon

Arts Inter - Marseille

Sacha Koutseff dans son atelier en janvier 2010

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1982 Arts Inter - Avignon Salon Régional des Armées - Toulon Salon International - Saint-Raphaël Salon de la Marine, Musée de la Marine, Palais de Chaillot - Paris

1985 Salon de la Marine, Musée de la Marine, Palais de Chaillot - Paris "Anthologie de la Création Contemporaine dans le Var" - Musée des Beaux-Arts de Toulon Salon International - Saint-Raphaël

1986 Arts et Marine - Toulon1986 "Le Garlaban", Yacht de Paul Ricard - Saint-Tropez1987 Jardin de Sculptures - Châteauvert1988 "ELSTIR en ville" - Toulon "Le Musée a cent ans" - Musée de la Marine - Toulon1990 Galerie Espace Interrogation - Toulon1994 Base aéronautique navale de Hyères (portes ouvertes) Miroiterie EMAVER - La Garde2001 Hôtel de Ville - Carqueiranne2002 Jardin de Sculptures de Mousteirol - Entrecasteaux2003 "Reillanne en Sculptures" (Luberon) - Reillanne2004 "Sculptures en herbes" - Gréoux-les-Bains2005 "Sculptures en herbes" - Gréoux-les-Bains2005 "Bodega des arts", Arènes - Fréjus2005 Association des Membres de l’ordre des Palmes Académiques,

Espace des Arts - Le Pradet 2006 "Le Vent des Arts" - Sanary "La Sculpture en liberté" - Roquebrune-sur-Argens "Festival international de l’air" - Fréjus2007 Salon de la Marine, Musée de la Marine, Palais de Chaillot - Paris2008 Salon de la Marine, Musée de la Marine, Palais de Chaillot - Paris2009 Expositions de groupe : Pignans, Barjols

Collections publiques

1981 "Parc an coat" - Château de Vascœuil (Haute-Normandie)2001 "Madrépore" - Ville de Toulon2002 "Le Rêve de la Sylphide", Maison du Cygne - Ville de Six-Fours-les-Plages2005 "L’Envol", Hôpital Sainte-Anne - Toulon2006 "Sifilet", Ville de Bakou - Azerbaidjan2007 "Gallus gallus", Musée du Coq - Ville de Cogolin2008 "Trille", Jardin de Sculptures - commune de Châteauvert

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Le grand Tetras (ou "Balthazar") Acier, aluminium et roulements à billes - hauteur 420 cm - 2000

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Cette exposition et ce catalogue ont été réalisés par la Ville de La Seyne-sur-Mer

Service Culture et Patrimoine

Marc Vuillemot

étant Maire de La Seyne-sur-Mer

Vice-Président de Toulon Provence Méditerranée

Florence Cyrulnik

Adjointe au Maire

Déléguée au Patrimoine et à la Culture

Avec l’aide du Conseil général du Var

Commissariat et suivi éditorial

Jean-Christophe Vila

Direction Culture et Patrimoine

Photographies

François Laï

Remerciements à

Florence et Cachou

Achevé d’imprimer sur les presses

de l’Imprimerie Hémisud en Mars 2010

Tél. 04 94 14 70 14

n° ISBN 978-2-917169-13-1

La tête d’obsidienne

Fort Napoléon

Chemin Marc Sangnier

83500 La Seyne-sur-Mer

Tél. 04 94 87 83 43 - Fax 04 94 30 63 65

laseyne-culture@voila.fr

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