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Chapitre 6: le partage social des émotions
PSYC 0030-1: Psychologie des émotions2ième année Baccalauréat
Blairy Sylvie, Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education
Objectifs du chapitre
1. Apprendre à différencier les composantes de la communication verbale de l’émotion et leurs impacts sur les autres.
2. Apprendre à différencier les méthodologies qui permettent une étude scientifique du partage social de l’émotion
3. Apprendre à distinguer les fonctions du partage social de l’émotion
Le partage social des émotions Rimé (1987)
1910: correspondance entre W. James et P. Janet
Évocation des situations traumatiques• Catastrophe de la plateforme de forage d’Ekofisk (mer du
Nord)88% des sauveteurs: besoin de parler de cet évènement (Ersland
et al., 1989)
• Réactions psychologiques suite à la perte d’un proche (Schoenberg et al., 1975). 88% souhaitent parler des sentiments et émotions.
• Patients atteints du cancer, 86% éprouvent un besoin de communication sociale (Mitchell & Glickman, 1977).
• Sydor et Philippot (1996). Coopérants belges rapatriés en 1994 au moment du génocide rwandais.
Est-ce que ce phénomène est propre aux expériences d’intensité émotionnelle extrême ?
non
Définition du partage social de l’émotion:
réévocation dans un langage socialement partagé des expériences émotionnelles de la vie quotidienne. Il implique au moins au niveau symbolique, la présence d’un destinataire.
Partageons-nous nos expériences émotionnelles ?
Peu d’auteurs ont tenté de quantifier cette variable
Les études rétrospectives Les études par « follow-up » et par journal
de bord Les études expérimentales
Les études rétrospectives(Izard et al., Rimé et al., 1991a; Rimé et al., 1991b; Vergara, 1993)Évènement personnel Différentes émotions de base Nombre d’occurrence de PS Nombre de partenaires impliqués Délai avant le premier PS
Huit études indépendantes1384 épisodes émotionnels913 individus âgés de 12 à 72 ans
Les résultats 88% et 96% des épisodes sont partagés (au moins 1
fois) 50% à 60% des épisodes sont partagés le jour même Répétitif: > 60% au moins deux fois Les partenaires
Les études rétrospectives
La majorité des épisodes émotionnels fait l’objet d’un partage social
Caractère rétrospectif des données limite leur portée:
Biais de mémoire sélective choix des évènements
Intensité émotionnelle de l’évènement, caractère nouveau ou distinctif peuvent favoriser son accès en mémoire
Laps de temps: modifications On se rappelle mieux des épisodes dont on a parlé et reparlé
Les études par « follow-up » et par journal de bord
Études de Rimé et collaborateurs (1993, 1994)
Procédure de follow-up
Individus contactés après un évènement émotionnel prévisible (naissance d’un enfant, examen, don de sang, assistance ou participation effective à une séance de dissection)
Accouchement (Tornqvist, 1992)
0
20
40
60
80
100
2 sem. 3 sem 4 sem. 5 sem. 6 sem.
97 90
55 52
32
Décès d’un proche (Zech, 1994)
0
20
40
60
80
100
10 jours 1 mois 3 sem.
97 86 79
Premier don du sang
0
20
40
60
80
100
1 sem. 2 sem.
100
68
Examen important
0
20
40
60
80
100
1 sem. 2 sem. 3 sem.
100
50
94
Assistance à une dissection
0
20
40
60
80
100
1 sem. 2 sem. 3 sem.
100
44
100
Pratique d’une dissection
0
20
40
60
80
100
1 sem. 2 sem. 3 sem.
94
71
96
Les études par « follow-up » et par journal de bord
Procédure de follow-up
Le type d’évènement n’affecte pas la fréquence de partage social qui varie entre 94% et 100% au cours de la période initiale
Déclin progressif et extinction plus lente pour les expériences émotionnelles de haute intensité
Les études par « follow-up » et par journal de bord
Procédure par journal de bord
Étude de Moorkens, 1994 et Rimé et al., 1994
Rapporter l’évènement le plus marquant de la journée Mentionner si l’évènement fait l’objet d’un partage social Compléter différentes questions à propos de son partage
social éventuel (même si laps de tps entre évènement et questionnaire est très court; type d’émotion)
Les études par « follow-up » et par journal de bord
Résultats avec « journal de bord »60% des évènements rapportés étaient partagés, le même jour,
sans différence en fonction du type d’émotion; sauf pour la honte et la culpabilité (évènements émotionnels gardés secrets)
Une situation émotionnelle conduit à un partage social ultérieur
La méthode expérimentale
Luminet, Bouts, Delie, Manstead et Rimé (2000)
En laboratoire
Participants accompagnés d’un ami
TâcheVisionne un film (3 minutes)
3 intensités émotionnelles Induction faible: documentaire sur la vie des
animaux Induction modérée: scène de cruauté entre
animaux Induction forte: scène de cruauté d’êtres
humains à l’égard d’animaux
La méthode expérimentale
Luminet, Bouts, Delie, Manstead et Rimé (2000)
Réunis pendant quelques minutes dans une salle d’attenteConversation enregistrée à leur insu
Résultats: Corrélation importante entre l’intensité des manifestations émotionnelles expressives des participants pendant le visionnement du film et l’importance du partage social de ceux-ci. Le film inducteur “fort” suscite plus de ps que les 2 autres.Faible et moyen: pas de différences
Les différences individuelles
L’âge
Y a-t-il des manifestations du partage social chez les enfants?
Étude 1 de Rimé et coll. (1996) auprès d’enfants de 6 à 8 ans
Histoires: « la vie à la ferme » et « Xandi et le monstre »
Qu’en est-il pour les enfants plus jeunes ? Études exploratoires (observations) de Fanny Baez (1998) sur
des enfants âgés de 3 à 5 ans. Ces résultats ont une valeur d’indication.
La période de 3 à 5 ans est une période cruciale pour l’émergence de différentes aptitudes qui permettent progressivement à l’enfant de développer le comportement de partage social de l’émotion.
Les différences individuelles
L’âge
Le partage social des émotions au 3ième âge.
Étude menée selon la méthode du journal (Rimé, Finkenauer, Sevrin, 1995)
Un groupe de 62 à 75 ansUn groupe 76 à 94 ansCes personnes mènent une existence indépendante.Un groupe de 24 à 40 ans
% ayant partagé le jour même
0
20
40
60
80
100
24- 40 ans 62-75 ans 76-94 ans
64
8577
Nombre de répétitions le jour même
0
0,5
1
1,5
2
2,5
3
24- 40 ans 62-75 ans 76-94 ans
1,36
1,911,6
Les différences individuelles
Le niveau d’éducation
Étude sur 300 femmes au cours de leur grossesse. Etude épidémiologique sur le stress et les risques d’accouchement prématuré ( Barrufol, Gisle et Rimé, 1998).
Dans quelle mesure ont-elles parlé de cet épisode à leur entourage ?
0
20
40
60
80
100
Primaire Sec. Inf. Sec. Sup Uni 1erCycle
Uni 2ièmecycle
84,691,9 87,5
96,7 93,2
Les différences individuelles
L’appartenance culturelle
Les sociétés occidentales (Rimé et coll., 1992)Belgique, France, Pays-Bas, Espagne et Italie
Comparaison d’étudiants asiatiques (Corée, Singapour, et deux groupes au Japon) et occidentaux (France et États-unis)
(Rimé et coll., 1996) Corée: 78,3%États-Unis: 95,8%Différences dans les modalités de partageContinuum individualisme-collectivisme Hofstede (1991, 2001)
Les différences individuelles
L’appartenance culturelle
Yogo et Onoe (1998)Résultats: similitudes avec les données obtenues dans les pays
occidentauxJoie (98%), peur (96%), anxiété (94%), amour(89%),
tristesse(88%), dégoût(87%) et colère (83%)
Culpabilité(79%) et honte(74%)
Les différences individuelles
L’effet du sexe
Pas de différence significative de sexe
Les traits de personnalitéLe concept d’ alexithymie
Les réactions du partenaire de partage social
Comment réagissons-nous lorsque nous sommes exposés aux émotions d’autrui ?
Impact physiologique et subjectif
Augmentation de l’activation physiologique
Lazarus et al., (1965)
Shortt et Pennebaker (1992)Des sujets visionnent une cassette vidéo sur les survivants de
l’Holocauste + récit à un autre sujet.RED chez le locuteur et l’auditeurCorrélation négative entre l’évolution de la RED du locuteur ( )et
évolution de la RED de l’auditeur ( )
Impact physiologique et subjectif
Induction d’un état subjectif émotionnel(Strack & Coyne, 1983)anxiété, tristesse, agressivité
Impact physiologique et subjectif
Induction d’un état subjectif émotionnel
o Étude avec ‘des professionnels de l’écoute’
« burnout syndrom effect » = sentiment d’épuisement émotionnel et incapacité à faire face à la détresse d’autrui
Réactions comportementales d’approche et d’évitement
Les comportements d’approche.
o Support social émotionnelPuissant réducteur de perturbations psychologiques
Attitudes qui fournissent au receveur le sentiment d’être aimé, soutenu et apprécié = expression d’affects positifs, de son accord, du rappel de l’appartenance à un réseau social, du renforcement de l’estime de soi
Réactions comportementales d’approche et d’évitement
o Support social instrumental
Actions qui ont pour objectif d’apporter une aide matérielle et fonctionnelle à l’individu en détresse
o Support social informationnel
Suggestions, conseils et avis que l’entourage peut fournir
o Support social évaluatifExpliquer et interpréter de manière la plus objective possible
Réactions comportementales d’approche et d’évitement
Les comportements d’évitement.
ObservationsQuint (1965)Helmrath et Steinitz (1978)
Réactions comportementales d’approche et d’évitement
Les attitudes visant à éviter l’expérience émotionnelle d’une personne:
o Minimiser la gravité de l’expérience émotionnelleo On force la bonne humeuro On tente de dédramatiser la situationo On encourage à un rétablissement rapideo On focalise sur les aspects positifs de la situation
Ces manifestations comportementales d’évitement seraient le reflet de sentiments de vulnérabilité, de menace et d’impuissance Wortman et Lehman (1985)
Est-il toujours bénéfique de partager nos expériences émotionnelles ?
Les effets à court termeLe modèle de la mémoire en réseau de Bower (1981): le rappel
en mémoire d’un épisode émotionnel réactive automatiquement ses diverses composantes (physiologique, sensorielle et subjective)
Est-ce que le PS est soumis au même phénomène ?Rimé et al. (1991)
o Description d’un épisode de joie, peur, tristesse ou colère.o Définir le caractère plaisant ou douloureux de la tâche
Les effets à court terme
Études de Pennebaker et coll.
Parler d’un épisode traumatique rapporte à court terme:Un état de bien-être moindreDes émotions plus négativesDes sensations physiologiques plus intensesActivation du système autonome
(comparé à un épisode neutre)
Les effets à court terme
Greenberg et Stone (1992)
Les effets de la réévocation peuvent aussi dépendre des évocations antérieures:
G1: rappel d’un épisode traumatique déjà confié auparavantG2: rappel d’un épisode traumatique non confié jusqu’à présentG3: rappel d’un épisode neutre
RésultatsG1: rapportent davantage d’émotions et de symptômes
physiques négatifs, et moins d’émotions positives que G2 et G3.
Les effets à court terme
Les réactions du partenaire lors d’une situation de PS pourraient avoir un impact important sur le bien-être psychologique du locuteur d’un récit émotionnel.
Christophe et coll. (1997)
Exprimer ses émotions n’est pas une condition suffisante pour être favorable au locuteur.
Les réponses de l’auditeur vont avoir un impact sur les effets de la communication émotionnelle (satisfaction du locuteur).
Interaction jugée satisfaisante: augmentation du bien-être, des émotions positives et diminution du bouleversement et des émotions négatives suscitées par l’expérience.
Phénomène inverse lorsque la situation est jugée insatisfaisante
Les effets à long terme
Pennebaker (1989): théorie de l’inhibition
Les individus fourniraient des efforts importants pour ne pas penser, ne pas ressentir, et ne pas adopter certains comportements en relation avec un traumatisme qu’ils auraient vécu.
À long terme cette inhibition conduirait à une accumulation de stress, qui augmenterait la probabilité d’apparition de maladies psychosomatiques, de divers troubles psychologiques ou physiologiques.
Les effets à long terme
Pennebaker (1989): théorie de l’inhibition
L’inhibition perturberait le traitement de l’information de l’évènement. En évitant toute pensée, tout sentiment, les individus réduiraient ainsi considérablement leur capacité de compréhension et d’assimilation de l’évènement traumatique.
Recherches
Hypothèse: l’expression d’un épisode négatif de forte intensité ou traumatique a des effets bénéfiques à long terme sur la santé physique et psychologique des individus.
Les effets à long terme
Résultats des recherches de Pennebaker et collaborateurs
• Des sujets invités à décrire un épisode négatif de forte intensité, ou traumatique, dont ils n’avaient jamais parlé auparavant, présentaient davantage de problèmes de santé que des sujets invités à décrire un évènement qu’ils avaient déjà partagé socialement.
Les effets à long terme
Résultats des recherches de Pennebaker et collaborateurs
• Déterminer l’influence réelle de la verbalisation des émotions: Les auteurs induisent expérimentalement différentes modalités d’expression
Confier par écrit:
Les faits
Les émotions
Les faits + les émotions
Les effets à long terme
Résultats des recherches de Pennebaker et collaborateurs
• VD
Lors du PS: l’activité physiologique et l’état d’humeur des sujets;
4 à 6 mois plus tard: le taux de fréquentation de centres de santé et l’état d’humeur des sujets.
Résultats:
Groupes: décrire les émotions
Les sujets déclarent se sentir mieux et auraient moins fréquenté un centre médical que les sujets soumis au rappel des faits uniquement
Les effets à long terme
Résultats des recherches de Rimé et collaborateurs et Stroebe et collaborateurs
Études sur les effets à long terme de l’évocation d’épisodes négatifs importants de la vie quotidienne ne semblent pas répliquer les résultats de l’équipe de Pennebaker et collaborateurs.
Les effets à long terme
Stroebe et collaborateurs
• 60 veuves et veufs ont complété un questionnaire sur leur état de santé physique et psychologique à 3 reprises
4 à 7 moisEnviron 14 mois2 ans après le décès de leur conjoint(e)
Résultats
• Quelques corrélations négatives entre l’évocation de la perte du conjoint(e) et l’état de santé des sujets
Les effets à long terme
Zech et Rimé (1996). Réplication de l’étude de Pennebaker.(les faits, les émotions, les faits + les émotions)
Résultats
• Ne parviennent pas à mettre en évidence un effet bénéfique à long terme du PS des émotions sur
La santé
Le bien-être
Le rétablissement émotionnel des sujets
Les effets à long terme
Recherches sur la récupération émotionnelle(Rimé et collaborateurs)
Récupération émotionnelle: réduction de l’émotionnalité suscitée par le rappel de l’évènement cible.
Elle se mesure généralement par la différence entre l’intensité initiale et résiduelle de l’émotion suscitée par l’évènement ou son rappel
Le PS ne semble pas avoir d’effet positif sur la récupération émotionnelle
Conclusions sur les effets du PS
A court termeL’évocation d’un épisode émotionnel positif ou négatif
a un impact sur la santé physique et psychologique d’une personne.
La nature de ces effets pourrait être déterminée par les réactions de l’auditeur lors de la confidence.
Conclusions sur les effets du PS
A long terme
Les effets semblent plus difficiles à déterminer.Épisodes traumatiques vs. deuil
Le type de méthodologie, l’intensité des épisodes cibles, le contenu de la confidence peuvent expliquer ces divergences.