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DaryndaJones
Quatrièmetombeaufond
CharleyDavidson-4VOUSSAVEZ,CESMAUVAISESCHOSESQUIARRIVENTAUXGENSBIEN?C'ESTMOI.
Etre Faucheuse, c'est glauque. Et détective privée, dangereux.On peut dire que je cumule.C'estpour ça que j'ai décidé de prendre un peu de temps pour moi. Rien de tel que passer quelquescommandesautélé-achatpourreprendredupoildelabête.JenecomprendspaspourquoiCookieenfait toutunplat !Cen'estpascommesionmanquaitd'argent :ReyesFarrow, le trèschaudfilsdeSatan,m'endoitplein.Celadit,pourluidemanderderéglersadette,ilfaudraitquejesortedechezmoi... Mais avec un pyromane qui met le feu, littéralement, à Albuquerque, et cette femme qui abesoindemesservicesparcequ'onchercheàl'assassiner,jepréféreraisresterenpyjama.
Scan,OCRetMEPByAthameRelectureByElyzabethaa
Dumêmeauteur,chezMilady:
CharleyDavidson:1.Premièretombesurladroite2.Deuxièmetombesurlagauche3.Troisièmetombetoutdroit4.Quatrièmetombeaufond
www.milady.frTraduitdel'anglais(États-Unis)parIsabelleVadori
MiladyestunlabeldeséditionsBragelonneTitreoriginal:FourthGraveBeneathmyFeetCopyright©2012byDaryndaJones
©Bragelonne2013,pourlaprésentetraductionISBN:978-2-8112-0913-1
Bragelonne-Milady60-62,rued'Hauteville-75010ParisE-mail:[email protected]:www.milady.fr
PourQuentin,maquereau à temps partiel, ninja à plein-temps, qui, même à son âge, dit toujours des trucs
comme:«Merci,LapindePâques!Bokbok!»
RemerciementsCelivredoittoutuntasdechosesàtoutuntasdegens,parmilesquelsmonextraordinaireagent,
AlexandraMachinist,etmonincroyableéditrice,JenniferEnderlin.Merciinfiniment,lesfilles!Vousêtestouteslesdeuxfascinantes,etjesuispersuadéequechacunedevousmèneuneexistencesecrètedesuper-héros.
MerciàtouteslespersonnesdechezMacmillanAudio,avecuncriducœurspécialpourl'adorableLoreleiKing,quiainsufflédelavieàmespersonnages.Littéralement.Enparlantdeça,merciàtoutlemondechezSt.Martin'sPress,MacmillanetJanklow&NesbitAssociates.UnmercitoutspécialàJacquelynFranketNatalie Justicepouravoir trouvéunnomàce livrependantqu'onattendaitunenavette, épuiséeset rompuesaprès trois joursdeconférencesdurant lesquels lapétillanteNatalieadomptéuntaureaumécaniqueetoùJackim'aconquiselorsd'untournoi interditauxmoinsdedix-huitans.Vousêtesgéniales.
MerciinfinimentàMaryJo,MaryEllenetBettepourlesconsultationsetlesconseilssurlestresspost-traumatique.Vousavezfaitplusquej'auraisjamaisoséespérer,surtoutentenantcomptedufaitquejen'avaisquetroispetitsjourspourrendrelelivre.Jevoussuistellementreconnaissante.MerciàDanielle«DanDan»Swopespourlesséancesderemue-méninges,etcemêmequandtesméningesétaientpresqueaussiramolliesquelesmiennes,etàtamerveilleusefamille,quejeconsidèrecommelamienne.Etmercià toutemavraiefamille-vousvousreconnaîtrez-pourvotresoutienetvotrecompréhensionquandjemanquelesvacanceset lesanniversairesaunomdemesactivitésd'auteur.Dèsque j'aurai rendumonprochain roman,onvadéfinitivement se faireunbarbecue.UnénormemerciàCaitAllisonpouravoirlucelivrelorsdesestoutpremierspas,aussidifficilequeçaaitpuêtre,afindemedonnerunretour.Jel'apprécieplusquetunelesaurasjamais.
Et,malheureusement,jedoisavouerquetroisdesmeilleuresphrasesdecelivreneviennentpasdemon propre esprit tordu... euh, de mon imagination fertile, mais des lumières et rêveries parfoisinquiétantesdeJonathan«Doc»WilsonetQuentin«Q»Eakins.Lesgars,vousêtesunhors-d'œuvredefolie:drôleetbonpourladigestion.
Et,plusquetout,merciàvous,trèscherslecteurs,pouravoirfaitdetousmesrêvesuneréalité.Oudelaplupartd'entreeux,entoutcas.Ilm'enresteundanslequeljesuisnuedansunaéroportet...non,vousavezraison.Mieuxvautquejelaisselesprofessionnelss'encharger.Quoiqu'ilensoit,merciinfiniment!J'espèrequevousprendrezautantdeplaisiràlirecelivrequej'enaieuàl'écrire.
ChapitrepremierIln'yaquedeuxchosesinévitablesdanslavie.Devinezlaquellejesuis.
CharleyDavidson,FaucheuseJ'étais assise sur le canapé à regarder le téléshopping avec ma défunte tante Lillian, et je me
demandais àquoimavie aurait ressemblé si jenevenaispasdem'enfilerunbac entierdeBen&Jerry's Chocolaté Therapy suivi d'un mocha latte pour faire descendre le tout. Elle n'auraitcertainementpasététrèsdifférente,maisc'étaitunepenséequiméritaitréflexion.
Unsoleildemilieudematinéefiltraità travers lesstoresetprojetaitde longues lignessombressurmoncorps,medonnantunstyletrèsfilmnoir.Danslamesureoùmavieavaitdéfinitivementprisuntournantpoursedirigerverslecôtéobscur,lesfilmsnoirs,c'étaitdansleton.Maisl'effetauraitétéencoreplusréussisijen'avaispasétévêtued'unbasdepyjamaStarWarsetd'untopàpaillettesquiproclamaitfièrementque«LesTerriennessontdesfillesfaciles.»Maisjen'avaisvraimentpasl'énergied'allerenfilerquelquechosedemoinsinappropriécematin-là.Jesouffraisdeproblèmesdeléthargie depuis quelques semaines à présent.Et j'étais soudainement devenue un poil agoraphobe.Toutçadepuisqu'unhommedunomd'EarlWalkerm'avaittorturée.Çacraignaitunmax.
Latorture.Passonnom.Monnom,enrevanche,étaitCharlotteDavidson,maislaplupartdesgensm'appelaientCharley.—Est-cequejepeuxteparler,monpetitpotironensucre?Oupotironensucre,undesnombreuxsurnomsfaisantréférenceauxfruitsetlégumesautomnaux
que tante Lillian s'évertuait à me donner. Tante Lil était morte dans les années 1960, et j'étais enmesuredelavoirparcequej'étaisnéeFaucheuse,cequisignifiaitessentiellementtroischoses:deun, je pouvais interagir avec lesmorts - ces défunts qui n'avaient pas traversé aumoment de leurdécès-etjelefaisaisengénéraltouslesjours.Dedeux,j'étaissuperbrillantepourceuxduroyaumespirituel,etlespersonnesmortessusmentionnéespouvaientmevoirden'importeoùdanslemonde.Quandilsétaientprêtsàpasserdel'autrecôté,ilspouvaientlefaireàtraversmoi.Cequim'amenaitau point trois : j'étais un portail qui menait du plan terrestre jusqu'à ce que la plupart des gensappellentleparadis.
Ilyavaitunpetitpeuplusqueça-etçacomprenaitdeschosesqu'ilmefallaitencoredécouvrir-,maisc'était l'essentieldemon travail journalier.Celuipour lequel jen'étaispaspayée. J'étaisaussidétectiveprivée,maiscejob-lànecouvraitpaslesfacturesnonplus.Pasdernièrement,entoutcas.
Jefisroulermatêtesurledossierducanapéjusqu'àcequejevoietanteLil,quiétaitenvéritéunegrand-tante du côté demonpère.Elle était fine et d'un certain âge, avec de douxyeuxgris et unechevelurelégèrementbleutée,etelleétaitvêtuecommeàl'accoutumée,puisquelesdéfuntschangentrarement d'habits : son sempiternel gilet en cuir recouvrait une robe hawaiienne à fleurs,qu'accompagnaituncollierdeperlesmulticolores,letoutformantuntémoignagedesondécèsdanslesannées1960.Elleavaitégalementunsourireaimant,mêmes'ilétaitquandmêmeuntoutpetitpeueffrayant. Mais ça ne me faisait que l'aimer davantage. J'avais vraiment un faible pour les genscinglés.Jenesavaispastropcommentsalargerobetenaitenplace,vucommeelleétaitminuscule.Seshanchesressemblaientàunpoteauautourduquelunetenteseseraiteffondrée.Maisquiétais-jepourporterunjugement?
—Tupeuxtoujoursmeparler,tanteLil.
J'essayai de me redresser, mais je me rendis vite compte que n'importe quel mouvement medemanderaituneffort.J'avaisétéassisesuruncanapéouunautredurantlesdeuxderniersmois,àmeremettre de cette histoire de torture. Puis, jeme souvins que la poêle que j'avais attendue toute lamatinéeseraitleprochainarticleàêtreprésenté.TanteLilcomprendraitcertainement.Avantqu'ellepuissedirequoiquecesoit,jelevaiundoigtpourlamettresurpause.
—Maisest-cequeçapeutattendrequelapoêleavecrevêtementenpierresoitpassée?Çafaitunmomentquejem'yintéresse.Elleaunrevêtement.Enpierre.
—Tunecuisinespas.Ellen'avaitpastort.—Alors,qu'est-cequ'ilya?Jeposaimesplusbellespantouflesenformede lapinsur la tablebasseetcroisai les jambesau
niveaudeschevilles.—Jenesaispastropcommentt'annoncerça.Ellearrêtaderespireretellepenchalatête.Celam'inquiétatantquejemeredressaimalgrél'effortquejedusfournir.—TanteLil?Ellerelevatristementlementon.—Je...Jecroisquejesuismorte.Jeclignaidesyeux.Ladévisageaiquelquesinstants.Puisclignaidesyeuxànouveau.—Jesais.Elle se moucha délicatement dans l'immense manche de sa robe hawaiienne, et les perles
s'entrechoquèrent sans émettre le moindre son. Les objets inanimés étaient entourés d'un silenceterrifiant.Commelesmimes.OucecriquepousseAlPacinodansleParrainIIIquandsafillemeurtsurcesmarches.
—Jesais,jesais,répéta-t-elleenmetapotantaffectueusementl'épaule.Cen'estpasunenouvellefacileàavaler.
TanteLillianétaitmortebienavantque je soisnée,mais jenesavaispasdu tout sielleétaitaucourant.Beaucoupdedéfuntsl'ignoraient.Acausedecedoute,jenel'avaisjamaismentionné.Durantdes années, je lui avais laissé me préparer du café invisible, ou me cuisiner des œufs tout aussiinvisibles.Ensuite,elles'enallaitversd'autresaventures.TanteLilcontinuaitàfairelesquatrecentscoups.C'étaitunevraieglobe-trotteuse.Etellerestaitrarementaumêmeendroittrèslongtemps.Cequiétaitunebonnechose.Autrement, jen'aurais jamaisdroitàduvraicafé lematin.Ni lesdouzeautresfoisdanslajournéeoùj'avaisbesoind'unedose.Sielleétaitdanslesparagesplussouvent,jeseraisensevragedecaféinedemanièrerégulière.Etj'auraisdeméchantesmigraines.
Maispeut-êtreque,maintenantqu'elleétaitaucourant,jepourraisluiexpliquerpourlecafé.J'étaisassezcurieusequantauxraisonsdesamortpourluidemander:—Est-cequetusaiscommenttuesmorte?Qu'est-cequis'estpassé?Selon ma famille, elle avait rendu son dernier souffle dans une communauté hippie à Madrid
durantlesbeauxjoursduflowerpower.Avantça,elleavaitréellementparcourulemonde,passantsesétésenAmériqueduSudetenEuropeetseshiversenAfriqueetenAustralie.Etelleavaitperpétuécettetraditionmêmeaprèssamort,envoyageantàtraverslemonde.Plusbesoindepasseport.Maispersonnen'avaitvraimentpumedirecommentelleétaitmorte.Oucequ'ellefaisaitdanslavie.Nicomment elle pouvait se permettre tous ces déplacements de son vivant. Je savais qu'elle avait étémariéependantquelque temps,maisma famillenesavaitpasgrand-chosedesonmari.Mononclepensait qu'il s'agissait peut-être d'un magnat du pétrole texan, mais ils avaient perdu contact, etpersonnenesavaitaveccertitude.
— Je n'en suis pas sûre, dit-elle en secouant la tête. Jeme souviens que nous étions tous assisautourd'unfeudecamp,àchanteretàprendreduLSD...
Jedusfaireungroseffortpourempêcherl'horreurquejeressentisd'envahirmonvisage.—...etBerniem'ademandécequin'allaitpasmais,commeBernievenaitd'avalerunedoselui-
même,jenel'aipasprisausérieux.Jepouvaiscomprendreça.Ellerelevalatêtedansmadirection,sesyeuxs'humidifiantdetristesse.—Peut-êtrequej'auraisdûl'écouter.Jeplaçaiunbrasautourdesesfrêlesépaules.—Jesuissincèrementdésolée,tanteLil.—Jesais,mapetitecitrouilleenchocolat.Ellemetapotalajoueavectendresse,samainfraîcheenraisondel'absencedechairetdesang.
Puisellemegratifiadesonénormesourire,et jemedemandaisoudainsiellen'avaitpasprisunedosedetrop.
—Jemesouviensdujouroùtuesnée.Jeclignaiànouveaudesyeux,surprise.—Vraiment?Tuétaislà?—J'étaislà.Jesuistellementdésoléepourtamère.Moncœurseserradouloureusementtandisqueleregretm'envahissait.Jenem'yattendaispas,etil
mefallutunmomentpourrécupérer.—Je...Moiaussi,jesuisdésolée.Le décès de ma mère, juste après ma naissance, n'était pas mon souvenir préféré. Et je m'en
souvenais si clairement, si précisément.Aumoment où elle s'était détachée de son corps, un bruitsemblableàceluid'unélastiquequi romptavait résonnédans toutmonêtre,et j'avaiscomprisquenotreconnexionavaitétébrisée.Jel'aimais,mêmeàcetinstant.
—Tuétaissispéciale,fittanteLilensecouantlatêteaurythmedesespensées.Maismaintenantquetusaistout,ilfautquejetedemande.Partouslessaints,pourquoies-tusibrillante?
Merde.Jenepouvaispasluiavouerlavérité,àsavoirquej'étaislaFaucheuseetquelalumièredesprojecteurs faisait partiedu spectacle.Ellepensait que j'étais spéciale, pas sinistre.Mais ça sonnaittellementmalquandjeledisaisàhautevoix.Jedécidaidecontournerleproblème.
—Ehbien,c'estuneassezlonguehistoire,tanteLil.Maissitulesouhaites,tupeuxmetraverser.Tupeuxpasserdel'autrecôtépourêtreavectafamille.
Je baissai la tête, espérant qu'elle n'accepterait pas ma proposition. J'aimais l'avoir dans lesparages,mêmesiçafaisaitdemoiuneégoïste.
—Tuplaisantes?demanda-t-elleenponctuantsaquestiond'uneclaquesurundesesgenoux.Etmanquertouslesennuisdanslesquelstutefourres?Jamais.
Aprèsungloussementinquiétantquimerappelaétrangementledernierfilmd'horreurquej'avaisvu,elleseretournaendirectiondelatélé.
—Bon,alors,qu'est-cequecettepoêleadesigénial?Jeme réinstallai à côté d'elle et nous regardâmes une partie entière de l'émission dédiée à des
poêlesquipouvaientsupporterlespiressévices,ycomprisunetripotéedepierresglissantsurleurfondantiadhésif.Dans lamesureoù lesgensnecuisinaientpasvraimentdecailloux, jen'étaispassûredecomprendrepourquoiilsmontraientça.Mais,quandmême,cespoêlesétaientvraimentjolies.Etonpouvaitréglerparpetitspaiementsmensuels.J'avaisdéfinitivementbesoindecespoêles.
J'étais au téléphone avec un charmant représentant du service clients nommé Herman lorsqueCookiedébarquaàl'improviste.Ellelefaisaitsouvent.Débarqueràl'improviste.Commesielleétaitchezelle.Biensûr,j'étaisdanssonappartement.Lemienétaitencombréetdéprimant,alorsjem'étaisrésolueàtraînerdanslesien.
Cookieavaitunecarrureassezimposanteetdescheveuxnoirscoiffésenpicsquipartaientdanstous les sens, et elle n'avait absolument aucun respect pour lamode, si on en jugeait à l'ensemblejaunequ'elleportait.C'étaitaussimameilleureamie,etmaréceptionniste,quandonavaitdutravail.
Jeluifissignedelamain,puisparlaidanslecombiné.—Refusée?Qu'est-cequevousentendezparrefusée?J'aiaumoins12dollarssurcetamour,et
vousavezditquejepouvaisréglerparpaiementsmensuelspeuélevés.Cookie se pencha par-dessus le canapé, attrapa le téléphone et raccrocha tout en ignorant les
grimacesindignéesquejeluiadressais.—Ellen'estpasvraimentrefusée,annonça-t-elleenmerendantl'appareil.Elleaétérésiliée.Ellesesaisitensuitedelatélécommandeetzappasurunechaînequidiffusaitdesinformations.—Jemesuisassuréequetunepourraispluseffectueraucunedépenseàl'aidedetacarted'accro
aushoppingàdomicile.—Quoi?Jecaressail'idéed'entrerdansunecolèrenoireetdeluimontreràquelpointellem'avaitfroissée,
maisjen'étaispasassezenformepourça.Et,àdirevrai,j'étaisplutôtimpressionnée.—Tupeuxfaireça?Leprésentateurétaitentraindeparlerdelarécentevaguedecambriolagesdebanques.Ildiffusa
les images des caméras de surveillance qui montraient l'équipe de quatre hommes qu'on avaitsurnommés les Gentlemen Cambrioleurs. Ils avaient toujours des masques en caoutchouc sur levisageetdesarmesàleursceintures,maisilsnelessortaientjamais.Ilsnel'avaientpasfaituneseulefoisdansleursériedehuitcambriolages,d'oùleursurnom.
J'étaisentraind'étudier leurscarrures,quimesemblaientétrangementfamilières,quandCookies'emparademonpoignetetmeforçaàmeleverdesoncanapé.
—Oui,jepeux,répondit-elletandisqu'ellemepoussaitendirectiondelaporte.—Comment?—C'estfacile.J'aiappelé,etjeleuraiditquej'étaistoi.—Etilssonttombésdanslepanneau?demandai-je,officiellementscandaliséeàprésent.Àquias-
tuparlé?Est-cequec'étaitHerman?Parcequ'ila l'airsupermignon.Attends.(Jem'arrêtaidevantelleenpoussantdepetitscris.)Est-cequetumemetsàlaporte?
—Jenetemetspasvraimentàlaporte,jedisstop.Ilesttemps.—Ilesttemps?répétai-je,unpeuhésitante.—Ilesttemps.Ehben,merde.Çaallaitêtreunejournéepourrie,j'enétaiscertaine.—J'adoretonensemblejaune,luidis-je,laissantlamesquinerieprendreledessusàmesurequ'elle
mepoussaitendirectiondemonappartement.Ilnetefaitpasdutoutressembleràunebananegéante.Etpuispourquoituasrésiliémacartedetéléshoppingpréférée?Jen'enaiquetrois.
— Je les ai toutes résiliées. Il faut bien que jem'assure d'être payée chaque semaine. J'ai aussirassemblétouslesfondsrestantsdetescomptesbancairessuruncomptesecretauxCaïmans.
—Tusaisfairetransiterdel'argent?—Ondirait.—C'estpasdudétournementdefonds,ça?—Si,exactement.Aprèsm'avoirpratiquementjetéedansmonappartement,ellerefermalaporteetpointadudoigt.—J'aimeraisqueturegardesattentivementtoutesceschoses.Il fallait bien reconnaître que mon appartement était véritablement en pagaille, mais je ne
comprenaistoujourspascequemacartedecréditvenaitfairelà-dedans.C'étaituninstrument.Entredebonnesmains-comme,disons,lesmiennes-,ellepouvaitréaliserdesrêves.Jejetaiuncoupd'œilàtouteslesboîtesrempliesdestrucsextracoolquej'avaiscommandés.Ilyavaitdetout,del'épongeàrécurermagiquepourlaménagèreàlaradiodecommunicationquiseraittrèsutileaumomentdel'apocalypse,lorsquelestéléphonescellulairesdeviendraientobsolètes.Lescartonss'alignaientpourformerunmur,seterminantenuneénormemontagnedeproduitssuperflusdansunezonespécifiquedelapièce.Commemonappartementfaisaitàpeuprèslatailled'unLego,l'espaceinfimequirestait
ressemblait à unLego cassé.Unqui serait défiguré, parcequ'il n'avait pas survécu à l'invasiondepetitsLegosextraterrestres.
Etilyavaitplusdeboîtesderrièrelemurqu'onnepouvaitenvoir.J'avaiscomplètementperduM.Wong.C'étaitletypemortquivivaitdanslecoindemonsalon,flottantperpétuellement,ledostournéau monde. Sans jamais bouger. Sans jamais parler. Et à présent il avait disparu à cause de lasurconsommation.Lepauvre.Savienedevaitpasêtretrèspalpitante.
Biensûr,lefaitquej'avaisdéménagédemesbureauxetrapportétousmesdossiersetéquipementsdansmonappartementn'aidaitpas.Dansmacuisine,enfait,cequilarendaittotalementinutilepourautrechosequedustockagedefichiers.Maisçaavaitétéundéménagementnécessaire,puisquemonpèrem'avaittrahiedelapiremanièrequisoit-ilm'avaitfaitarrêteralorsquej'étaiscouchéedansunlitd'hôpitalaprèsavoirététorturéeparunfou-,etquemesbureauxsetrouvaientau-dessusdesonbar.Jedevaisencoredécouvrircequiavaitbienpuarriveràmonpèrepourqu'ilmefassearrêterd'une façon aussi barbare et douloureuse. Il voulait que je quitte le business,mais il allait devoiraméliorersontimingetsamanièredeprocéder.
Malheureusement,lebarnesesituaitqu'àunequinzainedemètresaunorddubâtimentdanslequelse trouvaitmonappartement, donc il faudrait que je l'évitequand je sortiraisou rentreraisdemesnouvellesmissions.Mais,danslamesureoùjen'avaispasvraimentmisunpieddehorsdepuisplusdedeuxmois,cetteparties'étaitrévéléeplutôtfacile.Ladernièrefoisquej'étaissortie,c'étaitpourlibérermesbureaux,etjem'étaisassuréequ'iln'étaitpasenvillelorsquejel'avaisfait.
Jepassaitouslescartonsenrevueetdécidaid'échangerlesrôlesavecCookie.Dejouerlavictime.Detoutluimettresurledos.JepointaiunElectroluxdudoigtetlaregardai,bouchebée.
—Quiaeulamauvaiseidéedemelaissersanssurveillance?Toutçaesttafaute.—Bienessayé,fit-elle,pasémuelemoinsdumonde.Nousallonstriertoutescesaffairesettout
renvoyer,saufcequetuutiliserasréellement.Cequiveutdirepasgrand-chose.Commejel'aidéjàexpliqué,j'aimeraisbienpouvoircontinueràrecevoirmapaie,sicen'estpastropdemander.
—Est-cequetuprendsl'AmericanExpress?—Oh,j'aiaussifaitannulercelle-là.J'ouvris la bouche en grand, feignant d'être scandalisée. Les épaules bien droites, Cookie me
conduisitjusqu'àmonproprecanapé,enretiralescartons,lesarrangeaausommetd'autrescartons,puiss'assitàcôtédemoi.Ellemeregardaitavectellementdechaleuretdecompréhensionquej'enfusaussitôtmalàl'aise.
—Est-cequ'onestsurlepointd'avoirànouveaulaConversation?—J'enaibienpeur.—Cook...(Jetentaidemeleverpourpartirencourant,maiselleposaunemainsurmonépaule
pourm'enempêcher.)Jenesaispasvraimentcomment tedired'unemanièredifférenteque jevaisbien.
Quand elle posa les yeux surMargaret, qui était confortablement installée dans le holster àmahanche,mavoixpritdesaccentsdéfensifs.
—Quoi?Beaucoupdedétectivesprivésportentunearme.—Quandilssontenpyjama?Jeronchonnai.—Oui. Surtout si ce sont des pyjamas StarWars et que ton flingue ressemble justement à un
blaster.Margaretétaitmanouvellemeilleureamie.Etellen'avaitjamaisfaittransiterd'argenthorsdemon
compteenbanquecommecertainesautresmeilleuresamiesdontilnefallaitpasprononcerlenom.—Charley,toutcequejedemande,c'estquetuparlesàtasœur.—Jeluiparletouslesjours.Jecroisailesbras.Soudain,toutlemondeinsistaitpourquejedemandedel'aidealorsquej'allais
bien.Qu'est-cequeçapouvaitleurfairesijen'avaispasenviedesortirdemonimmeuble?Beaucoupdepersonnesaimaientresterchezelles.Pendantplusieursmoisd'affilée.
—Oui,elleappelleetessaiedeparleravectoidecequis'estpassé,decommenttutesens,maistunelalaissespast'aider.
—Cen'estpasvrai.Jechangejustedesujet.Cookieselevaetnousfitàtouteslesdeuxunetassedecafépendantquejemecomplaisaisdans
toutelabeautédudéni.Aprèsm'êtrerenducomptequej'aimaisledéniautantquelesmochalatte,jeprislatassequ'ellemetendaitetbusunegorgéetandisqu'elles'installaitànouveauàcôtédemoi.Jefermailesyeuxtoutensavourantlebreuvage.SoncaféétaittellementmeilleurqueceluidetanteLil.
— Gemma pense que tu as peut-être besoin d'un passe-temps, dit-elle en observant les boîtespartoutautour.Unpasse-tempssain.CommelaméthodePilate.Ouducatchsuralligator.
—Jesais,répondis-jeenmepenchantenarrièreetenlevantunbraspourmecouvrirlevisage.J'aisongéàécriremesMémoires,maisjen'arrivepasàtrouverunmoyend'incluredelamusiquedefilmpornodesannées1970parécrit.
—Tuvois,fit-elleenmedonnantunpetitcoupd'épaule.Écrire.C'estunbondébut.Tupourraisessayerlapoésie.
Elleselevaetfouillamonbureaurecouvertdecartons.—Voilà, dit-elle enme tendant une feuille. Écris un poème qui explique comment se passe ta
journéependantquejecommenceàm'occuperdecesboîtes.Jeposailatassedecaféetmeredressai.—Pourdevrai ?Est-ceque jenepourraispas justeécrireunpoèmeàproposdemasuprême
dominationdumonde,ousurlesbienfaitsduguacamolesurlasanté?Elle semit sur la pointe des pieds pour pouvoirme regarder de derrière un desmurs les plus
impressionnants.—Tuasachetédeuxautocuiseursélectriques?Deux?—Ilsétaientsoldés.—Charley,me réprimanda-t-elle.Attends. (Elle sebaissapuis se redressad'uncoup.)Ces trucs
sontgéniaux.(Jelesavais)Est-cequejepeuxenavoirun?—Tul'asdit,bouffi!Jeleretiendraijustesurtapaie.Ça pouvait fonctionner. Je pouvais la payer grâce à mes achats téléshopping, même si ça ne
l'aideraitprobablementpasàconserver l'électricitéouàavoirde l'eaudans ses robinets.Maiselleseraitheureuse,etlebonheurn'était-ilpaslachoselaplusimportantedanslavie?Jedevraisécrireunpoèmeàcesujet.
—Tuterendscompteque,pourutilisern'importelequeldecestrucs,ilfautquetusortesdecheztoipourpasseraumagasin?
Sesmotsmefirentplongerplusbasdanslepuitsdedésespoirqu'onappelaitpluscommunémentlesregrets.
—Cen'estpasàçaquesertlalivraisonexpressdeMachoTaco!—Ilfaudraquetuachètesdelanourriture,desépices,etpleind'autreschoses.—Jedétestealleraumagasin.—Ilfaudraquetuapprennesàcuisiner.—Très bien, dis-je en laissant échapper un soupir vaincu d'entremes lèvres. (J'avais un talent
fantastique pour jouer les drama queen quand c'était nécessaire.) Renvoie tout ce qui impliquen'importequellepréparationdenourriture.Jedétestecuisiner.
—TuveuxgarderlebraceletcommémoratifdeJackieKennedy?—Est-cequ'ilfautquejelecuisine?—Non.—Alors il reste, répondis-je en levant mon poignet et en faisant tourner le bracelet. Regarde
commeilscintille.
—EtilvatellementbienavecMargaret.—Toutàfait.—Monpetitboutdepotiron,dittanteLil.JedétournailesyeuxdubraceletcommémoratifdeJackieKennedy.Àprésentqu'ellesavaitqu'elle
étaitmorte,jen'auraiplusjamaisàendurercemomentdepaniquequiaccompagnaitchacunedesespropositionsdemefaireàmangerpendantdeuxsemainesconsécutives.J'avaisfaillimourirdefaimladernièrefois.Jetendislepoignet.
—Tutrouvesquecebraceletestexcessif?—Jackievaavecn'importequoi,machérie.Maisj'avaisenviedeparlerdeCookie.JeregardaidansladirectiondeCookieetfronçailessourcils.—Qu'est-cequ'elleaencorefait?TanteLilsemitàgenouxàcôtédemoietmecaressalebras.—Jepensequ'ondevraitluidirelavérité.—ÀproposdeJackieKennedy?—Àproposdemoi.—Oh,biensûr.—Aquoidoncpeutbienservircettemonstrueusemachine?demandaCookie,quelquepartprès
delacuisine.Une boîte apparut de nulle part et plana de manière instable par-dessus une montagne d'autres
boîtes.Jesourissanscachermonenthousiasme.—Tusaiscommedesfoisoncommandeducafé,etquandilarrive,ilacettemousseincroyable
surledessus?—Ouais.—Ehbien,c'estcettemachinequifaitletourdemagiequiproduitlamousse.Satêteémergeadederrièreuneboîte.—Non.—Si.Elledévisagealecartonavecamour.—D'accord, on peut garder ça. Il faudra juste que je dégage unmoment dansmon emploi du
tempspourlirelesinstructions.—Tunepensespasqu'ondevraitluidire?continuatanteLil.J'acquiesçai.Ellemarquaitunpoint.Oubienc'aurait été le cas siCookien'avait pasdéjà été au
courant.—Cook,tupourraisveniriciuneseconde?—OK,maisjesuisentraindetravaillersurunsystème.Ilestlà,dansmatête.Sijeleperdsen
venantverstoi,jenepourraipasêtretenuepourresponsable.—Jenepeuxrienpromettre.Ellesedirigeajusqu'ànousenprenantsontempsetagitaunautrecartonsousmonnez,unejoie
étrangefaisantbrillersesyeux.—Tusaisdepuisquandjerêved'uneessoreuseàsalade?—Ilyadesgensquiontvraimentenviedecegenredetruc?—C'estpastoncas?—Jecroisquec'étaitundecesachatsde4heuresdumatin,quandjeperdstoutsensdelaréalité.
Jenesaismêmepaspourquoiquelqu'unvoudraitessorerunesalade.—Ehbienmoi,jesais.—OK,donc,j'aiunemauvaisenouvelle.Ellepritplacesurunechaiseaucoinducanapé,uneexpressionétrangesurlevisage.—Tuasreçuunemauvaisenouvelleenrestantassisesurtoncanapé?—Onpeutdireça.
Je penchai discrètement la tête sur le côté, lui faisant comprendre que nous n'étions pas seules.Cookiefronçalessourcils.Jerépétail'opération.Ellesecoualatête,confuse.
—J'aiunemauvaisenouvelleausujetdetanteLillian,dis-jeensoupirant.—Oh.Oh!Elleregardapartoutautouretmequestionnad'unsourcilhaussé.Je donnai un léger coup de tête.Normalement, Cookie aurait joué le jeu, faisant croire qu'elle
pouvait voir tanteLil elle aussi,mais, dans lamesure où tanteLil s'était finalement rendu comptequ'ellepouvaittraverserlesmurs,jenepensaispasquecesoitencoreapproprié.
—TanteLilnousaquittées,annonçai-jeenposantunemainsurlasienne.Cookiefronçalessourcils.—Elles'enestallée.Ellehaussalesépaules,confuse.Anouveau.—Jesavaisqu'elleleprendraitmal,dittanteLil,àcôtédemoi,ensemouchantencoreunefois
danssamanche.J'avaistellementenviedeleverlesyeuxauciel.Cookienecomprenaitpasmesindices.Ilfaudrait
quej'essaiequelquechosedeplusconvaincant.—Maistuterappellesquej'arriveàvoirlesdéfunts?Uneétincelledecompréhensions'allumasur levisagedemonamie lorsqu'elle réalisaque tante
Lilavaitfinalementpercuté.Jetapotaisamain.Trèsfort.—Elleesticiavecnous,encetinstant,simplementpassouslamêmeforme.—Tuveuxdire...—Oui,répondis-je,l'interrompantavantqu'ellepuissetrahirquoiquecesoit.Elleestdécédée.Cookievitenfinletableau.Pasjusteunpetitcoin.Ellesecouvritlabouched'unemain,etunléger
cris'échappad'entresesdoigts.—PastanteLil!Elleenrajoutaunecoucheetsesépaulescommencèrentàs'agiteraurythmedesespleurs.Subtil.—Jenepensaispasqu'elleleprendraitmalàcepoint,celadit,fittanteLil.—Etmoidonc.J'assistai malgrémoi, horrifiée, à la prestation de Cookie, qui rejouait cette fameuse scène du
Parrain.C'étaitencorepluslugubreenétantaussiproche.—Çavaaller,luiassurai-jeenposantunemainsursanuque.Trèsfort.Ellemelançauncoupd'œilàtraverssesdoigts.—TanteLilestavecnousdemanièreincorporelle.Elleenvoietoutsonamour.—Oh,oui,s'exclamatanteLilenacquiesçantvivement.Envoie-luitoutmonamour.—TanteLil,ditCookie,enseredressantetenfixantunpointderrièremoi,malheureusementdu
mauvaiscôté.JeluifisunsignedumentonendirectiondetanteLil,etCookiecorrigealetir.—TanteLil,jesuissidésolée.Vousallezénormémentnousmanquer.—Ohlàlà,n'est-ellepasadorable?Jel'aitoujoursaimée.Avecunsourire,jeprislamaindetanteLildanslamienne.—Moiaussi,jel'aitoujoursaimée.Jusqu'àilyaenvironquinzeminutes.Jedécidaiqu'unedoucheneseraitpasunemauvaiseidéeetm'yplongeaitandisqueCookiefaisait
l'inventaireetquetanteLilpartaitvoiràquoiressemblaitl'Afriqueavecsesnouvellesperspectives.Jemedemandaissielleserendraitcompteunjourdepuiscombiendetempselleétaitmorte.Cen'étaitsûrementpasmoiquiallaisleluidire.
L'eauchaudeétaitunedesmeilleuresthérapiesaumonde.Çadébarrassaitdustressetapaisaitlesnerfs.Mais les rottweillers étaient encoremieux.Depuis qu'unemagnifique rott dunomd'Artémisétaitmorteetm'avaitétéassignéecommegardienne-contrequoi, jen'enavaisaucuneidée-,mes
douchesétaientdevenuesbienpluspérilleusesqu'avant.Engrandepartieparcequ'Artémisadoraitça,elleaussi.Ellenevenaitpasmetrouvertrèssouvent,mais,dèslasecondeoùj'ouvraislerobinet,elleapparaissait.
—Hey,mabelle,lasaluai-jealorsqu'elletentaitd'attraperlejetdanssagueule.Elle aboya de manière joueuse et son jappement tonitruant résonna contre les parois de la
baignoire.Jemebaissaietlagrattaiderrièrelesoreilles.L'eaucoulaittoutdroitàtraverselle,cequifaisaitqu'elleétaitsècheautoucher,maiselleessayaitdetoutsoncœurd'attraperlesgrossesgouttesàl'aidedesalangue.
— Je sais exactement ce que tu ressens, ma fille. Parfois, les choses qu'on désire le plus sontprécisémentcellesquisonthorsd'atteinte.
Quand elleme sauta dessus, sa petite queue boudinée frétillant de plaisir, son poidsme projetacontre lemur de carreaux. Jem'agrippai au pommeau pour garder l'équilibre, et je la laissaimelécher la nuque avant qu'un nouveau jet ne capture son attention. Elle plongea pour l'attraper, merenversantpratiquementenmefaisantuncroche-patte.J'avaisvraimentbesoind'untapisdedouche.Etmeraserlesjambesavecunrottweillerquichassaitlamoindregoutted'eauétaitsuicidaire,maisnécessaire.
Aprèsavoirréussiàmeraserpresqueconvenablementenperdantunequantitéminimedesang,jecoupail'eauetmeblottiscontreArtémis.Ellemeléchal'oreillegauche,memordillantlelobedesesdentsdedevant,cequimedonnalachairdepoule,etjerisàhautevoix.
—Oh,merci.J'avaisvraimentbesoinqu'onmenettoiecetteoreille.Merciinfiniment.Aprèsunnouveaujappement,elleserenditcomptequel'heuredejeutouchaitàsafin.Commele
parcaquatiqueavaitfermépourlajournée,elleplongeaàtraverslemurextérieuretdisparut.Jemedemandaiss'ilétaitmalquejeprennemesdouchesavecunchien.
Jemeséchailescheveuxetlesrassemblaienquelquechosequiressemblaitàunequeue-de-cheval,enfilaiunjeanetunpullblancavecuncolàfermetureÉclair,puisjem'observaidanslemiroir.Sansvraiment savoir pourquoi. J'allais remettre mon pyjama dans quelques heures, de toute manière.Pourquoiest-cequejem'habillais?Pourquoiprendrelapeinedelefaire?Etpourquoiest-cequejemedouchais,d'ailleurs?
Jemis une noisette de crème dansma paume et me frottai lesmains tandis que j'examinais lavilaine balafre sur ma joue. Elle avait pratiquement disparu. Sur n'importe qui d'autre, elle seraitrestée,rappelpermanentd'événementsqu'onauraitpréféréoublier.MaisêtrelaFaucheuseavaitsesavantages.Asavoiruneguérisonrapide,etpasdecicatricedurable.Àpeineunlambeaudepreuvevisiblepourjustifiermanouvellecrised'agoraphobiemodérée.J'étaistellementridicule.
Jesaisislepotdecrèmequej'avaisutiliséepourmesmainsetenbarbouillailemiroir.Destraitsblancsdéformèrentmonvisage.Uneaméliorationcertaine.
Commejem'ennuyaisdeplusenplusenmacompagnie,jemerendisàlafenêtrepourregardersimon traître de père était déjà arrivé au boulot. Il semblait venir de plus en plus tard. Pas que çam'intéresse.Unhommequi faisait arrêter sa fille tandis qu'elle étaitmourantedansun lit d'hôpitalaprèsavoirété torturéepresque jusqu'à lamortneméritaitpasque jem'intéresseà lui. J'étais toutsimplementcurieuse,etlacuriositén'avaitvraimentrienàvoiravecl'intérêt.Maisàlaplacedu4x4demonpère, j'aperçusuncertainReyesFarrow,etma respiration sebloquaquelquepartdansmapoitrine. Il se trouvaità l'arrièredubardepapa, lesbrascroisés,une jambepliéedemanièreàcequ'unedesesbottesprenneappuicontrelebâtiment.
Etilétaitlibre.Jesavaisqu'illeserait,maisilfallaitencorequejelevoiedemespropresyeux.Ilavaitpassédix
ansenprisonpouruncrimequ'iln'avaitpascommis.Lesflicsl'avaientcomprisquandl'hommequ'ilavaitsoi-disanttuém'avaitattachéepuistorturée.J'étaiscontentequ'ilsoitlibre,mais,pouryarriver,Reyesm'avaitutiliséecommeappât,alorsnousétionsànouveaudansune impasse. J'étais furieuse
contre lui parce qu'il m'avait utilisée comme appât. Il était furieux contre moi parce que j'étaisfurieusecontreluiparcequ'ilm'avaitutiliséecommeappât.Notrerelationsemblaitdépendredecesimpasses, mais c'était là que tomber amoureuse du petit cul du fils de Satan m'avait amenée. Siseulement iln'étaitpas sidélicieusementetdangereusement sexy. J'avaisun sigros faiblepour lesmauvaisgarçons.
Etcemauvaisgarçon-làavaitététrempédansunlacdebeautéquandilétaitné.Sesbrasmusclésétaientcroiséssursonlargetorse;sabouchepleine,tropsensuellepourmonbien-être,affichaitunemouemaussade;sescheveuxnoirs,quiavaienttoujoursbesoind'unebonnecoupe,bouclaientdanssanuqueetretombaientsursonfront.Etj'arrivaisjusteàdiscernersescilsépais,quiprojetaientdesombressursesjoues.
Unhommepassadevantluietluifitsigne.Reyesregardaverslesol,pensif,puisdirectementdansmadirection.Sonregard furieux trouva lemien, le retintdurantun longmoment,m'empêchantderespirer,puis,doucement,délibérément, il sedématérialisa, soncorps se transformant en fuméeetpoussièrejusqu'àcequ'ilneresteriendelui.
Ilétaitcapabledefaireça.Ilétaitenmesuredeseséparerdesoncorpsphysique,etsonessenceincorporelle-quelquechosequejepouvaisvoiraussifacilementquelesdéfunts-pouvaitserendreoù bon lui semblait. Ce qui me surprenait était le fait que, tandis qu'il était désincarné, personned'autrenepouvaitlevoir.Maiscethommeluiavaitfaitsigne.IlavaitvuReyesetluiavaitfaitsigne.Çasignifiaitquec'étaitsoncorpsphysiquequisetenaitcontrecemurdebriques.
Cequi impliquaitquec'était soncorpsphysiquequivenaitdesedématérialiserpourdisparaîtredansl'airfraisdumatin.
Impossible.
Chapitre2Nerienfaire,c'estdur.Onnesaitjamaisquandonaterminé.
Tee-shirtJe dus rassembler toutmon courage afin deme détacher de la fenêtre, tant jeme demandais si
Reyes Farrow venait réellement de dématérialiser son corps humain. Puis une autre questions'imposa:quediablevenait-ilfairelàdehors?Puisencoreuneautre:pourquoiétait-ilencolèreàcepoint?C'étaitmontour.Iln'avaitaucuneraisondel'être.C'étaitprécisémentcequejeluiauraisditsij'avais trouvé une bonne excuse pour sortir de mon appartement et lui courir après. Mais monappartementétaitconfortable.L'idéedelequitterdansl'uniquebutd'avoirunedisputeaveclefilsdel'incarnationdumalavaitautantdesensquelesfourmisvolantes.Oùétaitlalogiquelà-dedans?Lesfourmisétaientdéjàbienassezeffrayantessansqu'onleurdonnelapossibilitédevoler.
Jeretournaiausalon,bouleverséeetsouslechoc.—ReyesFarrowétaitdehors.Appuyécontrelemurdubar.Entraind'épierl'appartement.Cookie fit un bond. Elle m'observa, bouche grande ouverte pendant une bonne dizaine de
secondes,avantdesejeterpar-dessuslecanapé,d'entrerenchancelantdansmachambreàcoucher,etdepresques'écrasercontremafenêtreenterminantsacourse.Elleétaitpresqueagilequandilétaitquestiond'hommes. Jen'avaispas lecœurde luidirequ'elleaurait euunemeilleurevuedepuis lesalon,del'endroitoùelleétaitassisejusteavant.Pasplusquejen'avaislecœurdeluidirequ'ilétaitdéjàparti.
—Iln'estpaslà,fit-elle,lavoixagitéeetpaniquée.—Quoi?demandai-je,feignantlasurprise.Jemeprécipitaiverselleetlançaiuncoupd'œilderrièrelesrideaux.Pasdedoute,ils'enétaitallé.—Ilétaitlàilyauneminute.Jebalayailesenvironsduregard.Cookiefronçalessourcilsenm'observant.—Tusavaisqu'ilétaitparti.Jemerecroquevillai,honteuse.—Désolée.Tuétaisàfonddanstonexercicejournalier, jenevoulaispastedéconcentrer.Tute
rends compte à quel point il serait difficile d'expliquer aux flics que tu as traversé la fenêtre pourt’écrasersur le trottoir?demandai-jeavantde reportermonattentionsur l'endroitoùReyess'étaittenu.Maisjetejure,sicetypeestentraindemefiler...
—Chérie,techniquementilfaudraitquetuaillesquelquepartpourqu'ilpuissetefiler.Ça,ceseraitplutôtduharcèlement.
Ellemarquait un point. Un que je pourrais renvoyer à la figure de Reyes si je lui adressais ànouveaulaparoleunjour.
JebaissailatêtetandisqueCookiecontinuaitàfouillerleparkingduregarddansl'espoirqu'ilsemontreraitdenouveau.Jenepouvaispasvraimentleluireprocher.
—Pendantqu'onestsurlesujet,jepensequ'iladématérialisésoncorpshumain.Ellebonditdesurprise.—Jecroyaisquec'étaitimpossible.T'enessûre?—Non, répondis-je en retournant dansmon salon encombré parce qu'une autre idée venait de
trouver lechemindemoncerveau. (Fichus troublesde l'attention.)Bon, soishonnête.Aquelpointest-cequejesuisfauchée?
Cookieprituneprofondeinspirationetmesuivit.Ellemeconsidéraavecuneexpressionattristéeavantderépondre.
—Suruneéchelledeunàdix?Tun'yfigurespas.Tuseraisplutôtducôtédesmoinsdouze.—Merde,m'exclamai-jeenobservantmonbraceletJackieKennedyavecunpoidsterriblesurla
poitrine,avantd'enouvrirlefermoir.Tiens,renvoieçaégalement.Ellel'attrapa.—Tuenessûre?— Ouais. Je faisais seulement semblant qu'il allait bien avec Margaret, de toute manière.
Maintenant,s'ilavaitéténoiravecdespetitscrânes...—Je crains fort que Jackien'ait pas très souvent porté de crânes.Tu sais, certains clients nous
doiventencoredel'argent.—Vraiment?C'étaitprometteur. Jecontournaiplusieursboîtespourme rendre jusqu'àM.Café.C'était le seul
hommedansmavie,actuellement.—Ouais.Sonhésitationmefitcomprendrequ'ilyavaitunproblème.Jeremplismatasseetlaquestionnaienfronçantlessourcils.—Commequi?—CommeMmeAllen.—MmeAllen?demandai-jeenajoutantdelacrèmeetdufauxsucreàmoncafé.Ellemepaieen
cookies.Jenesaispastropcommentçapourraitnousaiderpourréglerlesfactures.—C'estvrai,maisellenenousapaspayéespourladernièrefoisquetuasretrouvéPP.PP, également connu sous le nomdePrincePhillip, était le caniche enragé deMmeAllen.Elle
auraittoutaussibienpul'appelerHoudini.Cechienauraitpus'échapperd'uncoffredebanque.Mais,enfait,Cookieavaittort.Jememordislégèrementlalèvre,gagnéeparlaculpabilité,toutenévitantsonregard.
Cookieeneutlesoufflecoupé.—MmeAllent'apayée?—Onpeutdireça.—Ettun'aspaspartagé?—Ehbien...—Unplateauentierdecookies,ettun'aspaspartagé?Alorsquej'aifaittoutletravaildeterrain?J'enrestaibouchebée.—LetravaildeterrainNTuasmarchéjusqu'àlafenêtreettul'asrepéréprèsdespoubelles.—Oui, et j'ai donc marché. (Elle mima un déplacement à l'aide de deux doigts, chose que je
trouvaihilarante.)Jusqu'àlafenêtre,avecmesjambes.—Oui,maisc'estmoiquiaicouruaprèscepetitemmerdeurvicieuxsurdix-septpâtésdemaisons.—Trois.—Etensuiteilm'amordue.—Iln'aplusdedents.—Lesgencivesfontmal,également,rétorquai-jeenmefrottantlebrassansenavoirconscience,
merappelantl'horreurdesfaits.—C'estuncaniche.Est-cequ'ilpeutvraimentmâchouillersifortqueça?—Trèsbien,laprochainefois,c'esttoiquiluicourrasaprès.Elleexpulsabruyammentl'airdesespoumons.—Etcetype,BillyBobquelquechose?Ilnousdoittoujoursdel'argent.— Tu parles de Bobby Joe ? Celui qui pensait que sa petite amie essayait de le tuer avec des
cacahouètes?Ilm'apayéeennature.—Charley,mesermonna-t-elle,ilfautquetuapprennesànepastoutramenerausexe.
—Pascommeça,medéfendis-je,choquée.Ilarepeintlesbureauxpournous.Aprèsunregardaussiappuyéqu'exaspéré,elledemanda:—Tuveuxparlerdesbureauxquenousn'occuponsplus?Jehaussailesépaules.—Oui,j'aioubliéd'annuler,etillesarepeintsaprèsqu'onadéménagé.Ilétaitvraimentcontentde
constaterqu'onluiavaitdégagélesmurs.—Ehbien,c'estvraimentfantastique.Sonenthousiasmesemblaitfeint.C'étaitétrange.—Ildoitbienyavoirquelqu'unquinousdoitdel'argent,selamenta-t-elle.J'eusalorsuneillumination.Laréponseàtoutesnosprières.Ouaumoinsàquelques-unes.—Tuasraison,fis-je,souriantenmesouvenantqueReyesFarrowétaitmondébiteur,etqu'ilme
devait beaucoup. J'ai résolu un cas. Je suis en droit de recevoir ma paie habituelle, plus ledédommagementpourlesdépensesmédicalesetlessouffrancesmorales.
Ellesemblaitpleined'espoir.—Quelleaffaire?Qui?Lamanièredontjecontractailamâchoireluiréponditàmaplace.Sonregarddevintrêveur.—Est-cequejepeuxt'aideràencaisser?—Non,tudoist'occuperdetoutesceschosesàrenvoyer.Commentest-cequ'onmangeralemois
prochainsinon?—Jen'aijamaisledroitdem'amuser.—Ettunepeuxt'enprendrequ'àtoi.Elleseraclalagorge.— Comment est-ce que quoi que ce soit de tout ça, demanda-t-elle en faisant un geste ample,
pourraitêtremafaute?—C'estcequisepassequandonmelaissesanssurveillance.Est-cequetun'aspasdesbordereaux
deretouràremplir?—Oui,répondit-elleenensoulevantunepoignée.—Danstonappartement?—Trèsbien.Ellesesaisitdesreçusetsedirigeaverslasortie,melaissantsanssurveillance.Ellen'apprendrait
doncjamais.—Oh,dit-elleavantd'ouvrirlaporte.J'aipristatélécommande,alorsn'ypensemêmepas.Ça,c'étaitvraimentuncoupbas.Aprèssondépart,jerestaiassiseetessayaideréfléchiràunpland'attaque.Siseulementjepouvais
mettrelamainsurAnge.Siquelqu'unpouvaittrouvercettepetitecrapule,cesale...—Commentt'asfaitça?Jefisunbondenentendantletimbremasculinprovenantdequelquepartderrièremoi.Ilétaithaut.
Lebond.Pasletimbre.Jeposailesmainssurmapoitrineetmetournaiverslajeunefrappedetreizeansquiportaitledouxnomd'AngeGarza.Ilsetenaitdansmonappartement,flanquédeseshabituelsjeanettee-shirtsales,unbandanaautourdelatête.
—Ange,bonDieu!—Commentça,bonDieu?Qu'est-cequetuasfait?—Quoi?demandai-je,enessayantdecalmerlesbattementsdemoncœur.Jen'étaisgénéralementpasaussieffrayéequandAngedébarquait.Ilplissasesyeuxsombres.—Commentas-tufaitça?—Jenesaispas.Qu'est-cequej'aifait?—J'étaisàlaquinceanerademoncousinet,l'instantd'après,jesuisici.—Vraiment?
—C'esttoiquiasfaitça?—Jenecroispas.J'aijustepenséàtoi,ettuesarrivé.—Ehbien,arrêteça.C'étaitvraimentbizarre.Ils'entouradesesbrasetcommençaàlesfrotterdoucement,commepourseréconforter.—Cetrucestcool.Tuneviensjamaisquandj'aibesoindetoi.—Jesuistonenquêteur,pendeja,pastonanimaldecompagnie.—Jen'arrivepasàcroirequeçaafonctionné.—C'estquoi,toutescesboîtes?—Est-cequetuviensjustedem'appelerpendeja?Ilmeremarquafinalement,etunelueurfamilièrepassadanssesyeux.—T'asl'airenforme,boss.—Ettoi,t'asl'aird'avoirtreizeans.Lui renvoyer sonâgeà la figure fonctionnait à tous les coups. Il sehérissa et se retournapour
observermonnouveaurécipientàfromage.Commej'avaisconsciencequ'iln'allaitpasaimercequej'étaissur lepointde luidemander, jeme levaipourmeplacerdevant lui,de front, le regardfixe,monexpressiondure.
—J'aibesoindesavoiroùilest.Ses épaules se raidirentpendantun instant sous le coupde la surprise,mais il se rattrapa et les
haussarapidement.—Quiça?Ilsavaittrèsbiendequijeparlais.—Ilétaitlàilyauneminute,devantmonimmeuble.Oùest-cequ'ilcrèche?Lafrustrations'échappad'entreseslèvres.—Tuesrestéeloindeluipendantdessemaines.Pourquoimaintenant?—Ilmedoitdufric.—C'estpasmonproblème.—Çaledeviendraquandjenepourraipluspayertonsalaire.Pourrétribuerletravailqu'ileffectuaitpourmoi,j'envoyaisunchèqueanonymeàsamèretousles
mois.Ilnepouvaitpasutilisercetargent,maisellelepouvait.C'étaitunarrangementparfait.—Merde,lâcha-t-ilendisparaissantàtraversunmurdecartons.Chaquefoisquetut'approchesde
lui,tuesblessée.—Cen'estpasvrai.Ilrefitsurface,maisseulementpartiellement.—C'estquoi,unFlowbee?—Ange,dis-jeenplaçantundoigtsoussonmentonetencaressantlefinduvetquiémergeaitsur
samâchoire.J'aibesoindesavoiroùilsetrouve.—Jepeuxtevoiràpoild'abord?—Non.—Tuveuxmevoiràpoil?—Non,etbeurk.Ilseredressa,blessé.—Sij'étaisencorevivant,jeseraisplusâgéquetoi.—Maistunel'espas,luirappelai-jegentiment.Etj'ensuissincèrementdésolée.—Çanevapastefaireplaisir.—Net'enfaispas.J'aijustebesoindesavoiroùilsetrouve.—IlseraàGarberExpédition,danslequartierdesentrepôts,cesoir.—Dansunentrepôtd'import-export?demandai-je,surprise.Iltravaillelà-bas?Reyesavaitdel'argent.Beaucoup,beaucoupd'argent.Sasœurmel'avaitdit.Alorspourquoiest-ce
qu'ilferaitdutravailmanuelpouruneentreprised'import-export?Aprèsunlongmoment,qu'ilpassaàsemordillerunepeaumortesurundoigt,Angerépondit:
—Toutdépenddetadéfinitiondetravailler.Après être restée sans voix lorsqu'ilm'avait appris quel était le nouvel emploi deReyes, jeme
dirigeaiversmaported'entrée,posaiunemainsurlapoignée,puisrepensaiàcequejem'apprêtaisàfaire. J'étais sur le point d'aller me confronter à Reyes Farrow. Sans arme. Reyes n'avait jamaisdirectementessayédes'enprendreàmoi,mais iln'était sortideprisonquedepuisdeuxmois.Quisavait de quoi cet homme était capable ? Il avait probablement pris un tas demauvaises habitudesdepuisqu'ilétaitlibre.Commetricheraupoker.Eturinersurlavoiepublique.
Mêmesijen'étaispasvraimentadeptedufaitdeporterunearme-chaquefoisquej'enavaisunesurmoi,j'imaginaisqu'onmelavolaitetqu'onl'utilisaitpourmettrefinàmesjours-jefisdemi-tourpour aller chercherMargaret dansma chambre. Jeme disais que, pour affronter un salementeurscélératdelatrempedeReyesFarrow,onnepouvaitjamaisêtretropprudent.Outroparmé.Jepassaidoncuneceintureàmonpantalon,misleGlockdansunholster,etrefermailevelcro.
Après une autre profonde inspiration, jeme dirigeai à nouveau vers la porte avant d'accélérerlorsque j'arrivai vers l'escalier. Lemême escalier que j'avais emprunté un nombre incalculable defoispar lepassé. Il semblait étrangementplus raide.Plusdangereux.Mesmains tremblaient sur larampeetjem'arrêtaisàchaquemarche,cherchantlecouragedeposerlespiedssurlasuivante,enmedemandantcequipouvaitbienclocheravecmoi.C'étaitvrai,çafaisaitunmomentquejenem'étaispasaventuréeàl'extérieur,maislemonden'avaitpaspuchangeràcepoint.
Quand j'eus finalement réussi àdescendredeuxétageset àatteindre le rez-de-chaussée, j'étudiail'entréedel'immeuble.Laporteenacierétaitentrouverteetlalumièredujourfiltraitparlescôtés.Jeforçaimespiedsàcontinuer,l'unaprèsl'autre,larespirationagitée,lespaumesmoitesd'uneénergienerveuse.Jeposaiunemaintremblantesurlapoignéeverticaleetpoussai.Lalumières'engouffraàl'intérieur,m'aveuglant.L'air sebloquadansmapoitrineet je refermai laporte. Jeprisdegrandesinspirations,appuyéecontrelebattantpourmeretenir,essayantdemecalmer.
Uneminute.C'étaittoutcedontj'avaisbesoinpourrassemblermesesprits.Ilsétaienttoujoursentraindecourirdanstouslescoinspourfairelesquatrecentscoups.
—MademoiselleDavidson?Sansmêmeréfléchir,jesortisleflinguedemonholsteretlebraquaiendirectiondelavoixqui
émanaitdesombresdel'entrée.Unefemmehoquetadesurpriseetfitunbondenarrière,lesyeuxgrandsouverts,fixantlecanon
pointédanssadirection,bouchebée.—Je...Jesuisdésolée.Jepensais...— Qui êtes-vous ? demandai-je, en maintenant le pistolet bien plus immobile que j'aurais cru
possibleétantdonnémonétatd'espritirrationnel.—Harper,répondit-elleenlevantlesbrascommepourserendre.MonnomestHarperLo...—Quevoulez-vous?Jen'avaispaslamoindreidéedelaraisonpourlaquellej'étaistoujoursentraindebraquermon
armesurelle.Normalement,lesfemmessympathiquessansarrière-penséesnemefaisaientpaspeur.C'étaitétrange.
—JechercheCharleyDavidson.Jebaissaileflingue,sanstoutefoislerangerdanssonholster.Pasencore.Ellepouvaittoutàfaitse
révélerpsychotique.Ouêtreunevendeuseauporte-à-porte.—JesuisCharley.Quevoulez-vous?Jefrissonnaienremarquantàquelpointmavoixétait tranchante.Depuisquandest-cequejeme
comportaisaussimal?J'avaispourtanteuunbonpetitdéjeuner.—Je...Jesouhaitevousengager.Jecroisquequelqu'unessaiedemetuer.J'étrécislesyeuxetladétaillai.Delongscheveuxnoirs.Grandeettouteencourbes,avecunvisage
carré,maisd'unejoliemanière.Destraitsdoux.Deshabitspropres.Elleavaituneécharpebleuclair
enroulée autour du cou, une extrémité rentrée dans son manteau bleu foncé. Ses yeux étaientimmenses,chaudsetcaptivants.Dansl'ensemble,ellen'avaitpasl'airfolle.Cequi,aprèstout,étaitlecasdelaplupartdesfous.
—Vouscherchezundétectiveprivé?Ilétaitpermisderêver.Jen'avaispaseudetravaildepuisdeuxmois.Jejetaiunregardendirection
del'appartementdeCookie.—Oui,undétective.JeprisuneprofondeinspirationetrangeaiMargaretdanssonholster.—Jesuisunpeuentredeuxbureaux,encemoment.Onpeutparlerdansmonappartement,siça
vousva.Elle acquiesça rapidement, la peur palpable dans chacun de ses mouvements. La pauvre. Elle
n'avaitvraimentpasméritémonattituderevêche.Lesépaulesalourdiesparlaculpabilité,jemedirigeaiversl'escalier.Ilétaitnettementplusfacileà
gravirqu'àdescendre.Engénéral,c'étaitl'inverse.Surtoutaprèsdeuxmoisdemarathonvégétarien.Mesmusclesauraientdûêtreatrophiésdepuisletemps.
—Est-ce que je peux vous offrir quelque chose ? proposai-je lorsque nous eûmes atteintmonappartement.
J'étaisàpeineessoufflée.—Oh,non,c'estgentil.Ellemeregardaitavecméfiance.Jenepouvaispastropluienvouloir.Mesaptitudesenrelations
humainesavaientbesoind'unbonaffûtage.—Est-cequevousallezbien?demanda-t-elle.—Çava.Mavoixretrouverasontimbrenormaldansuneminute.Çafaisaitunbailquejen'avais
paspriscetescalier.—Votreimmeubleaunascenseur?—Hum,non.Voussavez,jenesuispascertainequ'ilsoitprudentdeserendrechezquelqu'unqui
vousapointéunearmedessus.Elleavaitétéoccupéejusque-lààparcourirlefoutoirqu'étaitmonbureau/appartement/salledebal
quandledémondeladansemefrappait.Ellebaissalesyeuxenentendantmesmots,embarrassée.—Jecroisquejesuisunpeudésespérée.Je lui fis signe de s'asseoir et pris place sur le canapé. Heureusement, tante Lillian n'était pas
encorerevenued'Afrique.Aprèsavoirsaisiuncarnetetunstylo,jedemandai:—Alors,quesepasse-t-il?Elledéglutitdifficilementavantderépondre.—Ilm'arrivedestrucs.Destrucsétranges.—Commequoi?—Quelqu'unestentréchezmoipareffractionpourlaisserdes...choses.—Quelgenredechoses?—Ehbien,pourcommencer,j'aitrouvéunlapinmortdansmonlitcematin.—Oh,m'exclamai-je,surprise,enretroussantlenezdedégoût.Cen'estpasbonsigne.Enfin, je
n'ensuispassûre.Jeveuxdire,ilétaitpeut-êtresuicidaire.Ellem'arrêtaaussitôt.— Vous ne comprenez pas. Beaucoup de choses du genre m'arrivent. Des lapins à la gorge
tranchée.Desfreinssectionnés.—Attendez,desfreins?Commedansfreinsdevoiture?— Oui. Oui, répéta-t-elle, commençant à paniquer. Les freins de ma voiture. Ils ont tout
simplementcessédefonctionner.Commentdesfreinspeuvent-ilssimplementcesserdefonctionner?Elle était effrayée. Cela me brisa le cœur. Ses mains tremblaient tandis que ses yeux se
remplissaientdelarmes.
—Etensuitemachienne,dit-elleenenfouissantsatêteaucreuxdesespaumesetenlaissantallerlesémotionsqu'elleavaitretenuesjusque-là.Elleadisparu.
Jemesentaisvraimentcoupablepourl'incidentimpliquantMargaretmaintenant.Jelaréprimandaiduregard.Margaret.PasHarper.Dessanglotsagitaientlecorpsdecettedernièretandisquesespeursprenaientledessus.
Je m'approchai d'elle et posai une main sur son épaule. Au bout de quelques minutes, ellecommençaàsecalmer,alorsjereprismesquestions.
—Avez-vousappelélapolice?Ellesortitunmouchoirdelapochedesonmanteauetsetamponnalenez.—Chaquefois.Tellement,àvraidire,qu'ilsontmêmeassignéunofficierpourfiltrermesappels.—Oh,vraiment?Quidonc?— L'officier Taft, répondit-elle d'un ton légèrement dur. Ce n'était définitivement pas le grand
amour.—D'accord.Jeleconnais.Jepeuxluiparlerpouressayerd'obtenirle...—Maisilnemecroitpas.Aucund'euxnemecroit.—Etvosfreinsalors?Ilspeuventcertainementdéterminersic'étaitcriminelounon?—Lemécanicienn'apasréussiàdires'ilsavaientététrafiqués,doncilsontjusteclassél'affaire
commeilsl'ontfaitpourtoutlereste.Jemepenchaietmemisàpianotersurmonbloc-notestoutenréfléchissant.—Depuis combien de temps est-ce que ça dure ? Elle semordit la lèvre et détourna les yeux,
embarrassée.—Quelquessemainesmaintenant.—Etvotrefamille?Ellelissalesbordsdesonécharpeavecsesdoigts.—Mesparentsnesontpasvraimentd'unegrandeaide.Cen'estpasleurgenre.Etmonex-mari,eh
bien,ilseserviraitdetoutçacontremois'ilenavaitl'occasion.Jeneluiairiendit.—Est-cequevouslesuspectez?—Kenneth?reprit-elleavecdédain.Non.C'estunimbécile,maisunimbécileinoffensif.Précautionneusement,jepréparaimaquestionsuivante.—Est-cequ'ilvousverseunepension?—Non.Riendutout.Iln'aaucuneraisondesouhaitermamort.Jen'enétaispaspersuadée,maisjedécidaidenepasluienfairepartpourl'instant.—Qu'enest-ildevoscollègues?Jevenaisdel'embarrasserànouveau.Ellepâlitsousmonregardinquisiteur.—Jen'aipasvraiment...Jenetravaillepas.Jen'aipaseud'emploidepuisunmoment,maintenant.Intéressant.—Commentpayez-vousvosfactures?—Mesparentssonttrèsaisés.Pourêtrehonnête,ilsmedonnentdel'argentpourresteréloignée
d'eux.Etçanousconvientàtous.Jenepusm'empêcherdeconclureque,sielledisparaissait,ilsn'auraientplusàl'entretenir.Peut-
êtrequesesparentsétaientd'uneencoremoinsgrandeaidequ'elleleprésumait.—Quepensent-ilsdelasituation?Ellehaussalesépaules.—Ilsmecroientencoremoinsquel'officierTaft.LamentiondeTaftm'auraitamplementsuffi.Mêmesinousn'étionspasvraimentennemis,nous
n'étionspasexactementamisnonplus.Onavaiteuunpetitdémêléàl'époque,quis'étaitconcluparluiquimelançaitdesinjuresavantdepartirfurieuxdemonappartement.J'avaisdelapeineàoublierdetels incidents.Celui-ciavait impliquésasœur,quiétaitmortealorsqu'ilétait très jeune. Ilavaitétéincroyablement irrité lorsque je lui avais appris qu'elle n'avait pas traversé afin de rester avec lui.
Certaines personnes étaient vraiment très susceptibles quand je leur expliquais que les défuntsmembresdeleurfamilleavaientcommencéàlesespionner.
—D'accord,annonçai-je.Jeprendscetteaffaire,àunecondition.La tensionmontaen flèche.Jenesavaispassic'étaitparceque j'avaisacceptésoncasouparce
qu'elleavaitvraimentpeurpoursavie.—Toutcequevousvoudrez,répondit-elle.—Ilfautquevousmepromettiezd'êtrehonnêteavecmoi.Sij'acceptecetravail,jesuisdevotre
côté,vouscomprenez?Vousdevezpenseràmoicommeàvotredocteurouvotrethérapeute.Jenepeuxparleràpersonnedesconfidencesquevousmefaitessansvotrepermissionformelle.
Elleacquiesça.—Jevousdiraitoutcequejepeux.—Trèsbien.Alors,premièrement,avez-vouslamoindreidée, lamoindresuspicionquantàqui
pourraitsouhaitervotremort?Laplupartdesgens,lorsqu'ilssontmenacés,avaientaumoinsunsoupçon,maisHarpersecouala
tête.—J'aiessayéetessayé.Jen'aijusteaucuneidéedequipourraitsouhaitermefairedumal.—Trèsbien.Jenevoulaispastroplapousser.Ellemesemblaitbienassezfragilecommeça,etlefaitquejelui
aiepointéunflingueenpleinefiguren'avaitpasdûaider.Je notai les noms des membres de sa famille et de ses amis, de toute personne qui pourrait
corroborersonhistoire.Lestentativesdemeurtrenedevaientpasêtreprisesàlalégère.Pasplusquel'espionnage ou le harcèlement. Le fait que ses proches ne la prennent pas au sérieuxm'inquiétaitgrandement.Ilfaudraitquejeleurrendeunepetitevisitedèsquepossible.
— Avez-vous un endroit où rester en dehors de chez vous ? demandai-je une fois que j'eusterminé.
Sescheveuxtombèrentdevantsonvisagelorsqu'ellesecouadoucementlatête.—Jen'yaipassongé.Jepensequejen'enaipas.Nullepartquisoitsûr.Çapouvaitêtreunproblème.Encoreque...—Voussavez,ilsepeutquej'aielelieuparfait.C'estunpeucommeuneplanqueduFBI,saufque
c'estunsalondetatouage.—Oh...D'accord.Ellenesemblaitpascontre.C'étaitbonsigne.—Génial.Nebougezpasletempsquejedonnecetteinformationàmonassistantedel'autrecôté
ducouloir,etjevousyemmène.Toutenacquiesçantmécaniquement,elleobservalesboîtessurlecanapéderrièremoi,cellesqui
contenaientlesfigurinesàcollectionnerdugroupeKiss.—Ouais,commentai-je,larejoignantdanssastupéfaction.Unesurchargedecaféineafortement
influencécetachat.—J'oseimaginer.Jetraversailehall,impatientedepouvoiragitermanouvelleclientesouslenezdeCookie-pasau
senslittéral,çaauraitétédélicat-etrentraipresquedansM.Zamora,leconciergedel'immeuble.—Oh,hey,salutvous,dit-il.Ilétaitpluspetitquemoi,grassouillet,etavaitdescheveuxpoivreetselquiavaienttoujoursl'air
d'avoirbesoind'unbonaprès-shampooing.Et ilportait inlassablementdessurvêtementsdesportetdes tee-shirtsquiavaientvuplusd'horreursque labrigadedesnarcotiquesaugrandcomplet.Maisc'étaitunconciergehonorable.Quandmonchauffageavaitcessédefonctionneràlami-décembre,ilneluiavaitfalluquedeuxsemainespourleréparer.Biensûr,j'avaisdûpourcelaallerfrapperàsaporte à la recherche d'un endroit chaud pour dormir. Mais une nuit sur son sofa avait suffi. Lesterreursnocturneset l'épilepsieque j'avaissoudaindéveloppéesavaient fait filercebonsamaritain
plusvitequ'uneMercedeslejoursuivant.C'étaitmythique.—Bonjour,monsieurZ.Il transportait une petite échelle, une bâche, et un seau de peinture. Et il se dirigeait vers
l'appartement au bout du hall. Que diable tramait-il ? Quand j'avais emménagé, je voulais cetappartement-là. J'avais supplié. J'avais imploré. Mais non. Les propriétaires ne souhaitaient pasdébourserl'argentqu'auraientcoûtélesrénovations.Etmaintenantils lefaisaient?Maintenantilsyétaientdisposés?
—Qu'est-cequisepasse?demandai-jeaussinonchalammentquepossible.Ils'arrêtaenfacedemoi,lacléprêteàl'emploidanssamain.Tandisquemonappartementetcelui
deCookieétaientexactementfaceàfacedanslecouloir,celuidufonds'étendaitsurleurlongueuràtouslesdeux,lesadditionnant.Commeilavaitsouffertd'unimportantdégâtdeseauxquelquesannéesplus tôt et que les propriétaires avaient perdu l'argent de l'assurance au casino avant de pouvoiracheverlesrénovations,ilétaitrestéinoccupépendantdesannées.Cequin'avaitaucunsens.
—On termine finalement cet appartement, fit-il, en le pointant à l'aide de la clé. Des gars dubâtimentvontpassercetaprès-midi.Çapourraitfaireunpeudebruit.
L'espoirmemitdubaumeaucœur.Monappartementétaitbientroppetit,maintenant,avectoutesmesnouvellesaffaires.J'auraisvraimentbesoind'unepiauleplusgrandeetmieuxéquipée.
—Jeleveux,dis-jevivementavantdepouvoirm'enempêcher.Ilhaussaunsourcil.—Jepeuxpasvouslaisserl'avoir.Yadéjàunlocataire.—Pasmoyen,monsieurZ.J'aiconvoitécetappartementàlaminuteoùj'aiposélesyeuxsurcet
immeuble.Vousm'aviezpromisdememettresurlalisted'attente.—Etvousyêtes.Justeaprèscesgens.Jeleregardai,bouchebée.—Vousvoulezdirequevousaveztriché?—Non.J'aiacceptéunpot-de-vin.C'estpaslamêmechose.Ilseremitenroute.Jefisunpasmenaçantdanssadirection.—Jevousaifiléunpot-de-vinaussi,sivousavezbonnemémoire.—C'étaitunpot-de-vin?demanda-t-ilenreniflantdemanièremoqueuse.Jepensaisquec'étaitun
pourboire.J'étaisofficiellementscandalisée.—Etj'aiproposédevouspayerplusquepourcetrouàrats.—Vouscritiquezmonimmeuble?—Non,votreéthique.—Sijemesouviensbien,vousavezoffertcinquantedollarsdeplusparmois.—C'estexact.—Pourunappartementquifaitledoubledelatailleduvôtre.—Oui,et?C'esttoutcequej'avaissurlemoment.—D'aprèscequej'aicompris,lenouveaulocatairepaietroisfoisvotreloyer.Etilfinancetoutes
lesréparations.Merde.Jenepouvaiscertainementpasmepermettrederivaliseravecça.Peut-êtreenrenvoyantla
machineàexpresso.Etlacloueuseélectrique.—Jenepeuxpascroirequevousayezagidansmondos.Ilramassal'échelle.—Jenepensepasque louerunappartementsoit faire leschosesdansvotredos,mademoiselle
Davidson.Maissivousestimezquec'estsiinjuste,vouspouvezenparleràmoncul.—Dansvosrêves.Ils'enallaaprèsavoirpousséunpetitgloussementetpénétradansl'appartement.J'eustoutjustele
tempsdejeteruncoupd'œilàl'intérieuretdevoirlenouveaucrépiauxmurs,toutfraisetpasencore
peint.Jepassaisvraimentàcôtédequelquechose.JemedirigeaiverslaportedeCookieàgrandesenjambées,maudissantlesortquis'acharnaitsur
moi.Etmamauvaiseouïe.—TusavaisqueM.Z.avaitlouéle3B?Cookielevalatêtedesonordinateur.—Impossible.Jevoulaiscetappartement.—Moiaussi.Tupensesqueceseraqui,notrenouveauvoisin?—Certainementuneautrevieillefemmeavecdescaniches.—Peut-être.Oualorsuntueurensérie.—Onpeuttoujoursrêver.Qu'est-cequetuapportes?demanda-t-elleendésignantlepapierqueje
tenaisdumenton.—Ahoui,juste.Onaunecliente.—Vraiment?Sa surprise n'était pas étonnante. Ça faisait un bail qu'on n'en avait pas eu.Mais, quandmême,
c'étaitunpeublessant.—Ouais.Ellevienttoutjustededébarquer.Peut-êtrequecespubsqu'ondiffusesurlesondestard
lesoirfonctionnentaprèstout.—Possible,mais je restepersuadéequ'elles fonctionneraientbienmieux si elles étaientdans la
bonnelangue.Peudepersonnesparlentjaponaisdanslecoin.—Honnêtement,Cook,tutecomportescommesijen'avaismêmepasenvied'avoirdenouveaux
clients.Elleserapprochaetm'arrachalepapierdesmains.—Jemedemandebiend'oùpeutmevenircetteimpression.Jehaussailesépaules,déconcertée,etjetaiuncoupd'œilderrièremoipourêtresûrequeHarper
n'étaitpasàlaporteavantdem'adresseràCookie.—J'aibesoindetoutcequetupourrasdénichersurelle.L'historiquedesmembresdesafamille,
sontravail,lebénévolat,sesamendesdeparking,bref,toutcequetutrouveras.—C'estcommesic'étaitfait.Oùest-cequetuvas?demanda-t-ellelorsquejemedirigeaiversla
sortie.—Harperpensequequelqu'unessaiedelatuer,alorsjel'emmènedansnotreplanque.—Çameparaîtêtreunebonneidée.Aprèsquelaportesefutrefermée,jel'entendiscrier:—Onauneplanque?
Chapitre3C'estunplaisirdevousaccueillirànouveauparminous.Jevoisquelesassassinsontéchoué.
Tee-shirtAprèsuncombatsansmerci,durantlequelmesjambesvoulaientallerdansunsensalorsquema
tête leur ordonnait de prendre la direction opposée, je dépassai le bar de mon père à grandesenjambéesetcontinuaienbasde la rueendirectiondenotreplanque improviséeencompagniedeHarper.Jen'arrivaispasàm'empêcherdescruterlesenvironscommeunsoldatenterritoirehostile.Étrangement,Harperenfaisaitautant.Ondevaitressembleràdeuxjunkiestandisquenouslongionslesbureaux,lesécoliers,etlessans-abri.
Jedécidaidedétendrel'atmosphère.—Alors,qu'avez-voustoujoursrêvédedevenirquandvousétiezpetite?demandai-jeàHarper.Ellemarchaitderrièremoi,lesbrascroisés,latêtebaissée,etseforçaàsourire.—C'estjustelà-bas,luidis-je,luiépargnantdedevoirrépondre.Pariestunesainte.Maisavecdes
brastatouésetunmauvaiscaractère.Apartça,vouspouvezabsolumentcomptersurelle.Laplupartdutempspourdesconseilsdouteux,maisilfautbienqu'onsoittousdouéspourquelquechose,non?
—Vouscroyezquevousl'attraperez?Elle ne parvenait pas à réfléchir à autre chose qu'à son danger immédiat. Elle ne souffrait
vraisemblablementpasdetroublesdel'attention.—Jeferaidemonmieux,mabelle.Croixdebois.—J'enaitellementmarredemesentirsiimpuissante.J'auraisdûsuivredescoursdekaraté,hein?J'aimaissamanièredepenser,maismêmelesartsmartiauxnegarantissaientpasunevielongueet
prospère.—Nesoyezpas tropdureavecvous-même,Harper.Ontrouvedesfousà tous lescoinsderue.
Desgensavecquionnepeutpasraisonneretqu'onnepeutmêmepascommenceràcomprendresansavoirundiplômeenpsychothérapie.Ilestimpossibledesavoircequecherchecetype.
Elleacquiesça,adhérantàmonexposésurlescinglés.J'avaismoi-mêmegrandiavecquelqu'undugenre, en la personne de Denise Davidson, ma belle-mère de l'enfer. Elle aurait pu apprendrequelquestoursaufilsdeSatan.
—Nousyvoilà,dis-jeenpointantuneporteàmoustiquaire.Desrestesdepeinturerougeentouraientleboisautourdelaportearrière.Harpers'arrêtaetétudial'allée.Nousétionsàl'entréearrièred'unsalondetatouagemalfamé.Sa
confianceenmoisembladiminuerlégèrement.—C'estunendroittotalementsûr.Vousavezmaparole.—D'accord.Jevouscrois,dit-elleaprèsunmouvementdetêtehésitant.Peut-êtrequ'elleétaitvraimentfolle,enfindecompte.—EtPariaunapprentivraimentcanon.Unsourire timidevint illuminersonvisage.Elleparaissaitsi innocenteetnaïve,etpourtantelle
était toutsimplementmagnifique.Jemedemandaisàquoisavieavaitbienpuressembler.Avecunpeudechance,jeledécouvriraisàmesurequel'affaireavancerait.
—Professeur.J'allaisouvrirlaporteaumomentoùelleavaitparlé.—Jevousdemandepardon?
—Unprofesseur.Vousm'avezdemandécequej'avaistoujoursvouluêtre.Professeur.Jeluiaccordaitoutemonattention.—Pourquoin'enêtes-vouspasdevenueun?Ellehaussalesépaulesavantdedétournerleregard.—Mamèren'approuvaitpasmonchoix.Ellesouhaitaitquejesoisdocteurouavocate.Mêmesijen'arrivaispasàmelareprésenterenavocate,jepouvaistoutàfaitl'imaginerdocteur.
Elleavaitl'airdugenredepersonnequiprendsoindesautres.Mais,encoreunefois,cen'étaitpaslecasdetouslesdocteurs.Peut-êtreuneinfirmière,alors.Quoiqu'ilensoit, jel'auraisvraimentbienvueenprof.Elleenauraitétéunesuper.
—J'espèrequetousvosrêvesvontseréaliser,Harper.—Merci,répondit-elle,surprise.J'espèrequelesvôtreségalement.Jeluioffrisunsourirepleindegratitude.—Laplupartdesmiensimpliquentuntypequim'apporteplusd'ennuisquedeplaisir,maisc'est
trèsgentilàvous.Elleritdoucementenrecouvrantsabouched'unemain.Saboucheétaitbientropjoliepourêtre
cachée.NouspénétrâmesdanslesalondePari.L'accueilse trouvaità l'avant,maissesbureauxétaientà
l'arrière,aprèslestudio,dansuncoinpasplusgrandqu'untesticuledemiteavecunevueincroyablesur lesbennesàorduresde l'autrecôtéde la route. Jemeprécipitaienentendantquelqu'unhaletersouslebureau,espérantl'attraperenpleinacteillicite.Sonapprentiétaitvraimentcanon.
Des entrailles d'ordinateur étaient éparpillées sur tout son bureau.Des câbles et des gadgets detoutesformesettaillesjonchaientchaquecentimètredesonplandetravail.
On aurait dit que, chaque fois que jeme pointais à sa boutique, elle était occupée avec un tructechnique, ce qui semblait aller à l'encontre de sa fibre artistique.Encoreune fois, elle était plutôtcontradictoire.
Uneplaintelancinanteflottadansmadirection,m'arrachantunsourirediabolique.J'étaisvraimenttordue.
— Hey, Par', la saluai-je en posant une hanche sur son bureau pour lancer un coup d'œilnonchalant.
Aprèsuncombatimpressionnantquiinclutuncraquementaiguetquelquesgargouillements,ellereleva la tête. Ses cheveux noirs, une espèce d'épais balai à frange que certains appelleraient undésastre tandis qued'autres - disons,moi - le qualifieraient d'œuvre d'art, semblaient pris dans lescâblessurlesquelselletravaillait.Ellerecrachauneminusculepiècedeplastiquetandisqu'elleretiraitàl'aveuglettelescâblesdesescheveuxd'unemaintoutenseprotégeantlesyeuxdel'autre.
—Putaindemerde,Charley.Elle ferma les yeux et semit à tâtonner autour de son bureau à la recherche de ses lunettes de
soleil.Pariétaitenmesuredevoirceque lesgensnormauxappelaientdesfantômesdepuisqu'elleavait faillimourir à l'âgededouzeans.Ellenepouvaitpasdiscerner leurs traitsoucommuniqueraveceux.Elledistinguaitsimplementunefuméegrise,doncellesavaittoujoursquandilyenavaitunàproximité.
Maisellepouvaitmerepéreràunbonkilomètrededistance.Monéclatsemblait l'agacer.C'étaitmarrant.
Après avoir éloigné ses lunettes de quelques centimètres pour la troisième fois, elle ouvrit lesyeuxetmelançaunregardfurieux.Çadevaitêtredouloureux.J'espéraissincèrementqu'ellen'avaitpaslagueuledebois.
Ellesoupiraetreplongeasoussonbureau.—Tonmecestlà-dessousavectoi?—Monmec?grogna-t-elle,toutenessayantvisiblementd'attraperquelquechose.Jen'aipasde
mec.—Jecroyaisquet'enavaisun.—J'enaipas.—Tuavaisunapprenti.—Cen'estpasunmec.C'estTre.—Quiestunmec.—Oui,maispascegenredemec.Commenttuesentréeici?Laportedederrièreétaitfermée.—Non,ellenel'étaitpas.Ellerelevalatêteetjetaunregardcirculaire.—Vraiment?Elleauraitdû.—Pourquoi?Qu'est-cequetufais?demandai-jeunefoisqu'elleeutànouveaudisparusousle
bureau.—...Rien.Elle avait hésité beaucoup trop longtemps. Elle tramait définitivement quelque chose. Je me
penchaipourinspectersontravail.—J'ail'impressionquetuesentrainderevoirl'installationdetalignetéléphonique.—Non,dutout,répondit-elle,surladéfensive.Pourquoiest-cequejeferaisuntruccommeça?SielleparticipaitàuneconventionBarbie,elleseraitdéguiséeenBarbiegrossementeuse.—OK,trèsbien,nemedisrien.Ilfautquejetelaisseuneclientependantquelquesjours.Onpeut
utilisertachambred'amis?—Iln'yaqu'uncanapé,maisilestconfortable.—Çaferal'affaire.VoiciHarper.Harper,jevousprésentePari.—SalutHarper,lasalua-t-elle.Mais avant que Harper puisse répondre, une pluie d'étincelles éclaira l'endroit. Un son étrange
s'élevadesouslebureauetfutsuivid'ungrosbruitsourdlorsqueParibonditànouveauendessouspourlamillièmefois.
Jen'étaispaspersuadéequeleslignesdetéléphonespouvaientproduiredetellesétincelles,aussimepenchai-jeencoreunefoispourjeteruncoupd'œil.
—Sérieusement,qu'est-cequetufais?—Tuasvuuneétincelle?—JevaismontrersachambreàHarper.Essaiedenepastetueravantquejerevienne.—OK,verrouillelaportederrièretoi.—D'ac...—Attends!Elle refit surfacepour lanième fois, une idée illuminant sonvisage.Ses épais traits d'eye-liner
rétrécirenttandisqu'elletâtonnaitlebureauàlarecherchedeseslunettesdesoleil.Ellelesglissasursonnez.
—Jeterendsunservice.Jem'appuyaiànouveaucontresonbureau.—Oui.—Etlesfaveursdoiventêtrerendues,juste?Medemandantoùellepouvaitbienvouloirenvenir,jerépondisparl'affirmative.—Viensàunrencardavecmoi.—Tun'espasvraimentmongenre.—Allez,Chuck.Unrencardetjeneteledemanderaiplusjamais.—Non,sérieusement,tun'espasmongenre.—Tusais,cedonincroyablequetuaspourdevinerquandquelqu'unestentraindementir?Jejetaiuncoupd'œilàHarper.Ellesemblaitsoudainementtrèsintéressée.Jehaussailesépaules.—Ouais.—Ehbien,j'aienviedesortiraveccetype,maisjen'arrivepasvraimentàcomprendrecequ'il
veut.Tusais,jenepeuxpasdéterminers'ilestsincèreavecmoioupas.—Tulesoupçonnesdequelquechoseenparticulier?— Pas vraiment. J'ai simplement pensé que tu pourrais passer là par hasard, continua-t-elle en
ajoutantdesguillemetsaérienspourmettrel'accentsurlepetitmensonge,ett'asseoiravecnousjusteuneminute.Tusais,assezpourlirecetype.
—Jenelispasvraimentlesgens.—Lesentir,danscecas.—Marrant,maisbizarre.—Tuvoistrèsbiencequejeveuxdire.Unprêtépourunrendu,madame.Àprendreouàlaisser,
conclut-elleavantderegarderderrièremoi.Sansvouloirvousoffenser,Harper.—Aucunpro...—Alors?demandaPari,interrompantlapauvreHarper,quiarrivaitenfinàenplacerune.Mon
canapécontretontalentincroyable.—Ehbien,situleprésentessouscetangle...—Super.Jet'enverrailelieuetl'heurepartexto.—Génial.JevaismontrerlecanapéàHarper.—OK.Je pensais que notre conversation était terminée,mais à peine eut-elle replongé sous le bureau
qu'elleseredressa.Ellemefaisaitpenseràungrille-pain,sansleson.—Attendsuneminute.Oùétais-tupassée?—Pastrèsloin.J'étaisdansmonappartement.—Pendantdeuxmois?—Parlàautour.—Hmm...OK.Ehbien,verrouillelaporte!cria-t-elle.Elleétaittellementautoritaire.—Elleestintéressante.—Eneffet.(JeconduisisHarperàtraversuncoinétriquérenduencoreplusétriquéparlesboîtes
d'ustensilesquiyétaiententassées,jusqu'àunepetiteporteàl'arrière.)Cen'estpasgrand-chose,maispersonnenepenseraàvenirvouschercherici,j'ensuispersuadée.
Elleobservalapièced'ungestegracieux.Jeremarquaibienqu'elleavaitenviederetrousserlenezdemécontentement,maiselleseretenaitparpolitesse.Elleétaitvraimentbonnejoueuse.
—Bon,ilfautquejepartefairedestrucsd'enquêteurs.Jereviendraiplustardcesoir.Vousvousensortirez,ici?
—Biensûr,toutirabien.Jeposaiunemainsursonbraspourdétournersonattentiondesonnouvelenvironnement.—Je ferai toutcequiestenmonpouvoirpour trouver lapersonnequivous faitça. Jevous le
promets.Unpetitsourireilluminasonvisageet,sijenem'ytrompaispas,elleétaitunpetitpeusoulagée.—Jevousremercie.AprèsavoirlaisséHarperaumilieudelaminusculechambre,jerepérail'apprentidePari,Tre.Il
travaillait sur le tatouage d'une fille qui semblait à mi-chemin entre l'angoisse et le désir. Je nepouvaispaslablâmer.TreétaitcommeunLongIslandIceTea:grand,modeste,assezdélicieuxpourvous mettre l'eau à la bouche aussi bien qu'ailleurs, et vous filait un coup lorsque vous vous yattendiezlemoins.
—HeyChuck,dit-ilenmesaluantdelatêteentredeuxbourdonnementsd'aiguille.J'avaisbienconsciencedu faitque, toutau fondd'eux-mêmes, les tatoueursdevaientprendredu
plaisiràinfligerladouleuràd'autrespersonnes.Jemedemandaissic'étaitégalementlecasdeTredanssavieprivée.Jepouvaissupporterladouleursic'étaitcequ'ilaimait.Pasdesmasses,mais...
—Heytoi,répondis-je,unpeuinquièteàl'idéedeluifaireratersontatouageenledéconcentrant.Cegenred'erreurétaittellementdéfinitif.UnpeucommeledeuxièmeeffetKissCool,neufmois
aprèslebaldepromo.—Est-cequetum'appelles«toi»parcequetun'arrivespasàtesouvenirdemonnom?demanda-
t-ilenmarquantunepause.Mesépauless'affaissèrent.—Mince, tum'as percée à jour.Non, attends, c'est là, quelque part, répondis-je en tapotantma
tempetandisqu'ilseremettaitautravail.Ahoui,c'estpasTrèfleàquatrefeuilles?Ilsecoualatête,lessourcilsfroncésparlaconcentration.—Trésorperdu,alors?—Non,dit-ilenriantlégèrement.—Est-cequec'étaitTrémousser?Ilfitunenouvellepause,etlafillem'adressaunregardassassindesesgrandsyeuxnoirs.Soitelle
étaitjalouse,soitelleavaittellementmalqu'ellesouhaitaitjustequeçasetermineauplusvite,etellem'envoulaitparcequejen'arrêtaispasd'interrompresonsupplice.
—Oubliequejet'aidemandé,répondit-ilavecunsourireenfantin.Quelbriseurdecœurs!Ilnefallaitpass'étonnerquelenombredeclientesdePariaittriplédepuis
qu'ilavaitcommencéàtravailleravecelle.—Àlaprochaine,beaugosse.Ilme fitunclind'œilet se remitau travail,une lueurmalicieusedans lesyeux. J'étaisvraiment
désoléepourcettefille.Sur lecheminduretour, jecoupaipar leparkingetmedirigeai toutdroitversMisery,maJeep
rouge cerise. Jeme sentaismise à nu dans l'espace semi-ouvert du centre-ville d'Albuquerque. Jem'étaisdéjàretrouvéeàpoilenpublic,unefois,mais,mêmesiçarésumaittrèsbienlesentimentdegênequejeressentais,c'étaittotalementdifférent.Plusobscène.Plusgrave.Plussauvage.
—Vousluimanquez,voussavez.Je me retournai pour tomber nez à nez avec une grande afro-américaine qui me dépassa et
continuaendirectiondubardemonpère.Jel'avaisvuequelquesfoiscesdernièressemaines,etj'enavaisdéduitquec'étaitlanouvellebarmaidquepapaavaitengagéelorsquej'avaisrefuséleposte.Ilsouhaitaitquej'abandonnemonbusinessdedétectiveprivéeetquejetravaillepourlui.Levieuxfou.Elles'arrêtaetm'adressaunsouriresympathiquequiannonçait«nousvenonsenpaix».Direqu'elleétaitmagnifiqueauraitétéuneuphémisme.Elleressemblaitàungratte-cielquibrillaitdemillefeuxausoleil,sedressantfièrementdanslecieletdéfiantlemonded'essayerdeleréduireenmiettes.
— Votre père, expliqua-t-elle. (Je fus incapable de détourner le regard de ses yeux exotiquespendantunebonneminuteavantqu'ellenefassedemi-tourpourretourneraubar.)Ilneparlequedevous.
Elle était de toute évidence au courant de notre dispute, mais ce qu'elle venait de me dire nem'intéressaitpaslemoinsdumonde.Mêmesic'étaitvrai,monpèren'auraitpasméritémonpardonencemoment.Nimonattention.
JegrimpaidansMiseryetm'enfonçaiavecdélicedanssonsiègeenfauxcuir.Ellem'allaitcommeungrosgantrougeetétaittoutaussichaude.Enfin,paslittéralement.L'airétaitfrais,etsesfenêtresenplexiglasétaientunpeugivrées.Jetournailaclédanslecontactpourlalaisserchauffer.Ellepritviedansunrugissementsonoreavantdesestabilisersurundouxronronnement.Çafaisaitunbailqu'onn'avait paspasséunpeude temps ensemble toutes les deux. Il faudrait qu'onparle plus tard,mais,pourl'instant,j'avaisdesendroitsetdessuspectsàvisiter.
Harperm'avaitdonnésonadresse,etj'avaisenviedejeteruncoupd'œilàsonpied-à-terreavantdecreuserplus loin.Si lapersonnequi laharcelaitavait laisséunautrecadeau, jevoulais levoirparmoi-même.Onpouvaitenapprendrebeaucoupsurunepersonneàsamanièredelaisserdesmenaces.Est-cequelecoupableétaitviolent,oujustemenaçant?Est-cequ'illuiferaitréellementdumal,ou
est-cequ'ilsouhaitaitjusteluifairepeur,exerceruncontrôlesurelle?Ellehabitaitdans lequartier richedunomdeTanoanEstate,dansunensemble résidentielmuni
d'unportail.J'ignoraiss'ilmefaudraitlapermissionexplicitedeHarperpourentreroupas.Jesortismalicencededétectiveprivéeaucasoù.Çapouvaitaider.Oupas.
Aprèsm'êtrearrêtéedevantleportail,j'adressaiunsourireresplendissantaugardedesécuritéenuniforme.
Ilmedévisagea,guèreconvaincu.—Bonjour,dis-je.Ilmegratifiad'unrapidesignedetête.Toujourspasimpressionné.Ilfaudraitquejemesurpasse.—Mon nom est CharleyDavidson. J'enquête sur une affaire qui implique un de vos résidents.
Avez-vousentenduparlerd'entréespareffractiondernièrement?Desalarmesquiseseraientmisesenroute?
Ilhaussauneépaule.—Les alarmes se déclenchent de temps à autre.Laplupart du temps, ce sont les résidents eux-
mêmesquiensontresponsables.Etonadesentréespareffractionàl'occasion,maisellessontplutôtraresdanslecoin.Jepeuxvousdemanderquivousaengagée?
—HarperLowell.Ellehabiteau...—Jesaisoùellehabite.Lorsque jehaussai les sourcils, il recula légèrement soncouvre-chefpourpouvoir segratter la
tête.—Ecoutez, on a euquelques appels de sa part,mais onn'a jamais trouvé aucunepreuved'acte
criminelsurplace.Pasdesigned'effraction.Pasd'empreintesdepasoudevoituresgaréesprèsdesamaison.Etellen'ajamaisétéenmesurededécrirel'intrus.S'ilyenavaitvraimentun.
—Doncvouspensezqu'ellementait?—Non,répondit-ilavecunhaussementévasifd'épaules,cequimefitréaliserquec'étaitàsontour
dementir.Jen'appelleraispasçaunmensonge,plutôtune...erreur.—Vousvoulezdiredelaparanoïa.Ilméditamapropositionquelquesinstants.—Unexcèsdezèle.—Ah.D'accord.Ehbien,celavousdérangerait-ilque je jetteuncoupd'œil?MmeLowellm'a
donnélesclésetlecodedesécurité.—Faites-vousplaisir.J'aijustebesoinderelevervotrenumérodeplaque.—Vousconsignezcetteinformationpourchaquepersonnequin'habitepasdanslecomplexe?—C'estmonmétier.Jeluiadressaimonplusbeausourire.—Est-cequ'ilyauraitmoyend'avoirunecopiedespageslesplusrécentes?—Passansunmandat,répondit-ilensecouantlatête.Mince.JemefisunenotementalepourpenseràmettreCookiesurlecoup.Elleavaitundonpour
dénicherdesdocumentsprotégéssansavoirrecoursàunmandat.J'étaisquasimentcertainequec'étaitsonsuperpouvoir.
Aprèsqu'ileutnotémonnumérodeplaque,jetraversailecomplexejusqu'àlamaisondeHarper.Aumoins,sesparentsavaientfaitçapourelle.
EtHarpers'ensortaitplutôtbien:unecommunautégrillagée,desgardesenuniforme.Unsystèmedesécuritéactif.Untripleverrousurchaqueporte.Jepassaidepièceenpièce,àlarecherched'unemenace,puisterminaiparlacuisine.J'avaisbumadernièretassedecaféplusd'uneheureauparavant.Harpern'émettraitprobablementaucuneobjection.
Pour mon plus grand plaisir, elle avait une de ces machines à capsules individuelles quipréparaient une tasse à la fois. Il était possible que jem'en sois commandé une. Il faudrait que jevérifiemescartonsenrentrant.
Jefouillaidanssesplacards,medemandantoùjemetrouveraissij'étaisunecapsuledecafé,avantde parvenir à la conclusion que je serais au Paradis, et nulle part ailleurs. Remplie à ras bord decopeauxdepépitesd'ornoir.J'ouvrisledernierplacardetfisunbondenarrièresouslecoupdelasurprise. Un lapin blanc empaillé était assis contre une conserve de betteraves. Normalement, leslapinsblancs,surtoutceuxquisontempaillés,nemedérangeaientpas,maisilyavaitquelquechosed'étrangementdérangeantàentrouverundansunplacarddecuisine.
Unquivousobservait.Quivousjugeait.Jevoulustendrelebraspourl'attrapermaismeravisai.C'étaitunepreuve.Biensûr,ellen'étaitpas
particulièrementincriminanteouvraimentmenaçante,maisçan'enrestaitpasmoinsune.Etcelapinétaitplutôteffrayant.Sesyeuxn'étaientpasdroits,etonauraitditquelerembourrage
au niveau de son cou avait été retiré de manière à ce qu'il penche la tête sur ses petites épaulesblanches.
Jelelaissailàoùjel'avaistrouvéetsortisdelamaisondeHarpersurlesnerfsetenmanquedecaféine.
Aprèsavoirinformél'agentdesécuritédemadécouverte,quinel'impressionnapasplusquejene
l'avais fait, je lui laissai ma carte et lui fis promettre de garder l'œil ouvert si quoi que ce soitd'inhabituelseproduisait.Puisjerepartisendirectiondemonappartement,laqueueentrelesjambes.SelonAnge,Reyesseraitàcetentrepôtlesoirmême,alorsj'avaisunpeudetempsàtuer.Jepouvaislefairesurmoncanapéencoreplusfacilementqu'encourantauxquatrecoinsd'Albuquerquecommeunpouletdontonvientdecouperlatête.
Uneminute.Cetteimagem'étaitétrangementfamilière.Jejouaiavecdansmonesprit.Lafisroulersurmalangue.Puisjeparvinsàuneconclusion:j'étaisunepoulemouillée.J'avaisbrusquementpeurdetout.
Jequittailarouteprincipaleetm'enfonçaidansunezonecommercialeafindedigérermonpropreétonnement.J'étaisunelâchedelapireespèce.Unevraietrouillarde.CommentlaFaucheusepouvait-elle faire son travail si c'étaitunepoulemouillée?Soudainement, chaque son, chaquemouvementprovoquaitunepousséed'adrénalinepluspuissantequ'untremblementdeterredeseptsurl'échelledeRichter.Çanepouvaitpascontinuer.Ilfallaitquejemeressaisisse.
JeregardailetableaudeborddeMisery.Êtreavecelleétaitréconfortant,d'unecertainemanière,maispasautantque le faitdepouvoirm'allongersurmoncanapé.Puis lavéritémefrappa.J'avaisignoréunechoseatrocependantdesannées.Jen'avais jamaisbaptisémoncanapé.Commentest-cequej'avaispuluifaireça?Commentavais-jepumemontrersiinhumaine?Sifroideetégoïste?
Maisquelnompourrais-jeluidonner?C'étaiténorme.Important.Ilnepouvaitpasvivreavecunnomquin'auraitpasreprésentésapersonnalitéunique.
CefutavecunsentimentdesoulagementtoutétrangeàlaperspectivedecenouveaubutdanslaviequejeredémarraiMisery.Jepourraimepréoccuperdufaitquej'étaisunepoulemouilléeplustard.J'avaisuncanapéàbaptiser.
Jevenaisde reprendre la routede lamaison - aprèsunarrêt audrive-inpourunmocha latte -rempliedecetteénergieflambantneuvelorsquemonportablesonna.
—Oui? répondis-jeenacceptant l'appel,bienqu'il soit illégalde téléphonerauvolantdans leslimitesdelaville.
Toutenobservantlesalentoursàlarecherched'éventuelspoliciers,j'attendisqu'oncleBobaitfinides'entreteniravecquelqu'und'autreetremarquequej'étaisenligne.
Mon oncle Bob, ou Obie, comme je préférais le surnommer, était détective pour l'APD, et jel'aidaisde tempsàautre sur certainesaffaires. Il savaitque j'étais enmesuredevoir lesdéfuntsetutilisaitcedétailàsonavantage.Jenepouvaispastropleluireprocher.
—Amène-luiça,etensuiteappellelelégiste,presto.—OK,répondis-je.Maisjenesaispastropcequeçavadonnersi j'appellelelégistepresto.Je
suispratiquementcertainequ'ils'appelleGeorge.—Oh,salutCharley.—Hey,oncleBob.Quoideneuf?—Tuesentraindeconduire?—Non.—Tuasentenduquelquechose?Nos conversations ressemblaient souvent à ça. Oncle Bob et ses questions aléatoires. Moi qui
essayaisdeluidonnerdesréponsestoutaussialéatoires.Pasquej'essayaistrèsdur.—IlparaîtqueTiffanyGorham,unefilleavecquij'étaisàl'école,rembourretoujourssonsoutif.
Maiscen'estqu'unerumeur.—Àproposdel'affaire,dit-il,lesdentsserrées.J'étais persuadée que ses dents étaient serrées, car ses mots semblaient tout à coup forcés. Ça
signifiaitqu'ilétaitfrustré.Dommagequejen'aieaucuneidéedecedontilmeparlait.—Jenesavaispasqu'onavaituneaffaire.—Cookienet'apasappelée?—Ellem'aappelée«tronchedecake»unefois.—Àproposdel'affaire.Sesdentsétaientànouveauserrées.—Onauneaffaire?Mais je l'avais perdu. Il était en train de parler à un autre officier.Ou à un détective.Ou à une
prostituée,selonl'endroitoùilsetrouvaitets'ilavaitunaccèsfacileàundistributeur.Maisjedoutaisfortementqu'ildemandeàuneprostituéedevérifierl'avancementd'uneautopsie.Àmoinsqu'ilsoitplusperversquejelepensais.
Je considérais samanie deme téléphoner uniquement pour s'entretenir avec d'autres personnescommeunvraidéfi.
—Jeterappelletoutdesuite,dit-il.Jenesavaispasdutoutàquiils'adressait.Lacommunicationfutcoupéealorsquejemetrouvaisàunfeu,entraindemedemanderàquoi
ressembleraitleguacamolesilesavocatsétaientorange.Jereportaifinalementmonattentionsurlegaminassissurmonsiègearrière.Ilavaitdescheveux
blondsquiluiarrivaientauxépaules,desyeuxd'unbleuvifetsemblaitavoirentrequinzeetdix-septans.
—Tuvienssouventici?luilançai-je,maismontéléphonesonnaavantqu'ilpuissedirequoiquecesoit.
Çanefaisaitrien.Ilavaitunregardabsent.Çam'auraitétonnéequ'ilrépondedetoutemanière.—Désolépourtoutàl'heure,repritoncleBob.Est-cequetuveuxdiscuterdel'affaire?—Onauneaffaire?demandai-jeànouveauenreprenantdupoildelabête.—Commenttesens-tu?Ilmeposaitlaquestionchaquefoisqu'ilm'appelait,àprésent.— Super bien. Est-ce que c'est moi, l'affaire ? Si c'est le cas, je peux me résoudre en trois
secondes.JesuisentrainderoulersurSanMateoendirectionducentredansuneJeeprougeceriseavecunpotd'échappementdouteux.
—Charley.—Dépêche-toi,avantquejem'enfuie!Ilabandonna.—Donc,lepyromanevientdepasserauxchosessérieuses.Malheureusement, je n'avais aucune idée de ce dont il parlait. Oncle Bob était détective à la
criminelleettravaillaitrarementsurautrechosequedesmeurtres.—OK,jemordsàl'hameçon.Pourquoiest-cequetucherchesunpyromane?Etpourquoiest-ce
qu'ilnepasseauxchosessérieusesquemaintenant?Est-cequ'ilsecontentaitdeplaisanter,avant?—Troisquestions, une réponse, dit-il avantdemarmonnerquelque chose àunnouvel officier,
puisde reveniràmoi.Etcette réponse,c'estparcequenotrehommeestàprésentunassassin. Ilyavaitunesans-abridansl'immeublequ'ilabrûlélanuitdernière.Elleestmorte.
—Merde.Çaexpliqueraitpourquoituessuruneaffaired'incendie.—Ouais.Est-cequetuasentenduquelquechose?—Apartl'histoiredeTiffanyGorham,non.—Est-cequetupeuxdéployertesantennes?Cetypedevientnégligent.—Attends.C'estpasceluiquis'assuraitqueleslieuxétaientvidesavantd'ymettrelefeu?—Celui-làmême.Onl'areliéàquatreautresincendiespourl'instant.Mêmemanièredeprocéder,
jusqu'à laminuterieet l'accélérant.Saufque,cettefois, iln'avaitpasfaitsortir tout lemonde.CetteSDFnet'auraitpasrenduunevisite,parhasard?
—Non,maisjevaisvoircequej'arriveàtrouver.—Merci.Jet'apporterailedossiersurcetypecesoir.—C'estunebonneidée.IlavaitdécidédepasseruniquementpourCookie.Ilavaituntellementgrosfaiblepourelle.—Alors,as-tuparléàtonpère?—Oh,non,jesuisentraindeteperdre!Jepeuxàpeinet'...Jecoupaiavantqu'ilpuissemeposerplusdequestions.Papan'étaitpasunsujetabordable,etille
savaitpertinemment.Àpeineavais-jeraccrochéquemonportablesonnapourlatroisièmefois.—LamaisondeCharley,Cheeriosaulait,j'écoute?—Tononcleatéléphoné,m'annonçaCookie.Ilauneaffairequ'ilaimeraitquetuexamines.—Jesais, répondis-je, feignantd'êtredéçue.Onvientderaccrocher. Ilm'aexpliquéqu'il t'avait
demandé dem'appeler immédiatement et que tu avais refusé.Que tu lui avais dit que tu avais deschosesplusintéressantesàfaire.Commetransférerdel'argentsurdescomptesoffshore.
—Tusaisquetuascommandéunmasseurpourlanuque?Cetrucestgrandiose.—Est-cequetuesentraindetravailler,aumoins?—Oh,oui!J'aitrouvél'adressedonttuavaisbesoin,maisiln'yapasgrand-chosedeplussurle
frère.Iln'ajamaisreçuuneseuleamendedestationnement.—Peut-êtrequesesparentslespaientégalement.—Ceseraitlogique.Jeregarderaileurscomptes,pourvoircequ'ilspaient.Maisj'ail'adressede
sontravail,etcellesdesparentsdeHarper.—Parfait,envoie-moiçapartexto.—Maintenant?Parcequecetrucmedétendd'unemanièrevraimentincroyable.—Seulementsituveuxéviterquejeporteplaintepourdétournementdefonds.—Jet'envoieçatoutdesuite.
Chapitre4Onnepeutpasréparerlastupidité.Maisonpeutl'atténueràcoupsdebattedebase-ball.
Tee-shirtDanslamesureoùj'avaisdéjàtraversélaville,j'étaispasséede«pastrèsloindelamaisondes
parentsdeHarper»à«pauméedanslacambrousse».Jefisdemi-tourentrombeaccompagnéed'uncoupdeklaxon-lemien-etmeretrouvaibloquéeparunnouveauportailenarrivantàdestination.C'étaitunvéritabletravaild'orfèvreentouréd'unmurdebriques.Jepressaileboutondel'interphone.
—Oui?fitunearrogantevoixmasculineengrésillantàl'autreboutdelaligne.Je devais être chez des riches. L'énorme manoir qui se tenait devant moi témoignait de deux
choses:lesLowellétaienttrèsaisés,etlesLowellaimaientlemontrer.—Jevoudraisuntacoavecunsupplémentdesauce,répondis-jelorsquejereportaileregardsur
l'interphone.Commeilnemedemandapascequejedésiraisboireavec,jeréessayai.—JesuisvenueparleràM.etMmeLowell,annonçai-jeensouriantàlacaméradesurveillance
qui surplombait l'interphoneavantde sortirma licencepour laprésenter. J'ai été engagéepar leurfille,Harper.
Commejenerecevaistoujoursaucuneréponse,jedécidaidechangermonangled'approche.—J'aijustebesoindeleurposerquelquesquestions.Aprèsunlongmoment,durantlequeljesourisaugossemortsurmonsiègearrière,enessayantde
nepasmerendrecompteàquelpointcettesituationdevenaitembarrassante,letypearrogantrevintàl'autreboutdelaligne.
—M.etMmeLowellnereçoiventpas.Qu'est-cequeçapouvaitbienvouloirdire?—Ecoutez,jenedemandepaslalune.J'aimeraisjusteleurposerquelquesquestions.Jepenseque
leurfilleestendanger.—Ilsn'acceptentpasdevisiteurs.Quellesgensattentionnés.— Dans ce cas, la police sera là dans quelques minutes. Veuillez m'excuser par avance s'ils
débarquentaveclessirènesetlesgyropharesàpleintube.Iln'yavaitrienquelesgensrichesdétestaientplusquelesscandales.J'adoraislesscandales.Par-
dessustoutleshistoirescroustillantesavecdesliaisonsillicitesetdesphotosdechefsd'entrepriseentalonshautsetboacoloré.Maisjevivaisdansmonpetitmonde.
—Vousavezcinqminutes,répondit-il.Il parlait nettement mieux qu'oncle Bob quand il avait les dents serrées. Il faudrait que je le
mentionneàmonrevêched'onclelaprochainefoisquejeleverrais.Peut-êtrequ'ilpourraitprendredescours.
Aprèsavoirremontéunelonguealléequisetransformaitenentréepavée,jetirailefreinàmaindeMiseryetjetaiuncoupd'oeildanslerétroviseur.
—Nepensemêmepasàpartirenviréeavecelle,monpote.Sonregardvidenecillapas.Ilétaitamusant.Unhommesûrde lui,habillédemanièreunpeuplusdécontractéequeceque j'avaisescompté,
m'attendaitdevantl'imposanteporteblanche.Lamaisonressemblaitplusàunedecellesqu'onaurait
trouvéessurlacôteestqu'auNouveau-Mexique.Sansdireunmot,l'hommemeconduisitjusqu'àceque je devinai être le salon. Comme je ne pouvais rien toucher, je décidai de fureter. Des photoss'alignaientauxmursetsurlesétagères,maisiln'yenavaitpasuneseulequin'aitétéfaiteenstudio.Chaqueclichéétait signéparunprofessionnel, et chacunavaitunecouleur thématique.Noir.Brun.Bleumarine.Quatrepersonnesdanslafamille:lesparents,ungarçon,etunefille,Harper.Ilsavaienttouslescheveuxsombresàpartlegarçon,etcedernierneressemblaitpasvraimentauxautres.Jemedemandaissilecoqétaitsortidupoulailler.Laparadedeportraitscréaitunecartedudéveloppementdes enfants Lowell, de leurs jeunes années, à peu près quatre ou cinq ans, jusqu'au début de leurvingtaine.Lesparentsavaientde touteévidenceélevé leursrejetonsd'unemaindefer.Dansundesclichés,ilsavaientpresqueperdul'espritetportaientdublanc.
Cesgensétaienteffrayants.—Commentpuis-jevousaider?Jemetournaipourdécouvrirunefemme,lamatriarchedeceprétentieuxpetitclub,sijemebasais
surlesphotos.Àlamanièredontellerelevaitlenez,j'endéduisisqu'elleavaitunehauteestimed'elle-même.Ça,oualorselletrouvaitmafascinationpoursonsalonrépugnante.
Jeneluioffrispaslamain.—MonnomestCharleyDavidson,madameLowell.JesuisiciàproposdeHarper.—Onm'aditquevousétiezdétectiveprivée?—Oui.Votrefillem'aengagée.Ellepensequequelqu'unessaiedelatuer.Jecomprisqu'ellen'enavaitprobablementrienàcirerlorsqu'elleexpulsabruyammentl'airdeses
poumons.—Belle-fille,corrigea-t-elle,etlespoilsdemanuquesedressèrentaussitôt.Jemedemandais simaproprebelle-mère faisait lamêmechose avecmoi.Si elle reprenait les
genslorsqu'ilsdisaientquej'étaissafille.Siçalahérissaitqu'ilslefassent.Ousiellesehérissaitàlasimpleidéequ'ilslefassent.
—Est-cequeHarperamentionnélefaitqu'onlaharcelait?—Lefait?répéta-t-elle,sonexpressiondébordantd'undouteirritant.Oui,madameDavidson.On
aeudroitàçaàn'enplusfinir.Jenepensepasquevouspuissiezapporterquelquechosedeneuf.L'indifférencedecettefemmemelaissaitsansvoix.C'étaitunechosedenepascroireHarper,mais
c'enétaituneautred'êtresiouvertementinsensibleàlasouffrancedesabelle-fille.J'eussoudainunerévélationquipourraitexpliquerquelquestrucs.
—Puis-jevousdemandersilefrèredeHarperestégalementvotrebeau-fils?Lafiertégonflasespoumons.—Arthurestmonfils.J'aiépousélepèredeHarperquandArtavaitseptans.Harperenavaitcinq.
Elledésapprouvait,etcespitreriesontcommencépeuaprès.—Pitreries?répétai-je.—Oui, confirma-t-elle avec un geste de dédain. Tous ces drames. Ces tragédies. Quelqu'un la
poursuitsansarrêt,essayantde lui fairepeur,oude lui fairedumal,voirede la tuer.Vouspouvezaisémentcomprendreàquelpointilestdifficiledeprendretoutçaausérieuxquandceladuredepuisplusdevingt-cinqans.
C'étaitintéressant.Harpern'avaitpasdutoutmentionnécedétail.—Doncçaacommencéquandelleétaitjeune?—Elleavaitcinqans.—Jevois.Jesortismoncalepinetfissemblantd'yinscrirequelquechose.Enpartiepouravoirl'airsérieux,
maissurtoutpourmelaisserquelquesinstantspourmefaireuneopiniond'elle.Decequejepouvaisendire,ellenementaitpas.EllenecroyaitpasquelesaccusationsdeHarperétaientréelles.Ellenepensaitpasquesavieétaitendanger.
Encoreunefois,mabelle-mèren'avait jamaiscruuntraîtremotdecequejeluiavaisconfiéen
grandissant.L'indifférencedeMmeLowellnesignifiaitrienau-delàdufaitqu'elleétaitmesquineetvaniteuse.
—Selonsesthérapeutes,continua-t-elled'untonincroyablementacerbe,septprofessionnels,pourêtre exacte, il n'est pas inhabituel pour une fille de se sentir négligée et d'avoir un besoinmaladifd'attirerl'attentionquandsonpèreseremarie.Samèrebiologieestdécédéelorsqu'ellen'étaitqu'unnourrisson.Jasonétaittoutcequiluirestait.
—Est-cequevotremariestàlamaison?Pourrais-jeluiparler?Monimpertinencesemblalégèrementl'énerver.—Non,vousnepouvezpas.M.Lowellest trèsmalade. Ilestàpeineenmesured'entretenir les
illusionsmorbidesdeHarperalorsneparlonspasdecellesd'unedétectiveprivée.L'expressiondeMmeLowellsuggéraitqu'ellepensaitquejen'étaisriend'autrequ'unescrocqui
courraitaprèsl'argentdeHarper,àsavoirsonpropreargent.Danslamesureoùj'étaishabituéeàcequelesgensmeprennentpouruncharlatan,jerestaiimpassible.Ellen'avaitclairementaucuneréelleaffectionpoursafilleadoptive.Ellelaconsidéraitcommeunembêtement.Unpoids.Unpeucommemabelle-mèreàmonsujet.
— Et, reprit Mme Lowell comme si une pensée venait de lui traverser l'esprit, elle a disparupendanttroisans.Troisans!DisparudelasurfacedelaTerre,pourcequ'onensait.Vousl'avait-ellementionné?
Mêmesi j'avaisenviede lui répondre :«Je l'aurais faitégalement,avecunebelle-mèrecommevous»,jemecontentaide:
—Non,m'dame.—Vousvoyez.Elle est totalement instable.Quand elle a finalement daignénous gratifier de sa
présence, elle a dit qu'elle s'était enfuie pour protéger sa vie. Quelles bêtises ! commenta-t-elle,l'irritation ayant pris possession de son ton. Etmaintenant elle engage un détective privé ? Elle adépassélesbornes.
J'écrivislemotpsychopathedansmoncarnet,puisjelerayairapidementavantqu'ellelevoie.Jelaissais mes préjugés me guider sur cette affaire, et cela ne me mènerait nulle part. J'inspiraiprofondémentafindeprendredureculmentalementetessayaid'envisagerleschosesdupointdevuedeMmeLowell,même si c'était difficile. Je nem'identifiais pas souvent à de riches garces,maisc'étaientaussidesêtreshumains.N'est-cepas?
Donc,MmeLowellépouseunhommefortunéavantdedécouvrirquelafilledecedernierlahaitde tout son cœur etméprise la relation que sa nouvellemère entretient avec son père, à tel pointqu'elle inventedeshistoiresàdormirdeboutàproposdequelqu'unqui tenteraitde la tuer.Poursevengerdesanouvellemère?Desonpèrequil'aabandonnée?
Non.Çanemeconvainquaitpas.MmeLowellétaitunegarcesanscœur.Elles'étaitprobablementmariéepour l'argent,etonnepouvaitpas le lui reprocher - il fautcequ'il faut -,mais ignorer lespeursdeHarperdemanièresiabsolueetsicyniqueserapprochaitdelanégligenceselonmoi.JasonLowell était sa poule aux œufs d'or, et sa fille faisait partie de l'arrangement. Je ne pouvaism'empêcher de ressentir des sentiments contradictoires au sujet du père deHarper.Où se situait-ildanstoutecettehistoire?Pourquoinesoutenait-ilpassafille?Pourquoineladéfendait-ilpas?
Jem'éclaircislavoix.—Vousavezparlédedrames.Pouvez-vousmedonnerunexemple?—Pourl'amourduciel,ilyal'embarrasduchoix!Unefoisc'estquelqu'unquilaissedeslapins
morts sur son lit, la suivante, c'est une de ces bombes de table qui la fait vomir sur le gâteaud'anniversaire de son cousin. Une bombe. Ensuite il y a eu les cauchemars. On se réveillait enentendantsescrisaubeaumilieudelanuit,oubienonlatrouvaitdevantnotrelità3heuresdumatin.
—Elleétaitsomnambule?—Non,elleétaitbien réveillée.Ellenousdisaitquequelqu'unse trouvaitdanssachambre.Les
premières fois, Jason sautait du lit et allait regarder,mais le thérapeutenous a expliquéquec'étaitexactementcequ'ellevoulait.Alorsonaarrêté.Onacommencéàl'ignoreretàlarenvoyeraulit.
—Est-cequ'elleobéissait?—Biensûrquenon.Onlaretrouvaitlelendemainmatin,endormiesousl'escalierouderrièrele
canapé. Et partir à sa recherche nous mettait toujours en retard pour ce qu'on devait faire. Sespitreriesétaientabsolumentépuisantes.
—J'imaginebien.—Alorsonacomplètementarrêtédelachercher.Siellevoulaitdormirdansl'armoireàbalais,
ainsisoit-il.Nousl'avonslaisséeetavonsreprisnoshabitudes.Maisladoctoressecontinuaitàrépéterqu'iln'yavaitrienquiclochaitavecelle.Elledisaitque,plusondonneraitd'attentionàHarper,plussescomportementss'amplifieraient.Alorsonaarrêtéd'yprêterattention.
Une douleur profonde ricocha dans ma poitrine. Savoir ce par quoi Harper était passée sanspersonnepourlasoutenir.Personnepourlacroire.
—Doncvousn'avezrienfait?—Nousavonssuivilesinstructionsdesadoctoresse,réponditMmeLowellenfaisantunelégère
grimace.Maissescrisesontprisdel'ampleur.Nousavonseudroitauxcauchemarsetauxterreursnocturnesnuitaprèsnuit,etnousn'avonsrienfaitd'autrequeluiordonnerderetourneraulit.Alorselleaarrêtédemangerpoursevenger.
—Poursevenger?demandai-je,lagorgeserrée.—Oui.Etensuiteelleacessédeselaver,puisdesebrosserlescheveux.Avez-vouslamoindre
idéede l'humiliationquec'est?D'avoirunenfantquiressembleplusàunvagabondqu'àunevraiejeunefille?
—Çaadûêtreterrible,répondis-jed'untonplatetpeusympathique.Cetteatrocebonnefemmenemanquapasmonsarcasme,et je regrettaiaussitôt.Ellesereferma
totalement. Toute information que j'aurais pu lui soutirer était perdue à cause dema bouche tropfrivole.
—Jecroisquevotretempsestécoulé,madameDavidson.Jemeréprimandaimentalementetdemandai:—Est-cequelefrèredeHarperestlà?Jepeuxluiparler?— Beau-frère par alliance, corrigea-t-elle comme si elle remarquait mon dépit. Et il a une
résidencepersonnelle.Cettedéclarationprovoquauneintéressantepousséed'indignationchezelle.Jesentisqu'ellen'était
pasqu'unpeumécontentequesonfilsaitdéménagé.Maisildevaitavoirlatrentaine,pourl'amourduciel.Àquois'attendait-elle?
Elleordonnaà lagouvernantedeme raccompagneràmavoitureavantque jepuisseposeruneautrequestion.Commequitondaitleurpelouse,parceque,punaise,jenesavaispasquelesbuissonspouvaientêtretaillésenformededieuPan.
— Ça fait longtemps que vous travaillez ici ? demandai-je à la jeune femme tandis qu'ellem'escortaitjusqu'àlaporte,bienconscientequeçanepouvaitpasêtrelecas.
Ellesemblaitavoirlavingtaine.Elleregardanerveusementpar-dessussonépauleavantdesecouerlatête.—Depuiscombiendetempsconnaissez-vouslesLowell?Aprèsavoirouvertlaporte,ellescrutaànouveaulesenvirons.—Non.J'aicommencéà travailler ici ilyaquelquessemaines.Leurgouvernantede toujoursa
prissaretraite.—Vraiment?Elle semblait souhaiter que je sorte de la maison. Mauvais. Je n'avais pas envie de lui attirer
d'ennuis.Jesavaiscommentcesgensfonctionnaient,etleursdomestiquesnedevaientparlerderiendecequisepassaitsousleurtoit,fautedequoiilsperdraientaussitôtleuremploi.Maisils'agissaitdu
bien-êtredel'und'entreeux.—Combiendetempsvotreprédécesseura-t-elletravailléici?—Presquetrenteans,fit-elled'unemanièreétrange,commesicetteidéel'étonnaitautantquemoi.Quequelqu'unpuissetenirtrenteanssouslacoupedecettefemmedépassaitl'entendement.Maissi
quelqu'unsavaitcequisedéroulaitdanscegenredemaison,c'étaitbiensonpersonnel.—Merci,dis-jeenadressantunclind'oeilàlagouvernante.Ellemeréponditd'unsouriretimide.JequittailemanoirdesLowellavecbienplusdequestionsquejen'enavaisenarrivant,toutefois
j'avaisaumoinsuneidéeassezprécisedeceparquoiHarperétaitpasséeengrandissant.Mais,quandmême, elle ne m'avait pas avoué depuis quand ses ennuis duraient. Même si je pouvais devinerpourquoi -personnene lacroyait,pourquoi l'aurais-je fait ? -, il faudraitque je lui enparleaussirapidementquepossible.Jemanquaisd'informationscrucialesquipouvaientm'aideràrésoudrecetteaffaire.
Cependant, jen'arrivaispas àm'ôterundétail de l'esprit.Tout cequeHarper avait fait, tous lescauchemars, toutesles illusions, touteslescrisespointaientdansunedirection:syndromedestresspost-traumatique.Etcequil'avaitdéclenché,c'étaitlabombedetableàl'anniversairedesoncousin.J'avais suivi assez de cours de psychologie au collège pour reconnaître les symptômes les plusélémentairesduSSPT.
Leharcèlementpouvaitprovoquerdustresspost-traumatiquejusqu'àuncertainpoint,surtoutsilasituationmettait laviede lapersonneendanger,mais lessymptômesdeHarper laissaientpenseràuneformeplusgrave.Unthérapeutediplômédevaitbienlesavoir.Peut-êtrequ'unevisiteàcesseptspécialistesqu'avaitmentionnésMmeLowellseraitunebonneidée.
J'appelaiCookiepourluifairetrouverchezquiHarperavaitfréquentéetquand.—J'aiaussibesoindeparlerà lagouvernantequiapris sa retraitedernièrement,etensuite j'ai
besoindeplusd'infossurlesLowell.— Gouvernante. Noté. Mais des infos ? De quelle sorte ? demanda-t-elle tout en continuant à
pianotersursonclavier.—Compromettantes,Cook.Ilfautquetumedégottestouslesdétailslesplusmochesquetupeux
dénichersureux.Unefamillequitenteàcepointd'enmettrepleinlavueaforcémentquelquechoseàcacher,etjedoissavoircequec'est.
—Cegenredechosefaitrarementlaune,maisjeverraicequejepeuxtrouver.—Et jeveuxvraimentparleraux thérapeuteschezqui lesLowellontenvoyéHarper.Elle lesa
fréquentésdepuisl'âgedecinqans,environ.—Çapourraitêtredifficile.—Tuessaiesdemedirequecen'estpasdanstescordes?—Non,répondit-elle,unsouriredanslavoix.Jevoulaisdirequ'ilétaittempsquetumedonnes
enfinunvraidéfi.—J'espéraisquetudiraisça.J'appelaiDavidTaftaussitôtaprèsavoirraccroché.L'officierTafttravaillaitdanslemêmeposte
depolicequ'oncleBobetavaitunepetitesœurdéfuntequiaimaitmerendrevisiteauxpiresmomentspossible.C'est-à-diren'importequand.Nousn'étionspasvraimentamis,Taftetmoi.Cequipouvaitenpartieexpliquerlamanièrefroidedontilmerépondit.
—Taft,annonça-t-ilendécrochant.—Hello,c'estCharleyDavidson.(Commeiln'ajoutaitrien,jedécidaid'enchaîner.)J'aiunecliente
quiaffirmequevousêtessonagentdeliaisonauposte.HarperLowell?—Çanemeditrien.Alorscommeçavousêtesderetour?—Jenesuisjamaispartie.Elleprétendquequelqu'unlaharcèle,quequelqu'unessaiedelatuer.—Jevoisdequivousparlez.Onn'ajamaisrientrouvésurunpotentielharceleur.—Vouslacroyez?
—Pas au début. Jusqu'à ce que je discute avec ses parents. Eh bien, eh bien, je commençais àl'apprécier.
—Pourquoiça?—Jenesaispas.Ilsavaientl'airunpeutropenthousiastesàl'idéedemeconvaincrequeleurfille
étaitfolle.—J'aieulamêmeimpression.—Donc,ellevousaengagée?—Ouaip.Est-cequevousavezpudécouvrirlamoindrepreuve?J'avaisdelapeineàcacherl'espoirquifaisaittremblermavoix.—Rienquinepuisseêtreexpliquépar l'hypothèsede la follequiessaied'attirer l'attention.Les
lapinsempaillésnesontpasvraimentdangereuxpourlasanté.—Quandilsnesontpasempaillés,maisqu'ilssontlaisséssurvotrelitpendantquevousdormez
etqu'ilsontlagorgetranchée,si.—Écoutez,jenesuispasendésaccordavecvous.Onn'asimplementjamaistrouvéaucunepreuve
pourcorroborersonhistoire.Justequandjecommençaisàl'apprécier.—Etjesuissûrequevousavezfaitdevotremieux.—J'aiessayé,Davidson,sedéfendit-il,légèrementcassant.—OK,OK,pasbesoind'êtresiborné.—Est-cequevousavezvumasœur?LasœurdeTaftétaitmortequandilsétaientjeunes,etelleavaitrécemmentdécidéquemehanter
étaitplusamusantquedesuivresonfrèrepartoutàlongueurdejournée.IlavaitfalluunmomentàTaft pour croire que je pouvais la voir et lui parler, et avoir envie de la tuer à cause de lamaniequ'elleavaitdeposerquestionaprèsquestion.Maisune foisqu'ileut réaliséquec'était lavérité, ilavaitdécidédesetenirinformédecequ'ellepensaitdemoi.Ôjoie.
—Pasdernièrement,répondis-je.EllepassebeaucoupdetempschezRocket.—Vousvoulezdireàl'asilepsychiatriqueabandonnéoùvousparlezauxfantômes?—Celui-làmême,etjeneparlequ'àunseuld'entreeux.Rocket.Ilaunepetitesœur,etelleetla
vôtre s'entendent à merveille. J'irai leur rendre visite dans pas longtemps. Je vous ferai savoircommentelleseporte.
—Merci,jevoussuisvraimentreconnaissantde...Ouais,ouais.—Sivousentendezquoiquecesoit.—Vousserezlapremièreaucourant.—Aucasoùvotresœurdemanderait,voussorteztoujoursavecdespouffiasses?Unlégerrirefiltrajusqu'àmesoreilles.—Non.Enfin,paspourlaplupart.—OK.Neme forcez pas à descendre au commissariat pour botter votre petit cul d'amateur de
pouffiasses.—Jeferaiensortequecettemenacenem'empêchepasdedormirlanuit.—Bonnechance.Je raccrochaietprisune longue inspiration,décidantqu'ilétait temps.Le frèredeHarper serait
rentréàlamaisonàl'heurequ'ilétait,etjen'avaistoujourspasl'adressedesondomicile,doncilmefaudrait l'attraper à son travail le lendemain. Si Cookie avait raison, il était employé dans unecompagnie de conservation d'énergie, mais j'avais des problèmes autrement plus importants. Jeredressailesépaulesetraffermismaprisesurlevolant,parceque,cesoir,j'avaisundragonàtuer.UndragondunomdeReyesFarrow.
JeconduisisMiseryàtraverslequartierdesentrepôtsd'Albuquerqueprèsdesrailsdecheminde
feraucentre-ville.Unepluiefroides'abattaitparvaguessurmonpare-brise,maispersonnen'auraitosés'enplaindre
dansunclimataussiaride.SeplaindredelapluieàAlbuquerque,çaauraitétécommeseplaindredusoleilàSeattle.Alorsjen'étaispasvraimententraindemeplaindre,maisplutôtentraindedéplorerle faitque jedevais conduire sous l'averse.Lespluies torrentielles rendaient la routepratiquementimpossibleàvoir.Avecunpeudechance, lepropriétairedespoubellesque jevenaisde renversercomprendraitça.
Après être restée immobile sur le bas-côté pendant quelques instants, à observer des voiturespénétrerdansuneaireprotégéeàtraversdeslitresd'eau,jedécidaidemelaisserpousserunepairedecouillesetd'yaller àmon tour.Àquelpoint est-cequeçapouvait tournermal? JemeséparaideMargaretetlarangeaisousmonsiègeavantderejoindrel'entrée.
Un colosse habillé d'un poncho noir en plastique leva une main pour m'arrêter à peine eus-jeatteintl'entrée.Jem'arrêtaidonc.Enpartieparcequ'ilétaitvraimentimpressionnantetenpartieparcequeréussiràafficherl'airqu'ilaffichaitétaitvraimentimpressionnant.
Je fis coulisser ma fenêtre, en me demandant si je devrais investir dans une voiture avec unéquipementderniercri.Jepouvaismepasserdefenêtresélectriques,etMiseryétaitunetellepartdemoique jen'auraispaspuimaginermaviesanselle.Àmoinsquemanouvellevoituresoitmunied'unpetit jaguarsurlecapot.EnquelcasjemedébarrasseraisdeMiseryaubordd'untrottoirplusvitequed'unecanetted'aluminiumvide.
Jetapotaiaffectueusementsontableaudebord.—Jeplaisante,magrande.Jenet'abandonneraijamais.Àmoinsquetusoisenfeuetquejedoive
sauvermesfesses.Commesiellemegratifiaitd'uneremarquecynique,ellesemitàcrachoteràunrythmeétrange
avant de revenir à son ronronnement habituel. Quel fichu caractère. On était définitivement faitesl'unepourl'autre.
—T'esflic?demandaletypeauponcho.—Non,maisjesuissortieavecunmecquil'était,unefois.IlbraquaunelampetorchesurmoietexaminalesentraillesdeMisery.Malheureusement,toutce
qu'ilytrouvafutunméli-mélodedossier,quelqueschemisesenplastiqueetunéquipementdesurviequiconsistaitprincipalementencrackersaufromageetenuneprovisiondesecoursdebonbonsàlamenthe. Fichues girl-scouts. Ces trucs étaient pires que de la drogue. Ils devaient être coupés àl'héroïne.
Jen'arrivaispasàdiscerner les traitsdu typeauponchoàcausede l'obscuritéetdesacapuche.Maisiljouaitsonrôlemenaçantàlaperfection.Ilpenchalatêtesurlecôté.
—T'asétéenvoyéeparlesflics?—Pasaujourd'hui.Jeluisourisenlaissantdecôtélefaitquelapluiememartelaitlevisage.—T'asreçuuneinvitation?—J'aiétéinvitéeàlapyjamapartydeNancyBurkeensixième.Onajouéaujeudelabouteille.
J'aidûembrasserunetortueaudouxnomd'Esther.—Ahouais?Saufquejeteconnaispasetquej'enairienàcirer.—Oh!m'exclamai-jeensortantmamainparlafenêtrepourlaluitendre.JesuisCharley.Ilreculaetmefitsignedefairedemi-tour.—Entréerefusée.Reparsparlàd'oùtuviens.Mince.J'auraisvraimentdûm'habillerdemanièresexyetluidiredem'appelermonlapin.—Attendez!criai-jeentâtonnantsousletableaudebordàlarecherchedemonargentdesecours
pourlesmochalatte.JesuisjusteicipourparleràReyesFarrow.Celanesemblapasl'impressionner.
—Farrowparlepas.Maintenant,fichelecampavantquejetraînetonp'titculhorsdetabagnoleetquejetemetteuneraclée.
C'était totalement immérité. Comme s'ils agissaient de leurs propres volontés, mes doigtscommencèrentàramperàl'aveuglettesurlaportièrejusqu'àcequ'ilstrouventleverrou.Justeaucasoù. Puis je sortis mon billet de cinquante dollars et décidai de jouer à son jeu. Celui de la filledésespéréetellementamoureusedudieuReyesqu'elleferaitn'importequoipourentrer,pourpouvoirl'apercevoir.
—Jevousenprie.J'aijusteenviedelevoir.Jevoudraissimplement...regarder.Ilpoussaunprofondsoupiravantdes'emparerdubilletquejeluitendais.—Si je t'attrapeen traind'enregistrerquoiquece soit, je te sorsd'icipar lapeauducul et j'te
flanqueuneraclée.DouxJésus,ilaimaitcetteimage.—Merci,répondis-jeenclignantdesyeuxplusieursfoisdesuite,enpartieparcequelapluieétait
toujoursentraindemalmenermonvisage.Merciinfiniment.Ilfronçalessourcilsetbalayalecôtégaucheàl'aidedesalampetorche,m'indiquantoùmegarer.
Jesuivissesinstructions,attrapaiunedesvestesquej'avaisjetéesàl'arrièrepourm'enservircommed'un parapluie de fortune, fis un vague signe d'adieu au gosse qui était toujours assis sur le siègearrière,àregarderàl'extérieurduvidedesapetitestationspatiale,puismedépêchaiderejoindreunedesporteslatérales,làoùj'avaisvuuncouples'engouffrerunpeuplustôt.Malheureusement,jefusarrêtéeànouveau.
Parunautrehommedansunponchonoirenplastique.Quivoulaitdel'argent.—C'estcinquantetickets,dit-ild'unevoixsanston.Ildevaitplaisanter.—Cinquantedollars?C'estcequejeviensdepayercetype!J'arrivaistoutjusteàdiscernerlamoitiéinférieureduvisagedecelui-ci.Ilsouriait.—Ça,c'étaitpourleparking.Pourentrer,c'estdenouveaucinquante.Eh bien, merde. Être fauchée, ça craignait un max. Je sortis mon porte-monnaie tandis qu'un
grouped'hommesseplaignaitderrièremoi.—Ilpleut,chérie.Dépêche-toi!—Çavapasêtresispectaculaire,fitunautre,ignorantsoncamarade.—Tuplaisantes.J'aientendudirequepersonnen'avaitjamaisréussiàlebattre.—Unpeuquepersonnen'ajamaisréussi!Vousavezvucegaillard?Ilbougecommeuneputain
depanthère.Je ne savais que trop bien de qui ils parlaient, songeai-je en continuant à fouiller mon porte-
monnaieà larecherchede lacachettedemadeuxièmedépannepour lesmocha latte.C'étaientmesdernièreséconomies,alorsçaavaitplutôtintérêtàenvaloirlecoup.
—Jesaispastrop.Jepensequejepourraismelefaire,ditunautrehomme.Jejetaiunregardpar-dessusmonépauleetremarquaiquetoussesamisledévisageaient,bouche
ouverte.Letypesourit.—S'iln'étaitpasarméetquej'avaisunAK-47entrelesmains.Ils se mirent tous à rire jusqu'à ce qu'ils se rendent compte que j'avais arrêté de chercher de
l'argent.L'und'euxmedonnauncoupd'épaule,mefaisantavancerdeprèsd'unmètre.—Allez,chérie.Onaunbottagedeculàregarder.—Merde,çaadéjàcommencé!Unrugissementbruyants'élevatandisquelepublicpoussaitdesacclamationsderrièrelaporte.—Tenez,ditundesgarsentendantunbilletdecinquantedollarsauvideuravantdemedépasser.Lesautressuivirentlemouvement,etj'apprisrapidementcequ'onressentaitquandonpassaitdans
unemachineàlaver.Ilsmepropulsèrentdansletypeauponchonoirnumérodeux,et,d'unemanière
tout à fait improbable, un billet se matérialisa dans ma main. Peut-être parce que je venais de lefaucheraudernierhommequim'avaitdoublée, aumomentexactoùceluiqui le tenait et celuiquil'attendaitpensaienttouslesdeuxquel'autrel'avaitensapossession.
—Levoilà.Je brandis le billet avec un peu trop d'enthousiasme.Le videur ne sembla pas remarquer. Ilme
l'arracha des mains avant de m'aider à avancer d'une poussée pas vraiment douce. Bon Dieu. Jetrébuchaienmarchantàmesurequed'autrespersonnesentraientàmasuite,aussimedépêchai-jederejoindre un coin illuminé par un projecteur dans une zone pourtant sombre et vide de l'entrepôt.L'endroitdégageaitunmélanged'odeursdecrasse,debière,defuméeetd'eaudeCologne.J'aimaislesodeursmasculines.Surtoutcelledel'eaudeCologne.
Pourtant,j'avançaitouslessensenalerte.Alorsquejemerapprochaisdel'action,jeprisconsciencequelafouleétaitbienplusgrandeque
je l'aurais cru. Des gens, des hommes pour la plupart, se tenaient debout et lançaient desencouragementsautourd'unringgrillagé,commeceuxqu'onvoitàlatélé,maisenplussommaire.Lesbarreauxde la structure rudimentaire n'étaient pas recouverts deprotection, et la porte pouryentrerétaitferméedepuisl'extérieurparunegrossechaîne.Çanepouvaitpasêtrebonsigne.
Sij'encroyaislesacclamationsdelafoule,ilsavaientsoifdesang,bienplusquedelabièrequicoulaitàflots.Onachetaitdesboissons.Onfaisaitdesparis.Onlançaitdespoings.J'étaisenréalitéplutôtsurprisederemarquerlenombredefemmesquiétaientprésentes,avantdeprendreconsciencequ'ellesn'encourageaientpascommeleshommes.Ellesobservaient,leursyeuxrivéssuruneseuleetuniquechose.Cefutàcemomentquejelevis.Lui.ReyesAlexanderFarrow.Jeportaileregardau-delàdugrillaged'acieretmeconcentraisurcequisepassaitàl'intérieur,surlespectaclequetoutlemondeétaitvenuvoir.
Chapitre5Bonjour.Jesuislesennuis.J'aientendudirequevousmecherchiez.
Tee-shirtAngeneplaisantaitpas.Reyess'étaitmisàlalutteencage.C'étaitunconcepttellementétrangeque
j'étais sûre qu'il plaisantait au départ. Je laissai mon étonnement de côté et je me dépêchai dem'approcherpouravoirunemeilleurevue,jouantdescoudespourfendrelafoule.Lescombattantsneportaientpasdesshortsdeboxeurstraditionnels.L'adversairedeReyesétaitensurvêtement,tandisque lui-même n'était vêtu de rien d'autre qu'un jean. Ses mains avaient été bandées, et il avaitégalementdespansementsautourdutorseetsurunedesesépaules.Onn'auraitjamaispermisàunhommeblessédesebattredansunmatchofficiel.Cetruc-làétaitaussilégalqueduvolàl'étalage.
Aumomentoùilsentitmaprésence,Reyesquittadesyeuxlatâchequ'ilétaitentraind'accomplir-unetâchequiimpliquaitdusang,delasueur,etunadversairedecentcinquantekilos-etcapturamonregard. La surprise qui passa sur son visage était si infime, si faible que je doutais que quelqu'und'autrequemoil'aitremarquée.Ilseressaisitaussitôt.Sonexpressionsefitplussévère,sesmusclespuissantsse raidirent,et le typequ'ilvenaitdeplieretqu'ilmaintenaitenplaceà l'aidede toutsonpoidssemitàhurlerunedemi-secondeavantdetapersurlesolpourannoncerqu'ildéclaraitforfait.
Çadevaitêtredurpourunhommecommelui,quiétaitdetouteévidenceunhabitué,deserendre,d'admettreladéfaite,maisladouleurqueReyesluiinfligeaitdevaitvraimentêtreinsoutenable.
Et pourtant, Reyes n'arrêtait pas. Il ne lâchait pas. Un arbitre improvisé s'élança dans la cagelorsque l'homme frappa le sol une nouvelle fois. La souffrance qui déformait ses traitsme faisaitrétrécir sur place, mais Reyes ne voulait pas me quitter des yeux. Il me dévisageait, son regardbrillant de colère, samâchoire décidée alors qu'il raffermissait encore plus la prise qu'il exerçait.L'arbitre devenait fou en essayant de le dégager de son adversaire.Deux autres types accoururentdans la cage, mais ils n'étaient pas aussi enthousiastes que l'arbitre. Ils s'approchèrent bien plusprécautionneusementtandisquelafouleendélirehurlait.Réclamaitdusang.Ou,disons,plusdesang.La souffrance de cet homme était insupportable. Elle s'élevait en vagues aiguës et liquides ets'infiltraitdansmesveinespourlesparcouriraussisûrementquelefaisaitl'hémoglobine.
Jebaissailementon,maispaslesyeux,etmurmurai:—S'ilteplaît,arrête.Reyesrelâchaaussitôtsonadversaireetretombasurlestalons,unaird'avertissementsalaceposé
sursestraitsincroyablementbeaux.Ilnevoulaitpasdemaprésenceenceslieux-ça,c'étaitclair-,maisilyavaitplusquecela.Ilétait
encolère.Luiquim'avaitpiégéepourmieuxmeregardertomber.Luiquim'auraittrahied'unmillierdefaçonssansbroncherosaitêtreencolèrecontremoi.Ilnemanquaitpasdeculot.
Son adversaire était étalé sur le tapis et grognait tout en se tordant de douleur. Le petitéchauffementdeReyesavaitdûluicasserquelquechose.Cedernierneluiprêtaitaucuneattention.Ilignorait également l'arbitre, qui était en train de lemarteler d'avertissements verbaux, ainsi que letypequiavaitpenséàposerunemainsursonépauleenguisedesoutienavantdeseraviser.Sautantsur ses pieds, il sortit de la cage à grandes enjambées, comme s'il devait aller quelque part. Lesapplaudissements et les félicitations fusaient àmesurequ'il naviguait dans la foule. Il n'yprêtapasplusattentionqu'aureste.Heureusement,lesgensétaientassezsenséspourseretirerdupassagedès
qu'ilapprochait.Il traversasansencombre,puisdisparutderrièreuneportequimenaitàunegrandeconstruction
carréedansuncoinéloignédel'entrepôt.Desbureaux,peut-être.Lesentraîneursaidèrentl'autretypeàsereleveretleconduisirentdansladirectionopposéetandisqu'unconciergenettoyaitlesangsurletapis.
Mespiedsmeguidèrentlàoùtouslesregardsétaientbraqués.Alapiècedanslefond.Jefendislafoulesauvageet lesfemmesenchaleurendonnantdescoupsd'épaules.Plusieurspersonnesétaientamassées devant la porte, mais personne n'osait aller plus loin. Le fait que personne ne gardaitl'entréemesurprit.Untypeensortit,pluspetitetplusrâbléqueReyes,lesmainsbandéeségalement,sespoingsprêtsà l'attaque tandisqu'ilboxaitunadversaire invisiblesur lecheminquimenaità lacage.
Etlafouledevintfurieuse.Je passai la porte etme retrouvai dans une espèce de vestiaire industriel. Pas comme ceux des
fitness, qui sont propres et illuminés, mais comme ceux des vieilles manufactures, minables,sombres,etsales.Troisélémentsmétalliquesséparaientendeuxlapièceoùs'élevaitdelavapeur.Surlagauchesetrouvaientplusieursbureaux.Surladroite...
—Etilsvoudraientquetufassesdurerlespectacleunpeupluslongtemps,ditunevoixmasculinequiprovenaitdequelquepartdevantmoi.Onenadéjàparlé,tutesouviens?
Jelasuivis,dépassantlesvestiairespourarriverdansuneaireouverteavecdesbancsetquelquestables. Les douches se situaient juste derrière, et quelqu'un était de toute évidence en train de lesutiliser.DelavapeurtourbillonnaitautourdeReyes,quiétaitassissurunedestables.L'hommequidevaitêtresonentraîneursetrouvaitenfacedeluietluienroulaitlesmainsdansunebandeblanche,exactementcommedanslesfilms.Sonjeanétaitbassurseshanches,dévoilantjusteassezdesachutedereinspourrendremesgenouxtremblants.Despansementsetduchattertonblancentouraientunedesesépaulesetfaisaientletourdesescôtes,etjedusmebattrepourtempérermoninquiétude.Quantaurestedesapersonne,sapeaucuivrées'étendaitavecunegrâcefluidesursalargecarruretouteenmusclesetencourbesalléchantes.Ilétaittoutsimplementmagnifique.
J'étaisaulycéelapremièrefoisquej'avaisvuReyes.MasœurGemmaetmoil'avionsrepéréàlafenêtredesacuisine,tardunsoir.C'étaitdansuncoinmalfamédelaville,etceàquoij'avaisassistéensuitel'avaitconfirmé.Unhomme-qui,jel'apprendraisparlasuite,étaitEarlWalker,lemonstrequiavaitélevéReyesetqui,desannéesaprès,m'avaittorturéeetpratiquementassassinéedansmonappartement - était en train de le battre. Reyes était âgé de dix-neuf ans à l'époque. Il était féroce.Sauvage.Etmagnifique.Maisl'hommeétaitimposant.Sespoingss'étaientabattussurReyesjusqu'àcequ'ilnepuisseplustenirdebout.Jusqu'àcequ'ilnepuissemêmeplussedéfendre.
Pourempêcherl'hommedeletuer,j'avaisjetéunebriqueàtraverslafenêtre.Çaavaitfonctionné.Ils'étaitarrêté.Maiscettebriquen'avaitpaseuplusd'effetqu'unsparadrapsuruneblessureparballes.J'avaisdécouvertbienplustardqueReyesavaitpasséunedizained'annéesenprisonpourlemeurtred'EarlWalker,pourapprendreparlasuitequecederniern'étaitpasréellementmort.Ilavaitmisenscène sonpropremeurtre, etReyes avait fini derrière lesbarreauxpourun crimequ'il n'avait pascommis.Leproblème,c'étaitqueReyess'étaitéchappépourprouversoninnocenceetm'avaitutiliséecomme appât pour faire sortir Earl Walker de son trou. J'avais failli mourir. Cookie et sa fille,Amber,s'étaientégalementretrouvéesendanger.
Ceséléments,combinésaufaitqueReyesétaitlittéralementlefilsdeSatan,forgédanslesfeuxdupéché et de la décrépitude, étaient un peu durs à oublier.Mais il était également l'entité noire quim'avait suiviedurant toutemavie. Ilm'avait sauvéeàplusd'une reprise.Sesactionscontredisaienttoutcequ'onm'avaitapprisàpenseràproposdesténèbres.Toutétaitsiambigu.
Etmaintenant,jemetenaisauborddugouffre.Est-cequej'oseraisluifaireconfianceànouveau?Est-ceque jepourraiscroire lamoindrechosequ'ilmedirait ? J'avaispassédeuxmoisdansmon
appartementàretournercesquestionsdansmatête.Sa chaleurm'atteignit alors, et jeme rapprochai. Cette chaleur familière qui émanait de lui en
doucesvaguesnucléairesétaitcommeunelotiondésinfectante,calmanteetirritanteàlafois.Jemetenaisimmobilesouslesnéons,maisilnelevapaslesyeux.Ilm'offrituneoccasiondel'étudierd'unpeuplusprès,d'évalueràquelpointlalibertél'avaitchangé.Pasbeaucoup,réalisai-jerapidement.Sescheveuxétaientdelamêmelongueurquedeuxmoisauparavant.
Desmèchesépaissesretombaientsursonfrontetbouclaientderrièresesoreilles.Samâchoire-etcette expression si déterminée qu'il affichait toujours - disparaissait sous l'ombre d'une barbe d'unjour.Elleencadraitseslèvrespleinesavecuneprécisionsiparfaitequej'eneusl'eauàlabouche.
Je me forçai à détourner le regard de son visage et à observer ses larges épaules, qu'il avaitdénudéespourlecombat,exposantainsilestatouagesanciensaveclesquelsilétaitné.Lestatouagesquis'étalaientcommeunplan,uneclépourlesportesdel'Enfer.Jesavaislireunecarteaussibienquen'importequellefille,maiscommentpouvait-onfairepourendéchiffrerunepareilleafind'accéderàune autre dimension et traverser la désolation de l'infini pour se rendre dans un lieu où personnen'avaitenviedemettrelespieds?
—Quefais-tuici?demandaReyessansleverlesyeuxdutravaildesonentraîneur.Ilétaitd'unebeautésisaisissantequ'ilmefallutuninstantpourréaliserqu'ils'adressaitàmoi.Jene
l'avaispasvudepuisdeuxmoiset,mêmeavantça, jene l'avaisvuenchair et enosqu'àquelquesbrèvesetdangereusesoccasions,chacuneporteusedesentimentsmitigés,entrepréoccupationettêtedanslesnuages.J'avaisbeauêtreencolère,l'attractionqu'ilexerçaitsurmoi,aussiappétissantqu'unfruitsauvage,agissaitcommeunaimant.Etj'étaisdetouteévidenceuntrombone.Touteslescellulesdemoncorpsessayaientdemeprécipiterenavant.
L'entraîneurrelevalesyeux,confus,puisremarquaquequelqu'und'autresetrouvaitdanslapièce.Ilsetournaversmoi,ladésapprobationbarrantsonfront.
—Vousn'avezpasledroitd'êtreici.—J'aibesoindeparleràvotrehomme,annonçai-jeenmettantautantd'autoritédansmavoixque
j'enétaiscapable,cequi,actuellement,équivalaitàpasbeaucoup.Finalement,Reyesremontalescilsavecuneprudenceinfiniejusqu'àcequejepuisseapercevoir
l'éclatdesesrichesyeuxbruns.Jesuppliaimoncœurdecontinueràbattre,maisiltombaraidemortaussitôt.Reyesécartalégèrementleslèvres,etmonregardreplongeasursabouche.Commepourmerépondre,elles'allongeaetildit:
—Tudoispartir.Décidantd'ignorerlavaguedechaleurquiavaitenvahimoncorpslorsquesavoixaussiprofonde
quesensuelleavait résonné, je redressai lesépaules, fisunpasenavant,et lui tendis lepapierquej'avaisfroisséàlaminuteoùjel'avaisvudanslacage.
—J'aiapportélafacture.Ilabaissasescilsépaisetattrapalepapierdesamainlibre.—Lafacturepourquoi?demanda-t-ilenparcourantcequej'avaisécrit.—Pourmesservices.J'aitrouvétonpèrepourtoi.J'aifaillimourirenlefaisant.Monbusinessde
détectiveprivéec'estjusteça,monsieurFarrow:unbusiness.Malgrécequetupeuxcroire,jenesuispastongarçondecourses.
Il avait hausséun sourcil aumomentoù j'avaisutilisé sonnomde famille,mais s'était trèsviterepris.Ilretournalepapier.
—C'estécritsurunequittancedechezMachoTaco.—J'aiimprovisé.—Etlemontantestd'unmilliondedollars.—Jenesuispasdonnée.Unsourireinfimesoulevauncoindesabouche.
—Jen'aipasunmilliondedollarssurmoiencemoment.—Onpeutpasseraudistributeurleplusprochesituveux.—Malheureusementpas.(Ilplialepapierpourlefourrerdansunedesespochesarrière,ettoutce
quejepuspenserfutquej'auraisrêvéd'êtreunequittanceMachoTacoencetinstant).Jesuisfauché.Je n'avais même pas besoin de lire ses émotions pour savoir qu'il s'agissait d'un grossier
mensonge.C'étaitunebonnechose,parcequejen'aimaispastroplamalhonnêteté.Laluxure,peut-être.Undésirbrûlantetviscéralqui forçaitmesgenouxà lutterpour resterparallèles.Maispas lamalhonnêteté.Etenparlantdeça...
—Pourquoiest-cequetutebats?Je jetai un coup d'œil aux alentours minables. Même les combats illégaux devraient être
hygiéniques.C'étaitdelafolie.—Jetel'aidit,jesuisfauché.J'aibesoindecetargent.—Tun'espasfauché,ripostai-je.Ilsecoualamainpourquesonentraîneurarrêtedelaluibanderetseleva.Je fis prudemment quelques pas en arrière. Il me suivit, chacun de ses mouvements fluides.
Puissants.J'avaisquandmêmeplusd'untourdansmonsac.Ilétaittempsdem'enservir.—Tuascinquantesupermillionsquiattendentsagementque tumettes teschaudespetitespattes
dessus.Il se figea, ce qui était sa manière de montrer la surprise. Là où d'autres gardaient la bouche
grande ouverte ou avaient des points d'interrogation dans les yeux, Reyes devenait parfaitementimmobile,etjecomprisquejel'avaiscoincé.
— Tu fais erreur, m'assura-t-il, sa voix aussi douce que de la soie recouvrant le plus dur desaciers.
—Tasœurmel'adit,lecontrai-je.Même s'ils n'étaient pas biologiquement liés, il avait grandi avec une femme qu'il considérait
comme sa sœur. Ils avaient tous deux été victimes de terribles abus, bien que très différents. EarlWalker,l'hommequim'avaittorturée,lesavaitélevés.Asamanièreignoble.IlrefusaitdelaisserKimboiredel'eauoumangerjusqu'àcequeReyessesoitpliéàsesmoindreseteffroyablesdésirs.KimetReyesavaienttouslesdeuxgrandidansuncauchemarenétantélevésparunmonstre,et,afindelaprotéger,ReyesavaitniélaconnaîtrequandilavaitétéarrêtépourlemeurtresupposédeWalker.Etpourtant, il avait quandmême réussi à faire d'elle unemillionnaire pendant qu'il était derrière lesbarreaux.
Ilcessadefairesemblant.—Cen'estpasmonargent,c'estlesien.Jecroisailesbras.—Ellerefusedeledépenser.Elleprétendmordicusquec'estletien.—Elleatort,dit-ilenfaisantunpasenavant.Etjecroyaisqu'onétaitd'accordsurlefaitquetute
tiendraiséloignéedemasœur.Onnes'étaitpasvraimentmisd'accord,ilm'avaitmenacée,maisjedécidaidenepasremettreça
surletapis.—Çaremonteàunmoment,c'étaitaprèstonévasion.Tuétaisblesséetjemefaisaisdusouci.—Pourquoitutefaisdusouci?demanda-t-ilenfaisantunnouveaupasenavant.Lederniertruc
quetum'asdit,c'étaitd'allermefairefoutre.Jecampaisurmaposition.Ilnes'approchaitdemoiquepourmeforceràperdreduterrain,une
tactiquequ'ilutilisaitquandilvoulaitasseoirsonautorité.—J'aiseulementditçadansmatête.—L'expressionsurtonvisagevalaitmillemots.—Tuparlesduvisageaveclagrosseentaillequetonpèreavaitfaiteenessayantdeletailleren
deux?rétorquai-je,etjeremarquaiquecelanelelaissapasdemarbre.Cevisage-là?Ilblêmit.—Cen'estpasmonpère.—Jesais.Maistebattreici,c'estdelafolie.Ondiraitquetuasdesenviessuicidaires.—Etc'esttoiquiparles.—Qu'est-cequeçaveutdire?Ilcontractaplusieursfoislamâchoire,frustré,avantderépondre.—J'essaiedegardermesdistances,commetul'asdemandé.Ils'avançaànouveau,et,cecoup-ci, jen'eusd'autrechoixquedebattreenretraite.Maisunpas
finitparmefaireatteindreunmurenbéton.Reyesplaçaunemainau-dessusdematêteafindemedominer.
—Maistunemerendspasleschosesfaciles.Une overdose d'émotions me fit frissonner de l'intérieur. Reyes Farrow enflammait chaque
parcelledemoncorpscommesi j'avaisétéfaited'essence,etqu'unesimpleétincellesuffisaitàmefaireprendrefeu.Ilsavaitl'effetqu'ilmefaisait.C'étaitobligé.Etcettepenséeétaitl'uniquechosequim'aidaitàgarderlaraison.Quim'empêchaitdetendrelebrasetdelaissercourirmesdoigtssurlesbandagesquicouvraientsescôtes.Delesenfoncerdanslaceinturedesonpantalon.
Jemecontentaideprendreuneprofondeinspiration.—Jet'aivu,cematin.Commeilfronçalessourcils,jeluidonnaiplusd'explications.—Devantmonimmeuble.Jet'aivu.Est-cequetum'espionnes?—Non,répondit-ilenenlevantsonbrasetenfaisantdemi-tour.Jechasseuntoutautreanimal.—Etcetanimalhabitecommeparenchantementdanslemêmeimmeublequemoi?Ildesserralégèrementlabandeautourdesesmains.—Non,maisilveutcequelaplupartveulent.Sesmotsfirentaccélérermonpouls,etmarespirationdevintpluscourte.Laseulechosequime
voulait,leseulanimalqueReyeschasserait,c'étaitundémon.Il se retrouva soudain en face demoi, ses doigts autour dema gorge,me retenant quand je ne
rêvaisquedem'enfuir.—Tutranspireslapeur.Jemedébattis,sanssuccès.—Ahouais?Etlafauteàqui?—Lamienne,etjeteprésenteencoretoutesmesexcuses,maisilfautquetut'yfasses.Ilmeserrajusqu'àcequemapeaun'aitplusd'autrechoixqued'absorberlachaleurquiirradiaitde
lui. Je la respirai,boucheouverte tandisqu'elle s'insinuaitprofondémentdansmonabdomenetmesciaitlesjambes.
—Ilsaimentça,murmura-t-ilàmonoreille.C'estcommeunedrogue.Delamêmemanièrequelesang appâte les requins, l'odeur de la peur les attire, les rend fous. C'est à la fois un appât et unaphrodisiaque.
—Etcommenttusauraisça?—Parcequej'étaisl'und'eux,etqu'iln'yariendontj'aiplusenvieencemomentquedetetraîner
danscesdouches,d'arracherteshabits,etdedévorerchaqueparcelledetoncorps.Jefermailesyeuxdevantl'imagequesesmotsimposaientàmoncerveau.—Tuastoujoursenviedefaireça.—C'estvrai,maislà,c'estautrementplusfort.TueslaFaucheuse,etiln'yariensurTerrequisoit
plusappétissantpourquelqu'undemonespècequel'idéedelécherlapeursurtapeau.Ilnem'avaitjamaisditça.Ilnem'avaitjamaisditgrand-chose,maiscelégerdétailenparticulier
auraitétéagréableàconnaître.—Jenetel'aijamaisditparcequeçan'ajamaisétéunproblème,expliqua-t-il,medésarçonnant.
Il l'avait fait à nouveau. Il avait lu dans mes pensées. Je relevai le regard sous le coup de lasurprise.
—C'estécritengrossurtonvisage,Dutch.Et c'était reparti.Dutch, le surnommystérieux qu'ilme donnait.Un nomqu'ilme fallait encore
comprendre.—Jevoistout,dit-il.Taconfusion.Tesdoutes.Jenepeuxpasliredanstonesprit.Mais,comme
toi, jepeuxdéchiffrer lesémotions.Etçan'a jamaisétéunproblèmejusque-làparcequetun'avaisjamaiseupeurauparavant.Pascommeça.
—Tu te trompes, rétorquai-je, lesmots sortant àgrand-peineà causedema respiration renduedifficileparl'émerveillementetl'appréhension.J'aitoujourseupeurdetoi.
Cela sembla le faire réfléchir. Il relâcha légèrement son emprise, assez longtemps pour que jeparvienneàmelibérer.Etc'estexactementcequejefis.Jemeprécipitailoindesesmainsetreculaiavecprudence.Ilgardaunbrascontrelemuretpritdegrandesinspirations,commes'ilessayaitderestermaîtredesesémotions.
—Ilfautquetupartesavantquejechanged'avisetneveuilleplustelaissert'enaller.Jesecouailatête.—Jenem'eniraipasavantquetumepromettesd'arrêterdetebattre.Ilparutreveniràlaréalité.—Tuplaisantes?—Pasactuellement.Sij'avaisjamaiseuunquelconquepouvoirsurlui,ilmesemblaitquec'étaitlemeilleurmoment
pourl'exercer.—Jet'interdisdetebattre.Uneexplosionsoudainedehainemefrappadepleinfouet,commeunmurdefeu.Ilseredressaet
s'avança.—C'esttoiquiasinsistépourquejegardececorps.Etmaintenanttucomptesaussimedicterce
quej'ailedroitdefaireavec?Il avait raison. J'avais insisté pour qu'il garde son corpsmortel quand il avait voulu le laisser
mourir.C'étaitunedécisionquej'auraisencorepriseencemoment.—Apeuprès,répondis-je,redressantlesépaules.— Eh bien, dans ce cas, est-ce que tu peux me dire ce que tu aimerais que je fasse avec,
précisément?Quellemagnifiquequestionbourréedesous-entendus.Ilmedominaitànouveau,serapprochant,
me forçant à reculer jusqu'à ce que je rentre dans la table sur laquelle il était assis auparavant.Lachaleurqu'ildégageaits'infiltraitpartouslesporesdemapeau.
—J'aibesoinderéponses,etjenelesauraipassitumeursdansunecagelorsd'uncombatillégal.Est-cequ'ilsontaumoinsunmédecinurgentiste?
—Sijemeurs?demanda-t-ilenpouffantàcetteidée.Jepointaisesbandagesdudoigt.—Tun'espasaussiindestructiblequetusembleslepenser.Ilsemitàrire,etlesoncruelqu'ilproduisitricochacontrelesportesenmétalduvestiaire.—Est-cequetucroissincèrementqu'unhumainpourraitm'infligerdetellesblessures?Ilmefallutunmomentpourréalisercequ'ilvenaitdedire.Mais,dèsl'instantoùj'euscompris,je
sentismamâchoirebaisserd'uncrantandisquejeledévisageais.—Ils...Tuveuxdire...—Rey?J'eusunmouvementderecultandisquejemebattaispourquelapiècearrêtedetournerautourde
moi parce que la signification de sesmotsme frappait. Des démons. Ils étaient ici. De retour surTerre.Etillescombattait.
Jejetaiuncoupd'œilderrièreluietvisqu'unefemmes'avançait.—Est-cequetuesprêtpourleprochainround?Ilsteréclament.Ilnelaregardapas.Sesyeuxnequittaientpaslesmiens.—Wendellaimeraitquetufassesdurercelui-ci,ajouta-t-elled'unevoixfaible,malassurée.Jesentaisl'anxiétéquisedégageaitd'elledepuisl'endroitoùjemetenais.Lorsqu'unegrandefemmeblondeauxcheveuxcourtsentradanslalumièreetquejelareconnus,
je faillis faireuneattaque.ElaineOake?Lagroupiequipossédait le siteWeb?CellequiavaitunmuséedédiéàtoutcequitouchaitdeprèsoudeloinàReyes,avecdestonnesd'objetsquiluiavaientétévolésetqu'elleseprocuraitpardesgardiensdeprison?Desgardiensdontellegraissaitlapatte?Elleétaitici?AvecReyes?
Quand je pensais qu'elle n'était rien qu'une groupie de prisonnier, une femme riche qui avaitharceléReyespendant toute laduréedesonséjourderrière lesbarreaux,quiavaitpayédesgardespourobtenirdesinformationssurlui,pourdéroberdesaffairesdanssacelluleetprendredesphotosde luipendantqu'il ne regardaitpas.Monétonnementpassade l'idéededémonsqui traînaient auxquatrecoinsdumondeàcelledecettefemmequiparcouraitlesquatrecoinsducorpsdeReyes.Etune sorte de jalousie acre et furieuse explosa dans ma poitrine et s'échappa de moi en vagueshumiliantesderessentiment.
Jefismonpossiblepournepaslemontrer,maiselleavaitdûvoirlastupéfactionsurmonvisage.Elleaffichaitlamêmeexpression,d'ailleurs.Mélangéeàuncertainmanqued'assurance.Reyesétaitterriblementprochedemoi,etcelaneluiplaisaitdetouteévidencepas.Lorsqu'ellemereconnut,unenouvelleondedechocémanad'elle.
—Rey?demanda-t-elleànouveau.Tusaisquiestcettefille?Ilexpirabruyammententresesdentsàprésentserrées.—Oui.—Oh,d'accord,dit-elleavantdeserapprocherdenous.Êtes-vousicipouruneaffaire?L'espoirétaitsiévidentsursonvisagequej'enavaispresquedelapeinepourelle.—Jesuislàpourmefairepayeruneaffaire,oui.— Oh, eh bien, quel que soit le montant, je peux m'en charger. Je suis la manager de Reyes,
expliqua-t-elleense tournantdans ladirectiondecedernieretenplaçantunemain timidesur sonbras.Ilfautquetuteprépares.Lecombatestpresqueterminé.(Elleseforçaàsourire.)Ilssonttousvenuspour toide toutemanière.Cetteconfrontationn'était làquepourfaireremplissage,c'étaitunamuse-bouchepourdétendrelepalaisentredeuxplats.
Ilallaitsebattreànouveaucesoir?Etelletrouvaitquec'étaitunebonneidée?Mapremièreenviefutdeluiarrachersesparfaitspetitscheveuxbiencoiffés,etjemesermonnai
mentalement.Reyesnem'appartenaitpas.Jen'avaispasmonmotàdiresurcequ'ilfaisait,ycomprisconcernantlescombats,etillesavait.Ilavaitpassédixansenprisonpouruncrimequ'iln'avaitpascommis,etvoilàquej'essayaisdelecontrôler.Exactementcommeilsl'avaientfait.Jouraprèsjour,pendantdixans.Chacundesesmouvements.Chacunedesespensées,dictéesparungardienouunadministrateur.Maisquandmême,ElaineOake?
—Etilfautqu'onrentreàlamaisonavantquelesnouveauxsponsorsn'arrivent,ajouta-t-elle.Ilssontvraimentimpatientsdeterencontrer.
Jefaillism'évanouir.Alamaison?Ilhabitaitavecelle?Monétonnementn'avaitplusdelimite.Jefus complètement désemparée pendant unmoment, et j'essayai de garder l'équilibre àmesure quechaquenouvelledécouvertem'infligeaitunnouveaucoup.
Reyesexaminamonvisage,observantchaquemouvement,chaqueréaction.—Est-cequetupeuxnouslaisseruneminute?demanda-t-il.Je n'étais pas sûre de savoir à qui il s'adressait. Je n'étais même plus sûre que ça m'intéresse
vraiment.
—D'à...D'accord,bégayaElaine.Elles'enallalentement,commesil'effortqu'illuifallaitpourpartirréclamaittoutelaforcequ'elle
possédait.—Tuhabitesavecelle?demandai-jeàmi-voix.Est-cequetuaslamoindreidéedequiestcette
femme?—Oui,répondit-ilavantdemarquerunecourtepause.Etoui.Unpetitrireétonném'échappaavantquejepuisseleretenir.Jemeretournaipoursortir,maisil
attrapa la tableetmebloqua lepassage. Je jetaiun regardendirectiond'Elaine.Elle s'était arrêtéejustederrièrelemurdecasiersetn'avaitpasmanquécequivenaitdesedérouler.Pasplusquejenemanquailadouleurdanssesyeux.BienvenuedanslemondedeReyesFarrow.
—Laisse-moipasser,luiordonnai-je.—Tunem'aspasrépondu.Quevoudrais-tuquejefasseaveccecorpsquetutienstantàcequeje
garde?Jeluilançaiunregardhargneux.—Renvoie-leenenfer.Son sourire me fit l'effet d'un tisonnier brûlant au plus profond de mes entrailles. Est-ce qu'il
prenaitduplaisiràtoutça?Amastupéfaction?Madouleur?—JenepeuxpasfaireçaquandilyatellementdechosespourmedistrairesurTerre.—Unedistraction?C'estcequejesuisàtesyeux?Unhommepénétradanslapièce.Sonentraîneur.—C'estàtontour.—Ehbien?demandaReyes,quiattendaittoujoursuneréponsesérieuse.Cettesituationdevenaitridicule.Jeremarquaiqu'Elaineétaitencorederrièrelaporte,ànousépier,
lessourcilsfroncésd'inquiétude.—Tapetiteamies'impatiente,fis-je,essayantdechangerdesujet.—Jalouse?—Paslemoinsdumonde.—Parcequetum'asl'airjalouse.—Jenesuispasjalouse.Jen'arrivesimplementpasàcroirequetupuissesavoirdetels...—Abdos?Monventreseretourna.Jeprisuneprofondeinspirationavantderépondre.—Goûts.—Mes goûts sont très bons, rétorqua-t-il avant de soulever monmenton à l'aide d'une de ses
mains bandées. Tu ne veux pas demoi dans ta vie, alors pourquoi est-ce que ça te ferait quelquechose?
—Çanemefaitrien.—Danscecas,pourquoies-tuici?—Tumedoisdel'argentpourmesservices.—Ouille,ettouteslesfoisoùjet'aisauvélavie?Jehaussailesépaulesd'unbrefmouvement.—Envoie-moitafacture.Ilsepenchapourmurmureràmonoreille.—Jepréféreraist'envoyerauseptièmeciel.—Jepréféreraisquetulaissestomber.—Maistun'aspasréponduàmaquestion.Saboucheseretrouvacontremonoreille,sarespirationlacaressantdoucement,descendantdans
manuqueavantdesepropagersurmonépauleenvaguesdechaleuraussitoxiquesquedélicieuses.—Qu'est-cequetuveuxquejefassedemoncorps,Dutch?Ilmefallutunebonneminutepourparveniràluirépondre.—Emmène-levoirtasœur.
Mentionnersatrèschèresœurrevenaitaumêmequeluilancerunseaud'eauglacéeàlafigure.Ilrefroiditaussitôt,lecorpstendu,rigide.
—C'estàtontour,répétal'entraîneuravecplusdeforce.Amènetesfessesiciet...LorsqueReyespivotapourleregarder,ilressemblaittantàuncobraprêtàfrapperquel'homme
recula. Il écarquilla lesyeuxpendantune fractionde secondeavantde lever lesmains en signedecapitulation.
—Onvaperdrecetteplacesitunevienspas.C'esttoutcequejedis.Reyes sembla se calmer. Il se tournadansmadirection,m'empoignapar le col etm'attira à lui
jusqu'àcequesabouchenesoitqu'àquelquescentimètresdelamienne.—Rentrecheztoi.Ilmerelâchaenmepoussantdoucementetjememisàfrappersesmainsenréponse.Maisilse
dirigeaitdéjàverslasortie.Rentreràlamaison,moncul.
Chapitre6Pourquoituerlesgensavecgentillessequandonpeututiliserunehache?
Tee-shirtJemetenaisdansunezoneunpeumoinspeupléedel'entrepôt,toujoursaussiconfuse.Ilhabitait
avecelle?Cette femme?Cette saleharceleusepsychopathe?Direque j'étaisétonnéeauraitété leplusgroseuphémismedepuis«Houston,nousavonsunproblème».J'étaisabasourdie.
Mais,nomd'unchien,ilhabitaitavecelle?Majalousiesemblaitsansfin,etjedétestaisça.J'auraisencorepréféréêtreattaquéepardesfourmisdefeuenragéesplutôtqued'êtrejalouse.Cetteémotionsuperflueétaitunecombinaisondepeur,derage,d'humiliation,etd'unmanquedeconfianceensoi.Je baissai les yeux pour observer l'étendue des attributs féminins dont j'étais pourvue, égalementconnus sous le nom de Danger etWill Robinson. De toute évidence, je n'avais aucune raison demanquerd'assurance.
Même si je n'avais aucune envie de voirReyes se battre à nouveau, jeme glissai dans un coinsombre pour faire exactement ça. Il ne serait pas en mesure de me remarquer d'aussi loin et nepéteraitpasunedurite.Fortheureusement,laplateformeétaitassezhautepourquejenerateriendel'actionpar-dessus lafouledespectateurs.Mais jegrimpai toutdemêmesurunepoutremétalliquecimentéedansunpylône,m'yaccrochaietmemisàchercherReyes.
Ilparlaàsonentraîneurpuisseretournapourentrerdanslacage,maisils'arrêtaaprèsavoirfaitun pas. Baissa les yeux. Prit une profonde inspiration. Puis il lança un regard menaçant dans ladirectionexacteoù jemesituais. Jemerecroquevillai leplus loinpossibledans lecoin.Commentest-cequ'ilauraitpumevoir?Peut-êtrequ'ildévisageaitquelqu'und'autre.Ilpenchalatêtesurlecôtéavantdeleverunlongbrasqu'ilpointaendirectiondelasortie.
Commes'ils'agissaitd'unevaguechorégraphiée,lamaréedetêtessetournapoursuivresongeste.Jeme tournaiégalement,histoirequ'ilsne remarquentpasquec'étaitmoiqu'ildésignait.Quand jepivotaiànouveau,ilavaitcroisélesbrasetmelançaitunregardfurieux.Jesautaienbasdupylôneetcroisai lesbrasàmontour.Saufquelesmiensl'étaientpardéfi.S'ilvoulaitàcepointquejeparted'ici,iln'avaitqu'àmetraîneràlaportelui-même.
Non,uneminute,cen'étaitsûrementpasunebonneidée.Avantquej'aieletempsdedéciderdecequej'avaisenviedefaire,lafoulerecommençaàpousser
deshurlementsparcequel'adversairedeReyessortaitdelapièceàl'autreboutdelasalle.Ildétournasonattentionquandunhommeémergeadel'escalier.Jecomprenaisaisémentpourquoi.Ilétaitencoreplusimposantqueleprécédent,plusmusclé.Reyesétaitgrand,maisilétaitmince,robuste,taillépourla vitesse autant que pouf la force. Ce type n'était que force. Il ressemblait plus à un bodybuilderprofessionnel qu'à un lutteur.Et aussi impressionnante que soit la stature deReyes, son adversairedevaitbienfairedixcentimètresdeplus.
Moncœurbonditsiviolemmentenlevoyantqu'ilsecoinçadansmagorge.JesavaisqueReyesétait un être surnaturel, mais il était blessé, et ce type était gigantesque. Je fis un pas en arrièrelorsqu'ilpénétradanslacage.MaisReyesrestasurl'escalier,justedevantsonentrée.Àobserver.Àétudier. Il avait décroisé les bras et baissé la tête et considérait l'autre hommepar-dessous ses cilscommes'ilattendaitquelquechose.Maisquoi?
La foule se tut, dans l'expectative, le souffle court.L'adversaire s'était arrêténet pourdévisager
Reyesàsontour.Ilfronçalessourcilsetregardaausol,commes'ilétaittroublé.Cefutàcemomentque je remarquai quelque chose de flou dans sesmouvements. Une perturbation dans son aura. Ilsecouala têtecommes'ilessayaitdes'éclaircir l'esprit.Unefractiondesecondeplustard,sesyeuxmetrouvèrent. Il lesécarquillasous lecoupde lasurprise lorsqu'ilmereconnut.Jenecomprenaispas pourquoi. Je n'avais jamais vu cet homme de ma vie.Mais, quand il laissa échapper un petithululement,lapeurricochalelongdemacolonnevertébraleetsurmapeau.
Jetrébuchaienarrièrelorsqueletype,ignorantlesportesdesortie,bonditcontrelacageaveclavitesseetlagrâced'unfélin.Unénormeanimaldontunehaineviscéraledéformaitlestraits.Jetentaidefaireralentirlemondeautourdemoi,d'empêchersaprogression-jel'avaisfaitparlepassé,avantl'incidentEarlWalker-,mais il refusaitdem'obéir.Jenepouvaisplusriencontrôler,mêmepaslemartèlementfurieuxdemonpoulsàmesoreilles.
JeremarquaiquelquepartdansmavisionpériphériquequeReyesessayaitdel'intercepter.Ilavaitescaladélacaged'unbondets'étaitprojetédanslesairs,manquantl'hommedequelquescentimètres.Ilremontaversl'arrière,attrapalesommetdelacage,exécutaunmagnifiquevirageenpleinairets'élançaànouveau.Lesbarreauxsemirentàgondolersous lapressiondesonpoidsetde la forcequ'illuiavaitfallupourréussiràsecatapulterdanslafoule.
Puisildisparutderrièresonadversaire.Legigantesquelutteuratterritàquelquesmètresdemoietrouladansmadirection,écrabouillant toutcequise trouvaitsursonpassagecommeunbulldozer,sonvisagerecouvertd'unmasquededéterminationfurieuse.
Etjeneconnaissaismêmepascethomme.J'essayai de faire demi-tour pour m'enfuir. J'utilisai toute ma force pour obliger mes pieds à
prendre la direction opposée,mais j'étais incapable de faire autre chose que dévisager ce type.Leregarder s'approcher encore et encore. De la bave dégoulinait de sa bouche tordue et rappelaitétrangementl'écumed'unchienenragé.Ilsouhaitaitmamort.Il ladésiraitcommeuntoxicomaneabesoindesonprochainfix.Jepouvais leressentir.Sesintentionsmeurtrièresmefrappèrentenuneviolenterafaleunemicrosecondeàpeineavantqu'ilnelefasselui-même.
Ilme percuta avec la force d'un train demarchandises,me renversant si brutalement que je nesentis plusmesmembres.Mais il eut tout juste le tempsdem'envoyer contre lemur derrièremoiavantdetomber.Probablementparcequ'unReyestoutaussiénervéqueluisetrouvaitsursondos.Iltacla l'homme, lui arrachant un hurlement, ce qui ne l'empêcha pas de continuer à essayer de sedébarrasserdeReyes. Il s'entêtait àvouloiravancer.Asebattreetà ramperpour se rapprocherdemoi,quimepressaiscontrelaparoi,transpirantdeterreur.Etdedouleur.Matêteavaitméchammentheurtélemur,etunedouleuraiguëmeravageaitlecrânecommeunetornadebiendécidéeàavalerlamoitiédeBarbara,moncerveau.
Face à ce comportement aussi bizarre que violent, la foule commença à paniquer. Plusieurspersonnesavaientétéblesséesaumomentoùcetypeavaitatterri,maislaplupartl'étaientmaintenantà cause de la bousculade qui s'en était suivie. Alors que certains essayaient de s'enfuir, d'autresvoulaientjustetrouverunmeilleurangledevue.Descrisetdeshurlementss'élevaientetgagnaientenintensitétandisquel'hommefaisaittoutcequiétaitensonpouvoirpours'approcherdemoi.
—Va-t'en!JeposailesyeuxsurReyes.Retenircethommeluidemandaittoutessesforces,etjecomprisàcet
instantqu'ilétaitimpossiblequ'ilsoithumain.Outotalementhumain.Reyessedébattitpourtrouverunemeilleurepriseetl'immobilisaparlecouavantdemelancerun
nouveauregardhargneux.—Charley,bonsang,va-t'en!cria-t-ilàtraverssesdentsserrées.Jeme relevai à toute vitesse lorsque le typemit un coup d'épaule dans la mâchoire de Reyes,
réussissant suffisamment à se dégager de son étreinte pour avancer de quinze centimètres. Il seconcentraànouveausurmoi,sonvisagetorduenunsourirepleindehaine,lasaliveécumantàses
lèvres,lesangjaillissantdesonnez.Sonseulbutétaitdem'atteindre.Ilrampaitengriffantlesol,sesonglesgrattantlebétontandisqu'illuttaitpourgagnerduterrain.
Le chaos alentour prit soudain vie et s'apparenta bientôt à une cacophonie frénétique. Des criss'élevaient des quatre coins de l'entrepôt tandis que les spectateurs s'élançaient vers les portes. Jen'étaispassûrequ'unseuld'entreeuxsachecequ'ilsfuyaientàcemomentprécis.Lesgenshurlaient.Ilscouraient.Etc'étaitsuffisantpourlesmettredanscetétat.Ilssuivaientuniquementparcequenepaslefaireauraitétéaudétrimentdeleurpropresanté.Ilsn'avaienttoutsimplementpaslechoix.
J'avais pris la direction de la sortie lorsque je remarquai un ado dans un sweat-shirt à capucheSlipknot. Au moment où il tomba, je compris qu'il serait piétiné en moins de deux secondes sipersonnenel'aidait.J'essayaidemeprécipiterenavant,maislafouledespectateursfrénétiquesmerepoussaversl'arrière.Jeperdistotalementlegamindevue.
Puisj'entendisunnouveaugrognement.Jenepusm'empêcherdemeretournerpourvérifierl'étatdeReyes.L'hommeavaitprogressé.Ilétaitànouveauàmoinsdedeuxmètresdemoi.Alorsquejeposaiunpiedderrièrel'autre,incapablededétacherlesyeuxdeReyesetdeHulk,l'obscuritésemblajaillir de lui, de cet adversaire, ce type dément qui rampait dans ma direction avec une ferveurenragée. Pendant une fraction de seconde, une deuxième tête émergea de la sienne.Aussi noire etsombrequelesconfinsdel'univers.Avecdesdentsplusaiguiséesqu'unrasoird'obsidienneetpluspointuesquedesaiguilles.Puislabêteretournaàl'intérieurdesonhôte,etjeprisconsciencedecequej'étaisentraind'observer.Undémon.
Non.Jecommençaiàreculerànouveau.Non.C'étaitunhommepossédéparundémon.J'avaisvudes démons par le passé, pendant qu'ils torturaient Reyes. Leurs corps semblables à ceux desaraignées.Leursmembresmusculeuxquisepliaientetsetournaientàdesanglesquin'avaientriendenaturel.Leurstêtesdépourvuesd'yeux,quin'étaientconstituéesquededents,dedents,etd'encoreplusdedents.Et l’und'eux se trouvait dans cet homme. Il commença àgrognerdemanière furieuse etanimale,exprimantsondésirdemeréduireenmiettes.Illedésiraitsiardemmentquelafaimquilerongeaitrayonnaitdansmadirection.
IlessayaunedernièrefoisdesedébarrasserdeReyesd'unmouvementviolent,maisReyesétaittropfort.Cedernierluttaitpourleplaquerànouveauausolet,d'ungesterapide,ilfittournerlatêtede l'homme et lui brisa la nuque. Le craquement irréel qui accompagna le geste, l'angle peuorthodoxeque formasoncou, laviequis'enfuyaitde luien l'espacedequelquessecondes, toutçaprovoquaunnouveaupicd'adrénalinequisedéversalelongdemacolonnevertébrale.Etl'odeurquisedégageaitdelui,commedesœufspourris,m'agressaitlessens.
Unevaguedenauséemesecoua.Jejetaiunrapidecoupd'œilautourdemoi,tentaiderestercalmeafin de déterminer qui avait vu Reyes briser la nuque d'un homme. L'entrepôt était pratiquementdésert,àprésent.Quelquestraînardssetenaientdansl'ombre,desvideurspourlaplupart,etquelquesautres personnes qui travaillaient là. Leurs visages semblaient figés dans une expression de chocalorsqu'ilsobservaientletypemort.
PuisReyessereleva.Ilm'attrapaparlavesteetmesecouajusqu'àcequ'ilobtiennemonattention.—Qu'est-cequ'ilfautfairepourquetutedécidesenfinàm'écouter?L'énormedosed'adrénalinequisurchargeaitmesveinesencemomentavaitbesoindesortir.Jele
repoussaidetoutesmesforces,meprécipitaicontrelemuretvidailecontenudemonestomacsurlesolenbéton.
C'étaitétrange.Jen'avaisencore jamaiseucegenrederéactionaprèsm'êtrefaitattaquer.J'étaisbienplusposée,engénéral.Oualors,sijen'étaispasposée,j'étaisaumoinsàlaverticale.Mais,cettefois-ci,jepouvaisàpeinetenirdebout.Lemondetanguaitautourdemoiàmesurequemonestomacse retournaitviolemment.Cequipouvaitexpliquer le faitque je tremblaisetque j'avaisàcepointbesoindemeplierendeux.Maispourquoi?Pourquoimaintenant?Pourquoicetype?
Reyesnemelaissamêmepasletempsdereprendremonsouffle.Ilm'attrapaànouveauparlebas
delavesteetmetraînaendirectiondelasortie.Jepensaiuninstantàluirésister,maisçam'auraitdemandédel'énergiequejenesemblaisplusposséder.Jemesentaiscommeunepoupéedechiffon,mesmembresballottantautourdel'endroitoùReyesmetenait,mousetinutiles.Aussioptai-jepourunedispute.J'avaistoujoursassezd'énergiepourunedispute.
Jem'essuyailaboucheàl'aided'unemanche,ravalantunenouvellepousséeacideenprovenancedemonestomac,etgrognaid'unevoixétouffée:
—Lâche-moi.Il n'en fit rien. Il continua àme traîner sur le sol comme si jen'étais riend'autrequ'unevieille
serpillière. Je trouvais sa manière de me malmener inutile et totalement gratuite, mais réussir àempêcherlabiled'envahirmagorgeexigeaittoutemonénergiementale.
Jeparvinspourtantàprononcerquelquesmotsentredeuxhoquets.—Qu'est-cequec'étaitquecettechose?Jelesavais,biensûr,maisc'étaittellementirréel.Trophorriblepourquej'assimiletotalementle
concept.J'ignoraisqueleshumainspouvaientréellementêtrepossédés.Jepensaisquec'étaitjusteuntrucdefilmspourfilerlachairdepouleetdescauchemars.Ouuneinventiondesprêtrespourgarderleursparoissienssurledroitchemin.
Mais cethommeétait possédé, aussi sûrementque jeme tenaisdebout ici.Ou, enfin,que jemefaisaistraînersurlesol,plutôt.
Nous étions à mi-chemin de la porte quand Reyes me tourna afin que je le voie, me retenantfermement par les épaules dans une étreinte de fer, son expression plus en colère que, disons,compatissante. Alors, naturellement, cela m'irrita. Je venais de vomir. Était-il incapable de fairepreuve d'un peu de compassion ? Malheureusement, je ne pouvais rien faire à ce propos sur lemoment.Jeravalaiunenouvelleremontéedebileetessayaidedégagersesbras.
—Retourneàtavoitureetfichelecampd'ici,oujetejurepartoutcequiestsaint...Alors que j'étais totalement dans la conversation et que j'avais bien l'intention d'écouter sa sept
millième menace, persuadée que je la prendrais à cœur, j'entendis un autre craquement. Il futrapidement suivi d'un gémissement guttural. Puis d'un nouveau craquement. Et d'un nouveaugémissementquiressemblaitauhululementd'unechouetteblessée.
Jeregardaisurmagauche,dansladirectionoùlecorpsdel'adversairedeReyesétaitresté.Saufqu'iln'étaitplusmort.Ils'étaitmisàquatrepattes,tendantlecoud'uncôtéàl'autrecommes'ilessayaitde se détendre la nuque après une longue nuit de sommeil. L'obscurité tourbillonnait de nouveauautour de lui, comme si le démon avait de la peine à semaintenir dans les limites de l'enveloppephysiquequ'ilhabitait.
Reyesmepoussaversl'avantjusqu'àcequesonvisagenesoitqu'àquelquescentimètresdumien.—Pars.Puislachosesauta.CommeuntigredansleshautesherbesenInde,l'hommeseprojetadansnotre
direction.Droitsurmoi.Reyesmedégageasifortementquematêterebonditànouveau,cettefois-cicontre le sol. Mais les étoiles qui accueillirent ma chute furent vite éclipsées. Tandis que Reyesmarchaitdevantmoi,meprotégeant,tendu,prêtàl'attaque,unautregrognement,profondetguttural,résonnadufinfonddel'univers.
Artémis surgit de nulle part en poussant un grondement féroce et faucha l'homme d'un bondgracieuxalorsqu'ilavaitrecommencéàs'avancerenrampant.Soncorpsphysiquefutentraînéversl'arrière,puisatterritavecunbruitsourdavantdedérapersurlesol,tandisqueledémonlançaitdescrisperçantsensetortillantsousl'assautdemagardienne.Sesdentsessayaientdeserefermersurlecoud'Artémis.Sesgriffes tentaientderéduiresondosencharpie.Elleglapit,maisnese laissapasdémonter, sa tête s'agitantdans tous les senspour secouer ledémonagonisant, sescrocsdéchirantjusqu'àcequ'uneobscuritéépaisse,semblableàdusangvaporeux,émanedeluietsemettreàramperavantdedisparaîtrecommeledémonlui-même.
Jejetaiunbrefregardàmonassaillant.Plusdedoutespossiblescettefois.Cethommeétaitmort.Sesyeuxfixaientlevide,immobilesetsansvie.
Artémis revint ensuite vers moi, baissa la tête, retroussa les babines et poussa un nouveaugrognementquifitvibrersacagethoracique.Direquejepensaisqu'onétaitamies.MaisReyess'étaitégalement retourné, et je serai damnée s'il ne venait pas d'avoir exactement la même réactionqu'Artémis. J'éprouvai à nouveau un fort sentiment d'insécurité, comme lorsque j'ai quelque chosecoincé dans les dents. Sauf qu'ils n'étaient pas vraiment en train de me dévisager. Ils observaientquelquechosequidevaitsetrouverjustederrièrematête.
Jesentisalorslafroideafflictiondelahainebaignerl'arrièredemanuque,etjecomprisqu'ilyenavaitunautre. Je regardaidroitdans lesyeuxvidesdugarçonau sweat-shirtSlipknot. Il étaitbienpluspetitqueleHulk,maissadéterminationétrange,ainsiquelasalivequidébordaitsursonmenton,n'en était pasmoins effrayante.Aumoment où il s'élança dansma direction,Artémis bondit et letraversadepleinfouet,commeuneflèche.Ellearrachaledémonducorpsdel'adolescentetentrepritdedéchiqueterlacréaturejusqu'àsesdentsdefumée.
Legarçons'étaladetoutsonlongdèsl'instantoùledémonlequitta.Ilseroulaenboule,etcefutàcemomentquejelereconnus.C'étaitlegaminquiétaitsurmonsiègearrière.Celuiquej'avaiscrumort.Sescheveuxblondsétaientgrasetsales,etsesyeuxbleusétrangementplusfoncés.Est-cequeledémonquil'avaitpossédéavaitenvoyésonâmeailleurs?Peut-êtrequ'iln'yavaitpaslaplacepoureuxdeux.
Je clignai des yeux, effrayée par mes déductions, jusqu'à ce que Reyes me soulève du sol. Ànouveau.Etremalmenéepar le fils deSatan commençait à bien faire,mais j'étais trop faiblepourréagird'unequelconquemanière.Ilsemitàmetirerverslasortieunefoisdeplus.
—Attends,luidis-jeenmedébattantcontresonemprise.Vachercherlegamin.—Non.Avecunregaind'énergiedûàmonentêtement, jemeretournaietpoussaiReyesassezfortpour
qu'ilmelâche.Ils'arrêtapourm'adresserunregardfurieux.—Parfait.Regarde-moiaussiméchammentque tuveux, lance-moi les regards lesplusnoirsde
tonrépertoire,prendstonmeilleurairrenfrogné,maisjenepartiraipasdecetentrepôtsanscegosse.(QuandReyescroisalesbras,j'enchaînai.)Ilétaitpossédé.C'estungamininnocent.
Artémisbonditdansmadirectionetaboyademanière joueuse. Jemebaissaiet frottaimonnezcontresatruffeavantdereleverlesyeuxversReyes,heureusequ'ellenesesoitpasattaquéeàlui.
—Pourquoiprendraient-ilsungamincommelui?—Ilsontleursraisons.Lesmêmesquifontquetudoist'enaller.—Est-cequ'ilpeutêtrepossédéànouveau?Est-cequ'ilsvontencores'enprendreàlui?Ilbaissalesyeux,pensif.—C'estunepossibilité.Jemeprécipitaiverslegosse,m'agenouillantpourrepousserlescheveuxdesonvisagecrasseux.
Artémismerejoignitetessayadelelécher.Quandelleserenditcomptequ'ellen'yparvenaitpas,ellesecouchaàcôtédelui.
—Commentpeut-ons'assurerqu'ilsnerecommencentpas?Reyes s'agenouilla à son tour et vérifia le pouls de l'adolescent. Artémis semblait totalement
indifférenteàsaprésence,jusqu'àcequ'iltouchelegamin.— Ils ne peuvent pas s'en prendre à lui dans un lieu sacré, expliqua-t-il tandis qu'Artémis se
précipitaitenavantpourluilécherlepoignet.—Vraiment?demandai-je,aussisurpriseparcequ'ilvenaitdem'apprendrequepar laréaction
d'Artémisàsonégard.J'avaiscraintqu'ellen'essaiedeluibroyerlajugulaire,puisqu'ilétaitlefilsdeSatan.—Tuveuxdirecommeleséglisesoulescimetières?
—Oui, répondit-ilengrattantArtémisderrière lesoreillesavantde tourner levisagedugaminpourluiouvrirlespaupières.Ilestenétatdechoc.
— Il faut qu'on l'amène en lieu sûr, dis-je en posant unemain sur son avant-bras. S'il te plaît,Reyes.
Artémissemitàgémircommesielleétaitégalemententraindeluidemandersonaide.Luttantcontrelafrustrationqu'ilressentait,ilsepenchaetsoulevalegamin.Iln'étaitpasvraiment
petit,maisReyesn'eutaucunedifficultéàprendreunadolescentdeseizeansdanslesbras.Artémisaboya,toutexcitée,frottaunedernièrefoissatruffecontremoietretournaàl'endroitd'oùellevenait,oùquecefût,enbondissantdanslesolsousnospieds.Jenepouvaism'empêcherd'êtreadmirative.Oùest-cequ'ellepouvaitbienséjourner?
Jeme retournai vers l'autre homme qui avait été possédé, l'adversaire de Reyes. La culpabilités'emparademoi.C'étaituninnocent,luiaussi.
—Pascelui-ci,ditReyesendonnantuncoupdepiedpourouvrirlaporte.Laplupartdesvoituresavaientdisparu.Heureusement,lapluieavaitcessé.Jelessuivis,observant
legarçonavecattention.—Dequituparles?—Del'hommeàl'intérieur.Ilneméritaitpastacompassion.—Maisilétaitinnocent.Jemedépêchaiderejoindrelaportièreducôtépassager,quin'étaitpasverrouillée.—Non,ilnel'étaitpas.Avancelesiègearrière.Jeremarquaiquelecorpséthérédel'adolescentn'étaitplusdansmavoiture.Était-ilderetourdans
sonproprecorps?Est-cequeça fonctionnait commeça? J'avançai le siège, etReyes ledéposaàl'arrière.
—Lesclés.—Attends,tucomptesemmenermavoiturequelquepart?—Jevaist'emmenerloind'ici.Donne-moilesclésetgrimpe.—Jesaisconduire,merciinfiniment.—Ettuferasquois'ilsefaitposséderànouveaupendantqueturemonteslaI-25?Jeluilançailesclés.—Latransmissionestunpeucapricieuse.Il prit place au volant au moment où les sirènes commençaient à résonner à l'est. Nous nous
dirigeâmesversl'ouest,glissantsurleparkingmouilléavantdenousdéportersurSecond.—Oùest-cequ'onl'emmène?demanda-t-il.—J'ail'endroitparfaitpourl'instant.Ellessaurontquoifaire.Dirige-toiversCentraletprendsà
l'est.Je ne remarquai qu'on avait laissé Elaine Oake à l'entrepôt que lorsque le bruit des sirènes
s'éloigna. Je me demandais s'il fallait que j'en parle, puis je me rendis compte que je devais memontrerplusadultequemamesquinerie.
—Onalaissétapetiteamieàl'entrepôt.Reyesrelevalégèrementuncoindesabouchepoursignifiersonindifférence.—Etonaquittéunescènedecrime.Etunhaussementd'épauleindifférent.—Jenepeuxpasquitterunescènedecrime,luifis-jeremarquerenprenantconsciencedeceque
j'avaisfait.—Tuasledroitcettefois-ci.Jeregardaipar-dessusmonépaule.—Peut-êtrequ'ondevraityretourner.Ilsvoudrontsavoircommentcethommeestmort.Çanesemblaitpasplusl'intéresserquelereste.—Est-cequetuesfauchée?
Ledernier trucdont j'avaisenvie,c'étaitdeparlerdemesproblèmesfinanciers.J'avaisenviedediscuter démons, possession, et de comment des gosses innocents pouvaient soudainement devenirdespionsdanslaguerrecontrelaquelleReyesm'avaitmiseengarde.Maisjedécidaideluirépondre.Peut-êtrequemacoopérationl'aideraitàs'ouvrirdavantage.
— J'ai déménagé de mon bureau, lui expliquai-je en essayant d'ignorer la douleur que meprovoquait la trahisondemonpère,même siReyes la sentirait de toutemanière.Et je neme suistoujourspasremisesurpiedsaprèsl'accident.
—TuappellescequeWalkert'afaitunaccident?—Çamefaitmesentirmieux,alorsoui.Je n'aimais pas songer au fait que ce qu'EarlWalkerm'avait infligé n'avait rien d'un hasard. Il
m'avaittraquéeavecdeuxbutsentête:m'interrogerenusantdelatorture,puismetuer.Maisqualifierçad'accidentrendaitlachoseunpeuplussupportable.
Reyesresserralesdoigtssurlevolant.—Jesuisdésolé,Dutch.Jen'aijamaispenséqu'ils'enprendraitàtoi.Jecroisailesbraspourexprimermondoute,espérantqu'onallaitchangerdesujet.—Tuessaiesdem'amadouerpournepasavoiràpayerlafacture?Ilsouritpresque.—Commenttuenesarrivéeàunmilliondedollars?J'arrachaiunfilquidépassaitdemaveste.—J'aiadditionnémonsalairejournalieretmesdépenses,puisj'aiarrondi.Aprèsm'avoirlancéunregardencoin,ildemanda:—Tun'espastrèsbonneenmaths,hein?Puisqu'onenétaitàchangerdesujet,jedécidaideposerunequestionàmontour.—Pourquoiest-cequetuhabiteschezelle?Il me regarda à l'instant exact où les phares d'une voiture qui s'approchait en sens inverse
illuminèrentsonvisage,leurlumièresereflétantdanssesyeuxd'unbrunprofond.—Ellemel'aproposé.—Tupourrais tout aussi bienhabiter chezAmador etBianca, rétorquai-je, faisantmentiondes
seulsamisqu'ilsemblaitavoir.Ilreportasonattentionsurlaroute.—Jepourraishabitercheztoi.Jegrognai.—Danstesrêves.Pourtant, c'était unepensée étrangement agréable, qui envoyaune étincelle d'intérêt danser dans
monbas-ventre.Danslamesureoùnousétionspolisl'unenversl'autre,j'ajoutai:—Jesuiscontentequetusoissortideprison.—Prouve-le,dit-ilalorsqu'unsouriremalicieuxétiraitseslèvres.J'ignorailespapillonsdansmonventre.—J'aimeraisquetumedonnesdesnouvellesbientôt.Nemeforcepasàveniràtarechercheune
nouvellefois.C'estlà.Jedésignaiunimmeublequisetrouvaitjusteàcôtéd'unedesplusvieilleséglisesd'Albuquerque.
Unepancarteàl'extérieurindiquait«LessœursdelaCroiximmaculée».—Tul'emmènesdansuncouvent?—C'estuneterreconsacrée.Etellesl'accepteraient.Jemetournaipourobserverlegamin.Commentpourraient-ellesrefuser?Reyesralentitàcôtédel'édificeetsegara.Uneseulelampeilluminaitlaported'entrée.Aulieudesortir,jemeretournaiversmonchauffeur.—Ilfautquej'ensacheplus,Reyes.S'ilsenontaprèsmoi,j'ailedroitdesavoircequisepasse.Iléteignitlemoteuretregardaparlafenêtre.
—Jesuisencoreentraind'étudierlespourquoietlescomment.—Pasdeproblème.Jemecontenteraidesquoi.Comme il ne répondait rien, je sortis du véhicule et avançai mon siège dans l'intention de
m'occuperde soncasplus tard.Legaminétait toujours inconscient,mais il remuait.Le tempsqueReyes sorte à son tour et contourne la voiture, une autre pensée m'avait frappée. Une que j'avaistotalementoubliée.
—Jevoulaistedemander...Quandjet'aivucematindevantlebardemonpère,unhommet'afaitsigne.
Ils'appuyasurl'ailedeMiseryetcroisalesbras.—Çaarriveparfois.Onvitdansunmondedefous.—Non,jeveuxdirequetuétaislà,danscecas?Avectoncorpsphysique?—Pourquoiçat'intéresse?demanda-t-ilenchangeantdeposition,commes'ilétaitmalàl'aise.—Parcequetut'esdématérialisé.Toi.Toutentier.Sabouchesensuelleadoptaunsourirediabolique.—Dutch,tusaistrèsbienquec'estimpossible.—Mais...Le gamin remua à nouveau. Je l'observai. Ses cheveux blonds qui retombaient sur son visage
angélique.Seslongscilsetsamâchoirecarrée.Ilferaittomberlesfillespardizaines,pasdedouteslà-dessus.
JereportaimonattentionsurReyesavecunsourireappréciateur,maisilétaitparti.Jefisuntourcompletenscrutantlesenvirons,contournaiMisery,àsarecherche.Ilétaitbeletbienparti.Ilavaitdisparuaussisilencieusementquedelafumée.
Impossible.
Chapitre7Lebonheurnesuffitpas.J'exigel'euphorie!
Tee-shirtReyesnevoulaitdetouteévidencepasrépondreàmesquestions.Oualors,c'étaitparcequ'onse
trouvaitdansunlieusacré.Peut-êtrequ'ilnepouvaitpasmettrelespiedssuruneterresanctifiée.Maisétait-ilcapablededématérialisersoncorpsphysique?Cettesimpleidéemesidérait.
Je rampai jusqu'au garçon dans la Jeep et enlevai les cheveux qui lui cachaient le visage. Il seréveillaensursautetmerepoussa,àmi-cheminentrelaconfusionetlapeur.
—Toutvabien,luidis-je,enmontrantpatteblanche.Tuesenunseulmorceau,maisilfautquejetefasseentrer.
Il promenait son regard partout aux alentours, plissant les yeux chaque fois qu'il me voyait,commes'illesavaitbraquésenpleinsoleil,etjecomprisnonsanssurprisequ'ilétaitcommePari.Ilpouvaitvoirlalumièrequiémanaitdemoi,etelleledérangeaitdetouteévidence.Jetendisunbrasversl'avantdelavoitureetattrapaimeslunettesdesoleil.
—Tiens,çaaide.Quand je remarquai qu'il ne les prenait pas, je dépliai les branches etme penchai pour les lui
enfiler, en faisant bien attention de bouger lentement. Il me laissa faire, mais je compris à lacrispationdesesmusclesqu'ilrestaitsursesgardes.
—C'estmieuxcommeça?Ilexaminalesalentoursavantdereportersonregardméfiantsurmoi.—Ah,oui.C'estmaJeep,Misery.Etmoi,c'estCharley.A peine ces mots m'eurent-ils échappé que je les regrettai. Pourquoi prendrais-je la peine de
présentermavoitureàungaminquisesentait,detouteévidence,retenuprisonnieràl'intérieur?ÇaauraitétécommedeprésenterJonasàlabaleineenespérantqu'ilsallaientbiens'entendre.
—Miseryn'arienàvoiravectoutça,tuasmaparole.—Qu'est-ceque je fais ici?demanda-t-il,et jecomprisalorspourquoi iln'avaitpas réponduà
mesquestions.Iln'avaitpasutilisésavoix.Ils'étaitservidesesmains.—Es-tusourd?luidemandai-jeenlanguedessignes.Ilsemblaétonné.—Oui.—Ehbien,danscecas,jem'appelleCharley,signai-jeenprenantquelquessecondespourépeler
monnomàl'aidedemesdoigts.Jefussoudaintrèsreconnaissanted'êtrenéeavecuneconnaissanceparfaitedetoutesleslangues
jamaisparléessurTerre,quiincluaientunecollectionaussivastequevariéedelanguesdessignes.—Quid'autre?relança-t-il,etjefronçailessourcils,confuse.Tuasmentionnéquelqu'und'autre.—Oui,répondis-je,penaude.Jet'aiprésentémavoiture.(Jelaluiindiquaid'ungesteample.)Elle
s'appelleMisery.—Tuasbaptisétavoiture?—Oui.Et,s'ilteplaît,nemedemandepasàquoid'autrej'aidonnéunnom.Tuestropjeune.Unlégersouriredéfilasurseslèvres.—MonnomestQuentin,m'apprit-ilenépelantàsontoursonprénom,avantdeleverunbrasetde
placerunQsurl'extérieurdesonpoignetdroit,m'indiquantsonnomsigné.— Enchantée, lui dis-je et, par politesse, il me répondit par la pareille, même si je doutais
fortement qu'il le pense. Je t'ai amené ici pour ta sécurité.Est-ce que tu te souviens de ce qui t'estarrivé?
Ildétournalesyeux.—Quelquestrucs.Mince.Ilauraitbesoind'unsoutienpsychologique.J'attendisqu'ilmeregardeànouveau.—Celapourraitsereproduire.Ils'immobilisa,etunevaguedepeurflottadansmadirection.—Jesuissincèrementdésolée.Ilfautquejetefasseentrerdanscebâtiment.Tuyserasensécurité.
Ilsepenchapouryjeteruncoupd'œil.—Est-cequetuasdelafamille,iciàAlbuquerque?—A-B-Q?demanda-t-il,nereconnaissantpasl'abréviation.Jeluiépelailetout.Cequiconstituaunvraidéfi.—Oui,tuesàAlbuquerque,auNouveau-Mexique.Iln'avaitpasbesoindeparlerpourquejelecomprenne.Lechocselisaitsursonvisage.Je posai lamain sur son épaule pendant quelques instants, lui laissant le temps d'absorber cette
informationavantdecontinuer.—D'oùviens-tu?—Washington,répondit-illorsqu'ileutrécupéré.—Oh,tuesloindecheztoi.Tutesouvienscommenttuesarrivéici?Ilsetournaencoreunefoispourdissimulerleslarmesquiluibaignaientlesyeux.Jeprisçapour
unnon.Ildevaitdéjàêtrepossédélorsqu'ilavaitquittélaville.—Jepeuxcontactertafamille.Leurdirequetuvasbien.Ilsecachalevisaged'unemain,etmoncœursecouvritd'unvoiledetristesse.Jeposaiunepaume
sur son épaule à nouveau, puis la lui frottai, tentant de le réconforter. Il n'avait pas besoin dem'expliquerquoiquecesoitpourquejecomprennequ'iln'avaitpasdefamille.Jemedemandaiss'ilétaitsansdomicilefixe.
Sonchagrinmefitmanquerd'air.Ilsesentaitsiperdu.Siseul.—Est-cequevouscomptezbientôtrentrer?Ilcommenceàsefairetard.Je sursautai en apercevant Sœur Mary Elizabeth devant Misery. Une crainte mêlée de respect
s'emparademoi.—Est-cequelesangesvousontavertiequ'onallaitvenir?—Non,jevousaivusvousgarer.—Ah.Çafaisaittoutdesuiteretomberl'ambiance.—Etlesangesnemedisentjamaisrien.Jenefaisquesurprendreleursconversations.—C'estjuste.J'avaisoublié.J'attiraiQuentinhorsdelavoitureetluiprésentaiSœurMaryElizabethetlestroisautresnonnes
qui étaient sortiespournousaccueillir.Elles sepressèrent autourde lui commedesmèrespoules,puis vérifièrent une griffure sur son visage et une entaille plus profonde à son poignet. Certainesd'entreellesconnaissaientmême la languedes signes,pourmonplusgrandplaisir.Tout iraitbienpourlui.Pourl'instant,entoutcas.
Ellesnousconduisirentdanslecouvent,nousfirentdelasoupe-quiavaitbienmeilleurgoûtqueles relents de vomi qui s'accrochaient encore à mon palais - et du chocolat chaud, puis elles meposèrentunmillierdequestions,commeenquoiconsistaitmonjobdeFaucheuseetqueleffetcelafaisaitquanddesgenspassaientàtraversmoi,etcejusqu'àcequelamèresupérieurearriveetmetteuntermeànotrepetitesauterie.SœurMaryElizabethleuravaittoutracontéàmonpropos,etilétait
normal qu'elles soient curieuses. Je n'avais pu m'empêcher de remarquer qu'elles avaientsoigneusementévitéd'aborderleproblèmedeReyes.Ellessavaientquiilétaitetdequellemanièrenousétionsconnectés.
Jeme tournai versQuentin. Il était captivé par sa conversation avecSœurAnne à propos de laXbox,quiavaitselonellelesmeilleursgraphismesetlemeilleurstreamingendirect.SœurAnnes'yconnaissait,etelleavaitcomplètementdésarméletimidejeunehomme.
Ilremitleslunettesafindepouvoirmecomprendre.—Tuvasrestericiquelquetemps,d'accord?luidemandai-je.—Est-cequejepeuxveniravectoi?—Non, il fautque tu soisdansun lieu sacrépour être en sécurité.Monappartement estplutôt,
disons,pastrèscatholique.Il acquiesça et regarda autour de lui pour ne pas montrer qu'il n'était pas rassuré à l'idée de
séjournerdansunemaisonrempliedenonnes,mêmes'ilsemblaitunpeusoulagé.—Situasbesoindequoiquecesoit,envoie-moiuntexto,fis-jeenluitendantmacarte.Attends,
tuasunportable?Ilsemitàfouillersavesteetlespochesdesonjean,puisilensortituntéléphone,qu'ilmemontra
avecunénormesourire.Maisildisparutdèsqu'ileuttapotésurlestouches.—Ilestmort,signa-t-ild'unemain.—Jepeuxtetrouverunchargeur,luiditSœurMaryElizabethensignantàsontour,sanscacher
sonenthousiasme.—Merci,répondit-ilpoliment.C'estquoi,tonnomsigné?Jebaissailatête,enproieàunehonteindicible.— Je n'en ai pas.Aucun demes amis sourds nem'en a jamais donné. Chaque fois que je leur
demande,ilsrétorquentqu'ilssonttoujoursentraind'yréfléchir.Ondiraitqu'ilsévitentleproblème.—Pourquoi?—Jepensequec'estparcequej'aitellementdequalitésqu'ilsn'arriventpasàchoisirsurlaquelle
seconcentrerpourmedonnerunnomsigné.Ilrigoladoucement.—Lesgensquientendentbiensontdesfous,s'exclama-t-il,sessignesapproximatifs,commes'il
faisaitsemblantquejen'allaispaslecomprendre.—Ahouais?demandai-jeenbombantletorse.Ehbien,ceuxquisontatteintsdesurditéparlentla
bouchepleine.Jememisàrireàmapropreblague,laplusvieilledanslegenre.Quentin leva les yeux au ciel, et je saisis cette opportunité pour le prendredansmesbras. Il se
figeatoutd'abord,puisilmerenditmonétreintecommesisavieendépendait.Nousrestâmesainsijusqu'à ce qu'il me relâche. Je déposai un baiser sur une de ses joues sales avant de le lâchercomplètement,etilpenchalatêteàsamanièresiadorablementtimide.
—Jereviensbientôt,d'accord?— Attends, dit-il, soudain inquiet. Est-ce que les nonnes mangent du bacon ? J'aime vraiment
beaucouplebacon.SœurMaryElizabethtapotasonbraspourattirersonattention,puisluirépondit.—J'adorelebacon.J'enferaipourlepetitdéjeuner,çatedit?Ilacquiesçaet laissalesbonnessœurs-quiétaientenchantéesàl'idéedeleprotéger- l'escorter
jusqu'à leurs dortoirs, où il trouverait de quoi se doucher et se changer. Il avait l'air relaxé etreconnaissant, ce quime relaxait etme rendait reconnaissante également.Et j'avais bien vu que lamèresupérieures'étaitprised'affectionpourlui.Quelquechosedeprofondenellesemanifestaitdèsqu'ellecroisaitsonregard,quelquechosedechaleureuxetdematernel,etjemedemandaisbienquelssouvenirsresurgissaientquandellel'observait.
Unefoisquetoutlemondefutparti,jeclouaiSœurMaryElizabethàsachaiseavecmoncélèbre
regard courroucé. Elle ne s'en formalisa toutefois pas, si j'en jugeai à son regard à elle, qui étaitbrillantetm'évoquaitlégèrementdestroublesdel'attention.Unregardauqueljen'avaisaucunepeineàm'identifier.
—Jesaiscequevousallezmedemander,annonça-t-elleàsamanièreprécipitée.—Bien,commeça,çam'évited'avoiràlefaire.Qu'avez-vousentendu?Le superpouvoir de Sœur Mary Elizabeth était sa capacité à entendre les anges. Littéralement.
Comme un système d'écoute téléphonique surnaturel, et sans-fil. Elle avait pu écouter des êtressuprêmesparlerdenouspendantdesannées.Jemedemandaisbiencequ'ilspouvaientdire.Jen'étaispassiintéressantequeça.
Ellepencha la tête et seplongeadans la contemplationde son thé.Çane lui ressemblaitpas. Jesentaisqu'elleallaitmedonnerdetrèsmauvaisesnouvelles.
—Ilsontdécouvertunmoyendevouspister.Oh,ehbien,çanemesemblaitpassiatrocequeçasionregardaitletableaudanssatotalité.—Quiça?Lesdémons?—Oui,lesdéchus.Ilsontélaboréunnouveauplan.—Ilsprennentpossessiond'humains,rebondis-je,dégoûtée.C'estça,leurgrandplan?Devolerla
vied'êtreshumains?Delesdétruire?Ilsontpossédécegaminsansraison.—Ilsavaientune raisonde le faire,dit-elleavantde laissercourirundoigtsur lecontourd'un
morceau de sucre. Ils ne sont capables de posséder que les gens qui sont sensibles au royaumespirituel.Ceuxquisontclairvoyants.
Jetournailatêteendirectiondel'endroitoùellesavaientemmenéQuentin.—AlorsQuentinestclairvoyant?—Oui.Totalement.—Cool,maisquelestlerapportavecmoi?Laclairvoyance,c'estpascequipermetdevoirdans
lefutur?—Pasnécessairement.Celacomprendtouteslespersonnesquisontdotéesdelavision.Ceuxqui
peuvent contempler le royaume spirituel.Certainsnaissent avec cette capacité.D'autres l'acquièrentpard'autresmoyens,commelesexpériencesdemortimminente.
JepensaiàPari.Ellepouvaitapercevoirlesfantômesdepuisqu'elleétaitmortependantquelquesinstantsalorsqu'elleétaitenfant.
—Maispourquoilesviser,eux?Qu'ont-ilsàygagner?—Parcequ'ilspeuventsouventvoirlesauras.—D'accord,répondis-je,necomprenanttoujourspasoùellevoulaitenvenir.—Ets'ilspeuventdiscernerlesauras,dit-elleenplaçantunemainsurmonbras,ilspeuventvous
remarquer.Jememisunegiflementale.Jepouvaisêtretellementlenteàladétente,parfois.— Bien sûr. Ça explique pourquoi ils ont choisi Quentin. Il peut percevoir la lumière que je
dégage.Il faudrait que je rende visite à Pari pourm'assurer qu'elle allait bien et qu'elle n'avait pas été
possédéedepuisladernièrefoisquejel'avaisvue.—C'estainsiqu'ilsparviennentàvoustraquer.Etsij'encroislesconversationslesplusrécentes,
les démons se rapprochent. C'est pour cela qu'ils vous ont envoyé un gardien. C'est pour çaqu'Artémisvousaétéassignée.Ilssavaientquec'étaitsurlepointdeseproduire.
Mince.Jemedisaisbienqu'ildevaityavoiruneraisonbienmorbideetprésagedecatastrophelàderrière.Artémisn'auraitpassimplementpuêtreuncadeaudependaisondecrémaillèretardif.
—Est-cequ'ilspeuvent lui fairedumal?demandai-je, soudain inquiète.Est-ceque lesdémonspeuventfairedumalàArtémis?
—Jen'ensais rien.Jen'ai rienentenduàcesujet,ajouta-t-elleavantdes'éclaircir lavoixetdeprendrematasse.Désirez-vousencoreunpeudethé?
—Volontiers,merci,répondis-je,latêteailleurs.Lamère supérieure revint et s'assit alors que SœurMaryElizabeth rassemblait nos tasses et se
levaitpourallerpréparerduthé.Ellemedévisageadesameilleureexpressionpleinededédain.Jesouris.Inspectailesdétailsdesportesboisées.Tapaimesdoigtsenrythmesurlatable.Jetaiun
coupd'œilàmamontre.Ouplutôtàmonpoignet,làoùmamontreseseraitsituéesijen'avaispasoubliédelamettre.
—Vous savez, commença-t-elle après une longue réflexion, il m'a fallu du temps pour... (Ellesemblaavoirdelapeineàtrouverlesmotsjustes.)croireenl'existencedescapacitésdeSœurMaryElizabeth.
Oh,cool.Ellen'allaitpasparlerdemoietdemapiledepéchés.Parcequ'onenauraiteupourunbail,sitelavaitétélecas.
—Jecomprends,dis-je,essayantdememontrersympathique.Ilfautsouventdutempsauxgenspourcroireauxmienneségalement.Iln'yariendemalàça.
—Enfait,si.EllenousaétéenvoyéeparDieu,etj'airemissescapacitésenquestion.J'aidoutédesondon.C'estquelquechosedontjedevrairépondrequandlemomentviendra.
Çamesemblaitunpeuextrême.—Jenecroispasqu'utilisersalogiqueetsoninstinctsoitunpéché.Sonsourireétaitplussympathiquequ'assuré.—Seloncequ'ellenousadit,unegrandeetterribleguerreseprofileàl'horizon.—C'estexact,rebonditSœurMaryElizabeth,acquiesçantdemanièreenthousiastetandisqu'ellese
rasseyaitetmetendaitunenouvelletassedethé.Etelleseracauséeparunimposteur.—Unimposteur?répétai-je.LamèresupérieureposasamainsurlebrasdeSœurMaryElizabethpourlafairetaire.— Pas croyable, m'exclamai-je en promenant mon regard de l'une à l'autre. Vous avez des
informationsquimeseraientutiles,etvousnem'enfaitespaspart?—Cen'estpasànousdelefaire,réponditlamèresupérieure.Cetteinformationestsacrée.Elle
nousaétédonnéeafinquenouspuissionsprier.—Jepeuxprier,rétorquai-je,mesentantinsultée.Vousn'avezqu'àmedireàquelsujet.Jesuistout
àfaitprêteàlemettresurmalistedetâches.Lamèresupérieurerelâchasonmaintiendeferetunpetitsourirevintétirerlecoindeseslèvres.—Laprièredoitêtrevécue,pasrayéed'unelistedechosesàfaire.Zut.Elleavaitraison.—Maisonestentraindeparlerdemavie,là.—AinsiquedesviesetdusalutdetouteslespersonnessurTerre.Votredestinéeestd'yjouerun
rôle.Vousdevezsimplementdéciderlequel.—Desénigmes?demandai-je,peuenthousiaste.Vousmeparlezenénigmes?Sœur Mary Elizabeth avait écarquillé les yeux dans une ardeur tout innocente pendant qu'elle
observaitnotreéchange.Elleressemblaitàunenfantquiregardesoncartoonpréférélesamedimatin.Trèsbien,ellesconservaientlesinformationsjuteusespourelles.—Est-cequevouspouvezaumoinsmediredequoijesuiscapable?—Detoutcequevousêtesenmesured'imaginer,merépondit-elleavecunénormesourire.— J'en doute, rétorquai-je, faisant de mon mieux pour ne pas avoir l'air déçue. J'ai une
imaginationtrèsfertile.Lamèresupérieuretapotalebrasdesaprotégée.—Ilestl'heured'alleraulit,annonça-t-elled'unevoixmaternelle.C'étaitmonsignaldedépart.Ellesmepromirentd'avoir l'œilsurQuentin jusqu'àcequ'ilpuisse
sortirentoutesécurité,maisellesensavaientplusquemoiàcesujet.J'essayaidenepasleurentenirrigueur.Pastrèsfort,maisjefisquandmêmeunminusculeeffortavantd'abandonneretd'envouloir
àl'humanitétoutentière.Sansvraimentcomprendrepourquoi.Heureusement,jen'ypensaisdéjàplusletempsd'arriveràMisery,trempéejusqu'àl'ospuisqu'ils'étaitremisàpleuvoir.
J'appelai Cookie. Elle savait où j'étais allée et devait être rongée par l'angoisse. Ou renduetotalementhystériquepardesidéescochonnes.Reyesavaitceteffetsurelle.Ilavaitprobablementceteffetsuruntasdefilles.
—Alors?demanda-t-elleendécrochant.—Tucroisqu'onestvraimentseulsdansl'univers?—Tut'esdenouveaufaitenleverpardesextraterrestres?—Non,Dieumerci.Unefoism'asuffi.—Ah,ouf.Bon,ques'est-ilpasséavecReyes?Tul'asvu?—Jel'aivu.Ons'estdisputé.J'aigerbé.—Tuasvomi?—Oui.—SurReyes?—Non,maisuniquementparcequejen'yaipaspensésurlemoment.JefaisuncrochetchezPari
pourvoircommentvaHarperavantderentrer.Histoirequejen'aiepasmisunsoutien-gorgepourrien.
—Magnifique,donctuasquelquesminutespourmeracontercequis'estpassé.Jemedisaisbien.Jeluiexpliquaitoutcequis'étaitpasséenutilisantlesphraseslespluscourtes
possible.Pari n'habitait pas si loinque ça. Il fallait que je reste concise.Aumoment où j'arrivai àdestination,chaquemoléculedemoncorpsétaitentraindevibrer.Commesilerésumédesmomentspassés avecReyes était aussi intense que lesmoments eux-mêmes.Comment un hommepouvait-ilêtre si inhumainement parfait ? Probablement parce qu'il n'était pas humain. Sa présence semblaitcauserdesperturbationsdansmoncontinuumespace-temps.Jemesentaisdésorientéequandilétaitlà.Instable.Etj'avaischaud.Sichaud.
—Etlafacture?demanda-t-elle,l'espoirperlantdanssavoix.—Jeluiaiditdem'envoyerunchèque.—Unchèque?répéta-t-elle,horrifiée.Ilnepouvaitpasjustetedonnercequ'ilnousdevait?—Peut-être,maisilmedoitbienplusàmoiqu'àtoi.Jepensequ'ilnetedoitquedeuxdollars.Savoixdevintsoudainprofondeetrauque.—Jepourraisfairebeaucoupdedégâtspourdeuxdollars.Envoiecegarçonici,etjeleprouverai.Ellemefaisaitunpeupeur,parfois.Jemisuntermeàl'appelaprèsluiavoirpromisd'enleverle
goûtdevomidemaboucheauplusvite.Maismonespritétaitrevenuauproblèmeprésent.Ou,plusprécisément,auxproblèmes.Commedansmultiples.Ilsétaientderetour.Lesdémons,danstouteleurgloire.Etilsavaientunplan.Jefaisaisdesplansmoiaussi,desfois,maisilsimpliquaientrarementladominationdumonde.Deshot-dogsgrillés,peut-être.Etdelatequila.
Après avoir trouvé une place, jeme garai derrière le salon de tatouage en face d'un signe quistipulait « Interdiction de stationner ». Dans la mesure où il n'expliquait pas clairement à qui ils'adressait,jemedisaisqu'ilétaitpossiblequecenesoitpasàmoi.Jecourussouslapluieetmefistremperànouveau.J'avaisbien l'intentiondemeplaindreauprèsdeParietdeTre,mais ilsétaienttous lesdeuxoccupésàextirperdesgémissementsdedouleurde leursclients,aussi les laissai-jeàleurs affaires etmedirigeai-jevers la chambred'invités improvisée.Harper, qui semblait fascinéeparlatexturedesmurs,sautasursesjambesàlasecondeoùjepénétraidanslapièce.
—Avez-voustrouvéquelquechose?—Pasgrand-chose.Commentallez-vous?demandai-jeenprenantplace sur lecanapéeten lui
faisantsignedes'asseoiràcôtédemoi.Ellelefitàcontrecœur.—Çava.—J'aiparléàvotrebelle-mèreaujourd'hui.Pourquoinem'avez-vouspasditqueçaduraitdepuis
quevousétiezenfant?Elleselevaànouveauetmetournaledos,embarrassée.—Jenepensaispasquevousmecroiriez.Personnenem'ajamaiscrue,etencoremoinsquandje
racontel'histoireenentier.—Onvafaireuntruc,proposai-je,comprenantexactementcequ'elleressentait.Vouspromettezde
mefaireconfiance,etjeprometsdevouscroire.D'accord?—D'accord.Je parvins finalement à la convaincre de se rasseoir, mais elle se cachait derrière ses longs
cheveuxnoirs.—Pouvez-vousm'expliquercequis'estpassé?Commenttoutçaacommencé?—Jen'ensaisrien.Jenemerappellepas.—Votrebelle-mèreaditquetoutavaitcommencéaprèsqu'elleaépousévotrepère.Harperlevalesyeuxaucielavantdelesreportersurmoi.—Ellea toujoursprétenduça,parceque toutestàproposd'elle.Àproposde leurmariage.Ça
n'aurait jamais pu avoir le moindre rapport avec moi, avec le fait que j'ai été traumatiséepratiquementtoutemavie.
Elleagitalesbrasdefrustration,etcequejevisd'elleencetinstantmeplut.Labattante.Lafemmeintelligenteetcapablequej'étaissûrequ'elleseraitdevenuesiellen'avaitpaseuaffaireàunharceleurpsychopathetoutesavie.
Jeluioffrisunsourireappréciateur.—C'estmieux.—Quoi?Sesadorablessourcilss'étaientrejointssursonfront.—Oubliezça.Pourquoiest-cequevousnemedonneriezpasvotreversiondesfaits?Elleprituneprofondeinspirationetselaissaallercontreledossierducanapé.—C'esttout.Jenemesouvienspas.Ilssesontmariés.Oui,contremavolonté,maisjen'avaisque
cinqans,alorsjen'avaispasmonmotàdire.Ilssontpartisenlunedemiel.Jesuisrestéeavecmesgrands-parents maternels à la ferme de Bosque pendant qu'ils étaient loin, expliqua-t-elle, et sonattentionseportaànouveausurmoi.Mesgrands-parentsbiologiques,ducôtédemamère,étaientdespersonnesmerveilleuses.Ensuiteilssontrentrésetc'estlàquetoutacommencé.Justeaprèsleurlunedemiel.
Jesortisuncalepinetentreprisdeprendredesnotes.Çamesemblaitlabonnechoseàfaire.— OK. Dites-moi exactement comment tout a débuté. Quel est le premier truc que vous vous
souvenezavoirremarqué?Ellehaussalesépaules.—Jesuisrevenuesurcesévénementstellementdefoisavecmespsychothérapeutesquejenesuis
mêmeplussûredesavoircequiestvraietcequej'aiinventé.C'étaitilyasilongtemps.—Ehbien, jesuiscontented'apprendrequevousavezconsciencequecertainsdecessouvenirs
puissentêtrelefruitd'annéesdepsychothérapie.Ilpourraits'agirdufruitdevotrepropreespritquiessaiedefairefaceauxcirconstances.Maissupposons,àtitred'hypothèse,qu'ilsnelesontpas,quechaquechosedontvousvoussouvenezs'estréellementproduite.Quepouvez-vousmedire?
—D'accord.Ehbien,jecroisquetoutacommencéquandj'airetrouvéunlapinmortsurmonlit.—Unvrailapin,donc?Mort?—Oui.Jemesuisréveilléeunmatinetilétaitlà,étenduaupieddemonlit.—Ques'est-ilpassé?—J'aihurlé,répondit-elleentournantlesyeuxversmoi.Monpèreaaccouru.Ill'aemporté.Elles'exprimaittoujourscommesiellesetrouvaitenséance,inquiètedecequejepourraispenser,
delamanièredontj'allaisanalyserchacundesesmouvements.—Jecomprends,Harper.Votrepèreestvenuàvotresecours.Doncc'étaitpeut-êtrepourattirer
sonattention,c'estça?C'estcequevousavezapprisduranttoutescesannéesdethérapie?Quevousétiezjusteentraind'essayerd'attirerl'attentiondevotrepère?
Elleserembrunit.—Quelquechosecommeça.Peut-êtrequ'ilsavaientraison.— Je croyais qu'on avait un accord. (Elle se retourna vers moi.) Je pensais qu'on partait du
principequevousn'avezrieninventé,quevousn'avezniimaginénifabriquétoutça.(Jemepenchaiunpeuplusprèsd'elle.)Quevousn'êtespasfolle.
—Maisçasemblelogique.—Évidemment.Commefairedel'exercicerégulièrementpourresterenforme.Maisvousneme
voyez pas en faire, là, n'est-ce pas ? Et si ça peut vous aider à vous sentir mieux, je peux vousdiagnostiquer. Vous expliquer toutes les raisons pour lesquelles vous auriez pu inventer cesaccusations.J'aisuividescoursdepsychologie.Jesuistoutàfaitqualifiée.
J'entrevisunsouriretimideautraversdurideaudesescheveux.— Je sais ce que vous ressentez. J'ai été analysée à n'en plus finir, moi aussi. Pas, disons,
professionnellement,mêmesijesuissortieavecunétudiantenpsychoquiprétendaitquej'avaisdesproblèmes d'attention. Ou en tout cas, je crois que c'est ce qu'il avait avancé. Je ne l'écoutais pasvraiment.Bref,qu'est-ceque jedisais? (Commeil lui fallutplusdedix-septcentièmesdesecondepourréagir,jecontinuaimatirade.)Oui,donccequej'essaied'expliquer,c'estque...
—Vousêtesplusfollequejenelesuis?Elleretroussalenezdeplaisir.—Quelquechosecommeça,répondis-jeenriant.Alors,ques'est-ilpasséaveccelapin?—Rien,vraiment.Monpèreaditquelechienl'avaitramené,maisiln'avaitpasledroitd'entrer
danslamaison.—Est-cequevouspouvezmedécrirelelapin?Yavait-ildusang?Elleméditaquelquesinstants,fronçantlessourcilstandisqu'elleseconcentrait.Puisunsoupçonde
peurtraversasonvisage.—Personnenem'ajamaisdemandéça.Enplusdevingt-cinqans,pasuneseulepersonnenem'a
questionnéesurlelapin.—Harper?—Non.Désolée.Non,iln'yavaitpasdesang.Pasunegoutte.Sanuqueétaitbrisée.—OK.Elleavaitl'airdetirerdesconclusionssurcertaineschoses.Jemedemandaissielleétaittoujours
entraindeparlerdulapin.Jegardailesilencependantquelquesinstantsafindeluilaisserabsorbercequ'elledevait,puisrepris:
—Ques'est-ilpasséensuite?Qu'est-cequivousapousséàcroirequequelqu'unessayaitdevoustuer?
Elleclignadesyeuxetreportasonattentionsurmoiensecouantlatête.—Oh,ehbien,justequelquespetiteschoses.Deschosesétranges,lesunesaprèslesautres.—Comme?—Commelafoisoùmonbeau-frèreamis le feuà lanicheduchien,alorsque lechienétaità
l'intérieur.—Votrebeau-frèreafaitça?Volontairement?—Ilditquec'étaitunaccident.Jelecroisàprésent,maiscen'étaitpaslecasàl'époque.—Pourquoipas?—Parcequemacouvertureélectriqueaprisfeuaucoursdelamêmenuit.—Pendantquevousétiezdessous?demandai-je,mêmesijeconnaissaisdéjàlaréponse.—Pendantquej'étaisdessous.Eh bien, son enflure de demi-frère venait de prendre la première position surmon podium de
suspects.
—Maisçaarrivaittoujourscommeça:pardeux.—Quevoulez-vousdire?—J'avaisune fêted'anniversaire, environune semaineaprès lepremier incident, celuidu lapin
mort.Etlasœurdemabelle-mèreestvenueàlafêteavecsesdeuxaffreuxrejetons,expliqua-t-elleentremblant de dégoût. Ils étaient si agressifs. Enfin bref, elle m'a offert un lapin. Un lapin blancsemblableentoutpointàceluidemachambre,saufquequelqu'unavaitfaitdepetitstrousdanssondosetavaitretirédurembourrageafinquesatêtependesurlecôté.
—Commesisanuqueétaitbrisée?—Exactement.Quelle famille aimante. Je n'avais pas le cœur de lui parler du lapin que j'avais trouvé dans sa
cuisine.Ilauraitpus'agirdumême,ouilauraitpuêtreplacélàplusrécemment,maisj'avaispeurdelaperdretotalementsijelementionnais.
—Tout lemondea rigolé, continua-t-elle,quand ilsontvuàquelpoint j'étaisbouleversée.Matantemel'atenduenfaisantsautersatêted'uncôtéàl'autre.Elleavaitunrireperçantquimerappelaitlebruitquefaitunjetaudécollage.
—Etvousaviezcinqans?demandai-je,horrifiée.Elleacquiesçaetcommençaàretirerdespeluchesdesonmanteaubleufoncé.—Quefaisaitvotrepèrependanttoutcetemps?—Iltravaillait.Iltravaillaittoujours.—Ques'est-ilpasséd'autre?—Justedeschosesétranges.Desbijouxquidisparaissaient,oumeschaussuresquiseretrouvaient
lacéesentreelles,chaquematinpendantunesemaine.Deschosesquipouvaientdetouteévidenceêtremisessurlecompted'unbeau-frèremorveuxqui
luifaisaitdesfarces.—Ensuite,j'aicommencéàvoirquelqu'undansmachambrelanuit.—Ça,c'estangoissant.—Vousm'endireztant!—Etvousn'avezjamaisreconnulapersonne?Ellesecoualatêteavantdemerépondre.—Cen'estpasdevenuvraimentinquiétantjusqu'àmesseptansenviron.Monbeau-frèrem'afait
cadeaud'unebagueenplastiquedécoréed'unearaignée,expliqua-t-elleensouriantsincèrement.Onaimaitlesaraignées,lesinsectes,lesserpentsetlestrucsdugenre.
—Les araignées sont cool, tant qu'elles respectent les limites personnelles, dis-je.A savoir lesmiennes.Maispourquoiest-cequej'ail'impressionqueçanes'arrêtepaslà?
—Cettenuit-là,lanuitoùilm'aoffertlabague,j'aiétémorduetroisfoissurleventreparunbébéveuvenoirependantquejedormais.Ilsenonttrouvédeuxdansmonpyjama.
—Quelqu'unauraitpulesymettrependantquevousdormiez.—Exactement.—Vouspensezquevotrefrèreaquoiquecesoitàvoiravecça?—Jemesuisposélaquestionpendantlongtemps.Nousn'étionspastrèsprochesaudébut,surtout
aprèsl'épisodedelaniche.Maisonacommencéàs'apprécierénormément.Ilétaitleseulmembredemafamillequimecroyait,etquimedéfendaitmêmecontremabelle-mère.Çalarendaitfurieuse.
—Jepeuximaginer.Etjelepouvaissanspeine.Labelle-mèredeHarperétaitàpeuprèsaussiaimantequelamienne,
mais la mienne ne m'avait jamais posé de veuve noire sur le corps ni n'avait mis le feu à macouverture électrique. À une époque, je pensais qu'elle essayait de passermon cerveau aumicro-ondesàl'aidedelatélécommande,maisjevenaisdemefaireunmarathonLaQuatrièmedimensiondetroisjours,durantlequelj'avaiseutroppeudesommeilettropdecaféine.Etj'avaisquatreansàcemoment-là.
—Bon,est-cequeças'estproduitduranttoutevotrevie?demandai-je.—Oui.Jetrouvaisdessourismortesdansmachambre,oudesinsectesdansmeschaussures.Une
fois, jemesuisverséunverredelait,et letempsquejeremettelecartonaufrigoetquejetartinemontoastdebeurre,quelqu'unyavaitglisséunverdeterre.Uneautrefois,jesuisrentréed'unenuitchezuneamieetj'airetrouvétoutesmespoupéeschauves.Quelqu'unleuravaitrasélatête.Biensûr,on n'avait vu personne entrer dans ma chambre. C'était encore une de mes tentatives pour attirerl'attention.
Jepinçailabouchededésapprobation.—Queva-t-onfairedevous?Ellesemitàrire,etjefuscontentedeconstaterquejepouvaisl'aideràretirerunpeud'humour
d'une situation ô combien horrible. Çam'avait toujours aidée àm'en sortir. La vie était bien tropcourtepourêtrepriseausérieux.
Jedécidaidedécouvriroùelles'étaitenfuiependanttroisans.C'étaitunelongueduréepourfairelesquatrecentscoups.
—Votrebelle-mèrem'aracontéquevousaviezdisparu.—Oui.Quandj'aieuvingt-cinqans,j'enaifinalementeuassez.Jeleuraiditd'allersefairevoir,
etjesuispartie.J'aicomplètementdisparu.J'aichangédenom,trouvéunemploi,j'aimêmeprisdescoursdusoir.Maislorsquemonpèreesttombémalade,jen'aipaseulechoix.J'aidûrentrer.
—Quandétait-ce?—Ilyaenvironsixmois.—Commentavez-voussuquevotrepèreétaitsouffrant?Ellebaissalatête,sestraitss'adoucissanttandisqu'ellesesouvenait.—J'avaisuncontact,répondit-elle,puiselleenroulal'extrémitédesavesteentresesdoigts.Mais
mabelle-mère n'était pas très contente deme revoir. Je suis restée chez eux au départ,malgré lesregardsdésapprobateursqu'ellemelançait.
—Jesuisprêteàparierquenosbelles-mèresétaientsiamoisesdansuneautrevie.— Puis un nouveau lapinmort a fait son apparition surmon lit, et toutm'est revenu. J'ai pris
consciencequej'étaisvolontairementrentréepourvivreuncauchemarconstant.Deslarmess'échappèrentdelabarrièredesescils.Jeluidonnaiuneminute,puisrepris:—Puis-jevousdemanderquihériteradudomaineaudécèsdevotrepère?Ellerenifla.—C'estmoi.Mabelle-mèreetmonfrèrerecevrontunegrossesommed'argent,maisj'héritedela
maisonetd'environsoixante-quinzepourcentdesbiens.Çafaisaitpartiedel'arrangementlorsqu'ilssesontmariés.Jecroisqu'elleasignéuncontratprénuptial.
—Donc,s'ilvousarrivaitquelquechose,quesepasserait-il?—Mabelle-famillehériteraitdetout.C'étaitbiencequej'avaissoupçonné.
Chapitre8Lafolienecourtpaslesrues,danslafamille.Ellesepromèneetprendsontemps,afind'apprendre
àconnaîtrechacundesmembrespersonnellement.Tee-shirt
JebordaiHarper,harcelaiunpeuParietTre,puisrentraichezmoi.Labonnenouvelle,c'étaitqu'il
avaitdenouveauarrêtédepleuvoir.Lamauvaise,c'étaitquemescheveuxétaienttoujourshumides,maisque lescouchessupérieuresavaientséchéetboucléd'unemanièredont jen'étaispas très fan,parcequ'ellerappelaitlessans-abri.J'avaisvraimentbesoind'unmeilleuraprès-shampooing.
Commetouteslesplacesdevantmonimmeubleétaientprises,jedusmegareràl'arrièredubardepapa.Quandj'attrapaiMargaretetsortisdeMisery,jemerendiscomptequemonemplacementétaitoccupéparle4x4d'oncleBob.Ilallaitpayer,etpayercher.Desavie.Oud'unbilletdevingtdollars.Çadépendraitdemonhumeur.
J'empruntail'escalierjusqu'àmonétageetentendisdesbruitsdemarteaus'éleverdel'appartementdufondenarrivant.Jeleregardaiavecenvie.Avecamour.Ilavaitlacuisinelapluscoolquej'avaisjamaisvue.Monappartementavaitunecuisine,maiscomparerlesdeuxauraitétécommecomparerlaMonaLisaavecundessinque j'avais faitun jourd'unefillequis'appelaitMonaSalas.Sa têteseterminaitsursonépaulegauche,etelleavaitunepoitrinevraimenténorme.Onétaitàlamaternelle.Mêmesij'aimaispenseràcedessincommeàunesorted'indicedemonpouvoirdeprédiction,parcequelorsqueMonaavaiteudesseins,elleenavaitàrevendre.Detouteévidence,cedessinétaitunepreuveirréfutablequejepouvaisprédirel'avenir.
—Oùétais-tu?JepénétraidansmonappartementetrendisàoncleBobleregardfurieuxqu'ilm'adressait.—Dehors,entraind'essayerdemefairepasserpourunproducteurdefilmsafindeconvaincre
destypessexydecoucheravecmoi.Oùétais-tu?OncleBobignoramaquestionetmetenditundossier.—Voilàcequej'aisurlepyromane.Ils'entientauxvieuximmeublesetauxmaisons,maisçane
dureraprobablementpas.Sansmanquerunemiettede l'inquiétudequi traversases traits lorsqu'il remarquaMargaretsous
monbras,jeladéposaisurlebaravecmonsacetmesaisisdudossier.—J'aibesoinde fairequelques recherches,dis-je enmedirigeantversma salledebainsetma
brosseàdentspendantquejelisais.Jeconnaisleprofildebasedupyromaneordinaire,maisrienquiimpressionneraitunpro.Etmaintenantqu'ilatuéquelqu'un...
—Ilnel'apasfait,m'interrompit-il.LaSDFétaitdéjàmortequandl'immeubleaprisfeu.D'aprèslelégiste,elleestcertainementdécédéedessuitesd'unepneumoniedeuxjoursplustôt.
—Ah,ettuestoujourssurl'affaire?demandai-jetoutenétudiantleprofildel'hommealorsquej'appliquaisdudentifricesurmabrosseàdents.
—J'aidécidédecontinueràlesépauler,deleurdonneruncoupdemain.Ettuessortie,releva-t-ild'untonsatisfait.
—J'étaisbienobligée,grognai-jeentredeuxbullesdedentifrice.J'aiunecliente.—Tuveuxm'enparler?Aprèsm'êtrerincélabouche,jeretournaiausalonsansarrêterdeparcourirledossier.— Négatif. Mais j'aimerais garder une option sur cette proposition. Tu sais, au cas où je me
mettraisdanslepétrin.—Tucomptesm'enparlerd'icidemainaprès-midi,quoi.Est-cequetuasparléàtonpère?—Négatifbis.Cetypesembletrèsprécisquantàcequ'ilbrûle.Jeprésumequ'iln'yarienducôté
desassurances?— Rien du tout. Différents propriétaires, différentes compagnies. On ne trouve aucun fil
conducteurquilesrelierait.—Hey,m'exclamai-jesoudainenrepensantauxnouvellesquej'avaisvues.Vousavezlamoindre
idéedel'identitédesGentlemenCambrioleurs?Lesbraqueursdebanque?Ilseragaillardit,clairementintéressé.—Non,toioui?—Zut.Pasvraiment.Ilsmesemblentjustefamiliers,répondis-jeenjetantuncoupd'oeilversle
plafond,réfléchissant.Leurcarrure,enfait.Jemettraismamainàcouperquejelesaidéjàcroisésquelquepart.
La porte s'ouvrit, etCookie entra dans l'appartement avec sa fille de douze ans,Amber, sur lestalons.
—Ehbien,appelle-moisitut'ensouviens,d'accord?—Jen'ymanqueraipas.CookieadressaunsignevagueàObie,leremarquantàpeine.Maislui,il l'avaitremarquée.Son
poulss'accélératandisquesonintérêtgrandissait.SoitilavaittoujourslebéguinpourCookie,soitilétaitentraindefaireunecrisecardiaque.Jevotaispourlapremièresolution.
—BonjourRobert,dit-elleendéposantunetripotéedeprovisionssurmoncomptoir.J'aidécidéd'essayerquelques-unsdecesappareilsavantqu'onlesrenvoie.Quisait, j'enaipeut-êtrerêvétoutemaviesansenavoirconscience.
—Qu'est-cequec'estquetoutça,aufait?demanda-t-ilendésignantlescartonsd'uncoupdetête.Amberpritalorslaparole:—SalutoncleBob,dit-elleenl'embrassantrapidement.C'estunetentativedeCharleypourfaire
face à son sentiment d'insécurité et d'impuissance. Dans un effort désespéré pour reprendre lecontrôledesavie,elles'esttournéeverslacollectedebiens.
—Pourl'amourduciel,meplaignis-jeenlançantmonplusbeauregardnoiràCookie.Jenesuispasunhamster.
—Nemeregardepascommeça,dit-elleendésignantlefruitdesesentrailles.—Onavuundocumentaireàl'école,expliquaAmber.J'aiapprisuntasdetrucs.—Manifestement. Mais, pour ton information, je n'essaie pas de reprendre le contrôle de ma
désespérante...impuissance.—Ahouais?Elleétrécitlesyeux,medéfiantcommejenel'avaisjamaisvuelefaire.—Ouais,répondis-je,rentrantdanssonjeuetfaisantdemonmieuxpournepassourire.—Alorspourquoiest-cequetutrimballesceflinguepartoutoùtuvas?—Pourquoiest-cequetoutlemondeenaaprèsMargaret?Ellehaussaunsourcil.—Tun'enavaisjamaisportéavant.—Jen'avaisjamaisététorturéepresqueàmortavantnonplus.—C'estbiencequejedis,rétorqua-t-elle,maissonvisages'étaitadouci,etjeprisconscienceque
jen'auraispasdûmettrecepointsurletapis.Detouteévidence,lefaitquej'avaisététorturéeàmoinsdequinzemètresd'ellel'avaitbouleversée
etavaitdûluiprovoquerquelquescauchemars.—Etjesuisdésoléedel'avoirditaussibrutalement.Cookieposaunemainsursonépaule.—Non,assurai-jeenm'approchantetenmesaisissantdesonadorablepetitmenton.Je regrette
queçasesoitproduit,Amber.Etjesuisterriblementdésoléequetuaiesétésiprèsquandc'estarrivé.Jen'avais avouéàpersonneque l'hommequim'avait attaquée s'était trouvédans lamêmepièce
qu'ellependantDieusaitcombiendetempsavantquejerentre.Jenel'avaismêmepasditàCookie,etje n'avais jamais eu de secret pour elle. Mais je ne savais pas du tout comment elle réagirait enapprenantquelesdébrisdemavies'étaientrépandusdanslasienne.Quej'avaispresquefaittuersafille... etelleaussi,par lamêmeoccasion. Jen'avaisaucune idéede lamanièredont j'auraispu luiannoncerunechosepareille.
—Ehbien, j'aurais aimé être plus près, ditAmber d'une voix vibrante. Je l'aurais tué pour toi,Charley.
Jelaserraidansmesbras.Ellen'avaitquelapeausurlesos.—Jesaisquetul'auraisfait.Jen'endoutepasuneseconde.—Jedérange?Je regardai par-dessus l'épaule d'Amber au moment où ma sœur, Gemma, entrait dans
l'appartement.Elleavaitdelongscheveuxblondsetd'immensesyeuxbleus,cequiavaitfaitdemavieun calvaire quand nous grandissions, car on n'arrêtait pas de me poser des questions du genre«Pourquoin'es-tupasaussijoliequetasœur?»Pasquejesoisrancunière.
Gemmaetmoin'étionspastrèsprochesengrandissant.Lefaitqu'elleprétendaitquenotrebelle-mèren'étaitpasunextraterrestremonstrueuxenvoyéparunepetitecoloniesurleseptièmeanneaudesaturneavaitunpeuentachélesrapportsqu'onauraitpuavoir,sœursoupas.Mais,maintenantqu'elleétait psychiatre, on pouvait parler du fait que notre belle-mère était un extraterrestre monstrueuxenvoyéparunepetitecoloniesur le septièmeanneaudesaturnecommedeuxadultes responsables.Mêmesiellenemecroyaittoujourspas.
Amberseretourna.—SalutGemma,dit-elleavantdesedirigerversmonordinateur.Est-cequejepeuxmettremon
statutàjouravantdefairemesdevoirs,Charley?Elle tendit le couafinde regarderpar-dessus lemurdecartons.Avecunpeudechance, elle le
repérerait. Jene l'avaispasvudepuisdes semaines,mais ildevaitcertainement se trouver làoù jel'avaislaissé.
—Biensûr.Qu'est-cequetucomptesdire?—Jevaisannonceràtoutlemondequemamanaeu«LaConversation»avecmoi.Elleavaitajoutédesguillemetsaérienspourentourerl'informationcruciale.JericanaietquestionnaiCookiedessourcils.—Celleàproposdesrosesetdeschoux?—Ohnon,pascelle-ci,réponditAmber.Onl'aeuedepuisbellelurette.Malgrésagrandetaille,jelaperdisdevuelorsqu'ellepénétradanslaforêtd'arbrescarrés.Maissa
voixs'élevaitsansproblèmedederrièrelescartons.—CelleausujetdufaitquelesgarçonssontenréalitédesextraterrestresenvoyéssurTerrepour
récolterdejeunescerveauxfacilementinfluençablescommelemien.Apparemment, jeneseraipastotalementàl'abrideleursmanigancesavantd'avoirtrente-septansetdemi.
Cookiehaussaunsourcil.—Ellea raison, fitoncleBob tandisqu'il se remplissaitune tassedecafé. Jesuisoriginairede
Pluton.Gemmadéposasonsacavantdemeserrerdanssesbras,unetraditionquenousn'avionsétablie
querécemment.Jenel'avaispasvuedepuisquelquessemaines.Aprèsl'épisodedelatorture,elleétaitvenuemetrouvertouslesjours.Maisentresontravailetlefaitqu'ellefaisaitsemblantd'avoiruneviesociale,sesvisitesavaientcommencéàs'espacersensiblement.
—Jeconstatequetuasprisnotredernièreconversationaupieddelalettre.Elletournaversmoiunvisagesévère,celuiquimefaisaitrirebêtement,àl'époque.Maintenant,il
me faisait apprécier son sens de la réalité un peu biaisé. Comme s'il était possible que je prennen'importequoidecequ'ellepouvaitmedireaupieddelalettre.Onseconnaissaitdepuisbientroplongtempspourça.
—Tupensesquetuasassezd'ustensilesdecuisine?—Onytravaille,réponditCookiependantqu'oncleBobécrasaitGemmadanssesbras.—Oui,onytravaille,confirma-t-il.—Trèsbien,danscecas, commentaGemmaenpénétrantdans la cuisinepour regarder ceque
trafiquaitCookie.Jesuisjustepasséepourvoirsitoutsedéroulaitbienetcommenttuteportais.—OK,jevaisbien,merci.—Commenttudors?—Seule,malheureusement.—Non,jevoulaisdire:est-cequetudors?J'auraispu lui raconterque je faisais le tourdemonappartement toute lanuitcommeun junkie
paranoïaque,àvérifieretrevérifierencorelesverrous,m'assurantquelesfenêtresétaientclosesetlaportefermée.J'auraispuluiavouercomment,ensuite,jeretournaismecoucherpourmieuxmefairedes films au sujet des voleurs et des tueurs en série tapis dans l'ombre chaque fois quemon vieilimmeuble grinçait. Mais ça l'aurait juste poussée à vouloir que je prenne des médicaments. Uneperspectivequejerefusaisd'envisager.
—Biensûrquejedors.Tuvoudraisquejefassequoid'autrependantlanuit?—Nepasdormir.Ellemedévisageacommepourmefairecomprendrequ'onnepouvaitpaslaberner,mesondant,
étudiantmaréaction.Fichuspsychiatres.Jemeforçaiàsouriredemanièreinsouciante.—Jedorsparfaitementbien.—Génial.Parcequetuasl'airdemanquerdesommeil.—Est-cequecesonttesannéesd'expériencequiparlent,là?—Non,cesontlescerclesnoirssoustesyeux.—Jenemanquepasdesommeil.—Magnifique.Jesuisheureusedel'apprendre.Elle n'était pas heureuse. Je pouvais sentir les soupçons dans chacune de ses inspirations
soupçonneuses.Donc, Cookie était venue pour vérifier les nouveaux appareils dont je ne me servirais jamais.
Amberafind'utilisermonordinateur,mêmesi,biensûr,ellesenavaientdeuxdansleurappartementdel'autrecôtéduhall.OncleBobavaitfaittoutcecheminpourmeremettreundossier.Jen'avaispaseuautantdecompagniedepuismapendaisondecrémaillère, lorsquej'avais invité toute l'équipedefootdel'universitéduNouveau-Mexique.Seulsunedizainedecestypespouvaitréellementtenirdansmon appartement, alors la fête avait débordé dans le couloir. Mme Allen, la vieille dame del'appartement2C,m'enremerciaitencore.Etchaquefoisqu'ellelefaisait,savoixprenaitdesaccentsrauquesetellejouaitdessourcils.Jem'étaistoujoursdemandécequis'étaitpasséaujustecettenuit-làpourlarendresireconnaissante.Peut-êtreavait-elleréussiàgrappillerquelquesrestes.Oucarrémentunplatcomplet.Tantmieuxpourelledetouteslesfaçons.
Mais avec toutes ces personnes dans mon appartement, et avec toutes ces boîtes qui nousentouraient,jecommençaisàmesentirunpeuclaustrophobe.Etméfiante.SurtoutdanslamesureoùCookien'arrêtaitpasde jeterdes regardsmystérieuxendirectiond'Obie. J'auraisdûsavoirqu'elleavait tropbien fait semblantdenepas s'intéresser à lui quandelle était entrée.D'ordinaire, elle semettaitàsourirecommeunelycéenneauconcertd'unboysband.Ilsavaientdetouteévidencequelquechosederrièrelatête.
Jefisfaceàmonexécrable,mêmesibienintentionné,grouped'amisetmembresdelafamilletout
enessayantdedécider,sitoutcelaavaitétéunjeuvidéoetqu'ilsavaientététransformésenzombies,lequelj'auraiséliminéenpremier.
—D'accord,qu'est-cequisepasse?—Quoi?demandaGemma,sonvisagel'expressiondelapluspureinnocence.Elle.OncleBobfrottasabarbed'un jour.Amber jetauncoupd'oeilpar-dessusun tasdecartons,ses
grandsyeuxbleuspleinsdeméfiance,auloin.Ou,disons,àquelquesmètres.Cookiemeregardait,àmoitié cachée derrière un manuel d'utilisation pour une cocotte-minute électrique, ne trompantabsolumentpersonne.Àmoinsqu'elleaitétécapabledelirelesinstructionsenallemand.Etàl'envers.EtGemmaétaitappuyéecontreundestabouretsdubar,àsecurerlesongles.
—Ons'inquiètepourtoi,réponditoncleBobenhaussantlesépaules.Gemmaacquiesça.—Exact,alorsons'estditqu'onpourraitpasserets'assurerquetoutallaitbien.—Voustous?demandai-je.Ellehochaànouveaulatête,demanièreunpeutropenthousiaste.Je fronçai les sourcils aupointqu'ils se rejoignent et jedévisageaioncleBob sans cachermon
amèredéception,sachantpertinemmentquecevieuxcœurd'artichautcéderaitavantlesautres.Illevaunemain.—Écoute,Charley,tudoisbienadmettrequetoncomportementaétéunpeuétrangedernièrement.Jecroisailesbras.—Etquandest-cequemoncomportementn'estpasétrange,aujuste?—Ellen'apastort,dit-ilàGemma.—Non,répondit-elleenm'imitant,croisantégalementlesbras.Ellen'apastort.Jesoupirai,totalementexaspérée,etmedirigeaiàgrandesenjambéesverslebarpouratteindreM.
Café.—Est-cequelatacheestpartie?—Quelletache?demandai-jetoutenmeversantunetassedeParadissurTerre.Elledésignaunepartiedemonsalondudoigt,cellequej'appelaislaZone51,oùuneénormepile
deboîtesintelligemmentdéguiséesenmontagnes'élevait.Elleétaitlàdansunbutspécifique:cachercettepartiede lapièce.Cettepartieprécise.Ce trounoirdedésarroietde tourment. J'avaisempiléboîteaprèsboîteàmesurequ'ellesarrivaientdefaçonquejen'aieplusàlaregarder,afinquejenesois pas accidentellement aspirée par la force gravitationnelle d'unmillion demasses solaires. Jesavais à quel point ça avait l'air dément,mais enterrer l'endroit où j'avais été taillée en pièces, lecachersousunepiledejolisnouveauxobjetsmesemblaitunebonneidéesurlemoment.
On aurait tout aussi bien pu appeler ça une sculpture. Personne n'avait jamais remis l'art enquestion.
L'expressiondeGemmasefitcompatissante.—Latache.Est-cequ'elleestpartie?Eh bien, elle n'y allait pas de main morte. Lors de ses visites précédentes, elle n'avait jamais
mentionnécetendroit.Nilatache.Cellequemonurineetmonsangavaientcauséeengouttantdepuislachaisependantqu'EarlWalkerdécoupaitmachairaveclaconfianceetlaprécisiond'unchirurgien.
—C'estl'heuredugroupedesoutien,hein?demandai-je,irritéeparlapressiondesonregard.—Non,dit-elleenseprécipitantpourm'apaiser.Non,Charley.Jen'essaiepasdetecontrôleroude
t'enleverneserait-cequ'uneoncedetonautonomie.J'aimeraisjustequetuprennesconsciencedecequetufaisetdepourquoi.
—Jesaispourquoi,rétorquai-jed'untonégal,lavoixsèche.J'étaislà.—D'accord.Maisest-cequetucomprendscequetuesentraindefaire?Elleregardaautourdenous,indiquantlespilessansfindecartons.Jeprisunegrandeinspiration,pourbienluifairecomprendreàquelpointj'étaisénervée,etjeme
dirigeaiversmachambre,leseulhavredepaixqu'ilmerestaitàcestade.—Tupeuxemporterchaqueobjetquisetrouvedanscettepiècedèsmaintenant,çanemeposera
aucunproblème,dis-jeenagitantlamainenl'air.Jemesentiraiaussibienqu'unpoissondansl'eau.—Çatedérangesijemetscettethéorieenpratique?—Fais-toiplaisir.Tandisquejecontinuaiendirectiondemachambre,elles'avançaverslaZone51.Jem'arrêtaietla
regardai retireruneboîteet la tendreàoncleBob. Il laposaausommetdumursur lequelCookietravaillaitunpeuplustôt.Etmacarapacecraquela.Untoutpetitpeu.Justeassezpourprovoqueruntremblementdeterredanslesfondationsdemonêtre.
Jesavaispertinemmentcequ'ilyavaitsouscesboîtes.Sielleenenlevaitencorequelques-unes,lachaisesurlaquellej'avaisétéattachéereferaitsurface.Latachedesangsurletapisseraitànouveauvisible.Lavéritémegiflerait.Jesentiraislapiqûredumétalquiglissaitàtraverslescouchesdepeauetdechair.Tailladantlestendons.Coupantdesnerfs.Jeserrailesdentspourm'empêcherdehurler.
—Charley?OncleBobvenait deprononcermonnom, et jepris consciencedu fait que j'étais immobile, en
traindefixerlamontagnedeboîtesdepuisunlongmoment.Jelesobservaitouràtour,embarrassée,tandis qu'ils attendaient de voir ce que j'allais faire. La pitié dans leurs regards était presqueinsupportable.
— Tu sais, dit Cookie alors qu'elle contournait le bar pour me rejoindre, tu es si forte et sipuissantequedes foisnousoublions... (Elle jetauncoupd'œil àAmber,nevoulantpas en révélertrop,puiscontinuad'unevoixplusdouce.)Parfoisnousoublionsquetun'esqu'unêtrehumain.
—Jenetedemanderaipasd'enleverdeboîteavantquetusoisprête,Charley,m'expliquaGemmatout en se rapprochant.Mais on en retirera une de ce tas tous les jours jusqu'à ce que cemomentarrive.
C'était tellementétrange.Jen'avais jamaiseupeurd'unechaiseauparavantoud'unetachesuruntapis, d'ailleurs, mais les objets inanimés semblaient avoir une volonté qui leur était propre,dernièrement.C'étaient des bêtes, dont la respiration trouvait écho partout autour demoi, dont lesyeux observaient chacun de mes mouvements, attendant le meilleur instant pour frapper. Pourdécoupermachairànouveau.
LorsqueGemmareprit laparole,sontonétaitsidoux,si léger.J'avaisdelapeineàgardermesbarrièresenunseulmorceau.
—Maisseulementsituesd'accord.Seulementsituesàl'aiseaveccetteidée.—Etsijenelesuispas?Jemedemandaiscequiclochaitavecmoi,pourquoijenevoulaispasavoiràgérerquoiquece
soit en dehors de ma léthargie en ce moment. J'avais été escroquée par un gardien de parking,accostée par un démon, malmenée par le fils de Satan, et un groupe de nonnes retenait desinformationsquim'étaientvitales.Jenesavaispassij'arriveraisàensupporterdavantage.
Gemmaplaçaunemainsurmonbras.—Onseralàjusqu'àcequetulesois.Aprèsluiavoirlancéunsourirereconnaissant,unepenséeatroces'imposaàmonesprit.—Mais,jeveuxdire,paslittéralement.Sesyeuxs'illuminèrentcommesiellevenaitd'avoirunerévélation.—Si,confirma-t-elletandisqueseslèvressefendaientd'unemoueentendue.Littéralement.Onva
emménager.—Oh,onpeutfaireunesoiréepyjama?demandaAmber.Gemmaluiadressaunsourirerayonnant.—C'estmêmeuneexcellenteidée.Merde. Ça allait craindre du boudin. Je ne connaîtrais pas la paix avant d'avoir laissé Gemma
s'amuseravecmescartons.
—Trèsbien,jouezavecmesboîtessiçavousfaitplaisir.—Ohnon,ditAmber.Onnel'aurajamais,cettesoiréepyjama!Jemeforçaiàsourireànouveaujusqu'àcequeGemmacontinuesursalancée.—Etj'aimeraisquetufassesencoreunepetitechose.—Trempertacartedevisitedansdel'essence?—Allons,tudeviensméchantegratuitement.Jevoudraisquetuécrivesunelettrechaquejour.Une
parjour,àlapersonnedetonchoix.Çapeutêtreàquelqu'undedifférentchaquejour,ouàlamêmepersonnetoutdu long.Mais j'aimeraisque tu luiexpliquesdans la lettreceque tupensesde luioud'elle,etaussiquetuparlesdequelquechosedeplusgénéral,commelamanièredonttutesens,oucequetuasfaitdurantlajournée.D'accord?
Jeprisunenouvellegorgéeavantdedemander:—Est-cequetuvasleslire?—Non,répondit-elleencroisantlesbras,satisfaite.Ellessontpourtoi,etpourtoiuniquement.—Est-cequejepeuxécrireàoncleBobpourluidireàquelpointilestringard?—Hey,sedéfenditcedernier,seredressantlorsquel'attentiongénéraleseportasurlui.Qu'est-ce
quej'aiencorefait?Jeme retins de ricaner bêtement. Dans lamesure où personne ne les verrait, ça pourrait aller.
J'avais suivi assez de cours de psychologie pour comprendre ce qu'elle essayait de faire,mais, sipersonneneleslisait,ellenesauraitjamaissijelesavaisécritesoupas.Toutlemondeytrouveraitsoncompte.
—Etjesauraisitulesasécritesoupas,alorsnemefaispasdepromessesquetunevaspastenir.Merde.—Commenttusauras?Jesuisunetrèsbonnementeuse.Ellecommençaàrireàgorgedéployée.Jemeretinsderiposter.Engrandepartieparcequ'oncle
Bob,CookieetAmbers'étaientmisàrireeuxaussi.Qu'est-cequ'ilsepassait,bonsang?Jeleurfispartdemonchagrinàl'aidedemonplusbeauregardassassin.—Tumelaisserastranquillesijefaistoutça?—Tuesentraindemedemandersij'arrêteraidevenirtevoirpourplongerdanstacollectionde
boîtes?(Ellecontinuaaprèsquej'aihaussélesépaules.)Non.Ons'occuperadecettemontagne.(Elleplaçaunbrasautourdemoi.)Ensemble.Tousensemble.(Toutlemondeacquiesça.)Chaquejour,aumoins l'un d'entre nous enlèvera une boîte jusqu'à ce que tu puisses nous regarder faire sansgrimacer.
Jefronçailessourcils.—Jen'aipasgrimacé.—Tuasgrimacé,ditoncleBob.—Jen'aipas...Peuimporte.Je vivais un cauchemar éveillé, entourée d'amis etmembres de la famille bien intentionnés qui
méritaient tous d'être enfermés dans une cellule avec un anaconda. Pas pour très longtemps. Justeassezpourleurdonnerdescauchemarstouteslesnuitspendantenvironunmois.
Cetteidéemerenditheureuse.Quelqu'unfrappa,demanièreforteetplusexigeantequelesinvitésprécédents.—Vraiment,lesgars?demandai-jeenmedirigeantverslaporte.Quiavaient-ilsencoretrouvépourleuréquipedesoutien?Sansyréfléchirplusquecela,j'ouvrisengrandavectoutletalentdramatiqued'uneactricedefilm
muet.Ce que je découvris - la personne que je découvris - de l'autre côté me coupa le souffle. La
surprise ricochadansmonsystèmenerveux tandisque je regardaisReyes,quise tenaitdevantmoidansuntee-shirtetunjeanpropres,demanièredésinvolte,commes'ilnevenaitpastoutjustedetuerunhomme.Commes'ilnevenaitpastoutjustedemetraînerd'unboutàl'autred'unentrepôtpourme
jeter sur un sol en béton. Comme s'il ne venait pas de disparaître quand j'essayais d'avoir uneconversationciviliséeaveclui.Enfin,sijemesouvenaisbien.
Il croisa les bras et s'appuya contre le montant de la porte, les yeux brillants tandis qu'ilm'examinait.
—Jevoulaism'assurerquetuallaisbien.—Pourquoiest-cequej'iraismal?demandai-je.Ilmeparcourutduregard,sanscacherlemoinsdumondel'intérêtqu'ilmeportait.—Commentvalegosse?Ilvenaitdecombattreundémonpourmoi.Ilvenaitdemesauverlavie,etpourtantilsetenaitlà
commesiçan'avaitaucuneimportancepourlui.Jesecouailatête.—Ilvabien,répondis-je.Unpeutraumatisé,maisilestentredebonnesmains.Ilestsourd.—Jesais.—Comment?demandai-je,surprise.—Jet'airegardéeluiparlerpendantunmoment.Jepressaimeslèvresl'unecontrel'autre.—Voyeur.—Folle.—HommedeNeandertal.—Cinglée.—Macaque.—Psychopathe.Pourquoifallait-ilquesonrépertoired'insultestoutentierremetteenquestionmasantémentale?Jeprisunairrenfrognéetmepenchaiverslui.—Démon.Ilenroulasesdoigtsenbasdemonpulletm'attirajusqu'àlui.—Donc ça ferait de toi un assassin, n'est-ce pas ? demanda-t-il de sa voix de velours, riche et
profonde.J'inspirai la chaleur qui s'élevait en volutes autour de lui. Il me donnait toute l'attention qu'il
pouvaitm'offrir,concentrécommeunléopardleseraitsursaproie,justeassezlongtempspourquelabrûlurequimedéchiraitlapoitrineserépandedanstoutmoncorps.Dansmonestomac.Entremesjambes.Jusqu'àcequ'ilremarqueoncleBobetquesonregardpassedemoiàl'endroitoùcedernierétaitassis.
Jeprisconsciencedansuneboufféedepaniquequej'avaisencoredesinvitésindésirables.Etl'und'euxn'étaitautrequ'oncleBob,l'hommequiavaitmisReyesderrièrelesbarreauxpendantdixanspour un meurtre qu'il n'avait pas commis. Mais ce n'était pas la faute d'Obie. Toutes les preuvesaccusaientReyes.EarlWalkers'enétaitassuré.
Peut-êtrequeReyesnes'ensouviendraitpas.Jemeretournaietlesdévisageaidemanièrepeusympathique.—Hey,lesamis.JevousprésenteReyes.Cookie lâcha quelque chose,mais je n'osai pas quitter oncleBobdes yeux, espérant qu'il ne se
trahiraitpas.Pasqu'ilyaitune infimechancequeReyesaiteffectivementoublié l'hommequiétaitresponsabledesacondamnation,maisonpouvaittoujoursrêver.
OncleBob, de toute évidence surpris de le voir, ravala ses émotions pendant quelques instants,tandisqu'ilessayaitdedécidercommentréagir.ToutenadressantunsignedumentonàReyes,ilsepencha pour fermer la bouche de Cookie. Elle reprit ses esprits et se mit à sourire bêtement.Malheureusement,iln'étaitpasassezprèsdeGemmapourenfairedemêmesanssefaireuntourdereins.Ambersemblaitlégèrementtétanisée.ElleavaitcontournélemurdeboîtesetregardaitReyes,lesyeuxgrandsouverts,émerveillée.
J'étaissoulagéederemarquerquecen'étaitpasmoi.Reyessemblaitaffecterchaquefemelleàtrois
kilomètresàlarondedelamêmemanière.MaisoncleBob,c'étaituneautrepairedemanches.Jesentisuneétincelles'allumeretémanerde
Reyes.Uneémotionquinepouvaitêtrequedelahaine.Malheureusement,ilavaittouslesdroitsderessentirde l'animositéà l'égardde l'hommequi l'avaitmisenprisonalorsqu'ilétait innocent.Et,encorepire,oncleBobm'avaitavouédernièrementqu'ilsavaitauplusprofonddeluiqueReyesétaitinnocent.Maisiln'avaitrienpufaire.ChaquepreuvepointaitReyes.Reyesnepouvaitsûrementpasleblâmertotalement.
OncleBobétaitassissuruntabouret.Sonvisageexprimaitclairementleregretetlarésignation.Ilselevaets'approcha,telJohnWaynechargeantdanslabataille,conscientqu'iln'allaitpassurvivre.
—Peut-êtrequ'ondevraitsortir,dit-iltandisqu'ilmarchait.Étant donné ce qu'il savait de Reyes, si ce qu'oncle Bob venait de faire n'était pas héroïque, je
n'avaisaucuneidéedecequipouvaitl'être.La présence d'oncle Bob sembla balayer l'assurance de Reyes. La tension parut sematérialiser
alorsqu'unebataillefaisaitrageenlui.Unebataillepourdéterminers'ildevaitfairecequiétaitjusteou ce que son éducation - celle qu'il avait reçue en enfer - le suppliait de faire. Je sentais ce dueltordreetgriffersesémotions.Ilbavaitpresqued'enviedesautersurObie.Deleréduireenmiettes.Quelquechosequiluiétaitaussinaturelquerespirerl'étaitpourmoi.Maisilrestaitimmobile.Tropimmobile.Peut-êtreavait-ilpeurdebouger.Peurdecequ'ilpourraitfaire.
Aprèsuneluttedelonguehaleine,Reyesdétournaleregarddemononcleetlereportasurmoi.—Jevoulaisjustem'assurerquetuallaisbien,répéta-t-il,etjelesentisdisparaîtrequelquepartau
fonddelui-même,commes'ilpouvaitécarteroncleBobettoutcequis'étaitpasséaussisimplementqueça.
— Vous êtes le bienvenu, dit oncle Bob, et je dus serrer la mâchoire pour l'empêcher de sedisloquer.
—Jesuisdumêmeavis!criaAmber.Lorsque tout lemonde tourna la têteet la regardabouchebée,ellese recroquevilladerrière les
boîtes.—Désolée.C'estsortitoutseul.Jeme retournai vers Reyes et remarquai qu'il lui souriait. Un geste si touchant que j'en eus le
soufflecoupé.Sahainedisparutaussitôt,etj'eusl'impressionderecevoiruneprojectiond'eauglacéeparunechaudejournéed'été.
Jeprisalorsconsciencequejem'étaismontréetrèsimpolie.—Reyes,jenecroispasquetuaiesétéofficiellementprésenté.(Jemetournaiverslespersonnes
quim'avaienttenduuneembuscade,essayantdenepasleurentenirrigueur.)Voicimasoeur,Gemma,mononcleBobetCookie.
—Etmoi,fitunepetitevoixaufonddelapièce.—EtquelquepartderrièrecemursecachelafilledeCookie,Amber,ajoutai-jeavecunlégerrire.Ilnedécroisapaslesbras,maissaluachacund'entreeuxdelatêtetouràtour.OncleBobdonnauncoupd'épauleàGemma.Ellerevintàlaréalitéetseraclalagorge.—Enchantée,dit-elle.Lorsque le regard deReyes s'arrêta à nouveau sur elle, il fronça les sourcils, pensif. Puis il la
reconnut.Elleleremarquaaisément.—Oui, enchaîna-t-elle en tendant lamain pour la lui serrer. On s'est déjà rencontré,mais pas
officiellement.Gemmaétaitavecmoilatoutepremièrefoisquej'avaisvuReyes.Quandnousétionsaulycéeet
queReyesétaitbattuparEarlWalker,l'hommequ'ilcroyaitêtresonpère.Aprèsquelquesinstantscritiquesdurantlesquelsjemedemandaiss'ilallaitlarepousserpurement
etsimplement,ilpritlamainqu'elleluitendait.Jenemanquairiendupetithalètementquis'échappa
deseslèvreslorsqu'illefit.Jenepouvaispasluienvouloir.Cookienes'étaitpasencoreremisedelaprésencedeReyes.Ilpenchalatêtepourlasaluercomme
s'ilavaitenlevéunchapeauinvisible.Lesourirequifenditsestraitsresteraitdanslesannales.IlétaitcommeunboldeRiceKrispies:
doux, sucré et sur le point de se transformer en bouillasse collante. Elle lui adressa un signetremblant, et il lui fallut lutterde toutes ses forcespournepascommencer à ricaner.EmbarrasserCookieétaitl'undemesbutsprincipauxdanslavie.Justederrièreceluideconcevoirunshortquineferaitpassecoincerlessous-vêtementsdanslaraiedesfesses.
Non, je venais d'être frappée par une autre émotion.Même si j'étais effrayée à l'idée de laisseroncleBobetReyessiprèsl'undel'autre,jemedirigeaiverslemurdeboîtesetregardaiAmber,quisecachaitderrière.
—Machérie?hasardai-je,medemandantcequisepassait.L'émotion qui s'échappait d'elle était si puissante, si palpable que j'avais de la peine à me
concentrersurquoiquecesoitd'autre.Reyesdevaitlaressentir,également.Jejetaiuncoupd'œilenarrière.Ilmeregardaitavecinquiétude.
—Amber,est-cequetuvasbien?Elle était assise àmonbureau, la têtebaissée, ses longs cheveux sombres formantun rideaude
bouclesimpénétrable.—Jevaisbien,répondit-elleengardantlevisagecaché.Cookies'approchaetessayadeguignerpar-dessusmonépaule.—Qu'est-cequisepasse?demanda-t-elle.—Jen'ensuispassûre.Avait-on fait de la peine à Amber un peu plus tôt lorsque nous nous étions retournés pour la
regarder ?L'émotionque je captais n'était pasvraiment de la tristesse,mais, quoi qu'elle ressente,c'était en train d'écraser tout le reste. Les hormones d'une jeune demoiselle de douze ans étaientquelquechosedetrèsdélicat.Ellesemblaitenformetrentesecondesauparavant.
Commejenesavaispasquoifaired'autre,jeluidemandai:—TuvoudraisquejeteprésenteàReyes?Elleredressalatêtepourmeregarder,etjepusvoirleslarmess'échapperdesesyeuxbleus.Elle
baissaànouveaulementon,gênée,maismelaissalaconduireverslaporte.—Voicicellequ'onnommeAmber,duclanKowalski,dis-je,essayantdedétendrel'atmosphère.
Maisc'estunebriseusedecœurs,alorsfaisattentionautien.Jefisunclind'œilàReyes.Elles'avança,leregardrésolumentportéverslesol,lesépaulesvoûtées,inquiète.Ill'étudia,penchantlatêtepourmieuxlavoir.Elleétaitgrandepourunefille,etvraimentgrande
pourunefillededouzeans,maissahautetailleluidonnaitlagrâcedontlesautresfillesdesonâgemanquaient.Commeunegazelle.
—Amber,tupeuxdirebonjour?demandaCookie.Ellesecoualatête,évitanttoujoursdecroiserlesregards.Cookiesemblaitembarrassée.Ellerepoussaunelonguebouclederrièrel'oreilled'Amber.— Je suis sincèrement désolée, dit-elle à l'attention de Reyes, secouant la tête à son tour,
impuissante.C'estunmoulinàparolesengénéral.—Tulasauves?demandafinalementAmber,parlantàsespieds.Tuveillessurelle?Avantquel'und'entrenousn'aitletempsdeluidemanderdequoielleparlait,Reyesrépondit:—Seulementlorsd'occasionsparticulières.Dequoiparlaient-ils ?Ambern'était pas aucourantpourReyes.Comment aurait-ellepu savoir
qu'ilm'avaitsauvélavie?Àplusieursreprises,enfait.Elle leva la têtepour le regarder, ses cils empêchantune larmebrillantede rouler enbasde sa
joue.
—Jesaiscequetufais.Jesaiscequetues.Ilspensentquejel'ignore,maisjelesais.Etjesaisquetuétaisprésent,cettenuit-là.
—Amber, ditCookie, un sourire nerveux agitant les coins de sa bouche.Comment pourrais-tusavoirça?
Cookiesemblasoudainavoirpeur,etjecomprisàquoiellevenaitdesonger.QueferaitReyesàAmbers'ilserendaitcomptequ'elleétaitaucourantdesonexistence?
—Ellenesaitpasdequoielleparle.—Tuvois?Ilsnesaventpas,etilsn'ontpasconfianceentoicommej'aiconfianceentoi.(Amber
fitunpasenavant.)TuasveillésurCharleydurant toutesavie.Tul'asgardéeensécurité.Etcettenuit-là,situn'étaispasvenu...
Sarespirationsecoinçadanssagorge,et,avantqu'onaitletempsdecomprendrecequ'ellefaisait,elles'élançaendirectiondeReyes.
Ilfitunpasenarrière,commes'iln'étaitpassûrdelamanièredontildevaitréagirquandellesejetaàsoncou.
—Merci,dit-elleavantdesetournerpourleregarder.Merciinfiniment.Tuassauvénosvies.Après unmoment étrange durant lequelReyes dut se résoudre à être accosté par une fillette de
douzeans,illaissasesbrasretomberautourd'elle.Elleleserraplusfort.J'avançai et lui frottai le dos,mon cœur débordant d'amour pour elle. Je n'avais jamais réalisé
qu'ellesavaitcequis'étaitpassé.Ellemeregardapar-dessusl'épauledeReyesetchuchotaàsonoreille:—Jesaiscequ'elleestaussi,maisjenelediraijamaisàpersonne.Reyessefenditdusourirelepluscharmantquejeluiavaisjamaisvu.Unrireenfantins'échappa
d'Amberavantqu'elleneseretiredesesbras.Elleglissacontremoi,lesyeuxemplisd'unéclatirréelquejeneconnaissaisquetropbien.
—Tuentres?demandai-je.Ilfitunclind'œilàAmberavantdeseretournerversmoi.—Pascesoir.J'aideschosesàfaire.—Biensûr.Mais il fautvraimentque je teparlede... (Jeréfléchisàcommentdire«possession
démoniaque»sansutiliserlesmotspossessionetdémoniaque.)Duproblèmed'occupationquenousavons.
Undescoinsdesaboucheserelevapourformeruneesquissedesourire.—Àcepropos,j'aivraimentbesoinqueturestesdanstonappartementcesprochainsjours.—Jenepeuxpas,maismercid'avoirdemandé.Iljetaunregardautourdenousavantdereprendre,d'untonmenaçant:—Nemeforcepasàinsister.—Sérieusement?Est-cequ'ilpensaitvraimentqueçaavaitdeschancesdefonctionner?Ilinspiraprofondément,puissemblaabandonner.Aprèsavoirréfléchiquelquesinstants,iltoucha
lebasdemonpullànouveau.—Jesuiscontentquetusoisvenuemevoir.Jefiscourirmesdoigtssurledosdesamain.—Jesuiscontentequetusoislibre.Ilpouffademanièrepresquemoqueuse,commesij'avaisditquelquechosededrôle.—Quoi?demandai-je.Ilserapprocha,malgrélaprésenced'Amber,malgrélefaitqu'oncleBobsetrouvaitjustederrière
moi,etfrottaunpoucesurmalèvreinférieure.—Ilestdifficiledetracerlafrontièreentrelalibertéetl'esclavage.
Chapitre9Jesuisàdeuxverresdeconclureavecuneautrefille.
Tee-shirt—Çava?demandaoncleBobunefoisquej'eusrefermélaporte.Commetoujours,l'airétaitchargédel'électricitéqueReyesavaitlaisséedanssonsillage.Maisje
trouvais touchant qu'Obie soit inquiet à mon sujet. C'était pourtant lui qui tremblait dans sesmocassinsbonmarché.IlcommençaitàcomprendrecedontReyesétaitcapable,ettremblercommeunefeuilleétaituneréactionappropriée.Surtoutdanslamesureoùc'étaitluiquil'avaitmisderrièrelesbarreaux.
—Jevaisbien,merci.Ettoi?—Jesuisenretard,dit-il.J'airendez-vous.Jefisdemonmieuxpournepasavoirl'airtropsurprise.—Avecunêtrehumain?Ilfronçalessourcils.—Non,avecundistributeuràsoda.Biensûravecunêtrehumain.Amber commença à rire. Elle récupérait plus rapidement de la visite de Reyes que samère et
Gemma.Jeleurlaissaiquelquesminutespourseremettredetoutça,quej'occupaiàembêterObie,qui,lui,n'avaiteuqu'àseremettredufaitqu'ilétaitpasséàdeuxdoigtsdelamort.J'étaistellementheureusequeReyesne l'aitpas réduitenpièces. Je lepréférais largementenunseulmorceau.Pascomme,disons,leslaituesoulessolosdeheavymétal.
Commej'avaisl'impressionquej'allaisavoirdelacompagnieencoreunmoment,jemedirigeaiversladouche.
—Ehbien,tuferaismieuxderentrer,dis-jeàObie.Onnepeutpasgarderquelqu'unavecquionarendez-vousligotédanssacavetrèslongtempsavantqu'ilcommenceànousenvouloir.
Aumomentoùjepénétraidanslasalledebains,ilmecria:—Parleàtonpère.Cen'étaitpasprèsd'arriver.Ladoucheme fitunbien fou,mêmeavecunebêteenragéequime
faisaitperdremonéquilibre.Jen'avaispaseudroitàautantd'actiondansmonquotidienenuneseulejournéedepuisplusdedeuxmois.Moncorpsnesavaitpasquoifaire,commentréagir.Ilavaitenviede retrouver mon canapé - qui pouvait éventuellement s'appeler Sharon, ou pas - et de chips aufromage, mais je compris que j'allais devoir me sevrer des deux. Petit à petit. Peut-être que jepourrais rétrograder et me contenter d'un fauteuil et de crackers, pour y aller délicatement, puisessayerquelquechosedesain,commefaireleménageetmangerunepomme.
Je frissonnai dedégoût à cette idée.Les chips au fromage étaient tellement rassurantes.Et ellesétaientorange.Non,jenedevaispasmeprécipiter.JetrouvairapidementunplanB.Faireleménageenmangeantdeschipsaufromage.Rassurantetefficace.
Après qu'Artémis eut plongé dans la terre sousmes pieds, je sortis de la douche et enfilai unpyjama vert clair moelleux qui n'avait aucune inscription provocante sur le derrière. Mais je merattrapaienchoisissantuntee-shirtquiproclamaitque«Sarc»étaitmondeuxièmemotpréféréquiseterminaiten«-asme.»Jeretournaidanslesalon,prêteàaffronterlafouleànouveau.
Cookie et Gemma étaient dans la cuisine, en train d'essayer tous mes nouveaux gadgetsgénialissimes. Avec un peu de chance, j'aurais droit à un repas après tous leurs efforts. Amber
rassemblaseslivresquandjesortisets'approchademoi.—Tufaisvraimentbeaucoupdebruitsousladouche,observa-t-elle.Je n'avais pas de peine à imaginer à quoi devaient ressembler les bruits qui s'élevaient quand
Artémiss'entêtaitàmerenversercontrelemur.—Ouais,j'aiglissé.—Septfois?—Oui.—Oh,d'accord.Bon,jevoulaisjustetedirequejesuisdésolée,Charley.Jen'avaispasprévude
faireça.AvecReyes.Jenecomptaispastemettredansl'embarras.—Memettredansl'embarras?répétai-jeenlaprenantdansmesbras.Amber,tunepourrasjamais
m'embarrasser.—Jamais?—Jamais.—Unefois,j'aicriéàtraverstoutlemagasinpourdemanderàmamansiellevoulaitlestampons
normauxousuperabsorbants.J'aiajoutéque,selonl'emballage,lessuperabsorbantsétaientpourlesjoursdegrandflux.Ensuite,jeluiaidemandéd'estimerlesiensuruneéchellede1à10.
—OK,tupourrais.—Etaprès,pendantqu'onfaisaitlaqueueàlacaisse,jeluiaidemandépourquoielleachetaittrois
boîtesd'HydralinGynalorsqu'ellenefaisaitpasdesport.Jelarepoussailégèrementetlagardaiàboutdebras.—Waouh.—Tuvois?Jetel'avaisbiendit.Jenesavaismêmepasqu'ilétaitpossiblededeveniraussirouge.—Bon,maintenantqu'onaparlédetoutça,tupouvaiseneffetmemettredansl'embarras.Maistu
nel'aspasfait.Jesuisdésoléequetusoisaucourantdetellementdechosesqu'aucunefillededouzeansnedevraitsavoir.
—Jenedirairienàpersonne.Jetelejure.Je jetai un coup d'œil vers les cuistots pour voir à quoi elles en étaient. Lorsque je remarquai
qu'elless'affairaienttoujours,jemepenchaiversAmber.—Qu'est-cequetusaisaujuste?Ellesourit.—JesaisquetueslaFaucheuse.Sadéclarationmecoupalesouffle.—EtjesaisqueReyesestlefilsdeSatan.—Co...Commenttusaistoutça?—J'aiune trèsbonneouïe.Et j'arrive à écouterpleinde conversations,mêmequand je suis en
traindefairemesdevoirs.—Vraiment?Ellepouffa.—Jetejure,vousvouscomportezcommesijedevenaissourdechaquefoisquej'ouvreunlivre.
(Elle se dirigea vers la porte avec un petit rire démoniaque.) Je peux entendre d'autres choseségalement.Avantque tu emménages, jene savaispasdu toutqu'unhommepouvait faire crierunefemmeaussifort.Reyesal'airbourrédetalents.
Bienquejefussecertainequemesyeuxressemblaientàdessoucoupes,jelançaiunregardrapideendirectiondeCookiepourm'assurerqu'ellenes'intéressaitpasànous.Mêmesijen'avaisjamaiseude relation avecReyes autrement que dansmes rêves, et à une occasion lorsqu'il était incorporel,celles-ciavaientété...trèssatisfaisantes.Apparemment,Amberlepensaitaussi.
—Net'inquiètepas.Mamann'estpasaucourant.—QueReyesestbourrédetalents?—Ohnon,ça,elleenestbienconsciente.Elleignoresimplementque,moi,jelesais.
Ellerecommençaàricaner,etcebruitmerappelaceluiqueferaitunscientifiquefou.Justeavantderefermerlaportederrièreelle,ellemelança:
—Maisnet'arrêtesurtoutpasàcausedemoi!Oh.Mon.Dieu.Cookieallaitmetuer.—Alors,dequoivousparlieztouteslesdeux?medemandacettedernière.Jefisunbond,puislissaicalmementmonbasdepyjama.—Derien.Pourquoi?Dequoitucroisqu'onétaitentraindeparler?Ellefronçalessourcilstoutenmedévisageant.—Tupensesqu'ellevabien?—Oh,jesuispersuadéequ'ellevaparfaitementbien.Lapetitemaligne.CookieretournafouetteruneespècedepâtetandisqueGemmayversaitunesubstancepoudreuse.
J'espéraissincèrementqu'ellesétaiententraindefairedesbrownies.Lesbrownies,c'étaitcommedespilesdesecours.Onnepouvaitjamaisenavoirtropchezsoi.
—Jevaispasserlanuitavectoi,m'annonçaGemmasansquittersonmélangedesyeux,yrajoutantunpeudepoudre.
—Tun'espasvraimentmongenre,maisd'accord.Dequelniveaudeperversiononparle?—Tupensesqu'ilenfautplus?demanda-t-elleàCookieenobservantlebol.—Onnemettrajamaistropdesucreenpoudre,réponditCookieavantdepointersonfouetdans
ma direction. Je crois que tu devrais mettre Reyes en bouteille et le vendre au marché noir. Ondeviendraitriches.
Jemerapprochai.—Qu'est-cequetubatscommeça?—Danslamesureoùjeviensdemetenirdanslamêmepiècequel'hommelepluschaudbouillant
delaplanète,jemontemavertuenneige.(Ellegloussa.)Àcoupsdefouet.Gemmasemit à rire et rajouta encoredu sucre enpoudre. Jeplongeaiundoigtdans lebolde
Cookieetenressortisunecuilleréedeparadisblanc.—Donc,duglaçage?—Oui,onestentraind'essayertesnouveauxmoulesàcake.—J'aicommandédesmoulesàcake?Çanemeressemblaittellementpas.Ellejouadessourcils.—Ettuasachetéunmixeràmargaritas.Oh,oh...JecomprisrapidementqueGemmaavaitquelquechosederrièrelatêtequandelleavaitproposéde
rester pour picoler comme un poisson échoué sur la terre ferme. Je le remarquai à son langagecorporel,àlamanièredontsesyeuxbrillaient,maissurtoutlorsqu'elledit:
—J'avaisquelquechosederrièrelatêtequandjet'aiproposéderester.Elleétaitdéterminéeàm'aideràtrouverlesommeil,mêmes'ilfallaitqu'ellem'attacheaulitpour
yparvenir.Ducoup,Cookieetelleessayaientlemixeràmargaritasquej'avaisachetéàunmomentoùj'avaislemoraldansleschaussettes.Durantunesemaine,laseulechosequej'avaiseueàl'espritavait été de boire desmargaritas - enfin, ça et le fait de laisser courirma langue sur les dents deReyes-,maisjen'avaispasdesel-nilesdentsdeReyes.Jen'avaispasnonplusl'énergienécessairepourquittermonappartementafind'allerenacheter-outomberassezbaspoursupplierReyesdemelaisserluilécherlesdentsaprèscequ'ilavaitfait-alorsjenepouvaisquerêverdemargaritas.EtdesdentsdeReyes.
J'avais secrètement espéré qu'unemargarita sematérialiserait commeparmagie dansmamain,mais,pourça,j'auraisdûreposerlatélécommande,etDieusaitqueçan'avaitpasétéprèsd'arriver.
C'étaituncerclevicieux.MaisGemmabuvait rarement. Peut-être un verre de vin avec le repas. Et je ne buvais que lors
d'occasionsspéciales.Commelesvendredisetlessamedis.Cookie,parcontre...—Youuuuuhouuuuuuu!(Cookielevaunbras,triomphante.Jenesavaispasdutoutpourquoi.)Je
nemesuispasautantamuséedepfuis...depfuis...(Ellenesemblaitpastrouverdemotcohérent,maiselleserepritrapidementetdésignalaporte.)DepfuisqueReyefFallowestentréparfetteporte!(Elletournadansmadirectionunvisagebéat.)EtmonDieu,fegarfonfaitcommentmarfer.
Cookie était de l'autre côté du bar, et elle essayait de préparer des brownies dansmon nouvelautocuiseurélectrique.Mêmesiuneodeuragréableflottaitdansl'appartement,jenenourrissaisquepeu d'espoir quant au fait d'avoir un shoot de chocolat de sitôt. L'appareil émit un bip, et elle seretournapourvérifierjusteavantdedisparaître.C'étaitétrange.Uninstant,elleétait là,etelleavaitdisparulesuivant.Sadisparitionfutrapidementsuivieparunbruitsourd,quiserépercutasurlesolde la cuisine. Je pensai tout d'abord àmeprécipiter pour lui venir en aide,mais je ne faisais plusconfianceàmespropresjambesàcestadeavancédelasoirée.Gemmaétaitétaléesurundesbrasdemoncanapé-quipouvaitéventuellements'appelerMelvin,oupas -et tanteLillian,quicriaitàquivoulait l'entendre que c'étaient les meilleures margaritas qu'elle avait bues depuis le concours debeauté auquel elle avait participé à Juárez, était étendue face contre terre. Je me demandais bienpourquoi.
—Vousmanquezquelquechose,M.Wong. JenesaispascequeCookieamisdanscesverres,maisc'estassezformidable.
J'adressaiunsalutauxboîtesquil'entouraient,engloutislesdernièresgouttesdemamargarita-ouplutôtCookie-a-rita,commeonlesavaitbaptiséesdurantlasoirée-etdécidaideprendredel'avanceen m'occupant d'une des lettres que Gemma insistait pour que j'écrive en guise de thérapie. Engénéral,lespsyssecontentaientdefairetenirunjournal,alorsleslettresétaientunrebondissementintéressant.
Je choisis d'adresser une lettre au Père Noël. Noël était derrière nous, mais j'avais tout raté,puisque je ne parlais à personne en dehors des vendeurs de téléshopping à ce moment-là, et ilsn'avaientpassemblévouloirpasserlesfêtesenmacompagnie.
J'avaiseuun repasdeNoëlavecCookieetAmber,évidemment,etGemmaetoncleBobétaienttous les deux passés en apportant des cadeaux et une étrange forme de dépression qui refusait departir, mais je ne me rappelais pas grand-chose en dehors de ça. Quoique, il y avait un énormecheese-cakeauchocolatquelquepartdansl'histoire.Leresteétaittotalementflou.
Jemesaisisd'unstyloetcouchaimespenséessurlepapier:«CherPapaNoël,C'estquoi,cebordel?»Cefut toutceque je trouvaiàdire,etcelanemefitpasprogresser.Jenemesentaispasmieux
aprèsl'effort.LestechniquesdethérapiedeGemmacraignaientvraiment.Jenepouvaistoujourspasme sortirReyes de l'esprit.L'imagede lui, autorisantAmber à le prendre dans ses bras, était tropprécieuse.Etcen'étaitpascequejevoulais.Jevoulaisêtreencolèrecontrelui,agitermespoingsetgrogner,maisilavaitcombattudesdémonspourmoi.Pourmeprotéger.C'étaittellementdifficilederesterencolèrecontreuntypequimenaitensecretuneguerreenvotrehonneur.Bonsang.
J'emmenai Gemma jusqu'à ma chambre et m'allongeai à côté d'elle pour mieux observer leplafondpendantdeuxheuresd'affilée.Puislemur.Puislatabledenuit.Ledistributeurdemouchoirenformedecrâne.Aprèsplusieursheuresquinem'apportèrentqueplusdefrustration,jeretirailebrasqueGemmaavaitappuyésurmonvisageetmeglissaihorsdulit.J'avaisvraimentespéréquelamargaritam'aideraitàdormircommeçaavaitétélecaspourGemmaetCookie,maisçan'avaitpasfonctionné.Àl'époqueoùj'essayaisàtoutprixderesteréveilléependantplusieurssemainesd'affilée,j'étaisobligéedeboired'énormesquantitésdecaféafindem'empêcherdefermerlesyeux.Àprésent,
j'aspiraisuniquementàdormir,etj'enétaisincapable.Lemarchanddesableétaitunenfoiré.Jeme rendis compte que le seul quimanquait à leur petite embuscade était Garrett Swopes, le
détectiveprivéspécialisédanslarecherchedepersonnesdisparuesquitravaillaitsouventavecmononcleBob.Jenel'avaispasvudepuisquej'avaisfaillilefairetuer.Pourlasecondefois.Maisilnem'entenaitsansdoutepasrigueur.Iln'étaitpaspassémerendrevisiteet jen'avaiseuni ledésirnil'énergiedequittermonappartement,doncjen'avaispasdenouvellesdeluidepuisdeuxmois.Pasuncoupdefil.Pasuntexto.Pasune-mail.Doubleblessureparballeoupas,cen'étaitpassongenre.
Je décidai de le traquer. Il n'était probablement plus le même depuis qu'il était mort pendantquelquesminutes. Ilm'avait vue.Quand il étaitmort sur la table d'opération, il avait vu à quoi jeressemblaisdepuis l'autrecôté,comprisceque je faisais tous les jours.Çadevaitêtreduràavalerpourn'importequi.
Et pourtant, j'ignorais totalement s'il s'en souvenait. En tant qu'escalier roulant pour le Paradis,j'avaiscertainesresponsabilitésquej'avaistentédeluiexpliquer,unefois.Maisilfallaitlevoirpourle croire. Peut-être que ça lui avait fait perdre la boule. Peut-être que la réalité était bien plusdérangeantequecetteidée.
J'enfilaidespantoufles,uneveste,etsortis.Conduireà3heuresdumatinavaitsesavantages.Commelefaitqu'iln'yavaitpratiquementpasde
trafic,cequimepermitd'arriverchezGarrettenuntempsrecord.Jefrappaiàsaporteetattendis.Cetypemettaituntempsfouàvenirouvrirenpleinmilieudela
nuit.Jefrappaiànouveau.Jem'étaistoujoursposéunequestion:siundétectiveprivéspécialisédanslarecherchedepersonnesdisparuessefaisaitarrêterets'échappait,quipartaitàsarecherche?
—Charles!grognaGarrettdepuisl'autrecôtédelaporte.JejuredevantDieuquesic'esttoi...Commentsavait-il?Jedécidaidenepasrépondre.Histoiredeluifairelasurprise.Laportes'ouvritetilsetintfaceàmoi,torsenuetcheveuxenbataille.Mêmesijenem'intéressais
pas particulièrement à Garrett, il fallait reconnaître que c'était une vision agréable. Sa peau étaitcouleurmokaetsesyeuxd'ungrisfumeux,et ilss'arrêtèrentsurMargaretunefractiondesecondeavantdes'endésintéresser.Ilétaitdanslemilieu.Ilcomprenaitcertainementmonbesoind'emporterunearme,mêmequandj'étaisenpyjama.
—Quoideneuf?demandai-jedemanièrebienplusjoyeusequejenemesentaisenréalité.—Tutefousdemoi?Ilsefrottaunœil.—Nan.Je m'engouffrai de force et fonçai droit à son canapé. Mais sa maison était vraiment sombre.
Étrange.—Çafaituneéternitéquejenet'aipasvu.J'aipenséqu'onpourraitparler.—Ilyaunechosequ'onappelleêtretropaudacieuse.—Tusais,onmeleditsansarrêt.Tuasducafé?Aprèsavoirchassél'airdesespoumonsassezbruyammentpourquejeneperdepasunemiettede
sonagacement,ilrefermalaporteavecplusdeformesqu'ilmesemblaitnécessaireetsedirigeaverslacuisineàgrandesenjambées.
—Qu'est-cequetuviensfaireici?—Jevienst'embêter.—Endehorsdeça.— Je n'avais pas conscience du fait qu'il me fallait une raison pour rendre visite à un demes
meilleursamissurTerre.—Tuessaiesdenouveauderesteréveilléependantplusieursjoursd'affilée?—Nan.J'essaiepas.Jemecontentedelefaire.Ilétaiten trainde fouiller lacuisineet,mêmesi jenevoyaispascequ'il faisait, lesbruitsqu'il
faisaits'arrêtèrent.J'attendis.Peut-êtrequec'étaitmadéclarationsurnotreamitié.Ilnesavaitdetouteévidence pas qu'il était un demesmeilleurs amis. Il devait certainement se sentir très honoré.Ouhorrifié.Toutlemondeytrouvaitsoncompte.
—Tiens.Jesursautai.Ilsetenaitjusteàcôtédemoietmetendaitunverredevin.—Tumesersducafédansunverredevin?—Non.—Est-cequec'estducaféaromatiséauvin?—Non.Bois.Ilpenchaleverreendirectiondemabouche.Jeprisunegorgéeet...—Hey,maisc'estpasmauvais.—Finistonverreetjeteramèneraicheztoi.—Mec,ilmefautplusqu'unverredevinpourmesoûler.Tutesouviensdecequejesuis?—Ennuyante.—Ça,c'estvraimentpetit.Il s'assit à côté demoi sur le canapé et étendit les jambes. Il avait enfilé un jean, mais il était
toujours pieds nus. Il avait pris appui contre une pile de livres. J'ignorais totalement que Swopessavaitlire.
—Tuasdesproblèmespourdormir?demanda-t-il.—Apeuprès. (Jemepenchai demanière nonchalante pour jeter un coupd'œil aux titres.) Pas
vraiment.J'aimeraiscomprendrepourquoitum'évitesdepuisdeuxmois.Il reposa lespiedspar terreetse redressa,serrantunebouteilledebièreentresesmains. Il fixa
ensuiteletapispendantunebonneminuteavantderépondre:—Jenet'évitepas.Leslivresqu'ilpossédaittraitaienttousdumondespirituel,duParadisetdel'Enfer,desdémonset
desanges.Lefaitqu'ilaitéchappédepeuàlamortavaitdûl'affecterplusquejelepensais.—Tun'espasvenumevoirpendantdeuxmois.—Ettun'espasvenuemevoirpendantdeuxmois.Cen'estpasunefuitedemapart,Charles.C'est
unemanièredemeprotéger.Merde.—Jesavaisquec'étaitparcequetun'arrêtespasdetefairetirerdessusàcausedemoi.Ils'appuyaànouveaucontreledossierducanapéetsirotasabière.—C'estcequetupenses?—C'estpas commesi jepouvais t'envouloir. Jeme tiendrais éloignéedemoi également, si je
n'arrêtaispasdemefairetirerdessusparmafaute.(Jeprisunegorgéedevin.)Cen'estpascequejevoulaisdire.
Ilpritunegrandegorgée,terminantsabièreentroissecondesmontreenmain.Quandilselevapourallerenchercheruneautre,jel'arrêtaienposantunemainsursonbras.Maisjen'obtinspaslaréaction à laquelle je m'attendais. Celle à laquelle je m'étais habituée. Il se renfermaémotionnellement.Commes'ilétaitallésecacherquelquepartaufonddeluiaumomentoùjel'avaistouché.
Cetteémotionmechoqua.Jen'avaispasréaliséquejeledégoûtais,àprésent.C'étaituneprisedeconsciencecommejen'enavaisjamaiseu.—Jesuisdésolée,bredouillai-je,reposantleverredevinsurlecoindelatable.Jeferaismieuxde
partir.Onparleraplustard.—Non,dit-il,maisjemedirigeaisdéjàverslaporte.Il contourna le canapé et referma la porte à la seconde où je l'ouvrais.Debout derrièremoi, il
poussaunprofondsoupir.
—Jesuisdésolé,Charles.Jenevoulaispastefairedelapeine.J'oubliequeturessensleschoses,queturécolteslesémotionsdesautres.
Jemetournaipourledévisageravecméfiance.—Alorsquoi?Tuvasessayerdecontrôlertesémotionsenmaprésence?Fairesemblantqueje
netedégoûtepas?Un stupide sanglot trahit le fait que sa réaction m'avait blessée. Il ne m'avait jamais blessée
auparavant,pascommeça,etonavaittraversébeaucoup.Pourquoimaintenant?Pourquoiest-cequeçadevraitmetoucher?
Mais je le savais. Il avait toujours pensé que j'étais folle, pourtant je ne l'avais jamais dégoûtéjusqu'àprésent.Cetteprisedeconsciencemefitmonterleslarmesauxyeux.
—Dégoûter?demanda-t-il,lessourcilsfroncésdeconsternation.C'estcequetucrois?Unriresansjoiem'échappa.—S'ilteplaît,Swopes.Tunepeuxpascachertesémotions.Jelesressensaussiclairementqu'un
coupdepoingenpleinventre.Cen'estpasgrave.Ilfautjustequejem'enaille.—Tu ressens peut-être les émotions,mais tu n'es vraiment pas douée pour les déchiffrer si tu
pensesquetumedégoûtes.—Garrett,s'ilteplaît,laisse-moipartir.Jesuisdésoléedet'avoirréveillé.—Sûrementpas.Assieds-toi.Ilpointalecanapéd'unemaintandisqu'ilmaintenaitlaporteferméedel'autre.Trèsbien.Iln'avaitpasbesoindesemontrersisusceptible.Jeretournaisurlecanapé,etilneme
rejoignitquelorsquecefutfait.J'eusl'étrangeimpressionqu'ilnemefaisaitpasconfiance.—Maintenant,pourquoias-tucruquetupourraismedégoûterunjourdequelquemanièrequece
soit?demanda-t-il.—Tunem'asjamaisévitée,pourcommencer.—Doncçaveutdirequetumedégoûtes?—Turefusesdeparlerdecequis'estpassé,continuai-je.Mêmesijen'avaisaucuneenviedeparlerdecequim'étaitarrivéàmoi,j'avaisenviedeparlerde
cequiluiétaitarrivéàlui.—OK.Ques'est-ilpassé?—Tuesmort.Ilmedévisageasansciller.—Tuesmort,ettuesvenumevoir.Tut'ensouviens?—Ilmefautuneautrebière.Je le laissaise leverpourallerenchercherune,mais lesuivis. Ilouvrit le frigo,décapsulaune
bière, et la descendit d'un trait.Après avoir jeté la bouteille, il en prit une nouvelle et la but pluslentement.Jem'assisàsaminusculetabledecuisine,etilmerejoignit.
—Tupeuxmedirecedonttutesouviens?demandai-jelorsqu'ilfutassis.(Commeilsecontentadefixerlabouteilleentresesmains,jelerelançai.)Tutesouviensdequelquechose?
Jesavaisqu'ilsesouvenait.C'étaitobligé.Sinon,iln'auraitjamaisréagidecettemanière.—Jemesouviensdetout.Jeblêmisàcetteidée.—Commequoi?Ilinspiraprofondément.— Je me souviens avoir été attiré par ta lumière. Je me souviens de cette petite fille qui t'a
traversée.JemesouviensdeM.Wongetduchien.—C'estçaquitedérange?Cequetum'asvuefaire?—Non.(Ilmeregardad'unemanièredécidée.)Iln'yarienàtonsujetquimedérange,endehors
dufaitquetufrappesàmaporteà3heuresdumatin.Ilyadeschosesdonttun'espasaucourant.Jefonçailessourcils.
—Commequoi?—Après t'avoir rendu visite, je suis allé ailleurs. J'ai pensé que je retournais dansmon corps,
puisquejen'étaisplusmort.—Commentas-tusuquetun'étaispasmortenpremierlieu?—Monpèremel'adit.Ilm'arenvoyé.Jenel'avaispasvudepuismesdixans.Ilétait ingénieur
pouruneentrepriseaméricaineenColombie.Ilaétéenlevé.Normalement,ilssecontententd'exigerunerançon,maisquelquechoseadûmalsedérouler.Onn'aplusjamaisentenduparlerdelui.Ilajustedisparu.
—Maistuaspulevoir?demandai-je,ébahie.Toutesceshistoiresd'expériencesaprèslamortétaientuntelmystère,mêmepourmoi.—Oui,ilm'arenvoyé.Ilétaittrèsencolère.(Ilsetournapourregarderparlafenêtre,mêmes'il
faisaitnuitnoire.)Jenevoulaispasrevenir.Jen'avaisjamaisrienressentidetel.—J'aidéjàentendudireça.Çamefaitplaisirdesavoirquelamortn'estqu'unephase,qu'onse
renddansunautremondeetqu'ilestmerveilleux.Maistuasditquetuétaisalléailleurs?—Oui.Aprèst'avoirvue.Etcen'estpastoujoursmerveilleux.—Jenecomprendspas.—JesuisalléenEnfer,Charles.Jemefigeai.—Tuveuxdire,métaphoriquement,c'estça?—Non.Cen'estpasça.—Tuveuxdirelittéralement?L'Enfer?Celuiavecdufeuetdusoufre?—Oui.Jem'enfonçaidansmachaise,stupéfiée.— Et j'ai appris des trucs. Je ne me suis pas retrouvé là par hasard. J'y ai été envoyé. Pour
apprendre.Pourcomprendre.—Comprendrequoi?—Cequetonpetitamifaitdanslavie.Iln'avaitpasbesoind'élaborer.Jesavaisqu'ilparlaitdeReyes.Dequid'autreaurait-ilpus'agir?—Tuasuneidéedecequ'ilest?—LefilsdeSatan.Lasurpriseétaitvisiblesursestraits.—Etçanetedérangepas?—Swopes,ils'estenfuidel'Enfer,OK?Cen'estpasunméchant.Enfin,ilnel'estpastotalement.Ilricanadédaigneusementetseleva.—Alorstudevraisvoircequej'aivu.Uneboufféedepeurmeparcourut.—Quoi?—Ilétaitgénéral là-bas, tusais.Lefilsdumal,oui,maisils'estélevédanslesrangsdel'Enfer
commeungrand.C'étaitunassassintrèsdoué,etilnevivaitquepoursedélecterdugoûtdusangdesesennemis.
—Onnepeutpasvraimentdirequ'ilaitgrandidansunenvironnementsain.—Donctucomptesluitrouverdesexcusestoutelanuit?Pourquoies-tuvenue?—Jevoulaissavoircommenttuallais.Désolée.Jemelevaiànouveaupourpartir,maisilditunechosequim'arrêta.—Ilaétéenvoyéici.Pourtoi.Jemeretournaiverslui.—Jesuisaucourantqu'ilaétéenvoyé,maisc'étaitpourmettrelamainsurunportail.N'importe
quelportail.Pasmoispécifiquement.Ensuiteilm'avueetilesttombéamoureux.C'estpourçaqu'ils'estlibérédujougdesonpèreetqu'ilm'aattendue.
—Ilesttombéamoureux?(L'expressionétonnéequ'ilarboraitnelaissaitaucundoutequantàce
qu'ilpensaitdemoi.)Ilnes'estéchappéderiendutout.Ilaétéenvoyé.Pourtoienparticulier.—Tunepeuxpascroireça.—Oh, non. Tu as raison. Je veux dire, onme l'a seulement montré en Enfer.Mes sources se
trompentcertainement.—Swopes,lesgensnevontpassepayerunepromenadedesantéauroyaumedesmortspouren
revenirindemnes.—Moncul,oui.C'estcequej'aifait.Ensuiteuneentitéquelconquem'afaitsortirdeforce.Etje
n'aijamaisprétenduquej'enétaisrevenuindemne.Ehbien,siquelquechosepouvaitaffecterl'âmehumaine,c'étaitcertainementunvoyageenEnfer.
Jenesavaispasquoiluidire.—Commentc'était?Ilfitungestevagueavecsabière.—Tusais.Chaud.Pleindegensquicrient.Delasouffrancepartout.Jenelerecommanderaispas
commedestinationdevacances.—Commentest-cequetu...Quit'aexpliquépourReyes?Leregardqu'ilmelançabouillonnaitdehaine.—Sonpère.Jetombaiàlarenversesurlachaise.—Engros,vousavezcommencéàparlerautourd'unpuitsenflamméavantdecomparervosnotes
surlamortetl'agonie?—Quelquechosedanscegoût-là.Ilvoulaitquejevoie,Charley.—Voiequoi?—Cequesonfilsétait.(Ilsepenchaenavant,commes'ilessayaitdemeconvaincredelecroire.)
Cequ'ilfaisait.—Onfaittousdeschosesdontonn'estpasfiers.Ilritdurementetsegrattalevisage.—Tuvisdanstonpetitmonde,hein?—Oui,etjem'ysensbien.—Ehbien,laisse-moijustetedirececi:jesaiscequ'ilest,jesaiscequetues,etjesaiscequise
passeras'iltemetlamaindessus.Jenelaisseraipascetteéventualitéseproduire.Oh,magnifique.—Cequiseproduira?Dugenre,l'EnfersurTerre?—Du genre l'Enfer de la pire espèce sur Terre. Charles, il a été envoyé ici. Pour toi.Afin de
réaliserlesrêveslesplusfousdesonpère.Jemerelevaipourprendreunverred'eau.—Cequetuasvu,cequ'ils t'ontdit,cen'estpasvrai. Ils'estéchappé.Ilestvenudesonpropre
chef.—C'estcequ'ilt'adit?—Oui,répondis-jeenfouillantsesplacardsàlarecherched'unverre.—Jen'auraisjamaiscruqu'uneFaucheusepourraitêtreaussicrédule.Audiableleverre.Jepourraisboiredel'eauàlamaison.Ilyavaitpeudechosequejedétestais
plusquelefaitqu'onremettemonintelligenceenquestion.JerefermaileplacardetmepenchaiversSwopes,quiétaittoujoursassisàlatable.—AlorstuesalléenEnfer,hein?Quandilacquiesça,jeluioffrisunsouriredoucereux,luitapotailajoue,puisdis:—Faisdebeauxrêves.
Chapitre10Affrontervospeursvousrendplusfort.Maiss'enfuirencourantmusclelesjambes.
AutocollantdevoitureJe rentrai à lamaison envoyant rouge.Littéralement.Unpolicierm'avait faitme ranger sur le
côté, et ses gyrophares étaientméchamment vifs. J'allais sûrement voir des points rouges pendantplusieursjours.Aprèsavoirflirtéunpeuaveclui,cequinem'avaitaidéeenrien,etavoirmentionnéquiétaitmononcle,cequim'avaitconsidérablementaidée,j'avaispuparcourirleresteducheminunpeupluscalmementetunpeupluslentement.Malgrésonhostilité,passerchezSwopesm'avaitoffertun sympathique intermède de mon appartement en pagaille. J'examinai les environs tout enconduisant,faisanttrèsattentionauxombressinistresetauxcoinssanslumière.Jen'avaispasétésisouvent à l'extérieur depuis des semaines. Et sortir la nuit, à une heure si indue, était étrange. Etdangereux.
Jeverrouillailavoitureetmedirigeaiversmonimmeuble.Àpeineentrée,jefusprisedubesoinirrépressibledevérifierchaquerecoinetchaquepetitefenteavantderemonterl'escalierjusqu'àmonappartementautroisièmeétage.Jemarchaidosaumur,jetantsansarrêtdesregardspar-dessusmonépaule.Ilétaitplusquejamaistempsquejemebaladeavecunelampetorchependantlanuit.
Après être retournéedansma chambre sur la pointe des pieds afin denepas réveillerGemma,j'ouvrisletiroirsupérieurdemacommodeetensortisunephoto.Laphoto.Cellequej'avaisobtenuequelquessemainesplutôtetquejen'avaisplusjamaisregardéedepuis.
J'entendislachassed'eau,puisCookiepassalatêteparl'embrasuredelaporte.Lalumièredelacuisinefiltraittoutautourd'elleetmepermettaitdedistinguersasilhouette.
—Charley,c'esttoi?fit-elle,lavoixrauqueetendormie.Je me demandais si elle était encore soûle. Je baissai la photo pour éviter de voir ce qu'elle
représentait.—JesuisPrune,lajumellemaléfiquedeCharley.—Tun'arrivespasàdormir?Jem'assisaupieddemonlit.—Pasvraiment.Moncerveaus'amuseàm'envoyerdespenséescontradictoires.Ellepritplaceàcôtédemoi.—Àproposdequoi?Jerisdoucement.—Tuserasenmesuredeteleverdemainmatin?demandai-je.Ellesourit.—Jevaisbien.Jemeremetsrapidementdescuites.—Tuétaisévanouiesurlesoldelacuisine.Aprèsavoirreniflédemanièreplutôtgrossière,ellerépondit:—Commesic'étaitlapremièrefois.Ellen'avaitpastort.—Alors,quoideneuf?—JenesaisplusquoipenserdeReyes.—Oh,chérie,quisaitquoipenserdelui?C'estuneénigmeemballéedansunpapiercadeaufaitde
sensualité,entouréd'unedizainedechaînesdedésiretrecouvertderubansaussitranchantsquedes
rasoirs.Ilestconstituédeplusdecouchesquelegâteaudemariaged'unmultimillionnaire.Jehaussailessourcils.—Desensualité?—Jesais.Çadépasse le faitqu'il soit l'hommeleplussexyàavoir jamais foulé laTerre,mais
c'estundétaildifficileàignorer.(Elleremarqualaphotodansmesmains.)Qu'est-cequec'est?Jebaissailatête.—Tu te souviensquand je suis allée dans l'immeubleoù j'ai vuReyespour la première fois ?
Celuidanslequelcettevieillefemmecingléesquattait?—Oui,c'étaitlapropriétairequandReyesyhabitait,quandtuétaisaulycée.—Toutjuste.Ehbien,ellem'adonnéça.(Jeluitendislecliché,maisleretinsparuncoin.)Jedois
t'avertir,c'esttrèsexplicite.Jeremarquaiquelasurpriseavaitgagnésestraitsquandellesesaisitdelaphotoetlarelevaafin
de profiter de chaque particule de lumière que la chambre avait à offrir. Elle fronça les sourcilscommesielleessayaitdedistinguerl'image.Sessourcilsserapprochèrentencorepluslorsqu'elleyparvint,etelleécarquillalesyeux.Elleouvritlabouche,témoignagemuetdesacompréhension.Puissesyeuxs'humidifièrentetellesecouvritlamoitiéduvisagedesamainlibre.
Ellesemblaitincapablededétournerleregard,commesielleassistaitàunaccidentdevoiture.Jen'avais pas besoin de revoir l'image pourme souvenir de l'horreur que la photo représentait.Elleavaitétémarquéeauferrougedansmamémoireàlasecondeoùj'yavaisposélesyeux.
Lescordes.Lesang.Leshématomes.Lahonte.Cookierepritfinalementlaparole,sansenleversamain.— Est-ce que c'est... ? (Sa respiration se bloqua dans sa poitrine, et elle déglutit avant de
recommencer.)Est-cequec'estReyes?—Oui.Ellefermalespaupièresetplaqualaphotocontresoncœur,commesielleessayaitdelebercer.
Deleprotéger.Unelarmes'échappadelabarrièredesescils.—MonDieu,Charley.Tumel'avaisdit,mais...—Jesais.Jelaprisparlebras.Elleseserracontremoiettapotamamain.Je lui laissai quelques instants pour absorber ce qu'elle venait de voir. Pour lui permettre de
contrôlersesémotions.Jecroisquececlichéétaituntrophée.SelonlasœurdeReyes,Kim,EarlWalkeravaitl'habitude
de prendre des photos compromettantes deReyes, puis de les cacher dans lesmurs partout où ilsvivaient.Et ils déménageaient sans arrêt, donc il pouvait y en avoir à des dizaines d'endroits.Ellem'avaitditquelesphotosconstituaientunchantagequiservaitàs'assurerqueReyessecomporteraitbien. C'était possible, même si j'avais tendance à penser qu'il s'agissait plutôt de souvenirs. Dessouvenirs de ses exploits.Mais la raison pour laquelle il les cachait dans lesmurs dépassaitmonentendement.S'ils'agissaitbienlàdetrophées,nelesaurait-ilpasemportées?Pourquoileslaisseràunendroitoùellespouvaientêtre trouvées -et l'avaientété,dans lecasdeMmeFaye-etutiliséescontrelui?
Puis je pris conscience qu'Earl ne figurait probablement sur aucune de ces images. EllesreprésentaienttoutesReyes.
Sur la photo queMme Fayem'avait donnée, Earl semblait volontairement faire honte à Reyes.C'étaitlepiredetout.Ill'avaitattachéetluiavaitbandélesyeux,mêmesijen'avaisaucunepeineàreconnaître la silhouette parfaite de Reyes. Ses cheveux en bataille. Sa bouche pleine. Les lignesfluidesdesontatouagequis'enroulaitautourdesesépaulesetdesesbras.Lescordesquimordaientdanssachair.Ellesrouvraientdesblessuresquiavaientcommencéàguérir. Ilsemblaitavoirseize
ans sur la photo, son visage était tourné loin de l'objectif, ses lèvres serrées par l'humiliation.D'énormeshématomesnoirssouillaientsanuqueetsescôtes.Delonguesentailles,certainesrécentesetd'autresàmoitiéguéries,zébraientsesbrasetsontorse.
Jeneparviendraisjamaisàeffacercetteimagedemonesprit,mêmesij'avaiscaressél'éventualitéd'avoirrecoursàl'électrothérapie,justepouressayer.Çaenauraitvalulapeine.Etpourtant,j'avaisconservélaphoto.Acejour,jen'avaisaucuneidéedelaraisonquim'avaitretenuedelabrûlerdèsl'instantoùjel'avaiseueentrelesmains.
—Jen'osepasimagineràquoisaviearessemblé,ditCookieenobservantlevideenfaced'elle.—Moinonplus.Ilasauvélamienne,cesoir.Ils'estbattuavecundémonquiétaitbiendécidéà
m'égorger.Jelasentissetendre,inquiète.—Charley,tuessérieuse?— Oui. Je lui en ai voulu, mais il m'a toujours sauvé la vie. Encore et encore lorsque je
grandissais.Jenesuispassûred'avoirledroitd'êtreencolèrecontrelui.—Peut-êtrequetunel'espas.—Qu'est-cequetuveuxdire?Ellesemorditlalèvreethésitaavantderépondre.—Jeteconnais,Charley,etjenecroispasquetusoisencolèrecontrequelqu'und'autrequetoi-
même.Jemeraidis.—Pourquoiest-cequejeseraisencolèrecontremoi?Ellem'adressaunsourirepleindecompassion.—Exactement.Pourquoi?Etpourtant, tul'es.Commetoujours.Encolèrecontretoiparceque...
parce que quoi ? Parce qu'EarlWalker s'est introduit dans ton appartement ? Parce que tu as étéattaquée?Parcequetun'aspasputedéfendre?
Jefronçailessourcils.— Tu as tort. Je ne suis pas en colère contre moi. Je vais très bien. Je suis dans une forme
olympique.Tuasvumesfesses?Ellepassaunbrasautourdemesépaulesetmeserra.—Désolée,gamine.Tunetrompespersonneàparttoi.Alors,qu'est-cequetupensesdeceluiqui
sefaitappelerlefilsdeSatan?Ilyadel'espoirpourlui?Ellemerenditlaphoto,facecachée.Jenelaretournaipas.—Ilyenapeut-être.Lejuryesttoujoursentraindedélibérer.—Ehbien,dis-luidesedépêcher.Ilfautquecetypepassenousvoirplussouvent.Ondiraituntop
modelbrésilientrempédanslepéché.—C'estunebonnedescription.—Jepenseaussi.Aufait,pourquoiPrune?C'étaitétrange.DormiravecGemmaetavoirtanteLil,mêmeévanouieparcequ'ellecroyaitêtre
ronde commeunequeuede pelle, dans la pièce d'à côté se révélait réconfortant. Pas énormément,surtoutquandGemmas'étaitmiseàparlerdanssonsommeilouquandellem'avaitfrappéeparcequej'étaisunpirate-cettefilleavaitdesérieuxproblèmes-,maisassezpourmepermettredemereposerunpeu.
Jemeréveillaitoutdemêmerelativementdebonneheure.Enpartieparcequelesouvriersavaientcommencé leur journée plus tôt queDieu.Mais surtout parce queGemma était en train de courirpartoutàlarecherchedesonpantalon.Elleleportaitquandjel'avaisramenéejusqu'aulit,alorsjenevoulaismêmepassongeràlaraisonpourlaquelleilavaitdisparu.Maisellesecognaitcontretoutcequ'ellepouvait.Dieumerci,jenetenaispasvraimentàmastatueenmacaronisd'AbrahamLincoln.Sijeneconnaissaispasmieuxmasœur,j'auraisditqu'elleétaittoujoursbourrée.J'avaisvraimenthâte
devoirdansquelétatétaitCookie.Jesautaisousladoucheànouveau,pluspourbriser laglaceaveclajournéequim'attendaitque
parce que j'en avais besoin.Des images dérangeantes s'évertuaient à surgir partout autour demoi.GarrettenEnfer.Reyessebattantcontreledémondelaveille.Cookieentraindes'essayeràlapôledance.Elleauraitpuêtredouées'ilyavaitvraimenteuunpoteau,mais je luiaccordaisdespointsbonuspoursacapacitéàlemimer.
AprèsavoirenfiléunJean,unpullàcolrondbrunchocolatetdevieillesbottesdélavéesquimemontaient jusqu'aux chevilles, je sortis dema chambre pour affronter un nouveau jour dansmonhumbledemeure.Cestemps-ci,j'aimaisbienplusl'intérieurdemonhumbledemeurequel'extérieur.Maisj'avaisdescasàrésoudreetdespersonnesàemmerderavectoutel'affectiondontj'étaiscapable.Jedécidaidecommencerpar l'atrocebeau-frèredeHarper,histoiredevoir àquelpoint il voulaitqu'elledisparaisse.Ou souhaitait la rendre folle.Cette éventualitéme trottaitdans la têtedepuisunmoment.QueHarper ne soit plus en travers de son chemin arrangerait vraiment ses affaires. Sonhéritagedoublerait,aubasmot.
ToutenmedemandantoùtanteLilavaitbienpupasser,j'attrapaimonsacetmeslunettesdesoleilavantdemedirigerverslaporte.Malheureusement,quelqu'unfutplusrapidequemoi.Onfrappaunefraction de seconde avant quemes doigts n'atteignent la poignée. J'ouvris et découvris la dernièrepersonnesurTerrequiauraitpumefairelagrâcedesetrouversurmonpalier.
Sansmelaisserdémonter,jemismeslunettesdesoleil.—J'étaisentraindepartir,annonçai-jeàDenise,mabelle-mèredel'enfer.Puisunepenséemefrappa:peut-êtrequeGarrettn'étaitjamaisalléenEnfer.Peut-êtrequ'ilavait
atterridanslamaisondemesparentsparerreur.Çapouvaittoutàfaitexpliquerleshurlementsetlesgémissementsdedouleur.
—Est-cequejepeuxteparler?demanda-t-elle.Çaneprendrapaslongtemps.Deniseétaitunedecesfemmesquelesautrespersonnestrouvaientcharmante.Elleavaitungentil
sourireetundonpourlethéâtre.Maiselleétaitàpeuprèsaussidoucequ'unevipèreaffaméedansunpanierrempliderats.Aumoinsenversmoi,lefruitdesesentraillesparalliance.
Onne s'était jamaisvraiment entendues.Elle avait commencéànepasm'apprécierouvertementquandj'avaiscommencéàinsisterpourqu'ellemeracontedeshistoiressursonenfance,àlasupplierpourqu'ellem'expliquecommentc'étaitdecouriraveclesdinosaures.Aprèsça,elles'étaitmiseàmelancer des regards au nitrogène liquide qui pouvaient congeler n'importe quelle bonne intention.J'avaisapprisàlancermesregardslesplusefficacesgrâceàcettefemme.Jesupposequejedevaisluiêtrereconnaissantepourça.
Tout en expirant longuementdemanière exagérée, jeme retirai dupasde laporte et l'invitai àentrerd'ungestedelamain.Elles'arrêtanetlorsqu'ellevitl'étatdemonappartement.Jelasuppliaisilencieusementdedirequelquechose.N'importequoi.N'importequoiquimedonneraituneexcusepourlamettreàlaported'uncoupdepiedauxfesses.J'avaisdûendurersonrôledebelle-mère,etjecontinuaienprésencedepapaetdeGemma,maispas ici.Pasdansmonespacesacré.Ellepouvaitaller se faire voir si elle pensait que j'allais gentiment sourire et supporter ses regardscondescendantssousletoitpourlequeljepayaisunloyer.
Ellesemblas'enrendrecompte.Soninstinctdesurvievenaitdesemanifester.Ellerécupéradesasurpriseenunclind'œiletseremitàavancer,évitantuncartonetunpantalon.
Tout enme demandant commentGemma se débrouillait sans, je conduisisDenise jusqu'àmonsalon-quisesituaitbienàcinqpasdemaported'entrée-,m'assis,etlagratifiaidemonmeilleurairrenfrogné.
—Quepuis-jefairepourtoi,Denise?Elles'assitleplusloinpossibledemoietredressalesépaules.—Jevoulaissimplementteposerquelquesquestions.
—Ettontéléphonenefonctionnepas?Ellesehérissalégèrementenentendantletonquej'avaisutilisé.Subirmamauvaisehumeursans
sebattren'étaitpassongenre.Lamodestieetlasagessen'étaientpasgénétiqueschezelle.Elledevaitvraimentêtredésespérée.
—Tunerépondsjamaisàmesappels,merappela-t-elle.—Ahoui,c'estvrai,j'avaisoublié.Alors,qu'est-cequejepeuxfairepourtoi?Ellesortitunmouchoirdesonsac,retiraseslunettesdesoleil,etsefitundevoirdelesnettoyer.Finalement,etavecuneattentiontouteparticulière,jedécidaidem'ouvrir.Jemelaissairessentir
les sentiments qui la traversaient. La plupart du temps, je restai fermée. Il y avait beaucoup tropd'émotions ambiantes partout. J'avais appris à contrôler ce que j'absorbais et lamanière dont je lefaisais lorsquej'étaisaulycée.Avantça,mavieavaitété...undéficonstant.Spécialementauprèsdel'Antéchristparalliance.
Lesémotionss'échappaientd'ellecommedes lamesacérées, lespiresd'entreellesressemblantàdeséclairsdontlafoudremecoupaitlesouffle.Lapeur.Ledoute.Ladouleur.
Quelqu'unétaitmort.Ouquelqu'unallaitmourir.Cesémotionsétaientbien tropfortespourêtreassociéesàautrechosequelamort.
—Toutd'abord,j'aimeraisquetusachesquejecroisentoi.Encedonttuescapable.Ainsidonc,lafemmequiavaitfaitdemonenfance-demesdons-unvéritableenferycroyaità
présent.Ouais,eneffet.Quelqu'unallaitmourir.Peut-êtrequeceseraitelle,maisjenevoulaispasmedonnerdefauxespoirs.
—Magnifique!répondis-je,feignantl'enthousiasme.Maintenantonpeutêtrelesmeilleuresamiesdumonde.
Ellem'ignora.—Jelesaisdepuislongtemps,Charlotte.Elleavaittoujoursrefuséd'utilisermonsurnom.Çanousauraitfaitparaîtretropproches,etnous
nepouvionspaslaisserunetellechoseseproduire.—Tudoiscomprendreàquelpointilaétédifficiledet'élever.Jenepusmeretenir.Jegrognai.Bruyamment.Puismemisàrire.—M'élever?C'estcommeçaquetuappellesça?Toutcequetum'asfaitendurer?Ellem'avaitignoréeduranttoutemonenfance.Àpartlorsquejelamettaisdansl'embarrasdevant
des amis ou quand je saignais abondamment, je n'avais aucune importance pour elle. Je n'étaispersonne.Invisible.Delapoussièresoussespieds.
Pasquejeluienveuilleouquoiquecesoit.—Tun'aspasd'enfants,alorsjenem'attendspasàcequetucomprennes.Je décidai de partager une anecdote avec elle afin de l'aider à mieux se rendre compte de la
situation.— Toute personne qui a des enfants devrait savoir que, parfois, quand on demande à la petite
Charleyquiacassélalampeetqu'ellerépondqu'ellel'ignore,cequ'elleessaiededireenfaitc'est:« C'était un type avec la peau claire et translucide et des cheveux gras qui était peut-êtremort enraisondelablessurequ'ilavaitàlatête,maisquiavaitcertainementplutôtmordulapoussièreàcausedesnombreusesblessuresparballesqu'ilavaitàlapoitrine.»Maissiçasetrouve,jemefaisjustedesidées.
—Lescirconstancesétaientinhabituelles,confirma-t-elleenobservantseslunettes.—T'crois?Elle retint une riposte juste à temps, et je souris presque. Je n'étais pas sûre de savoir à quel
momentj'étaisdevenueaussicruelle.Elleétaitdetouteévidenceentraindesouffrir.Maislekarmaétaitunesalopecalculatrice.Ilfaudraitquej'ensoisuneplussouvent.
Enbonpetitsoldat,ellecontinuaàavanceretdemanda:—Est-cequetupourraismetransmettrelemessage?Celuiquemonpèrem'alaissé?
Jenepuspasm'enempêcher.J'ouvrislabouchecommesimamâchoirevenaitdesedisloqueretjefaillis me moquer d'elle à haute voix. Maintenant ? Après toutes ces années, elle avait décidé derejoindreleclub,etj'étaiscenséemerappelerdequelquechosequ'undéfuntm'avaitditquandmonâgen'étaitconstituéqued'unseulpetitchiffre?C'étaitquoi,cetteplaisanterie?
—OK,ehbien,jedevaisavoir...(Jelevailesyeuxpourobserverunecalculettegéanteauplafond.)Jenesaispas,quatreoucinqans,doncc'étaitilyacombiend'années?Lesmaths,c'estpasvraimentmontruc.
—Vingt-cinqans,proposa-t-elle.—Doncj'avaisquatreans.—Jesais,dit-elle.(Ellecrispalesdoigtsautourdesonsac.)Maisjesaiségalementàquelpoint
ton esprit est surprenant. (Elle me regarda de manière entendue.) De toute évidence, tu n'oubliesjamaisrien.
—Tun'aspastort.Jemerappelleprécisémentlagiflequetum'asdonnéedevanttoutlemondeauparc.Etlafoisoùtum'asfaitdescendredecevéloàlaplage.Enmetirantparlescheveux.Etdecelleoù j'ai essayéde te transmettre lemessagede tonpère, ainsi que de lamanière dont tu as pété unplomb, hurlant tout du long sur le trajet pour retourner au bar de papa. (Jeme penchai.) Tum'ascrachéenpleinvisage.
Elleserraleslèvres,désolée.Mince,elleétaitdouée.Sijenelaconnaissaispasmieux,j'auraispupenserqu'elles'envoulaitréellement.
— J'étais sous le choc, au parc. Ce que tu as fait était... (Elle inspira, puisme lança un regardaccusateuravantdereprendre.)Ettescheveuxs'étaientaccrochésàmabague.Jet'avaisditdenepasmontersurcevéloettum'avaisdésobéi.
Silachaleurdelahainequejeluivouaisavaitpusemanifesterphysiquementensortantdemoncorps,elleauraitétéatomiséesurplace.Iln'enseraitrestéqu'unepetitebriquedecharbonenformed'Hitler,parcequ'elle lui ressemblaitvraimentd'unemanièreétrangeetdérangeante.Ceque j'avaisfait?Commentosait-elle!
—Etsitut'ensouviensbien,jen'étaismêmepasencoreaucourantquemonpèreétaitmortquandtum'asditque tuavaisunmessagede sapartd'outre-tombe.Commentétais-je censée réagir à ça,Charlotte?
—Enmecrachantauvisage,detouteévidence.Ellebaissalatête.—Sijeteprésentemesexcuses,est-cequeçaaidera?—Passpécialement.—Est-cequetuveuxbienmelerépéterquandmême?La tristesse et le remordsdans ses yeuxgrignotèrentmes résolutions.Pas énormément.Unpeu
commeune souris qui auraitmordillé une petitemiette issue d'un bout de fromage de la taille dumontRushmore.Maisassezpourquejeréponde:
— Je ne me souviens sincèrement pas du message exact, puisque tu demandes. C'était quelquechose à propos de serviettes bleues. Ou peut-être de serviettes qui n'étaient pas vraiment bleues.Merde,jenesaispas.
OK,j'avaisseulementutilisélemotquicommencepar«M»parcequejesavaisàquelpointellele détestait.Mais ça m'avait fait du bien. Elle avait l'air perdue dans ses pensées, à essayer de sesouvenirdecedontjepouvaisbienêtreentraindeparler.Puisquelquechosesemblaémergerdesamémoire.Sonvisages'illuminacommesiellevenaitdecomprendre.
—Attends,s'exclama-t-elle.Elleselevaetmetournaledos.—Qu'a-t-ilditausujetdesserviettes?Aprèsavoirprisuneprofondeinspiration,jerépondis:
—Jetel'aidit,quelquechoseausujetdufaitqu'ellesn'étaientpasvraimentbleues.Jecroisqu'iladitquecen'étaitpastafaute.
Sa tristesse me frappa comme un jet d'acide. Elle me piqua les yeux. Elle remplit ma cagethoraciqueet la comprima. Jeme fermai ànouveau, rétractant les antennesquimepermettaientdecapterlesémotions,etforçaidel'airfraisàpénétrerdansmespoumons.
PuisDenise se retournaet s'agenouillaen facedemoi.Elle s'agenouilla.Sur lesgenoux.C'étaitbizarre.Jetentaidereculer,maisj'étaisdéjàcontreledossierdemoncanapé,quis'appelaitpeut-êtreConsuela.Monexpressiontrahissaittrèscertainementledégoûtquejeressentais.
—Cen'étaitmêmepasàproposdemoi,dit-elle,levisagerayonnantdestupéfaction.C'étaitàtonsujet.Ilessayaitdem'expliquerpourtoi.
—Tuesdansmabulledeconfort.—Ilvoulaitmedireàquelpointtuesspéciale.—Ettunel'aspasécouté,laréprimandai-je.Commec'estétonnant.Maisnon,sérieusement,tues
dansmabulledeconfort.—Oh,s'exclama-t-elleen jetantdes regardsautourd'elle, surprise. Jesuisdésolée. Je... (Ellese
rassitsursachaiseetlissasonpantalon.)Jesuisdésolée,Charlotte.Jenesavaisvraimentpascommentsonpères'yétaitprispourluienvoyerunmessageàmonsujet
depuis l'autre côté, ou comment elle avait réussi à tirer cette conclusion quand il s'agissaitapparemmentdeserviettesbleues.Et,tristement,jen'enavaispasgrand-choseàfaire.
—C'esttoutcedonttuavaisbesoin?—Non.—Ehbien,c'est leseulmessageque j'aipour toiaujourd'hui.Àmoinsque tuveuillesceluiqui
concernetoutletravailquej'aiàfaire.C'enestunimportant.Jeramassaimonsacsurlesol,remismeslunettesdesoleil,etmelevaipoursortir.—Est-cequetupeuxprédirequandquelqu'unestsurlepointdemourir?demanda-t-elleavantque
j'aieletempsdem'éloigner.Jelesavais.Latêtebaisséeetlesdentsserrées,jerépondis:—Jen'ensuispassûre.Malheureusement, j'avais la dérangeante impression que j'étais en mesure de le faire. Que j'en
avaistoujoursétécapable.Maisc'étaitunedecespetitesvoixénervantesquichuchotaitàmesoreillesetquej'ignorais.CommequandCookieportaitduviolet,durougeetduroseenmêmetemps.Jelarepoussais aux confins dema conscience. Je ne savais pas trop comment expliquer ça à quelqu'uncommeelle,alorsjen'essayaimêmepas.
—C'estpossible.(Jepenchailatêteetlaregardaidespiedsàlatête.)Ouaip,jecommenceraisàchercherunendroitsympaoùmefaireenterrer,sij'étaistoi.
Ellenemepritpaslemoinsdumondeausérieux,cequiétaitprobablementunebonnechose,danslamesureoùjelafaisaismarcher.Aprèss'êtrelevéeàsontour,elleremitsonmouchoirdanssonsacetdit:
—Situremarquesquoiquecesoitdecegenre,pourrais-tus'ilteplaîtmepasseruncoupdefil?—Absolument.Jetemettraiennumérofavori.Ellesedirigeajusqu'àlaportepuisseretourna.—Etjustepourtoninformation,jenedemandaispaspourmoi.Je la laissai s'en aller, attendis cinq bonnes minutes, puis sortis à mon tour, la chassant
complètementdemonesprit.Oufaisantdemonmieuxpourqueçaarrive.Selon son insigne, la Société du Voile se chargeait de l'exploration et du développement de
carburant alternatif, et le beau-frère de Harper, Art, y était apparemment un grand ponte. Dans lamesure où je n'avais pas rendez-vous, onme demanda de patienter dans le hall. Ce n'était pas unendroitoùj'aimaisattendre.Alorsjetentaid'expliqueràlaréceptionnistequij'étaisetluidisquesi
Art ne voulait pas me recevoir, je pourrais revenir avec quelques officiers et un mandat. Onmeconduisitdans sonbureauàpeinequelquesminutesplus tard. J'adoraisquandcesmenacesen l'airfonctionnaient.Sérieusement,unmandatpourfairequoi?Artdevaitavoirquelquechoseàcacher.
Il ne sembla pas spécialement content deme voir lorsque son assistanteme fit entrer dans sonbureau.Ilselevaetmetenditlamain,maisçaneluifaisaitpasplaisir.Manquedebol,cetypeétaitmignon. Il portait un costume trois-pièces et avait le visage d'un acteur de cinéma, avec de courtscheveux bruns et une peau naturellement bronzée.Mais la pièce de résistance était ses yeux, grisargentéavecdesnuancesbleutées,entourésdelongscilssombres.Etmerde!Jedétestaisquandlesméchantsétaientsiséduisants.C'étaittellementplusfaciledepenserlepired'euxquandilsdonnaientlechangeetétaientmaigrichons,avaientdessouriressournoisetdesdentspourries.
Bienquelefaitqu'ilressembleàsamèreaidâtlégèrement.Oh,oui,c'étaitunevermine.Etj'allaisleprouveraussivitequepossible.
Aprèsm'avoirbrièvementserrélamain,ilmefitsignedem'asseoir,puisfitdemême.—Ça vous dérangerait de m'expliquer pourquoi vous avez ressenti le besoin de memenacer,
madameDavidson?— Pas du tout. J'avais besoin de vous voir, et j'avais besoin de vous voir rapidement. J'ai été
engagéeparvotrebelle-sœur...—Jesais,jesais.(Illevaunbraspourmefairetaire.)Mèrem'atoutraconté.J'avaisétélesujetdelaconversationàdîner?Cool.J'adoraisquandçaseproduisait.Maisj'avais
un préjugé sur les hommes qui appelaient leurs mères «Mère », et c'était encore un point en sadéfaveur.Peut-êtrequeçapourraitcontrecarrerlefaitqu'ilétaitbeaucommeunDieu.
—Delamêmemanièrequejesuissûrequevousyavezégalementeudroit.—Moi?—Oui.JesuispersuadéquevousavezeuuncompterenduenlongetenlargedufaitqueHarper
tenteàtoutprixd'attirerl'attention,etquetoutacommencéaprèslemariagedemesparents.J'évaluaisesémotions.Iln'étaitpasencolère.Etilnesesentaitpasparticulièrementcoupable.Pas
jusqu'àcequejedise:—Harperm'aracontéquevousaviezmislefeuàlanichedesonchien.Quandilétaitàl'intérieur.—Elleaditça?Laculpabilités'échappaitdeluiparvagues,maisilyavaitquelquechosedepluspuissantencore.
L'anxiété.Ilétaitblessé.Ilselevaetregardaparlafenêtre.—C'étaitunaccident.Ellelesait.—Etellemel'adit.Jeremarquaiunlégersouriresurseslèvreslorsquej'observaisonrefletdanslavitre,etlavérité
mefrappa.Violemment.—Nomd'unchien,vousêtesamoureuxd'elle!—Quoi?Ilseretournapourmefaireface,sursonvisageuneparfaite imitationde l'indignation.Jefis la
moue.—Vraiment?—Merde. (Il fit le tour de son bureau et referma la porte avant de continuer.)Comment avez-
vous... ? Écoutez... (Il se passa la main dans les cheveux tandis que j'essayais de ne pas sourirebêtement.)Évidemmentquejel'aime,c'estmasœur.
—Art,c'estvotresœurparalliance,etelleestsplendide.Jel'airencontrée,vousvoussouvenez?Ilserassit.—Ellen'estpasaucourant.Pasvraiment.—Pourquoi?demandai-je,sidérée.—C'estcompliqué.Maisnousavonsététrèsprochespendantdesannées.— Attendez une minute, dis-je tandis que je prenais conscience d'une chose. C'était vous, son
contact.Vousl'avezaidéequandelleadisparupendantcestroisannées,n'est-cepas?Ilpinçaleslèvres.—Qu'allez-vousaujustetransmettreàmamère?—Àmoinsqueçaconcernedirectementcetteaffaire,riendutout.Etjenevoispasenquoisavoir
quevousavezaidévotrebelle-sœurseraitsesoignons.—Eneffet,concéda-t-ilavecréticence.Çaaétélestroisannéeslesplusdifficilesdemavie.Ill'aimaitsincèrement.—Ehbien,jedoisadmettrequevousvenezdebousillermathéorie.Jepensaisvraimentquec'était
vous.—Désolé.Ilnel'étaitpas.C'étaitévident.—Maisvouslacroyez,n'est-cepas?Ilhaussalessourcils,pleind'espoir.—Jelacrois.Est-cequevouspouvezmedirecequevouspensezdetoutça?Jeveuxdire,vous
avezcertainementquelquesidéesaprèstoutescesannées.—Rienquisesoitavéré,répondit-ilcommes'ilsedécevaitlui-même.J'aiessayédedémêlercette
histoirependantdesannées.Àunepériode,jecroyaisquec'étaitlefilsdesvoisinsquiavaitunfaiblepourelle,ensuite le livreurdemeubles.Deschosesseproduisaientauxmoments lesplusétranges.Parfois Harper était à la maison, parfois pas, donc la théorie de ma mère selon laquelle Harpercherchejustedel'attention,c'estdesconneries.
J'étaiscontentequ'ilpenseainsi.—Est-cequ'ilyavaitquelqu'und'autredanslamaisonquandvousyétiez?Quelqu'unquiauraiteu
facilementaccèsàlachambredeHarper?— Bien sûr, tout le temps. On avait des parents, cousins, femmes de chambre, cuisiniers,
jardiniers,traiteurs,organisateursd'événements,assistants,etainsidesuite.—Est-cequecertainsd'entreeuxhabitaientaumanoir?—Justelagouvernanteetparfoisuncuisinier.Onenaeubeaucoup.Mamèren'estpaslapersonne
laplusfacileàvivre.Jen'avaispasdepeineàl'imaginer.—Ilfautquejevousposeunequestiondifficile,Art,etj'aibesoinquevousgardiezl'espritouvert.—D'accord,répondit-il,légèrementsuspicieux.—Est-cequevoussoupçonnezouavezjamaissoupçonnévotremère?Sonvisagesefigeadansledoute.—Non.(Ilserralamâchoire.)Absolumentpas.—Maislasantédevotrebeau-pèreestsurledéclin,n'est-cepas?Siquelquechosedevaitarriver
àHarper,vousetvotremèrehériteriezdetout.Ilhaussalesépaules,résigné.—C'estvrai,maisonhériterad'unepetitefortunequoiqu'iladvienne.—Peut-êtrequecen'estpassuffisant.Peut-êtrequevotremèreaessayéde,jenesaispas,rendre
Harperfolleafindepouvoirladéclarerinapte,ouquelquechosecommeça.— Je comprends pourquoi vous pensez ça, mais elle n'est pas avare à ce point. J'y ai réfléchi
pendantlongtemps.Mamèren'apasmenti.Toutacommencéaprèsqu'ilssesontmariés.Jen'avaisrencontréHarperquequelquesfoisavantlemariage,maisc'étaitjusteunepetitefillenormale.
—Etensuite?—Ensuite,elleachangé.Etmalgrécequepensemamère,jenecroispasqueçaaitquelquechose
àvoiravec leurmariage. (Il sepenchaenavantet relevaun regardperçant.) Jepensequequelquechoseluiestarrivépendantlalunedemieldemesparents.Quelquechosequiaunlienavectoutça.
—Ellen'amentionnéaucunincident.— J'ai fait des recherches sur le syndromede stress post-traumatique,madameDavidson, et en
songeantàtoutcequis'estpassé,jepensequeHarperenprésentelessymptômes.Ellen'avaitquecinqans,pourl'amourdeDieu.Quisaitcequ'ellearefoulé?
—Ehbien,jepensequevousavezraisonàcepropos.Demauvaissouvenirspeuventêtrerefoulés.Jesuiscontentequ'ellevousaiteuàsescôtés,enrevanche.Qu'elleaiteuquelqu'undanssoncamp.
—Moiaussi.(Ilsouritetsecalaànouveaucontreledossierdesachaise.)Jemedemandesiellemepardonneraunjourpourcetincendie.
—Jenecompteraispaslà-dessussij'étaisvous.
Chapitre11Danslamesureoùtuerdesgensestillégal,est-cequejepeuxavoirunTaserjustepourlefun?
Tee-shirtPeut-être qu'Art avait raison. Peut-être que Harper avait refoulé quelque chose. Un incident
troublantquiauraitservidepointdedépartàtoutecettehistoire.Siquelqu'unétaitaucourant,ceseraitsûrementsonpremierthérapeute.J'appelaiCookieet,aprèsluiavoirexpliquécommentdiminuerlevolumedesasonnerie,j'obtins
lesinformationsdontj'avaisbesoinsurlepremierthérapeutedeHarper,unepsychologuenomméeJuliaPenn.Elleétaitàlaretraite,etCookien'avaitpasréussiàmetrouverd'autrescoordonnéesquesonadresse.Ellevivait àSandiaPark, justeau-dessusdesmontagnes. J'avaismilleetunechosesàfaire aujourd'hui, y compris aller voir comment se portaientHarper etQuentin, et rendre visite àquelques vieux amis, à savoir Rocket, un savant défunt qui habitait dans un asile psychiatriquedésaffecté.Maisjedécidaidepasserchezlapsyquoiqu'ilensoit.Çanedevraitpasprendretropdetemps.
JeconduisissurlafameuseroutesecondaireconnuesouslenomdeTurquoiseTrail,longeantunpaysage magnifique, avant de déboucher sur le prestigieux panorama de San Pedro, une richecommunautéaupieddeSandiaPark.
Frappéeparlabeautédel'endroit,jerappelaiCookie.—Jenet'aipasexpliquéquelasonneriemedérangeaitaujourd'hui?—Cook,commenttupeuxavoirlagueuledebois?Tuallaisparfaitementbienvers4heuresdu
matin.—Çanem'avaitpasencorerattrapée.Çal'afaitplustard.Autourdeseptheuresetdemie.Est-ce
quec'estlepantalondeGemma?—Ouais.—Commenta-t-elle...?—Jen'enaipaslamoindreidée.Écoute,jeterappelleparcejevoulaistedire:audiablelefichu
immeubledanslequelonvit.Danslamesureoùonnepeutpasavoirl'appartementcool,jeproposequ'onemménageici.
—C'estuneexcellenteidée,confirma-t-elle.—Oui,hein?—Àpartquetunepeuxpaspayertonloyer.—Raisondepluspourdéménager.—Lesbaraquesdanslecoincoûtentpluscherquecequetuarriveraisàcompter.—Çaal'airstupidequandtuprésentesleschosessouscetangle.—Tu sais ces femmesdans lesmaisonsde retraitequidoivent être attachées jour et nuit parce
qu'ellesmélangentlesmédicamentsdetoutlemondeetvolenttouslesbassinsàuriner?—Oui,répondis-jeenmedemandantdansquoijemettaislespieds.—C'esttoidanscinquanteans.Elleavaitprobablementraison.Sijevivaisaussilongtemps.Jeroulaijusqu'àunepropriétééblouissanteavecungaragetroisplacesetunepelouseimpeccable
enmedemandantsijepourraismepayerquelquechosecommeçasijerenvoyaistousmesachatsetvendaisMisery. En arrière-plan se trouvaient les montagnes de Sandia et, devant, demagnifiques
canyonsderochesrouges.LathérapeutedeHarperm'accueillitàl'entrée:—J'aireçuunappeldeMmeLowell,dit-elletandisqu'ellemeconduisaitversunpatioàl'arrière
delamaison.Unfeubrûlaitdansunecheminéeenterrecuite.—Jem'attendaisàavoirdevosnouvelles.Maisjenepensaispasvoustrouversurlepasdema
porte.Magnifique. Est-ce queMmeLowell avait également appelé l'association des parents d'élèves ?
Peut-êtrelesamisd'enfancedeHarper?Ousonenseignantdeprimaireetsoncoachdevolley-ball?Elleavaitdûpasserdesheurespendueautéléphone.
LeDrPenn,unefemmedetaillemoyenneavecdelongscheveuxgristirésenarrièreàl'aided'unepince,mefitsignedeprendreplacedanssesélégantsmeublesdejardin.
—JenepeuxpasparlerdudossierdeHarper.Jesuispersuadéequevouscomprenez.— Je sais que vous ne pouvez pas entrer dans les détails, donc j'allais vous poser quelques
questionsplusgénérales.Voussavez,deschosesquipeuvents'appliqueràtoutlemonde.Ellem'adressaunsourireimpatient.—Connaissez-vouslessymptômesdusyndromedestresspost-traumatique?—Êtes-voussurlepointdem'attaquer,madameDavidson?—Pasdutout.Jevoudraisjustem'assurerquevousconnaissezcessymptômes.—Évidemmentquejelesconnais.—VousnelesavezpasremarquéschezHarper?Ilmesemblepourtantqu'ilsétaientévidents.—Est-cequejesuisvenuedansvotrebureaupourvousexpliquercommentmenervosenquêtes?Jeréfléchisquelquesinstants.—Pasquejesache,maisjenesuispaspasséeàmonbureaudepuisunmoment.—Dans ce cas, s'il vous plaît, madame Davidson, ne me dites pas comment diagnostiquer un
patient.Jepensequej'aiquelquesannéesd'expériencedeplusquevous.Onneseraitpasunpeusnob?—Donc, cequevous essayezdemem'expliquer, c'est quevous avezmerdé,maisquevousne
pouvezpasl'admettreparcequeçaferaitmauvaiseffet.—Vousserezcapablederetrouverlechemindelasortietouteseule,n'est-cepas?Elleselevaetsedirigeaverslaporte.Jemelevaiàmontour.—Ouest-cequeMmeLowellvousapayéepourfaireundiagnosticerronépourHarper?Pourla
gardersousmédicamentsetsouscontrôle?Simabelle-mèreavaiteudel'argent,jenedoutaispasunesecondequec'estexactementcequ'elle
auraitfait.Pourmefairetaire.Pourm'empêcherdeluicréerdesproblèmesoudel'embarrasser.Ellefitvolte-face.— Je suis psychologue. Je recommande rarement la prise de médicaments, et je ne suis pas
autoriséeàenprescrire.(Elleseretournaverslacheminée.)Chaqueespritestdifférent.Certainssontplus fragiles que d'autres. Le père de Harper lui manquait, elle regrettait ce qu'elle avait un jourpartagéaveclui.EllevoyaitMmeLowellcommeunemenace.Toutestdansletiming.
—Ah,lemariage.Mais...etsiquelquechosed'autres'étaitproduit?Ensongeantànouveauàtousleséléments,sachantcequevoussavez,est-ilpossiblequ'elleaituneformedesyndromedestresspost-traumatique?
Ellepoussaunsoupirderésignation.—C'estpossible.Maisj'aimêmeessayélathérapieparlarégression.—Vousvoulezdirel'hypnose.—Oui.Jenedevraispasvousrévélerça,etjelefaisuniquementparcequeHarpervousaengagée
etquesabelle-mèrem'ademandédecoopérer,maiselleatotalementoubliéunepériodedesavie.Unesemainepourêtreexacte.Ellenepouvaitriensesouvenirdelasemainequ'elleapasséechezses
grands-parents.Riendutout.—ElleestrestéeaveceuxpendantlalunedemieldesLowell,c'estbiença?—Oui,ilsétaientfousd'elle.Bon,c'esttoutcequejepeuxvousdire.LesLowellsontdetrèsbons
amisàmoi.J'aidéjàdépasséleslimitesdelaconfidentialité.—J'aiunedernièrequestion.Ellepoussaunsoupirvaincu.—Quelleest-elle?—Vouslouez,ouvousavezdirectementacheté?Le Dr Penn était devenue légèrement agitée lorsque je lui avais posé ma dernière question,
m'accusantdel'accuserd'accepterdespots-de-vinafindepouvoirfinancersontraindevieluxueux.J'avais juste réellement envie de savoir si elle était propriétaire ou locataire.Nous étions de touteévidencepartiesdumauvaispied.
Surlecheminduretour,j'appelaiGemmapourobtenirdesinformationssupplémentaires.—Alors,commentvatatête?demandai-je.—Pourl'amourdeDieu,qu'est-cequeCookieamisdanscesmargaritas?Elleparlaitcommesielleavaitunrhume.C'étaitmarrant.—Jen'ensaispasplusquetoi,etc'estlaraisonpourlaquellejen'enaiprisqu'une.—OhmonDieu,j'aidûenboiredouze.Danslamesureoùj'étaisunesœuraimante,jeluirisaunez.—Queçateservedeleçon.—Nejamaisboiredouzemargaritasàlasuite?—Non,lasermonnai-je.Ça,c'esttoutàfaitacceptable.NejamaisfaireconfianceàCookie.—Bienreçu.Tuasvumonpantalon?—Enparlantdeça,commenttuesrentréecheztoisans?—Je t'aiempruntéunsurvêt. Je suispasséedansunesupérette. J'aidiscutéavecdesvoisins sur
leurpelouseaprèsm'êtregarée.Etc'est seulementune foischezmoique jemesuis renducomptequ'ilétaitécrit«Exitonly»surlesfesses.
—T'asvolémonpantalonpréféré?—J'aieuenviedemourir.—Çam'étonnequ'unpantalonpuisse te rendresuicidaire.J'analyseraisçadefondencomblesi
j'étaistoi.—Tuportesvraimentcetrucenpublic?—Seulementquandjesorsavec.Hé,àquelpointest-ildifficiledediagnostiquerdessymptômes
destresspost-traumatique?Ellemarquaunelonguepause.—Charley,jesaispourquoitum'asappelée,etoui,machérie,ilestdouloureusementévidentque
tusouffresdestresspost-traumatique.—Quoi?Non.Jeteparled'unecliente.— Hmmmmh. Est-ce que cette cliente a des cheveux bruns, des yeux dorés, et peut voir les
fantômes?—Trèssubtil.Nemeforcepasàcrierdansletéléphone,l'avertis-jeavecunsourirediabolique.Douzemargaritasdevraientrendrecettemenaceinsupportable.—Oh,pourl'amourdeDieu,s'ilteplaît,non.— OK, alors concentre-toi. Ce n'est pas pour moi. Vraiment. A quel point c'est facile de le
diagnostiquerchezunenfant?—Ehbien,àmoinsquelepatientsouffred'unepertedemémoire,c'estrelativementfacile.Jeveux
direpar làque les symptômes sontplutôtuniversels,mêmesi chaquecasestunpeudifférent.Peuimporte ce qui s'est passé, ça devrait être assez évident. N'importe quoi peut les provoquer, de
l'accidentdevoitureauxcatastrophesnaturellesenpassantparlessoldatséchangeantdescoupsdefeusurunchampdebataille.
Jedécidaid'avanceràl'aveugletteetdefaireunesupposition.—Quesepasserait-ilsiquelquechoseétaitarrivéàunejeuneenfant,maisqu'ellenesesouvenait
plusdequoi?Oupeut-êtrequ'elleavuquelquechose?Entenduquelquechose?Est-cequeçapeutcauserdustresspost-traumatique?
—Tout à fait.Mais çaarrivemêmeauxadultes.Une fois, j'ai eu le casd'une femmequi s'étaitretrouvéedansunaccidentdevoitureetavaitété incapablederejoindresonfilsquipleuraitsur lesiègearrière.Ellenepouvaitpaslevoir,maisellepouvaitl'entendre.Etavantquel'aidearrivesurleslieux,ilestdécédé.Elleaentendusesdernierspleurs.
—OK,lacoupai-je.Jen'aimepascecas.—Ilnem'apasplunonplus,maisjen'aipasterminé.—D'accord,maisfaisvitealors.— Après ça, elle a souffert de ce qu'on appelle une surdité hystérique, ou une perte d'ouïe
psychosomatique.—Commecestypesquipartentàlaguerreetdeviennentaveuglessansraison.— Exactement. Leurs esprits ne peuvent pas absorber toutes les horreurs qu'ils ont vues, et le
cerveau refuse de traiter les informations visuelles. Le cortex visuel arrête de fonctionner. C'esttotalementpsychologique.Maiscesontdescasextrêmes.Lestresspost-traumatiqueestgénéralementbienmoins spectaculaire, aupointque, souvent, lesgensne se rendentmêmepascomptequ'ils ensouffrent.Comme,disons,unedétectiveprivéequiaété retenueprisonnièreetquiasubiungrandtraumatismephysiqueetémotionnel.
—Onremetçasurletapis?—Charley,laisse-moit'arrangerunrendez-vousavecuneconnaissance.Jemeredressai.Elleparlaitenfinunelanguequejecomprenais.—Est-cequ'ilestmignon?—Elle.C'estunepsychothérapeutetrèsdouée.Unedesmeilleuresdelaville.—Attends,lacoupai-jelorsqu'unepenséecommençaàsefrayerunchemindansmonesprit.—Jen'attendsplus.— Et si ça s'était passé il y a plusieurs décennies ? Est-ce qu'il aurait été plus difficile de
diagnostiquerlestresspost-traumatiqueàl'époque?—Peut-être.Ilatoujoursfaitpartiedel'histoirehumaine,maisiln'estconnuentantquediagnostic
quedepuislesannées1980.Etaprèsilafalludutempspourl'étudier.—Merci.Çapouvait expliquerpourquoi leDrPenn l'avaitmanqué.Pourquoi elle avait tellement cherché
uneautrecauseàlamaladiedeHarper.Ilfallaitquej'enapprenneplussurcequiétaitarrivéàHarperdurantlalunedemieldesesparents.
JedécidaidefaireunrapidecrochetparchezParipourvoircommentseportaitHarper.Lestudio
n'étaitpasencoreouvert,ilétaittrèstôtpourunsalondetatouage,maisTreregardaitdéjàdupornosurInternet.Ilavaitbongoût.
—OùestPari?luidemandai-je.Ilhaussalesépaules,etjedécelaiunepointed'hostilité.—Elleestsortie.Oh,oh, ilyavaitdel'oragedansl'air.Ilsemblaitvraimentdéprimé.Maispasassezpourretenir
monattentioncependant.JeregardailesportraitsdeclientsquePariavaitaccrochésaumurderrièrelui.
—Hey,cesontlesBandits.Je me rapprochai de la photo du gang de motards. C'étaient les propriétaires de mon asile
psychiatrique de prédilection, pour une obscure raison, et le cliché représentaitmes troismotardspréférés:Donovan,EricetMichael.Ilsmontraientleurstatouages,chacund'entreeuxposantcommes'ilsétaientbodybuilders.Undéclicétaitsurlepointdesefairequelquepartdansmoncerveau.Jelesavais vus hors de contexte dernièrement, dans une autre situation, un autre environnement. C'étaitétrange.Ilyavaitquelquechoseausujetdeleurssilhouettes.Grand,moyennementgrandetdetaillemoyenne.
—D'accord,ehbien,jeseraiàl'arrière.Trehaussalesépaulesànouveau,commes'ilavaitàpeineremarquéquejeluiparlais.Je réfléchis aux Bandits aussi longtemps que le permit mon trouble de l'attention, puis je me
souvinsque,petitefille,jerêvaisdedevenirastronaute,etquejem'étaispromisdesauverlemondesiunastéroïdesedirigeaitverslaTerre.J'enconclusquelaracehumaineétaitvouéeàl'extinction.
—HeyHarper,lasaluai-jeenpénétrantdanslachambredelatailled'unearmoire.Elleétaitentrainderegarderparunefenêtredeladimensiond'unecartedevisiteetseretourna
versmoi.—Salut.—Vousavezuneminute?—Vraiment?demanda-t-elleendésignantlesalentours,paumesenl'air.—Eneffet,m'excusai-je.J'espèrequeParivoustraiteconvenablement.—Elleestunpeuspéciale.—Çaoui.—VousavezparléàArt?—Oui,etcen'estdéfinitivementpasnotrehomme.—Oh,jesaisça.J'espéraisjustequ'ilseseraitrenducomptedequelquechose.—Ehbien, il a fait quelques remarques très intéressantes, dis-je,mon sous-entendu déguisé de
manièresubtile.Ilsemblepenserquequelquechosevousestarrivépendantquevousétiezchezvosgrands-parents.
Elleseleva,serrantlamâchoiredefrustration.— On en revient toujours à ça, mais je ne me souviens de rien. Pour une raison étrange, au
momentoùmafamillem'afaitsuivreunethérapieetoùj'aicommencéàanalysercequiauraitpusepasser, j'avais totalementoubliécettesemaine.Cen'estpassi inhabituel.Jeveuxdire,dequoivoussouvenez-vousprécisémentausujetdevotreenfance?
Ellen'avaitpastort.Moi-mêmej'avaisdestrousalorsquej'auraispumesouvenirdetoutcequejevoulais si je l'avais souhaité. Je ne pouvais pas imaginer combien de choses un enfant normaloublierait.
—Iladitquevousaviezchangéquandvousêtesrevenue.Ellemedévisagea,confuse.— Il neme connaissait pratiquement pas.Mes parents s'étaient fréquentés etmariés avant qu'on
sachecequis'étaitpassé.Disonsjustequ'onnenousapasdemandénotreavis.—C'estétrange,onnem'apasnonplusdemandélemienpourlemariagedemesparents.—Vraiment?Quelâgeaviez-vous?—Douzemois.Ellesemitàriredoucement.—Jenecomprendsvraimentpaspourquoiilsnevousontpasdemandévotreopinion.—Moinonplus!Ehbien,sivousn'avezrien,jepensequejedevraismedécideràfaireunpeude
recherches.Ellesourit.—Cen'estpasvotremétier?—Oh,si,c'estvrai.(Jelapoussailégèrementd'uneépaule.)Jesuisdétectiveprivée,aprèstout.Luidirequejepouvaisparlerauxdéfuntsetquejelesutilisaissouventpourm'aideràrésoudre
descrimesauraitsembléunpeuétrangeàcestadedelaconversation.Mieuxvalaitqu'ellecontinueàpenser que j'avais toute ma tête, et pas que j'avais perdu assez de boulons pour ouvrir unequincaillerie.
—VousavezunpeureluquéTre?Ilvautledétour.Ellehaussamodestementlesépaules.—Pasencore.—Ehbien,veillezàlefaire,mademoiselle.Delachairmuscléecommecelle-cinedevraitpasêtre
gâchée.—D'accord,promis.JevenaisdesortirdusalondeParilorsquemontéléphonesonna.Quandonparleduloup.—Salut,Par.—Bonsang,t'esoù?Jem'arrêtaietjetaiunregardautourdemoi.—Justelà.Oùes-tu?—Tueslà?—Làoù?—Charley.—Pari.—Tuescenséerencontrermesrencards.—Ahoui,juste.C'estlàquejesuis.Jesuispresquelà.—T'enessûre?Parcequ'onaunemploidutempstrèschargé.—Affirmatif.Sachant qu'il me faudrait une éternité pour trouver une place de parking, je me mis à courir
commeunedératée.Jeneseraispeut-êtrepasspécialementprésentableenarrivantlà-bas,maisilétaithorsdequestionquejesoisenretard.Enfin,plusenretard,quoi.
Heureusement,leFrontiersesituaitàdeuxpâtésdemaisonsàpeine.Jesongeaidéjààcommanderuncarneadovadaetdeschurrosavantdem'asseoirencompagniedeParietde...Est-cequ'elleavaitdit ses rencards ? Comme dans plus d'un ?Mais, quandmême, elle risquait de me faire du mal.Toutefois,leurspainsausucreétaientvraimentsucculents.
LeFrontierétait unendroit assez spécialqui se situait juste en facede l'universitéduNouveau-Mexique. Ilétaitconstituédeplusieurspiècespartiellementdivisées.Jefinispar trouverParietsesrencardsdanslatoutedernière.Ilyavaitpeudemondedanscettepartie-là.Plusieursétudiantsétaientpenchéssur labibleàune table,etunsans-abriprénomméIggyétaitavachisurunbanc, toutseul.Parietsesrencards-littéralement,puisquetroishommesétaientassisavecelle-étaiententassésdanslecoinlepluséloigné.
Çan'allaitpasêtrebizarredutout.Sonvisages'illuminalorsqu'ellemerepéraetqu'ellemefitsigned'approcher.Ellen'avaitl'airque
légèrementridiculeavecleslunettesdesoleilqu'elleavaitsurlenez,puisqu'elles'attendaitàmevoirdébarquer.
—Hey toi ! (Ellese levapourmeprendredanssesbras.) Jene t'aipasvuedepuisuneéternité.Commec'estamusantqu'onsecroisejustementici.
Oh, d'accord, c'était à ce jeu-là qu'on allait jouer. J'aurais vraiment aimé qu'ellem'avertisse aupréalable. Je pensais qu'on jouait au jeudu j'ai-de-la-peine-à-faire-confiance-aux-gens.Pour quelleautre raison aurait-elle voulu que je vienne m'asseoir avec eux afin de déterminer s'ils étaienthonnêtespendantqu'ellelesfaisaitmijoter?
—JeteprésenteMark,Fabian,etThéo.Lesmecs,voiciCharley.Ellevoitlesmorts.Jeroulailesyeux.Jelesfermaiavantquequiconquepuisseleremarquermais,dèsl'instantoùmes
paupièresfurentcloses,ilssemirentàtressauter.Ellecommençaàrireetmefrappaassezfortdansledospourmedélogerl'œsophage.Peut-être
quemonretardlaperturbait.—Jeplaisante!dit-elleenaccompagnantsafausseblagued'ungesteampledubras.Personnene
peutvoirlesmorts.Tudevraist'asseoiravecnous.Avantquej'aieletempsderépondre,ellemepoussasurlachaiselaplusproche.Çaallaitêtreles
pires rencardsque j'aurais jamais eus.Mêmes'il fallait reconnaîtrequ'elle avaitbongoût.MarketFabianétaientdetypehispanique,etThéoétaitcaucasienavecunetouched'exotismepourfairebonnemesure.Peut-êtredesoriginesasiatiques.
—Alors,Mark, dit Pari en s'asseyant à côté demoi. Tu as déjà été arrêté pour pornographieinfantile?
Étrangement,monfrontfitunplongeonetatterritdansleberceaudemesmains.MaisMarkavaitassezboncaractèrepourenrire.—Ehbien,jusqu'àprésent,personnen'atrouvémontiroirsecret.Aprèsavoirridemanièreappréciative,ParisetournaversThéo.—Ettoi?Théosemontraunpeumoinscompréhensif.—Est-cequejesuisenpleininterrogatoire?Parigloussa.—Quoi?Absolumentpas!Maisest-cequec'estlecas?Aprèsuneheuredurant laquelle lesgarçons firent semblantdenepassubirun interrogatoireet
moid'êtrevenuelàpourmangermalgrélefaitquejen'avaisjamaisreçudenourriture,jeparvinsàuneseuleconclusiondetaille:Pariétaitunegrossementeuse.
—Alors?demanda-t-elleaprèsqu'ilsfurentpartis.J'étais à bout de forces. Essayer de lire leurs émotions pendant que je m'embourbais dans les
siennes,c'étaitcommeessayerdepiquerunsprintdansunmètreetdemid'eau.—Alors?répétai-je.—Alooooors?demanda-t-elleencoreunefois,croyantàtortque,sielleallongeaitsuffisamment
son«o»,jecracheraislemorceauplusrapidement.Ellehaussalessourcilsetattenditmaréponse.—Pari,laseulepersonnequiamentiaucoursdelaconversation,c'esttoi.Elleeutunmouvementderecul.—Tulisaismesémotions?—Par,jenepeuxpasjonglerentreellescommetupenses,detouteévidence,quej'ensuiscapable.
Jenepeuxpaschoisirparmielles.C'esttoutourien.—Oh.Alors?Ellehaussaànouveaulessourcils,dansl'expectative.—Ehbien,jemesuisrenducomptedetroischoses.—Magnifique.Ellesautillasursachaise,maiss'arrêtapourattendreleverdictdemespuissantsinstincts.—Tuaspeurdesécureuils.Tun'esjamaisalléeenAustralie.Ettuesunecriminelle.Sonvisagesedécomposa.—Ça,j'auraisputeledire.—Oui,maistunel'aspasfait.Laquestion,c'estpourquoi?Ellehaussalesépaules,surladéfensive.—C'étaitilyalongtemps.J'étaisvraimenttrèsjeune.—Jeunecomment?—Vingtans.T'escontente?Maintenant,qu'est-cequetuaspenséde...?—Dequoias-tuétéinculpée?—Chuck,onn'estpasvenuesicipourmoi.Alors,lequeltupréfères?
— Ils étaient plutôt chouettes tous les trois,même si j'ai un peu de peine à t'imaginer avec uncourtierenbourse.Maistuasbongoût,jedoislereconnaître.Etdonc,dequoias-tuétéinculpée?
—Trèsbien,répondit-elle,lesdentsserrées.Enunmot:piratage.Jen'auraispaspucachermasurprisemêmesiquelqu'unm'avaitpayéepourlefaire.—Quoi?J'étaisjeune.—T'esuneprodel'informatique?— Étais. J'étais une pro de l'informatique. Maintenant je n'ai plus le droit d'approcher un
ordinateur.C'estlaconditiondemamiseenprobation.—Doncçaveutdirequetuesenprobationdepuisbientôtneufans?—Ouais.J'aiécopédedixanspouravoirpiratéuncomptefédéraletavoirredirigédel'argentsur
celuidemamère.Jepensaisqueceseraitamusant.Dumoins,jusqu'àcequejemefassearrêter.—Tuasdétournédesfonds?—Dix-huitdollars.—Waouh.(Detouteévidence,toutlemondesaufmoisavaitcommenttransférerillégalementde
l'argent.J'étais tellementenretardsurmonépoque.)Jen'enavaisaucuneidée.Maissérieusement?Seulementdix-huitdollars?
—C'estlaraisonpourlaquelleonm'amiseenprobation.Commejetel'aidit,jepensaisjustequeceseraitamusant.(Ellehaussainnocemmentlesépaules.)Etquej'auraisledroitdemevanter.Tunesaispasàquelpointsevanterdanslemondedupiratagecréeunedépendance.
—Detouteévidence.Pourtanttuasunordinateuraustudio.—J'ail'autorisationd'enavoirunàdesfinscommerciales.(Ellelevaundoigtpourmemontrerà
quelpointelleétaitsérieuse.)Maispasd'Internetsousquelqueformequecesoit.—MaistuasInternet.Treserinçaitl'œildevantunpornosurtonordinateur,toutàl'heure.—Quoi?Ellesemblaitscandalisée.—Commesitunefaisaispaspareil.—Oui,maisjenetravaillepaspourmoi.Lui,enrevanche,si.— C'est pour ça que tu revoyais les branchements, m'exclamai-je lorsque la vérité me frappa
commeunebrique.—Ilmataitduporno?—TuessayaisdecacherlefaitquetuasInternet.—Oui,oui,admit-elle,légèrementagacée.C'esttellementfrustrant.Jenepeuxmêmepasavoirun
ordinateuravecunmodem.Alorsj'aidûcontournerleproblème.— Je suis ébahie par ce que tu fais, en ce moment. J'ai toujours rêvé d'être une pro de
l'informatique,etjel'auraisétés'iln'yavaitpaseuPaulSanchez.Ellem'interrogeaduregard.—Ilm'aditquelesordinateursétaientunetechnologiedéveloppéeparlesextraterrestres,etqu'ils
lesutilisaientpournouspister.—Tunet'étaispasfaitenleverpardesextraterrestres,unefois.J'acquiesçai.—C'estlaraisonprécisepourlaquellejenemesuisplusapprochéed'unordinateur.Lorsqueje
mesuisrenducomptequePaulavaittort,j'étaisdevenuetropvieille.Maintenant,àcausedelui,c'estàpeinesij'arriveàprogrammerunetélécommandeuniverselle.
Elleclignaplusieursfoisdesyeux.—Alors,mesrencards?—Tupeuxfairemieux.Jerelevai la têteetplongeai lesyeuxdansceuxde labarmaidquemonpèreavaitengagée.Elle
observaitPari,etl'invitationquiémanaitd'elleparvaguesressemblaitàunecascadedepéchésetdesensualité.Etçan'échappaitpasàPari,sij'encroyaisl'expressionrêveusesursonvisage.
—Jem'appelleSienna.(ElleglissaunecartesurlatableendirectiondePari.)Situasenviedemefairepasseruninterrogatoire.
Undescoinsdesaboucheserelevapourformerunsourireàfossettesdiaboliqueavantqu'elleneseretourneetsedirigeverslaportearrière.
—Mais,seplaignitPari,recouvrantsesesprits,tuvasjustepartir,commeça?Siennaluiadressaunautresouriremagnifiqueetrevintànotrehauteur. Ilétaithorsdequestion
quejerempilepourunentretien.—Ilfautquejemangeuntrucavantdemourir.Etj'aibesoind'unmochalatte.Est-cequ'ilsenont,
ici?Parihaussalesépaules,semblantavoirperdutoutintérêtpourn'importequoiquisortiraitdema
bouche.—C'estgentildet'intéresseràmoi,Par.—Qu'est-cequetufaisdanslavie,Sienna?Cettedernières'assitàmaplacelorsquejemelevai,mefaisantbiencomprendrequejen'étaisplus
labienvenue.Jemesentaissiappréciée.Jemedirigeaiversl'avantdurestaurantàgrandesenjambéesetcommandaiunburritocarneadovada,deschurros,etuncafémocha.Ilmefallutensuitedécidercommentj'allaispayermacommande.Jesortismescartes.Touteslestrois.Toutcequimerestait.
—D'accord,dis-jeenessayantdecalculermentalement.Metteztroisdollarsetvingt-septcentssurcelle-ci.(Jelatendisàlaserveuse.)Etdeuxdollarscinquantesurcelleaveclesfleurs.
Jelaluiremiségalement.Lafillesesaisitdescartesenlevantlesyeuxauciel.J'auraispuluifairemordrelapoussière.Elle
auraiteuunebonneraisondeleverlesyeuxauciel,danscecas.Maisfairemordrelapoussièreauxgensmalpolisn'étaitpasmongenre.Lesmalmener,enrevanche,si.Avecunpeudechance,elleferaituneconneriesouspeu.Jen'avaispastoutelajournée.
—Etquatredollarsetquelquessurlableue,cellesurlaquelleondiraitqu'unchameauestmort.Ellerevintlachercheret,aprèsl'avoirretiréevivement,j'ajoutai:—Sicen'estpastropvousdemander.Ellegrinçadesdents.—Pasdutout.Ellemel'arrachadesmains.Puiselleprononçasilencieusement«pov'fille»tandisqu'elleinsérait
ma carte et qu'elle entrait des chiffres. Oh oui, elle allait y passer. Elle n'avait aucune idée de lapersonneàquielleavaitàfaire.Et,tristement,ellesemblaits'enfoutre.
J'espéraidetoutcœurqu'ilmanqueraitdel'argentdanssacaisseàlafindelajournée.LeKarmaétaitunepute.
Elleintroduisitlaclédanssacaisse,etunealarmesedéclencha.Etmerde.Est-cequemacarteétaitrefusée?Peut-êtrequejelesavaismélangées.Maispourquoiest-cequeçadéclencheraitunealarme?Est-ce que lamachine ne se contentait pas de refuser la carte avant de repartir vivre sa petite vietranquille?
Lemanager,untyped'unevingtained'annéesquiauraitl'aird'avoirenlevésonappareildentairelaveilleetd'êtreenretardpourunexamendechimiepourlerestantdesesjours,arrivaencourant,unénormesouriresurlevisage.
—Vousavezgagné!s'exclama-t-il.Sonbonheurétaitplusquejen'étaiscapabledesupporterencetinst...Attendezuneminute.J'avaisgagné?— C'est notre anniversaire, et votre commande a été choisie au hasard pour vous désigner
gagnantedujour,expliqua-t-ilenbraillantcommeungaminsurunemontagnerusse.Ilsemitàapplaudir,etsonenthousiasmesemblacontagieux.Grincheuseouvritlabouche,incrédule,etjenepusmeretenirdeluirenvoyerunregardsuffisant.
Oh,quecedevaitêtredouloureux.Angoissant.Unevraietorture!Danstaface,copine.
Non,non.Ilfallaitquej'agissedemanièreadulte.Cen'étaitpassafautesic'étaitune«pov'fille».J'articulai silencieusementcesmotsen la regardant.C'étaitpuéril,maisçanem'empêchapasde lefaire.Ellelevaànouveaulesyeuxauciel.
Jemetournaivers lemanageravecunsourirepleind'espoir.Peut-êtrequej'avaisremportéunecroisière.Ouunyacht.Ouunepetiteîle.
—J'aigagné?—Vousavezgagné,confirma-t-il.Touteslespersonnesautourdemoisemirentàapplaudir,àpartIggy,lesans-abriquiétaitdansun
coin.Çane semblait pas vraiment l'émouvoir.Mais en dehors de lui, tout lemondeparaissait trèsheureuxpourmoi.
—Vousavezremportéunandenoscélèbreschurros.Jemefigeai.Ce...Çanepouvaitpasêtrevrai.Unandechurros?—C'estpaspossible!m'écriai-je.C'étaittellementmieuxqu'unyacht.Surtoutdanslamesureoùj'habitaisdansledésert.—Si,m'dame,confirma-t-il.Ildisparutàl'arrièredurestaurant,puisrevintavecunebrochureetunappareilphoto.Aprèsque
Grincheuseeutprisdesphotossurlesquellesj'étaispersuadéequ'elleavaitcoupématête,jeretournaidanslasallearrièrepourattendremonburritoetfusfélicitéeparquelquesclientsquipassaientdevantmatable.J'avaisl'impressiond'êtreunecélébrité.
Commesijevenaisdegagneràlaloterie.Ouquej'avaisremportéunOscar.Dans lamesureoùPariétaitoccupéeàse faireséduireparunedéesseégyptienne, jedécidaide
leur laisserunpeudetempsentêteà tête.Etdedonnerl'opportunitéàmesnerfsdesedétendreunpeu.Lepicd'adrénalineétaitplusimportantquejenel'auraiscru.Jeretournaidanslapièced'àcôtéetm'assissurlebanccentral.
Tandis que j'attendais que le numéro dema commande apparaisse sur l'écran digital, salivant àl'idéedupimentrougedansmonburritoetdugrasquidégoulineraitdeschurros,jeprisladécisiondesortirplussouvent.Deuxmoissansl'amoursucréduDieuChurros,c'étaitbeaucouptroplong.Àquoiest-cequejepouvaisbienêtreentraindepenser?
Je n'avais pas pensé du tout. J'étais devenue folle. Gemma avait raison. J'avais un problèmepsychologique.Il faudraitquejevérifiesi jepouvaisdégotterunmédicamentsansordonnance.Unbaume,parexemple.Ouunepoudremédicinale.
J'étais tellement perdue dans mes pensées qu'il me fallut un moment pour remarquer la forceobscurequiétaitassisenon loin.Siprès,envérité,que jepouvaisensentir legoûtsurma langue.L'acidité crue des œufs pourris emplit ma bouche et mes narines jusqu'à ce quemon estomac seretourne.Jecombattiscettesensationet jetaiunregardsurlecôtéendirectiond'unhommebronzévêtud'uncostumeentweed,quim'observait.Ilavaitlesjambesetlesmainscroisées,etilressemblaitassezàunprofesseurd'université.
—C'estunhonneur,dit-ilenmesaluantdelatête.Ilavaitunlégeraccentanglais,etsavoixétaitagréablemêmesipeuprofonde.Sonsourireétait
gentil et tendre,mais il nem'empêcha pas de remarquer la noirceur tapie juste derrière ses yeux.Pourtant, s'il s'agissaitd'undémon,pourquoin'était-ilpasen trainde ramperdansmadirectionenbavant?N'était-cepascequ'ilsfaisaienttous?
—Etreassezprochedevouspourgoûterladouceurdelapeurquiémanedevotrepeau.Ilrelevalenezetpritunegrandeinspiration.Puisilfermalesyeuxcommes'ilvoulaitsavourerce
qu'ilavaitsenti.Et il avait raison. J'avais peur. J'étais incapable de bouger tellement j'étais terrorisée. Que se
passerait-ils'ils'enprenaitàmoi?Quesepasserait-ils'ilmesautaitdessus?Jeseraismorteavantd'avoirletempsdedire«Euh,Reyes?»
Ilreportasonattentionsurmoi.Ilsemblaitconfus.—Veuillezm'excuser.Onm'avaitditquevousneconnaissiezpaslapeur,pardonnezmasurprise.—Surpriseàquelsujet?—Vousavezpeurdemoi.—Jen'aipaspeurdevous,mentis-jetandisquemesdentsclaquaient.—Biensûrquesi.—Ceshistoiresétaientexagérées,detoutemanière.L'expressionquitraversaensuitesonvisageétaitbienplusdangereuse.— J'en doute. Quelque chose s'est produit. Votre aura a été endommagée. Cela semblera donc
terriblementinjustedemapart,maisj'éprouvedegrandesdifficultésàmeretenir:riennemeferaitplusplaisirqued'arrachervotrejugulaireàl'aidedemesdentsetdemedélecterdugoûtdecuivredevotresang.
—J'aiunegardienne.— Mais je suis venu ici avec une mission, continua-t-il en m'ignorant. Je suis porteur d'un
message.—Vousn'avezjamaisessayélestextos?—Silegarçonarrêtedenouschasser,nousvouslaisseronstranquilleafinquevouspuissiezvivre
votre vie et mourir de causes naturelles, même si je dois vous mettre en garde : en général, lesFaucheuses ne vivent pas très longtemps sous leur forme corporelle. Quoi qu'il en soit, vous nemourrez pas de notre main. Nous n'interférerons aucunement dans votre existence. Nous nouscontenteronsde...(Illevanonchalammentunepaumeendirectionduplafond)vousteniràl'œil.
Toutçaétaittrèsperturbant.—Maislorsquevotrecorpsviendraàmourir,reprit-ilenbaissantlatêteenguised'avertissement,
vousdeviendrezdugibier.—Legarçon?demandai-je.Ilmesourit.—Rey'aziel.—Reyesvouschasse?—Vousn'étiezpasaucourant?Jesecouailatête.Onauraitditquec'étaitleseulmouvementdontj'étaiscapable.—Non.—Vouspensiezqu'ilavaitcroisélechemindemessoldatsàcettecompétitionstupideparhasard?— Vous parlez des combats ? demandai-je en fronçant les sourcils. Je n'y avais pas vraiment
songé.—Ilnouschassecommedeschiens.— Pas des chiens. (Je secouai à nouveau la tête.) Vous ne méritez pas l'honneur d'une telle
comparaison.Unsourirelubriquefenditsonvisage.— La voici. La fille sans peur. Ce n'est pas étonnant qu'il soit obsédé par vous. Ce garçon a
toujoursététrèsintelligent.Ildevaitdetouteévidenceparlerdequelqu'und'autre.Reyesn'étaitpasplusobsédéparmoiqu'il
nel'étaitpardesmouchoirssales.Ilavaitjustebesoinquejeresteenvieàcausedecetteguerrequ'ilvoyaitpoindreàl'horizon.Ilmel'avaitrépétéàdiversesoccasions.
—Laissez-moirécapituler,dis-jeenessayantderéfléchirauxtenantsetauxaboutissantsdumondesouterrain.Ilarrêtedevouschasser,etvousarrêtezdel'attaquer.
—Nousnel'avonsjamaisattaqué,machèreenfant.Nousn'avonspasencorebesoindelui.—Permettez-moidenepasêtred'accord.J'aivucequevosdémonsluiontfaitdanscettecave.—Certes,maiscen'étaitquedanslebutdevousatteindre.Nouspouvonsmettrelamainsurlui
quandbonnous semble.Ces tatouages sont là pour une raison, très chère.Vous, en revanche, êtes
protégée.Untrésordifficileàacquérir.Vousavezcependantpartiellementraison.S'ilarrêtedenouschasser, il vivra plus longtemps dans son corps humain, aussi fragile qu'il soit. Plus de coups decouteau.Plusd'entaillesdontilfauts'occuper.
Jeréagisaussitôt.—Desentailles?Jerepensaiauxbandagesqu'ilavaitdurantlescombats.—Vous n'avez aucune idée de ce que ce garçon amanigancé, n'est-ce pas ? Il a grandi. Il est
devenuunbonsoldat,sijemebasesurlefaitqu'ilestenmesured'anéantirmespropressoldatssansdifficultés.Maisvoustenezàlui.(Ilmelançaunregardcurieux.)Jepourraisdoncpeut-êtreconclureunmarchéavecvous,plutôt.
— Quoi ? demandai-je alors que je prenais conscience que j'étais réellement en train demarchanderaveclediable.
Ou,toutdumoins,undesessous-fifres.Ildécroisalesmainsetm'entenditune,paumetournéeversleplafond.—Venezavecmoimaintenant.Votremortserarapide,etvousrégnerezauxcôtésdemonmaître.—Votremaître?Satan,donc.—C'estundesnomsquevousutilisezpourledécrire,oui.—Partouslessaints,pourquoiest-cequejevoudraisfaireuntrucpareil?—Parcequevousn'avezaucuneidéedevotrepleinpotentiel.Cedontvousêtescapabledéfietout
cequevousaveztoujourscrusavoir.Mais,encemoment,vousn'êtesqu'unepetiteimbéciledéguiséeensingequicourtdanstouslessens.Voussereztellementpluspuissantequandvousabandonnerezcecostume. Vous brillerez plus que l'étoile la plus flamboyante et vous aurez plus de pouvoir quequiconque.
OK.Cetypeavaitl'airdesavoirdequoiilparlait.—Dites-moidequoijesuiscapable.Ilsepencha,rapprochantsesyeuxaussinoirsquedespuitssansfonddissimulésparlebrunclair
deceuxdel'humaindontilavaitprispossession.—Detoutcequevousêtescapabled'imaginer.Encore?Sérieusement?—Pourquoivousmevoulezàcepoint?Ilyaeud'autresFaucheuses.—Mais aucune telle que vous,ma chère.Nous vous voulons,mais nous avons besoin de vous
deuxpourprendrel'avantage.Vousêtessurlepointdefaireletravailànotreplacedetoutemanière.Noussouhaiterionssimplementêtredanslesparageslorsqueceportailserafinalementouvert.
Lorsquejelequestionnaienfronçantlessourcils,ildemanda:—Quepensez-vousqu'ilseproduiralorsquelaclédesténèbresserainséréedansleverroudela
lumière?Ilpromenaunregardsalacesurmoi,dusommetdematêteàlapointedemesbottes.Jemesentis
violée.Etrépugnée.— C'est comme une porte au fin fond de l'Enfer qui s'ouvre directement au cœur du Paradis.
Combiendesoldatsréussirontàpasseravantquelaportenesereferme,selonvous?Nousdevonsêtreprêtspourlemomentoùcelaseproduira.
Ilnepouvaitpasvraimentavoirditcequejepensaisqu'ilvenaitdedire.—Donc,voussous-entendez:siReyesetmoinousmettonsensemble?—Oui.Enfin,cen'estpasaussifacilequecela,maisc'estl'idéedebase.Pourquoicroyez-vousque
lemaîtreacréésonfils?Cen'étaitpasparcequ'ildésiraitunefamille,sic'estcequevouspensez.Jecommençaisàmesentirmal.Sonodeurrancemefaisaittournerlatête.Cedétail,combinéaux
picsdepeur répétés,meforçapresqueàmepencherpourvomir.Mais jen'osaispas lequitterdesyeux.
—Jevaisdevoirrefuservotregentilleproposition,dis-je,espérantdetoutcœurqu'ilsedéciderait
àpartirafinquejepuissecourirauxtoilettes.—Quel dommage.Mais je comprends. L'esprit humain est si limité qu'il lui est difficile de se
projeter au-delà du carcan de sa chair en décomposition afin d'envisager des entreprises de plusgrandeenvergure.
Ilsemblaitvraimentsicivilisé,sibienélevé.—Cetaccent,c'estlevôtre?—Non,ilappartientaumacaquequejeporte.Maisilmeplaît.Jetrouvequ'ilmevabien.Ilselevaetajustasacravatepresquejoyeusement.Puisilcontournalatable,etsepenchadansma
directionpourmurmureràmonoreille.Sonodeurmebrûlaitlagorge.—DitesàRey'azielqu'Hedeshiluipasselebonjour.Ilseredressaetpointalecarnetdebonssurlatable.Celuiquejevenaisdegagner.—C'étaituncadeaudemapart,aufait.Untémoignagedel'admirationquejevousporte.Lorsqu'il se retourna pour partir, un groupe d'étudiants se mit à applaudir, leurs visages
rayonnants. Il s'arrêtaet leuradressaunsourire royal. Ilsnousacclamaientcommesionvenaitdeleuroffrirunereprésentation théâtrale.Çanedevait ressemblerà riend'autre,poureux.N'importequellepersonneayantassistéàcettescèneauraitpenséquenousétionsdescomédiens,probablemententrainderépéterpourunepièceàl'université.Commentlaconversationquenousvenionsd'avoiraurait-ellepuêtreréelle?
Hedeshi leva une main, comme un véritable acteur, et leur fit une révérence, tandis que j'étaismédusée.Ilsefenditd'uneautrerévérenceavantdepartir,puistouslesregardssetournèrentdansmadirection.Ilsattendaientdevoircommentjeferaismasortie.Ilsallaientêtretrèsdéçus.
Jebaissailesyeuxsurlecarnetdebonsquim'offraitunandechurros.Lesjambestremblantes,jemelevaietsourisànotrepublic,puismedirigeaijusqu'àIggyetluitendislelivret.Conscientedufaitquejen'arriveraisjamaisàatteindrelestoilettes,jecourusendirectiondelaportearrièreetréussisdejustesseàmeretenirdevomirlecaféquejevenaisdeboireavantdeparveniràl'extérieur,oùunchatme regarda faire, les oreilles dressées par la curiosité. Puis je pris une profonde inspiration,lissaimaveste,etinvoquaiAnge.
Chapitre12Quandjevoudraistonopinion,jeretireraitonbâillon.
Tee-shirtAprèsm'êtrevidé lesboyauxavecDieuetunchatpour seuls témoins, jemedirigeaiversmon
immeuble avant deme souvenir que j'avais laisséMisery chezPari. Je devais sans cessem'arrêterpour m'appuyer contre quelque chose. Mes mains et mes genoux tremblaient. Même mes coudestremblaient.Et il était toutà faitpossiblequemes folliculespileux le fassentégalement.De labileremonta par ma gorge, et je la ravalai aussitôt. Tout en essayant de me calmer. En essayant dereprendremesespritsetdemeconcentrer.
Dèsl'instantoùjepensaiàsonnom,Angeapparut.Ilregardarapidementàdroiteetàgaucheavantdemeconsidérerméchammentsoussonbandana.
—Commenttufaisça?Etpourquoit'estoutebleue?Jeprisuneboufféed'airfraisavantdedemander:—Oùest-il?Jen'avaispasbesoindedévelopper.Angesavaittrèsbiendequijeparlais,etsiquelqu'unpouvait
medireoùReyessecachait,c'étaitbienlui.Iltenaitlefilsdel'ennemipublicnumérounàl'œildepuissasortiedeprison.Jelesavais,etjesavaispourquoi.AngeespéraitqueReyesgarderaitsesdistances,qu'il se tiendrait éloigné de moi. Pas qu'il me l'ait expliqué clairement, mais je connaissaissuffisamment les sentiments d'Ange au sujet de Reyes pour comprendre exactement pour quelleraisonilsurveilleraitquelqu'unquiluifaisaitaussipeur.
Ildonnauncoupdepieddansuncaillouàsespieds.—Pourquoi?demanda-t-ilsanscachersadéception.—Parcequesitunemeledispas,tamèrenerecevraplusunseulcentime.Ilsemblam'envouloir,maisjenepouvaisrienfaireàcesujetencemoment.—IlestauPaladin,plusbasdanslarue.Jemeredressai,surprise.—Unmotel?Jecroyaisqu'ilhabitaitavecElaineOake.— Écoute, tu m'as posé la question, je t'ai répondu. Je ne sais pas où il crèche. Juste que,
actuellement,c'estlàqu'ilest.C'étaitdebonneguerre.—Quellechambre?—Centtrenteetun.—Merci.JelerenvoyaietmedirigeaiversMisery.Je me garai à quelques places de la 131 et parcourus à pied la distance qui me séparait de la
chambre de Reyes. Le motel n'était pas si horrible, surtout pour un établissement qui louait deschambresà l'heure.J'avaisconnupire.Suruneéchelledeunàcinq, je luiauraisdonnéàpeuprèsdeux.Mais,aumoins,personnenevendaitostensiblementdeladroguesurleparking.C'étaittoujoursbonsigne.
Quandjeparvinsàdestination,jeremarquaiquelaporteétait justeassezentrouvertepourqu'unrayon de lumière s'étire sur lamoquette sombre et usée. Je sortisMargaret et l'empoignai à deux
mains,canonbraquéausol.Commedanslesfilms.Jemeseraissentieplusensécuritésij'avaisétécapabled'atteindrequelquechosequandjevisais.Maisaumoins,j'avaisl'aircool.
—Reyes?demandai-jeenlançantuncoupd'œilàl'intérieur.Commepersonnenerépondit,jefisglisserlenezdeMargaretdanslafentedelaportepourm'y
introduire,cequin'avait l'airsalequesionledisaitàhautevoix.La lumièreextérieurerévéladesbottesposéessurune tablebasse,prèsd'unekitchenette. Je reconnus le styledeReyesaussitôt.Sesbottes ressemblaient à un croisement entre des santiags et des bottes demoto, et je les convoitaisardemment.
Après avoir fouillé la pièce du regard à la recherche d'autres occupants, je pénétraiprécautionneusement à l'intérieur. Reyes était assis dans un coin, drapé dans l'ombre, ce quim'empêchaitdediscernersonexpressionetdevinersonhumeur.Leseulsentimentquiémanaitdeluiétaitladouleur.Àcôtédesesbottes,surlatable,setrouvaientunebouteilledewhiskyetunrouleaude chatterton.Ça ne pouvait signifier qu'une chose : il était blessé, et probablement gravement.LerubanadhésifétaitcequeReyesutilisaitàlaplacedespointsdesuture.Etdelachirurgie.Ilguérissaitsirapidement-c'étaitnotrecasàtouslesdeux-quenousavionsrarementbesoind'enfairebeaucouppourrécupérer.L'exceptionpourmoiétantlorsqueEarlWalkerm'avaitattaquéeavecuncouteau.Et,pourReyes,quandungroupededémonsavaitmislamainsursoncorpsphysiquependantqu'ilétaitsousformeéthérée.Etc'étaitungrandgroupe.Plusdedeuxcents,àmonavis.
Ilnebougeapas lorsque je repoussai laporte et la laissai comme je l'avais trouvée.Sachaleurrayonnait autour demoi,me réchauffant,me calmant. J'étais encore en train de trembler quand jem'étaisgarée,maiscettechaleuragissaitcommeunbaumesurmesnerfs.
—Joliechambre,dis-jeenl'étudiant.La bouteille dewhisky était àmoitié vide, et jeme demandai s'il l'avait bue ou utilisée comme
antiseptiquesursesblessures.Probablementunpeudesdeux.—JecroyaisquetuhabitaischezElaine.Ilpritenfinlaparole.—Jepensaisqu'ons'étaitmisd'accordetqueturesteraisdanstonappartement.— Tu t'es mis d'accord, dis-je, soulevant un bloc-notes pour l'inspecter. (Je ne parvins pas à
déchiffrerl'écriture.)Toutseul,apparemment,parcequejemerappelleavoirrefusé.Une veste noire était posée sur une chaise, et des emballages de nourriture à emporter
remplissaientlapoubelle.Aumoins,ilsenourrissait.—Ellet'afoutuàlaporte?—Ellearemplisafonction.—Commentça?demandai-je,surprise.—Elleavaitdesrelations.J'enavaisbesoinpourdénicherunentraîneurpourlescombats.Jene
pouvaispasyparticiperautrement.Le fait qu'il se soit uniquement servi d'elle aurait dû me scandaliser, mais je fus soulagée de
l'apprendre.—Donctul'assimplementjetéeettut'eslouéunechambredansunhôtelmiteux?—Quelquechosecommeça.J'examinailesticketsetautresnoteséparpilléessurlacommode.—J'aivusabaraque.Jenesuispassûrequetuaiesprisunesagedécision.—Pourquoies-tuici,Dutch?Labrusqueriedesontonmeblessa.Ilavaitvraimentdesproblèmesavecmoidernièrement.Une
minute il voulait me prendre dans ses bras, et la suivante que je disparaisse. Très bien, je luitransmettraislemessageetlelaisseraistoutseul.
JerangeaiMargaretdanssonholster.—Hedeshitepasselebonjour.Toute émotion fuit aussitôt son corps, comme s'il était un océan déchaîné qui se calmait en
quelquessecondesàpeine.Aprèsunsilenceprolongé,ildemanda:—Est-cequ'ilt'afaitdumal?—Non.Nousavonseuuneconversationtrèssympathique,àvraidire.Etilm'aaidéeàgagnerun
andechurros,maisjelesaioffertsàIggy.—Qu'a-t-ildit?—Oh, tu sais, il aparlédes enfantsqui rentraient aubercail, du faitqu'il voulaitm'arracher la
jugulaireetboiremonsang,duplandetonpèrepourrégnersurlemonde.Ildétournalatête,pensif.—Jesavaisquequelqu'unsecachaitderrièretoutça.C'esttroporganisé.Tropbienpensé.—Ehbien, ilaimeraitquetusachesque,si tuarrêtesdeleschasser, ilsmelaisseront tranquille
afinquejemeuredecausesnaturelles,raillai-je.Commesiçaavaitdeschancesdeseproduire.Jeremarquaiqu'ilcommençaitàserreretdesserrerlespoings.—Cesontdesmenteurs,Dutch.Tousautantqu'ilssont.Ilsmentiraientmêmesidirelavéritéleur
rendaitservice.Ilsn'ontaucuneintentiondetelaissertranquille,quoiquejefasse.Ilattrapalabouteilleet,justeavantd'enprendreunegorgée,ilajouta:—Ilstedésirentplusqueleurprochaineboufféed'oxygène.—Jemedisaislamêmechose,maispourquoinepassimplementmetuer,danscecas?Pourquoi
enfairetoutuncirque?—Hedeshin'estpasstupide,expliqua-t-ilaprèsavoirreposélabouteille.Ilsaitqu'ilnepeutpas
battretagardienne.Ilestsansdéfensefaceàelle.Dèsl'instantoùilpasseraitàl'attaque,elleseraitsurlui,etilenestconscient.Ilfaudraqu'ilss'enprennentàtoiengroupepourdonnerdufilàretordreàArtémis.(Sonvisages'adoucittandisqu'ilm'examinait.)Ilt'amisedanstoustesétats.
Çan'étaitpasdifficileàremarquer,pourlui.Ils'enétaitprobablementrenducompteàlasecondeoùj'étaisentréedansleparking.
—Àpeine.Commeilneréponditrien,jedemandai:—Tuleschasses?Cesonteuxquiteblessent.Ilbalayasesbandagesduregard.—Ilssonttrèsforts.—J'airemarqué.Tuasbrisélanuqued'unhomme,etçanel'apasempêchédemesauterdessus
ensuite. (Je laissai courir mes doigts le long de la commode contre laquelle j'étais appuyée.)Commentest-cepossible?
—Aussilongtempsqu'ilsl'habitent,ilsrendentlecorpshumainpratiquementindestructible.Unefoisqu'ilslequittent,ilmeurts'ilaétémortellementblessé.
La dernière fois que des démons s'étaient échappés pour venir sur Terre, il y en avait eu descentaines.IlétaitimpensablequeReyespuissetouslescombattre,mêmeavecl'aided'Artémis.
—Tusaiscombiencourentencorelesrues?—Pasbeaucoup,répondit-ilenhaussantlesépaules.Etiln'yapasbeaucoupd'humainsquisont
réellementclairvoyants.—Donctusaisquiilsvisent?—Oui.—Etquoi?Tuvastouslestuer?Ilpassalamaindanssescheveux,exaspéré.—Afind'empêcherqu'uneguerrequiopposeleCielàl'Enferdébordesurcemonde?Oui.Iln'avaitpastort,maismême.—Reyes,tunepeuxpastuerdesinnocents.—J'aijustebesoindetuerledémonquisecacheàl'intérieur.Mais,parfois,deshumainsdoivent
êtresacrifiéspouratteindrecebut.—Ehbien,danscecas,arrête.
Jetiraiunechaiseetm'assisenfacedelui.Mesyeuxcommençaientàs'habituerà l'obscurité,etj'arrivaisjusteàdiscernerlecontoursensueldesabouche,laborduredesescilsépais,etàdevinersabarbenaissante.Ses largesépaulesétaientdénudées,et le rubanadhésifquibrillait sur l'uned'ellesdescendaitsursonabdomen.Pasdebandages.Pasdegaze.Justeduchatterton.Aquelpointest-cequeçapouvaitêtrehygiénique?
—Tun'aspasledroitdetuerdesinnocents.—L'hommedelanuitdernièren'étaitpasinnocent,siçat'aideàtesentirmieux.—Malheureusement,dis-je,curieusedesavoircequecethommeavaitpufaire.Çam'aide,mais
juste un petit peu. (Je me frottai les bras, combattant toujours les effets de ma rencontre avecl'Anglais.)Ques'est-ilpassé?
Jedésignailerubanadhésifdumenton.Il s'emparaànouveaude labouteilledewhiskyetavalaunbon tiersdecequ'il restait avantde
remettrelebouchon.—J'aiétéattaqué,répondit-ilaprèss'êtreessuyélabouchesurlereversdesamain.Comme il l'avait dit auparavant, il était hautement douteux qu'un humain ait pu causer de tels
dégâts,maisjelaissaitomber.Iln'étaitpasdugenreàpartager,detoutemanière.Ilattrapauntee-shirtgrissurledosd'uneautrechaiseetl'enfilaenfaisanttrèsattention.Quandil
serassitconvenablement,jedusmeretenirdesoupireràhautevoix.Legrisluiallaitvraimentbien.—Jecroyaisqu'ilétaitpratiquement impossiblequedesdémonsparviennentàentrerdanscette
dimension.—Çal'est.Cesontlesrestesdenotredernièrerencontre.Lasurprisemefitsursauter.—Tuveuxparlerdeceuxquiteretenaientdanscettecave?(Jelesavaisdétruits.Lalumièrequi
émanaitdemois'étaitrévéléeunearmetrèspuissante.)Ilyenavaitdavantage?— Ils sont comme des cafards. Une fois qu'ils s'insinuent dans cette dimension, ils peuvent se
cacherpendantdessièclestantqu'ilsrestentendehorsdelalumière.Reyesm'avaitexpliquéunjourqu'ilsavaientétébannisdusoleilquandsonpèreavaitétérenvoyé
desCieux.Àprésent,illeurétaitfatal.—Ilsnesetrouvaientpastousdanscettecave,maislaplupartyétaient.Quoiqu'ilensoit,toutcela
estorganisé.Bienplusorganiséquecedonttouslesdémonsinférieursseraientcapables.Jenesuispassurprisqu'Hedeshisoitderrièretoutça.Çaatoujoursétéunlèche-cul.
J'espérais lui soutirer quelques réponses de plus avant qu'il ne reparte écumer les champs debataillepourypourfendretousleslèche-culs.C'étaituneopportunitérare.AvoirReyesFarrowpourmoitouteseulesanspersonnequiessayaitdenoustuer,sansfemmesquil'entouraientenl'observantd'unairniais.Enfin,d'autresfemmesquil'observaientd'unairniais.Jenecomptaispas.
—Dequoijesuiscapable?demandai-je,changeantànouveaudesujet.Ilremplitsespoumonsaumaximumdeleurcapacitéetacceptagracieusementmaquestion.—Tueslaseulequipeutlesavoir.Lapiècedevenait deplus enplus sombre àmesureque le soleil se couchait. Jeme levai etme
penchaiversReyesjusqu'àcequejepuissesentirsonodeur.Commeunoraged'éclairsdansundésertaride.
—Jeveuxsavoir,Reyes.Tupassestontempsàmerépéterquejesuiscapabledebeaucoupplus.Jeveuxsavoirdequoi.
Sesyeuxpétillaientd'intérêt.—Jenemenspas.Jel'ignore.J'attrapai la bouteille en m'éloignant de la table afin de me débarrasser du goût de bile dans
l'arrièredemabouche.Aprèsavoirprisunegorgéed'unliquideassezacidepourdécaperlapeintured'une Chevrolet, je me gargarisai, puis avalai. Les larmes me montèrent aux yeux tandis que lewhiskybrûlaitmagorgedéjààvif.JerendisensuitelabouteilleàReyesetm'approchaidelafenêtre
pourobserverlesalentours.IlmefalluttirerlesrideauxafindeprofiterdelavuesurCentral,oùlespharesdesvoiturescoincéesdanslesembouteillageschassaientlesdernièreslueursdujour.
—Chaque Faucheuse est différente sous sa forme physique,m'expliquaReyes. Et la plupart neparviennentjamaisàmaîtriserleurspouvoirs.
Jemeretournai,siavided'informationsquej'auraisétéprêteàlesupplier.—Qu'est-cequetuveuxdire?Combiensommes-nous?—Pasautantquetupourraislepenser.La pièce était encore plus sombre qu'auparavant. Je tendis le bras et allumai une lampe. C'était
mieux,maisReyesétaittoujoursentouréd'ombres.Je retournai m'asseoir en face de lui et attendis tandis qu'il buvait à nouveau à la bouteille. Je
remarquaiàcetinstantqu'ilétaitencoreentraindesaigner.Destachessombress'étendaientsursontee-shirt.Jetentaidemaîtriserl'élandepaniquequis'emparademoi.
— On ne vous appelle pas réellement Faucheuses dans les autres dimensions, m'apprit-il enreposantprécautionneusementlabouteillesurlatable.C'estuntermehumain.
—Attends,quellesautresdimensions?Combienyena-t-il?demandai-je,surpriseparsonchoixdemots.
—Combienya-t-ildegalaxiesdansl'univers?Combiend'étoiles?C'estdifficileàdire.Disonssimplementbeaucoup.
—Je...Jenesavaispas.—Peudegenslesavent.Etpourrépondreàtaquestion,unenouvelleFaucheusevoitlejourdans
cettedimensiontouslesdeuxoutroiscentsans.Iln'yapasdeduréefixe,àvraidire.Jemefigeai.—Mais tum'asditune foisque tum'attendais.Quechaquefoisqu'unenouvelleFaucheuseétait
envoyée,tuétaisdéçuparcequecen'étaitpasmoi.Depuiscombiendetempstueslà?Ilfronçalessourcils,pensif.—Jenesaispasexactement.Peut-êtreunequinzainedesiècles.—Qu'est-cequetuasfichupendanttoutcetemps?demandai-je,abasourdie.Ilm'étudia.—J'attendais.Moi. C'était moi qu'il attendait. L'Anglais avait dit qu'il avait été envoyé pour moi. M'avait-il
racontélavérité?Est-cequelepèredeReyesl'avaitenvoyéspécialementpourmetrouver?—Donc,unenouvelleFaucheusevientaumondetouslesdeuxoutroiscentsans.Est-cequ'elles
sontimmortelles,ouquelquechosedugenre?—Non.Pasleurcorpsphysique.Laplupartneviventpasplusdequelquesannées,enfait.—Pourquoi?Ilmedévisageapendantquelquesinstants.—Repenseàtonenfance,Dutch.Àcommentc'étaitdegrandiravectescapacités.Lessouvenirs inondèrentaussitôtmonesprit.L'horreurdemabelle-mère.Laperted'amischers
aprèsquej'avaisessayédeleurdirequij'étais.Cequej'étais.Lesdistractionsenclasselorsquedesdéfuntspointaientleboutdeleurnez,cequimefaisaitsouventatterrirdanslebureauduproviseur.
— Maintenant, imagine-toi ce que ça pouvait être d'avoir ces capacités dans un monde quifoisonnaitdesuperstitionsetdepeurs.Beaucoupontététuéesalorsqu'ellesn'étaientencorequedesenfants.De celles qui y ont échappé, beaucoup sont devenues ermites.Elles étaient bannies par lesleurs, jamais totalement acceptées. Tu es en réalité la première de ton espèce à avoir réussi àt'intégrer.
Jenesavaispasquoidire.—Quesepasse-t-ilquandonmeurt?—Ilfautquetucomprennesquetoncorpsestlepointd'ancrageduportail.C'estcettepartiequit'a
faitatterrirdanscettedimension.
—Maissimoncorpss'enva,quesepasse-t-il?Est-cequejeseraitoujoursleportail?—Oui,répondit-ilenhochantlatête.Tuétaisunportailbienavantquetuprennesformehumaine.—Doncsi...quandjemourrai,jeseraiencorelaFaucheuse?— Au moment où ton corps cessera d'exister, tu deviendras cent fois plus puissante, mais tu
changeraségalement.Tun'auraspluscetteconnexionhumaine,etchaqueFaucheusechangeavecletemps.Ellesperdentleurhumanité,mêmesicertainesn'avaientpasgrand-choseàperdredèsledébut.Leshommesnelesavaientpasbientraitées.
—Sitelestlecas,pourquoias-tuessayédelaissermourirtoncorps?Ilpenchalatêtesurlecôté.—Turemetscesujetsurletapis?Lorsquejehaussailesépaules,ilreprit:— Parce que c'était ce dont ils avaient besoin, Dutch. C'était l'appât avec lequel ils auraient pu
t'attraper.Etilsysontparvenus,aucasoùtuauraisoublié.—Maisilsauraientputecapturer.Unefoistoncorpsphysiquemort,ilsauraientpulefaire,n'est-
cepas?Ilsefenditd'unsourireentendu.—Ilauraitdéjàfalluqu'ilsmemettentlamaindessus.—L'Anglaisavaitl'airdedirequetuseraistrèsfacileàtrouveràcausedetestatouages,laclé.—L'Anglais?—Hedeshi.Ilestdanslecorpsd'unAnglais.—Ah.Ehbien,ilyadesmanièresdecontournerçaégalement.Persuadée qu'il ne me dirait pas lesquels, je restai sur ma lancée. C'était la première fois que
j'arrivaisàquelquechosedepuisdeslustres.Jechangeaidepositionsurmachaise,mepenchantenavantavecenthousiasme.—D'accord. Donc, si je deviens à ce point plus puissante enmourant, de quoi suis-je capable
pendantquejesuisencoreenvie?— J'aimerais pouvoir te répondre. C'est difficile à dire avec certitude. Comme je te l'ai dit, la
plupartdestiensneviventpasaussilongtemps.—Maistum'asrépétéunecentainedefoisquej'étaiscapabledeplus.—Ettul'es.Cequinesignifiepasquejesaisprécisémentdequoi.Jedécidaidereformulermaquestion.—Onm'adéjàditdeuxfoisquejeseraiscapabledetoutcequejepouvaisimaginer.—C'estlavérité.Ehbien,cen'étaitpasdutoutfrustrant.—Jepeux imaginerbeaucoupdechoses, rétorquai-jepour leprovoquer.Donc jepourrais tirer
desboulesdefeuavecmesmains?Parcequej'arrivesansproblèmeàm'imaginerlefaire.Leregardqu'ilm'envoyaétaitchargéd'autantd'amusementqued'affection.—Non.—Alorsonm'amenti.Jel'imitaietposaiunpiedsurlatable.Deniseenauraitétéscandalisée.—Quit'aditça?demanda-t-il.—L'Anglais,pourcommencer.EtsœurMaryElizabeth.—Elletementsouvent?—Non,répondis-jeenfronçantlessourcils,surladéfensive.—Elle n'a pas dit que tu pouvais faire tout ce que tu pouvais imaginer. Elle a dit que tu étais
capabledetoutcequetupourraisimaginer.Pasl'acte,Dutch,maislaconséquence.—Jenesaisispasladifférence,bredouillai-je,mesentantstupide.—Réfléchis-y.Situétaiscapabledelancerdesboulesdefeuavectesmains,commença-t-ilavant
demarquerunecourtepausepourrigoler,quesepasserait-il?Jedétournaileregard.
—Jenesaispas.Jepourraispeut-êtrefaireexploserunevoiture.—Danscecas,c'estdeçaquetuescapable.Laconséquence,Dutch.Lerésultat.Jecommençaisàcomprendreoùilvoulaitenvenir,mêmesiçarestaittoujoursassezconfus.—Doncsijevoulaisfaireexploserunevoiture,jepourraislefaire.Jenepourraissimplementpas
lefaireenlançantdesboulesdefeu.Jeplissailesyeux,essayantdemeconcentrerpoursaisirlesensdesespropos,lelaissaiéchapper,
me battis bec et ongles pour le rattraper, le perdis à nouveau, et abandonnai en poussant un longsoupirrésigné.
—Non,jenecomprendspas.Maislaconclusion,c'estque,sijepeuxl'imaginer,jepeuxlefaire,c'estça?Tupeuxtuerdesgensavectonesprit?
UnlégersourirevintétirerlestraitsdeReyes.—Seulementsimonespritditàmamaindefaireleboulot.Lesourirequejesentisnaîtresurmeslèvresdevaitêtreaussidiaboliquequejemesentaisencet
instant.—Doncjesuiscapabledefaireplusdechosesquetoi?—Çaatoujoursétélecas.Jen'avaispasobtenuautantderéponsesdelapartdeReyesdepuis...Ehbien,enfaitjen'enavais
jamaisobtenuautant.Jedécidaideleprovoquerunpeu.—Tumedoisquandmêmeunmilliondedollars.—Enlèveteshabits.—Non.—Jetedonneraiunmilliondedollarssituenlèvesteshabits.—OK.Jelevailesbraspourretirermonpullpuism'arrêtai.Enleréajustant,jerelançai:—Jecroyaisquetun'avaispasd'argent.—Jen'enaipas.Maistupeuxtoutdemêmetedébarrasserdeça.—J'aid'autresquestions,repris-jeenl'ignorant.—J'auraisplusderéponsessituenlèvescepull.J'avaisl'impressionquelaseuleraisonpourlaquelleiln'étaitpasplusprèsdemoi,àlaissercourir
sesdoigtslelongdemonpull,étaitsesblessures.Ellesdevaientêtregraves.—IlfautquejeteparledeGarrett.—Jem'enréjouisd'avance.—IlestalléenEnfer.CommeReyesgardaitlesilence,j'ajoutai:—Ilarencontrétonpère.Iltournalabouteillesurlatablejusqu'àcequ'ilpuisselirel'étiquette.—Pèrenesedonnegénéralementpaslapeinededivertirlestouristes.—Ilafaituneexception.IlamontréàGarrettcequetuétaisengrandissant.Commenttuasservi
danssonarmée.Commenttut'esélevédanslahiérarchie.Iladitquetonpèreluiavaitexpliquécequetufaisais.
—Monpèreluiamontrétoutça?Leplusgrandmenteurquel'universajamaisconnu?—Est-cequetusous-entendsquecequeGarrettavun'étaitpasvrai?Queçanes'estpasvraiment
produit?Aprèsréflexion,ilrépondit:—J'étaisgénéralenEnfer,Dutch.Quepenses-tuqueçaimplique?Jebaissaileregardpourobserverlamoquetteverdâtre.—Pourquoitunemelediraispas?—Pourquetupuissesmehaïrunpeuplus?Jerelevailatête,surprise.—Jenetehaispas.
Ilserralamâchoire.—Lafrontièreentrel'amourestlahaineesttrèsfine,tun'espasaucourant?Ilestparfoisdifficile
desavoirprécisémentlaquelledecesdeuxémotionsestlaplusforte.Jeredressailementon.—Jenet'aimepasnonplus.Ilpenchalatêteetm'observasoussescilssombres.—Tuesensûre?Parcequelessentimentsquis'échappentdetoichaquefoisquejesuisdansles
paragesnesontdetouteévidencepasunemarquededésintérêt.—Çaneveutpasdirequec'estdel'amour.— Ça pourrait l'être, je t'assure. Enlève ton pull et donne-moi dix minutes, et tu croiras sans
l'ombred'undoutequetuesamoureuse.
Chapitre13Buvezducafé!Faitesdeschosesstupidesplusrapidementetavecplusdepunch.
Tee-shirtAprèsunepartiedeping-pongverbalpourdéterminer si jedevraisounon retirermonpull, je
décidaidelaissertomber.Demelaissertomber,pourêtreexacte.Jem'allongeaisurlelitetdécouvrisavechorreurqu'ilsortaittoutdroitd'unépisodedeLaFamillePierrafeu.Lematelasserévélaaussidur que de la pierre. Les draps étaient épais et rugueux. Il y avait des bosses sous lesquelles desdinosauresdevaientapparemmentêtreentraindedormir.Maisj'étaisfatiguée,etReyesnesemblaitpaspresséd'alleroùquecesoitpourunefoisdanssavie.
Jeleregardaicontournerlatablepourmerejoindre,sesgestesforcés,péniblementprudenttandisqu'ilessayaitdesedéplacerenlimitantsesdouleurs.Jenel'avaisjamaisvusouffrirautant.Plusieurscercles ensanglantés et autres taches de sang maculaient son tee-shirt. Je ne lui proposai pas del'emmenerauxurgences. Je savaisqu'iln'y seraitpasallémêmesi j'avaispointéMargaret sur sonfronteninsistant.
—Nevapast'imaginerqueçaveutdirequejevaisretirermonpull,l'avertis-je.Ilritdoucementetpritplaceàcôtédemoi.Lematelass'enfonçalégèrementsoussonpoids,etil
expirabruyammentquand ilparvintenfinà s'installer. Jeme tournaivers lui. Il était couchésur ledos, un bras posé sur le front, une posture qui était à la fois charmante et sexy. Son profil étaitsemblableàceluid'unDieugrec.Desdimensionsparfaites.Deslignesexquises.
—Celitestvraimenttrèsdur,meplaignis-jeendonnantdescoupsdepoingdansmonoreiller.Jemetortillaipourtrouverunepositionplusconfortable,cequin'étaitpasfacileavecMargaret
quiprenaittoutelaplace.—Tudevraismegrimperdessus.Jesuisencoreplusdur.J'ouvris lesyeuxengrandet faillis regarderavantdemereprendre. Ilnem'appâteraitpas.Et il
étaitblessé,pourl'amourduciel.—Bon,questionsuivante:pourquoitum'appellesDutch?Jelevissouriresoussonbras.—Jenelefaispas.Jefronçailessourcils,mêmesiçaneservaitàrien.—Tum'appellestoutletempsDutch.Tum'astoujoursappeléeDutch.—Tusais,pourquelqu'unquiconnaîttoutesleslanguesquiontjamaisétéparléessurlaplanète,
tun'espastrèsdouéepoursaisirlesensd'unmotlorsquetuenasbesoin.—Qu'est-cequetuveuxdire?—Réfléchis-y.—Trèsbien.J'yréfléchis.Jefisroulerlemotdansmonespritetsurmalanguejusqu'àcequesasignification
devienneévidente.JeregardaiReyes,stupéfaite.—Cellequirecherche.Tudis«chercheuse»enancienAraméen.Lemot ressemblait à «Dutch » parce que je l'avais toujours compris comme tel. En fait, il se
prononçaitplutôtcomme«Duts»,etle«u»étaitplusdoux,plusallongé.—Bravo.—Tum'asappelée«chercheuse»pendanttoutcetemps?
—C'estcequetues.Unechercheused'âmes.—Waouh.Curieusement, apprendre çame rendit heureuse. Comme si j'avais bu unmocha latte, si j'avais
encore eu lesmoyens dem'en payer un. J'étais en train d'apprendre tellement de choses que je nevoulaispasqueças'arrête.Etlefaitqu'ilsoittropblessépourleverl'ancreàsamanièrevirileetallerpourfendrel'Anglaisétaitgrandiose.Plusdetempsavecbibi.
—Çameplaît,dis-je.—Tesaînésontchoisisagementparmitarace.Jesouris.Puisclignaidesyeux.Puisfronçailessourcils.—Marace?J'aiunerace?—Biensûr.—Attends,pourdevrai?Est-cequej'aiunefamille,commetoi?Dansuneautredimension?—Oui.Jeredressaivivementlatête.Jenem'attendaisvraimentpasàuneréponsesansdétour,etencore
moinsàuneaffirmation.—Vraiment?J'aiuneautrefamille?—Oui.C'étaitépoustouflant.Jenesavaispasquoienpenser.—Jenesaispasgrand-chosesureux,alorsnem'endemandepastrop.—Est-cequ'ils...Est-cequecesontdesFaucheuses?—Seulceluichoisipourtraverserdanscettedimensionestunchercheurd'âmes.Tuviensd'une
race de porteurs de lumière très puissants. Ils ne t'auraient jamais envoyée en temps normal. Unechercheused'âmedeta...trempen'estpasdépêchéepourfairedestâchessubalternes.Maistuétaislaplusjeuneetlapluspuissanteparmieux,etilssavaientquej'étaislà.
C'étaitunechosed'ignorerduranttoutemaviepourquoijepossédaismesdons.C'enétaitunebiendifférentededevoiravalerautantderéponses-desréponsesquej'avaisattenduestoutemavie-enuneseuleeténormegorgée.EtReyesenparlaitdemanièresidésinvolte,commesiçanecomptaitpasautantpourmoid'enapprendreplussurmonhéritage.J'essayaidegardermoncalme.Jepouvaisgérertoutçaavecgrâceetdignité.Pascommej'enavaisenvie,commecesfemmessurleplateauduJustePrix.
Puislesensdesesparolesmefrappa.—Attends,t'esentraindemedirequej'aiétéchoisieàcausedetoi?Soussonbras,sespaupièresétaientcloses.—Jesupposequ'ilspensaientquej'étaislàpourdéclencherlaguerre.Monpèrem'acréépourlui
offrirlafindel'humanité.Alorsilst'ontenvoyée.Ilsetournapourmefaireface,lespaillettesvertetorbrillantdanslebrundesesyeux.—Noussommesennemis,Dutch.Laprincesseetlepion,tousdeuxdecampsopposés.(Ilreleva
uncoindesabouchesensuelle.)Ilsseraientplutôtdéçusdesavoirqu'ons'entendbien.Jemepenchaietleregardai.—Alorsquoi?Jesuiscenséetetuerouuntrucdugenre?Ilfitcourirsesdoigtslelongdemeslèvres.—Oui.C'estpourçaquetuasétéenvoyée.—Ehben,çacraint.Donc, un type plus sexy qu'une Rolex en bijouterie vit sur Terre, et ils m'envoient moi pour
l'éliminer?Moi?Jevenaisdetouteévidenced'uneracedegenscomplètementcinglés.—Tupourraislefaire,dit-ilenfaisantlamoue.Tupourraismetuer.Détruireleportailadverseet
condamnerlaportedemonpère,cellequimèneàsadimension.LadernièreFaucheuseaessayé.(Ildétournaleregard.)Commeelleaéchoué,ilst'ontenvoyée.
—Reyes, c'est ridicule. Jenepourrais jamais faire ça.Tu esbienplus fort quemoi et... tu sais
commenttebattreettoutça.Lesourirequ'ilm'adressan'étaitpastrèsconvaincant.—Quandlemomentviendra,etilviendra,fais-lerapidement.N'hésitepas,Dutch.Mêmepasune
fractiondeseconde.J'ignoraistotalementcequejedevaiscroireoupas.Ilvenaitd'uneracedementeurs.Àquelpoint
sesinformationsétaient-ellesfiables?Jefronçailessourcils,suspicieuse.—Nevapast'imaginerquetupeuxmecharmerenjouantlesnobleschevaliersetenprétendant
que je suis assez puissante pour te tuer.Tum'as lancée, lui dis-je, faisant allusion à la bagarre del'autrenuit.Et tum'as tiréeetpousséesansménagement,alorsnecroispasque jevaisoubliercesconneriesjusteparcequetuesdouxetprêtàtesacrifiermaintenant.(Jemelaissaitombersurmonoreilleretcroisailesbras.)C'estpaslegenredeconneriesqu'onoublie.
Unelueurespiègledansaitdanssesyeux.—Jen'aijamaisprétenduêtreunboy-scout.Jepouvaissentirlachaleurdesonregard,ettoutcequejeparvenaisàpenserétait«MonDieu,
comme il est beau ». Je profitai de l’occasion pour évaluer le degré de gravité de ses blessures.Relevantunemainjusqu'àsa taille, jeparcourus lerubanadhésifsursacagethoraciqueetappuyaidoucement.Ilaspiraunpeud'airentresesdentsserréesetattrapamonpoignet.Dusangs'échappaitdelabandedechattertonetavaittachémesdoigtsàtraversletee-shirt.
—Reyes,qu'est-ceque...?Ques'est-ilpassé?Ilplongeadesyeuxdéterminésdanslesmiens.—Siquelquechosedevaitm'arriver,ilfautquetusachesqu'ilschassentpardeux.Situenvoisun,
sil'und'euxs'enprendàtoi,Dutch,jetejure,ilyenaundeuxièmepasloin.Situenvoistrois,ilyenauraundeplusquiattendquelquepart.Neleurfaisjamais,jamaisconfiance.
— Je ne peux pas simplement faire comme la dernière fois et les aveugler avec ma lumièrenucléaire?
—Non.(Ilm'attiraplusprèsdelui,jusqu'àcequemonfrontseretrouvecontrelesien.)Tantqu'ilssontdansuncorpshumain,ilssontprotégésdelalumière.Mêmedelatienne.
Jedétestaismesentirsivulnérable,sifaible.—Jenepeuxpaslescombattre,Reyes.Ilssonttropforts.—Tupourraissitusavaiscomment,maistun'enespasencorelà,alorsn'essaiepas.Appelleta
gardienneetparsencourant.Jemecalaicontreluienlaissantmamainsursescôtes.—Jesuisassezdouéepourcourir.Enfin,jeveuxdire,jenesuispasrapideouquoiquecesoit,et
jetrébuchefacilement...oublieça.Jenel'avaisjamaisvuaussisérieuxquelorsqu'ilmedit:—Avoirdesdémonscollésauculestplutôtmotivant.—Jen'endoutepas.—Contente-toidecouriretnet'arrêtepas.Promets-le-moi.— Je te promets que j'essaierai de courir sans m'arrêter. Mais j'étais sérieuse, je trébuche
facilement.Jeparvinsàluiarracherunpetitrire.Ilsepenchapourmordillermonoreille.Desvaguesdedésir
brutme traversèrent commeun éclair et se répandirent dansmon bas-ventre. Je n'arrivais pas à ycroire. J'avais finalementReyes Farrow en chair et en os pourmoi toute seule dans une chambred'hôtel,etilétaitentraindesaignerabondamment.J'étaislaseulefemmequiauraitpuabuserdeluisionm'enavaitlaissél'occasion,maiscen'étaitpaslemoment.Etçamerendaitfolledel'admettre.
Alorsquesabouchedescendaitlentementlelongdemanuque,j'enroulaiunbrasautourdesatêteetmurmurai:
—Raconte-moiunehistoireàproposdemesancêtres.Àproposd'uneautreFaucheuse.
Il garda le silence pendant si longtemps que je crus qu'il n'allait jamais répondre. Puis il serecoucha,pensif.
—Ilyavaitcegarçon,Cynric,quesonpèreaemmenéauxanciensduvillage.Ilprétendaitquesonfilsétaitpossédé.Qu'ilvoyaitlesespritsetsavaitdeschosesquepersonnenepouvaitsavoir.Aprèsuneenquêtequiadurédesjours,ilrefusaittoujoursdeparler.Ilaétélapidé.
J'eusunmouvementderecul.—Donccen'estpasunehistoireheureuse?—Peulesont.Ensuite,levillageasouffertd'uneépidémiedemaladieetdemorts.Ilsontpensé
quelegarçonlesavaitmauditsavantdemourir.—Ill'avaitfait?—Non,quelqu'und'autres'enétaitchargé.Iln'avaitfaitquerépétercequesapetitesœurluiavait
dit.ElleétaitlaFaucheuse,paslui.Maiselleétaittombéemaladelorsqu'elleétaitencorenourrisson,etellenepouvaitpasparler.Ilétaitleseulàpouvoirlacomprendre.(Ildésignasatêtedesonindex.)Ilséchangeaientavecleursespritset leurscœurs.Danssadouleur,elleestdevenuefolleetalibéréses pouvoirs sans se rendre comptede cequ'elle était en train de faire.UneFaucheusene sait pastoujourscedontelleestcapableavantungrandtraumatisme.
—Est-cequelafilletteavéculongtemps?Ilacquiesça.—ComparéàlaplupartdesFaucheuses,oui.Jusqu'àenvironsoixante-dixans,sijemesouviens
bien. Mais elle devait vivre avec le poids de ce qu'elle avait fait. Elle est devenue ermite, et,finalement,lafolies'estemparéed'elle.
—C'estatroce.Sic'étaitunêtrecéleste,commenta-t-elleputuerautantdepersonnes?Commenta-t-ellepufaireça?
—LesFaucheusesreçoiventleurspouvoirsàlanaissance.Ellessontleschercheusesd'âmes,maisellespeuvent...(Ilréfléchitquelquesinstants.)Ellespeuventparfoisleschasser,àdéfautd'unmeilleurterme.C'estleurdroit.
—Ehbien,c'estundroitdontjenevaiscertainementjamaismeservir.Pourmedébarrasserdelatentation,jejetaimonoreillersurleschevillesdeReyes,posailatête
sur ses bottes, et me couchai perpendiculairement à lui sur le lit. Il m'avait donné tellementd'informationsquej'auraisbesoindetempspourtoutabsorber,maisjenevoulaispaslequitter.Pascommeça.Jamais,aussilongtempsquejevivrais.Ouaumoinsjusqu'àcequejedoivemeremettresurl'affairedeHarper.Peuimportaitcequiarrivaitenpremier.
J'avaisuneautrefamille.Unefamillequivenaitd'unautremonde.C'étaitpasgénial?Etjepouvaistuerdesgensavecmonesprit.D'accord,jenecroyaispastropàcettepartie,maisj'avaisunefamillevenue d'un autremonde. Jeme demandais comment ils s'appelaient. Peut-être que j'avais une tanteMyrte.OuunoncleprénomméBoaz.J'avaisessayédeconvaincreoncleBobdechangersonnomenBoaz,unefois,maisilavaitrefusé.Jenecomprenaistoujourspaspourquoi.
Tandis que j'étais allongée, à songer à tous les avantages d'avoir une famille venue d'un autremonde,jesentismespaupièress'alourdir.LachaleurdeReyesmedonnaitenviededormir.L'avoirauprèsdemoiétaitréconfortant,etj'étaispresquedanslesbrasdeMorphéelorsqu'ildit:
—Tupourraistedéplacerunpeuplushaut.Tuseraisplusàl'aise.Jegloussai.—Non,c'esttoiquileserais,pervers.Etavantdecomprendrecequisepassait,j'étaisentrainderêverdeReyes,deplageetdeCookie-
a-ritaavecdespetitsparasolsquicaressaientmamain.CefutàcetinstantquejesentislesdoigtsdeReyesfrôlermapaume.Jemedemandaiss'ill'avaitfaitexprès.Quandilroulasurmoienpoussantunrâle,meclouantaulitsoussonpoids,j'eneuslacertitude.Mais,avantquej'aieletempsd'émettreuneobjection,saboucheavaittrouvémonoreille.
—Chut,murmura-t-il,lesoufflechaud.Jecrusaudébutqu'ilétaitd'humeurbadine,maisilétaittotalementraide,tendu,prêtàfrapper.Ou
àmemettreunedérouillée.Quesepassait-il?Je commençai àmedébattre,mais je sentis ànouveau sesdoigts surmapaume.Saufque, cette
fois-ci,sachaleurfutaussitôtremplacéeparlemétalfroidd'unearmeàfeu.Jemeraidistandisqu'ilretiraitMargaretdesonholsterpourlaplacerdansmamain.
—Qu'est-ceque...Ilmefit taireenpressantses lèvrescontre lesmiennes.Mais, tandisquesaboucheétaitentrain
d'accomplir des prouesses, sa langue s'insinuant entre mes lèvres, me faisant perdre tous mesmoyens,sesmainsétaientoccupéesàautrechose.Jesentissoudainlafraîcheurdelalamed'unlongcouteauqu'ilsortaitdudosdesaceinture.Saboucheretournaàmonoreilleetilchuchota:
—Appellelachienne.Monpoulsgrimpaenflèche.—Pourquoi?demandai-je,mavoixressemblantàunmurmureessoufflé.Ilseredressajusteassezpourpouvoirm'observer,sonregardpleind'excuses.—Parcequecen'estpasmachambre.Ilm'embrassaànouveau,seslèvreschaudessurlesmiennes,pourtantchaquemuscledesoncorps
était tendu à l'extrême, impatient. Son cœur accéléra au-dessus du mien, son pouls rugit à mesoreilles.Jeposailebrassurlecôtédulitetclaquaidesdoigts.
Artémissefrottacontremapaumelorsqu'ellesurgitdusoletmedonnaunpetitcoupdemuseausurlamainavantdedresserlesoreilles.Unrugissementprofonds'échappadesapoitrinequandlaportes'ouvrit.Ellecampasursonarrière-trainetattendit.
Laportepivotalentementavantdes'arrêteràunangledequarante-cinqdegrés.Pasassezpourquejepuissediscernerlevisagedelapersonnequil'avaitouverte.Toutcequejepouvaisapercevoirau-delàdesépaulesdeReyesétaitunemainposéesurlapoignée.L'intrussemitàavancerunefractiondesecondeavantqu'Artémisattaque.Elleaboyasifortquelesmurstremblèrentlorsqu'elleseprojetaen direction de la porte entrouverte et atterrit sur une femme possédée, si j'en croyais les crisféminins.
Reyesdisparutet,l'instantsuivant,undeuxièmeassaillanttombaitsurlesolaprèsyavoirétéjeté.Laporteclaquacontrelemur,etjepusapercevoirlafemmequisebattaitavecArtémissurlecôté,luttant contre quelque chose qu'elle ne pouvait de toute évidence pas totalement voir. Mêmemoi,j'avaisde lapeineà resterconcentréesur lecorpsmassifd'Artémispendantqu'ellearrachait l'âmemalignehorsdesoncorps.
Mais,avantque jepuissecomprendrecequiarrivaitexactementaudémon,celuiquecombattaitReyesmeremarqua.Il laissaéchapperuncriderageetessayadesedéfairede l'emprisedeReyespour m'atteindre. C'était une sensation vraiment étrange, d'être désirée si désespérément par unhomme qui ne tenait pas compte du fait que sa colonne vertébrale était tellement pliée qu'ellecommençaitàcraquersouslapression.Jepouvaisentendrelesbruitsaigusdesosquisebrisaient,destendonsquisedéchiraient,etdesvertèbresquisedéboîtaient.Etpourtant,ilnedétournaitpasleregard.Ilmevoulaitavectantdepassionqu'iltenditsonbraslibredansmadirection,mesuppliantdem'approcher.
Ilsétaientbleus.Lesyeuxdel'homme.Jepouvaisvoirledémonquisecachaitderrière,l'essencefumeusequis'échappaitdeluienvolutes,maisl'hôtequelacréaturepossédaitavaitlesyeuxbleus.Siclairs qu'ils ressemblaient à une piscine étincelant au soleil en plein été. Et des larmes lesremplissaient à mesure que Reyes exerçait plus de pression sur sa gorge pour bloquer l'arrivéed'oxygène.Maisiln'enavaittoujoursrienàfaire.Ilrampaversmoiàl'aided'unbras,l'autreayantétébrisé.Ilreposaitsurlesolàcôtédelui,totalementmou,inutilisable.
Lorsque l'hommebondit dansmadirection dans unultime et valeureux effort, son bras sembla
s'allonger.Des griffes noires et aussi tranchantes que des lames de rasoir apparurent sur samain.Dans l'obscurité que la nuit avait apportée, le démon n'hésita pas à se démasquer en essayant dem'atteindre. Je ne pouvais voir que samain,mais je savais qu'aumoins cette partie de lui était àdécouvert.
Jemepenchaisurlecôtédulit,ignorantReyes,quimecriaitdereculer.Lagriffeétaitsiproche,àquelques centimètres à peine. S'il allongeait encore un peu le bras, ilme déchirerait le visage. Jetendislamain,paumetournéeverslehaut,mepenchaiunpeuplus,etsoufflai.Commesijevenaisdesouffler surde lapoussièrede fée,desparticulesde lumières flottèrent endirectiondudémon, seposèrentsursesgriffeset,dansuneénormeexplosiond'énergie,ilhurlaettombahorsdesonhôtehumain.
Ledémonsetraînasurlesol,setordantàcausedeladouleur,sescrisperçantsressemblantàdescentainesderéacteurssemettantenmarche.
Artémisfonditsurluil'instantd'après,enfonçasescrocsenserrantlamâchoire,etôtalavieàlabête.Ilsouffrait tantquele tuerétaitpresqueunactedecompassionàcestade.J'observaisonsangépaisserépandresurlamoquette,puiss'évaporer.
Avantquej'aieletempsdemerendrecomptequ'ilétaiténervé,Reyesmeremitsurmespiedsetm'examinadespiedsàlatête.Puisilseconcentrasurmonvisage,étonné.
—C'étaitquoiça,merde?demanda-t-il,lacolèreluiépaississantlavoix.Maisl'adrénalinecoulaitlelongdemondosetserépandaitdansmoncorps.Jeregardaiderrière
luiendirectiond'Artémis.Elleétaitoccupéeàreniflerlesolavecl'enthousiasmed'unchiendechassequiaflairéunrenard,persuadéequ'elletrouveraitl'odeurd'unautredémon.Ellebonditàtraverslemurpourserendredanslachambred'àcôtéavantquej'aieletempsdelarappeler.
Craignant d'être à nouveau malade, puisqu'il semblait que c'était ma manière de réagir à toutdernièrement,jedépassaiReyespourmeprécipiterdanslaminusculesalledebainsprèsdelaported'entrée.Ilmerattrapalorsquejetrébuchai,maisjemedébattisetm'élançaiverslestoilettes.Lefaitquej'étaisentraindejouerlesspéléologuesdansunbacdeporcelainequiavaitétéutilisédurantdesannéespardeshommesquinesavaientpasvisernemedétournapasdemamission.J'inspirail'airranceetravalaimabiletandisquemonestomacs'agitaitdanstouslessens.
Reyes s'agenouilla derrière moi, et je sentis le contact froid d'une serviette sur la base de manuque.
—C'estçaquilesrendfous.(Ilsepenchaetenfouitsonvisagedansmoncou.)L'odeurdelapeur-tapeur-estcommel'odeurdel'héroïnepourunvraitoxicomane.
—Ehbien,jenepeuxrienyfaire.—Jesais.C'estmafaute,etj'ensuisdésolé.Jerelevailatêteetremarquaiseulementàcetinstantqueledémonl'avaitfrappé.Sonvisageétait
lacéré à trois endroits, l'entaille la plus importante se trouvant àmoins d'un centimètre de ses cilsinférieurs.Jeluiprislaserviettedesmainsetcommençaiànettoyerlesplaies.
—Tul'astué?demandai-je.—Non.Iln'estpasprèsdecourirlemarathon,maisilfautqu'onparted'ici.Reyesmeraccompagnachezmoiensilence,nesachantprobablementpasquoipenserdemoi.Je
n'enétaispassûremoi-même,donconn'avaitpasvraimentbeaucoupdechosesauxquellespenser.Ilm'accompagna jusqu'en haut des escaliers et jusqu'àma porte,mais je ne le laissai pasm'aider àentrer.J'enavaismarred'êtresoudainementdevenueinvalide,incapabledemarcheretdemâcherunchewing-gumenmêmetemps.
Jedéverrouillaietentrai.—Est-cequejepeuxmettrequelquechoselà-dessus?demandai-jeenindiquantlescoupuressur
sajouegauche.
Illestamponnaaveclebasdesontee-shirt,épongeantlespetitesgouttesdesangquis'enétaientéchappées.Lesblessuresétaientdéjàentraindeguérir,maisunecrèmeantibiotiqueneleurferaitpasdemal.
Ilignoramaquestionetcommençaàobservermonappartement.—Appelletongosse.—Quelgosse?demandai-je,soudainementtrèsfatiguée.Jen'aipasdegosse.Du moins, il ne me semblait pas en avoir. Je ne me rappelais pas avoir accouché, et j'étais
pratiquementcertainequec'étaitquelquechosequ'unefemmen'oubliaitpasfacilement.—Cegaminquitraînetoujoursautourdetoi.Appelle-le.—Ange?Ilapparutàlasecondeoùjepensaiàlui.Ilregardaautourdelui,surpris,merepéra,puismelança
unregardnoirsoussonbandana.—Tuvasvraimentcontinueràfaireça?—Hé,c'étaitpasmoicettefois.JepointaiReyesdudoigt,etAngecessaaussitôtdelaramener.IlfitunpasenarrièrelorsqueReyesenfitundanssadirection.—Resteoùtues,ordonnaReyessuruntonquinesouffraitaucunargument.Mais ilparlaitàAngeGarza.Legossequin'avait jamaisprispartàunedisputequ'iln'avaitpas
appréciée.Ilseressaisitetredressalesépaules.—Toi,turestesoùtues,pendejo.Reyesfutsurluiavantquej'aieletempsdelevoirbouger.IltenaitAngeparlecoldesontee-shirt
sale,sonvisageàquelquescentimètresdusien.—As-tulamoindreidéedecequejepeuxtefaire?Angeécarquillalesyeuxavantdesereprendre.—JesaisquetupeuxretournerenEnfer.Jeparvinsàm'immiscerentrelesdeux,enpoussantsurlaprisedeReyes.Auboutd'unmoment,ReyesrelâchaAngeetluijetaunregardd'excuse.—Resteicipourelle,dit-ilenadoucissantleton.Angehaussalesépaules,puislissasontee-shirt.—Pourelle.CelasemblasatisfaireReyes.Ilclaquadesdoigtscommes'ilappelaitunchien,etArtémisapparut.
Ellesautasur lui, sesénormespattesprojetant toutsonpoidscontre lapoitrinedeReyes,saqueuefrétillantdejoie.Illagrattaderrièrelesoreillesetcaressasanuque.
—Turestesici,luichuchota-t-il,ettul'empêchesdes'attirerdesennuis.Compris?Lorsqu'ilhaussalessourcilscommes'illuiposaitunequestion,elleaboyapourluicommuniquer
sonassentiment,etj'eussoudainl'impressiond'êtrelargementenminorité.Jefronçailessourcilsenlaregardant.—Traîtresse.Elle aboya à nouveau, pas émue lemoins dumonde parmes accusations, et sauta en direction
d'Angepourjoueraveclui,lerenversanttrèsfacilementpourlefairetombersurlesol.Angesemitàrire et essaya de l'immobiliser à l'aide d'une prise. C'était étrange de voir qu'Artémis parvenait àouvrir lamâchoireassezgrandpourprendre lecoude lapetite frappedanssagueule.Sescrisdedouleursemblaientl'amuser,etçamesuffisait.
—Ilfautjustequejem'assurequ'ilsnenousontpassuivisici,ditReyes.—Tudevraisvraimentmelaisserjeteruncoupd'œilàtesblessures.—Ladernièrefoisquetuasvoululefaire,tut'espresqueévanouie.—C'étaitilyalongtemps.—Deuxmois.Àquelquesjoursprès.—Trèsbien,fis-je,lerenvoyantd'ungestevague.Vaaccomplirtamissionvirilependantqueje
resteàlamaisonsouslasurveillanced'unepetitefrappedetreizeansentraindemuer.Ilyavaitquelquechosedevraimentperturbantàproposdecetteimage.Jemeréveillaiavecl'étrangeimpressiond'avoirunrottweillermortdecentkiloscouchésurmoi,
comme si j'étais un matelas humain. Je ne m'inquiétais pas vraiment du fait que sa patte droiterecouvrait presque entièrement mon visage, coupant mon apport d'oxygène, ni du fait que je nesentais plusmes jambes parce que ses épaules étaient enfoncées quelque part près demon bassin,mais plus parce que, tandis que sa tête pendait par-dessusmes côtes, elle était en train de ronfler.Vraiment?Mêmedanslamort?Ronflermeparaissaitsuperflu,pouruneraisonouuneautre.
Je devais réfléchir à tellement de choses - aux démons, à mon héritage, à mon apparentengagementàlongtermeentantqueFaucheuse,uncontratquejenemesouvenaismêmepasavoirsigné-,maislaseulechosedontj'avaisenvieactuellementétaitdeboireducafé.Etilfallaitaussiquejefileauxtoilettesplusvitequ'unchevaldecourse.
Unchiendunomd'Artémisexerçaitunepressionétrangesurmavessie.J'éloignailapattegigantesqueloindemonvisage,metortillaipourmedépatouillerduRottweiler
etfinisparyparveniraprèsuneffortherculéen.Lorsquejeposailespiedsausol,satêtependaitaucoindulit,maisellenes'étaitpasréveillée.Jenepusm'enempêcher.Jecommençaiàluichatouillerlesmoustaches.Ellefronçaitleslèvresetgrognaitchaquefoisquej'embrassaissatruffe.Elleauraitfaitunesacréedoublured'Elvis.
Jeparvinsàmeleveretàatteindrelasalledebains.Aprèsunrapiderendez-vousavecM.Café,jeme faufilai dans le salon en faisant bien attentiondenepasdérangerAnge et tanteLil, qui étaientétaléssurdifférentsmeubles.J'étaistoujoursétonnéedevoirlesdéfuntsdormir.Surtoutavectouslescoupsdemarteauquis'élevaientdel'appartementd'àcôté.
Malgré les bruits des travaux, j'entendis un camion se garer.Comme il était trop tôt pour qu'ils'agisse d'une livraison pour le bar de papa, ma curiosité prit le dessus. C'étaient peut-être mesnouveaux voisins, même si ce serait stupide, puisque leur appartement était encore en pleinerénovation. Il faudrait que j'aille parler à Monsieur Z plus tard. Que je le convainque que descomptoirsdecuisineneufsseraientuneplus-valuepourl'immeuble.
Etonnamment,ilyavaituncamiondedéménagementdehors,maisilétaitgaréàl'arrièredubar.Macuriositépiquéeàvif,jemeprécipitaiàlafenêtredemachambrepouravoirunemeilleurevue.Oui, quelqu'un était en train d'emménager. J'observai les fenêtres du deuxième étage et en eus lesoufflecoupé.Unhommeavaitouvert les storesafind'enlever lapoussièredes rebordsde fenêtrecommes'ilnettoyaitl'endroitpourunnouveloccupant.
Dansmesbureaux.Monpère louaitmesbureauxsousmonnez. J'étaisconsternée.Outragée.Etbienplusqu'unpeu
énervée.Aprèsavoirbrièvementregardécequejeportais-certainementqu'uncaleçonencoton,untee-shirtquiproclamaitquej'étaisencoreplusCoolqueTheGangetdespantouflesrosesenformedelapinconviendraientparfaitementpourunpassagerapidedel'autrecôtédelarue-,jereposaimatassedecaféetmedirigeaiverslebardemonpère.Plusj'ypensais,plusjemarchaisvite.Etplusjemarchaisvite,plusj'étaisénervée.
Leventcrépitaautourdemoilorsquejesortisdemonimmeuble,maisjen'yprêtaipasattention.Monpèrelouaitmesbureaux.Queltoupet.
Jedépassaideuxhommesquisedémenaientpourdéchargerunbureauetpénétraidanslebarparlaportearrière.
— Papa ! criai-je, ignorant l'étonnement de ma belle-mère, qui venait d'entrer par l'entréeprincipale.
Elleavaitvisiblementapportélepetitdéjeunerautraître.Jenepouvaisqu'espérerqu'ils'étoufferaitavec. JedépassaiégalementSienna, lamagnifiquenouvellebarmaidqui faisaitdupiedàPari.Elle
semblaparticulièrementappréciermoncaleçon.Gemmasortitdubureaudepapajustequandjel'atteignais.Lasurprisesereflétaitsursonvisage.—Charley,tun'espashabillée.—Oùest-il?demandai-jesansm'arrêter.—Papa?Ilestàl'étage,jecrois.Si j'avais eu toutema tête, j'aurais remarqué le début de sourire sur ses lèvres, j'aurais pume
rendrecomptequetoutn'étaitpascequ'ilparaissait,maisj'étaisenmission.Jefisdemi-touretprisl'escalier, dont je gravis lesmarches deux à deux. Ce n'était pas la chose la plus facile à faire enportantdespantouflesenformedelapin.Etmesbondsfaisaientchaquefoisrentrerunpeuplusmoncaleçonàunendroitquejenepouvaispasmentionner.Maisunréajustementrapideunefoisàl'étageréglaleproblème.
Jedéboulaidanslepremierbureau,celuiquiavaitétélemienpendantplusdedeuxans,ettrouvaipapadevantlafenêtre,quiobservaitlaruederrièrelesrideaux.Ilportaitunechemiseencotonetunpantalonen linquisemblaitdeuxfois tropgrandpoursasilhouetteélancée,etsapeau,d'ordinairehâlée,avaitlacouleurd'unsoldélavéetfaisaitconcurrenceàsescheveuxblondclair.
Il n'y avait personne d'autre à l'intérieur. Tout ce que j'avais laissé était à l'endroit exact où jel'avaislaissé.Pasuntiroiràdossierniuneétagèren'étaientpasàsaplace.
Jem'immobilisaiderrièreluietplaquailesmainssurmeshanches.—Vraiment?demandai-je.Ilpenchalatêteetbloquasesémotionsàlasecondeoùlechagrinquileconsumaitmefrappa.Je
prisuneprofondeinspirationetmedébarrassaidecettesensation.Ilm'avaitfaitarrêterpendantquej'étaiscouchéedansunlitd'hôpital.Ilneméritaitpasmacompassion.Maisilméritaitd'essuyermacolère.
—Tulouesmesbureaux?Justecommeça?Jeclaquaidesdoigtspoursoulignerlarapiditédesesactes.J'enétaispartiedeuxmoisauparavant,
mais,pouruneraisonobscure,çanesemblaitpasêtreimportant.Ilseretournaenfin.Ilavaitl'airpluségaréqued'ordinaire.Soncorpsparaissaitpliéparlafatigue.
Ilflottaitdansseshabits.Jem'enfichais.Jem'enfichais!—Non,moncœur.Jepointailafenêtre.—Alorsc'estquoi,ça?—Unstratagème,répondit-il,savoixsipragmatiquequ'ilmefallutunmomentpoursaisirlesens
desesparoles.Uneruse.Je regardaipar la fenêtreetme rendiscompteque lecamionétait totalementvideendehorsdu
bureau.Lesdeuxhommesadressèrentunsalutprotocolaireàmonpèreavantderechargerlemeubleetderefermerlaporte.
Meretournantverslui,jedemandai:—Dequoituparles?Unstratagèmepourquoi?—Pourtoi,répondit-ilenserapprochant.Jereculai,soudainementsurmesgardes.Il fit un nouveau pas dans ma direction, mais s'immobilisa lorsque je lui lançai mon fameux
regardassassin.— Tu ne prends pas mes appels, expliqua-t-il, levant les paumes en signe de reddition. Tu ne
répondspasàlaportequandjepassetevoir.—MonDieu,jemedemandebienpourquoi.Jefisdemi-tourpourpartir,maiscequ'ilmeditensuitemestoppanet.—Jenesavaispascombiendetempsilmerestait.—Quoi?grognai-jesanscacheruneoncedesuspiciondemavoix.
—Quandjet'aifaitarrêter,j'ignoraiscombiendetempsilmerestait.Jevoulaisjustequetuquitteslebusiness,etilfallaitquej'agisserapidement.
J'étais en colère, etma patience était à bout. J'ouvris les bras, impuissante, avant de les laisserretombercontremesflancs.
—Jen'aipaslamoindreidéedecedonttuparles.—Jevoulais juste faire cequ'il fallait pour toi. Jevoulaisme racheterpour ceque j'avais fait.
C'estmoiquit'aifaitentrerdanscettevie.Jevoulaist'ensortiravantqu'ilnesoittroptard.—Donctum'asfaitarrêter?C'étaitça,tasolution?—Tunepeuxpasêtredétectiveprivéesituasuncasierjudiciaire.Talicenceauraitétérévoquée.
(Ilhaussalesépaules.)Missionaccomplie.Lesourirequipritpossessiondemonvisagen'avaitriend'amusé.—Mercid'avoirassurémesarrières,papa.J'appréciegrandement.—Tunem'aspaslaissélechoix.— Pardon ? (Ma voix s'éleva pratiquement jusqu'au cri.) Je ne t'ai pas laissé le choix ? T'es
cinglé?— J'ai essayé de te faireme parler,mais tu nem'as pas fait confiance. Tu nem'as jamais fait
confiance.Et je ne savais pas quoi faire d'autre. Je t'aimise là-dedans, et je voulais t'en sortir. Temettreàl'abri.Quanddesalestypess'enprennentàtoiàcausedemoi...J'aifaitsemblantjusque-là.Maisjenepeuxpascontinuer.
—Ehbien, tuaschoisi lemoment idéalpour tedécideràavoiruneconscience,papa.Quandjesuisallongéedansunlitd'hôpitalaprèsavoirététorturéepresquejusqu'àlamort,tumefaisarrêter.(Jeluimontraimesdeuxpouceslevés.)Bonnedécision.
Ilbaissaleregard.—Jen'avaispasd'autrechoix.— Tu sais quoi ? demandai-je en m'approchant de lui pour l'apostropher d'un doigt en pleine
poitrine.J'aiénormémentréfléchiàlamanièredontjet'aitoujoursvu.Tuétaismonroc.Leseulquicroyaitenmoi,enmescapacités.J'ai toujourspenséque tuétaisdemoncôté.Maisensuite,çam'afrappée. Toutes ces années, tu as toléré Denise, la façon dont elle me traitait, et, au lieu de medéfendre,tuasregardéailleurs.Tunem'asjamaisdéfendue.Tuasjusterécoltélesavantagesdemesdons,maistun'asrienfaitettuaslaissécettesorcièremerabaisserdèsqu'elleenavaitl'occasion.
Ilregardapar-dessusmonépaule,etjemeretournaipourdécouvrirquelafameusesorcièreétaitsurlepasdelaporte,laboucheouvertedesurprise.
Jepointaiundoigtdanssadirectionetadressaiunsignedumentonàmonpère.—Oui,celle-là.Commeilgardaitlesilence,jedemandai:—Est-cequetuasjamaisvraimenttenuàmoi?Ilseredressa,surpris.—Biensûr!J'aitoujourstenuàtoi.Jepensaisjuste...Savoixsebrisa,etilsecouvritlabouched'unemain.—Vas-y.Donnetoutcequet'as.—Vousaviezbesoind'unemère.— Et tu nous as donné ça ? (Je me rapprochai tant que je vis mon reflet dans les larmes qui
baignaientsescils).Tun'aspastoujoursétélàpourmoi.Tuétaislàpourtoi.Alorsvas-y.Louemesbureaux.Jem'enfiche.
DanslamesureoùDenisebloquaitlasortie,jedécidaidetraverserjusqu'àlapièced'àcôtéetdesortirparlaporteprincipale.
Maisaumomentoùj'allaistournerlapoignée,monpèredit:—Ilfautquejem'assurequetut'ensortirasquandjeseraiparti.Dans un ultime et vaillant effort, jeme retournai pour lui faire face. J'avais une repartie aussi
intelligente qu'appropriée sur le bout de ma langue acérée, mais elle resta là parce que, l'instantsuivant,papalevaunearmeetmetiradessus.
Chapitre14Pierretombaled'occasion:Parfaitepourquelqu'undunomdeCharleyDavidson.
PubOu,plutôt,tiradansmadirection.Jemepenchai. Jenesavaispas troppourquoi.Bizarrement, sepencherquandonse faisait tirer
dessussemblaitêtre lameilleurechoseà faire.Àuneépoque, jepouvais ralentir le temps. J'auraiscarrémentpuvoirlaballefigéeenpleinair.Mais,depuisquej'avaisététorturée,j'avaisperducettecapacitéet,lorsquepapatira,jemepenchaisansmêmeessayer.
Jetombaiàgenouxetmecouvrislatête,puismetournaipourregarderpapadesousmesbras.Iltenaittoujourslepistolet,uneexpressionstupéfaitesurlevisage.—Leland!hurlaDenisequelquessecondesàpeineavantdeplaquerlesmainscontresabouche,
souslechoc.Ilfaudraitquejelafélicitepourl'effort.Aprèsunrapideinventairedemesorganesvitaux,commejeneressentaispasdedouleur,jeme
relevaid'unbond.Gemmaaccourutetsefaufilapourpouvoirentrerdanslapièce.EllefutvitesuivieparSienna,quitenaitencoreunpotdecafé.
Jemerendiscomptequelemondeétaitentraindetanguer.Ladétonationavaitfaitgrimpermonadrénalineenflèche,etelles'étaitrépanduedanstoutmoncorps.
Aprèsm'être palpée à la recherche de blessures avec desmains tremblantes, je hurlai surmonpère.
— C'est quoi, ce bordel ? (Mais il pointait toujours l'arme dans ma direction. Il semblaitmaintenantêtremoyennementenétatdechoc.)Papa!m'exclamai-jeenessayantd'attirersonattention.C'estvraimentofficiel.Tuesunmauvaispère.Lesbonspèresnetirentpassurleursfilles!(Jecroisailesbrasetdésignailepistoletdumenton.)Jediraitoutàmamanquandjeseraimorte.
—Ques'est-ilpassé?demandaGemmaenpromenantsonregardentrepapaetmoi.Jelepointaidudoigt.—Ilaessayédemetuer.Voilàcequis'estpassé.— Papa ! le sermonna-t-elle comme elle l'aurait fait pour un enfant qui venait de manger un
insecte.—Non,vousnecomprenezpas.IlportalesyeuxsurGemmaàl'instantoùoncleBobdébarquaitdanslapièceencourant,dépassant
Denise.Super.L'équipeétaitlàaugrandcompletpourassisteràmonmeurtre.Papamedévisageaànouveau,laboucheouverte.—Regardezça.Iltiraunesecondefois.Jemepenchaiànouveau.Etjeluttaicontreletournisquemedonnaitcenouveaupicd'adrénaline,
qui faillitme faire tomberdans lespommes.D'après la théoriede l'évolution,cen'étaitpascequel'adrénalineétaitcenséefaire.Elleétaitcenséemefairemouillermonpantalonavantdemefournirl'énergie pour courir très vite, comme si un ours était en train de m'attaquer. S'évanouir, c'étaittellementcontraireàl'espritdarwinien.
OncleBobsortitsonarmeetlapointasurlatêtedepapaavantquej'aieletempsdedire:
—C'estquoi,cebordel?J'étais une nouvelle fois tombée à genoux. Le coup de tonnerre que le pistolet avait crachéme
secouaitviolemmentetàtoutevitesse,sibienquej'avaisl'impressionquemarespirationm'avaitétéarrachéedespoumons.Jemerelevaitantbienquemal,etlemondetanguaittellementquej'enavaislavisionbrouilléeet l'estomac retourné. J'allaisêtremalade.Moncorpshurlaitde l'intérieur. J'avalaipéniblement,essayantdegarderlapetitequantitédecaféquej'avaisbuauparavant.
Jesentisuneboufféedechaleurcourirsurmapeauetregardaiàgauche.Reyess'étaitmatérialiséàcôté demoi, son imposante robe noire ondulant et aidant lemonde à osciller un peu plus. J'avaisl'impressiond'êtreunebarqueenhautemer.
Ilobservapapasoussacapuche,puismoi.—Pourquoitonpèreessaie-t-ildetetuer?Jedéglutisànouveauetmepressaicontrelemurdansmondos.—Jen'ensaisrien.(QuandReyessemitàavancerendirectiondemonpère,jemeprécipitaipour
lui bloquer le passage,me jetant entre lesdeux.)Ohnon, tun'ypensesmêmepas.Monpère, c'estchassegardée.
Ilmesaisitparlebrasetm'attiradanssarobe.Sachaleurbrûlantemecalmaitmalgrélacolèrequejeressentais.
—Règleceproblème,oujeletueicietmaintenant.Jelerepoussaietpointailafenêtredudoigt.—Va-t'en.Maintenant.Ilsedématérialisaenpoussantunfeulementrauque,maisjesentaistoujourssaprésence.Iln'était
paspartitrèsloin,etilpourraitsematérialiseretsectionnerlamoelleépinièredepapaavantquej'aieletempsdeprotester.Ilfallaitquejedésamorcelasituation,etrapidement,oumonpèrerisquaitdeneplusjamaisêtreenmesuredemarcher.Oupeut-êtremêmederespirer.
Aprèsm'êtrereprise,jeremarquaiquetoutlemondemedévisageait.Trèsprobablementparcequejevenaisdeparlerdanslevide.Cen'étaitpasmonproblème.Onavaitdeschosesplusimportantesàfaire.Maisl'airqu'ilsaffichaientm'arrêtanet.Ilsm'avaientdéjàvueparlerdanslevideauparavant.Enfin,toutlemondesaufSienna.Jenevoyaispascommentçaauraitpucauserautantdechocquecequ'ilsmontraient.
Siennalâchasacarafe.Elleatterritsurlesoldansunbruitsourd,etlecaféserépanditdetouslescôtés,maisaucund'entreeuxnemequittadesyeux.
—Quoi?demandai-je,soudaingênée.Jebaissaileregardpourvérifierquemoncaleçonétaitencoreenplace.Jeneremarquairienqui
clochait.J'étudiaiànouveaulesvisagesenfacedemoi.MêmesioncleBobpointaitunearmesurlatêtedemonpère,c'étaitmoiqu'ilobservait.Commetouslesautres.
Papaabaissasonpistolet.Lemouvementattiral'attentiond'Obie,quiseretournaverslui.—Lâche-le,Leland.Monpèreobéit.L'armetombasurlesol,maispersonnenes'ensoucia.Touslesyeuxétaientrivés
surmoi.Lentementetprudemment,oncleBobs'agenouillaetramassalepistolet,maisilnedétournaleregardquedurantlafractiondesecondequ'illuifallutpourl'attraper.
Çadevenaitvraimenttrèsbizarre.—Commentas-tufaitça?s'étonnaGemma.—Faitquoi?demandai-je,totalementperdue.Mefairepratiquementtirerdessusparmonpropre
père?Commetoutlemondecontinuaitàm'observer,boucheouverte,jedécidaiquec'étaitlemomentou
jamaispourunpetitdiscoursbiensenti.—Cen'étaitpassidifficile.Ilasuffiquejemetiennelàpendantqu'untypequiatotalementperdu
laboulememenaçaitavecunearme...—C'étaitdesballesàblanc.
Jeledévisageai.—T'asessayédemetueravecdesballesàblanc?—Oui.(Ilacquiesça,puisserenditcomptedecequ'ilavaitréponduetsecoualatête.)Non,jeveux
dire...—C'estpasunpeucontreproductif?— La manière dont tu as bougé, continua-t-il, la voix pleine d'incrédulité. Ce n'était pas réel.
Personnenepeutbougercommeça.—Qu'est-cequetuveuxdire?demandai-je,perdantpatience.Est-cequetoutlemondesefichaitdufaitquemonproprepèreavaittentédemetuer?Ils'approchademoietlevalamainpourtouchermonvisage,maisjel'arrêtaietreculaiafind'être
horsdeportée.Iln'essayapasderecommencer.Alaplace,ildemanda:—Qu'est-cequetues?—Àpartfurieuse?—Charley,ditGemma,savoixprenantlesaccentsdethérapeutedoucequ'elleaffectionnaittant.
Regardeoùtues.J'observai lesalentoursetcomprisqu'elleavait raison. J'étaisvers laporte lorsque lecoupétait
parti,etjemetrouvaismaintenantprèsdelafenêtrequidonnaitsurlaruelle.Jehaussailesépaules.—J'aibondipourmeretirerdelatrajectoire.Etaprès?Onmetiraitdessus.—Tun'aspasbondi,s'exclamaGemma.Tuétaislà-bas,etensuitetuétaisici.Tu...(Ellemarqua
unepause,commesielleétaitincapabledetrouverlesmotsjustes.)Tuasbougésivite.Onauraitditquetuavaisdisparu,puisétaisréapparue.Jen'aijamaisrienvudetel.
—Ilfallaitquejesache,expliquapapa.Ilfallaitquejesachesi tu t'ensortirais.Jesavaisquetuétaisdifférente,maisj'ignoraisàquelpoint.Puis,quandCarusom'aattachéets'enestprisàtoiaveccecouteau... lamanièredonttubougeais.Jen'avaisjamaisvuquelquechosecommeça.(PapaavaitmisCarusoderrière lesbarreauxpourun très longmoment.À laminuteoù il avait été libéré surparole,celui-cis'étaitlancéàlapoursuitedepapaetdonc,commedommagecollatéral,àlamienneégalement.)C'estàcetinstantquejemesuisrenducompteàquelpointtuesspéciale.
J'étais toujours en train de lutter contre les effets que l'adrénaline produisait sur mon systèmenerveux,essayantdenepasavoiruneattaque.
—Jenecomprendspasvraimentcommenttuesarrivéàlaconclusionquemetirerdessusseraitunebonneidée.
Jefisdemi-tourpourpartir,maisoncleBobm'arrêta.—Charley,chérie,j'aibesoindesavoirsitusouhaitesporterplainte.J'esquissaiunsouriremauvaisavantderépondre:—Non.Pasaujourd'hui.Jeneveuxplusrienavoiràfaireaveclui.JepoussaiDenisepoursortirdelapièceetm'engageaidansl'escalier.—Charley,attends!criaGemmaderrièremoi.Jecontinuaiàmarcher.—Jevaisécrireunelettreàmamanàproposdetoutça.—Bien,mefélicita-t-elle,essayantdemerattraper.C'estparfait.Maisilyaquelquechosequetu
doissavoiravantdetropt'emballer.J'avaisatteintlaportedemonimmeubleavantqu'elleaitréussiàmerejoindre.—Jesais,dis-je,lagorgeserrée.Jel'aisentiàlasecondeoùjesuisentrée.Elleprituneprofondeinspiration.—Ilnesaitpascombiendetempsilluireste.Jeluitournailedos,refusantd'admettrequemesyeuxmepiquaient.—Depuisquandes-tuaucourant?— Quelques mois. Il ne voulait pas qu'on t'en parle. Il voulait le faire lui-même, mais tu ne
répondaispasàsesappels.
Jecroisailesbras,toujoursincapabledeluifaireface.—Çanechangerarienaufaitquejevaistoutraconteràmaman.Elles'approchaetenroulasonbrasautourdemoncou.—Dis-luibonjourdemapart,aussi.Jeposailatêtesursonépauleosseuse.—D'accord.Maisjenecroispasqu'ellet'aimeautantqu'ellem'aime.Gemmasemitàrireetmeserraunpeuplusfort.Jeretournaiàmonappartement,etCookiedéboulaalorsquej'étaistranquillemententraindeme
servirunetassedecafé.Sesyeuxétaientécarquillésd'inquiétude.Quandellemerepéra,ellesemblaterriblementsoulagée.Elles'approcha,essoufflée,unemainsurlapoitrine.
—Jenetetrouvaisnullepart,selamenta-t-elleentredeuxhalètements.Ettoutestesaffairesétaientici.J'aicruqu'ont'avaitassassinée.Ouenlevéeànouveau.
—Désolée.Jesuislà.Elleleval'index,déglutitdifficilement.—Charley,jetejurequetuvasmetuerunjour.—Nesoispasridicule.Pourquoiest-cequejetetuerais?Tubossespourtroisfoisrien.Elleacquiesça.—C'estpasfaux.—J'étaisdanslesbureaux.Papaaessayédemetirerdessus.Adeuxreprises.AlorsoncleBoba
sortisonflingue.Ilestbienplusrapidequ'ilenal'air.Elleécarquillaànouveaulesyeux.Puislesplissa,incrédule.Puislesouvritengrandunenouvelle
fois.Puislesplissa.Puisellefituntrucunpeuringardavecsespaupièrestandisqu'elleencaissaitcequejevenaisdeluidire.Elleouvritensuiteànouveaulesyeuxengrand.Puislesplissa.Maismêmesisagestuelleoculaireétaitplutôtmarrante,j'étaistoujoursencaleçon.
—OK,jevaisprendreunedouche.Çatelaisseraunpeudetempspourruminertoutça.— À quoi ressemblaient les bureaux ? demanda-t-elle finalement, et je compris qu'ils lui
manquaient.—IlssontvraimenttrèsbeauxdepuisqueBobbyJoelesarénovés.J'aimebeaucouplebeigetaupe
qu'ilachoisi.—C'esttellementbizarrequ'ilaitcruquesacopinevoulaitletueravecdescacahouètes.—Ouais,hein?(Jemesaisisdematasseetmedirigeaiverslasalledebains.)Çaauraitétéplus
compréhensibles'ilyavaitétéallergique.Aprèsm'être débarrassée d'Ange en lui disant que son tour de garde était terminé, je pris une
douche rapide et passai en revuemon emploi du temps de la journée.On n'était pas plus près dedécouvrirquiharcelaitHarperet çame rendait triste,mais j'avaisencoreplusieurspistesà suivre.CookavaitobtenuunelistedesvisiteursdeTanoanEstate,etaucunnomnecoïncidaitaveclepassédeHarper,dumoinspasàpremièrevue.
Cook m'avait également trouvé l'adresse de la gouvernante de toujours des Lowell, qui venaitrécemment de prendre sa retraite. J'allais commencer par ça, puis faire un crochet à l'asile pourvérifiercommentseportaitmonamiRocket.Jenel'avaispasvudepuisunbail.
— J'ai aussi une liste de toutes les personnes qui ont été employées par lesLowell depuis leurmariage,m'annonçaCookiependantque j'avalais lepetitdéjeunerdeschampions,àsavoir le restedesbrownies.Maisaucund'euxn'abossé là-basplusdedeuxou troisans.Leurchauffeur travailletoujourspoureux,etlagouvernante,quihabitaitsousleurtoit,n'aarrêtéqu'ilyaquelquessemaines.
—Juste,leurnouvellegouvernantem'aditlamêmechose.—Ilm'afalluunpeudetempspourlaretrouver.ElleaétéauservicedesLowellpendantprèsde
trenteans.J'auraispenséqu'ilssauraientoùellevitmaintenant,maisnon.J'aidûdemanderàDonald.—Donald?répétai-jeenronronnantd'intérêt.TuappellesDonaldparsonprénom?— Pffff. C'est le chauffeur des Lowell, et c'est le seul qui a bien voulu m'accorder une
nanoseconde.Ilal'aird'avoirdanslesquatre-vingt-dixans,sicen'estplus.—Peut-êtrequ'ilfume.S'ilesttoujoursleurchauffeur...—Désolée.Ancienchauffeur.Maintenant il secontentedes'occuperdesvoitures,ouun trucdu
genre.Ilm'aditqu'ilsnelegardaientqueparcequ'ilsavaientpitiédelui.—Intéressant.Tuastrouvéautrechose?Ellebattitdescils.—Ehbien,ilestGémeaux,ilaimeleslonguespromenadessurlaplage,etilesttrèsattiréparles
hommesquiportentdeskilts.J'avalailederniermorceaudebrownieetlefisdescendreàl'aided'unegorgéedecafétiède.— C'est marrant, je suis attirée par les types en kilts moi aussi. (Je lui donnai un petit coup
d'épaule.)JepeuxavoirlenumérodeDonaldaucasoùj'auraisdesquestions?—Tun'essaieraispasdemelepiquer,desfois?J'ouvrislaboucheetposaiunemaininnocentesurmapoitrineencoreplusinnocente.—Jen'oseraisjamais.Ellem'ignora.—Donc,unefoisquetuaurasinterrogélagouvernante,tuvasrendrevisiteàRocket?demanda-t-
elleavecunsourirecomplice.Rocket étaitune ressource inestimablequand il s'agissaitdedécouvrirqui étaitmort etqui était
toujoursenvie.EnsavantdéfuntquiconnaissaitlenomdechaquepersonnequiavaitjamaisvécusurTerre,Rocketétaitenmesuredem'informerdeleursituationenquelquessecondesàpeine.Etilétaitgrand,adorable,etprenaitplaisiràmeserrerdanssesbras.Trèsfort.
LalueurmalicieusequipassadanslesyeuxdeCookiem'indiquaqu'ellenefaisaitpasallusionàRocket.
—Oui,répondis-jeenmémorisantl'adressedelagouvernante,qu'ellevenaitdemedonner.—EtlesvoisinsdeRocket?Tucomptesallervoircommentilsseportentégalement?J'arquaiunsourcil.—J'aiunfaiblepourlestypesenHarley.Ellepointaundoigttaquindansmadirection.—Soisplusfortequeça.—Tunecomprendspas,dis-jeavantdemelever.C'estvraimentungrosfaible.Jeconduisisjusqu'àlademeuredelagouvernante,ausuddelaville,enessayantdenepaspenser
au fait que mon père avait tenté de me tirer dessus. Deux fois. Elle habitait dans une partie plusancienne de la ville. La plupart des maisons y étaient considérées comme presque historiques etétaientbienentretenues,commel'étaitcelledeMmeBeecher.
Aprèsavoir frappéà laporte, j'observai lesmagnifiques fleursquiornaient lesmarchesdesonporche.Ellesétaientviolettes.Jenepouvaisêtrepluscatégorique.
La femme quime reçut était une petite vieille aux cheveux gris clair, au regard doux qui avaitpresquelamêmecouleur,etquimarchaitcourbée.Elleouvritlaporte,maisrestaderrièrel'écrandelamoustiquaire.Lehautdesatêteatteignaitdifficilementmonmenton,etelledevaitleverlatêtepourm'observer.
—Bonjour,madameBeecher?—Oui?demanda-t-elleens'essuyantlesmainsdansuntorchon.Elleétaitvêtued'unerobeàfleursquiavaitétélavéequelquesfoisdetrop.—Jesuisdésoléedevousdéranger.Jem'appelleCharleyDavidson.(Jetendismonbadge.)Jesuis
détective privée, et j'ai été engagée pourmener l'enquête sur une affaire qui implique vos ancienspatrons,lesLowell?
Son pouls s'accéléra, et elle tordit légèrement la bouche pendant unemicroseconde avant de sereprendre.Puisellemeregardacommeuneprodupoker.
—Écoutez, je comprends qu'il est mal vu de parler des Lowell. Vous avez été leur employéedurantdesannées.Maisj'aileurpermissionexpressedem'entreteniravecleurpersonnel,luiassurai-je,mentanttandisquejeluiadressaismonsourirelepluséblouissant.
LesLowellavaientlamainmisesurleurpersonnel.MmeLowellétaituntyrancommej'enavaisrarementvu.
—Oh,trèsbiendanscecas,fit-elle,semblantsecalmer.Enquoipuis-jevousêtreutile?Ellecontinuaitàmeparleràtraverslamoustiquaire,nevoulantdetouteévidencepasquejerentre.
Lapauvre.— Si j'ai bien compris, vous avez travaillé pour les Lowell pendant près de trente ans. Que
pouvez-vousmedireausujetdeleurfille,Harper?Son pouls accéléra à nouveau, et elle jeta des regards aux alentours comme si elle avait
l'impressiond'êtreespionnée.Exactementcommesaremplaçante l'avaitfaitquandj'avaisessayédeluiposerdesquestionssurlarésidencedesLowell.
—Jenepeuxpasvousapprendregrand-chose.Elleétaittrèsdérangéeetilsavaientbeaucoupdeproblèmesavecelle.C'esttoutcequejepeuxvousdire.
—Oui,j'enaientenduparler.Est-cequevousvoussouvenezquandtoutacommencé?Elleobservaletorchondanssesmains.Lapeurs'échappaitd'elleparvagues.—ToutsembleavoirdébutéjusteaprèsqueM.etMmeLowellsesontmariés.Jehochailatête.—Avez-vousremarquéquelquechosedesuspectàl'époque?(Jenepouvaism'empêcherdeme
demandersilapersonnequiharcelaitHarperétaitunemployé,éventuellementmécontent.)Est-cequelesLowellontengagéquelqu'unàcettepériode?Oupeut-êtrequequelqu'unadémissionné?
Ellevenaitdepenseràquelquechose.Jepouvais levoiràsonexpression.Maiselle l'ignoraenfronçantlessourcils.
— Madame Beecher, tout ce que vous pourrez me dire m'aidera, même si ça vous sembleinsignifiant.
Elleprituneprofondeinspiration.—Cen'estvraimentrien.JevienssimplementdemerappelerqueFélixacommencéàtravailler
pourlesLowelljusteavantlemariage.—Félix?répétai-jeensortantmonbloc-notesetunstylo.—FélixNavarro.Ils'estoccupédelapelousependantdesannéeset...Ellesetut,pensive.—Et?larelançai-je.Quandellemeregardaànouveau,sonexpressionétaitpleinederegrets,commesielledétestait
devoirdireàvoixhautecequ'ellesoupçonnait.—Ehbien,ilaimaitbeaucoupMlleHarper.Vraimentbeaucoup.—Aquelpoint?—Il...Ilavaitdesphotosd'elledanssonportefeuille.Plusieursphotos.OK,c'étaitinquiétant.Jenepusretenirl'accusationquirampadansmavoix.—Vousnepensezpasqu'ilfaisaitquelquechosede...—Oh,bontédivine,non!mecoupa-t-elleenagitantletorchon.Pasdutout.Ilétaitsimplement...
ehbien,ilavaitbeaucoupd'affectionpourelle.Jen'endoutaispasuneseconde.—Merci,dis-jeenluiadressantunsourirerassurant.Vousavezététrèsutile.Ellebaissalatêtecommesielleavaithontedem'avoirparlédeça,puisrefermalaporte.Après avoir appelé Cookie pour lui demander d'enquêter sur le jardinier qui aimait les petites
fillesetgardaitdesphotosd'ellesdanssonportefeuille,jemegaraiàcôtéd'unasilepsychiatriquequiavait été abandonnédans les années1950. J'avais trouvéRocket ici quand jem'étaisdécouvert unepassionpourl'explorationd'asilesmentauxaulycée.Enpartieenraisondemafascinationpourles
vieux bâtiments, mais surtout à cause de mon amour pour les défunts fêlés. Ils connaissaient lessecretsde l'univers, tousautantqu'ilsétaient,et jepouvais leurparlerpendantdesheuressansvoirpasserletemps.C'étaitvachementpluscoolquelesdevoirs.
Surprised'apprendrequ'ilyavaitunasilepsychiatriqueenpleincœurd'Albuquerque,j'avaisfaitdurepéragedanslesenvironspendantquelquesjours,puisj'étaisfinalemententréeparunsoiroùlalune luisait dans l'obscurité comme une traînée de craie et oùmon estomac était plein de vin bonmarché. Alors que je trébuchais dans les couloirs en poussant des aaaaah et des oooooh endécouvrantl'équipementoubliéetenmedemandantàquoiservaientexactementcertainsinstrumentsquiressemblaientàdescisaillesdejardinage,j'étaistombéesurRocket.
Jenesavaispas trop lequeldenousavaitété leplussurprispar laprésencede l'autre,maisunefoisquejel'avaisconvaincuquejen'étaispasvenuepourluivolersonjeudedames,onétaitdevenusles meilleurs amis du monde. Cependant, en raison de sa faculté de concentration minimaliste, ilm'avait fallu plusieurs visites pour apprendre réellement quelque chose sur lui. J'appris qu'il étaitmortdanslesannées1950.Ilavaitaussiunesoeur,quiétaitmortedurantlagrandedépression.Elleluitenaitcompagnieàl'asile,maisjenel'avaistoujourspasrencontrée.
Demanière assez surprenante, c'était un gang demotards, les Bandits, qui était propriétaire del'asiledanslequelvivaitRocket,etilshabitaientlaporteàcôté.Jem'étaisfaufiléediscrètementpourleséviterdurantdesannées,mêmes'ilsavaienttendanceàavoiruneflopéedeRottweilersenserviceàtouteheure,maisleurleader,unduràcuiredunomdeDonovan,m'avaitrécemmentdonnéuneclédel'endroit.Jenel'avaispasencorepasutilisée,maisçamesemblaitêtrelejouridéalpourl'essayer.
Pourtant, j'étais toujours incapable de me garer devant l'entrée principale. Je me rangeaissystématiquement au coin du bâtiment et cachais Misery derrière des bennes à ordures afin depouvoirm'introduiresansrévélermaprésence.Apparemment,cettehabitudeavaitladentdure.Aprèsavoir verrouillé la portière, je tapotai affectueusement le pare-chocs de Misery et partis à larecherchedulance-Rocket.Ouplutôtc'étaitcequej'auraisfaitsimacuriositén'avaitpasétépiquéeparcequisepassaitdanslequartiergénéraldesBandits.
Jeregardaipar-dessuslachaîneenmétalrecouvertedelierrequitenaitlieudeportailetparvinstoutjusteàdiscernerl'arrièredujardindesBandits,làoùsetrouvaitleurgarage.Ilsavaienttoujoursunepléthoredemotos etdepiècesdétachées éparpillées autourde la zoneenparpaing,mais cettefois-ci,unefourgonnetteétaitgaréeàl'arrière,etplusieurshommes,tousdenoirvêtus,ychargeaientdegrossacsennylon.ParmieuxsetrouvaientDonovanetsesdeuxbrasdroits:Michael,untypequiavaitdesfauxairsdeMarlonBrandoetquiauraiteul'aircoolmêmeentutu,etEric,ungrandgarçonquiressemblaitplusàunprincegrecqu'àunmotard.Maiscequimeparutleplusétrangeétaitlefaitqu'ilsétaient toushabillésexactementde lamêmemanière.EricetDonovanportaientdesbandanasnoirsautourducou,mais,endehorsdeça,ilyavaitentoutquatrehommesetunefemmeavecdespullsnoirsàmancheslonguesetdespantalonsmilitairesnoirs.Ilsavaientégalementtousdesgantsencuiretdeslunettesdesoleilsurlenezousurlatête.C'étaitvraimentprendrelecodevestimentairedugangaupieddelalettre,àmonavis.Maischacunsesgoûts.
Quelquechosem'intriguaitausujetdeleurssilhouettes.J'observaiattentivementlestroishommesdetête:Donovan,leleader,etsesseconds,MichaeletEric.Grand,moyennementgrand,etdetaillemoyenne.
Sûrementpas.J'avaispresquequittémaplanqueafindemedirigerversl'asilequandquelquechosetombadel'un
dessacs.Jel'étudiaitandisqu'Ericleramassaitpourlefourrerànouveaudanslesac,etmoncœurs'arrêta.C'était unmasquede caoutchoucblanc.Exactement commeceuxdes cambrioleurs dont lejournaltéléviséparlaitsansarrêtdanstoutlepays.Cambriolerdesbanques.Jesavaisqueleshommessur les caméras de surveillance me paraissaient trop familiers. De tous les passe-temps stupides,
c'étaitceluiqu'ilsavaientchoisi!Commentavais-jepumetromperàcepointàleursujet?C'étaientdestypesbien.Jel'avaissenti
dès l'instantoù je lesavais rencontrés.C'estvrai, jeme trouvais au sol etDonovanavaitposéunebottesurmonestomacpourmemainteniràterre,mais,toutaufond,ilsavaientdescœursenor.
JeretournaimecacherderrièreMiseryetréfléchisàcequejedevaisfaire.Jepouvaisessayerdeles dissuader de continuer,mais je n'avais pas vraiment envie demourir au cours des prochainesheures.Etilsavaientdetouteévidencecommencéàfaireçadepuisunmoment.Jepouvaisleslivreràla police, mais que se passerait-il si j'avais tort ? Peut-être qu'ils avaient une raison parfaitementplausiblequiexpliquaitpourquoiilsétaientvêtusexactementdelamêmemanièrequelesvoleursdebanquequ'onappelaitlesGentlemenCambrioleurs.Peut-êtrequ'ilsallaientàunbalcostuméoùtoutlemondesedéguisaitensonméchantpréféré.Lesmotardsparticipaientsouventàdesfêtesunpeuexcentriques.Maisàdixheuresdumatin?
Dixheuresdumatin,c'étaitl'heureidéalepourcambriolerunebanque.Etmerde.Lafourgonnettesemitenmarche,etjereculaiderrièrelabarrière.Donovanlançaquelquechose
àEricjusteavantquecelui-cirefermelaportière.Puisiljetaunregardalentourpours'assurerquepersonnenelesobservaitetsautasurlesiègepassager.
Unplanseformaalorsdansmonesprit.J'allaislessuivre.S'ilsserendaientvraimentàunefête,jerentrerais pour leur raconter ce que j'avais imaginé, et on en rirait tous ensemble. Mais s'ilscambriolaientvraimentunebanque,ilmefaudraitunplanB.C'étaitimpossibleàéviter.
Je sautai dansMisery et fis demonmieuxpour les suivre sansdonner l'impressionde fairedemonmieuxpourlessuivre.Pourlapremièrefoisdepuisquejel'avaisachetée,jemaudisl'extérieurrougecerisedeMisery.Dunoirauraitététellementpluspratique.Ou,encoremieux,dugristrottoir.Là, je me serais vraiment fondue dans le décor. Je n'avais jamais autant eu envie d'une caped'invisibilitéqu'encetinstant.
Lorsqu'ilss'arrêtèrentdevantlaBanquepopulairedeBernalillo,j'espéraistoujoursqu'ilsavaientjuste besoind'aller retirer unpeude liquidepour faire la fête. Il fallait bienquequelqu'unpaie labière et les chips. Jeme garai de l'autre côté de la rue et attendis. Ils restèrent immobiles pendantquelquessecondesavantdeseprécipiterhorsduvéhiculeenportant l'attirailcompletduvoleurdebanque,àsavoirdesmasquesetdessemi-automatiques.
Jelaissaitombermatêtesurlevolant.J'étaisvraimentdanslamisère.EtdansMisery.Jenesavaispasquoifaire.Cen'étaitvraimentpasmajournée.Entremonpèrequiessayaitdemetuer,Reyes,quiessayaitdetuermonpère,etlesmotardslesplussexyquej'avaisjamaisrencontrésquiserévélaientêtre des voleurs de banque très connus, je me demandais bien pourquoi j'étais sortie de monappartement.Jem'ysentaissibien.J'aimaism'ytrouver.Ilétaitaussichaleureuxetconfortablequ'unecelluledeprison,maisaumoinspersonnenem'ytiraitdessusetpersonnenelecambriolait.Oualorsjen'avaispasremarqué.
Attendez.Peut-êtrequ'iln'étaitpastroptardpourlesdissuaderdecambriolerlabanque.Peut-êtreque siDonovan savait que je savais, il serait embarrassé au point demettre un terme à toute cettehistoire.
Etpeut-êtrequeCharlesMansonétaitréellementunpoèteincompris.Maisçavalaitlapeined'essayer.Jeveuxdire,onétaitamis.Etlesamisnesetiraientpasdessus.
Apparemment,lespères,si,maislesamis,c'étaituneautrepairedemanches.Je laissaiMargaretdansMiseryet traversai la rueà lahâte,dépassai la fourgonnetteà l'arrêtet
pénétraidanslabanqueaussidiscrètementquepossible.Cequivoulaitdirepasdesmasses.L'endroitétaitentraind'êtrecambriolé,alorsiln'étaitpasdifficilederepérerunnouveauclientquientrait.JemeconcentraisurDonovanaussitôt.Letruccool,c'étaitqu'aucund'entreeuxn'avaitsortisonarme.Heureusement,çanesemblaitpasnécessaire.Donovanétaitoccupéàsurveillerlegardedelasécurité
ainsiquelesclientsquiétaientallongéssurlesolfacecontreterre.Ilsallaientêtretraumatisés,etçame faisait de la peine,mais j'étais toujours ravie queDonovan ne soit pas en train de pointer unflinguesureuxenmenaçantdeleurfaireexploserlatête.Çaauraitétévraimentplustraumatisantsurlelongterme.
Les autres se chargeaient des caisses et du coffre, et l'un d'eux était debout sur le guichet,supervisantletout.C'étaitEric.Ilsefigealorsqu'ilmerepéra.Jesongeaiàluisourireetàluifaireunsignedelamain,maisjen'avaispasenviedepasserpourunecrétinefinie.
QuandjeregardaiànouveauDonovan,ilm'observaitégalement,lesbrascroisésetlatêtepenchéecommes'ilétaitentraindemedemandercequejefoutaislà.
Jemeposaislamêmequestiontandisquej'enjambaisdesclientspourlerejoindre.—Désolée,dis-je lorsque jemarchai sur la juped'une femme. (Je trébuchai ensuite sur lebras
d'unhomme.)Désolée!Quand jeparvinsenfinversDonovan, je luiadressaiunsourire feintafindepouvoir luiparler
sansbougerleslèvres.J'ignoraistotalementpourquoijefaisaisça.—Tucambriolesdesbanques?demandai-jeàtraversmesdentsserréestoutenregardantautour
demoidemanièrenonchalante.Eric,leplusjeuneetleplusgrandd'entreeux,sautaenbasduguichetetatterritàcôtédenous.Il
serapprochademoi,merentradedansetpenchaencorelatêtejusqu'àcequesaboucheseretrouveàmonoreille.
—Est-cequ'onn'apasbesoind'unotage?demanda-t-il,lesoufflecourt.Jepouvaisentendrelesouriredanssavoix.Donovantenaitlasalleàl'œilenyjetantdesregardsfurtifsquipassaientrégulièrementsurmoi.Il
consultasamontre.—Quinzesecondes!cria-t-ilavantdereportersonattentionsurmoi.(Dumoinsjecroisquec'est
cequ'ilfit.Ilétaitdifficiledevoirsouslemasqueencaoutchouc.)Jepensequetuasraison.Avantquejepuisseprotester, ilmeforçaàmeretourneretplaçaunbrasautourdemagorgeet
l'autreautourdemataille.Jelevailesyeuxauciel.—Tuplaisantes?lançai-je,lesdentstoujoursserrées.—Çavaêtretrèsamusant,seréjouitEric.—Tupourraisfairetonboulot?luidemandaDonovan.—Oh,juste.Ilsautaànouveausurleguichetetattrapalesacennylonqu'unautremembredugroupevenaitde
sortirducoffre-fort.Jen'arrivaispasàcroirequ'unebanquedecettetailleaitautantdeliquidités.Dessirènes s'élevèrent au loin, et jeme demandais si ça devaitme soulager oum'inquiéter. C'était unsentiment étrange. J'étais du côté de la loi. Je travaillais comme consultante pour la policed'Albuquerque. Ma participation à un cambriolage de banque ne ferait sûrement pas tache. Maisl'adrénalinecouraitdansmesveines,etjenepouvaism'empêcherd'espérerqu'ilsallaientsemagnerlecul.
Tandisquelesautrescommençaientàsortir,Michaelnousrejoignitensepavanant.Jesavaisquec'étaitlui,parcequepersonnenesepavanaitcommeMichael.
—Unotage,dit-ilenmesaluantdelatête.Cool.Puisilsedirigeaàsontourverslafourgonnettecommesiderienn'était.Alorslà.Cestypesétaienttotalementtimbrés,cachetdelaPostefaisantfoi.Donovanme tiraderrière lui, suivant lesautresà travers lesportesde labanque, sapriseassez
serréepourquemoncorpsentiersoitcolléausien.C'étaitvraimentunpervers.—Désolée!m'exclamai-jelorsquejetrébuchaisurlebrasdumêmehommequeprécédemment.Illevalatêtepourmelancerunregardnoir,mais,franchement,ilnousavaitvusvenir.Ilauraitpu
bougersonfichubras.Cen'étaitpasfaciled'êtreàmoitiétiréeenarrièresurunsoljonchédeclients.
Et on ne m'avait jamais accusée d'avoir le pied sûr. Il avait bien dû le comprendre après notrepremièrerencontre.
J'agrippailebrasdeDonovan.—Çanetefaitvraimentpasgagnerdepointsbonus,mister.Aumomentoùnousatteignîmeslaporte,Donovanmechuchotaàl'oreille:—Çamefaitplaisirdetevoiraussi,mabelle.Jevoulusrépondre,maisilmepoussaàl'extérieuretmelançadanslafourgonnette.J'atterrissur
untasconstituédebottesetdesacsd'argent.Etj'étaisfauchée.Jeclignaidesyeuxetlesexaminaiavecenvie pendant exactement deux secondes et sept centièmes avant que la réalité neme frappe. Je nepouvaispasprendred'argentvolé.Mêmesi je survivais à la journée, cequine semblaitpas superbienpartisij'enjugeaisauxvisagesblancsquim'observaient.
Lafourgonnettedémarraetpritunvirageserréquim'envoyam'écraserentreunepairedejambes.Je fis de mon mieux pour retrouver l'équilibre et agis comme si cet instant n'était pas du toutembarrassantquandjemeretournaiversDonovan.Ilétaitàgenoux,parfaitementenéquilibretandisqu'il enlevait sonmasque et le fourrait dans un sac. Les autres l'imitèrent.Quand le visage d'Ericapparut,unpetitsourirediaboliqueétiraitseslèvresetsesyeuxpétillaientdemalice,puisquec'étaitentresesjambesquej'avaisétéprojetée.
LorsqueMichaelretirasonmasque,sonsourireétaitàlafoisempreintd'humouretdecuriosité.Mais j'étais bienplus inquiète à causedu fait que tout lemonde était en trainde sedéshabiller. Ilsretiraient leurschemisesnoirespour laisserapparaîtreunevariétéde tee-shirts.Puisce futau tourdespantalons.Donovanportaitunjeansouslesien,maisEricetMichaelavaienttouslesdeuxducuir.
Celuiquiconduisaitenlevaaussisonmasque-enfin,cellequiconduisait-etlejetaenarrière,etjemesouvinsalorsdel'avoirvuelorsquej'étaischezeuxquelquesmoisplustôt.Plantureuse,avecdelongscheveuxdelacouleurdelanuitetdesyeuxbrun-vert,ellesemblaitêtrelaseulefemmeàfairepartiedel'élitedugangdeDonovan.Etellesavaitmanierlevolantcommepersonne.Jecomprenaispourquoi Donovan l'avait choisie. Elle prenait juste assez de risques pour passer les feux designalisationetfonçaitennégociantlesviragessansattirertropd'attentionindésirable.
Ellem'observaàtraverslerétroviseuretm'adressaunclind'œilamusé.Aumoinsilsaimaientlamanièredontilsgagnaientleursvies.C'étaitpeudire.
—Déshabille-toi,ordonnaDonovan,etjecomprisqu'ilparlaitauderniertype.Ilétaitassisverslaportearrièreetn'avaittoujourspasretirésonmasque.—Tuplaisantes?demanda-t-il.Ellesaitquionest.—Elle le savait avantmême d'avoirmis un pied dans la banque, rétorquaEric, aussitôt sur la
défensive.Ressaisis-toi,putain.—Vatefairefoutre,renchéritl'autre.Jen'iraipasenprisonpourcettepouffiasse.Pouffiasse?—Enlèvetonmasque,ordonnaDonovandutonleplusdurquejeluiavaisjamaisentendu.Onest
quasimentarrivésaupointdechute.Est-cequ'ilvenaitdemetraiterdepouffiasse?—Etvatefairefoutreaussi,dit-ilàDonovan.Siellevoitmonvisage,ellepeuttémoignercontre
moiautribunal.Avantquequiconqueaitletempsderépondre,Michaelétaitsurlui.Ill'avaitchargé,attrapéparle
col,etluiarrachaitsonmasque.—Ellepeuttémoignerdetoutemanière,connard.IljetalemasqueàEric,quilefourradanslemêmesacquelesautres.Le typehocha la tête,étonné. Ilavaitdescheveuxblondclaircoupéssicourtqu'ilavaitpresque
l'airchauve.Sapeauétaittannéed'avoirpassétropdetempssouslesoleilduNouveau-Mexique,maissesjouesétaientrouges.Jenemesouvenaispasl'avoirvu,maisjen'étaisalléechezeuxqu'uneseule
fois,etc'étaitlorsd'uneoccasiontrèstendue.—Super,dit-il,sahainemefrappantcommeunmurdechaleur.Maintenantonesttousbonspour
seretrouverenprison.—Oniradetoutemanièresiçanedéroulepascommeprévu,rétorquaDonovan.Alorsarrêtede
pleurnicheroujetejetteauprochainarrêt.Letypefitjouersesmâchoiresetretiraégalementsachemise,maisiln'ôtapaslepantalonnoir.—Commentçava,chérie?—Dixsecondes,annonçalaconductrice.Ericrefermalesacàl'instantoùelleprenaitunautrevirageserré,cettefoispourbifurquerdans
un parking souterrain. Elle pila, ce qui me projeta en avant. Et je fus la seule à le faire. J'avaisvraimentdesproblèmesaveclagravité.
Laconductricemesourit.—Hello,moic'estCharley,luidis-jealorsqu'Ericouvraitlaporteetsautaithorsduvéhiculeàla
secondeoùils'arrêtait.— Je sais, répondit-elle en riant doucement.Moi c'est Sabrina,mais j'apprécierais que tu ne le
répètespasdevantuntribunal.—Comptesurmoi.Je les regardai transférer l'argentdans lecoffred'uneHyundai jaune,et lesacd'habitsdansune
Dodgeverte.Maiscequimefascinaleplus,c'étaitqueMichaeletSabrinaétaiententrainderetirerun film plastique sur les côtés de la fourgonnette. Je n'arrivais pas à voir à quoi elle ressemblaitmaintenantdelàoùjemesituais,maisilsvenaientsansdoutedechangersonapparencedutoutautout.
Ils roulèrent l'emballage en boule et le jetèrent dans un collecteur d'eau de pluie. PuisMichaellançaun trousseaudeclésàEric. Il sautadans laDodgeetdémarra tandisqueSabrinasedirigeaitverslaHyundaietqueMichaelprenaitsaplacederrièrelevolantdelafourgonnette.
—Jeresteavecl'argent,fitleblond,maisDonovanletiraenarrièreetrefermalaporte.—Ons'entientauplan.Amoinsquetunedécidesd'abandonnertapartetdepartirmaintenant.Letypeserassit,etsonvisageaffichaitunehainequim'étaitengrandepartiedestinée.—Accroche-toiàtapetiteculotte!lançaMichaeltandisqu'illançaitlafourgonnetteenavant.LaHyundai et laDodge suivirent jusqu'à ce qu'on sorte du garage. Puis tout lemonde prit une
directiondifférente.—Tuviensdesignernotremandatd'arrêt,ditleblondàDonovan.Ildégainauncouteauquiavaitl'airplutôtméchant,etmonregardsefigeasurlalamecommeun
missileàguidagelaser.Mapoitrines'affaissa,etlesmursserapprochèrenttandisquejemeratatinaisdel'intérieurcommedupapierfroissé.J'avaissentiuncouteautrancheràtraverslescouchesdemapeau et de mes tendons jusqu'à ce qu'il atteigne l'os. Ce n'était pas une expérience que je voulaisrenouveler.
Illepointadansmadirection.—Soitc'estellequimordlapoussière,dit-ilavantdedirigerlalameversDonovan,soitc'esttoi.L'adrénalinesemitàbattreviolemmentdanslesveinesdeDonovan,cequim'empêchadesentirsi
latournuredesévénementsl'étonnait.Sansuneseconded'hésitation,ildégainasonGlockettira.Pourlatroisièmefoisdelajournée,unearmeàfeufututiliséebientropprèsdemoiàmongoût.
J'auraisdûsavoirquecettejournéeallaitêtrepourrie,puisqu'elleavaitcommencéavecmonpèrequiessayaitdemetuer.Ellessedétérioraienttoujoursàpartirdelà.
—Putain!crialetypeensebaissantbienaprèsquelaballel'avaitdépasséetavaitcassélavitred'unedesportes.
Il s'était baissé, lui aussi. Pour une raison étrange, celame fitme sentirmieux au sujet demapropreréactionunpeuplustôt.Maispasàproposduson.Lanauséesemitàmedonnerdescoupsdepoingdansl'estomac,etellefrappaitfort.Maisj'étaisentraindem'habituerauxpousséesmassives
d'adrénaline.Jemeraidisetcombattisunenouvelleremontéedebile,meforçantàlaravaleretàlagarderlàoùelleétait.
—Lâchececouteau,etlaprochaineballen'aurapasàquittersachambre.Letypelançalecouteausurmoi,maisplutôtenguised'avertissementquecommeuneattaque.Il
atteignit mon épaule et atterrit sans dommages par terre, ce qui fit résonner le sol métallique. Jel'attrapaiavantqueleblondpuissechangerd'avis.Lalameétaitaussilonguequemonavant-bras,etl'avoirenmainaidaàsoulagerunpeulapeurquicouraitdansmesveines.Jenepouvaism'empêcherdemedemandersiReyesavaitraison.J'avaispeurd'untypeavecuncouteau.Deuxmoisauparavant,ça n'aurait pas été plus d'un quatre surmon échelle deRichter,mais,maintenant, il suffisait d'uneattaqueinsignifiantepourquej'aieletrouillomètreàzéro.
Nousroulâmessurunnid-de-poulealorsqueMichaelfonçaitàtouteallure,puistoutdevintnoir.Tout lemonde sortit du véhicule par une portière différente :Michael par celle du conducteur, leblondparl'arrièreetDonovanparlaportecoulissantesurlecôté.Ilattrapalederniersacetmefitsignedelesuivre.Nousétionsdansleurgarage.
Michaelétaitentrainderetirerunautrefilmplastique.Surceluiquiapparaissaitmaintenant,deslettresjaunesannonçaientD&DPlomberie.Lafourgonnette,quiétaitnoirelorsquej'yétaismontée,étaitàprésentblanche.Astucieux.
—Tum'askidnappée,reprochai-jeàDonovan.—Onnet'apaskidnappée.Ont'aempruntée.—Vousm'avezpriseenotage.—Cequiestlamêmechosequ'unemprunt.Jemarchaiderrièreluitandisqu'ils'occupaitdedifférentestâches.—Pourquoidesbanques?Pourquoifaites-vousça?Ilbaissaleregardettripatouillasesgants,tirantpuisrelâchantl'élastique.—Malheureusement,onneverrapasuncentimedel'argentquenousavonsvoléaujourd'hui.—Commentça?Jenecomprendspas.—C'étaitlebut.(Ilhaussalessourcils.)Çaatoujoursétélebut.Ilfallaitquelesgenspensentqu'on
était en trainde cambrioler les banques auhasard.Comme si on était juste tombés sur unegrossecargaisonparaccident.Commesionnesavaitpasqu'ilseraitlà.Ànousattendre.
Jemedemandaiscommentilsétaienttombéssurautantd'argent.Ilsortitunesacocheetlaremplitd'effetspersonnels.—L'arrangement,c'étaitdegardertoutcequ'onaprisjusque-là.C'estnotrepartdugâteau.Mais
l'argentduhold-upd'aujourd'hui,iln'estquepourunseultype.—Etdequis'agirait-il?—Dutypequinousfaitchanter.Toutl'airquecontenaientmespoumonss'enfuitàmesurequejeriais.Puisjeprisconsciencequ'il
étaitsérieux.—Onvousfaitchanterpourcambriolerdesbanques?—Deschosesbienplusétrangessontdéjàarrivées,dit-ilenhaussantuneépaule.—Pasàmoi.Commeilmeregardaitdemanièretrèssceptique,j'ajoutai:—Bon,d'accord,maisc'estquandmêmeunpeutiréparlescheveux,mêmepourmoi.Donovan,
ques'est-ilpassé?—Moi.Ericnousrejoignitàcetinstant.Ilvenaitapparemmentdedébarrasserlecoffreets'avançaitvers
nouscommesiderienn'était.—J'aiétéattaquéunsoiràl'extérieurd'unclubparungrouped'hommes,etj'aituél'und'eux.Ce
typeafilmétoutelascène.—Ilavaitdespreuvesquiauraientpunousmettrederrièrelesbarreauxpourtrèslongtemps.On
était là. J'ai regardé pendant que ça se produisait. Eric s'en sortait tout seul, alors je ne suis pasintervenu.Maisonalaisséletypelàoùilétait.
—Onnepensaitpasqu'ilallaitmourir,ajoutaEric.Cesconnardsavaientcommencé.—Maisc'étaitdelalégitimedéfense?—Pasquandtueschampiondeboxe,expliquaDonovan.MichaelpoussaEricdecôté.—Etcescouillonsontfuileslieux.Donovanluiadressaunregardsévère.—Ilseseraitprisunebonnedérouilléedetoutemanière.—Et quand ce type nous a contactés, continua Eric, il savait tout ce qu'il y a à savoir sur les
banques.Michaelhochalatête.—Iladitqu'ilpouvaitnous faireentreret sortir,nousaexpliquécequ'il fallaitemporteretce
qu'ilfallaitlaisser,commentéviterlesflics,tout.—Puisilaorganiséchaquecoupafinqu'ilssemblenttotalementaléatoires,complétaDonovan.—Alors,quiestcetype?demandai-jeenespérantobteniruneréponse.UnsouriresedessinalentementsurlevisagedeDonovan.—Jefaisdegroseffortspourqu'iln'arriverienàtonpetitcul.Lederniertrucquejecomptefaire
estdetelaissersauterdanslagueuleduloup.—Maisiltravailleàlabanquequevousavezcambrioléeaujourd'hui,n'est-cepas?C'estcomme
çaqu'ilétaitaucourantpourlechargement.—Ouais,renchéritMichaelenm'adressantunsourire,maisilmentait.Jepouvaislesentiraussifacilementqu'unebrisefraîcheenpleinété.—Letruc,c'estquejenepensepasqueçaallaits'arrêterlà.Jecroisqu'ilcomptaitnousforcerà
cambriolerunedernièrebanque.Ilenparledepuisunmoment.Quandonluiaditqu'onnepouvaitpas,ilaréponduqu'ilavaitungarsàl'intérieur.Lefaitquetunousaiesreconnusvientgrossomododenoussauverlamise.
—Onenaterminé,confirmaMichael,unsourires'étirantsurseslèvres.Lesmêmeslèvresquiaffichaientplusquesouventdespetitssouriresencoin,alorsunvraisourire
étaitagréable.Sincère.Ericse retrouvasoudaindansmondos, tropproche,commeàsonhabitude, lorsqu'il sepencha
par-dessusmoi.—Tunousasempêchésd'avoiràrecommencer.Iln'yaaucunmoyenqu'ilpuissenousforcerà
continuer,maintenant.—OnfileàMexico,detoutemanière,ajoutaDonovan.Çaconclutlemarché.—Non,paspourmoi.Nousnousretournâmesalorsqueleblondserapprochaitàgrandesenjambées,sesgestesraides
decolère.—Cetypen'avaitaucuneidéedequij'étais.Quej'avaisquelquechoseàvoirlà-dedans.Ilyavaitquelquechosed'étrangeausujetdesacolère. Ilnesemontraitpas totalementhonnête,
maisjen'arrivaispasàcomprendreexactementàquelproposilétaitentraindementir.—Ilnelesaittoujourspas,ditEric.—Maiselleavumonvisage.Vousavezinsistépourquecesoitlecas,vousvoussouvenez?Donovanl'attrapaparlecol,detouteévidenceaussilassédesespleurnicheriesquejel'étaismoi-
même.—C'esttoiquiasvoulufairepartieducoup.Ons'entientauplan.—Depuisquandleplaninclutlaprised'otages?— J'ai improvisé, répondit Donovan en le repoussant. (Puis il se tourna vers moi, souriant à
nouveau.)Combiendetempsonaavantquetuappelleslapolice?
Oh, ils allaient réellement partir alors. Et ils savaient que je devais les dénoncer. J'étais un peuétonnéequepersonnen'essaiedemetuer.
—Letempsqu'ilmefaudrapourmelibérer.Ilfronçalessourcils,confus,aussiluimontrai-jemespoignets.Lesourirequitraversasonvisage
àcetinstantétaitceluid'unprédateur.—Jenepeuxrientepromettreunefoisquetuserasattachée.Je lui rendis son sourire. Donovan était un gentleman. Un peu négligé et vagabond, mais un
gentlemantoutdemême.—Jepensequejevaisprendrelerisque.
Chapitre15Tonexistencemefilelamigraine.Valà-bas.
Tee-shirtVingtminutesplustard,j'étaispiedsetpoingsliésdansunepiècesouterrainedel'asile.Donovan
nevoulaitpasprendrelerisquequedesmembresdugangpassentàlamaisonetmetrouveattachéedespiedsàlatêteetàlamercidupremiervenu,alorsilsm'avaienttouslestroisconduitejusqu'icietm'avaientfaitdescendreunescalierdélabré.Ericavaitdégottéunechaise,etilsavaientcommencéàm'attacher.Ou,plutôt,àmescotcher.Commeilsn'avaientpasdecorde,ilsavaientapportédurubanadhésif.Ilyavaitvraimentuntrucavecleshommesetlechatterton.
Ericpenchamachaiseenappuyantsurledossieretm'embrassadanslecou.—Onserevoitdel'autrecôté,beauté.Netefourrepasdansdesennuisquejenem'attireraispas.Jesourisetleserraientrematêteetmonépaule.C'étaitunbravegamin.Etsexyaupossible.La
positiondanslaquellejemetrouvaisétaitsimauvaisepourquelqu'uncommemoi.Attachéeetsansdéfense,enprésencedetroistypessexyquirivalisaientpourattirermonattention.Ilfallaitvraimentquejesorteplussouvent.
Ilmordillamonoreille,puispartitavantquej'aieletempsdeluidireaurevoir.Michaelm'offritsonfameuxsourireencoinetsepenchapourm'embrassersurlajoue.—J'ailesentimentqu'onsereverra,dit-ilavantdem'adresserunsigneetdes'enaller.CequimelaissaseuleavecDonovan.Il s'agenouilla en face de moi, son beau visage éclairé par la lumière tamisée qui filtrait par
l'uniquefenêtredelapièce.Ilenroulasesdeuxbrasautourdematailleetsefrayauncheminentremesjambes.
—Tuesunefemmecourageuse,dit-ilensouriantsincèrement.J'avaisenviede luiraconterpourArtémis,puisqu'elleétaitsachienneavantqu'ellenemeure.Je
voulaisqu'il sachequ'elleétaitavecmoietqu'elleallaitbien,qu'ellem'avaitsauvé lavieaumoinsdeuxfois,maisj'ignoraistotalementcommentilleprendrait.Ilpensaitprobablementdéjàquej'étaistotalement tarée sans que j'aie besoin demettre sa défunte chienne sur le tapis, aussi décidai-je degardercetteinformationpourmoipourl'instant.
—TuvasvraimentàMexico?demandai-je.—Pourcommencer.Quisaitoùonfinira,maisleschosesdeviennenttropdangereusesparici.Ilcaressamajambed'unemain,sesdoigtsserapprochantdangereusementde lazoneentremes
cuisses,égalementconnuesouslenomdeVirginie.—Tupourraisveniravecnous,ajouta-t-ilsansreleverlatête.Ilétaittoutàfaitsérieux,etjesavaisqu'ilaccepteraitquejelesaccompagneenunclind'œil.Mais
commentaurais-jepupartir?CertainesfemmesétaientdugenreàtoutplaquerpourfileràMexico,maiscen'étaitpasmoncas.J'avaisdesresponsabilités.Etuneaffaireàrésoudre.Etdesdémonsquimecollaientaucul.Enyréfléchissant,m'enfuirnemesemblaitpasunesimauvaiseidéeaprèstout.
Nan,jenepouvaispaslaisserCookie.NiGemma.NiM.Wong.Ni...JesongeaiàReyes,mêmesijefaisaistoutmonpossiblepourleteniréloignédemespensées.Sesyeuxnoirsbrillants,seslongscilsépais.Quiessayai-jedeleurrer?Jenepouvaispaspartirsansluinonplus.
Et pourtant, un des hommes les plus doux que j'avais jamais rencontrés était agenouillé devantmoi.Motardoupas,ilsavaitcommenttraiterunefille.
D'accord,ilm'avaitattachéeàunechaise,maisc'étaitmonidéeàlabase.—Jetetiendraiinforméedel'endroitoùnoussommesquandonseraarrivésàdestination,dit-il
sansattendrederéponsedemapart.Tuserastoujourslabienvenue.— C'est ça, raillai-je, ne le croyant pas une seule seconde. Tu vas trouver une magnifique
Mexicainequitedonneraenviedetemarieretd'avoirdespequeñosbanditospourlapremièrefoisdetavie,ettuoublierasjusqu'àmonnom.
Latristessequil'envahitdébordajusqu'àmoi.—Pasderisque,mabelle.Ilfitcourirsonpoucesurmalèvreinférieurepuislarecouvritdessiennes,lacapturantentreses
dentsetlasuçotantavantdepressersabouchecontrelamienne.C'étaitunbaiser trèsagréable,douxetsansempressement,et ilétaitaussibienvenuqu'unepluie
finesurleshautesplaines.C'étaitcedontj'avaisbesoin.Uneespècedebaumeréparateurm'entouratandisqu'ilappuyaitmeshanchescontre lessiennes.J'écartai lesgenouxetprisplaisiràsentirsonérectioncontrelapartie laplussensibledemonêtre.Et je jurequesi jen'avaispasété ligotéedespiedsàlatête,jeluiauraissautédessusàcetinstant.J'étaisvraimentdévergondée.
—Jenesaispastropsivousdevriezfaireça,MissCharlotte.Jemis finaubaiser, le soufflecourt.Rocket se tenaitdroitderrièreDonovan, lesmains sur les
hanchespoursignifiersadésapprobation.— Rocket ! m'exclamai-je en me redressant sur ma chaise. Donovan m'aidait juste... avec mes
lentillesdecontact.Donovanhaussaunsourcilamusé.Rocketfronçalessiens.—Est-cequevouslesavezavalées?RocketressemblaitàunbonhommeMichelingéantavecunvisagedouxetuncorpsunpeumou,
cequifaisaitdeluilemeilleurdonneurdecâlinsàdeskilomètresàlaronde.—Non,jenelesaipasavalées,ilétaitjusteentrainde...Avantque jen'aie le tempsde trouverun autremensongeplausible, je remarquaiCharlotte aux
Fraises,unedéfuntedeneufansquipouvaitmedonnerenviederentrersousterreàvingtmètres.Jenel'avaispascroiséedepuisunmoment,alorsc'étaitquandmêmeunpeurassurantdesavoirqu'elleétait toujours làetqu'elleseportaitbien.Maiscen'étaitpasde lavoirquim'avaitcoupé laparole.Tandisqu'elleétaitplantéeàm'observer,mainssurleshancheségalement,ladésapprobationcreusantdeslignesdanssonjolivisage,unetoutepetitefilleavecdescheveuxnoirscoupésaucarréetunesalopettesecachaitderrièreelle.
Comme Donovan regardait par-dessus son épaule, essayant d'apercevoir ce que je voyais, jelaissaiunsourire tendresepropagersurmes lèvres.Je tournaiunepaumevers leplafond, tordantmonbrasdansmonpullàlonguesmanchestandisquelescotchleretenaitenplace,invitantlapetiteàserapprocher,etdis:
—TudoisêtreBaby.Son visage était ovale,minuscule et si pâle qu'il était difficile de discerner autre chose que ses
grandsyeuxnoirs,etelleavaitl'airaussichoquéequ'intimidée.Ellen'avaitdetouteévidencejamaisvudeuxpersonness'embrasserauparavant.Sij'avaissuqueçal'attireraitjusqu'àmoi,j'auraistraînéDonovanicipourflirteravecluideslustresplustôt.
Rocketsetournaverselle,etilsemblaaussisurprisquemoideladécouvrirlà.CharlotteauxFraisess'avançaàcetinstant,sabouchepincéedereproches.—C'estqui, lui?demanda-t-elleenpointantd'undoigtmouletypequiavait toujourslesmains
poséessurmesfesses.—C'estDonovan,répondis-jeavecungrandsourire.C'estlepropriétairedubâtimentdanslequel
onsetrouve.—Jecroyaisquetuavaisditquetusortiraisavecmonfrère.
Pour son bien-être, j'avais ravalé l'horreur que l'idée d'un rendez-vous avec Taft, son frèrepolicier,m'avaitinspirée.C'étaitunbravetype,maisjen'avaisjamaiseulamoindreenviedecoucheraveclui,etc'étaitmoncritèrepoursortiravecunhomme.Sicetteattractionprimairen'étaitpaslàdèsledépart,elleneviendraitsûrementjamais.Pasdansmonmonde,entoutcas.
—Non,c'esttoiquiasditquej'allaissortiravectonfrère.(Jemepenchaipourl'embrassersurleboutdunez,ungestequ'ellen'appréciapaslemoinsdumonde,maisquimefitprofondémentplaisir.)Etils'avèrequ'ilestdéjàpris.
— Ouais, par des filles vulgaires qui portent trop de maquillage. T'es peut-être pas supermignonne,maisaumoinstuneressemblespasàuncamionvolé.
Jeravalaiunerepartiebiensentie.—Merci,jecrois.MaisDonovanestunchictype,malgrésatendanceàcambriolerdesbanques.—Sérieux ? (Ses yeux s'animèrent tandis qu'elle le dévisageait sous un nouvel angle.)C'est un
voleurdebanquescommeJesseJames?Jepensaisquec'étaitjusteunmotarddébraillé.Jeris.Quiauraitcruquecettegamineavaitunfaiblepourlesvoleursdebanque?—C'estunmotarddébraillé.—Hey,fitleprincipalintéresséenmedonnantunpetitcoupdegenou.—Maisilestbienplusqueça.Ilpinçalaboucheenunemouequisemblaitexprimerledoute.—Tuesvraimententraind'avoiruneconversationavecquelqu'un,outuessaiesjusted'éviterle
problèmeactuel?—Dequelproblèmetuparles?—Dufaitquejerisquedeneplusjamaisterevoir.Ildemeuraimpassible,maissesémotionssefirentplussombres.—D!criaEricdepuislehautdel'escalier.Ilfautqu'onbouge!Il prit une profonde inspiration et fit courir ses doigts le long de ma mâchoire et sous mon
menton.—Si jen'aipasdenouvellesde toidansdeuxheures, j'endéduiraique tues encorecoincéeet
j'enverraidel'aide.Jehaussailessourcils.— J'ai vu de quel genre d'aide tu bénéficies, lui dis-je, faisant référence à sa joyeuse bande de
criminelsassociés.Jecroisquejetenteraidemedébrouillertouteseule.—J'appellerailapolice,mecorrigea-t-il.Alorsfais-moisavoirquandtusorsd'ici.—OK,promis.—D!Situnevienspas,est-cequejepeuxprendreOdin?C'estvraimentunebellebécane.—Non!criaDonovan.—Trèsbien.Merde.Pètepasunplomb.JeregardaiDonovanenbattantdescils,l'appréciantsousunnouveaujour.—Quoi?demanda-t-il,soudainméfiant.—Odin?Tuasdonnéunnomàtamoto?Ilm'adressaunclind'œiltandisqu'ilramassaitlerouleaudechatterton.—J'aiétéinspiréparunefollequiconduituneJeepdunomdeMisery.—T'asappelétavoitureMisery?demandaCharlotteauxFraises,l'airdégoûté.—Ecoute, fitDonovan, soudain trèsgrave.Edwardsn'a peut-êtrepasdit sonderniermot, si tu
voiscequejeveuxdire.—Edwards?—Letypequivoulaittefairetafête.—Vraiment?demandai-je.Ilestmignon?—Leblond,danslafourgonnette,celuiquivoulaittedécouperenmorceaux.—Ah,cetEdwards-là.
Ilrit.—Ilaétérenvoyédel'écoledesnipersdesMarines,etiln'estpluslemêmedepuis.—LesMarinesavaientpeut-êtremisledoigtsurquelquechose.—Surveilletesarrières,OK?—Parsduprincipequ'ilssontsurveillés.Ilsouritetpréparaunboutderubanadhésifqu'ildéchiradurouleau.Jerisàmontour.—Jecroisquejesuisbienattachée.—Non,maistuvasl'être.Ilcolla le rubanà l'arrièrede lachaiseet l'enroulasurmacage thoracique, justeendessousde
DangeretWillRobinson.Cequilesfitbienressortir,chosequineluiéchappacertainementpas.—C'estmieux,observa-t-il,leregardfixésurlesfilles.Jelevailesyeuxauciel.—Vraiment?C'estcommeçaquetucomptesmelaisser?Avant que j'aie le tempsdedire autre chose, il se pencha et planta sabouche sur lamienne.Ce
baiserétaittoutsaufdoux.Lebesoinetl'envierayonnaientdeDonovantandisquesalanguedépassaitlabarrièredemeslèvres,puisdemesdents.Commesic'étaitladernièrefoisqu'ilm'embrassait.Ilavaitunlégergoûtdebièreetdecannelle.J'entendisunfaiblegrognement,et jemerendiscomptequ'ilprovenaitdemoi.
Donovan remonta ses mains jusqu'à mes joues et plongea les doigts dans mes cheveux, tirantcertaines mèches hors de ma queue-de-cheval. Il prit mon menton en coupe et repositionna monvisage pour avoir un accès plus aisé. Se penchant un peu plus versmoi, il approfondit encore lebaiser.J'avaisenviedememoulercontrelui,desentirsoncorpstenducontrelemien,maisilm'avaitscotchée sur la chaise.Bien sûr, cela n'empêcha en rien une de sesmains de se retrouver surmesfessesànouveau. Ilm'attiraplusprèsde lui -avec lachaise -,puis ilparcourutWilldesmains, lasoupesa,testasonmamelondupouce.
—D,nomdedieu?Avecunegranderéticence,ils'éloignademoi.Sespaupièresétaientencorecloseslorsqu'ilcria.—Jeviens,bordel!(Puisilreportasonattentionsurmoi.)Paslittéralement,malheureusement.(Il
fitànouveauglissersonpoucesurmabouche.)Tuestellementspéciale,Charley.Jereviendrai.Sansrienajouter, ilseredressaetsortitde lapièce,ses largesbottesrésonnantcontre lesmurs.
Puisj'entendisuneportesefermerquelquepartàl'étage.Jerestaiassiseàmijoterdansunbrouillarddedésiretdechaleurjusqu'àcequejeprenneconsciencequej'avaistoujoursunpublic.Etjenepusm'empêcherderemarquerquelamâchoiredeBabyétaitbéante.Pauvregamine.
Après avoir pris une longue inspiration pour tenter de calmer mes hormones, je demandai àRocket:
—Est-cequetucomptesnousprésenter?—MissCharlotte,jenepensepasquevousdevriezembrasserdesgarçonssurlabouchecomme
ça.Surtoutdevantmasœur.—Tuasraison.(Jebaissailatête,honteuse.)Elleesttrèsjolie,entoutcas.—Jevaism'occuperdetatignasse,proposaCharlotteauxFraises.Elleseplaçaderrièremoietenlevalerestedemescheveuxdel'élastique,puisutilisasesdoigts
commeunpeigne.Pour l'amourdusoleil, jeseraischanceusesi jepartaisd'icienayantencoreunpoilsurlecaillou.
Babyétaittoujoursaussiloindemoiqu'illuiétaitpossibledel'êtresanssetrouverdanslapièced'àcôté, et j'avaisencorede lapeineàcroireque je l'avaisenfinvue.Ça faisaitdesannéesque jevenais,etjenel'avaismêmepasaperçueuneseulefois.Elleétaitabsolumentadorable.
Ses cheveux courts bouclaient sous ses oreilles.Les boucles étaient coupées avecuneprécisionméticuleuse.
Après unmoment, elle se rendit compte que je la regardais. Elle ferma la bouche et recula, lementonbaisséetlesépaulesvoûtées.
—C'étaitunplaisirdeterencontrer,criai-jeunefractiondesecondeavantqu'ellenedisparaisseàtraverslemur.
Puisjefussoulevéedusol,aveclachaise,etpresséedansl'étreintelaplusétrangequisoit.Rocketadoraitserrerlesgensdanssesbras.Peuimportaitquematêtesoitécraséecontresonépauledansunangletoutsaufnaturel.
— Où étiez-vous passée ? demanda-t-il, et je me rendis compte à quel point l'air devenaitrapidementprécieuxquandvosréservesétaientépuisées.Vousn'êtespasvenuedepuisuneéternité!
—Rocket, l'apostrophaCharlotte auxFraisesd'unevoixnasillardeparcequ'elle seplaignait. Jen'arriveplusàatteindresescheveux,et tuasvuàquoi ils ressemblent?Peut-êtrequ'ondevrait luiraserlatêtepourrepartirsurdebonnesbases.
J'ouvris les yeux en grand. C'était certainement une de ces fillettes qui rasaient la tête de leurspoupées.Cesgaminesétaientvraimentflippantes.
—Pasdebouleàzéro,grognai-jedansl'épauledeRocket.—Jenecomprendsrienàcequetudis,répliqua-t-elle.Jevaischercherdesciseaux!La paniqueme gagna,mais pendant un instant seulement. Les défunts étaient limités dans leurs
interactionsaveclesobjetsdenotredimension.Ellenepourraitcertainementpasmettrelamainsurdesciseaux.
—Oupeut-êtrequejepeuxdénicheruncouteau.Elledisparutdanslehall.—Rocket,appelai-jed'unevoixétouffée.Jen'arrivepasàrespirer.Et,commetouteslesautresfoisoùilm'avaitsoulevéepourundesescâlinsd'ours,ilmelâcha.Je
m'écrasaisurlesol,lachaisecraquantetbasculantdangereusementenarrière,s'équilibrantaubordnéant,jusqu'àcequelepoidsdematêteremportelapartieetmefassem'effondrerparterre.Pourladeuxièmefoisendeuxjours,moncrânerebonditsurlebétonlorsqu'illefrappa,etladouleurirradiamacolonnevertébrale.
Jefermailesyeuxaussifortquepossiblepourluttercontrecettesensationdésagréable.Etjerestailà,mouléeàlachaiseparlerubanadhésif,lespiedsenl'airetlatêtebaignantdansdesrésidusnonidentifiésetvaguementgris.
Cen'étaitpasdutoutinconfortable.Le bruit de moteurs de motos qui démarraient emplit la pièce. Après quelques minutes, le
grondementàmesoreillesdisparut lorsque lesbanditss'élancèrent- littéralement-endirectionducoucher de soleil. Façon de parler. Au début, je me demandai combien de temps je devrais leurdonneravantdem'évaderetd'appelerlapolice.Maismaintenant,jenesavaismêmeplussij'enseraisseulement capable. Que se passerait-il si je n'y parvenais pas ? Est-ce que Donovan appelleraitvraiment les flics au bout de quelques heures ? Est-ce que j'allaismourir ici d'hypothermie et dedéshydratation?
J'avaistellementmauvaiseminequandj'étaisdéshydratée.Cen'étaitpaslabonnemanièredemourir,selonmoi.C'étaitmieuxdelefaireavecpleindefluides
danslecorps.Commedansunparcaquatique.Oudurantunconcoursdetee-shirtsmouillés.—Vousavezl'airrigolo,fitRocket,etjesongeaiqu'onpourraitrattraperletempsperdupendant
quej'étaisétaléeàmijoterdansmoninquiétude.—Ahoui?articulai-je.Ehbien,tuasl'airenforme.Est-cequetuasfaitdel'exercice?Unsourireéblouissantséparasonvisageendeux.—Vousditestoujoursça.J'aidenouveauxnomspourvous.—D'accord.Je regardai partout autour pour admirer son œuvre d'art et fronçai les sourcils. À ma
connaissance,lesmursdetouteslespiècesdel'asileavaientétécouvertsetrecouvertsdesnomsdetouslesdéfuntsqueRocketavaitgravésdansleplâtre.Maislesmursdecettepièce,cetteénormeetvaste étendue caverneuse, étaient totalement vierges. J'allongeai le coup pour l'observer aumieux,prenantnoteducanevasimmaculétoutautour.
Rocketsedirigeaverslapièced'àcôtéavantdeserendrecomptequejenesuivaispas.—MissCharlotte,venez!—Jenepeuxpaspourl'instant,mongrand.Maréponsevagueneledécourageapas.—Maisjedoisvousmontreruntruc.Quelquechoseestentraindeseproduire.Il attrapamon bras et commença àme tirer en direction de la porte, etmes cheveux traînèrent
encoreplusdanslesrésidusgraisseux.Lachaiserâpaitsurlebétonet,plusonserapprochaitdelaporte,plusmoninquiétudegrandissait.Jenepasseraisjamaisparl'ouverture,pasvul'angleauqueljem'approchais.Passansperdrelatête,cequi,vulaforcedeRocket,étaittoutàfaitplausible.
—Rocket,attends!l'implorai-je,maisilcontinuaàmetireretjecontinuaiàglisser.Jecommençaiàmedébattre surmachaise,à luttercontre les liensàmesureque lecadrede la
porteserapprochait.—Rocket,jeneplaisantepas.Ils'arrêtanetetmeregarda.—Vouspensezquelapluiefaitpeur?—Euh...Mais je l'avais perdu. Il avait déjà reporté son attention sur la tâche dont il s'occupait.Maudite
hésitation.—Rocket!criai-jepouressayerdebrisersaconcentration.J'aiunequestionàteposer!Ils'arrêtaànouveau,aussim'empressai-jededemander:—Pourquoiest-cequ'iln'yaaucunnomdanscettepièce?Ilmelançaunregardcinglant.—Jenepeuxpastoucheràcesmurs.Jelesgarde.—Vraiment?relançai-je,luttantcontrelechattertonàl'aidedemesdentsetdemesongles.Pour
quoi?Pourl'apocalypse?—Neditespasdebêtises.Pourlafindumonde.Jemefigeai.—Attends,quoi?Rocket,dequoiparles-tu?Tout le monde avait fait allusion à une sorte de guerre surnaturelle, mais personne n'avait
mentionnélafindumonde.Jenefaisaisqueplaisanterquandj'avaisditçaàReyes.— Vous savez, quand des tonnes et des tonnes de gens meurent à cause de la décision d'une
poignéed'hommes.Oud'unseul.—Unseul.TuveuxdireundictateurcommeHitler?IlyauraunautreHolocauste?—PasHitler.Unhommequifaitsemblantd'êtrehumain.Est-cequelesbonnessœursn'avaientpasracontéuntrucdugenre?Unhommequiprétendaitêtre
humain.D'accord, ehbien, ça laissait de côté lamoitiéde lapopulation,puisquecen'était pasunefemme.
—Maisqui?Quand?J'avais toujours rêvédevoyagerdans le tempsetde tuerHitleravantqu'ilnedeviennefou.Des
millionsdepersonnesl'auraientfaitàl'époques'ilsavaienteuunebouledecristal.Jen'avaispeut-êtrepasdebouledecristalnonplus,maisj'avaisRocket.Etsatêteavaitunpeulaformed'uneboule.Etpuisellebrillait.Etjepouvaisvoiràtravers.Ilferaitl'affaire.
—Rocket,quelhomme?Queva-t-ilfaire?—Jenesaispasencore.Ilpourraitounepourraitpaslefaire.C'esttoujoursensuspens.Jebougeailégèrementpourtrouverunemeilleureposition,grognantenlefaisant.
—Ensuspens?—Oui,commequandlesgensprennentdesdécisions,etqu'éventuellement,unepersonnequine
devaitpasmouriràcemomentmeurt,etqu'unepersonnequidevaitmourirresteenvie.Ilssontensuspens.
—Donccesdécisionsnesontpasgravéesdanslapierre?—Non,ellessontgravéesdansmesmurs.—Maisqui,Rocket?Quiestcenséfairetoutça?S'ilrépondaitReyes,jejuraisdevantDieuquej'allaishurler.Ilagitaundoigtenfacedemoi.—Non,non,non.Onnetrichepas,MissCharlotte.C'étaitplusd'informationsquej'enavaisobtenuesdeRocketdepuislongtemps.Ilétaitaucourant
dechosesquidevaientseproduire.Sicen'étaitpasdelaclairvoyance,jenesavaispascequec'était.Jerepensaiàmonpère.Jemedemandaicombiendetempsilluirestait.—Est-cequejepeuxtedonnerunnom?—Maisj'aiquelquechoseàvousmontrer.—Jesuisunpeuattachée,encemoment.LelandGeneDavidson.Ilsemitàpapillonnerdescilscommeilavaitl'habitudedefairelorsqu'ilparcouraitdesmillions
denoms.—Troissontmorts.Deuxsontencoreenvie.—D'accord,mais ceux qui sont encore en vie, tu sais quand ils vontmourir ?Est-ce que c'est
prochainement?—Pasquand.Seulementsi.—Mais,est-cequ'ilestensuspens?—Non.Pasensuspens.C'étaitcommeconduireunevoituredecoursesuruneautoroutequinemenaitnullepart.Jelaissai
tomberetchoisisunautrechemin.—Rocket,est-cequejesuisenmesuredeprédirequandquelqu'unvamourir?Ils'arrêtaetmeconsidéraavecunregardstupéfait.—Biensûrquevouspouvezprédirequandquelqu'unvamourir!C'estvotretravail.Jepensaisbien.Jemedemandaisquand,moi,j'allaismourir.—Est-cequejesuisensuspens?—Miss Charlotte, vous êtes la Faucheuse, me sermonna-t-il en reniflant fortement. Vous êtes
perpétuellementensuspens.—Doncjepourraismourirpourdevrai?Àtoutmoment?—Oui.—Oh.(C'étaitdécevant.)Ehbien,mercidemel'avoirditclairement.Jesoufflailapoussièresurmafrange.—Vouspourriezêtretuéeparunemoto.Ouécraséeparunegrossepierre.Oupoignardéeavec
uneaiguilleàtricoter.—D'accord.—Oumêmepousséeenbasd'unescalier.—C'estbon,j'aicompris.Merci.—Ouonpourraitvoustirerenpleinetêteavecunearmeàfeu.—Rocket!C'estbon!Sérieusement,tun'aspasbesoindedéveloppertapenséeplusqueça.Maisilattrapamonbras,ettouteinnocencequittasonvisage.Cen'étaitplusunpetitgarçon.Ilen
savaittrop.Ilenavaittropvu.— Ou, continua-t-il, sa voix prenant une inflexion inquiétante, vous pourriez être tuée par la
personnequevousaimezleplus.Enmêmetempsquetouslesautres.Ehbien,çamefaisaitplusmalauculqu'uneséanced'abdos-fessier.Rocketrelâchamonbrasetseredressapourinspecterlesalentours.Jesavaispourquoi.Jel'avais
ressentiégalementavantmêmequeReyesnesematérialise,etjemedemandaidepuisquandilétaitlà.N'ayantjamaisétéungrandfandeReyes,Rocketdisparutàl'instantoùunemerdetissunoirfitsonapparitiondanslapièce,ondulantautourdemoijusqu'àcequ'ellesestabiliseauxpiedsdeReyes.Ilparladansl'ombredesacapuche,refusantdemontrersonvisage.
—Tuasdonnétonaccordpourêtreligotéequandunearméededémonsestàtestrousses?—Oui.Jen'yavaispasvraimentsongésouscetangle.Ilexpulsal'airdesespoumonsdemanièreexaspéréeets'avança.—Unjour,jecomprendraicommenttonespritfonctionne.Jericanai.—Bonnechance.Çamesemblaitunealternativeintéressanteaufaitdemourir,danslefeudel'action.—Àquelmomentexactementtaviea-t-elleétéendanger?—Tuvasm'aideroupas?Il s'agenouilla à côté demoi et repoussa sa capuche, révélant ainsi ses traitsmagnifiques et si
spéciaux.Cevisagequiavaitdenouvelleslacérationsauniveaud'unsourciletd'unepommette.—Tutebatstoujoursaveceux?demandai-je,surprise.Tuleschasses?Ilpenchalatêtesurlecôté.—Tupensaisvraimentquej'allaisarrêter?—Combiendetempsest-cequeçavacontinuer?Combienyena-t-ilenliberté?Ilétaitentraind'observerlerubanadhésif.—Plusqu'unepoignée,àprésent.Trèspeud'humainssurTerrepeuventvoircequ'ilsvoient.Mes
frèresserontbientôtàcourtd'options.—Tunelestuespas,n'est-cepas?Ilssontinnocents.Cenesontquedespersonnesquipeuvent
voirlesdéfunts.— Je ne les tue que si je dois le faire. Est-ce que tu vas remettre en cause chacun de mes
mouvementsalorsquetuesscotchéeàunechaise?—Désolée.J'espéraissimplementquetuarrêteraisdeleschasser.—Ilsn'arrêterontpasd'essayerdet'atteindre,Dutch.Hedeshiamenti.—Jesais.Jevoulaisjustedireque...Tutefaissalementamocherenlefaisant.Undescoinsdesabouchesensuellesereleva.—Tut'inquiètespourmoi?—Non.J'ajoutaiun«pfff»pourbienluimontreràquelpointc'étaitloind'êtrelecas.—Tunesemblaispastrèsinquièteaveclalanguedecetypeaufonddetagorge.Super.Ilavaitassistéàça.—Jaloux?—Non.—Parcequetuasl'airjaloux.Ilabaissalescilsenplissantlesyeuxpourm'observer,maislavoixhautperchéed'unedéfuntede
neufansquiavaitdestendancesmasochistess'élevadel'escalieravantqu'ilpuisserépondre.—J'aitrouvéuncouteau!criaCharlotteauxFraise.Putaindemerde.— Sors-moi d'ici ! implorai-je Reyes en tortillant mes doigts. Dépêche-toi ! Avant qu'elle ne
revienne!
Chapitre16Nemejugezpasparcequejesuissilencieux.Personneneplanifieunmeurtreàvoixhaute.
Tee-shirtUne fois que Reyes m'eut débarrassée de mes liens puis eut disparu comme à son habitude,
prétextant un urgent besoin d'être ailleurs, je sortis de l'asile et dépassai quelquesmotards qui setrouvaient chezDonovan. Jeme demandais s'ils étaient au courant pour les cambriolages.Ou s'ilssavaient qu'il ne reviendrait pas avant un moment. Je me dirigeai vers la rue, en direction d'undépanneurquin'étaitpasloin,enessayantd'avoirl'airleplusnonchalantpossibleetenespérantquelestrucsquej'avaisdanslescheveuxn'étaientpastropvisibles.Cen'étaitpaslevoisinageleplussûrpourunepromenade,mêmeenpleinaprès-midi.
Je remismes cheveuxdans l'élastique,puis sortismonportable et envoyaiun texto àDonovan,afinde lui faire savoirque j'avais réussiàm'échapper,mêmesi j'avais failliyperdre lavieetmavertu.Puisj'appelaiGarrett.
—Swopes,dit-il,toutprofessionnel.Ilvoyaitmonnoms'afficher,pourl'amourduciel.—J'aibesoind'unchauffeur.—Tuasbesoind'unpsy.—Pasfaux,maisj'aibesoind'unchauffeuravant.—Pourquoi?OùesttaJeep?Ilsemblaitessoufflé,commes'ilétaitentraindecourir.Oudes'envoyerenl'air.Maismontiming
nepouvaitpasêtremauvaisàcepoint.—Miseryestsurlascèned'unvoldebanque.—Jenevaismêmepasdemanderpourquoi.Ilavaitapprissaleçon.—JeseraiàLaVidangesurBroadway.—Leclubdestriptease?—Non,etbeurk.Ledépanneur.—Oh.J'espéraisquetuavaischangédeprofession.—Monvieux,tuneveuxpassavoiràquoijeressemblequandjedanseautourd'unebarre.Jel'ai
fait une foispourun enterrementdeviede jeune fille, et disons justeque çane s'est pas trèsbienterminé.
—Tuasfaitdelapoledanceàunenterrementdeviedejeunefille?—C'estunelonguehistoire.Tuvasvenirmechercheroupas?—Jepense.Maisilmefaudraunmomentpourarriver.—Ehbien,grouille.J'aidestrucsàfaire.Etjerisqued'êtrearrêtéepourcomplicitéalorsilfaut
quejem'ymette.Je devais toujours passer voir commeHarper se portait et faire quelques recherches pour elle.
Monarrestationimminentepourcambriolagedebanqueallaitgrignotersurletempsquej'avaispourrésoudredescrimes.
Je raccrochai et appelai mon contact à peu près amical au bureau local du FBI. On s'étaitrencontréesaucoursd'uneaffaire,quelquesmoisplustôt,etjel'aimaisbien.Ellem'avaitfaitsourire,et elle nemenaçait presque jamais dem'arrêter.On s'entendait bien. Et je savais que ce serait une
bonnealliéeaucasoùjemeretrouvaissurlalistedessuspectspourdescambriolagesdebanque.Dans la mesure où je n'avais pas d'emballage de bonbon sous la main pour m'aider à faire
semblant d'avoir la mauvaise connexion téléphonique que j'étais sur le point d'avoir, je décidaid'avoir recours à des bruitages vocaux. Lorsque l'agent Carson décrocha, je commençai maperformance.
—Agent...AgentCarson,fis-jeenhaletantdanslecombiné.—Oui,Charley.Ellen'avaitpasdutoutl'airimpressionnée,maisjen'allaispasm'arrêtermaintenant.—Je...Jesaisquisontleskshshshshshshshsh.—Jesuisunpeuoccupéeencemoment,Davidson.Qu'est-cequ'unksh,etpourquoiest-cequeça
m'intéresserait?—Jesuisdésolée.Monkshshsh...estentraindekshshsh...er.—Jerépète.Qu'est-cequ'unksh?Etpourquoilefaitqu'ilseraitentraindeksh-trm'intéresserait?C'étaitunedureàcuire.Jesavaisquej'auraisdûattendreavantdel'appeleretallerm'acheterdes
crackers.LeuremballagefaisaitunbruitdignedesRiceKrispieslesamedimatin.—Vousnemê-kshksh-tezpas.—Vousn'êtesvraimentpasdouéeàcepetitjeu.—Descamb-kshshshdebanque.Jesaisquiilskshshsh.—Charley,sivousn'arrêtezpascesconneries...Jeraccrochaietéteignismontéléphoneavantqu'ellenecomprennecequej'essayaisdenepaslui
dire et tente de me rappeler. Tout ça aurait été beaucoup plus convaincant si elle m'avait trouvéeligotéedansunasile.Heureusement,çaseproduisaitrarement.
J'arrivaichezledépanneurenuntempsrecord,maistoutcequejepusmepayerfutunebanane.Ellesétaient soldées,et leprixdesmocha latteétait un affront àDieu. J'avais totalementoubliéderéclamermonmilliondedollarsàReyes.Etrepauvre,c'étaitpaspourmoi.
Cookie appela juste aumoment oùGarrett se garait. J'avais rallumémon téléphone au cas où,parcequ'unhommedansunevieilleCadillacn'arrêtaitpasdemedemandersijevoulaisgoûteràsonantigel.
Toujoursdansunsoucidemefondredanslevoisinage,jerépondispar:—Quoid'neuf,mapoule?—Tuesdenouveaudansunemauvaisepartiedelaville?—Tul'asdit.(JegrimpaidanslecoffredeGarrettetl'ignoraitotalement.C'étaitmarrant.)Mais
j'aiapprisunechose,aujourd'hui.—Ouais?—Situdoismangerunebananeenpublic,évitedecroiserleregarddequelqu'un.—C'est bon à savoir.Bon, j'ai fait des recherches sur ce qui s'est passé à la période où tout a
commencé,quandlesparentsdeHarpersesontmariés.Cesontdespetitstrucs,pourlaplupart,àpartunmeurtredanslesmontagnesManzano,maisilaétérésolu.Ilyavaitaussiunedisparition,qui,elle,n'ajamaisétérésolue,celled'ungarçon.Maisc'étaitàPeralta.Pourcequej'ensais,aucundesdeuxn'étaitliédeprèsoudeloinauxLowell.
—D'accord.Mercipourtout.—Oh,etlepsyveutbientevoir,maisseulementsituycoursventreàterre.Ilaencorequelques
rendez-vouspourlajournée,etensuiteilquittelaville.—Oh,queltimingparfait.Situtombessurautrechose.—Jesaisoùtetrouver.JeraccrochaietoffrisàpeuprèstoutemonattentionàGarrett.Envérité,untypequiétaitentrain
de sebattre avecundistributeur à journauxeneut laplusgrandepartie,mais jedédiai tout cequirestaitàSwopes.
—Hola!
—Alors,oùest-cequ'onva?Ouest-cequ'onvajusteattendreici jusqu'àcequejesoisàcourtd'essence?
J'étaissurlepointderépondrelorsquel'agentCarsonrappela.Bonsang.J'auraisdûéteindremonportableànouveau.
Je pointai l'est, ordonnant à Swopes de prendre cette direction, puis décrochai. Lorsque je meremisàfairedeskshshshdansletéléphone,ellemecoupa:
—N'ypensezmêmepas.Pourquoiest-cequevotreJeepestsurlascèned'unvoldebanque?—Oh,répondis-jeenrecommençantàhaleter.Dieumercivousavezréussiàmettrelamainsur
moi!(Jedéglutisdifficilement.Garrettsecoualatêteetseconcentrasurlaroute.J'étaistotalementdesoncôtéconcernantcettedécision.)C'estcequej'aiessayédevousdire.Onm'apriseenotage.
—Oui,j'aivulesimagesdescamérasdesurveillance.—Bien,doncvous...—Voussavezcombiendecombiend'annéesvousallezécoperpourça?Ehben,merde.—J'aivraimentétépriseenotage.Àpeuprès.Etjepeuxvousdirequisontlescambrioleurs.Ellemarquaunelonguepausedurantlaquellej'étaissûrequ'elleétaitentrainderécupérerduchoc
queluiavaitprovoquésachance.—Jevousécoute.—MaisilfautquevouslaissiezmononcleBobsurlecas.—D'accord.—Est-cequevousyêtesencemoment?Àlabanque?Jepeuxêtrelàdanspaslongtemps.—Davidson,quiacambriolécettebanque?Jelaissaiéchapperunlongsoupir,gagnantautantdetempsquepossibleafinqueDonovanpuisse
s'approcherduMexiquedequelquesmètresdeplus,puisrépondis:—Unepoignéed'hommesd'ungangdemotardslocalappelélesBandits.Maisilfautquejevous
parled'euxavantquevousvousjetiezprématurémentàleurpoursuite.—Jenefaisjamaisriendemanièreprématurée.Jen'endoutaispasuneseuleseconde.—Onlesfaisaitchanter,et lapersonnequiamis toutcelaenplacesavaitque l'argentserait là,
mais il ne travaille pas à la banque.Donc, qui d'autre est au courant ? Peut-être un conducteur defourgonblindé?L'époused'unemployé?
Jepouvaisentendrelebruitquefaisaientseschaussuressurletrottoirtandisqu'ellecherchaitunendroitplusdiscretpourmeparler.Ellechuchotadansletéléphone.
—Vousêtesentraindemedirequel'informationvenaitdel'intérieur?—C'estexactementcequejesuisentraindevousdire.Cestypesl'ontfait,absolument,maisils
n'avaientpaslechoix.—Ehbien,vousêtestoujoursaussidivertissante,ilfautlereconnaître.—Oh,merci.(Elleétaittellementgentille.)JevousretrouveàmaJeep.—Jeserailà.JeraccrochaietdemandaiàGarrett:—Jepeuxt'engagerpourlerestedelajournée?—Biensûr,répondit-ilenhaussantlesépaules.Jeviensdeterminerunegrosseaffaire.Jepeuxme
permettredepasserunaprès-midiloindubureau.Iln'enavaitpasvraiment.C'étaitsonpick-upquienfaisaitoffice.J'observailesnombreuxfichiers,
dossiersetemballagesdenourritureàemporterquis'alignaientsursonsiègearrière.—Jecroyaisquec'étaitça,tonbureau.—Çal'est,plusoumoins.Jevoulaisdiremétaphoriquement.—Mêmesijedoisadmettrequejesuisimpressionnéequetuconnaisseslasignificationdecemot,
ilfautquejet'avoueuntruc.Jen'aipasd'argentpourtepayer.
—Jem'endoutais.Alors,oùesttaJeep?J'étaisunpeusurprisequ'il l'ignore. Iln'avait sûrementpasdûécouter la radio.Lecambriolage
devaitêtresurtouteslesondes,àn'enpasdouter.—Ehbien,maJeepestàlaBanquecommunautairedeBernalillo,maisilfautquejefassedeuxou
troistrucsavant,etjen'aiplusbeaucoupd'essence.—Tunevienspasdedireàcetagentquetuarrivais?—J'aiditquejelaretrouvaisàmaJeep.Jen'aipasditquand.Etc'esttoiquimerépètessansarrêt
quej'aibesoindesuivreunethérapie,luifis-jeremarquer.Allonsvoirunpsy.Il haussa les épaules et suivit les directions que je lui indiquais pour nous rendre au bureau du
psychothérapeuteactueldeHarper. Il se trouvaitdansunpetit immeubledesannées1970,avecunefaçadeenpierredelaveetdespoutresmétalliquessaillantes.
JepénétraidanslebâtimenttandisqueGarrettrestaitdanslavoiture,àsedemanders'ilpourraitêtrearrêtépoursonrôledansmonévasionauprèsd'unagentfédéral.Jeluiavaisassuréquecen'étaitpas lecas.Et ilm'avait crue. J'auraisdétestéêtreà saplacesi j'avais tort, et, siparmalheuronenarrivait là, je venais de lemettre dans un sacré pétrin. Je pourrais toujours prétendre qu'ilm'avaitforcée à monter dans sa voiture devant le dépanneur et m'avait gardée prisonnière pendant deuxheures.
Ilfaisaituntrèsbonboucémissaire.Je retirai mes lunettes de soleil et me présentai à une réceptionniste très stoïque avant d'aller
m'asseoir dans la salle d'attente.Après vingt longuesminutes, onme fit finalement entrer dans lebureau du docteur. Le psychothérapeute de Harper ressemblait étrangement à un nain, avait descheveux gris et la peau aussi bronzée qu'une prune. Il était assis avec les mains croisées sur sesgenoux, et son visage affichait une expression qui voulait clairement dire : « Je ne ferai aucuncommentaire.»
—Mercidemerecevoir,DrRoland.(Jem'assisenfacedelui,àungigantesquebureaud'ébène,enessayantdenepasentirerdeconclusion.)J'aijustequelquesquestionsausujetdeHarperLowell.
—MadameDavidson,commemaréceptionnistevousl'adit,iln'yaabsolumentrienausujetdeHarper ou de son traitement que je puisse partager avec vous. En tant que détective privée, vousdevriezdéjàlesavoir.
Je le savais, mais il n'avait pas vraiment besoin de me révéler quoi que ce soit. Il pouvait secontenterderesterassispendantquejeluiposaisdesquestions.Sesémotionsm'aideraientbienplusqu'ilpouvaitimaginer.
—Jecomprends,maisHarperm'aengagée,DrRoland,etm'ademandéd'étudiersoncas.—L’avez-vousvue?demanda-t-il.Elleamanquésondernierrendez-vous.—Elleestvenuemevoirilyaquelquesjours,aumomentoùellem'aengagée.Quandl'avez-vous
vuepourladernièrefois?—Elle est partie aumilieu de notre dernière séance.De façon très soudaine et avec beaucoup
d'appréhension.Jenel'aipasvuenin'aieudenouvellesd'elledepuis.Jehochailatêtedemanièrecompréhensive,enévitantdeportertoutjugement.—Savez-vouscequiaprovoquésondépart?—Oui.—Pouvez-vousmeledire?—Voussavezquejenepeuxpas.—Maiselleareçuunappelouuntexto,n'est-cepas?Qu'est-cequeçaauraitpuêtred'autre?Ilsourit.—Peut-être.Ilétaitentraindementir,doncilfallaitmaintenantquejedécouvrecequeçaauraitpuêtred'autre.
Était-cequelquechosequ'il lui avaitdit ?Oupeut-êtrequelquechosequi était sorti aucoursde la
séance.Est-cequequelquechoseauraitpufaireresurgirunsouvenir?Conscientedufaitqu'ilnemediraitriendemanièredirecte,jedemandai:—Quandest-cequeças'estproduit?—Elleamanquésondernierrendez-vous,doncilyaunesemaine,mardi.—Avez-vousessayédelacontacter?Ildevenaitdeplusenplusagité.—J'aiappeléetjeluiailaisséunmessage,maisellenem'apasrappelé.—Qu'est-cequiluiestarrivéquandelleavaitcinqans?Il décroisa les jambes en poussant un soupir ennuyé, réajusta sa position, puis les recroisa, et
pourtantilsemblaittoujoursaussiàl'aisequ'unesourisdanslevivariumd'unboa.—MadameDavidson,j'aiunpatientquiva...—Jelacrois,lecoupai-je,mepenchantenavantenattendantquesaréactionm'atteigne.Jecrois
qu'elle a été terrorisée demanièreméthodique et systématique durant de nombreuses années.Et jecroissincèrementquesavieestendanger.
Sijemebasaissurlesémotionsquis'échappaientdelui,illepensaitégalement.Ildétournaleregardpourretirerdespeluchessursavesteetdit:—Jesuisdumêmeavis.—Merci,répondis-je,contented'avoirunallié.Sansviolervotrecodedeconduiteoumerévéler
quoiquecesoit,avez-vouslamoindreidée,baséesurcequevousavezapprisjusque-là,dequipeutêtrederrièrecesattaques?
Latristessel'envahit.—Non,madameDavidson,jesuisauregretdevousinformerquejen'enaipaslamoindreidée.Merde.Uneautrevoiesansissue.—Maisjepeuxvousdire...(Ilseraclalagorgeetexaminaunarbrefruitierparlafenêtre.)que,
quelquesfois,lepassérevientnoushanter.Jelesavais.Cequis'étaitpasséquandelleavaitcinqansavaittoutamorcé,etleDrRolandenavait
conscienceégalement.—Illepeut,eneffet,confirmai-jeavecunsourirepleindegratitude.Merciinfinimentdem'avoir
reçue.Ilselevapourmeserrerlamain.—Pourriez-vousluidemanderdem'appeler?—Jeferaidemonmieux.Lorsquejequittailebureaududocteur,j'avaisuntextodeCookiequim'ordonnaitdelarappeler.—Jecroisquej'aiquelquechose,m'annonça-t-elle.—J'espèrepourtoiquecen'estpaslacrève,parcequ'onauneaffaireàrésoudre,ettun'esplus
aussiefficacelorsquetuprendsdesmédicamentscontrelerhume.—Ehbien,jenesaispassiçaavraimentdel'importance,maislesLowellontfaitinternerHarper
quandelleavaitdouzeans.Une froide amertume se répandit en moi lorsque j'imaginai Harper être enfermée. Mais, à
nouveau,jepouvaisutilisercetteinformationcontreMmeLowell.—Etjepariequecen'estpasquelquechosequ'ilsveulentvoirparaîtredanslespagessociété.SiAlbuquerqueavaitdespagessociété.Lesgensrichessontbizarres.—J'aientendudireça.Pasquejelesacheparexpériencepersonnelle.—Hé,j'essaiedenousobtenirunmilliondedollars.Patienteencorejusteunpetitpeu.—TuasdemandéunmilliondedollarsàReyes?—Oui.—OK,ehbien,dis-luidesedépêcher.J'aibesoind'unepédicure.—Cook,commentpeux-tupenseràtesorteilsàunmomentpareil?—Tutesouvienslafoisoùoncourraitpoursauvernotrepeauàcausedecetypequiavaitcetruc
étrangeàl'œil,etquetuétaisencolèreparcequetuavaislaissétonmochalatteàlamaison?—Jenesuispassûredevoiroùtuveuxenvenir.JeconvainquisGarrettdem'emmenerjusquechezlesparentsdeHarperdansl'espoirdecoincer
M.Lowellentraindefairedujardinage.Danslamesureoùilétaitcenséêtresursonlitdemort,leschances étaient minces, mais je pourrais toujours griller son irritable épouse pour faire bonnemesure.MmeLowellsavaitquelquechose,etelleallaitcracherlemorceau.Etàprésent,grâceauxprouessesdeCookiesurlesmoteursderecherche,jesavaisquelquechoseégalement.
Je n'avais pas beaucoup de temps avant que tout explose au grand jour. Il fallait que je tire lemeilleurpartidel'asquej'avaisdansmamanchependantquejelepouvais.
Bizarrement,Garrettréussitàfranchirleportailplusfacilementquejel'avaisfaitlapremièrefoisquej'étaisvenue.Lefaitqu'ilnecommandepasdetacoavaitprobablementaidé.Onnousintroduisitànouveaudanslesalon.J'adoraispouvoirdireça.
Jedonnaiunpetitcoupdansl'épauledeGarrett.—C'estlesalon.Unricanementdedémentes'échappademapoitrine.—Tumefaispeur,desfois.—Çam'arrivesouventaussi.C'estétrange.J'observailasignaturesurundestableauxaccrochésauxmurs.IlétaitsignéNormanRockwell.—Putaindemerde,lâchai-je,impressionnée.—MadameDavidson, vraiment, s'exclamaMme Lowell enme faisant taire à l'aide d'un léger
sifflementetd'unregardréprobateur,avantdeseprécipiterdanslapiècepourfermerlaporte.—Désolée.Jenecroispasquej'aiedéjàvuunNormanRockwelldanslavraievie.Sapoitrinesebombadefierté.—Jasonl'aachetéàuneventeauxenchèrespourtrèspeudezéros.Est-cequ'ellevenaitdedirepourtrèspeudezéros?AprèsqueGarrettsefutprésenté,nousnousassîmesetjedécidaid'allerdroitàl'essentiel.—Pouvez-vousmeparlerdelapériodeoùHarperaétéinternée?LevisagedeMmeLowellsecouvritd'unmasqued'indignation.Jemedemandaisbienpourquoi.—Commevouslesavez,riendecequenousavionsessayén'aidait,alorsoui,nousavonsdûla
faireinternerquandelleavaitdouzeans.Douzeans?Moncœursebrisapourelle.—Nousavonstentédifférentesformesdethérapieavantd'entrouverunequiconvienne.Ellevoulaitdirejusqu'àcequ'ilsentrouventunequiavaitfaittaireHarper.—Malheureusement, lamémoireàcourt termedeHarperaétéaffectéeparcertainstraitements,
maissoncomportements'estlargementamélioré.Sans avoir besoin de plus de détails, je compris exactement de quelle sorte de traitement elle
parlait. L'électrothérapie. Elle parlait de traitement par électrochocs. Le dégoût que Mme Lowellm'inspiraitatteignitdessommets.
—Nous avons été enmesure de la ramener à la maison, et tout est redevenu normal pendantquelquesannées.Desannées, rendez-vouscompte.Mais, lentement,soncomportementcapricieuxarefaitsurface,jusqu'àcequenoussoyonsobligésdeluidemanderdepartir.
Lorsquejehaussailessourcils,ellejustifiasesactionsenajoutant:—Elleavaitdix-huitans,àl'époque,etnousluiavonsachetéunemaison.Cen'estpascommesi
nousl'avionsjetéeàlarue.Puiselleaépousécevoyoujustepournousénerver.Leurmariagen'apasduréplusdecinqminutes.
—MadameLowell, est-ce que vous vous rappelez quoi que ce soit qui sorte de l'ordinaire quiseraitarrivéàHarperàlapériodeoùM.Lowelletvousvousêtesmariés?A-t-elleétémenacéeoumartyrisée?
—J'aidéjàdiscutédeçaenlongetenlargeavecsesthérapeutesetlapolice.Laseulechosequiachangé, le seul événement qui aurait pu créer ces changements de comportement si extrêmes, étaitnotremariage.Riend'autrenes'estproduit.
—Vousenêtescertaine?Lorsqu'elleseprotégea,observantsesongles,puisletapisavecuneattentiontouteparticulière,je
lesentis.Cefrissondedoute.Lagouttedescepticismequidégoulinaitsursonfront.—MadameLowell,lemoindredétaildontvousvoussouvenezpeutaider.Est-cequeHarperavait
desblessures?Est-cequ'elleestrentréeunjourspécialementsaleoueffrayée?N'importequoiquiaitpuvouspousseràcroirequ'onavaitabuséd'elled'unequelconquefaçon?
—Non.(Ellepenchalatête.)Rienquej'aieremarqué,maisjenelaconnaissaispasvraimentavantqueJasonetmoinousmariions.Elleavaitl'aird'êtreunegentillefillette.Elleétaitcordialeetavaitdebonnesmanières.Maisaprèsquenoussommesrentrés,c'étaituneenfantbiendifférente.
Ainsidoncunepersonneavantlemariage,etuneautreensuite.—Elleestrestéeavecsesgrands-parentsbiologiquesàcetteépoque?—Oui. Ils sontmorts depuis,malheureusement,mais ils étaient également totalement démunis
faceauchangementsidrastiquedeHarper.—D'accord, ehbien,peut-êtrequequelquechose s'estproduit sur levoyagedu retour. Jeveux
dire,ya-t-ileuunaccidentquelconque?—Rienn'ajamaisétémentionné.Sincèrement,madameDavidson,onpourraitcontinuercomme
çatoutelajournée.Merde.Jen'allaisvraimentnullepartaveccetteaffaire.Jen'avaispasuneseulepisteàsuivre.Nousnouslevâmesetlajeunegouvernantenousraccompagnaàlaporteunenouvellefois,mais,
cettefois-ci,MmeLowellnousemboîtalepas.Garrettnelaissaitpaslagouvernanteindifférente.— J'ai essayé de la joindre, ditMme Lowell. Elle ne prend pasmes appels. Pourriez-vous lui
demanderd'appelersonpère,s'ilvousplaît?—Jeferaidemonmieux.J'appelaiCookieàlasecondeoùnousfûmesànouveaudanslepick-updeGarrett.—Est-ce que toutes les belles-mères sont des garces ? lui demandai-je en ayant conscience de
l'atrocitédemaquestion.Lesmotsmefirentavoirmoi-mêmeunmouvementderecul.Unedemestrèsbonnesamiesétait
belle-mère,etelleétaitlameilleurechosequisoitarrivéeàcesgosses.—J'aiétéélevéeparmabelle-mère,réponditCookie.Jelesavais.C'étaitlaraisonpourlaquellejel'avaisappelée.—Jesuisdésolée.Cen'étaitpascequejevoulaisdire.—Biensûrqueçal'était,ettuastouslesdroitsdeteposerdetellesquestions,chérie,aprèsceque
tuasdûtraverseraveclatienne.Maislamienneétaitmerveilleuse.Sanselle,monenfanceauraitétédrastiquementdifférente,etpasd'unebonnefaçon.
—Alorsjeluisuisreconnaissanteégalement.—Merci.Jeluidirai.Tuavaisbesoindequelquechose?—D'uneconfirmation.Ellegloussa.—Dequelgenre?—Dugenrequetuviensdemedonner.Je demandai àGarrett de prendre le chemin de la banque. Je ne pensais pas que l'agentCarson
m'attendraitencorelongtemps.Montéléphonesemitàsonnertandisqu'onsedirigeaitverslascène.Biensûr,toutseraitrevenuàlanormale,maisl'agentCarsonpourraitêtreunpeufâchéecontremoiparcequejen'étaispasvenueimmédiatement.
— Où êtes-vous, bordel ? demanda-t-elle en réponse à mon « La maison de Charley, strings
comestibles.»— Désolée, répondis-je en frissonnant à cause du ton qu'elle avait utilisé. J'étais en pleine
livraison.Lesstringscomestiblessonttrèspopulairesencemoment.—Lesuniformesdeprisonégalement.—Est-cequ'ilssontcomestibles?Ilsemblequecesoitmonmeilleurargumentdevente.—Sivousn'êtespaslàdanslesdeuxminutesqui...—Jesuislà!criai-jedansletéléphonealorsqu'onsegaraitdansleparkingenfacedelabanque.
Jesuislà.JeplaquaiunemaincontrelecombinéetmurmuraiàGarrett:—Elleesttellementsensible.—Oùça,là?—Retournez-vous.Jevissoncarrécourtpivotersurlagauche.—Del'autrecôté.Ellefitunvirageà180degrésetnousrepérasurleparking.—Jesuislà!(Jeluifissigneàtraverslepare-brise.)Etjusteàtemps.Ouf.Avantdesortirduvéhicule,jemetournaiversGarrett.Ilavaitleregardrésolumentbraquédroit
devant lui,attendantque je libère lepérimètre. Ils'étaitmontréplussilencieuxqued'habitude.Bon,d'accord,ilétaittoujourssilencieux,maispastotalementmuet.Pasmuetcommedansje-suis-allé-en-Enfer-et-je-ne-serai-plus-jamais-le-même.
Jepinçailaboucheetdemandai:—T'asenvied'enparler?Decommentc'étaitdeteretrouverenEnfer?Il se retourna si vite dans ma direction que le mouvement me rappela Reyes. Ses yeux gris
capturèrentlesmiens,leregarddur,lamâchoireserrée.Lorsqu'ilpritlaparole,illefitd'unemanièresinistretotalementvolontaire,chaquesyllabetropprécise.
—Tuasenviedeme raconterceque tuas ressentiquanddumétalaussi tranchantqu'un rasoirdécoupaittachairpouratteindrel'os?
Bontédivine.Ilétaitenpétard,toutd'uncoup.—Doncc'estunnon?Ilrelevauncoindesabouche,maislegesteétaitdénuédetouthumour.—OK,ehbien,conversation très intéressante,dis-jeen tâtantà l'aveugletteà la recherchede la
poignée.Ilrecommençaàregarderàtraverslepare-brise.Lorsquejesortis,l'agentCarsonétaitentraindetaperdupiedsurlachaussée.Jenecomprenais
vraimentpaspourquoilesgensfaisaientça.—Alors,qu'est-cequivousfaitpenserqueçavenaitdel'intérieur?demanda-t-elle.Pas de bonjour. Pas de « comment vont la femme et les enfants». Juste du business, comme à
l'accoutumée.Ellemeplaisait.—C'estcequem'ontexpliquélescambrioleurs.—Etleursnoms?—Jevousl'aidit,lesBandits.—LesBandits sontungangdemotardsd'environdeuxcentsmembres. J'ai besoindunomdes
hommesquisontentrésdanslepérimètrel'armeaupoing,quionttenuungroupedeclientsenotage,etquiontvolédesliquiditésquineleurappartenaientpasdanscettebanque.
Ellem'indiquagentimentlabanquedudoigt.— Ils n'ont pas réellement sorti leurs armes, la corrigeai-je. Ils ne le font pas àmoins d'y être
obligés.J'aivuçaauxinformations.—Charley,mecoupa-t-ellesansdéguiserl'avertissementdanssavoix.—D'accord.
Jeremplismespoumonsetexpirailentement,regrettantcequej'étaissurlepointdefaire.—Jeneconnaispastousleursnoms,mentis-je.Pouruneraisonétrange,jenepouvaispasmerésoudreàluidirepourSabrina.C'étaitunefille.
Personnenelasuspecterait.Quipouvaitsavoirsiquelqu'unavaitvulevisageduchauffeur?Elleétaitdanslecouppouraidermonamimotard,etj'avaisl'impressiondeluiêtreredevablepourça.
—Les troisque jeconnais, les troisqu'onfaitchanter,sontMichael,EricetDonovan. Ilyenadeuxdeplus,mais jen'aipas leursnoms.Oh,attendez,m'exclamai-je,mesouvenantqueDonovanavaitmentionnélenomdublond.Ilyavaituntypeblondquis'appelaitEdwards.Ilveutmefairemafête.
Ellepritnotedetoutcequejeluiracontais.—Vraiment?Ilestmignon?demanda-t-ellesansreleverlesyeux.—Non,jeveuxdire,pourm'empêcherdetémoigner.Ilveutmatêtesurunplateau.—Vousvousfaitesdesamispartoutoùvousallez,n'est-cepas?—C'estmarrant, hein ? (Jeme penchai ensuite vers elle.)Ce ne sont pas demauvais bougres,
agentCarson.Onlesafaitchanter,pourdevrai.—Vousm'avezdéjàditça,maispersonnenepointaitunearmesurleurstempes,là-dedans.Je savais qu'elle verrait les choses sous cet angle. C'était son métier, je ne pouvais pas lui en
vouloir.Mais il fallaitaumoinsque j'essaiede faire inculper lapersonnequiétaitderrière toutçaégalement.Ilavaitautantàvoiravecçaquemespoteslesmotards,sicen'étaitplus.Personnen'avaitledroitdefairechantermesamisetdes'ensortir,àpartmoi.
Chapitre17Jecomptaisbienmetenir.Ilyavaitjustetropd'autresoptions.
Tee-shirtAprèsavoirdonnémadépositionàl'agentCarson, jerenvoyaiGarrett,prétextantdesdifférends
insurmontables,maisjeluidisdegarderdesdisponibilitésaucasoù;puisjerentraiàlamaisonenmourantd'envied'unetarteauxpatatesdoucespourDieusaitquelleraison.Labananen'avaitpastenulongtemps.Etjemesentaissaleaprèsl'avoirmangée.
J'empruntail'escalierquimenaitàmonappartement,puisjemerendiscomptequej'avaisdeplusen plus chaud àmesure que je gravissais lesmarches. Et il y en avait beaucoup, de cesmarches.Lorsquej'atteignismonétage,lachaleurquiémanaitdeReyesétaitbouillante,etilm'étaitimpossiblededires'ilétaitexcité,ennuyéoujusteencolère.Peut-êtrebienunsavantmélangedestrois.
Lehallétaitplongédansuneobscuritétotale.Soitl'installationélectriqueavaitdenouveaupétéunplomb, soit Reyes avait dévissé les ampoules. Je fouillai mon sac à la recherche de mes clés etmarchaiendirectiondemaportedanslenoir.Cen'étaitpasvraimentunvoyagepérilleux,maisavecReyesFarrowquim'attendaitàl'arrivée,çapouvaitviteledevenir.Jetâtonnaipourtrouverleverrouetyinsérailaclé.
—Tuasmonargent?demandai-je,mesentantcommeunparraindelamafia.Oucommeunproxénète.—J'aibesoinqueturestescheztoicesoir,m'annonça-t-il,m'ignoranttotalement.J'ouvrislaporte.—Tuentres?—Non.Jesuisjustevenutedirederestercheztoicesoir.—Est-cequec'estunordre?—Oui.Jeregardaipar-dessusmonépaule.J'arrivaistoutjusteàdiscernersonombre.—Tudevraisyallermollo.Lacaféineneferabientôtpluseffet.Ils'approchademoi.Jelesentisleverunbrasplushautquemesépaules,etill'appuyacontrele
montantdelaporte.Bondieu,ilétaitdouéàcejeu-là.—Pourquoi?demandai-jeenremettantlesclésdansmonsac.Pourquoiresterchezmoicesoir?—Tusaispourquoi.—Est-cequ'ilsviennentpourmoi?relançai-je,neplaisantantqu'àmoitié.Ilsepenchajusqu'àcequesaboucheeffleuremonoreille.—Oui.J'ignoraistotalementsilefrissonquiparcourutmondosàcetinstantétaitdûauximagesqueses
motsavaientimposéesàmonespritouàsonsoufflequichatouillaitmapeau.Ilsentaitlafuméeetlacendre,letonnerreetlafoudre.
—Tuesamoureusedelui?demanda-t-il,lavoixrendueprofondeparledoute.Jemeretournaipourluifaireface,surprise.—Qui?Ilbaissalatêteetmeregardasoussescils.Aussisombresquefussentsesyeux,ilsn'enscintillaient
pasmoinsdanslafaiblelumière,lespaillettesvertetorbrillantcommedescatadioptresdanslalueurdelapleinelune.
—Tusaisqui.Letypequetuembrassaisaujourd'hui.—Lequel?leprovoquai-je.Ilnemorditpasàl'hameçon.Unedouleurprofondeémanadelui,maisjenesavaispassielleétait
physiqueouémotionnelle.Lefaitquejeflirteavecdestypesdansunasilenedevaitsûrementpasleblesser.Ilavaithabitéavecsaharceleuse,pourl'amourdeDieu.
Ilenroulaunbrasautourdematailleetm'attiradoucementcontrelui.— Je suis juste venu pour te dire de rester chez toi, répéta-t-il avant de se pencher pour
m'embrasserlanuque.Ilgardacettepositionpendantquelquesinstants,respirantmonodeur,puismerelâchaets'enalla.
L'airserefroiditaussitôtdanssonsillage.—Reyes,attends!Jeme précipitai à sa poursuite et descendis lesmarches deux à deux pour rattraper son besoin
pressantd'êtreloindemoi.—Jesuisjustevenupourtedirederestercheztoi.—Reyes,pourl'amourdePeter!Etdesondragon.Je l'attrapaipar lebraset le forçaiàse retourner.Nousétionsaudeuxièmeétage.Celui-ciavait
toujoursdelalumière,etjepouvaisvoirReyesplusclairement.Ilportaitunsacàdossurl'épaule,dusangavaittraversésontee-shirtetzébraitletissu,etj'étaiscertainequ'ilétaitànouveaurecouvertderubanadhésif.
—Jepensaisqueçaguériraitplusvite.Ilobservasontee-shirtetjura.—C'estlecas.Celles-cisontfraîches.Maisçaneserapaslong.Jetentaidemerassurer.M'inquiéterneserviraitàrien.Maismapeurétaitincontrôlable.—Est-cequ'ilssontlà?Ilpenchalatête,pensif,mesurantl'énergieautourdenous.—Jenelessenspasencemoment,maisje lesaisentisavantquetuarrives.Jepensequ'ilsont
découvertoùtuhabites.—Magnifique.Etaussigalantequel'intentionpuisseêtre,tun'espasenétatd'allerleschasseren
jouantauninjapourleurbotterlesfesses.Il s'observa à nouveau, relevant un coin de sa bouche pour former ce demi-sourire qui était si
charmant,celuiquiforçaitlespapillonsquej'avaisdansleventreàfairedessautspérilleux.—J'auraispuêtreunninja,dit-il.—Oui,tuauraispu,etleJaponauraitététrèsfierdetecompterdanssesrangs.Maintenant,viens.
(Jepassaiunbrasautourdusienet ilm'emboîta lepas.)Tunepeuxpas tepromener recouvertdesangpendanttrèslongtempsavantquequelqu'unappellelapoliceettefassearrêter.
Lorsque je baissai lamain, il la prit dans la sienne, enlaçames doigts etme suivit en haut desescaliers.Cecontactétaitadorableetsexy,etilenvoyaitdepetitessecoussesdeplaisirchaquemarchequejefoulais.MauditReyesFarrow.
Mais cene futqu'une fois à l'intérieurque jevis l'étenduede sesblessures. Il était littéralementcouvertdesang.
Jerefermailaportederrièrelui,horrifiée,—Toutcesangestàtoi?Ilobservaminutieusementmonappartementavantdeseretournerenhaussantlesépaules.—Jenepensepas.—Ettuasétébrûlé.Jemeprécipitaiversluipourinspecterl'arrièredesontee-shirt.—Und'entreeuxaessayédememettrelefeu.—Undémon ? demandai-je avec unmouvement de recul lorsquemavoix sortit demanière si
aiguëqueseulsleschiensauraientpul'entendre.
Ilacquiesça.—Ilssontfous.C'estquoi,toutça?Il désigna la montagne de boîtes, les dernières qu'il restait dans l'appartement. Cookie m'avait
débarrasséedetoutes,saufcellesdelaZone51.JepouvaisdenouveauvoirM.Wong,Dieumerci.Saprésencegriseétaitétrangementréconfortante.
Jejetaimonsacsurlebar.—Ça,c'estuntrounoir.Net'enapprochepas.C'estl'idéedethérapiedeGemma.Ellepenseque
j'aiuneformemodéréedesyndromedestresspost-traumatique.Ils'étaittournéetobservaitmesfaussesplantesfanées.—C'estlecas.—Ouais,bentuasdesproblèmesaussi,mister.J'arrivaisjusteàvoirlecôtédesonvisage.Ilm'adressaitunsourireincendiaire.—Jen'aijamaisprétendulecontraire.Est-cequejepeuxutilisertadouche?Mêmesij'avaisenviederépondre:«Seulementsijesuisdedans»,cequisortitdemabouchefut:—Biensûr,maisjedoistemettreengarde,turisquesd'avoirdelacompagniesouslaformed'un
énormeRottweilerassoiffé.Jemeraclaiensuitelagorgepourcouvrirlapousséedeplaisirquimeparcouraitàl'idéedeReyes
Farrownu,dansmasalledebains.Ounudansn'importequellepièce,enfait.—Oh,etjen'aiplusdechatterton,aucasoùtuvoudraisterapiéceraprèscoup.J'aipeut-êtreun
peudeScotchtransparent,parcontre,situesdésespéré.Ilsoulevasonsacàdos.—Jemedébrouillerai.Lorsqu'il s'enfermadansma salledebains, je laissai échapperun long soupir, puismedirigeai
versM.Café.SoitAlbuquerqueavaitconnuuneexplosiondémographiqued'hommesincroyablementsexy,soitj'étaisvraimentvictimedemeshormones.
Trenteminutesplustard,Reyesouvritlaportedelasalledebains.Ilneportaitqu'unjeanetavait
uneservietteposéesur lesépaules.Etmince,quellesbellesépaulesc'étaient.Durubanadhésifneufavaitremplacél'usagéetentouraitsonabdomen,maissesvieillesblessuresétaienttoujoursvisibles.Ellesguérissaientcertes rapidement,maisellesavaient laissédes rayuresd'unviolet foncésursontorse, sesépaulesetuncôtéde sanuque. Il attrapa lescoinsde la servietteet se frotta la tête,puiss'appuyacontrelecadredelaporte.
—Commentsepassecettethérapie?Jen'arrivaispasàdétourner le regard.Lorsque j'yparvinsenfin, je remarquaiqu'ilexaminaità
nouveaulesboîtes.—Oh,répondis-jeenmeversantunenouvelletassedecaféetenmerapprochantdelui.Gemma
veutquequelqu'unenlèveuneboîtetouslesjoursjusqu'àcequejesoiscapabledelefairemoi-même.C'estridicule.Elleditqueçavam'aideràguérir.
Ilmevolamatasse,pritunegorgée,etmelarendit.—Ellearaison.Tandisquejeleregardais,bouchebée,consternéeparlefaitqu'ilchoisisselecampdemasœur
plutôtquelemien,iljetalaserviettedansl'évieretenfilauntee-shirtgris.Jemedirigeaiversmoncanapé,quis'appelaitpeut-êtreBarbieMalibu,maisfisdemi-touravantdel'atteindre.
—Oùest-cequetuastrouvéça?demandai-jeenindiquantletee-shirtdumenton.Je voulais savoir où il dégottait tout ce qu'il portait. D'où est-ce qu'il sortait son jean, ses
chaussuresetlerubanadhésifqu'ilavaitutilisépoursesaucissonner?Oùest-cequ'iltrouvaitdelanourriture et de l'eau, et que s'était-il passé quand ils l'avaient libéré de prison ? Est-ce que sonmeilleurami,Amador,étaitvenulechercher?Amadorétait l'uniqueamideReyes.Jesavaisqu'ils
étaientproches.PlusprochesqueReyesetmoine leserions jamais,certainement.Amadorn'auraitpas pu le laisser se débrouiller tout seul. Ou peut-être que Reyes avait souhaité rester seul, pourprendresoindeluicommeill'avaitfaittoutesavie.Jen'avaispasétélàpourlui,entoutcas.J'étaistropoccupéeàpansermesblessuresdansmabatcavepourfille.
Il ajusta son tee-shirt avant de se diriger vers moi, sauf qu'il ne s'arrêta pas en arrivant à mahauteur.Ilécartalatassedecafésurlecôtétandisqu'ilmepoussait,meguidantenarrière,soncorpsmincesiconfortablecontrelemien.
—C'estunprêt,répondit-il.—D'Amador?Mavoixn'étaitriendeplusqu'unmurmurerauque.Ilpassaunbrasautourdemeshanchesetcontinuaàmepousser.Lesgouttesd'eauquirecouvraient
ses cils d'encre rendaient ses yeux encore plus brillants. Mon appartement n'était pas vraimentspacieux,donconnepourraitplusreculertrèslongtemps.Maisnouscontinuâmesàmarcherjusqu'àcequejerentredansquelquechose.Jemefigeailorsquejeprisconsciencedecedontils'agissait.LaZone51.NousnoustrouvionsenpleincœurdelaZone51.
J'essayaiderepousserReyes,maisilnebougeapasd'uncentimètre.Sonexpressionjoueusedevintsoudaintrèssérieuse.—Assieds-toi.Je tentai deposer la tasse au sommetd'uneboîtemaismanquaimon coup,mamain tremblante
tâtonnantjusqu'àcequelatassetombetropvitepourquejesoisenmesuredelarattraper.Al'instantoùelleallaitatteindreletapis,Reyesl'empoigna.Ducafébrûlantfutprojetéhorsdelatasseetsursamain,maisilnesemblamêmepasleremarquer.
Ilseredressadetoutesatailleetrépéta:—Assieds-toi.Surlesboîtes?Horsdequestion.Jesecouailatête,mâchoireserrée.Ildéposalatassesurunboutdelatable,mepritparlesépaules,etmeforçaàmeretournerpour
fairefaceautrounoir.— Ce n'est qu'un espace, dit-il en se rapprochant de moi. (Il enroula ses bras autour de mon
ventre.)Çanesignifierien.(Ilsepenchaetembrassamaclavicule.Manuque.Monoreille.)C'esttonespace.Paslesien.
EarlWalker.Ilparlaitd'EarlWalker.Il repoussa une boîte, l'envoyant s'écraser sur le sol. Sentant quemon estomac se retournait, il
resserrasonétreintejusqu'àcequemesnerfssecalment.Jusqu'àcequelafêluredansmacarapacecommenceàseréparer.
—Lepointestadjugé,dis-jeenmimantlesignaldutempsmort.Lejeuestfini.Toutenm'ignorant,iltenditlebrasetpoussaunenouvelleboîte.Jemecabraicontrelui,maisj'étaisincapabledemedéfairedesonétreinte.Ilmemaintintépinglée
àcetendroitprécisetpoussauneautreboîtedelamontagne.Elles'écrasaausol.Puisuneautre.Etuneautre.Ettoutcetemps,ilmegardaitprisonnièrecontrelui.
Lachaleurquiémanaitdelui,ainsiquesonodeurterreuseetriche,s'imprégnaitdansmeshabitsetmescheveux.Sesbrasmusclésetsesmainspuissantesmeretenaientsifermementquelapeurn'avaitquepeudechancedeparveniràs'emparerdemoi.Lorsqu'ilpoussaunenouvelleboîteetquetroisdégringolèrentsurlesol,aucunegoutted'adrénalinenemeparcourut.
Il tenditunpiednupourdégagerunedesboîtes,puis ilnous rapprocha tandisqu'ilcontinuaitàrepousser et à déplacer des boîtes d'unemain tout enme tenant de l'autre, jusqu'à ce qu'il ne restequ'unseulobjetdanslaZone51.Lachaise.
Cette fois-ci, l'adrénalinecommençaàpomperviolemmentdansmesveines.J'étais incapablededétournerlesyeux,mêmesiellen'étaitpasdifférentedesautreschaises.Elleallaitaveclapetitetable
quej'avaismisedansuncoindemacuisine.Bonmarché,ronde,avecdespiedsbranlants.Reyesmeserraplusfort,desesdeuxbras,etnousfitavancerencored'unpas.Jeposailepiedsur
lachaiseetpoussaipourgardermesdistances.—Cen'estqu'unechaise,dit-ild'unevoixattentionnéeetapaisante.C'esttachaise.Paslasienne.—Etjenesuisqu'unefille,rétorquai-je,essayantdeluifairecomprendreque,mêmesij'avaisun
statutsurnatureldansl'univers,ici,surTerre,jen'étaisqu'unehumainecommelesautres.Ilenroulaunemainautourdemagorgeetmurmuraàmonoreille:—Oui,maistuesàmoi.Pasàlui.Ilsepenchapar-dessusmonépauleettorditlecouafindeposersabouchecontrelamienne.Lorsque je tendis lamain entre nous pour caresser le renflement de son jean, sa respiration se
coinçadanssapoitrine.Ildevintaussidurquedelapierre,puismitfinaubaiseretplantasesyeuxdanslesmiens.Sonregardbrillaitd'uneémotionprochedelahaine.
—Est-cequetuesamoureusedelui?—Qui?demandai-je,medélectantdel'extasequiprenaitformeentremesjambes.—Celuidel'asile.—Donovan?proposai-je,àboutdesouffle.—Situl'es,tudoismerenvoyer.(Ilenfonçasesdoigtsdansmescheveuxettiramatêteenarrière
pour laplaquercontresonépaule, sadétermination impénétrable.)Tudevras le faire. Jesuisassezfortpourpartirmaintenant.
Il grogna lorsque je passai à nouveau doucement lamain sur les contours de son érection. Sesaisissantdemonpoignet,ilmelançaunregardd'avertissement.
—Jenepartageraipastacouchesituenaimesunautre.Ils'étaitexprimédemanièrearchaïque,commeillefaisaitparfoismalgrélenombred'annéesqu'il
avaitvécuessurTerre,merappelantqu'ilvenaitd'unautrelieu,d'unautretemps.Jetendislebrasetl'attiraiàmoi,jusqu'àcequesabouchesoitànouveausurlamienne.Sij'aimais
quelqu'undanstoutl'univers,c'étaitcethomme,cedieuquiavaitrisquésaviepourmoiunnombreincalculabledefois.Quinem'avaitriendemandéenretour.Jamais.
Il agrippames cheveux et pencha la tête pour approfondir le baiser, sa langueme taquinant etm'exploranttandisqu'ilfaisaitremonterunedesesmainssousmonpull.Enunmouvementéclair,ildégrafamonsoutien-gorgeet ilpritDangerencoupe.Unfrissondeplaisirparcourutmapeau.Desonautremain,ildéboutonnamonpantalonetlefitglissersurmeshanches.Monabdomenpicotaitde désir lorsqu'il mit à nouveau fin au baiser pour m'enlever complètement mes habits avec uneferveur impatiente. L'air frais balaya ma peau, mais il s'approcha encore, m'enveloppant de sachaleur.Puisilmerapprochadelachaise.
Ilécartamesjambesàl'aided'undesesgenouxetmefitasseoirfaceaudossier.Jem'agrippaiauxlamellesdebois,nemesouciantplusdutoutdecequelachaisereprésentait,électriséeàl'idéedecequiallaitsepassersurelleàprésent.
Ilsepenchapar-dessusmonépaule,etsesyeuxsiexpressifsmeposèrentunequestionmuette.Nous n'avions jamais fait ça auparavant. Pas peau contre peau, corps physique contre corps
physique.—Çafaittrès,trèslongtemps,dit-il,savoixprofondemoinsassuréequed'habitude.Je levai le bras et traçai le contour de sa bouche pleine et sensuelle du bout des doigts. Il les
embrassa,puisécartaleslèvresetlesmordillaauxendroitslesplussensibles.Lachaleurdesalanguebrûlaitma peau tandis que ses doigts remontaient le long dema cuisse. Ses caresses causèrent untremblement enivrédans chacunedemes terminaisonsnerveuses le tempsqu'il atteigne le sommetentremesjambesets'yintroduise.
J'eneuslesoufflecoupé.Unechaleurliquideinondaitmonabdomen.Ilfitglissersonautremainle long de mon dos et me poussa doucement en avant, enfonçant lentement ses doigts plus
profondémentenmoi.Jemetendislorsqu'undésirvoracemeravagea.M'agrippantencoreplusfortàlachaise,j'écartaidavantagelesjambes.
Il couvrit ma bouche de la sienne en poussant un grognement. Le rythme de ses doigts, qu'ilcouplait à celui des poussées de sa langue, causa presquemaperte.Lamorsure de l'excitationmelaissapantelante,palpitantcommeunchaudrondelavedansmonbas-ventre.Desflammèchesd'extaseserépandirentsurmoncorps,lebrûlantd'unbesoinaffamé.
LorsqueRêvess'agenouillaàcôtédemoietpritlapointedeWilldanssaboucheincandescente,l'explosiondeplaisirmefitpresquepleurer.Lesflammèchessetransformèrentengriffes.Jepassailebrasautourdesatêteetenfonçaimesdoigtsdanssescheveuxtandisqu'ilsuçaitWilletmepoussaitdeplusenplusprèsdel'orgasme.
Avant que je puisse jouir, il attrapameshanches etme redressade façon à ceque jeme tiennedevant lui.Sasoudaineabsenceétaitpirequed'être jetéedansde l'eauglaciale.Jeclignaidesyeuxlorsqu'il s'assit sur ses talons pourm'observer. J'aurais dûme sentirmal à l'aise. Il était toujoursintégralement habillé alors que j'étais complètement nue, mais l'admiration qui brillait dans sonregard,cedésirbrut,chassaittoutmanqued'assurancequej'auraispuavoir.
—MonDieu,dit-ilenseredressantsurlesgenoux.Il s'empara de mes poignets, les emprisonna derrière mon dos et commença à parsemer mon
ventredebaiserslégers.Desvaguesdeplaisirmetraversèrentlorsqu'ilplongeadansmonnombril.Puisilécartamesjambesetenposaunesursonépaule,offrantàsabouchel'accèsàmazonelaplussensible.J'agrippailedossierdelachaisepourgarderl'équilibretandisquesalanguebouillantemerepoussaitversleslimitesdemasantémentale.Àlafrontièredelafolie.Jeserrailesdentsetattrapaisescheveux,unbesoinpalpitantricochantdanstoutmoncorps.
Mes jambes tremblaient, affaiblies par un désir que je pouvais à peine supporter. Plus je merapprochaisdel'orgasme,plusj'avaisenviedelesentirenmoi.Jetiraisursescheveux.Griffaisontee-shirt. Il s'arrêtaet sedébarrassade l'habit.Puis je le forçaià se relever.Mesmains tremblaientpendantquej'essayaisdedéboutonnersonpantalon.Avecdesmouvementsprécipités,ilfitglissersonjeansurseshanchesetsesfessesdélicieuses.Sonérectionétaitferme,palpitanted'anticipation.Etcefutmon tourde l'observer,admirative.Une finepelliculedesueur recouvrait soncorpsmusclé, lerendantencoreplusséduisant,encoreplusexotique.
Les collines et les vallées qui composaient son corps voluptueux étaient une œuvre d'art, et lapreuvede son excitationne faisait pas exception. Je fis courirmesdoigts sur toute sa longueur etregardai, fascinée, ses muscles se contracter en réponse. Avant qu'il ne puisse m'en empêcher, jem'agenouillaietleprisdansmabouche.Illaissaéchapperunsifflementaigu.
—Dutch,dit-il,empoignantmescheveuxtoutensebattantpourgarderlecontrôle.Jel'observai.Sesyeuxbrûlaientd'undésirinassouvi.Jeconnaissaiscettesensation.Jevoulaisqu'il
l'éprouve davantage. L'attirant plus profondément, je frôlai du bout des dents la douceur de sonérection,merégalantdanslasensationquemeprocuraitlesangquicouraitsoussapeau.
Ilserramescheveuxunpeuplusfort,commes'ilessayaitdem'arrêter.—Attends.Maismesbrasserefermèrentautourdeluipourlegarderauplusprèsdemoi.Sarespirationsefit
difficile. Tourmentée. A l'intérieur, il tremblait de toute cette force, de la passion qu'il tentait decontenir.Ilsetendaitchaquefoisquejelereprenaisenbouche,grognantjusqu'àcequejel'amèneàdeuxdoigtsdel'orgasme.
N'ayantplusd'autrechoix,ilmerepoussaetmeplaquaausol,soncorpsdurcommedelapierrecontre lemien. Sans attendre une seconde de plus - incapable d'attendre une seconde de plus -, ilécartamesjambesetmepénétra.Leplaisirprovoquaunchocquiserépanditdanstoutmoncorpsdemanièresipuissanteetsirapidequemonsouffleenfutcoupé.Jem'agrippaiàsondos,mordissonépaule,donnaidescoupscontreseshanches,maisilsecontentademeserrerplusfortdanssesbras
etd'accélérerlerythme,encoreetencore,toujoursplusfort,lapressionbouillonnantetaugmentantjusqu'àcequejejouissedansuneexplosiond'étincellesbrûlantes.Ellescascadèrentsurmapeauetseprécipitèrentdanschaquemoléculedemoncorpscommeunedouchedelumière,serépandantdanstoutmonêtre, s'écrasantcontremesoscommeuneviolentemarée. Jevenaisd'imploser,et toutcequ'ilrestaitdemoiétaitdesfloconsd'or.
Dansunedouceagonie,Reyesenfouitsatêtedansmanuqueetenfonçasesonglesdansmapeau,feulant tandisque sonorgasme faisaitvibrer tout soncorpsdeplaisir. Il semit ensuiteà trembler,haletantau-dessusdemoi,laissantl'orgasmesuivresoncours.
—Putain,dit-ilfinalement.Ilsedétenditets'allongeaàcôtédemoi.J'ouvrislesyeuxpourleregarder.—Quoi?demandai-je,inquiète.Ilm'adressaungrandsourire.—Justeputain.—Oh.Ses cils sombres projetaient des ombres sur ses joues tandis qu'il était couché, étourdi par la
satisfaction.Jefiscourirmesdoigtssurleurourlet,etilfronçalessourcilsenriant.—Maintenantjeconnaislasignificationdelaperfection,chantonnai-je.Sesyeuxs'ouvrirentaussitôt,etilmedévisageaavecuneprofondeappréhension.—Ilfautquetusortesplussouventdecheztoi.—Toutlemondemeledit.Maisjeneplaisantaispas.Rienneseraitjamaismieuxqueça.Mieuxquelui.Reyesétaitl'apogée.
Toutne ferait que sedégrader àpartir de cet instant. Il était leParadis et l'Enfer à la fois, ange etdémon.Jemedemandaiscombiendetempsjepourraislegarder.Pendantcombiendetempsencoreilm'appartiendrait.
Ilsetournasurleflanc,posasatêtesurunbras,etplaçaunedesesgrandesmainssurmonventre.Avecunsouriremalicieuxquitransformasonvisagemagnifiqueenceluid'unange,ildemanda:
—Tusaisoùlesdieuxgardentleurnectar?Jeplissailesyeux,méfiante,etrépondis:—Aucuneidée.Ilfitglissersamainlelongdemonventreetseretrouvaentremescuisses.Jelaissaiéchapperun
soufflelorsqu'ilsepenchapourmurmureràmonoreille.—Laisse-moitemontrer.Aprèsavoirtesténotreendurancedeuxfoisdeplus,avoirpartagéunsandwichaurosbif,prisune
douche, et testé encore une fois notre endurance, nous étions couchés sur le lit, emmêlés dans lesdrapsetlesserviettes.Reyesm'avaitprisedanssesbrasetétaitpresqueendormilorsquejedis:
—Quiauraitcruque,pendanttoutcetemps,lenectardesdieuxétaitdansmachoupinette?Il rit doucement et laissa le sommeil le gagner,mais j'étais incapable d'arrêter de regarder son
magnifiquevisage.Sabouchesensuelleetsamâchoirecarrée.Sonnezdroitetsescilsépais.Ilétaitunmiracle.Un cadeau des dieux.Et un emmerdeur,maismoi aussi, donc je ne pouvais pas le luireprocher.
J'entendismaported'entrées'ouvrir,aussidémêlai-jenosmembresetenfilai-jeunpyjamaavantdemedirigerverslesalon.Cookieétaitentraindeposerquelquechosesurmestiroirsdecuisine.
—Tusaisquelleheureilest?Elleseretournaversmoietmemontraunustensileétrange.—C'estunepoireàdinde.Jenesaispastroppourquoituenascommandésept,maisjenetelaisse
engarderqu'une.Jel'ignoraiségalement.—Ilestminuitpassé.Qu'est-cequetufais?—J'airegardéunfilmd'horreuretjen'arrivepasàdormir.
—Combiendefoisdevrai-jetelerépéter?Situregardesunfilmd'horreur,fais-lequandjesuislà,quejepuissememarrerquandtusursautes.
Iln'yavaitriendeplusamusantqued'observerlesyeuxglacésd'effroideCookie.ApartcequejevenaisdefaireavecReyes.
—Jesais.Alors,commentétaittajournée?—Ehbien,jemesuisretrouvéedansunebanquequisefaisaitcambrioler,j'aiétépriseenotage
par les Gentlemen Cambrioleurs, presque arrêtée pour complicité, et je viens de passer une dessoiréeslesplusintéressantesdemavie.Enparlantdeça,tusavaisquelenectardesdieuxestdansmachoupinette?
Ellemelançaunregardhorrifié.—C'estquoi,unechoupinette?Maisjevoyaisbienqu'ellelesavait.Sinonpourquoiaurait-elleeul'airsiscandalisée?—Attends,ils'estpasséquoiici?demanda-t-elleendésignantlazone51.—Reyesm'afaitsuivreunethérapie,mêmesijecroisqu'iln'apasdelicence.Elleouvritlaboucheengrandetplongeaàmespieds.—Oh,Charley!J'aibesoindedétails!Etd'unepeintureàl'huile,situpeuxm'entrouverune.
Chapitre18Cequinemetuepasaplutôtintérêtàcourirvite.
Tee-shirt—Oùest-cequetuvas?demandai-jeàReyeslorsqu'ilsortitdulit.—Danscequetuosesappelertacuisine.J'ouvris la bouche en grand. Personne n'insultait ce que j'osais appelerma cuisine et s'en tirait.
Maisensuiteilm'adressasonsourireatomique,etj'oubliaiaussitôtquelétaitleproblème.—Tuasquelquechoseàmanger?—Est-cequelestrucsvertsetunpeuflouscomptent?—Jenefaispastropattentionàmonrégime,répondit-ilavecunsourireencorepluséblouissant.Lorsqu'ilpassaprèsdemacommode,unepointedepaniquemetraversa lorsque jemerappelai
que j'avais retiré la photo lematinmême, celle où on le voyait attaché, les yeux bandés. Il n'avaitmême pas regardé ma commode. Il ne l'aurait jamais fait, mais ma réaction le fit s'arrêterbrusquement. Il fallaitque jemesouviennequ'ilétaitcommemoi. Ilpouvait ressentir lesémotionsaussi facilementque je lepouvais. Il était enmesurede les sentir etde lesgoûterdans l'air.Etmapaniquel'avaitatteintassezfortpourl'empêcherdepoursuivresonchemin.
Ilseretourna,lessourcilsfroncésparlacuriosité.—Quoi?demanda-t-il,undemi-sourireilluminanttoujourssonvisage.—Rien.J'aijustecru...j'aicruquetupartais.Ilsefigea,méfiant.—Pourquoiest-cequetumemens?—Jenemenspas.Jeveuxdire,jetemens,maisc'estsimplementparcequ'ilyaquelquechoseque
jeneveuxpasquetuvoies.Sansréfléchir,ilregardaautourdelui.Ilnelaremarquapas.Elleétaitposéefacecachée,àmoitié
recouverteparundossieretunebrosse,etpeut-êtremêmeuneboîtecontenantdesproduitsfémininsquejedevaisencorerapatrieràlasalledebains.
Reyesseretournaversmoietcroisalesbras.—Maintenantjesuiscurieux.Jememordislalèvre.—Etsijetedemandaisdenepasl'être?—Tunemefaispasconfiance?—Cen'estpasunequestiondeconfiance.Pasvraiment.Pasdetoncôté.Ilchangeadeposition,pensif.—Doncc'estunequestiondeconfiancedetoncôté?Commedans«est-cequejedevraistefaire
confiance»?—Àpeuprès,ouais.Enfintuleverraiscommeça.—Comment,exactement?Il jetauncoupd'œilpar-dessus sonépaule, confus.Si laphotoavait étéun serpent, elle l'aurait
mordu,puisill'auraittuéeàsamanièredeguerrierviril.Mais,oui,ilétaitproche.—Etsionallaitmangeruntruc?—Est-cequec'estça?demanda-t-il.Sansregarderderrièrelui,iltenditlebrasetfitglisserleclichédelacommode.—Commentas-tu...?
Jeme tus avantdecreuserunpeuplusma tombe.Son regardmagnifiqueétait toujours rivé aumienlorsqu'ilamenalaphotoàsahauteur,mais,àlasecondeoùillebaissa,àlasecondeoùsesyeuxseposèrentsurl'image,unfrissonglacialdesurprisemefrappa.Ilclignadespaupières,souslechoc.
Jemeredressaisurlesgenouxetrampaisurlelitdanssadirection.—Reyes...—Oùas-tutrouvéça?L'émotionquimepercutaalorsnefutnilacolèreniladouleur,maislatrahison.Laméfiance.—J'aijuste...Unefemmemel'adonnée.Ellel'atrouvéedansl'appartementoùvousviviezquand
jet'airencontrépourlapremièrefois.Ellel'agardée.—Maispourquoiest-cequetoitulagarderais?J'étais étourdie par la tempête tourmentée qui l'agitait. Elle durcissaitma poitrine, etmon cœur
souffrait.—Jenesaispas.Jenel'aipasregardéeuneseulefoisdepuisquej'aiposélesyeuxdessus.Il se précipita en avant, et une explosion de haineme frappa. Finalement, quelque chose que je
pouvaisgérer.—Alorspourquoitulagardes,Dutch?Jerelevailementon.—Jenesaispas.Commentpourrais-jeluiexpliquerquejenevoulaisjamaisoubliercequ'ilavaitenduré?Ceque
nousavionsdûendureràcausedecemonstre?Ilsortitdelachambreàcoucher,photoàlamain.Jemeprécipitaiaprèsluialorsqu'ilsedirigeait
verslacuisinière.Ilcomptaitlabrûler.C'étaitprobablementmieux,mais,pouruneraisonobscure-pouruneraisonbizarreetinexplicable-,jebondisetlaluirepris.
Ilsemblastupéfait.—Donne-la-moi.—Tupeuxmedirecequiestarrivé?luidemandai-je,sachantpertinemmentqu'ilnes'ouvrirait
jamaisautant.PasassezpourmeracontersonpasséavecEarlWalker.Jenepouvaispasluienvouloir,maisça
valaitlapeined'essayer.—Etsijebrûlaiscettephotoetqu'onoubliaittout?—Jenepeuxpas, répondis-je, tentantde réprimer ladouleurdansmapoitrine,mais il lasentit
malgrétout.Enpoussantungrognementqui fitautantaccélérermonpoulsquedesprolongations, ilenroula
unemainautourdemagorgeetl'autreautourdemataille.Puisilmeplaquacontrelemurdanscetteposition.
—Net'avisejamaisd'avoirpitiédemoi,Dutch.Ladernièrechosedontj'aibesoin,c'estdetapitié.—C'estunepreuve,Reyes.Sicequetuasdûendurerestjamaisremisencause,nousauronsune
preuve.Etjen'aipaspitiédetoi.Jetecomprends.Lesourirequipritpossessiondesonvisagen'avaitplusriendejoueuràprésent.Ilexprimaitplus
d'animositéquede sympathie.Plusd'intimidationqued'affection.Etmoncœur sebrisa. Jepensaisqu'onavaitdépassécestade.Apparemmentpas.
Ilsepencha,lachaleurdesacolèresemblableàdelalavesurmapeau.Laréactionviscéralequemoncorpsavaitchaquefoisqu'ilétaitprochesemblaêtremultipliéepartrois.J'inspiraiàtraversmesdentsserrées,et ils'arrêta.Aprèsunmoment, ilplaçasonfrontcontrelemienets'inclinadansmadirection,commes'ilétaittoutaussiincapablequemoidecombattrecetteattraction.Mais,àsesyeux,je l'avais trahi. Il ne voulait pas que je fouille son passé, et c'était précisément ce que cette imagereprésentait.
Lorsqu'ilparla,savoixétaitégaleetsontondistant:—Quandtuserascapabledem'expliquerladifférenceentrelapitiéetlacompassion,appelle-moi.
Ilmerepoussa,menaçant,avantd'attrapersonsacàdos,desedirigerverslaporte,etdelaclaquerderrièrelui.Jem'effondraicontrelemuretdusmebattrepourparveniràrespirerànouveau.
Cookievintlematinsuivantavecdenouvellesinformationssurl'affaire,etjefisdemonmieux
pourtenirlessignesdematristesseàl'écart.—D'accord,annonça-t-elletoutenlisantsesnotespendantqu'ellesepréparaitunetassedecafé.
OndiraitquelejardinierdontMmeBeechert'aparlé,FélixNavarro,estdécédéilyaquelquesmois.—Ehbien,çaexpliqueraitpourquoicen'estplusleurjardinier.Quelquechosedesuspectausujet
desondécès?—Non.Safillem'aracontéqu'ilétaitmortdecausesnaturelles,riensurquoionpuisseenquêter.—Danscecas,cen'estdéfinitivementpasnotrehomme.S'ilavaittoutescesphotosdeHarperdans
sonportefeuille,peut-êtrequec'étaitsimplementparcequ'ilavaitbeaucoupd'affectionpourelle.Je pris une gorgée de café et m'assis au bar. Les boîtes avaient pratiquement disparu de mon
appartement. Cookie avait renvoyé beaucoup de choses ces deux derniers jours. Les seules quirestaientétaientcellesdelaZone51.
—C'étaitlecas,confirma-t-elle.Safillem'aditqu'ilgardaitdesphotosdetoussesenfants,etilconsidéraitHarperetsonbeau-frère,Art,commefaisantpartiedelafamille.
—Oh,ehbien,c'estadorable.— Ça l'est. Énormément. Même si je comprends pourquoi Mme Beecher a pu trouver ça
suspicieux,vutoutcequisepassait.—C'estvrai.Elletournaunepage.—Oh,ettononcleaappelé.Lepyromaneamislefeuàunnouvelimmeubletôtcematin.—Lemêmetype?—Ondiraitbien.J'aiinscritl'adressesurlajaquette.(Ellemedésignaundossiersurmatablede
cuisine.)Apparemment,ilafaitsortirquelqu'unquihurlaitetdonnaitdescoupsdel'immeubleavantd'ymettrelefeu.
Jereposaimatasse.—Bon,aumoinsc'estunboncitoyen.Elleacquiesçaetcontinuaàtouillersoncafépendantquej'allaischerchermonsac.—OK,ajouta-t-elle,appelle-moisituasbesoind'autrechose.—Jen'hésiteraipas.Alorsquejemedirigeaiverslaporte,jelançaiunrapidecoupd'œilaudossier.Lavériténeme
frappapas avant que j'aiemismon sac surmonépaule et que j'aie atteint la poignée. Jem'arrêtai,repensant à l'adresse, et fis demi-tour si rapidement que la Terre sembla sortir de son axe. Meprécipitant en arrière, je retirai le Post-it sur lequel l'adresse du dernier incendie était inscrite. Lemondetanguapouruneraisontoutedifférente.
Lorsque jemegarai sur lascènede l'incendie, l'odeurde fumée,acreet irritante, s'introduisitàtraverslaventilationdeMisery.Despompierstravaillaienttoujours,projetantdel'eauenl'airdepuisd'énormes camions rouges. La zone entière était délimitée par un cordon de sécurité, et desspectateurssetenaientdel'autrecôté,observantlespompiersfaireleurtravail,filmantlemurmassifdefuméeàl'aidedeleurstéléphonesportables.
Jesortisdevoitureetlevailesyeux.Ilétaitimpossiblequ'ils'agissed'unaccident.Impossiblequ'ils'agissed'unecoïncidence.C'étaitl'immeubledontj'avaisparléàReyesàpeinetroisheuresplustôt.Celui dans lequel je l'avais rencontré pour la première fois. Celui dans lequel la photo avait étédécouverte.
J'appelaiCookie.—Hé,magrande.J'aibesoinquetuvérifiesquelquechosepourmoi.—Pasdeproblème.
— J'aimerais que tu trouves une liste des adresses de tous les bâtiments que le pyromane aincendiés.C'estdansledossier.Puisqueturegroupesavectouteslesadressesconnuesqu'oncleBobavaitpourReyesFarrowlorsqu'ilaétéarrêtépourlemeurtred'EarlWalker.J'aisonfichierdansunearmoire.
—Juste.Jem'ensouviens.(Elleparlaitdemanièrelenteetméfiante.)Tupensesqu'ilyaunlien?—C'estcequej'ail'intentiondedécouvrir.Ou,tusais,detefairedécouvrir.Jeraccrochaietmedirigeaiàgrandesenjambéesversunofficierdeservice.—Oùestlafemme?luidemandai-je.—Jevousdemandepardon?(Ils'approchademoi,paumeslevéesenguised'avertissement.)Vous
devezresteràunedistancedetrentemètres.—Lafemmequelepyromaneasortieavantdemettrelefeuàl'immeuble.Oùest-elle?Lepolicierregardaautourdelui.—Commentsavez-vousça?— Je travaille avec l'APD sur ce dossier, sous la supervision du détective Robert Davidson.
(Commeilnebougeaitpas,jeluimontraimalicencededétectiveprivéeetlebadgequim'identifiaitcommeconsultantedel'APD.)Est-cequevousvoudriezlenumérodudétectiveDavidson?
Avantqu'iln'aitletempsderépondre,j'entendislavoixd'oncleBob.—Charley!cria-t-il,s'avançantd'unpaslourddansmadirection.(Songenoudevaitànouveaule
déranger.)Jenem'attendaispasàtavisite.D'aprèscequenoussavons,l'immeubleétaitvide,exceptépourcettefemme.Ellen'estpascontented'enêtresortie.
J'acquiesçai. Il devait s'agir de Mme Faye. Et non, elle ne serait pas contente, mais d'autrespréoccupationsmenouaientl'estomac.Çadevaitêtrevisible.
—Qu'est-cequ'ilya,moncœur?demandaoncleBob.Jeluiadressaiunfaiblesourire.—Cen'estpeut-êtrerien.C'estjusteque...J'espèrequecen'estrien.—Machérie,situsaisquelquechoseàproposdecetteaffaire...—Jen'ensuispassûre.Cookieestentraindevérifierencemomentmême.Sijetrouvequoique
cesoit,jet'appelle.Ilhochalatête.—Alors,est-cequeMmeFayeapuidentifierlepyromane?—Non,elleditqu'ilfaisaittropsombre,maisqu'ilétaitgrandetmince.JenedésigneraispasvraimentReyescommeétantmince,maisjepouvaiscomprendrepourquoi
MmeFayel'auraitfait,elle.Elleavaitunevisionétrangedumondequil'entourait.—TonagentCarsonaquelquespistesintéressantesausujetdecescambrioleursdebanques.—Oui,malheureusement.—Desamisàtoi?s'étonna-t-ilenhaussantlessourcils.—De très bons amis àmoi. Enfin, à part pour un. Il veutme fairema fête. Et non, pas au lit,
ajoutai-jeavantqu'ilaitletempsdedemander.—Oh,tuveuxdiretefairetafête,commedans«tefairetafête».—Exactement.—Ehbien,jesuiscontentqu'onaitéclaircicepoint.Commentavancetonautreaffaire?Je lui adressai mon expression vaincue. Celle où mes lèvres donnaient vraiment l'impression
d'apparteniràunefamilledecanards.—Ellen'avancepas.—Désolée,gamine.Fais-moisignesijepeuxt'aider.—Merci,oncleBob.EtsoisprudentavecMmeFaye.Elleaunsacrétourdebras...—Oh,c'estbon,j'enaidéjàfaitl'expérience.Ilsefrottauneépaule.Cettefemmeétaitundangerpublic.Je remontai dansMisery, repassant mentalement ce que je tenais pour acquis. J'avais senti une
odeurdefuméesurReyes.Sontee-shirtavaitétéàmoitiébrûléetilavaitdesgriffuressurlevisage,quelquechosedontMmeFayeétaittoutàfaitcapable,mêmeaveclui.
Pourunefois,jepriaipouravoirtort.Danslamesureoùjenemetrouvaispastrèsloin,jedécidaidepasservoircommentallaitHarper
avantdemedirigerversmonprochainarrêt.Jemarchaidansl'arrière-boutiqueausond'unpistoletàencre qui bourdonnait au loin.L'un d'entre eux devait être en train de travailler sur un ami, parcequ'ilsn'ouvraientpasavantdesheures.
Pariétaitàsonbureau.—Saluttoi,commentvaHarper?—Qu'est-cequetuasfait?demanda-t-elleentâtonnantàlarecherchedeseslunettesdesoleil.—Rien. (Mieuxvalait jouer les innocentesmaintenant,pendantque jepouvaisencoreprétendre
qu'ils'agissaitdelavérité.)Pourquoi?Qu'est-cequej'auraisfait?Ellemitleslunettessursonnezavantdesedirigerversmoiàgrandesenjambées.—Siennaestpartie.ElleestretournéeàLaNouvelle-Orléans.Jereculaienlevantlesmains.—Onn'arienfait.Elles'intéressaitàtoi,pasàmoi.—Elleestpasséehier,tremblanteetterrorisée,enexpliquantquetun'étaispascequetudisquetu
es.(Ellemelançaunregardfurieux.)Commentl'a-t-elledécouvert?Jenepusm'empêcherderemarquerunsouriresurlevisagedeTre,quitatouaitunepieuvresurle
dos d'un jeune client. Son travail était incroyable.Derrière la pieuvre se trouvait un labyrinthe demécanismes à vapeur.Des roues et des engrenages qui s'imbriquaient pour repousser les aiguillesd'une immensehorlogequi recouvrait sonomoplategauche.MaisTre souriaitpourune tout autreraison.J'étaislenteàladétente,parfois.CetypeavaittotalementlebéguinpourPari.IlétaitcontentqueSiennasoitpartie.
JeconduisisParidansunendroitplusprivé.—Monpèreaessayédemetirerdessus.J'aiévitélesballes.C'esttout.—Tonpèreaessayédetetirerdessus?—Seulementdeuxfois.Ellebaissalatête,vaincue.—Siennaetmoi,onavaitvraimentbienaccroché.Jepensaisquec'étaitpeut-êtrelabonne.—Tunelafréquentaisquedepuisunjour.—Etc'étaitunesacréejournée,rétorqua-t-elle,surladéfensive.—Tun'asjamaissongéàchercherquelqu'undeplusproche?demandai-je.—Qu'est-cequetuveuxdire?Commequelqu'undemafamille?Parcequelesgensnevoientpas
çad'untrèsbonœil.—Non,commedanstapropremaison.JefisunsignedumentonendirectiondeTre,quiétaitentraind'ajouteruneombreàuntentacule.Elleplissad'abordlevisagederévulsion,puisellerevitsonexpression, jepouvaisentendre les
rouagess'activertandisqu'ellejetaitdiscrètementunregardpar-dessuslemur.—Ilestcanon.—Tul'asdit.—Maisilesttellement...Jesaispas,c'estunmecfacile.—Etc'esttoiquidisça.Attendsuneminute.(Jeluilançaiunsourireétincelant.)Tuaspeurdela
compétition.—Non.—Si.—Non.—S...
—Boss!criaTre,hilare.Situasfinid'expliqueràCharleyàquelpointjesuisgénial,tonclientauneidéepourlacouleur.
Pariseraidit.—Oh,c'estmoi.DisbonjouràHarperdemapart.—Comptesurmoi.Jemedirigeaiverslachambreàl'arrière,maisHarpern'yétaitpas.Jevérifiaitoutlepérimètre,y
comprisl'avantdelaboutiquedePari.PasdeHarper.Mince.Jecommençaisàmanquerdetemps.DanslamesureoùMmeBeecheravaitétéd'unegrandeaidelorsdemapremièrevisite,jedécidai
deretournerl'interrogerenmeconcentrantcettefois-cisurlamanièredontHarpers'étaitcomportéeàsonretourdechezsesgrands-parentsaprèsquelesLowells'étaientmariés.Jemegaraidevantsamaison,admiraiànouveausesfleursviolettes,puisfrappaiàsaporteenmedemandantoùHarperpouvaitbienêtrepassée.
Mme Beecher ouvrit sa lourde porte en bois, mais resta derrière la moustiquaire, comme ladernière fois. Cependant, aujourd'hui, ma présence semblait l'ennuyer. Je ne pouvais pas lui envouloir.J'ennuyaismêmelesmeilleurs.
—Bonjour,lançai-jeenluiadressantunsignedelamaindefaçonidiote.Cen'estquemoi.Jemedemandaissijepourraisvousposerencorequelquesquestions.
Ellejetauncoupd'œilpar-dessussonépaule,puisdit:—Jesuisentraindefaireàmanger.—Oh,çaneprendraqu'uneminute.Elle acquiesça peu après avoir pincé la bouche. Elle portait aujourd'hui une robe grise qui se
mariaitavecsescheveuxetsesyeux,ainsiqu'untablierjaunepastel.—Merveilleux,merci.J'aicrucomprendrequeHarperétaitrestéechezsesgrands-parentspendant
quelesLowellsontpartisenlunedemiel.Voussouvenez-vousdequelquechosed'étrangeausujetdeceséjour?Est-cequeHarperadonnél'impressionqu'elleavaitsubidessévices?Ouétémartyrisée?N'importequoiquisortedel'ordinaire?
Jesortisànouveaumonbloc-notes,aucasoùellemefourniraitdesdétailscroustillants,parcequelesmeilleursdétailsétaientcroustillants.
—Passpécialement.(Ellehaussalesépaulesetparutréfléchir.)Ellerentraitchaquesoiraprèsêtrealléejoueraveclesenfantsdesvoisinstoutelajournée.Elleaeuunatrocecoupdesoleil.Àpartça,ellesemblaits'amusercommeunefolle.Elleadoraitlarésidencedesesgrands-parents.
Jem'arrêtai,puispassaimalanguesurmalèvreinférieure.—Elle rentrait ? demandai-je, surprise.Vous voulez dire que vous étiez là-bas ?Vous étiez au
domiciledesesgrands-parentsavecelle?Sonsourires'étirademanièreaussifaussequeceluid'unmauvais lifting.Soudainement,chacun
desmouvementsqu'ellefitfutcalculé,chaqueexpressionsoigneusementchoisie.—J'yétais,oui.Jepensaisquevoussaviezcela.—Non.Personnenel'amentionné.Ignorerlepetitpersonnelcommes'iln'existaitpasétaitvraimentsifacilequeça?Une légèrevaguedemalaiseémanadeMmeBeecher,et jeprisconscienceque j'avaispeut-être
mal interprété la source de la peur que j'avais ressentie la première fois que je l'avais rencontrée.J'avaispenséqu'ellecraignaitdemeparleràcausedeMmeLowelletdecequ'ellepourraitfaire.Jen'avaisjamaissongé...
Non,jenepouvaispastirerdeconclusionshâtives.Enplusdufaitquejen'avaisjamaisétébonneautir,ils'agissaitd'unedoucevieilledame.Lesdoucesvieillesdamesneharcelaientpaslesenfants.Ellesne les terrorisaientnine lesmartyrisaientsansraison,etquelle raisonauraitquiconquepouropprimerunefillettedecinqans?
Je décidai d'abattremameilleure carte, pour voir si ellememontrerait samain. J'attendis une
fractiondesecondepuisdis:—Ehbien,quandj'aiparléàHarperilyaquelquesjours,ellen'apasmentionnélefaitquevous
étiezavecelle.Maisvousn'avezrienremarquéquisortedel'ordinaire?Dèsl'instantoùlesmotsfranchirentmabouche,lesémotionsdeMmeBeechersedéchaînèrent,un
peucommesijevenaisdegagnerlejackpotsurunemachineàsous.Maisc'étaitunepro.Sonvisageimpassibleétaituneœuvred'art.L'émotionquipercutaitsafaçade
detranquillitéétaitsemblableàunouraganestivalvudepuislecalmedel'espace.Je restaiplantée làoù j'étais, abasourdie.Lagouvernante?Sérieusement?Elle faisaitunmètre
vingtetétaitaussirondequ'unmuffin.— Je suis désolée de poser toujours lesmêmes questions, continuai-je aprèsm'être rapidement
secouéepourreprendremesesprits.OnsefaitjustebeaucoupdesoucipourHarper.N'importequelleinformationquevousaurezpourraaider.
Elle parut soudain plus fragile que de la porcelaine tandis qu'elle écartait la moustiquaire etboitillaitsurlecôté.
—Biensûr,biensûr.Pardonnez-moidememontrersiimpolie.Entrezseulement.Mêmesavoixtremblaitplusqu'ellenel'avaitfaitquandelleétaitvenueouvrir.Oh,ouais.Çaallaitmalfinir.Jemedemandaisquid'autrese trouvaità l'intérieur.Ungrosgaillardmuscléetgrassouilletqui
s'acquittaitdusaleboulotpourelle?Unefillecingléequisuivaitchacundesesordres?Ellen'avaitpas l'aird'être legenrede femmeà tuerun lapinavantde lemettresur le litd'unenfant,maisdeschosesplusétrangess'étaientdéjàproduites.
Forçantmespiedsàavancer,jepénétraidanslatoiled'araignée.—Puis-jevousoffrirunpeudethé,trèschère?demanda-t-elle.Pourquetupuissesymélangerquelquesgouttesdarsenic?Jenecroispas.—Hum,non,merci,jen'aipassoif.Nousrestâmesdansl'entrée,etjenepusm'empêcherderemarquerlesdix-septmillionsdephotos
qu'elleavaitd'unseulhomme.Ellesreprésentaientsavieentière,del'époqueoùilétaitnourrissonàsaquarantaineenviron.Sonfils,peut-être?Petit-fils?
—Alors,quevoudriez-voussavoird'autre?Ehbien,cequejevoulaissavoir,c'étaitcommentdiablej'allaisprouverquecettecharmantevieille
bonnefemmeavaitmenacéHarperdurantpresquetoutesavie.Maisjenepensaispasqueluiposercette question soit une excellente idée. J'avais absolument besoin de preuves. Ou d'une confessiondétailléeenhautedéfinition.
Elle regarda quelque chose derrière moi, mais je ne parvins pas à déterminer quoi.Malheureusement,jenepouvaispasmeretournerégalementsansavoirl'airsuspecte,etilfallaitquecettefemmecroiequ'ellem'avaittotalementetcomplètementdupée.
— J'ai conscience que c'est bête, répondis-je en levant les yeux au ciel et en lui adressant unsourireencoin,maisMmeLowellinsistesurlefaitquequelqu'unessaiedeluifairedumal.Pouvez-vousmedirecedontvousvoussouvenezdeceséjourchezsesgrands-parents?Pouvez-vousmedirequandlesmenacessupposées(Jemimaidesguillemetsaériens)ontcommencé?
Le soulagement adoucit son sourire. Pour elle, j'étais tout aussi crédule que ses employeursl'avaient été pendant toutes ces années. Mais je devais bien admettre que j'étais on ne peut plussurprise.Pourquoicettefemmeaurait-elletraumatiséunefillettedecinqans?Puiscontinuéàlefairetoute sa vie durant ? À tel point que Harper avait dû être internée ? Cette simple pensée étaiteffroyable.
J'observai lesportraitsquinousentouraient.Peut-êtreavait-elledel'aide.Ilnefallaitpasêtreungéniepourserendrecomptequel'hommesurlesphotosavaitunpetitquelquechosequiclochait.Sesyeuxbleussemblaientunpeutropbrillants.Sescheveuxbrunsunpeutropébouriffés.Sonexpression
un peu trop sauvage. Il me rappelait un gosse de maternelle qui s'appelait Gerald Roma. Il avaitl'habitude de brûler des fourmis à l'aide d'une loupe. Il n'avait jamais été vraiment normal.C'étaitétrangequ'ilaitbrûlélorsd'unecombustionspontanéedurantladernièresemainedenotrepremièreannéedecollège.Lekarmaétaitunepute.
MmeBeecherritdoucementetm'invitaàlasuivre.—Cettefilleetsonimagination,jevousjure!Elleacommencéàraconterdeshistoiresquandelle
avaitenvironcinqansetn'ajamaisarrêtédepuis.Ellesedirigeajusqu'àlacuisine.J'observaitouslescoinsetrecoinsquejerepéraisurlechemin,
essayantd'évaluerceàquoij'avaisaffaireexactement.Parunheureuxhasard,Cookieappela.Sontimingétaitimpeccable.—Jesuisdésolée,dis-jeenappuyantsurl'icônepouraccepterl'appel.Pourriez-vousm'accorder
uneminute?Ilfautquejeréponde.—Faitesseulement,trèschère.Jemeretournaietfisquelquespasendirectiond'uneportejusteàcôtédelacuisine,etjetrouvai
trèsintéressantderemarquerque,plusjem'enapprochai,plusMmeBeecherdevenaitcraintive.—HeyCook,lasaluai-je,pleinedejoieetdebonnevolonté.Mais,avantqu'ellepuisserépondresurlemêmeton,j'enchaînai:—Oui,jesuischezMmeBeecherentraindel'interroger.Cetteaffaireestuneimpasse.Jen'arrive
àtrouveraucunepreuvedecedontHarperLowellparlait.MesmotscalmèrentunpeuMmeBeecher,aussifis-jeencorequelquespasendirectiondelaporte.—D'accord,ditCookie,comprenant.Est-cequetuesendangerimmédiat?—Jenecroispas,maisonn'estjamaissûrderienavecdescascommecelui-ci.—Qu'est-cequejepeuxfaire?—BiensûrquejepeuxallerboireuncaféaveconcleBob.Tupeuxl'appelerpourluidemanderde
meretrouveràl'adressequejet'aidonnée?—Jepeuxtoutàfaitfaireça.Est-cequ'ilfautquej'envoiedessecourségalement?—Oh,non.C'estbon.Dis-luisimplementdeprendresontemps.J'aibientôtfini,ici.—OK,j'appelleObiemaintenant.Soisprudente.—Quoi?TuaimesregarderdeshommesàpoilsurInternet?—Jesuissérieuse.Mince. Elle ne s'était même pas un peu offusquée. À quoi servait le harcèlement si elle ne
s'offusquaitpasàl'occasion?Jeraccrochaietfisencoreunpasendirectiondelaporte.Jenepouvaispasvoirplusloinquel'obscuritéépaissequil'entourait,maisilfaisaitplusfraisiciquedanslerestedelamaison,doncc'étaitpeut-êtreunecaved'unequelconquesorte.Conscientequeriendebonnevenait jamais des caves, j'avais commencé à me retourner lorsque j'entendis un bruit sourd. Unedouleuraiguëexplosadansmoncrâne,puis lemondesemitàs'écroulerautourdemoi tandisquej'expérimentaisunesériedesautspérilleuxetderebondissementsdouloureux.
J'atterrisenunmonceaudecheveuxetdemembreshumainsenbasd'unevoléedemarches trèsmassives.Onpourraitpenserquelepinestunboissouple.Mais,nomd'unpétardosseux,çafaisaitunmaldechien.
Jemerecroquevillaienpositionfœtale,prenantmatêtedansmesmainsetserrantlesdentspourtenterdeluttercontre ladouleurquifusaitdanschaquemoléculedemoncorps.Au-dessusdemoi,j'entendis la porte se fermer, puis les pas légers de Mme Beecher qui descendait l'escalier. Elleavançaitàuneallurequienauraitmispleinlavueàunbébétortue.Elletenaitunepoêleenfonte,etj'étaisrelativementcertainequec'étaitcequiavaitprovoquémonvoyagetumultueuxversl'inconnu.Quiauraitcruquelafonteétaitsidure?
J'avais toujoursbesoindepreuvesquant à son implicationdans le casdeHarper.Àcemomentprécis,toutcequej'avaisétaituneagressionavecunepoêleparunevieillefemmequipouvaitplaiderlafolieetplusquecertainements'ensortirdevantuntribunal.Utilisantchaqueparcelled'énergiequ'il
me restait, je forçai mes muscles à se relâcher afin que mon corps devienne aussi mou que desnouilles.OncleBobétaitenchemin.Peut-êtrequejeparviendraisàrésoudrecetteaffaireavantqu'ilnedébarque.
Mesyeuxs'étaienthumidifiés,etl'airétaitfroidcontreleslarmesquibaignaientmesjoues,maisc'étaitlaseulechosepositivequej'arrivaisàtirerdelasituation.Enfin,çaetlefaitquejepourraissûrementprendreMmeBeecherdevitessedanslepiredescas.Elleavaitdescenduenvironlamoitiédesmarches,aussidécidai-jedepréservermonénergiementaleetdesongeràcommentceseraitdevivredansunmondesurlequellespapillonsrégneraientetoùleshumainsseraientleursesclaves.
Celan'aidapas.Laseulechosequej'avaisàl'esprit,c'étaitladouleurquiirradiaitdeBarbara,moncerveau.Normalement,jeneprêtaisquepeud'attentionàBarbara-ellenesortaitpassouvent-,maisaujourd'hui était son jour de gloire. J'étais persuadée que des morceaux d'elle essayaient des'échapperdeFred,moncrâne.
Profitant du fait que j'étais couchée dans une parfaite imitation de spaghetti, Mme Beecher sedirigea vers des rayonnages et commença à fouiller dans de vieilles boîtes, certainement à larecherched'unescieàmétauxrouilléepourmedémembreravantd'enterrerlesdifférentespartiesdemoncorpsdanscettecavemême.Lesolétaitmeuble.Commec'étaitpratique.
Puisj'entendisautrechose.JerelevailatêteetvisHarperdescendrelesmarchessurlapointedespieds.Jeluifislesgrosyeuxpourl'avertir,maiselleseprécipitaversmoiàlasecondeoùellemeremarqua.
—Charley,chuchota-t-elleenjetantdesregardshorrifiésautourd'elle.Ques'est-ilpassé?—Quefaites-vousici?demandai-je,lesdentsserrées,essayantdenepasbougerleslèvres.Jenesavaispasvraimentpourquoi.Jen'avaisenviederiend'autrequedem'agripperlatêteetme
tordrededouleur.Harper repéraMmeBeecher. Elle posa unemain surmon épaule lorsqu'elle repensa à quelque
chose.—Jemesuissouvenued'undétail,alorsjesuisvenue.—Vousdevezvraimentvousenaller.Ellen'apeut-êtrepasl'airdangereuse,maiscettefemmeaun
sacrécrochetdudroit.(Jel'observaipar-dessusmonépaule.)Fichuetricheuse.Commentdiablea-t-elleréussiàsouleverunepoêleàfrireenfonte?Ellefaitlatailled'uneballedetennis.
Mais j'avais perduHarper. Elle observait fixement le dos deMmeBeecher, le regard à la foisétonnéetanxieux.J'étaisanxieuseégalement,maispouruneraisontotalementdifférente.
—Harper,murmurai-je,essayantd'attirerànouveausonattention.(Heureusement,MmeBeecheravaitl'aird'êtreincapabled'entendreautrechosequ'unrugissementpuissant.)Mabelle,dequoivoussouvenez-vous?
Harperposasesdeuxgrandsyeuxbrunssurmoi,sanstoutefoissemblermevoir.—Sonpetit-fils,répondit-elle,savoixàpeineunmurmure.Deweyétaitunpeuplusâgéquemoi.
Ilhabitaitavecnous.AvecMmeBeecher,danssonappartement.Ladouleurdéclinalégèrement,etlespalpitationsdevinrentpresquesupportables.—Ques'est-ilpassé,machérie?Ilestvenuavecvouschezvosgrands-parentspendantlalunede
mieldevosparents.Est-cequesonpetit-filsvousafaitdumal?Ellesemblaitperduedanssespensées.J'avaispeurqu'ellenerépondepas.Maisellelefitaubout
d'uneminute.—Non.Pasmoi.(Elleposaunemainsursabouche.)Unpetitgarçon.Jecroisqu'ilatuéunpetit
garçon.Je fermai vivement les yeux dans une tentative désespérée de chasser les images que sesmots
venaientdeprovoquer.—MmeBeecheratrouvéDewey.Ilessayaitderéveillerlepetitgarçon,maisiln'yparvenaitpas.
C'estlàqu'ellem'avue.
Jelaregardaiànouveau.—MmeBeecher?Ellevousavueprèsd'eux?—Oui.Onétaitentraindejoueràcache-cachedanslagrange,maisDeweyestdevenufouquand
lepetitgarçonl'atrouvé.Jenesaispasvraimentcequis'estpassé,maisilsontcommencéàsebattre.Deweyl'afaittomberets'estassissurluijusqu'àcequ'ilarrêtedesedébattre.Jusqu'àcequ'ilarrêtede respirer. (Harper ferma les yeux, et des larmes roulèrent sur ses joues. Puis elle sursauta, sesouvenantdequelquechose.)Jesuisvenueici.JesuisvenuedemanderàMmeBeecherpourquoielleavaitfaitça.Pourquoielleavaittoutmisenscène.
Mme Beecher venait apparemment de trouver ce qu'elle cherchait. Elle se dirigeait dans notredirection.Ilfallaitquejemedépêche.
—Harper,qu'a-t-ellefait?Qu'afaitMmeBeecherquandvousétiezdanscettegrange?—Ellem'aattrapée.(Harperobservasesbras.)Elleavaitdesonglesacérés,etelleacommencéà
mesecouer.ElleaditqueDeweyavaittuéunlapinparaccident.Unlapinblanc.Etquesijem'avisaisdeleraconteràquelqu'un,ilmeferaitlamêmechose.Ensuiteelleamislelapindansunevaliseetl'aramenéenvilleavecnous.
Monchocdevaitêtreapparent.Harperhochalatêtetandisquelatristessemiroitaitdanssesyeux.—Maiscen'étaitpasunlapin.Jemesouviensmaintenant.Cepetitgarçonestenterréquelquepart
surnotrepropriété.Dansunevaliserouge.L'air se bloqua dans mes poumons. Cookie m'avait parlé d'un enfant disparu à Peralta à cette
période,etPeraltaet les fermesdeBosqueétaientvoisines. Ilétaitdifficilededireoùcommençaitl'uneetoùfinissaitl'autre.Lecasn'avaitjamaisétérésolu.
Ehbien,ilétaitsurlepointdel'être.Feignanttoujoursd'êtreévanouie,jefermailespaupières,maislesgardaijusteassezentrouvertes
pour observer Mme Beecher qui se dirigeait tranquillement vers moi. J'arrivai à en voirsuffisammentpourdiscernersasilhouettequiavançait.Elletenaitunpicàglace.Unpicàglace.Pourquoifaire,bonsang?Cettefemmeétaitfroide.Harpereneutlesoufflecoupéetsejetasurmoipourmeprotéger.C'étaitunedeschoseslesplustouchantesqu'onaitjamaisfaitespourmoi.
La porte au-dessus de nous s'ouvrit, et un pas lourd se mit à résonner sur les marches.Malheureusement, il nepouvait s'agird'oncleBob. Ilne s'étaitpas écouléassezde temps.EtoncleBobcriaitpresque toujoursquelquechosecomme«APD!Mainsen l'air !»Ce type-làgardait lesilence.
Jeme fis toute petite lorsque l'hommedes photos s'approchademoi.Enpartie parce qu'il étaitgigantesque,presquedeuxfoislatailledeMmeBeecher,maissurtoutparcelesemmerdesvenaientofficiellement de commencer.Maintenant il faudrait que je sois plus rapide que ces deux-là, avecBarbaraquiessayaitdes'échapperdeFred.
—Quiêtes-vous?medemanda-t-il.Il parlait de toute évidence aux spaghettis, puisque j'imitais la nouille mieux que je ne l'avais
jamaisfait.—Cette femme veut t'emmener loin demoi. Nous allons devoir la planter dans la terre, pour
qu'ellepuissepousser.Ilbaissalatête.—Jecroispasquej'aiencoreenviedefaireça.—Jen'aipasenvienonplus,maisj'aibesoindetoiauprèsdemoi,monange.Quid'autrepourrait
sechargerdestravauxd'entretien?Lestravauxd'entretien?—Jesais,grand-maman,mais...Lesputainsdetravauxd'entretien?
—Pasdemais.Maintenant,occupe-toid'ellecommetut'esoccupéedeMissHarper.Ilregardadansuncoindelacave.Endirectiond'untasdeterrefraîche.—Harperétaitgentilleavecmoi.J'étaisd'accorddetondresapelouse,pourl'amourdeDieu.C'étaitvraimentausujetdestravaux
d'entretien?MmeBeecherlevaunbrasettapotasagrosseépaule.—Jesais. Jesais.Maiselleallait tedénoncerà lapolice. Ils t'auraientmisenprison,monpetit
sucre.Qu'est-cequejeferaissanstoi?Ilhaussalesépaules,etelleritdeboncœur,luipinçantlajouecommes'ilavaitquatreans.J'étais
danslesennuisjusqu'aucou.S'agrippantaupicàglacecommesisavieendépendait,ellem'observa.—Attends,parcontre.Jedoism'assurerqu'elleestmorted'abord.Ellemitungenouàterreàcôtédemoi,uneffortlaborieuxquiluipritassezdetempspourqueje
puissesongeràcequisepasseraitsilescalottespolairesfondaient.Aprèsm'êtrefaitmapetiteidée,jemedemandaisijedevraisessayerdem'enfuirouderaisonnerDewey.Ilsemblaitunchouiaplussaind'espritquesonhomologue.
—Dis-moi,oùcrois-tuquesetrouvesoncœur?demandaladitehomologue.BettyWhite?EllevoulaitpoignarderBettyWhite?Je levai instinctivement lesmains pour la recouvrir. Elle était si fragile. Si vulnérable.EtMme
Beechercomptaitl'embrocheravecunpicàglace?Ilfaudraitd'abordmepassersurlecorps.MmeBeecher bondit en arrière sous le coup de la surprise, et j'en profitai pourme ruer vers
l'escalier,jusqu'àcequ'unpoidscomparableàceluid'unebétonnières'abattesurmondos.—Oh,c'estbien,monpetitsucred'orge.Tiens-la.Alors,oùaatterricepicàglace?Harper se précipita en avant, bien décidée à renverserDewey pourm'en débarrasser, et elle ne
compritpastoutdesuitepourquoielleluipassaàtravers.Merde.J'auraisdûluidire.C'étaittoujoursdifficilequandlesgensn'avaientpasconscienced'être
morts.Laréalisationlesmettaitenétatdechoc,et,parfois,jenelesrevoyaispaspendantdesannées.Mais j'aurais vraiment dû lui dire, parce que l'expression stupéfaite qu'elle affichait lorsqu'elle seretournaetessayad'atteindrelatêtedeDeweysanssuccèsmebrisalecœur.
Ellemeregardaànouveau.—Jesuismorte?gémit-elle,savoixlourded'émotions.Elleselaissatombersurlesol,totalementperdue.Je fus pliée par le poids de Dewey, et je me demandai ce que sa grand-mère pouvait bien lui
prépareràmanger.Maisj'étaiscontentequ'elleneretrouvepaslepicàglace.—Jesuisdésolée,Harper.(Lesmotsavaientdelapeineàsortir.)Jevoulaisvousledire.—Quoi?fitMmeBeecher.—J'aiappelélapolice,répondis-jeentordantlecou.Ilssontenchemin.Ellericanaavantdemetournerledos.—Ilmefautplusdelumière.Oùabienpuroulercetruc?—Ilsm'onttuée?demandaHarper,toujoursstupéfaite.Jetendisunemaindanssadirectionetlaposaisursongenou.—Oui.J'ignorelequeldesdeux.Est-cequevousvoussouvenezdecequis'estpassé?—Elleestentraindeparler,grand-maman.—Ehbien,assieds-toiplusfort!Ilsuivitsonconseilenrebondissantsurmondos,et toutcejepuspenserfutOhmonDieu!Où
étaitoncleBobquandj'avaisbesoindelui?Mesentantcommedansunfilmd'horreur,àattendrequedesclownsmaléfiquessurgissentdesous
l'escalier,jetentaidemeconcentrersurlefaitdesurvivreàcedéfilédetarés.—Qu'est-cequetufais?
Jemetournaidel'autrecôtéetvisAnge.Ilmejetaitunregardtotalementdésapprobateur.—J'essaiederespirer,répondis-je,essayantderespirer.Maisl'obscuritérampaitdansmonchampdevision.—Pourquoicetypeestassissurtoi?(IlremarquaalorsHarper.)Oh,salut.Illuiadressaunsignedelatête,maiselleétaitencoresouslechoc.Ellelevasesmainspourles
observer,lestournantetlesretournant.—Jenepensepasquetupuisseslerenverser?demandai-jeàAnge.—Jepeuxtoujoursessayer.—Mais,genre,bientôt?Angefronçalessourcils,puisseconcentrasurDewey.Aprèsquelquessecondes, il lepoussade
toutessesforces.EtDeweyfituneculbute.Nomd'unetarteàlapatatedouce.Jemeprécipitaiànouveauendirectiondel'escaliertoutencombattantlarotationdelaTerre.Elle
s'évertuait à m'envoyer contre le mur, et je compris que j'avais certainement une commotion.Malheureusement, Dewey récupéra et s'élança vers l'escalier, attrapant ma jambe et me faisanttrébucherentirantdessus.
Çaallaitfairemal.Ouaip.Monmentonheurtaunemarche,etmesdentss'entrechoquèrent.Çaressemblaittellementà
desmilliersdefilmsd'horreurquej'avaisvus.Jedégringolaienbasdel'escalier,engrandepartieàcauseduvertigequejeressentais.Jelevailamainetdis:—Ilfautquevousvouscalmiez.CefutàcetinstantqueDeweyenroulasesgrossespattesautourdemagorge.Unjour,ilfaudrait
quejeprenneconsciencequedemanderauxgensdesecalmerprovoquaitexactementl'effetinverse.—Tiens-labien,monange.Jen'arrivepasàtrouvercefichupic.Jevaisdevoirutiliserlapoêle.—Arrêtederéfléchircommeunêtrehumain,mereprochaAnge.—Tunem'aidespas.VachercherReyes.—Jesuislà,ditReyes,dansuncoin.Jeteregardetefairebotterlesfesses.Ànouveau.Son épaisse robe noire ondulait autour de moi, et le mal de mer terrestre que j'expérimentais
empiraenlacontemplant.C'étaitdetouteévidenceleReyeséthéréquiétaitprésent.LesBeechernepouvaientpaslevoir.
Lorsquel'étreintedeDeweyserelâchapendantunefractiondeseconde,j'ordonnaiàReyes:—Faisquelquechose.—Jepeuxbriserlanuquedecettefemme?—Non.—Jepeuxbrisersanuqueàlui?Jedusréfléchirdeuxsecondes,cettefois-ci.MmeBeechersedirigeaitversmoi,poêleàlamain,
prêteàsévir.—Ilfautquetu...sauves...FredetBarbara,articulai-je.AveclesgrosdoigtsdeDeweyautourdemagorge,mavoixressemblaitàcelled'unpersonnage
de cartoon. Un détail qui ne devait pas me rendre très attirante. Sérieusement, combien de tempsReyescomptait-illaisserfaireça?
—J'essaiedetefaireutilisertespouvoirs.—Qu'ilsaillentsefairefoutre,mespouvoirs.Faisquelquechose.Reyessedématérialisaetréapparutàcôtédemoi.J'entendislesifflementdesalame,puislaprise
deDeweydevintmoinsferme,etlasurpriseenvahitsonvisageavantqu'ilnetombesurlesol.Reyesvenaitdeluisectionnerlamoelleépinière,mêmes'ilfaudraitunpeudetempsauxmédecinspours'enrendrecompte.Iln'yauraitaucundommageextérieur.Reyesdécoupaitdepuisl'intérieur.
MmeBeechers'arrêtanet,souslechoc.
—MadameBeecher, l'avertis-jeen toussantetencrachotantcommeuneFiatUno, reposezcettepoêleimmédiatement.
Chapitre19Quandlavietedonnedescitrons,dis:«Descitrons?T'asriendemieux?»
AutocollantpourvoitureOncleBobarrivachezlesBeechersanssepresseretappelauneéquiped'enquêteursdèsqu'ilme
vit lutter contreMme Beecher. Cette femme était vraiment plus forte qu'elle n'y paraissait. Reyess'évertuait àme proposer de lui trancher lamoelle épinière, et Ange n'arrêtait pas deme répéterd'arrêterderéfléchircommeunêtrehumain,quoiquecelapuissesignifier.
AprèsavoirregardéoncleBobtaclerMmeBeecherausol-unsouvenirquejechériraisjusqu'àlafindemavie-,jeluifismadéposition,puisilmeconduisitaumanoirdesLowell.Harperétaitsurlesiègearrière,ruminantencoresonpropreétonnement.Deuxvoituresdepatrouillenoussuivaient,etun autre détective du commissariat d'Obie était en route pour nous rejoindre là-bas. Les Lowellallaientêtrescandalisés.
Je n'étais toujours pas sûre de qui avait réellement terroriséHarper -MmeBeecher, ouDeweysouslesordresdeMmeBeecher-,maiscelan'avaitplusvraimentd'importancedanslegrandordredeschoses.Aucundesdeuxneseraitenmesurederecommencer.
OncleBobposaunemainsurlamienne.—Bon,raconte-leurjustequeDeweyt'aexpliquéoùlecorpsdugarçonsetrouve,d'accord?—Tudisçacommesijenel'avaispasdéjàfaitunmillierdefois,rétorquai-jeavantd'avoirdes
frissonsenentendantmaproprevoix.Avoirlelarynxécraséproduisaitvraimentundrôled'effet.—Jesais.Désolé,chérie.—Cen'estpasgrave.Harperditqu'ellesesouvientoùestenterréelavalise.Duseulendroitoù
ellepeutl'être.Deweyacommencéàtravaillersurunnouveaujardinquandilssontrevenus.Çadoitêtrelà.
Ilseretourna,uneexpressionsoucieusesurlevisage.—Çanevapasêtrejoli,mapuce.Situveuxyaller...—Ohqueouijevaisyaller.DèsqueHarpernousauramontrélatombe,jemetire.—Alorsc'estvraimentlafin,fitHarper,acceptantsontrépas.Jemetournaipourlaregarder.—Jesuisdésoléequevoussoyezmorte,mabelle.—Vousavezsutoutcetemps?Quej'étaismorte?—Oui.C'estmonmétier.—Personned'autrenepeutmevoir?Jesuis...Jesuisunfantôme?—J'enaibienpeur.Maisvouspouvezmetraverserquandvousvoussentirezprête.Votrefamille
vous attend de l'autre côté. Votre mère. Vos grands-parents. Ils seront vraiment heureux de vousrevoir.
Ellehochalatête.—Jesais.Jecroisquej'aisuqu'ilsm'attendaientpendanttoutcetemps.(Savoixsebrisa.)Jeme
demandedepuiscombiendetempsjesuismorte.—Ehbien,vousêtesvenuemevoirilyadeuxjours,maisMmeBeechersavaitquevousaviez
disparu depuis plus longtemps que ça. C'est comme ça que j'ai compris que c'était elle. Votrethérapeutem'aditqu'ilvousavaitvupourladernièrefoisàsonbureauilyaprèsdedeuxsemaines.
Doncçadoitfaire...— C'est ça. (Elle regarda droit devant elle, en pleine réflexion.) J'étais en séance avec le Dr
Roland,et je luiparlaisdufaitque jecomptaispartirenvoyage. Ilm'ademandédequellecouleurétaitmavalise,ettoutm'estrevenud'uncoup.Deweyquituaitcegarçon.MmeBeecherquilemettaitdanscettevalise.(Elleserecouvrit labouched'unemain.)Quelgenredepersonnesfaitça?Elleavécuavecnouspendantplusdevingtans.Commentavons-nouspunerienremarquer?
—J'aiétévraimentétonnéemoi-mêmequandj'aicomprisqu'elleétaitimpliquée.Jepensequ'elleesttrèsdouéepourleurrerlesgens.
Lavoitures'arrêtadevantlehaut-parleur.— Quoi que tu fasses, avertis-je oncle Bob, ne commande pas un taco. Ils sont vraiment très
sensiblesàcesujet.Ilacquiesça,sortitsonbadgepourlemontreretdit:—Ouvrezceportail.J'aiunmandat.Et leportail s'ouvrit.Aussi facilementqueça.Sansmarchandage,sansautre formedeprocès. Il
fallaitvraimentquejedevienneunevraiepolicière.Lapaieétaitprobablementbienmeilleure.MmeLowellnousrejoignitsurlesmarchesdesonperron,toutcommesonfils,Art.Ilétaitvêtu
d'un élégant costume et d'une cravate, etMmeLowell était également tirée à quatre épingles. Elleportaitunelonguerobedesoiréeetdesperles.Onvenaitdetouteévidenced'interrompreleurdîner.
—Quoi,encore?demanda-t-ellelorsquejesortisdu4x4d'Obie.Cederniersedépêchadecontournerlevéhiculepourseprécipiterverselle.Malgréleurstenuessidécontractées,ilsavaientl'airextrêmementtendus.J'euslasensationqu'ils
étaiententraindesedisputerlorsquenousétionsarrivés.—Madame Lowell, nous avons des informations concernant un enfant disparu depuis plus de
vingtans.Nouspensonsqu'ilestenterrésurvotrepropriété.Elleexpulsabruyammentl'airdesespoumons,indignée.—Oh,pourl'amourde...— Votre ancienne gouvernante, la coupai-je avant qu'elle ne s'investisse trop dans une longue
tirade,l'aenterréici,sachantquepersonneneviendraitfouinersurvotreterrain.Pourquoil'aurait-onfait?LegarçonétaitoriginairedePeralta.
Elles'immobilisaetmedévisageacommesij'avaistotalementperdul'esprit.JeregardaialorsArt,conscientequ'ilprendraittrèsmallamortdeHarper.
—Pouvons-nousentrer?luidemandai-je.—Jen'arrivepasà joindreHarper,dit-il tandisqu'ilnousfaisaitsignede lesuivreà l'intérieur.
Ellenem'apasrappelédepuisplusd'unesemaine.Luiavez-vousparlé?J'avalailaboulequej'avaisdanslagorge.—C'estl'autreraisonpourlaquellenoussommesici.Deuxheuresplustard,j'étaiscachéedanslasalledebainsdesLowelltandisqu'uneéquipechargée
decreusersortaitunevaliserougedusolretourné.ElleétaitexactementlàoùHarperavaitditqu'elleserait,dansuneportiondujardindontDeweys'étaitoccupépendantplusdevingtans.ÀladifférencedeMmeBeecher,lesactesdeDeweytémoignaientduremordsetdesregrets.
Une équipe entière avait été dépêchée sur la scène, et des cameramenet denombreux reportersl'avaientsuivie.J'étaispresquedésoléepourMmeLowell.ÇaallaitdéfinitivementfairetachesursonCV,peuimportaitàquelpointelleétaitinnocente.MaislorsqueoncleBobluiappritquelecorpsdeHarperavaitétéretrouvé,lacarapacedanslaquelleelles'étaitenferméecommençaàsefendre.Ellesemblait si choquée, si dévastée, que sa douleurme plia presque en deux. Elle tenait réellement àHarper.C'étaitimpossibleànier.
Jesavaiségalementqu'ellen'avaitrienàvoiraveclamortdecepetitgarçonouaveclamanièredonttoutavaitétécamoufléenconséquence.Sasurpriseétaitabsolumentsincère.
Artprit trèsmal ledécèsdeHarper. Il s'enfermadansunepièce à l'étage,maismême lesmursépaisdumanoirdesLowellnepouvaientbloquerlesvaguesdedouleurquis'échappaientdelui.
Etjerestaislà,cachéedanslasalledebains,àdésespérémentessayerderespirerdanslesdébrisd'une famille brisée.Leur souffrance ne faisait que commencer, etmême si je n'étais toujours pasautoriséeàvoirM.Lowell,jeressentaissatristessedescendrel'escaliercommeunbrouillarddense.
—Jenepeuxplusresterici.Je me retournai vers Harper. Elle était devant la fenêtre et observait l'extérieur, là où les
travailleursexcavaientlesoletoùunedizained'officiersentouraitlazoneprotégéepardesrubans.—Jedoispartiravantdeneplusenavoirlaforce,ajouta-t-elle.Jeneressentaispasaussibienlesémotionsdesdéfuntsquecellesdesvivants,pasavantqu'ilsaient
traversé, mais l'anxiété qui tordait ses traits valait mille mots. Elle leva la tête en direction dudeuxièmeétage,etjecomprisqu'elleétaitinquiètepourArt.
—Ilestamoureuxdevous,luidis-je.Elletournaversmoiunregardsurprisavantqu'unsouriretristenesedessinesurseslèvres.Elle
étaitvraimentmagnifique.—Ilm'aavouéquec'étaitlui,votrecontact.Elleacquiesça.—Oui.Noussommesrestésencontacttoutcetemps.Ilestmêmevenumerendrevisitequelques
foissurl'île.—Pourquoiest-cequevousnevousêtesjamaismisensemblepourdebon?demandai-je.—Nousl'avonsfait.Apeuprès.Quandjesuisrevenue,Artainsistépourqu'onsemarie,maisje
nepouvaispasmefaireàl'idéeque,pourlasociété,nousétionsfrèreetsœur.Jeluiaifaittellementdemalenluidisantquejesouhaitaisattendre.
—Jesuissincèrementdésolée.Lafamilleétaitsiimportante.S'ilyavaitbienunechosequej'avaisappriseaucoursdestroisjours
quivenaientdes'écouler,c'étaitcelle-ci.Harpers'approchademoi,demanièredécidéeet,aprèsavoirjetéundernierregardendirection
d'Art,elletraversa.Jenevispaslatristesseetlapeurdontelleavaitsoufferttoutescesannées.Jenelavispasêtreterrorisée,nilescauchemarsdontelleavaitelleavaitétévictimeaprèssonséjourenhôpitalpsychiatrique.Ceque jevis fut sonpèrequi la soulevait et laportait sur sesépaules tandisqu'elleluiindiquaitlecheminàsuivreentrelesarbresàl'arrièredelamaison.Jevissonchien,ungolden retriever du nom de Sport, qui avait l'habitude de lui lécher les orteils jusqu'à ce que leschatouillesaientraisond'elle.EtjevislapremièrefoisoùArtl'avaitembrassée.Elleétaitaulycéeetassistait à un de ses matchs de basket-ball. Il avait été blessé durant la partie, et il se trouvait auvestiaire.Elles'étaitprécipitéepourvoircomment ilallait.Avaitmanquéd'airquandelle l'avaitvusurunecivière.Faillis'évanouirlorsqu'elleavaitremarquélabossequeformaitsonbras,danssonécharpe,l'ossaillant,prêtàromprelapeau.
Ils'étaitrecouvertlesyeuxdesonbrasvalide,cachantsoninquiétude.Elles'étaitélancéeverslui,etilavaitposésamainàl'arrièredesatêtepourl'attireràluijusqu'àcequeleurslèvresserejoignentavantqu'ellecomprennecequiétaitentraindesepasser.
Puiselledisparut.Enéternelle romantique, lespeinesd'amourétaientmaperte. Jeme laissaiallerauxsanglotset,
lorsquejemesentisassezremisepouraffronterlemondemalgrémesyeuxassezgonfléspourfaireconcurrenceàmamâchoire,jesortisdelasalledebainsetdemandaiàunofficierdemereconduireà lamaison. Les Lowell auraient beaucoup de choses à régler dans les semaines à venir, et je nepouvaisqu'espérerqu'Arts'ensortirait.Sij'encroyaislessouvenirsdeHarper,ildétestaitlechocolat,maisjedécidaidenepasluientenirrigueur.Personnen'étaitparfait.
Mais,vraiment?Lechocolat?
Alorsquejemontaidanslavoituredel'officier,j'entendisunevoixfémininefamilière.—CharleyDavidson.Jeme raidis avant deme tourner en direction de l'agent Carson, qui était en train de traverser
l'allée pourme rejoindre.C'était logique que leFBI soit présent. Il s'agissait d'un cas de personnedisparue,aprèstout.
—Bonjour,agentCarson.Avantqu'ellen'aitleloisirderépondre,oncleBobnousrejoignit.—Tut'envas?—Oui,oncleBob.Tutesouviensdel'agentCarson.Ellepritlamainqu'illuitendait.—Détective.Votrenièceaundonpourrésoudrelesvieillesaffaires.Ilsourit,pleindefierté.—Eneffet,elleestdouée.—Jesuisimpressionnée,commed'habitude.Unjour,ilfaudraquevouspartagiezvossecrets,me
dit-elle.—Jepourraisvouslesrévéler,maisaprèsilfaudraitquejevoustue.—C'estdebonneguerre.Jemedemandaissivousaccepteriezderegarderquelquesdossierspour
moi. L'un d'eux est très ancien et toujours non résolu, et l'autre est une affaire qui me tientpersonnellementàcœur.
Jehaussailesépaules.—Biensûr,tantquevousneplacezpastropd'espoirenmoi.—Jenelaissejamaismonespoirm'échapperdesmains,sic'estcequevoussous-entendez.—Danscecas,vouspouvezlesapporter...(J'avaisfaillidire«àmonbureau»,avantdeprendre
consciencequejen'enavaisplus.)Vouspouvezlesapporteràmonappartement.—Ousonbureau.JemeretournaietvisPapas'approcherdenous.Ils'arrêtaàlahauteurd'oncleBob,uneexpression
penaudemais pleine d'espoir sur le visage.Obie l'avait sûrement appelé quand il avait appris quej'avaisétéblessée,maisjen'étaispassûredepouvoirgérerlaprésencedemonpèreencemoment.J'avaisdéjàbienassezmalaucœur.Etàlatête,également.Etmesyeuxétaientpoisseuxetgonflés.
Ilmitlesmainsdanssespoches.—Tuvasbien?demanda-t-il,etjemedemandaialorscequ'Obieluiavaitraconté.—Jepètelefeu.— J'en suis ravi.Et je te fais réintégrer tes bureaux. Faire semblant de pouvoir te tenir à l'œil,
mêmesi c'estunconcept totalement ridicule,me rassurera.Et tupourrasme jeter tous les regardsnoirsquetuveux,mefairedesgrimacesquandj'aurailedostournéetmedétesteràtoutjamais,mais,lorsquetuserasprêteàparler,jeserailà.Sanstejuger,etsansarrière-pensées.
J'observailagrandepropriétédesLowell.—Sijetefaisdesgrimaces,papa,ceneserapasquandtuasledostourné.Ilhochalatête.—Jeviendraicherchertesaffairesceweek-end.L'agentCarsonhaussalessourcils,intriguée.—Parfait,jepasseraidéposerlesdossierslasemaineprochaine,siçavapourvous?—Çamesembleunebonneidée,répondis-jeenm'asseyantdanslavoituredepatrouille.Papavoulaitmeraccompagneràlamaison.Jepouvaissentirsonenvieépaissirl'air,sonbesoinde
seretrouveravecmoi,maisc'étaitunepilulequ'ilmefaudraitavalerenpetitsmorceaux.Pourtant,jerepensai à Harper. Les souvenirs de son père, malgré l'indifférence apparente de sa belle-mère.J'avaislesentimentquemonpèreetmoiserionsdenouveaulesmeilleursamisdumondeunjour.
Jeregardaiànouveaul'agentCarson.—Commentsepasselecasdelabanque?
OncleBobluisourit.—Vousvousoccupezdecambriolages?Çanevapasunpeuàl'encontreducodedeconduitedu
FBI?Elleluisouritàsontour.—Ahbon?Onauncodedeconduite?Personnenem'avaitavertie.(Ellemetenditsacarte.)Cette
affaireestpluscomplexequej'auraisespéré,maisvousaviezabsolumentraisonàproposdelataupe.Maintenant,ilresteàleprouver.(Elledésignasacartedumenton.)Utilisez-lasivousentendezautrechose.
Je lui adressai un clin d'œil, puis fermai la portière avant que quelqu'un d'autre se pointe demanièreinopinéeetmebriseunpeupluslecœur.
Cookieappelasurlecheminduretour.Jerépondisendisant:—Plusdepoêleàfrireàlamaison.Jamais.—C'estcompris.Jefaisunmémodesuite.Commentças'estpassé?—C'étaitépuisant.EtMmeLowelln'estpaslemonstrequej'avaisimaginé.—Peut-êtrequeDenisenel'estpasnonplus.—Sérieusement?—OK,jelaissetomber.Redis-moisituasbesoindequelquechose.Commed'unsacdeglace.Jesursautai,prisedepanique.—Tuviensdedirepicàglace?—Non.—Parcequejeneveuxplusvoirunseulpicàglaceàlamaisonnonplus.Jamais.—C'estcompris.Jefaisunmémodesuite.L'officier,quiétaitrestésilencieuxjusqu'àprésent,Dieumerci,medéposadevantl'entréedemon
immeuble.Jeluiadressailesourireleplusreconnaissantdontj'étaisencorecapable,puismedirigeaivers une longuedouche chaude et une tassede café corsé.Mais, naturellement, à la secondeoù jesortis du véhicule de patrouille, je fus frappée par une myriade d'émotions négatives que j'avaisapprisàassocieràdesindividusténébreux.Desindividussauvages.Desgenspossédés.
J'avaiscommencéàrentrerdanslavoiturelorsquej'entendisunevoixàl'accentanglaisprononcés'éleverdesombrestropprochesdemoi.
—Jem'abstiendrais,sij'étaisvous.Génial.C'étaitmonnouvelamiduvieuxcontinent.Jesavaisquelajournées'étaittropbienpassée
jusque-là.Mavien'avaitétéendangerqu'àuneoudeuxoccasions.C'étaitlegenredetrucquivenaitpartrois,engénéral.
L'officierseretournapourm'observer.—Toutvabien,madameDavidson?J'avaistellementenviedeluidirelavérité,maisiln'auraitrienpufairedetoutemanière,etsavie
seseraitretrouvéetoutaussiendangerquelamienne.C'estpourquoijerépondisplutôt:—Oui,merci.Jerefermailaportièreetleregardais'éloigner.Unsentimentdehainepurevibraitdansl'airtout
autourdemoi.Jepouvaissentiraumoinsquatrebêtesàproximité,peut-êtremêmecinq,tapiesdansl'ombre,craignantlalumièremalgrélefaitqu'ellesétaientprotégéesparlachairdel'humainqu'elleshabitaient.
L'Anglaissortitdel'obscuritépours'avancerdansmadirection.—Brave petite,me félicita-t-il, et jeme demandai soudain comment était cet Anglais lorsqu'il
n'étaitpaspossédé.Unechoseétaitsûre,ils'habillaitavecclasse.Maiscen'étaitpaslui.C'étaitunimposteur,unsous-
fifre échappé de l'Enfer. Un démon. Je pliai les doigts sur les hanches,mais, à nouveau, Hedeshim'arrêta.
—Etn'appelezpasvotrechiennonplus.Celafiniraitmalpourvousdeux.Disait-illavérité?Pouvait-iltuerArtémis?—J'enconclusqueReyesn'apasarrêtédechasservosanimauxdecompagnie.—Voussaviezqu'iln'enferaitrien.Ilavaitraison.Jelesavais.—Reyesnem'écoutepasvraiment.Il se pencha vers moi pour humer mes cheveux. Il prit une profonde inspiration, frottant
pratiquementsonnezcontremagorge,sedélectantdel'odeur,alorsqueluipuait lesœufspourris.J'essayaidenepastressaillirquandsonparfummebrûlalesnarines.
Lorsqu'ilparlaànouveau,l'odeursefitplusintense.Suffocante.— Si je pouvais, commença-t-il d'une voix douce et sincère, si j'avais seulement le temps, je
lécheraislapeursurchaqueparcelledevotrepeauavantdemordredansvotrechair.Maislegarçonnevaplustarder.
La lunebrillaitcommeune lameargentée.Une lame trèssemblableàcellequ'EarlWalkeravaitutiliséesurmoi.Lapeurquienvahitmesmembresàcetinstantfrappasifortetsivitequelescoinsdemon champ de vision devinrent totalement flous. J'avais envie de partir en courant,maisHedeshisemblaitcomprendrechacunedemespensées.
Ilposaunemainsurmonépaulepourm'immobiliser.—Jeleferaidemanièrerapide,Dutch.Vousnesentirezpratiquementrien.—Ouais,raillai-je,lavoixtremblante.Jemesuisdéjàtrouvéedumauvaiscôtéd'uncouteau,etje
mevoisobligéedenepasêtred'accordavecvousàcesujet.Il fitquelquespasàcôtédemoi, jusqu'àceque jepuissediscernersonvisage. Iln'étaitpas très
grand,maisjesavaisqueledémonquisecachaitàl'intérieurluidonnaituneforceincommensurable.Unsourirepleind'humourétiraitseslèvres.
—Vousavezprobablementraison.Sa main tremblait d'excitation lorsqu'il éloigna le couteau pour prendre de l'élan, et j'espérai
soudainquepapas'enremettrait.Demamort.Ceseraitsûrementtrèsdurpourlui.C'étaitétrangequejepenseàçaàcemomentprécis.Serrantlamâchoire,jedécidaidedonnertoutcequej'avais.Sijedevaismourircesoir,jeleferai
enmebattant.Ouencriantdedouleur.Auchoix.La lame se précipita en avant, prête à s'enfoncer dansmon estomac, ce quimemit aussitôt en
pétard.J'avaisentendudirequelamortparplaieàl'estomacétaitunemanièrevraimentdouloureusedes'enaller.Reyesavaitraison.Cestypesétaientdesmenteurs.Avantd'avoirletempsderéfléchiràcequejefaisais,jebloquaisonattaqueenrepoussantsamainsurlecôtéàl'aided'unedesmiennes,détournantl'issuedelasituation.Jecommençaiàmetordresurplace,faisanttoutmonpossiblepouréviterlapointeaiguiséeducouteau.
Je fus tout de même blessée. La lame glissa sur mon avant-bras, tranchant ma veste avant demordredansmachair.Lapiqûredumétalricochadanstoutmoncorps,maisHedeshiramenal'armeauprèsdeluiafind'essayerànouveau.Ilperditlecontrôlependantuninfimeinstant,etledémonàl'intérieur de l'hommeglissa sur le côté.Cette visionm'étourdit pendant quelques secondes.Assezlongtempspourqu'ilenfoncelecouteaudansmonflanc.Jerevinsaussitôtàlaréalitéetlerepoussaidetoutesmesforces.Puisjememisàcourir,parcequeçameparaissaitêtrelameilleureidéesurlemoment.
Ilnes'agissaitpasd'undémonordinaire,mêmesiçasemblaitridiculeàdire.Sacarapacen'avalaitpaslalumièrecommelevided'unenuitsansétoiles.Aulieudeça,sacarcassenoireetlisseluisaitcommesielleétaitrecouverted'unefinepelliculerougetranslucidequibrillaitd'unéclatiridescent.Ilétaitquelquechosed'autre.Quelquechosedeplusélevédanslahiérarchie.Depluspuissant.
—Deplusvieux,enfait.
—Reyes,chuchotai-je.Je tombai, ce quimemit hors d'atteinte d'Hedeshi, et, quand je pivotai, je remarquai queReyes
s'était interposéentrenous.Pas étonnantque jene saignepasd'unedizainedenouvellesblessures.Reyesretenaitlebrasdel'homme,etlaforcepurequ'ilspossédaienttouslesdeuxfaisaittremblerlaterreendessousdenous.Jebattisenretraite,maism'arrêtaitoutaussivitelorsqu'unsoufflechaudmefouettalanuque.
Fermantvivement lesyeux, j'appelaiArtémisd'unevoixquin'étaitquel'ombred'elle-même.Magardiennes'élevadusolàcôtédemoietsejetaaussitôtsurledémonquisetrouvaitdansmondos.Desgrognements puissants et gutturaux semélangèrent à une série de cris inhumains alors que ledémonétaitarrachéducorpsd'unefemme.
HedeshietReyessemblaientn'avoirmêmepasremarqué.Ilssetenaientlà,maintenantfermementles bras de l'autre, en se dévisageant. L'énergie qui émanait d'eux semblait faire onduler le tempsautourdemoi.Leurimagesetordit,sedéforma,puisrevintàlanormale.Jeclignaidesyeuxpouréclaircirmavision.Pourmeconcentrer.
Lafemmeétaitétendue,sansconnaissance,maisjesentaisqued'autresdémonsn'étaientpasloin.Aucunn'osaits'approcher,malgrélefaitqu'ilsenmouraientd'envie.Jepouvaissentirleurdésir,leurpulsionsisingulièrepalpitertoutautourdemoi.Ilsétaientassoiffésdemonsangcommeundésertl'estd'eau,etmapeurlesmettaitdansunétatdefrénésietotale.Maisilsseretenaient,s'empêchaientdesuccomber.Artémisétait troppuissante.Ellevenaitde sedébarrasserde l'und'entreeux,etelleétaitàprésentsurmoi,dosvoûté,àmeprotéger.
Àattendre.Àespérer.—Tunepeuxpasgagner,ditHedeshi.Reyespenchalatête.—Tuoubliesquijesuis.—Pasdutout.(Ilsourit,lesdentsserréesàcausedel'effortqu'ilfournissaitpoursedéfendredela
prisedeReyes.)Tues legarçonduvillagequis'estperduenserendantaumarché.Tesouviens-tupourquoituesici?Delaraisonpourlaquelletonpèret'acréé?
Unenouvellevaguedehainefitondulerl'air,accompagnéedelachaleurdeReyes.—Ilm'acrééafinquejepuissem'enfuirdel'Enfer.—Cen'étaitquelamoitiéduplan.L'autrepartievisaitàtefairetrouverleportail.(Ilm'indiquadu
menton.)Ceportail-là.Pourquoipenses-tuqu'il t'aenvoyé ici? (IlsepenchaendirectiondeReyesjusqu'àcequ'ilsseretrouventpresquenezànez.)Toiplutôtqu'unautre?
Reyesrecula.—Ilm'aenvoyéchercherunportail,n'importelequel.Paselle.Ilnesemblaitplusaussisûrdelui.Ilfronçalessourcils,pensif.L'Anglaiscommençaàrire.—Tuasvraimentoublié,n'est-cepas?—Jemesouviensdetout,commelefaitquetoutcequevoussavezfaire,c'estmentir.—Elle fait partie de la royauté,mon garçon. Elle est le pion le plus précieux sur lequel nous
pouvionsespérermettrelamain.Ettupensesquetupeuxlagarderpourtoi?Reyesluiadressaunsourirecomplice.—Elleestégalementlapluspuissante.— Exactement, approuva Hedeshi, les yeux soudain brillants d'espoir. Songe à ce que nous
pourronsaccompliravecelle.Avecvousdeux,réunis.Ilnes'agitquedeça.Çaatoujoursétélecas.(Ilrelâchalecouteauetentoural'arrièredelatêtedeReyesdesdeuxmains, l'attirantjusqu'àluienuneembrassadefraternelle,leursfrontssetouchantdemanièreaffectueuse.)Nousseronsinvincibles,monseigneur.Lemondeseraànospieds,ettonpèregouverneraenfin.
Disait-il lavérité?Est-cequeReyesavaitétéenvoyépourmoienparticulier?Ildutsentirmes
doutes,carilseretournalentementpourm'observerducoindel'œil.—Rappelle-toidecequ'ilssont,Dutch.Decequ'ilsfont.—Jem'ensouviens,luiassurai-je.J'essayai de m'extraire de sous Artémis, mais elle posa une lourde patte sur ma poitrine pour
m'immobiliserausol.—Sérieusement?luidemandai-je,etellesepenchaenglapissantpourmelécherlevisage.Jel'attiraiàmoipourluifaireuncâlin,enpartiepourlarassureretluiprouverquejeneluien
voulaispas,etenpartiepouravoirunemeilleurevuesurlesdeuxhommesquisetenaientdevantmoi.Cefutàcetinstantquejeremarquaiquelecouteauétaittombé.PassurlesolcommeHedeshil'avaitescompté,maisdanslamaindeReyes.
Il agrippa la tête de l'Anglais comme s'il souhaitait lui rendre son accolade et lui enfonça lecouteaudans lesentraillesenunmouvementplus rapideque l'éclair.Hedeshi ledévisagea,bouchebée,sincèrementsouslechoctandisqu'iltrébuchaitenarrière.
—Turefuseraisletrôneàtonpère?—Ilneluiajamaisappartenu,réponditReyesenplongeantànouveaulalamedanssonventre.Avantdelaremonterjusqu'àsontorse.Uninstantplustard,lecouteauémergeajusteendessousdu
mentondel'Anglais.Hedeshimeregarda,lesyeuxhumidesdedouleur.—Souvenez-vousdecequejevousaiditàsonsujet.Jetentaidecalmerl'horreurquelavisiond'unhommesefaisantdécoupermeprovoquait.—Jeferaiunnœudàmonmouchoir.Unnouveaucoupdepoignardluiarrachaungémissementdésespéré.—Iln'estpascequevouspensez.Je songeai à mon père. À Harper, Art et Pari. À presque toutes les personnes que j'avais
rencontréesaucoursdemavie,etjeluirépondisaussisincèrementquejelepus:—Personnenel'estjamais.Reyesl'embrassaànouveauetplongealecouteaudanssonflanc.—Tapremièreerreuraétédevouloirt'enprendreàelle,luidit-ilàl'oreille.Hedeshitoussa,parfaitementconscientdufaitqu'ils'agissaitlàdesonderniersouffle.—Etladeuxième?demanda-t-il,dusangluidégoulinantdelabouche.—D'avoircruquetupourraistrompermavigilance.L'Anglaissouritetordonnad'untondoux:—Attaquez-les.Etcefutàpeuprèsàcetinstantquel'EnfersedéchaînasurTerre.
Chapitre20Metscetteputaind'crèmedansl’panier.
Tee-shirt
Cinqautrespersonnespossédées seprécipitèrenthorsdesombres commedesmaladesmentaux
affolés tandis que Reyes se séparait en deux entités distinctes. Son corps éthéré se dématérialisa,plongeadansl'Anglais,etarrachaHedeshid'unmouvementféroce.Soncorpsphysiques'élançadansl'obscuritéafindesechargerduplusgrosdesdémonsquiapprochaient,unhommequiressemblaitàun sumo. Ils atterrirent violemment sur le sol et devinrent vite flous, leurs bras et poignets semélangeantàtoutevitesseetcréantundrôled'imbroglio.
Malheureusement,Artémisutilisamonestomaccommeplateformedelancement,medébarrassantd'un rein nommé Perceval, et peut-être bien d'Harold également,ma rate. Jeme recroquevillai enserrantmonventreavantdeme releverdifficilementetd'attraper lapremièrechosequime tombasouslamain,unrâteauàfeuillesquiétaitappuyécontrelemurdel'immeuble.
Ce fut à ce moment que je remarquai que Mme Allen était sortie pour que PP, son canicheminiature, puisse faire popo. PP devint fou furieux en observant l'action. Mme Allen lui cria derentrer,maisPPn'étaitplusenmesured'écoutercequ'elleluidisait.Jefussisurpriselorsqu'ilattaquaunhommeà la carrure imposantequi sedirigeait versmoique je fis unbond en arrière.Ce typepesaitassezlourdpourêtreprisausérieux.Pasautantquelesumo,maisjenel'auraismêmepasdéfiéaucombatdepoucessimavieendépendait.
Il s'était mis à ramper dans ma direction sur ses mains et ses genoux, me pointant alors qu'ilavançaitdemanièreméthodiqueet lente, lavictoiresiproche, sidouce,qu'ildevaitavoirenviedesavourercetinstant.PPaboyaetbondit,enfonçantsesgencivessansdentsdanssonoreille.
L'homme juraetdégagea lechien,maisArtémisprit la relève.Elle s'étaitdéjàdébarrasséed'unautre démon, et un type d'à peu près mon âge était étendu sur un des petits carrés d'herbe quis'alignaientlelongdel'immeuble,sansconnaissance.Ellesejetaalorssurl'hommepluscostaud,sesgrognementsderagesuffisantàmeprovoquerlachairdepoule.
JeregardaiReyesetledémon.Unêtreéthéréencombattantunautre,sarobenoirel'enveloppantetrendant lamajorité de l'affrontement impossible à observer.Mais ce que je discernais était irréel,commevenud'unautremonde,etmonespritavaitdelapeineàanalyserceàquoiilassistait.Leursmouvementsétaientsirapides,sifluides,quec'étaitcommecontemplerdeuxocéansquientraientencollision.Puisjejetaiuncoupd'œilàsoncorpsphysique.Ilretenaitlesumoparunepriseàlatête,ungenouenfoncédansledosdel'homme.L'instantd'après,lanuquedecederniersebrisaenémettantunbruitaigulorsqu'ellepivotasurlecôté.Ils'effondraaussitôtsurlesol.Maisjesavaisqueçanedureraitpas.Ilseraitsurpiedd'iciquelquessecondes.
Je détournai les yeux. Le corps de l'Anglais était étendu sur le trottoir. J'agrippai le râteau etm'approchaiducadavretandisquePPs'enprenaitàunefemmepossédée.
Recroquevillée à quelques mètres de moi, elle avait l'air troublée. Elle me voulait, mais ellesemblait ignorer pourquoi. Et lorsque PP lui mordit les doigts, elle le jaugea d'un regard vide,commesielleessayaitdesesouveniroùellesetrouvait.
Jeprofitaidelapausepourallervérifierquel'Anglaisétaitmort,maisjecomprisquec'étaitbeletbienlecasaprèsavoirfaitquelquespasdanssadirection.Cefutàcetinstantquejeréalisaiqu'undes
autrespossédéss'étaitemparéducouteau.Ilseprécipitaitsurmoi,lafaimbrillantdanssesyeux.Jemeprojetaienavantenbrandissantlerâteauetlerencontraiàmi-chemin.Jevoulaisjustel'arrêter.Leralentir.
Lespointesdurâteauéraflèrentsonvisage,maisneluiinfligèrentpratiquementpasdedégâts.Jeparvinstoutdemêmeàluifairelâcherlecouteau.Ilregardasurlecôté,etcetinstantdedistractionme donna assez de temps pour le percuter de plein fouet. C'était lui aussi un homme dans laquarantaine,et ilnesemblaitpascroiresachance lorsqu'onsemità roulersur le trottoiravantdedéraper.Delapoussièreetdesgravierss'enfoncèrentdansmonépaule.Ils'assitàcalifourchonsurmondos,attrapamatêteentresesmains,etcommençaàlatordre.
Il allaitme briser la nuque, et je détestais qu'onme brise la nuque.Alors je relevai les jambesjusqu'àcequemespiedsparviennentàentourersatête,puislerepoussai,luifaisantperdrel'équilibreassezlongtempspourquejeréussissepresqueàmedégager.Maisilrejetasonpoidssurmoi.
Je combattis sonétreinte, lui donnaides coupsde coudedans levisage, etmemis à ramper enavant, me battant pour gagner quelques centimètres de terrain. Avant que je comprenne ce qui sepassait,ilavaitdenouveauattrapématête.Ilvoulaitvraimentmetuer.Lorsqu'illatorditànouveau,jetournaiavecelle,forçantl'hommeàchercherunemeilleureprise.MaisArtémissedécidaenfinàletranspercer,sepropulsantàtraverssoncorpsetentraînantledémondanssacourseavantd'atterrirunpeuplusloin.Lesmusclesdel'hommeau-dessusdemoiserelâchèrent,etjemeretrouvaiclouéeausol.
Jeregardaisurlecôtéetmerendiscomptequ'Artémiss'étaitdéjàoccupéedudémonàl'intérieurde l'hommequeReyes avait combattu, le sumotori. Il n'en restait plus qu'un.La femme.Elle entradansmonchampdevisionalorsque j'étais couchéepile en faced'elle.Quandelle sepenchapourm'observer,delabavedégoulinadesaboucheetserépanditsurmescheveux.
J'étaisrecouverteparunemontagne,etunefemmepossédéeétaitentraind'étudierlemoindredemestraitscommesij'étaisunspécimenétrangedansuneboîtedePétri.JetournailesyeuxàtempspourvoirReyesdécouperendeuxl'alteregodémond'Hedeshiàlahauteurdeshanches.IlsemitàcrieretenredemandaitaumomentoùReyes lui infligeaunnouveaucoup. Il lui trancha la tête,et,avecsamort,elles'évaporacommedelafuméesurdelaglacesèche.
Jem'ébrouai lorsqu'unegouttedesaliveatterrit surma tempe.C'était répugnant.Bon,aumoins,ellen'essayaitpasdemebriserlanuque,elle.
Je regardaide l'autrecôté.PPetMmeAllenavaientdisparu.Elleallaitprobablementappeler lapolice.
Artémis réapparut alors, sa queue trapue frétillant d'excitation, prête pour plus d'action. Elle sepenchaprèsdemoienpoussantungémissement.Reyesvint seplaceràcôtédenous,et soncorpséthéré réintégra lephysique.Sarobes'immobilisaautourdesesépaulesavantdesedissiper tandisqu'il me débarrassait de l'homme. J'essuyai mon visage et débroussaillai mes cheveux,reconnaissante,puism'approchaidelafemme,quiétaitassiseetobservaitl'herbeoùj'étaisallongéepeudetempsauparavant.
Jem'agenouillaietm'adressaiaudémonquil'habitait.—Çanevapasbienseterminerpourtoi.Elleredressalatêtedansmadirection,papillonnantdespaupières,etdit:—Laisse-moipartirmaintenant,etj'épargneraicettehumaine.Puiselle fronça les sourcilset son regardseperditdans levagueànouveau.Elle lecombattait.
Cettefemme.Ellecombattaitl'emprisequeledémonavaitsurelle.Sentantlenouveaudanger,Artémissemitàramperjusqu'àcequesamâchoireatteignelanuque
de la femme, montrant des crocs brillants de bave. Le démon tressaillit et tourna la tête dans sadirection. Artémis frappa l'instant suivant en aboyant de manière si féroce que les fenêtres del'immeuble tremblèrent.Ledémonn'avaitaucunechance.Elle l'arrachaducorpsde l'humaineet le
déchira enmillemorceaux, jusqu'à ce qu'il n'en reste rien qu'une vapeur épaisse.À cemoment, ils'évapora,etsanoirceurincommensurabledisparutdanslanuit.
La femme s'étala sur l'herbe fraîche, et je lui tournai la tête afin de m'assurer qu'elle pourraitrespirer.Reyessepenchapouraider,etjeneprisconsciencequ'àcetinstantqu'ilavaitcombattuundémon pendant que son corps éthéré était séparé de son corps physique. Il n'avait jamais été enmesuredefaireça.Normalement,unefoisquesonessenceétaitsortie, ilseretrouvaitdansunétatprocheducoma.
Jereculaietl'observaiprudemment.—Tu...Tues...Tum'asditquetun'étaispascapabledefaireça,luireprochai-jefinalement.Tut'es
battuavecundémonsans...(Jeneparvenaispasàtrouverlesbonsmots.)Sanstonâme.Reyesétaitentraindevérifierlepoulsdelafemme.— Je ne pouvais pas, répondit-il de manière absente avant de se tourner dans ma direction.
Maintenant,si.Ilserelevaetmetenditlamain.Ilétaitdistantetsemblaitencoreblessé.—C'est tout?demandai-je.Maintenant tupeux? (Il secontentadehausser lesépaules.) Ils sont
tousmorts,àprésent?J'espéraisque,avecladisparitiond'Hedeshi,leurleader,iln'yauraitplusdedémonsàcombattre.— Pour l'instant. (Il fronça les sourcils et regarda en bas de l'allée qui longeait l'immeuble.)
Jusqu'àcequ'ilstrouventunmeilleurmoyenpours'enprendreàtoi.Ehbien,nousétionstoujoursdansuneimpasseàcausedelaphoto.Etilmefallaitencorevérifier
s'il avait été innocenté dumeurtre dont il était accusé pourmieux se faire inculper de pyromanie.Pourquoibrûlerait-ilcetimmeuble?Oun'importequelautre?Ilavaithabitélà-bas,maispourquoilesbrûler?
Jenedevaispasoublier cequ'il avait traversé. J'avais été torturéeparEarlWalkerune seule etunique fois, et cela m'avait affectée mentalement, physiquement et émotionnellement. J'avaisénormément changé. Qui sait ce que des années de pareils traitements pouvaient faire à unepersonne?Desdizainesd'annéesàvivreetrespirerdanslapeur, jouraprèsjour?Àêtreutiliséetabusé, battu et affamé, sans refuge, sans endroit sûr où se cacher ?Cette idée comprima les côtesautourdemespoumons.
Ilm'observasoussescils.Ilsavaitàquoijepensais.—Tun'aspaspitiédemoi,n'est-cepas?Jedétesteraisdevoiryremédier.Ouaip,ilétaittoujoursenpétard.—Etcommenttut'yprendrais,aujuste?Ladéterminationquejevissursonvisagemecoupalesouffle.—Crois-moi,tun'aspasenviedeledécouvrir.Avantquejetrouvequelquechoseàrépondre,unedétonationassourdissanterésonnadanssondos.
Il se tourna en direction du bruit et je regardai derrière lui, sentant aussitôt le danger. Lemondesemblas'épaissiretralentir,maispasassezrapidement.Reyess'élançadevantmoietlaballequiétaitdestinéeàmonfrontplongeadanssapoitrine.Ellesortitparsondosetcontinuasonvoyageaprèss'êtrefragmentée.Maiselleétaitencoreassezentièrepourterminercequ'elleavaitcommencé.
Reyes accomplit alors un exploit qui me laissa pantelante, se retournant trop vite pour que jepuisselevoir,etl'attrapaenpleinair.
JetrébuchaietregardailaballequandReyesouvritlapaumepourl'examiner.Lorsqu'ellel'avaitfrappé, il n'avait pas eu le temps de se séparer afin de l'arrêter avec son corps éthéré.Du sang serépandait si rapidement sur son tee-shirt que la tête se mit à me tourner. Du sang déborda de saboucheaumomentoùiltoussa.
Sonregardtrouvalemienavantqu'ilnetombeàgenoux.—Cours,murmura-t-il.
Jemeprécipitaipourl'attraperetaperçuslecoupableprostrésurletoitd'unimmeubleenbasdelarue.Jem'attendaisàun toutautredémon.Peut-êtreàunquiaurait réfléchietdécidéd'apporterdesarmes de destructionmassive pour s'amuser un peu.Mais c'était lemotard blond du cambriolage,celuiquin'avaitpasfinisonentraînementdesniper.Jerestaiimmobile,totalementsidérée.Detouteévidence,ilnevoulaitvraimentpasdetémoin.
La colère déferla au fond de moi plus rapidement qu'une fission nucléaire. Tel un volcan quifaisait exploser le sommet d'une montagne, mon corps entra en éruption en un flash de rageaveuglante. Les fenêtres volèrent en éclat et des bris de verre se répandirent dans les airs commeautantd'oiseauxauxcouleurschatoyantes.Jem'approchaidublond,ladéterminationmeclouantlesmâchoires. Il était en train de recharger son fusil, sesmouvements comme au ralenti alors que letempsreprenaitlentementsesdroits.Ilrepositionnasonarmesursonépauleetpenchalatêteenavantjusqu'àcequesacibleapparaisse.Àl'instantprécisoùilallaitpresserladétente,j'atteignissacagethoracique en tendant le bras et lui broyai le cœur. Il battit une fois. Deux fois. Puis il s'arrêtacomplètement.Lesentimentdesatisfactionquis'emparademoiavaitladouceurdel'eaufraîchequiapaiseunincendie.
Le blond porta les mains à sa poitrine et ouvrit la bouche en grand, essayant désespérémentd'inspirerdel'airpendantquelquessecondesavantdetomberfacecontreterre.
Reyesapparutàcôtédemoi.Ilm'examina,jetauncoupd'œilaublond,puisretournaàl'endroitoùnousnoustrouvionsauparavant.Al'endroitoùnousétionstoujours.Lorsquejetournailatête,jemevisagenouillée,entraindemedévisagermoi-même,entrainderegarderdansmespropresyeux.LecorpsdeReyesétaitétenduàcôtédemoi.Avantque jepuissecomprendrecequisepassait, jemeréveillailà-basenpoussantuncridésemparé,commesijen'avaisjamaisquittémoncorps,commesijenevenaispasdel'observerauloin.JebaissailesyeuxendirectiondeReyes.
Ils'étaitrecroquevillé,etsarespirationétaitdifficileetétouffée.— Reyes ! hurlai-je en me ruant vers lui à la recherche de la blessure afin d'y appliquer une
pression.Une balle lui avait déchiqueté la poitrine. Même le fils de Satan ne survivrait pas à une telle
blessure.Nousentendîmesdessirènesauloin,etilluttapourseredressersurlesgenoux.—Emmène-moi...dansl'ombre.(Ilmedésignalespoubelles.)Derrièrecettebenne.—Iltefautuneambulance.—Non.(Sacolèremefrappacommeunmurdefeu.Ilagrippamonpulld'unemainensanglantée
etm'attiraàlui.)Jen'yretourneraipas,ettunem'yenverraspas.Ilmerepoussaetretomba,puisluttapourreprendresonsouffle.Cettescènemerappelaittellement
lapremière foisque je l'avaisvu, lorsque j'étais au lycéeetqu'il essayaitde retrouver son soufflederrièreunebenneàorduresaprèsavoirétébattu.Jel'avaisabandonnécejour-là.Jen'avaisrienfaitpourlesauver,etsavieavaitprisunviragedéfinitifversquelquechosedepire.Jenelaisseraispaslepasséserépéter.
J'effleuraisonépaule,oubliantpendantuninstantqu'ilétaitplusloupquechien,pluspanthèrequechat.Iln'yavaitriendedomestiquechezReyes.Ilpouvaitseretournercontrevousenunefractiondesecondeet l'avaitdéjàprouvéàmaintesreprises.Maislorsqu'ilseretournacontremoi, lorsqu'ilsetransformadeproieenprédateur,monchocfuttotal.
Ilfrappasivitequesesmouvementsn'étaientriendeplusqu'unflousombre.J'étaisdebout,etjemeretrouvaiallongéel'instantd'après.Ilétaitsurmoi,soncorpstenduàl'extrême,dur,inflexible.Ilse pencha jusqu'à ce que sa bouche - cette bouche sensuelle qui m'avait arraché des frissonspassionnés si peude temps auparavant - atteignemonoreille.Son sang chaud se répandait surmapoitrine et mes épaules et créait une flaque dans le petit creux à la base de mon cou, et je medemandais combien de temps il lui restait. Personne ne pouvait survivre à une perte de sang si
importante.Pasmêmeunêtresurnaturel.Ilécartamesjambesàl'aided'unedesescuissespouravoirunemeilleureemprisesurmoi.
— Je t'avais avertie, grogna-t-il, la menace dans sa voix ondulant à travers moi en vaguesincandescentes.Ne. (Ilentouramanuqued'unemain tandisqu'ilagaçaitmonoreilleà l'aidedeseslèvres.)T'avise jamais. (Il relevamonpull de sonautremain, laissantunedoucechaleurdans sonsillage.)D'avoir.(Ilécartaunpeuplusmesjambesenjouantdeshanches;jelesattrapaiparréflexe.)Pitiédemoi.
Ilécrasasabouchecontrelamienneenunbaiseraussisauvagequ'avide.J'enroulailesbrasautourde sa taille avant de glisser unemain sur ses fesses, l'attirant plus près, désirant le sentir enmoi.Malgrénotresituation.Malgrélescirconstances.
SeulReyesFarrowpouvaitavoirunteleffetsurmoi.Ilétaitleseulàpouvoirmefairelesupplier,peuimportecequisepassaitautour.Peuimportelagravitédesévénements.Et il lesavait.Ilsavaitprécisémentl'effetqu'ilavaitsurmoi.
Je lesentissourirecontremes lèvresunemicrosecondeavantqu'ilnese redresseetdisparaissedanslanuit.Uncourantfraisremplaçalachaleurquimerecouvraitjusqu'alors.Jelaissaimesbrasretomber sur le sol. Fermai les yeux. Inspirai. J'entendis un sanglot à côté de moi. Artémis étaitcouchéeunpeuplusloinetm'observait.Touteslesdeuxoutroissecondes,elleavançaitdequelquescentimètresenrampant.Elles'arrêtaitensuitepourseconcentrersurunpointauloin,faisantsemblantdenepasmevoir.
Undeshommesseréveillaalors.Sesmouvementsétaientlentsetmaladroitslorsqu'ilsefrottalevisageetlanuque.
Il essayait de reconnaître l'endroit où il se trouvait, sans succès. Je n'avais aucune idée d'où ilvenait.Deuxautreshommesétaientétendus,morts,etlestroisderniersétaientencoreévanouisquandlapremièrevoituredepatrouillefreinaentrombedansleparking.Justedevantlecorpsdel'Anglais.Etsurletoitd'unimmeubleenbasdelarue,ilsdécouvriraientunnouveaucadavre,celuid'unmotardblondquiavaitfaillidevenirsniperdanslesMarines,quiavaitvouluservirsonpays,maisavaitfiniparcambriolerdesbanquesettirersurdesgens.
Jemerecouvrislesyeuxd'unbras.Peuimportaientlesrelationsquej'avais,ilétaitimpossiblequejem'ensorteindemne.OncleBobseretrouveraitsouslefeudesprojecteurss'ilessayaitdecouvrirquoiquecesoit.Çapourraitmettresacarrièreenpéril.Sansparlerdesaretraite.
Unagentseprécipitaversmoi.Ilmeditquelquechosequejenecomprispasvraiment,parcequeje venais de prendre conscience de quelque chose, et j'étais tout d'un coup incapable de réfléchir.Incapablederespirer.
J'avais tuéunhomme.J'avaisplongé lamaindanssapoitrineetbroyésoncœur.Commesi j'enavaislepouvoir.Commesij'enavaisledroit.
Monmonde replongeadansune routine familière.Celle de l'obscurité, dudésespoir et dudéni.Puisonmesouleva.Deslumièresbrillantesclignotèrent.Jevisdesuniformesbleus.Desinstrumentsargentés.Quelquepartdanslebrouillardqu'étaitdevenuelaréalité,oncleBobapparut.PuisCookie.Je sentis la fraîcheur des draps sous mon corps et la chaleur des mains qui se saisissaient desmiennes,etjecomprisquej'étaisàl'hôpitalpourladeuxièmefoisenautantdemois.J'entendisdestermes familiers : commotion, poignardée, cheville fracturée. Le dernier me surprit. Je ne mesouvenais pas de cette partie.Mais c'était à cause de l'adrénaline. Elle chassait la douleur et vouspoussaitenavant.
Jemeforçaiàouvrirlespaupières.Papa était également présent. Très proche. Tout comme l'était oncle Bob, et je compris que je
pourraitoutleurdire.Ilssauraientquoifaire.Jepressaileslèvres,fermailesyeuxetannonçai:—J'aituéunhomme.
Lorsquej'osaiànouveaulesregarder,ilssedévisageaient,l'airinquiet.—Undeshommesàl'extérieurdetonimmeuble?Parcequ'onauraitditqu'ilssebattaiententree...—Non.Unhommesuruntoit.Uncambrioleurdebanquequiaessayédemetuer.OncleBobfronçalessourcils.—Quand,mapuce?Onn'apas...—Cesoir.Justeaprèsquej'aiétéattaquée.Ilsetrouvaitsuruntoit,etjel'aitué.Aprèsqu'ilatiré
surReyesavecunfusildecalibre50,j'aiplongélamaindanssapoitrineetarrêtésoncœur.Jelaissailessanglotss'emparerdemoilorsquepapapritmamain.—Machérie,c'est impossible.SiReyess'était fait tirerdessusparunsniperavecuncalibre50
depuisuntoit,ilneseraitplusenvieàl'heurequ'ilest.—Ilneseraitmêmeplusenunseulmorceau,confirmaoncleBob.—Vousnecomprenezpas,rétorquai-je,leslarmesnoyantmesparoles.J'aituéunêtrehumain.J'ai
perdulecontrôle.Jel'aitué.—Chut,murmurapapaenattirantmatêtecontresonépaule.Tun'espascommenous,machérie.
J'en ai conscience. Et je me fiche de qui ou de ce que tu es. Il n'y a qu'une chose dont je suisabsolumentcertain:tesactionssontau-dessusdesloisdeshommes.Jesuisdésolédedevoirtedireça,maisc'estlavérité.Tuesicipourunebonneraison.
—Robert.Leland.Jeredressailatêteàtempspourvoirlecapitaineducommissariatd'oncleBobentrerdanslapièce.
OncleBoblesaluad'unsignedumentonavantdesepencherpourmurmureràmonoreille.—Tunetesouviensderien.Enchampiondignedecenom,ilcontinuaitàsebattrepourquejenesoispasarrêtée.Oumiseen
prison. Ou à l'asile. Mais cette histoire nous dépassait tous. Il n'y avait tout simplement aucuneexplicationpourcequis'étaitproduit.Alorsqu'étais-jecenséeleurdire?Lavérité?
L'agentspécialCarsonentrajusteaprèslecapitaine.—Vousêtesunsacréatout,s'exclamacedernierenmeregardantdemanièresuspicieuse.(Iljeta
uncoupd'œilàoncleBob,puis reportasonattentionsurmoi.)Vousavez réussià résoudrequatreaffairesenunejournée.Jepensequec'estunnouveaurecordmondial.
—Quatre?Ilsemitàénumérerencomptantsursesdoigts.—LadisparitionetlemeurtredeHarperLowell.Unedisparitionquidated'ilyaplusdevingtans.
Lesdisparitionsdeplusieurspersonnesquisemblentavoirétédroguéesetdéposéessurvotrepalier.Ilyaeuuneexplosiondecassimilairesdernièrement.Etl'arrestationd'untueurensériequis'étaitévadé.Mais, maintenant que j'y pense, dit-il en regardant sesmains, ça ferait techniquement cinq.Peut-êtremêmesix.
—Untueurensérie?Ilacquiesça.—Vousallez fairedenous ladivision laplus respectéedupays.L'unedenosconsultantess'est
chargéetouteseuled'appréhenderuntueurquis'étaitévadédeSingSingilyatroismois.Ilétaitlogiquequ'Hedeshiaitchoisiuntueurensériecommehôte.Jemedemandaisbiencomment
ils'yétaitprispourlefairesortirdeSingSing.—Etilnevientmêmepasd'Angleterre.Jeclignailesyeux,surprise.—Iln'étaitpasanglais?—Non,ilestoriginairedeJersey.Maisils'exprimaitavecunaccentanglais.Personnen'ajamais
supourquoi.Jedoisadmettrequ'ilesttoutdemêmeétrangequetoutçavoussoitarrivéenuneseulejournée,surtoutentenantcomptedel'autrehomme,ajoutalecapitaine.
—L'autrehomme?—Oui,réponditl'agentCarson.Ilsembleraitqu'undesGentlemenCambrioleurssoitmortd'une
crisecardiaquesurletoitd'unimmeubledeCentral.Ilavaitunfusildecalibre50àlamain,ettoutporteàcroirequ'ilétaitprêtàcauserdesdégâts.C'estétrangequ'ils'écroulecommeça.
OncleBobbougeadanssachaise.—Oui,c'estétrange,confirmai-jeenmemordillantlalèvreinférieure.Jeveuxdire,iln'étaitpas
jeune?—Trente-deuxans,m'apprit-elle.Etilsetrouvequ'ilaunoncledontlafemmetravailleàlafiliale
quiaétécambrioléehier.Toutporteàcroirequeces trois-làétaientdemèche,etqu'Edwardsaeul'idéedefairechantersesamis,d'autresmembresdugangdemotards,lesBandits.Jen'aipasencoretouslesdétails,maisonal'oncleengardeàvue.Ilestentraindecomblernoslacunesencemomentmême.
Simonvisagen'affichaitpaslechocquejeressentaisencetinstant,j'étaisbonnepourunecarrièreàHollywood.Quelleordure.PapaetoncleBobétaientoccupésàregarderailleurs-tropailleurs -,mais il était impossible que tout se résolve si facilement. La vie n'était pas un jeu de cartes quiretombaitmiraculeusemententasquandonlelâchait.Amoinsquelavies'appelleDavidCopperfield.
C'étaitça. Il fallaitque jechercheunnompourmavie.Dèsque j'enaurais trouvéunpourmoncanapé,quipouvaitéventuellementseprénommerSigourneyWeaver,jedonneraiunnomàmavie.Maintenantj'avaisunbutdansl'existence.Etunedécisionàprendre.Unegrandedécision.Quelnompourrait rendre justiceà tous lesaspectsde l'incertitude,de labeautéetde l'étrange,ainsiqu'àmesrencontres avec des gens cinglés ? Il faudrait qu'il exprime les hauts et les bas dont la vie nousgratifiait,commeêtretropfauchépours'acheterdesmochalattetouslesjours.Sijesurvivaisàça,jepourraissurvivreàtout.
Aprèsquelquesminutesdeconversationquimecausèrentdespalpitations, lecapitaineet l'agentspécial Carson s'en allèrent, non sans me jeter un dernier regard. L'agent Carson me sourit. Lecapitaine me dévisagea comme s'il voulait vraiment, vraiment comprendre à quel point j'étaisimpliquée.Cen'étaitpasbonsigne.
JemetournaiversoncleBobalorsquenousattendionslespapiersdedécharge.—C'étaitbientropfacile.Troppropre.Ilsvontserendrecomptequetoutçan'apaspuseproduire
commeçaenal'air,etjen'aipasenviequetuaiesdesennuis.—Facile?demandapapa.Propre?C'estexactementlamanièredontilsaimentqueleschosesse
passent,mapuce.Toutbienemballédansunjolipapiercadeau.Fais-moiconfiance,çasignifiemoinsdepaperasse,etc'esttoujoursunebonnechose.(Papam'aidaàmerelever.)J'aifaitrétablirlalignetéléphoniquedanstesbureaux.Etj'aidemandéàlafemmedeSammydenettoyer.
Ilétaitdéterminéàcequej'emménageànouveaudansleslocauxau-dessusdesonbar.—Comment tesens-tu? luidemandai-jeenfaisantsemblantque la réponsenem'intéressaitpas
vraiment.Lesourirequ'ilm'adressailluminasesyeux.—Jevaisbien. Il sembleraitque jen'aiepasdecancer, en findecompte. (Il regardaautourde
nous.)Est-cequetuasquelquechoseàvoirlà-dedans?reprit-ild'unevoixoùsemêlaientlacrainteetlerespect.
Jetentaideluisourireenretour.—Non,papa.Jen'aipascegenredepouvoir.—C'estjusteque...(Ilpenchalatête.)J'avaisuncancerdupancréas.Sesparolesmebrisèrentlecœur.—Ilsont fait tous les testspossibleset imaginables,et je l'avais.Etaprèsque tu l'asdécouvert,
aprèsquetum'astouchédanstesbureaux...ehbien,ilsembleavoirdisparu.—Quandest-cequejet'aitouché?—Tum'asenfoncé ton indexdans lapoitrinequand tume reprochaisd'avoiressayéde te tirer
dessus.
Ahoui,juste.J'auraisvraimentaimépouvoirfairedestrucsaussicool.—Cen'étaitpasmoi,papa.Maisj'ensuistrèsheureuse.—Moiaussi,merassura-t-il.Ilnemecroyaitpaslemoinsdumonde.Gemmanousrejoignittelleunetornadesousamphétamines.— Alors ? demanda-t-elle en promenant le regard entre oncle Bob, papa et Cookie avant de
l'arrêtersurmoi.Qu'est-cequis'estpassé,cettefois-ci?Aprèsavoirméditéquelquesinstants,jerépondis:—D'accord,j'acceptedeconsulterunpsy.Maisseulementsic'esttoi.—Charley,mêmesiçamefaitvraimentplaisir,àunpointquetunepeuxpasimaginer,précisa-t-
elle,jenepeuxpastetraiter.Ceseraitenviolationdirectedemoncodedeconduite.— Au diable le code. Crées-en un nouveau. Si je consulte quelqu'un d'autre, ils voudront
m'enfermer.(Jeserrailesdents.)JesuislaFaucheuse,Gem.Ellefaillitglousser.—Non,jeconnaisquelqu'un.Çasepasserabien,jetelepromets.—Jetejurequ'àlasecondeoùilssortentlacamisoledeforce,jeretiretonnomdemalistede
Noël.—Marchéconclu,dit-elle,unsouriresatisfaitsurlevisage.Maiss'ilstemettentunecamisolede
force,est-cequejepeuxprendreunephoto?Tusais,pourlarecherche.—Passitutiensàtescuticules.Ellecachasesmainsderrièresondos.—C'estvraimentbas.Jehaussailessourcils.—QuisefrotteàlaFaucheusesepiqueàlafaux.—Tun'aspasvraimentdefaux.—Làn'estpaslaquestion.Avantderentreràlamaison,jedemandaiàCookiedemeconduireaucouvent.L'aubevenaitjuste
de percer l'horizon, mais c'était important. Quentin devait savoir qu'il s'en sortirait. Qu'il pouvaitretournerchezlui.Ilfallaitretirercepoidsdesesépaules.
Lamèresupérieurenousaccueillitavecunregardtrèsaustère,etjemedemandaiquelleformationil fallait suivre pour devenir la figurematernelle par excellence. Le regard assassin était de touteévidenceunprérequis,maisquoid'autre?L'arrogance?L'algèbreavancée?
EllenousfitentrerdanslacuisinetandisqueSœurMaryElizabethamenaitQuentin.Ilavaitl'airàmoitiéendormidanssonpyjama,etsescheveuxavaientétécoupés,maisilsatteignaienttoujourssesépaules.Ilseprécipitadansmesbrasavantdeserendrecomptequej'étaisblessée.
— Je suis désolé, signa-t-il de manière sincère. (Il enfila ses lunettes de soleil et désigna unbandagesurmonbras.Heureusement,lecouteaul'avaitàpeineeffleuré,etilenallaitdemêmepourmonflanc.)Quet'est-ilarrivé?
— La même chose qu'à toi, sauf que j'étais du mauvais côté du couteau. D'autres personnespossédéesm'ontattaquée,maisjevoulaisquetusachesquec'estbon,maintenant.Toutvabien.Ilsnes'enprendrontplusàtoi.L'êtrequiamanigancétoutçaaététué.
Lesoulagementlesubmergea,etjeleconduisisàunetableafinquenousnousasseyions.—Est-ce que tout va bien, ici ?Elles t'ont fouetté lesmains avec des règles, ou quelque chose
commeça?J'aientendudirequelesnonnesfaisaientcegenredechose.Lamèresupérieureseraclalagorge.Detouteévidence,ellesavaitégalementsigner.— Nous l'avons inscrit à l'école, m'annonça Sœur Mary Elizabeth sans pouvoir cacher son
excitation.ÀuneécolepourmalentendantsdeSantaFe.Ilyhabiteradurantlasemaineetrentreraàlamaisonleweek-end.
Quentinnesemblaitpasaussiemballéqu'elleàcetteidée.Ilpinçaleslèvres.Jemepenchaiverslui.—Çateva?Commeilhaussalesépaules,jedemandaiàlasœur:—Ilrentreraàlamaisonleweek-end?Ellesourit.—Ici.(Elleposaunemainsursonbras.)Ilresteraicijusqu'àcequ'onpuisseluitrouverunfoyer
permanent.Oh!s'exclama-t-elleenmeregardant.Ilpeutbienentenduvousrendrevisitedetempsentemps,siçavousfaitplaisir.
— J'adorerais ça, confirmai-je. (Je jetai un regard à Cookie par-dessus mon épaule.) J'ail'impressionqu'Ambervavouloirapprendrelalanguedessignes.
Cookieacquiesça,perduedanssespensées.—C'estunamour.QuandjerépétaiàQuentincequ'ellevenaitdedire,ildevintrougecommeunepivoineavantde
luiadresserunvaguemerci.Maisilnelesignapas,illeprononça.Sesvoyellesétaientdécoupées,etsavoixaussiprofondequedouce.
—D'accord,annonçaCookie.Jesuisamoureuse.Quentintapotamamain.—Jet'aitrouvéunnomsigné.Jemeredressaisouslecoupdelasurprise,—Vraiment?Waouh.Illevalamaindroite,écartalesdoigts,etformaunhuitmodifiépourlequelsonmajeurétaitun
peu plus replié que ses autres doigts. Il l'appuya sur son épaule droite avant de le lever puis del'éloignerdeluienlesecouantlégèrement.
Jeportailesmainsàmoncœur.C'étaitlesignepourétincelle,maisdepuisl'épaule.Ilétaitentraindemedirequejebrillais.Mesyeuxsemirentàpicoter,etQuentinbaissalatête,gêné.Jenepusm'enempêcher. Je me jetai à son cou. Il me laissa le serrer pendant une bonne minute avant de medemander:
—Est-cequejepeuxvenircheztoi,desfois?—Riennemeferaitplusplaisir.Jemepenchaietdéposaiunbaisersursajouependantquelamèresupérieureseraclaitànouveau
lagorge.—Ehbien, ce garçon est à croquer, s'exclamaCookie pendant quenousmontions l'escalier de
notreimmeubleendirectiondutroisièmeétage.—N'est-cepas?Des policiers patrouillaient toujours à l'extérieur, passant la zone entourée de rubans jaunes au
peignefin.Ilsavaientréquisitionnémeshabits,maisleseulsangquilestachait,endehorsdumien,étaitceluideReyes.Est-cequ'ilss'enrendraientcompte?Était-ildanslabasededonnéesADN?
—Commentvatatête?demandaCookie.Tuvasbien?C'était une si bonne amie. Elle endurait tellement de choses pourmoi. Et il était extraordinaire
qu'ellesoittoujoursenvie,toutbienconsidéré.—Ouais,çava.—Bien.Alorsquejemetournaispourdéverrouillermaporte,ellemefrappaàl'arrièreducrâne.Fredfut
précipitéenavantetsecognacontrelemontantdelaporte.Jemeretournai,scandalisée.—Cettetêteaunecommotion,jetesignale.—Jesais.Etj'ensuisravie,àtitreinformatif.
—Tufaisunevoisineexécrable.—Tuasfaillimourirjustedevantl'immeuble,ettun'asmêmepaspensé,jesaispas,moi,àcrier
monnom?Àappeleràl'aide?—Etqu'est-cequetuauraispufaire,Cook,àparttefaireattaquerenvenantàmonsecours?—Tusais,cetteexcusecommenceàsentirleréchauffé.(Deslarmesluimontèrentauxyeux,etelle
baissalatête.)As-tulamoindreidéedecequej'airessentiquandj'aidécouvertqu'EarlWalkert'avaittorturéeàmoinsdequinzemètresdemoi?
Moncœurseserra.Même si je n'avais pas envie de le lui dire, Cookie devait savoir la vérité à propos de ce que
partagermavieimpliquaitréellement.Jem'appuyaicontremaporteetcroisailesbras.—Amberétaitlà,avouai-je,mavoixplusbassequ'unmurmure.Lapaniquelaparcourut.—Quoi?Amberétaitlàlanuitpassée?—Non.Cettenuit-là.QuandEarlestvenu.Ellesemblas'apaiserlégèrement,maisfitunpasenarrière.—Jenecomprendspas.— Quand je suis entrée dans l'appartement, expliquai-je, incapable de retenir les larmes qui
tentaientdes'enfuirdemesyeux.Earlétaitlà.EtAmberégalement.Cookieportalesmainsàsabouche.Ellenes'endoutaitpasdutout,etj'avaisétébientroplâche
pourleluiavouer.J'essuyai mes joues, terriblement en colère contre moi-même, car tout ce que je semblais être
capable de faire dernièrement était de pleurer. Parce qu'il était bien connu que pleurer, ça aidaittellement.
—Elle était endormie surmoncanapé. (L'image s'imprima si précisémentdansmonesprit quemonestomacseretournacommeill'avaitfaitcettenuit-là.)Ilpointaitunearmesursonfront.
Elleserecouvritlevisageetravalaunsanglot.Jeresserrailesbrasautourdemoncorpspourmeréconforter.J'étaissurlepointdeperdrelesmeilleureschosesquimesoientjamaisarrivéesdanslavie,maisilfallaitqu'ellesachelavérité.
— Il m'a dit qu'il l'épargnerait si je me taisais et que je me montrais coopérative. Qu'il vousépargnerait toutes lesdeux. Ilm'a laissée la raccompagneràvotreappartement.Elleétait tellementendormiequ'ellene l'a jamaisvu.Mais il était lààcausedemoi,Cookie.Ambera faillimourir àcausedemoi.
Aprèsavoirméditéunlongmoment,elleprituneprofondeinspirationetlevalevisageauciel.—Non,dit-ellefinalementenseressaisissant.Non.EarlWalkerautiliséAmberpourteforcerà
fairecequ'ilvoulait.Etçaafonctionné,Charley.Ilsavaitqueceseraitlecas.Cen'estpastafaute.Mamâchoiretombad'uncran.—C'estentièrementmafaute.Toutestmafaute.—Charley,me coupa-t-elle en posant unemain surmon épaule. Je te l'ai déjà dit. Tu fais des
chosesincroyables,etj'ailachanced'enfairepartie.Cetincidentavaitunechancesurunmilliondeseproduire.Etilestderrièrenous.Lesprobabilitéspourquequelquechosedesimilairenousarrivesontmicroscopiques.
—Tufaisattentionquandjeparle?— Le capitaine l'a dit lui-même. Tu as résolu quatre affaires en une journée. Quatre, Charley.
C'est...dujamaisvu.Ettuasmislamainsuruntueurensériequis'étaitévadé.TuassauvéDieusaitcombien de vies. Et j'ai la chance de pouvoir t'aider. On devra juste se montrer plus prudentes àl'avenir. Il nous faut de meilleurs verrous, tu te souviens ? On en a déjà parlé. Et un système desécurité.
Çaviendraitplustard.Lacolère.Leregret.Ledésespoir.Ilsepourraitmêmequ'ellemehaïsseun
peu.Mieuxvalaitqu'ellemedétestepouravoirpresquefaittuersafillequepourl'avoireffectivementfait.
D'icilà,j'auraisfaitdeCookieuneversiondemoiàpeineplusâgée.Ellepasseraitprobablementtoutessesnuitséveillée,àvérifieretrevérifierlesportesetlesfenêtres,faisantdumoindrebruituneinvasion domestique. Je comprenais très bien pourquoi elle aimait être amie avecmoi. Travaillerpourmoi.
—Toutvabien,monpetitpotironronchon?JemeretournaiàtempspourvoirtanteLilliantraverserlemur.J'étaissurlepointdeluirépondre
quandleconciergearrivaànotrehauteur.—Mesdames,noussalua-t-il,unsourirelubriquevissésurleslèvres.—Traître.Ilricanatoutencontinuantd'avancerendirectiondel'appartementdufondetfrappaàlaporte.Cookieetmoitendîmeslecou,notrecuriositépiquéeàvif.J'essuyaiencoreunefoismesjoues,et
nousnouspenchâmesensembledansl'espoird'apercevoirlesnouveauxlocataires.—J'aiuneautreclépourvous,claironna-t-il.Ilregardapar-dessussonépauleenjouantdessourcils.Jeroulaidesyeuxsifortqu'ilsfinirentparobserverBarbara.Laportes'ouvrit,d'abordlentement,etilmefallutluttercontreuneétrangeformed'enthousiasme.
C'était comme de déballer un cadeau en essayant de deviner le contenu tout en surveillant sonexpressionafindenepasavoirl'airdéçusicen'étaitpascequ'onattendait.C'étaitpeut-êtreenraisonde la commotion de Fred et Barbara, ou de l'état de santé précaire de BettyWhite, qui battait aurythmedeladouleuretdudésespoir,maislorsqueReyesFarrowouvritlaporte,jesuispratiquementsûrequejefisuneattaque.
Cookie inspirademanière si abruptequeReyesnous remarquaderrière le concierge.Sesyeuxbrillaientdanslafaiblelumièreducouloirtandisqu'ilmedévisageait.J'enfisdemême.Ilavaitreçuuneblessureparballequiauraitdéchirélapoitrineden'importequelautrehomme,etilnemontraitpourtantaucunsignedesouffranceoudefaiblessephysiquesuiteàlapertedesang.Jenedoutaispasuneseulesecondequ'ilétaitrecouvertderubanadhésifsoussontee-shirtrougesombre.Celuidontlesmanchesn'étaientpasassezamplespourpendre librementautourdesesbras.Celuiquimoulaitsesbicepsenlescaressant,enlesembrassant.
Lorsqu'ileutfinidem'examiner,ilpritlaparole,savoixaussichaudequ'unbonbrandylorsd'unenuitglaciale.
—Vouspouvezlaluidonner,dit-ilàM.Zamora.—Oh,bafouillacedernieravantdemeremettrelaclésupplémentairedel'appartementdeReyes
enmelançantunregardsournois.ReyesadressaunsignedumentonàCookie.—Cookie,lasalua-t-ilcordialement.(IlsetournaverstanteLil.)Lillian.SitanteLilétaitmorteavecsondentier,jesuiscertainequ'ilseraittombéàcemomentprécis.Reyesrelevaenfinsonregarddebraisesurmoi,puispenchalatêtedemanièreintéressée.—Dutch.Ilmelançaundernierregard-unregardpleindepromessesetdedésir-avantdereculeretde
refermerlaporte.Nousrestâmeslà,touteslestrois,nosmâchoirestraînantparterre.TanteLilfutlapremièreàs'en
remettre.Ellemedonnaunpetitcoupd'épauleet,enricanantcommeuneadolescente,medit:—Jepensequevousdevriez retournerpréparerdesbrownies, les filles,parcequecegarçona
vraimentl'airaffamé.