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Babel Littératures plurielles 6 | 2002 : La bibliothèque 1 Classements et bibliothèques à la Renaissance Quelques éléments FRANÇOIS ROUDAUT p. 151-168 Résumé Cet article s'efforce de définir le mode de classement des bibliothèques à la Renaissance en comparaison avec le Moyen Âge selon des critères qui touchent à la sociologie de la lecture. Ainsi peuvent être distinguées les dites "bibliothèques des hommes obscurs" réservées aux clercs et aux notables, les "grandes" bibliothèques destinées à la lecture et à la conservation et contribuant à la mise en place d'une république des lettres. Ce développement favorise la mise en ordre du savoir, les classements et les bibliographies dépassant les classifications médiévales dérivées d'Aristote. La bibliothèque, transformée bientôt en cabinet de lecture, devient d'une certaine manière, le nouveau lieu de retraite: "microcosme du passé", elle ressemble fort à un temple dédié au savoir. Entrées d’index Mots-clés : bibliothèque, alphabétisation, lecture, société, Renaissance Texte intégral Parler de bibliothèques suppose d'abord de préciser quelques points concernant la lecture. Il semble qu'il faille malheureusement se contenter des approximations suivantes : les lecteurs représentent environ 20 % de la population masculine des villes, 3 à 4 % de celle des campagnes 1 . Si l'imprimé atteint des couches sociales très diverses (les domestiques, par exemple, sont une « élite culturelle populaire » en raison des contacts étroits qu'ils entretiennent avec l'élite véritable 2 ), les lecteurs forment cependant un groupe assez maigre dans lequel les livres circulent sous la forme du prêt (et du vol, très fréquent, surtout depuis que les livres ne sont plus 1 Classements et bibliothèques à la Renaissance http://babel.revues.org/1965 1 of 14 11/23/2014 1:27 PM

Classements Et Bibliotheques-Renaissance

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  • BabelLittratures plurielles

    6 | 2002 :La bibliothque 1

    Classements et bibliothques laRenaissanceQuelques lments

    FRANOIS ROUDAUT

    p. 151-168

    Rsum

    Cet article s'efforce de dfinir le mode de classement des bibliothques la Renaissance encomparaison avec le Moyen ge selon des critres qui touchent la sociologie de la lecture. Ainsipeuvent tre distingues les dites "bibliothques des hommes obscurs" rserves aux clercs et auxnotables, les "grandes" bibliothques destines la lecture et la conservation et contribuant lamise en place d'une rpublique des lettres. Ce dveloppement favorise la mise en ordre du savoir,les classements et les bibliographies dpassant les classifications mdivales drives d'Aristote.La bibliothque, transforme bientt en cabinet de lecture, devient d'une certaine manire, lenouveau lieu de retraite: "microcosme du pass", elle ressemble fort un temple ddi au savoir.

    Entres dindex

    Mots-cls : bibliothque, alphabtisation, lecture, socit, Renaissance

    Texte intgral

    Parler de bibliothques suppose d'abord de prciser quelques points concernant lalecture. Il semble qu'il faille malheureusement se contenter des approximationssuivantes : les lecteurs reprsentent environ 20 % de la population masculine desvilles, 3 4 % de celle des campagnes1. Si l'imprim atteint des couches sociales trsdiverses (les domestiques, par exemple, sont une lite culturelle populaire enraison des contacts troits qu'ils entretiennent avec l'lite vritable2), les lecteursforment cependant un groupe assez maigre dans lequel les livres circulent sous laforme du prt (et du vol, trs frquent, surtout depuis que les livres ne sont plus

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  • Les bibliothques des hommes obscurs

    enchans) et des lectures collectives (consultation dans la boutique, assemblereligieuse, lecture chez des seigneurs3). A l'origine, le mot bibliotheca dsigne unecollection ou un dpt de livres (au sens concret ou abstrait). On peut ainsi parler del'ensemble des livres qui constituent l'Ancien Testament comme de la bibliothecaVeteris Testamenti . Le livre est une arme pour aider faire triompher lechristianisme, et on entend souvent au Moyen ge rpter qu' un monastre sanslivres est un chteau sans vivres 4 . Le chapitre 48 de la rgle de saint Benot prciseque les moines doivent lire de deux trois heures par jour. Il peut cependant s'agirmoins de livres au sens o nous l'entendons que de fragments de quelques parolessurvivant dans la mmoire : la bibliothque est le lieu o, la tradition runie, la vritpeut clater travers elle.

    Au Moyen ge les bibliothques taient d'une surprenante maigreur 5 : un peuplus de quatre cents volumes l'abbaye de Reichenau en 822 (ce qui constitue une desplus grandes bibliothques d'Europe avec celle du monastre de Saint-Gall), millelivres environ vers 1250 la Sorbonne, un des lieux les mieux fournis d'Europe ; millegalement dans la bibliothque du roi de France Charles V (1338-1380)6.

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    Ces livres, chers malgr le systme de la pecia7, sont de plus en plus ncessairestant donn la nouvelle manire de penser qui se dveloppe au XIIIe sicle : non plusla mditation solitaire mais, dans le cadre de la disputatio, l'laboration d'uneconstruction logique qui suppose l'usage d'index, de tables, de concordances, etc.8 Ils'agit dsormais d'analyser avec la plus grande acuit possible le sens du texte de faon en dgager la pense dans toutes ses implications9. L'organisation matrielle desbibliothques marque ce changement. On trouve en effet la fin du XIIIe sicle dansde grandes salles, enchans aux pupitres, les principaux ouvrages de rfrence :Somme thologique de saint Thomas, commentaires bibliques de Nicolas de Lyre et deHugues de Saint-Cher, dictionnaires, etc.10 Le mouvement s'accentue aux XIVe et XVe

    sicles, et lorsque l'imprim apparat une grande partie de l'lite culturelle est prte l'accueillir. Et se constituent les bibliothques telles que nous pouvons les connatre denos jours11, certaines petites d'autres plus importantes, ces dernires se trouvant face la question essentielle du classement du savoir et de ses drives entranes par lalecture.

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    A. H. Schutz12 a analys 226 inventaires de bibliothques prives parisiennes duXVIe sicle. Ce sont des bibliothques de petite taille comprenant de 1 300 livres, lamoyenne se situant vers la vingtaine de volumes. Leurs possesseurs sont en majoritdes clercs ou des magistrats ; il y a trs peu de gentilshommes13. On trouve trois foisplus de livres chez les protestants que chez les catholiques14. Ces bibliothques tantconnues par des inventaires aprs dcs, il faut tenir compte du fait que

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    ces livres appartenaient des gens gs : il est normal que l'on trouvebeaucoup d'ouvrages du dbut du sicle qui peuvent, du reste, avoir t reus enhritage. Ce qui expliquerait un certain archasme des textes15.

    le notaire (ou les hritiers) a pu refuser de noter des ouvrages soit parce qu'ilstaient de peu de valeur ou trop abms (par exemple en raison de lecturesrptes) soit parce qu'ils taient impies (textes de Luther, de Calvin et de biend'autres considrs comme hrtiques). Comme le dit Gilbert Gadoffre, il nefaut pas trop se fier l'inventaire :

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  • L'inventaire post mortem le plus dtaill qui soit, celui de Florimont Robertet, l'undes notables les plus cultivs de son temps et collectionneur acharn, ne comportepas un seul livre imprim, mais en tout et pour tout un livre d'heures manuscrit etenlumin. Or il est tout fait invraisemblable que ce juriste polyglotte, fils, frre etoncle de potes ayant publi, protecteur d'crivains illustres, ne possde pasl'ombre d'un livre dans une de ses demeures16.

    Les grandes bibliothques

    ces bibliothques sont souvent des bibliothques de travail : elles sont liesau mtier de leur possesseur plus qu'elles ne refltent un tat gnral de laculture.

    Voici quels sont les titres les plus couramment rencontrs vers le milieu du sicle :5

    la Bible, les Psaumes (dans la traduction de Marot)

    des ouvrages de pit (Miroirs de rdemption, Fleurs des Vertus) etd'hagiographie (Voragine, Lgende dore ; Ludolphe le Chartreux, Vita Christt).

    quelques auteurs ecclsiastiques : saint Augustin, saint Grgoire, saintBernard, saint Isidore.

    quelques livres de droit.quelques encyclopdies.des livres d'histoire : Froissart, Chroniques ; Monstrelet, Chroniques ; S.

    Champier, Histoire de Bayard ; Jean Lemaire, Illustrations de Gaule ; La Merdes Hystoires (publie, sur demande de Charles VIII en 1483, par P. Le Rougeen 1488, partir d'une chronique de Lbeck parue en 1475) ; Histoireecclsiastique ; Vincent de Beauvais, Miroir hystorial ; Gaguin, Chroniques ;Rolewinck, Fasciculus temporum ; Amadis de Gaule ; Kalendrier des Bergiers ;Salluste ; Tite-Live ; Sutone ; Csar ; Valre-Maxime.

    peu d'ouvrages en anglais (Thomas More, Utopia) ou en allemand (SebastienBrant, Narrenschiff).

    un grand nombre d'ouvrages italiens, d'abord en traduction puis, partir de1550 en italien : Castiglione, Le Courtisan ; Arioste, Roland furieux ; Boccace,Decameron17.

    quelques ouvrages de littrature (aussi bien pour les catholiques que pour lesprotestants), en particulier la collection des grands classiques latins, avec uneprdilection particulire pour les lgiaques comme Catulle, Tibulle, Properce,parmi les satiriques pour Horace et surtout pour Perse 18. Egalement : Virgile,L'Enide ; Ovide, Les Mtamorphoses ; Villon, Le Testament ; Alain Chartier, LaBelle Dame sans mercy ; Jean Meschinot, Les Lunettes des Princes ; Erasme,Adages, Colloques, Eloge de la Folie19. A la fin du sicle, les succs de librairiesont composs principalement des uvres de Ronsard, Desportes, Du Perron,Du Bartas (le pote le plus cit dans les inventaires aprs dcs effectus Paris), Montaigne, Marguerite de Navarre, Des Periers, Du Fail, Tabourot20.

    des livres de classe : Caton ; Esope ; Perotti ; Jacques Le Grand, Sophologiumsapientiae ; Barthlmy de Glanville, Le Propritaire des choses. Ce sont aussiles encyclopdies, ces bibliothques portables dont Calepin et Rhodiginusconstituent les deux meilleurs exemples au vu de leur succs : le Dictionariumde Calepin connat, partir de 1502, plus de cent ditions au cours du sicle.

    Elles sont destines favoriser l'tude et la conversation. Dsormais spacieuses et6

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  • claires (studiolo de Frdric de Montefeltre Urbin, bibliothque du Vaticanreconstruite par Sixte Quint21), elles contiennent des ouvrages choisis en fonction de laqualit de l'dition ; l'aspect matriel demeure secondaire. Il n'y a pas d'exclusions ;des textes crits par des protestants se trouveront ainsi chez un catholique. Les livressont pour la plupart en latin22.

    Ces bibliothques contribuent la mise en place d'une respublica litterarum. Ellessont une des nouvelles manifestations du mcnat, comme le prouvent certainsex-libris23. Les livres, dans de nombreux cas, ne sont plus isols mais se mlent divers objets et deviennent un des moyens d'accs la totalit du savoir ; ilsentretiennent des relations avec les cabinets de curiosit24.

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    Ces grandes bibliothques comprennent entre 500 et 1000 volumes environ. Sicelles d'Elie Vinet25 ou de Rmy Belleau26 restent petites, la collection d'Erasme27 oudu chirurgien Franois Rasse des Neux28, forte de ses quelques 500 volumes, sontproches de celle d'un fils de chancelier, Antoine du Prat29. Cette dernire, caractreencyclopdique comprend environ 550 livres parmi lesquels on rencontre enparticulier une soixantaine de livres de thologie, des traits de Jean Pic de LaMirandole et de Reuchlin, des romans de chevalerie, environ soixante-dix ouvragesd'histoire, des auteurs italiens (dont Boccace), et surtout des livres de droit. Commepour beaucoup d'autres bibliothques, les uvres littraires contemporaines sont peuprsentes30. Il faut attendre la gnration suivante pour que, sous l'influence deFranois Ier, les auteurs contemporains et les historiens de l'Antiquit trouvent leurplace31. Il ne faut videmment pas oublier de tenir compte du phnomne deretardement, qui existe galement notre poque de diffusion et de communicationpourtant extrmement rapides. Comme le souligne Henri-Jean Martin, les classiqueslatins ne pntrent en nombre que dans le second quart du sicle, et les grecs partirde 1550 32. Il y a un dcalage d'au moins une gnration entre le moment de parutionde l'ouvrage et son apprciation dans un cercle plus large que celui des seulsspcialistes33.

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    Les bibliothques des potes se caractrisent avant tout par l'importance de leurfonds de textes anciens (les ditions sont souvent choisies en fonction descommentaires) et de recueils de leons , en particulier les ouvrages de PierreMessie (Pedro Mexia) et de Coelius Rhodiginus.

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    Louis Jacob affirme que la bibliothque de Pontus de Tyard tait une des plusbelles de son temps 34. D'aprs l'inventaire aprs dcs que l'on possde35, elle devaitcontenir plus de mille titres environ (soit quelques douze cents volumes36) . C'est unebibliothque d'vque, 'humaniste et de savant dont la partie concernant la littraturea malheureusement brl dans l'incendie du chteau familial de Bragny le 21 aot1636. Malgr cette perte, il est cependant possible de reconstituer avec prcision lamajeure partie de cette collection dont on retrouve les exemplaires la Bibliothque deTroyes, pour une large part. On voit ainsi que la thologie occupe presque la moiti(40 %) de l'ensemble des ouvrages qui nous restent ; la philosophie la suit d'assez prs(30 %), distanant largement l'histoire (15 %), suivie par les sciences et les lettres (7 %)et le droit (1 %). Le latin occupe 65 % du total, loin devant le franais (26 %), le grec(6 %) et l'hbreu, l'italien et l'espagnol. Dans chacun des domaines considrs, Tyardpossdait les textes essentiels. Entre autres : la Bible polyglotte d'Anvers, les oeuvresdes principaux Pres latins et grecs, celles de Snque, le martyrologe d'Usuard, ledictionnaire de Calepin, la grammaire hbraque de David Kimhi, les ouvragesd'auteurs protestants comme Mercier, Lorich, etc.

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    Ce n'est pas ici le lieu de parler de la bibliothque de Montaigne riche d'environmille volumes. Elle a en effet t longuement tudie37, tout comme celle de Peirescqui, au dbut du XVIIe sicle tait parvenu rassembler six mille volumes environ38.

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  • Classements et bibliographies

    choses sacresarts et sciencesdescription de l'universgenre humainhommes illustres en la guerreouvrages de Dieumlanges de divers mmoires.

    Le dveloppement considrable de la production et, partant, des bibliothques,conduit au souci de la mise en ordre du savoir39. On assiste en effet une mutation des oprations intellectuelles permises par la lecture 40. Il existait dj, bienvidemment, des classifications mdivales, en particulier celles qui, drivesd'Aristote41, organisaient l'apprentissage des connaissances, trivium (grammaire,rhtorique, dialectique) et quadrivium (arithmtique, gomtrie, astronomie,musique). Mais ds le XIIe sicle (saint Thomas le souligne lui-mme), on s'aperoitque ces deux divisions hrites de Boce rendent mal compte de la totalit du savoir,de ce rond des sciences 42 dont rva cette poque. Dans le deuxime quart du XIIe

    sicle, Hugues de Saint-Victor propose dans son Didascalicon un classement des artsqui entend tre une propdeutique la science de l'Ecriture. La philosophie se divisealors en quatre parties : thorique, pratique, mcanique et logique. La premirecomprend la thologie, la mathmatique (elle-mme divise en arithmtique,musique, gomtrie et astronomie) et la physique ; la deuxime se divise enindividuelle, prive et publique ; la troisime, en fabrication de la laine, armement,navigation, agriculture, chasse, mdecine et thtre ; la quatrime, en grammaire etraisonnement (divis en dmonstration, preuve (dialectique ou rhtorique) etsophistique)43 . Et en 1338, le catalogue de la parva libraria de la Sorbonne comprend59 sections : le classement est effectu par thmes (Pres et thologiens, philosophesde l'Antiquit), par genres et par disciplines44. Comme l'explique Albert Derolez, leclassement des bibliothques laques et princires, y compris celles des princes del'Eglise, est trs diffrent de celui des grandes bibliothques ecclsiastiques etuniversitaires ; et le conservateur cite la classification (datant de 1468) en neufsections de la bibliothque des ducs de Bourgogne : Varia ; Bonnes meurs, tiques etpolitiques ; Chapelle ; Librarie mesle ; Livres de gestes ; Livres de ballades etd'amours ; Croniques de France ; Oultre-mer, mdecine et astrologie ; Livres nonparfaits 45. Il faudra attendre les humanistes italiens du XVe sicle pour que leclassement soit davantage ax sur les genres, ou plutt sur les fonctions auctoriales :potes, historiens, grammairiens, cosmographes46. Dans le dernier tiers du XVIe sicle,Benito Arias Montano, chef de la bibliothque du roi d'Espagne partir de 1579,propose une organisation intressante qui, sans modifier les structures gnrales dusavoir, en dveloppe les divisions parfois implicites : soixante-quatre catgories47

    permettent de percevoir les relations mtonymiques qu'un lecteur moderne se trouveainsi en droit de proposer lorsqu'il entend expliquer les textes du XVIe sicle.

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    Les bibliographies tmoignent de cet effort de classement d'un savoir considrcomme universel : Gesner (1516-1565)48 vise l'universalit, aprs Trithme49. JohnBaie, plus prudent, se limite aux crivains anglais50. A la fin du sicle, deuxbibliographes effectuent un travail toujours utile. En 1584 Franois de La Croix duMaine fait paratre sa Bibliothque franoise, suivi un an plus tard par Antoine duVerdier51. La Croix du Maine propose le classement suivant :

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    Ce classement est proche de celui qu'adoptera le Prsident Jean IV Bouhier14

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  • thologiephilosophiesciencehistoirelittraturelangues trangreshrtiques.

    La lecture est devenue depuis trois sicles un genre de l'il59. Elle n'est plusaccompagne, comme auparavant, par la rumeur d'une articulation vocale ni par lemouvement d'une manducation musculaire. Lire sans prononcer haute ou mi-voix, c'est une exprience moderne , inconnue pendant des millnaires.Autrefois, le lecteur intriorisait le texte ; il faisait de sa voix le corps de l'autre ; ilen tait l'acteur. Aujourd'hui le texte n'impose plus son rythme au sujet, il ne semanifeste plus par la voix du lecteur. Ce retrait du corps, condition de sonautonomie, est une mise distance du texte. Il est pour le lecteur son habeascorpus60.

    (1673-1746), dont on sait l'importance du travail qu'il accomplit pour organiser sonimmense collection52:

    Tous ces classements mettent en place une vision du savoir o les cloisonnements,qui pourraient paratre renforcs par la multiplicit des subdivisions, sont en ralit,par ces divisions mmes, considrablement affaiblis. La hirarchie (de moins en moinsvisible) n'a pas encore cd la place la logique53 ; c'est l'encyclopdie qui sembledsormais rgner. Et toute branche de l'activit humaine, si efface qu'elle paraisse, estconsacre par un trait.

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    En se dveloppant au XVIe sicle, les bibliothques ont transform les lecteurs quisont, plus que jamais, comme le dit Michel de Certeau, des voyageurs ; ils circulentsur les terres d'autrui, nomades braconnant travers les champs qu'ils n'ont pas crits,ravissant les biens d'Egypte pour en jouir 54. Les lecteurs ont cr de nouveaux textes.Un exemple permettra de comprendre jusqu'o la lecture peut mener le lecteur ouplutt, par un effet de boomerang, l'auteur lui-mme.

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    Nicolas de Clamanges (c. 1362-1437), secrtaire du pape Benot XIII, chanoine humaniste , est l'auteur, entre autres ouvrages, d'un De ruina et reparationeecclesiae. Pour inciter l'Eglise se relever, il la montre humilie : luxe, richesses,cupidits, cumul des bnfices sont les points principaux sur lesquels s'exerce sacritique (qui se joint, l'poque, celle de bien d'autres de ses contemporains). AuXVIe sicle, les protestants rpandent ce trait pour justifier leurs attaques. Ils enchangent le titre : De corrupto ecclesiae statu (1562), bientt traduit en L'Estatcorrompu de l'Eglise (1564). Le texte se trouve ainsi mis l'Index55, et son auteurclass parmi les hrtiques dans la bibliothque de Pontus de Tyard. Son mode delecture s'est transform, entranant ainsi une modification de l'aire de rception.Modification qui a t tout la fois cause et consquence d'un changement de lectureidologique et physique56.

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    La multiplication des livres cre, plus que dans les sicles prcdents, des conditionsmeilleures encore pour une lecture silencieuse57, nouveau mode (certes dj prsentds le XIIIe sicle58) qui transforme le contenu mme du message, comme le prciseMichel de Certeau :

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    L'poque avait besoin de l'imprimerie ; tout l'appelait natre et se dvelopper, enparticulier la nouvelle spiritualit qui se met en place la fin du XIVe sicle et dontl'importance ne cessera de crotre pendant plus d'un sicle. Cette devotio modernarequiert de ses membres l'imitation du Christ et exige l'amour de l'tude personnelle etmditative des textes dans une perspective teinte de mysticisme61. La lecture doit tre

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  • Et puis, pour qui escrivez-vous ? Les savans qui touche la juridiction livresque,ne connaissent autre prix que de la doctrine, et n'avouent autre procder en nozesprits que celuy de l'rudition et de l'art : si vous avez pris l'un des Scipions pourl'autre, que vous reste il dire qui vaille ? Qui ignore Aristote, selon eux s'ignorequant et quant soy-mesme. Les mes communes et populaires ne voyent pas lagrce et le pois d'un discours hautain et desli. Or ces deux espces occupent lemonde. La tierce, qui vous tombez en partage, des mes rgles et fortes d'elles-mesmes, est si rare que justement elle n'a ny nom, ny rang entre nous : c'est demy temps perdu, d'aspirer et de s'efforcer luy plaire63.

    Notes

    1 Les femmes semblent avoir t analphabtes 99 %, Ces chiffres ne portent pas sur une dateprcise (le pourcentage des lecteurs est plus important la fin du sicle qu'au dbut) ni sur un lieudtermin : en 1587 un quart environ des jeunes Vnitiens (mais 1 % des jeunes Vnitiennes) saitlire. Ces chiffres sont donns par Jean-Franois Gilmont, Rformes protestantes et lecture ,dans : G. Cavallo et R. Chartier, Histoire de la lecture dans le monde occidental, Paris, Le Seuil,1997, p. 262. Voir, dans le mme ouvrage, l'article de R. Chartier, Lectures et lecteurs populaires'de la Renaissance l'Age classique , pp. 315-330.

    2 G. Demerson, dans Livres populaires du XVIe sicle, Paris, C.N.R.S., 1986, p. 37 n. 58. Le termede populaire doit donc tre largement tendu, et l'on peut accepter la dfinition donne parDenis Roche : ce mot s'applique tous ceux qui n'appartiennent aucune des trois robes (dans Roger Chartier et Henri-Jean Martin d., Histoire de l'dition franaise. I. Le livreconqurant. Du Moyen Age au milieu du XVIIe sicle, Paris, Fayard/Cercle de la Librairie, p. 699).Il s'agit de la robe noire (les clercs), de la robe courte (la noblesse) et de la robe longue, le mondenombreux et divers des officiers, grands ou petits, des avocats et procureurs, des gens de plume

    un acte frquent de mditation et de communion qui ne peut se concevoir que dans lesilence. On voit combien il serait intressant de classer les lecteurs non pas suivantleur appartenance telle ou telle couche sociale, mais suivant l'usage etl'interprtation qu'ils donnent d'un texte : il existe des modes de lecture propres chaque communaut, ces interprtatives communities dont parle Stanley Fish62.C'est peut-tre ce qu'envisageait Montaigne lorsqu'il se posait la question dudestinataire :

    L'auteur est celui qui augmente (auctor vient de augere) le lecteur, oui le grandit, condition que ce dernier accepte de faire le travail d'innutrition du texte, ou plutt destextes : de ce point de vue l'imitation ne saurait tre rige en lment d'une doctrinequ' partir du moment o l'on peut lire (et possder pour y revenir) plusieurs livres.Les nombreuses notes de lectures qui parfois envahissent la page imprime (chezd'obscurs possesseurs aussi bien que chez Montaigne ou, plus encore, chez Tyard) sontle signe d'une attention extrme porte au texte dans ses rapports avec les autrestextes. Les annotations philologiques, les addenda et corrigenda prsentent l'uvrecomme ouverte, dans l'attente d'un commentaire, d'une possession qui s'effectue nonseulement dans les marges mais dans le texte lui-mme (en tmoignent les nombreuxtraits de plume que l'on retrouve sur les exemplaires qui nous sont parvenus). Le livre(l'ex-libris et l'ex-dono j contribuent) est la fois une proprit et un objet decirculation qui, par sa multiplication dans le cadre dsormais banal de la bibliothque,se transforme au point d'occuper un domaine aux frontires imprcises ; une culturede l'honnte homme se met en place o le concept de littrature tend son domainesans cesse grandissant. La bibliothque, transforme bientt en cabinet de lecture,devient, d'une certaine manire, le nouveau lieu de retraite : microcosme dupass 64, elle ressemble fort un temple ddi au savoir o le recueillement doitpermettre, dans un cadre profane, l'examen et la mditation de soucis que l'on rvereligieux.

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  • auxquels il faut ajouter ces autres doctes, porteurs de robe eux aussi, que sont les hommes demdecine (p. 699).

    3 Un seigneur normand, le sire de Gouberville, a laiss un journal dans lequel il raconte qu'enfvrier 1554 il lisait ses paysans, le soir, des passages des premiers livres de cet immense roman qu'est Amadis de Gaule. On sait la notorit que connut ce hros dans presque toutesles couches de la socit. Circulent encore davantage les ouvrages que l'on appelle occasionnels,in-octavo composs d'une feuille (parfois deux), diffuss par des colporteurs principalement entre1570 et 1630 et narrant des histoires prodigieuses vise difiante.

    4 Claustrum sine armario, castrum sine armentario (Dom Martne, Thesaurus anecdotorum,1717, t. I, p. 511, Patrologia Latina, t. 205, p. 845). La formule est de Godeffroy de Sainte-Barbe, etserait exactement : Claustrum sine bibliotheca quasi castrum sine armamentaria .

    5 Paul Zumthor, La Lettre et la voix, Paris, Le Seuil, 1987, p. 109. Voir A. Derolez, Les Cataloguesde bibliothques, Turnhout, 1979 (Typologie des sources du Moyen Age occidental, n 31) ; etsurtout A. Taylor, Book Catalogues. Their varieties and uses, Winchester, The Newberry Library,1986, 2e d. Lopold Delisle ( Documents sur les livres et les bibliothques au Moyen Age ,Bibliothque de l'Ecole des Chartes, 1849, t. XI, p. 216 sq.) indique que la bibliothque de l'abbayeSaint-Ouen de Rouen possdait, vers 1370, entre 700 et 800 volumes. On ne reviendra pas ici surcette sorte d'archtype que constitue la bibliothque d'Alexandrie (voir sur ce sujet ChristianJacob, Lire pour crire : navigations alexandrines , dans Le Pouvoir des bibliothques. Lammoire des livres en Occident, M. Baratin et C. Jacob d., Paris, Albin Michel, 1996, pp. 47-83). Ilfaut noter que la bibliothque d'Alexandrie est la rfrence premire : Manetti loue labibliothque du pape Nicolas V en la comparant celle-l (voir Eugenio Garin, Il Rinascimentoitatiano, Florence, L. Olschki, 1980, pp. 56-57).

    6 Voir Lopold Delisle, Recherches sur la libraire de Charles V, Paris, 1907,t.1, p. 147. Cettebibliothque se trouvait d'abord au Palais, dans l'le de la Cit, puis, partir de 1367-1368, auLouvre, dans la tour de la Fauconnerie ; en 1413, le garde de la librairie, Jean Maulin, tablit uneliste de 916 manuscrits. Voir Andr Masson, Le Dcor des bibliothques du Moyen Age laRvolution, Genve, Droz, 1972. Louis XII complte la bibliothque de Charles VIII par les livresde son pre Charles d'Orlans et par ceux des ducs de Milan (en particulier dix-sept manuscritsayant appartenu Ptrarque). Cette bibliothque se trouve Blois avant que Franois Ier ne latransfre Fontainebleau en 1544, augmente des livres (confisqus en 1523) du conntable deBourbon. Un bon exemple de bibliothque d'un prince humaniste est constitu par celle du ducd'Urbin Frdric de Montefeltre (qui rgna de 1444 1482) : voir la description qu'en donneAndr Chastel dans Art et Humanisme Florence au temps de Laurent le Magnifique, Paris,P.U.F., 1982 (premire dition : 1959), pp. 365-369.

    7 Pour acclrer la copie se met en place une nouvelle pratique : un manuscrit l'exemplar),considr comme fidle au texte, est dfait en plusieurs pices (d'o pecia : cahier constitu parune feuille de parchemin plie en quatre). Chaque copiste louant un cahier, l'ouvrage peut trerecopi simultanment par un nombre de copistes gal au nombre de cahiers.

    8 Les index font une lente apparition au cours du XVIe sicle : voir Francis J. Witty, Thebeginnings of indexing and abstracting : some notes towards a History of Indexing and abstractingin Antiquity and the Middle Ages , The Indexer, VIII, 4, 1973, pp. 193-198.

    9 Sur ce sujet, voir l'article de F. Alessio, Conservazione e modelli di sapere nel medioevo dans : P. Rossi d., La Memoria del sapere. Forme di conservazione e strutture organizzativedall'antichit a oggi, Roma-Bari, 1988, pp. 93-133.

    10 Voir Paul Saenger, Lire aux derniers sicles du Moyen Age , dans : G. Cavallo et R. Chartier,Histoire de la lecture dans le monde occidental, Paris, Le Seuil, 1997, p. 162

    11 Les bibliothques publiques mettent plus d'un sicle natre : la Bodlienne (fonde parBodley) en 1602 Oxford, l'Ambrosiana (fonde par Frdric Borrome) en 1609 Milan,l'Angelica (fonde par l'vque Angelo Pocco) en 1620 Rome. A Paris, la bibliothque de DeThou est la premire bibliothque prive s'ouvrir un nombre assez large de gens de lettres. Ilfaut attendre 1643 pour qu'apparaisse une vraie bibliothque publique, sur ordre de Mazarin, laMazarine.

    12 Vernacular Books in Parisians Prvate Libraries of the Sixteenth Century [...], Chapel Hill,University of North Carolina, 1956. Voir aussi R, Doucet, Les Bibliothques parisiennes au XVIesicle, Paris, Picard, 1956 ; Albert Labarre, Le Livre dans la vie aminoise du XVIe sicle.L'enseignement des inventaires aprs dcs du XVIe sicle (1503-1576), Paris/Louvain,Nauwelaerts, 1971 ; Jean Quniart, Culture et socit urbaines dans la France de l'Ouest au XVIIIesicle, Paris, 1978 ; Michel Marion, Recherches sur les bibliothques prives Paris au milieu duXVIIIe sicle, Paris, 1978 ; Henri Jeannet, Quelques bibliothques de chanoines (1480-1550) ,dans : Le beau seizime sicle troyen, travaux du Centre Pithou rassembls par P. Leroy, Troyes,Centre de recherches et d'tudes Pierre et Nicolas Pithou, 1989, p. 319-323 ; M. Langlois,

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  • Recherches sur les bibliothques des archevques et des chanoines de Rouen, Rouen, 1853 ;Nouvelles recherches, Rouen, 1854.

    13 Entre 5 et 10 % d'aprs les comptes qui ont t faits par H.-J. Martin, dans l'Histoire de l'ditionfranaise, op. cit. note 2, p. 644-648. Lucien Febvre et Henri-Jean Martin, L'Apparition du livre,Paris, Albin Michel, 1958, rd. 1971, p. 369, tablissent les comptes suivants pour les possesseursde 377 bibliothques des XVe-XVIe sicles : 105 ecclsiastiques (52 du haut clerg ; 18 professeurset tudiants ; 35 curs ou prtres) ; 126 gens de robe (25 parlementaires ; 6 lus ou commis ; 45avocats ; 10 procureurs ; 15 notaires). A Amiens les marchands et les artisans reprsentent 40 %des possesseurs selon A. Labarre. Au XVe sicle, 60 % des lecteurs appartiennent au clerg : desvques (Guillaume Pelissier, vque de Maguelonne ; Louis Raguier, vque de Troyes, ThomasBasin, vque de Lisieux, etc.), mais aussi quelques simples prtres ; 11 % sont des universitaires ;29 % sont des officiers et des hommes de loi. Voir sur ce sujet Annie Charon, Usages du livre enFrance au XVe sicle dans : M. Ornato et N. Pons d., Pratiques de la culture crite en France auXV sicle. Actes du Colloque International du C.N.R.S. (Paris, 16 mai 1992) organis en l'honneurde Gilbert Ouy, Louvain-la-Neuve, Fdration Internationale des Instituts d'Etudes Mdivales,1995, pp. 462-465.

    14 Voir A. Labarre, Le Livre dans la vie aminoise du XVIe sicle [...], op. cit. note 12. Une tellediffrence s'explique par le fait que les livres diffuses par la Contre-Rforme, nombreux et parconsquent de qualit mdiocre, n'apparaissent pas toujours dans les inventaires aprs dcs. Etces livres, comme le dit Philip Benedict ( Bibliothques protestantes et catholiques Metz auXVIIe sicle , Annales E. S. G, mars-avril 1985, p. 357), sont, des titres divers, des auxiliairespdagogiques qui enseignent des prires et des chants utiliss lors des dvotions et apportent uneexplication du sens officiellement consacr de ces pratiques ; ils ne remplacent nullementl'exprience de l'acte rituel comme lment central de la pratique. A l'oppos, les doctrinesprotestantes de sola fide et de sola scriptura font appel une lecture et une assimilation de laBible qui sont des lments fondamentaux de la pratique religieuse .

    15 Voir le rsum des inventaires, effectu dans Le Temps des Rformes et la Bible, sous ladirection de Guy Bedouelle et de Bernard Roussel, Paris, Beauchesne, 1989, pp. 158-160. Il fautnaturellement temprer un tel jugement : l'inventaire, effectue en 1553, de la bibliothque deJean Forestier (qui appartenait au Prsidial d'Amiens) montre la prsence d'Homre, Lucien,Plutarque, Dmosthne, Platon, Tite Live, Pline, Bud, Erasme, Alciat, etc. Voir A. Labarre,op. cit. note 12, pp. 207-208 et 282 sq. Et pour une analyse de ces petites bibliothques, GilbertGadoffre, La Rvolution culturelle dans la France des humanistes. Guillaume Bud et Franois Ier,Genve, Droz, 1997, pp. 242-243.

    16 G. Gadoffre (op. cit. note 15, p. 109) signale que le cas est le mme pour le chancelier Poyet etque l'inventaire de la bibliothque de Du Prat (dcd en 1538) n'a t effectu qu' la mort (1557)de son fils.

    17 Voir Jean Balsamo, Les traducteurs franais d'ouvrages italiens et leurs mcnes(1574-1589) , dans Le Livre dans l'Europe de la Renaissance, Pierre Aquilon et Henri-JeanMartin d., Paris, Promodis/Editions du Cercle de la Librairie, 1988, pp. 122-132 ; Les Rencontresdes Muses, Genve, Slatkine, 1992.

    18 L. Febvre et H.-J. Martin, L'Apparition du livre, op. cit. note 13, p. 372.

    19 Un juge de Narbonne, au dbut du XVIIe sicle, possde des ouvrages de Du Bellay, Du Bartas,G. Bouchet {Les Seres, 1584), N. de Cholires {Neuf matines, 1585). Mais, comme le note PierreJourda ( La Bibliothque d'un juge Narbonne au dbut du XVIIe sicle , Humanisme etRenaissance, III, 1936, pp. 420-428), on ne trouve ni Rabelais ni Ronsard ni mme Montaigne, et aucun des textes du Moyen Age imprims l'aube du XVIe sicle (p. 426), l'exception duDiscours du Voyage de Jrusalem. P. Jourda la qualifie de bibliothque d'honnte homme .

    20 Voir Andr Stegmann, Comment constituer une bibliothque en France au dbut du XVIIesicle : examen mthodologique , dans Le Livre dans l'Europe de la Renaissance, op. cit. note 17,pp. 467-501.

    21 Voir J. Bignami Odier et J. Ruysschaert, La Bibliothque vaticane de Sixte IV Pie XI, Rome,Cit du Vatican, 1973.

    22 Dans la bibliothque de Jean Grolier (1479-1565) on compte 86 % d'ouvrages en latin, 11 % enitalien, 1 % en franais, 2 % dans les autres langues (grec, espagnol, etc.).

    23 Jean Grolier : Jo. Grolierii et amicorum ; J. A. de Thou : Ut prosint aliis . Voir Y Histoiredes Bibliothques franaises. Les bibliothques sous l'Ancien Rgime. 1530-1789, sous la directionde Claude Jolly, Paris, Promodis, 1989, t. II, p. 86. Celle du prsident de Thou (1553-1617) estconsidre en son temps comme la plus belle bibliothque de Paris avec ses six mille volumesenviron la mort de son propritaire.

    24 La notion mme de curiosit, avant l'poque des Peiresc et des Gassendi, joue un rle

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  • important dans la seconde moiti du XVIe sicle : il suffit de relever les titres de deux dialogues deTyard, Premier Curieux et Second Curieux, parus tous deux en 1557. Il ne s'agit pas d'une volontpromthenne de connaissance ( science et tourment vont de pair dit l'Ecclsiaste, I, 18), maisdu dsir de mise en place d'un savoir extraverti vers le monde sensible et la multiplicit dudivers (Sylviane Bokdam, La figure du curieux dans les Discours philosophiques de Pontus deTyard dans La Curiosit la Renaissance, Paris, S.E.D.E.S.-C.D.U., 1986, p. 110).

    25 Voir Louis Desgraves, Elie Vinet humaniste de Bordeaux (1509-1587), Genve, Droz, 1977. On ytrouve 175 titres, en trs grande majorit des ouvrages en latin parmi lesquels il n'y a ni thologieni littrature contemporaine.

    26 Voir M. Connat, Mort et testament de Rmy Belleau , Bibliothque d'Humanisme etRenaissance, VI, 1945, pp. 328-356 : environ 200 titres dont 45 en franais, 16 en grec, 11 enitalien.

    27 La dernire version (date du 12 fvrier 1536) du testament d'Erasme comprend une liste de413 ouvrages : voir Jean-Claude Margolin, Sur les migrations de quelques ouvrages de labibliothque d'Erasme , dans Voyages de bibliothques, d. par Marie Viallon, Saint-Etienne,Publications de l'Universit, 1999, p. 94.

    28 Sur cette bibliothque professionnelle constitue galement par des hommages, voir JeanneVeynn-Forrer, Un collectionneur engag : Franois Rasse des Neux, chirurgien parisien , dansLa Lettre et le Texte, Paris, 1987, pp. 422-477.

    29 Voir M. Connat et J. Mgret, Inventaire de la bibliothque des Du Prat , Bibliothqued'Humanisme et Renaissance, III, 1943, pp. 72-128. Sur la bibliothque (grosse de 730 volumesenviron) de l'vque Orso (mort en 1511), voir Henriette s'Jacob, Idealism and Realism : a Studyof sepulchral Symbolism, Lige, 1954, p. 207.

    30 On pourrait faire la mme remarque pour la bibliothque de Guillaume Pelissier (1490-1568)dont la majorit des ouvrages, en latin, est oriente vers la thologie, la philosophie, les sciences,l'architecture et la musique. On trouve cependant chez Du Prat des uvres de Marguerite deNavarrre, Rabelais, Du Bellay, Ronsard, Salel.

    31 Voir sur ce point la bibliothque du conntable de Montmorency dont l'analyse est faite par G.Gadoffre, op. cit. note 15, pp. 238-241.

    32 H.-J. Martin, Ce qu'on lisait Paris au XVIe sicle , Bibliothque d'Humanisme etRenaissance, XXI, 1959, p. 223.

    33 Il semble que l'on puisse, pour le XXe sicle, tendre largement ce dlai : part quelquesauteurs particuliers (Duras, Beckett, Le Clzio, Modiano), les autres crivains contemporains sontignors du public. Butor lui-mme n'est toujours peru (les ventes de ses livres en font foi) quecomme l'auteur de La Modification (1957).

    34 Trait des plus belles bibliothques (1664), cit dans Y Histoire des bibliothques, op. cit. note23, p. 183.

    35 Cet inventaire a t dit par Silvio F. Baridon, Inventaire de la bibliothque de Pontus deTyard, Genve, Droz ; Lille, Giard, 1950. Il a t tabli la mort du petit neveu de Pontus, si bienqu'il comprend non seulement une grande partie de la bibliothque du pote mais aussi celle deson neveu Cyrus qui lui succda la tte de l'vch de Chalon-sur-Sane.

    36 Ce calcul approximatif s'appuie sur le fait que les livres ont t partags en deux lots (dont l'una brl) et que l'lnventaire mle au seul lot dont il rend compte les livres du neveu de Tyard,Cyrus, lui aussi vque de Chalon-sur-Sane. On notera cependant que le Pre Jacob considrequ'il peut parler d'une riche bibliothque partir de 4 000 volumes. L'inventaire aprs dcsen est loin. Faut-il penser que Pontus avait quatre fois plus de livres que le nombre qu'on luisuppose ? Ou que le Pre Jacob a range cette bibliothque parmi les plus belles en raison de lanotorit de son possesseur et de la qualit des ditions qui s'y trouvaient ?

    37 En particulier par Pierre Villey, Les Sources et l'volution des Essais de Montaigne, Paris,Hachette, 1933 (rdition de l'dition de 1908).

    38 Voir Jean-Franois Maillard, La Bibliothque de Peiresc, Paris, C.N.R.S., 1990. Au XVIIe sicle,les bibliothques prennent une certaine ampleur : celle du chanoine de Troyes JacquesHennequin est riche de 3997 volumes lgus au couvent des Cordeliers en 1651 (catalogueimprim : Troyes, Bibliothque municipale, Imp. tr. 253).

    39 Sur ce sujet, voir J. Maritan, Problmes de la classification des sciences d'Aristote saintThomas, Saint-Maurice (Suisse) / Paris, 1901 ; R.-M. Martin, Arts libraux dans : Dictionnaired'Histoire et de Gographie ecclsiastiques, 1930, t. IV, col. 827-843 ; H.-J. Martin, Classementset conjonctures dans : Histoire de l'dition franaise, op. cit. note 2, pp. 529-564. Ce got pour lamise en ordre du savoir va culminer avec L'Encyclopdie : voir en particulier l'article

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  • Catalogue . Le livre essentiel concernant la classification est celui de E. I. Samurin, Geschichteder bibliothekarisch-bibliographischen Klassification, Leipzig, 1964-1967, 2 vol.

    40 Histoire de l'dition franaise, op. cit. note 2, p. 640.

    41 C'est en effet partir d'Aristote que l'on met en place le plan suivant : logique ; philosophiethorique (physique, mathmatique, philosophie premire ou thologie) ; philosophie pratique(thique, politique, conomique) ; potique. Voir Augustin Mansion, Introduction la physiquearistotlicienne, Louvain, 1945, pp. 39-43 et 122-143. Saint Augustin (De civitate Dei, VIII, 3, 10)transmet un schma diffrent inspir de Platon : philosophie rationnelle (logique), naturelle(physique) et morale (thique). Cette classification (que l'on appelle souvent platonico-stocienne) va se combiner au XIIIe sicle avec la classification aristotlicienne : distinction de laphilosophie thorique et de la philosophie pratique, division de la philosophie thorique d'aprsles trois degrs d'abstraction ; le quadrivium devient une subdivision de la Mathematica, letrivium une subdivision de la Philosophia rationalis ; l'ordre des degrs d'abstraction est renverset la Metaphysica occupe la premire place (Fernand Van Steenberghen, La Philosophie au XIIIesicle, Louvain, Publications Universitaires ; Paris, Batrice Nauwelaerts, 1966, p. 124). Il s'agitcertes ici d'un manuel anonyme, mais il est tout fait significatif de l'enseignement tel qu'il taitpratiqu dans le deuxime quart du XIIIe sicle.

    42 Du Bellay, Deffence et illustration de la langue franoise, I, 10, d. H. Chamard, Paris, Didier,S.T.F.M., 1970, p. 58. Du Bellay retrouve l'ide d'encyclopdie telle qu'elle est expose parQuintilien dans l'lnstitution oratoire, I, 10, 1 : orbis ille doctrinae, quem Graeci egkuklionpaidean vocant .

    43 Sont donnes ici les seules divisions principales. Elles se ramifient ensuite en un grandnombre de petites sciences, comme on peut le voir la lecture de l'dition rcente du Didascaliconpropose par Michel Lemoine (Paris, Editions du Cerf, 1991).

    44 Leopold Delisle, Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothque impriale (nationale), Paris,1881, vol. Ill, pp. 9-72.

    45 Albert Derolez {Les Catalogues de bibliothques, Turnhout, Brepols, 1979, p. 34) cite JeanBarrois, Bibliothques prototypographiques ou librairies des fils du roi Jean, Paris-Strasbourg-Londres, 1830, pp. 123-126.

    46 A. Derolez, op. cit. note 45, p. 35, renvoie la bibliothque Pandolfini, aux catalogues desMdicis, ceux du duc d'Urbin, du roi de Naples Ferdinand Ier : voir T. Gottlieb, bermittelalterliche Bibliotheken, Leipzig, 1890, p. 556 sq.

    47 Voici les subdivisions, telles que les donne Benot Rekers (Benito Arias Montano, trad.espagnole, Madrid, Taurus, 1973, p. 46-47) : Grammatica. Vocabularia. Elegantiae. Fabulae.Poesis. Historia. Antiquarii. Dialctica. Rhetorica. Declamatio. Orationes. Epistolae. Arsmemoriae. Mathematica in genere. Geometria. Arithmetica. Musica. Cosmographia. Geographia.Topographia. Astrologia. Astronomia. Divinatio. Perspectiva. Principes philosopni. Naturalisphilosophia. Philosophi privati argumenti. Chymica. Metaphysica. Medicina. Sitica. Ethica.Aeconomica. Politica. Aulica. Civile jus. Civilis juris interpretes. Gnomicae praeceptiones.Medianica. Venatio. Aucupium. Piscatio. Colymbitica. Militaris. Architectura. Pintura etSculptura. Agricultura. Idilia opuscula. Stromata. Encyclica. Catholica. Biblia sacra et patres.Concordantiae, indices, oeconomicae, loci communes. Bibliorum commentatio. Caones,concilia, constitutiones religiosae. Canonicum jus. Doctores integri. Homiliae, orationes,epistolae. Soliloquia, hymni. Doctrinales et semi disputatorii. Apologiae disputationes privatae acdefensiones. Privata quaedam et revelationes. Historia ecclesiastica et vitae sanctorum.Scholastici. Theologia. Sumistae .

    48 Conrad Gesner, Bibliotheca universalis, sive Catalogus in tribus Unguis Latina, Graeca etHebraica, Zurich, 1545. Douze mille ouvrages environ sont recenss. Le classement de Gesnercomprend vingt-trois rubriques : Theologica, [divise en] I. Sacrae scripturae interpretes, ResBiblicae ; II. Concilia, Synodi, Patres Illustrati, Publicad ; III. Scholastica ; IV. De ChristoDomino ; V. De Maria Dei genitrice, Mariae parentibus et sponso Josepho ; VI. Polemica,Demonstrationes Fidei Catholicae, Controversiae cum Hebraeis, Mahometanis, Haereticis, et aliaquavis censura confixis : item Catholicarum cum Catholicis ; VII. Ascetica, Spirituali sive Mystica ;VIII. Moralia Theologica, Philosophico seu Politico-moralia ; IX. Concinatoria ; X. Catechistica,Doctrina Christiana ; XI. Regularia ; XII. Varia Theologica ; XIII. Philosophica ; XIV. Medica ; XV.Jurdica, politico-legalia ; XVI. Politica ; XVII. Mathematica ; XVIII. Translationes ; XIX.Humaniores disciplinae, Grammatica, Rhetorica, Philologia, Studiorum ratio ; XX. Histrica ;XXI. Poetica ; XXII. Varia seu Miscellanea ; XXIII. Fabulae, Poesis prosaica .

    49 Johannes Trithemius, Cathalogus illustrium virorum Germaniae suis ingeniis etlucubrationibus omnifariam exornantium, Mayence, 1495. Il donne environ mille auteurs et septmille titres. Voir Louis Desgraves, Naissance de la science des bibliothques , Revue franaised'histoire du livre, n 70-71, 1er-2e trimestre 1991, pp. 3-30.

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  • 50 Illustrium Majoris Britanniae Scriptorum, Ipswich, 1548.

    51 II a t inspir, comme Du Verdier, par l'exemple de l'Italien Doni, ainsi que le fait remarquerRoger Charrier, L'Ordre des livres. Lecteurs, auteurs, bibliothques en Europe entre XIVe et XVIIIesicle, Aix-en-Provence, Alina, 1992, p. 81. Le mmoire de La Croix du Maine, rdig en 1583, apour titre : Desseins, ou projects du Sieur de La Croix du Maine, prsentez au Treschrestien Roy deFrance et de Pologne Henri III du nom ; il est publi dans le premier volume de sa Bibliothque.L'auteur s'attache dfinir l'ordre que doit adopter une bibliothque idale : cent buffetscontenant chacun cent volumes qui runiront la totalit du savoir sur le sujet considr.L'ensemble est organis, dit encore La Croix du Maine, comme un cahier de lieux communs. Parconsquent, plus que la mise en place d'une hirarchie, il s'agit de classer le savoir en catgoriesqui faciliteront son exploitation. En 1572, Estienne propose dans son Thsaurus l'ordre suivant :Potes, Historiens, Orateurs, Philosophes, Jurisprudence, Mdecins, Grammairiens, Lettressacres.

    52 Voir Albert Ronsin, La Bibliothque Bouhier : Histoire d'une collection forme du XVIe auXVIIe sicle par une famille de magistrats bourguignons, Dijon, Mmoires de l'Acadmie desSciences, Arts et Belles-Lettres, tome CXVIII, 1971. Dans son Introduction gnrale l'tude dessciences et des belles-lettres. Prcde par des conseils pour former une bibliothque peunombreuse mais choisie (1756 ; Slatkine Reprints, 1971), Antoine-Augustin Bruzen de LaMartinire rappelle cet ordre propos en 1756 par M. Formey : I. Ecriture sainte, Thologie etHistoire ecclsiastique ; II. Philosophie (qui comprend physique, histoire naturelle, etc.) ; III.Belles Lettres ; IV. Journaux ; V. Histoire ; VI. Romans ; VII Posie ; VIII. Eloquence ; IX. Moraleet got ; X. Science militaire et mathmatique (qui comprend l'architecture, etc.) ; XI. Gographieet voyages ; XII. Jurisprudence et mdecine. Dans Alaric ou Rome vaincue (dition CristinaBernazzoli, Fasano, Schena Editore, Paris, Didier Erudition, 1998, livre V, vv. 4753-5122),Georges de Scudry consacre une long passage donner le classement d'une bibliothque :grammairiens, humanistes, logiciens, orateurs, philosophes, Pres de l'Eglise, hrtiques,kabbalistes, potes, historiens, jurisconsultes, astrologues, mdecins, botanistes,mathmaticiens, gomanciens, disciples d'Artmidore [il s'agit de l'oniromancie] etchiromanciens, physiognomonistes, et quelques autres scientifiques.

    53 Celle qui prvaut la fin du XIXe sicle, comme en veut tmoigner Lopold Delisle,Instructions lmentaires et techniques pour la mise au point et le maintien en ordre des livresd'une bibliothque (Paris, Champion, 1911) : A. Thologie ; B. Jurisprudence ; C. Sciencesphilosophiques, politiques et morales ; D. Sciences physiques et chimiques ; E. Sciencesnaturelles. Agriculture ; F. Mdecine ; G. Sciences mathmatiques et applications. Mcanique.Astronomie. Marine. Art militaire. Jeux ; H. Beaux-arts ; I. Linguistique et littrature. Gnralits.Mlanges. Langues et littratures autres que celles pour lesquelles il existe des divisionsspciales ; J. Langues et Littratures de l'Orient ; K. Langues et littratures classiques (la Grce etRome) ; L. Langue et littrature franaise ; M. Langue et littrature des Etats de l'Europe autresque la France ; N. Histoire universelle. Gnralits de la gographie et des voyages, de lachronologie, de la biographie, de l'archologie, de la palographie et de l'histoire ecclsiastique, ycompris les croisades ; G. Histoire ancienne de l'Orient. Juifs. Egyptiens. Assyriens, etc. Indiens.Chinois ; P. Histoire ancienne des Grecs et des Romains. L'empire byzantin ; Q. Histoire deFrance ; R. Histoire des Etats europens autres que la France ; S. Histoire de l'Asie et del'Afrique ; T. Histoire de l'Amrique et de l'Ocanie ; U. Bibliographie et histoire littraire ; V.Mlanges encyclopdiques et autres. Collections. Polygraphie . C'est le classement qui sera suivilors de l'tablissement des catalogues des bibliothques publiques franaises. Ce classementreprend dans ses grandes lignes celui qu'avait tablit Gabriel Naud (1600-1643) suivi par lecarme bibliographe Louis Jacob : Thologie, Jurisprudence, Histoire, Sciences et Arts, BellesLettres. C'en est dsormais fini de la prminence de la thologie. Les sciences sont classes sansque se manifeste quelque dsir de hirarchie et, partant, de reconstruction de monde.

    54 L'Invention du quotidien, Paris, Gallimard, nouvelle dition, 1990, p. 251.

    55 Le premier Index librorum prohibitorum date de 1559, sous le pontificat de Paul IV. En plus,chaque pays fabrique sa propre liste : voir Franois de Dainville, Pour l'histoire de l'Index.L'ordonnance du P. Mercurian sur l'usage des livres prohibs (1575) et son interprtationlyonnaise , Recherches de Sciences religieuses, t. 43, 1954, p. 86-98. Et voir aussi l'ditionentreprise, depuis 1980, par J.-M. de Bujanda des Index des livres interdits (Genve, Droz). C'estla bulle Exsurge Domine, promulgue Rome par Lon X le 15 juin 1520, qui est la premireattaque contre la Rforme naissante, ordonnant la destruction des livres de Luther.

    56 On trouve ici l'application de ce que dit Donald F. McKenzie (La Bibliographie et la sociologiedes textes. Traduit de l'anglais (1986) par Marc Amfreville, Paris, Editions du Cercle de la Librairie,1991, p. 20) quand il explique que les nouveaux lecteurs produisent des textes qui eux-mmes, eugard aux nouvelles formes qu'ils prennent, proposent de nouvelles significations.

    57 Elle commence officiellement , comme on sait, avec saint Ambroise dont saint Augustin

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  • rapporte dans ses Confessions (VI, 3, 3) qu'il lisait sans remuer les lvres. Mais ce passage, qu'ilfaut citer tout entier, contient d'autres indications, en particulier l'ide qu'une telle lecture permetune mditation intrieure dans laquelle l'esprit, la facult intellectuelle est supplante par le cur,la charit : Sed cum legebat, oculi ducebantur per paginas et cor intellectum rimabatur, voxautem et lingua quiescebant. Saepe, cum adessemus - non enim vetabatur quisquam ingredi autei venientem nuntiari mos erat - sic eum legentem vidimus tacite et aliter numquam sedentesquein diuturno silentio - quis enim tam intento esse oneri auderet ? - disceaebamus et conjectabamuseum parvo ipso tempore, quod reparandae menti suae nanciscebatur, feriatum ao strepitucausarum alienarum nolle in aliud avocari [,..] : Mais quand il lisait, les yeux parcouraient lespages et le coeur creusait le sens, tandis que la voix et la langue restaient en repos. Bien souvent,quand nous tions l - car l'entre n'tait interdite personne, et l'on n'avait pas coutumed'annoncer les visiteurs - nous l'avons vu lire ainsi en silence, et jamais autrement ; et nousrestions assis longtemps sans rien dire - qui eut ose importuner un homme ainsi absorb ? -puisnous nous retirions, et nous supposions que, dans ce peu de temps qu'il pouvait trouver pourretremper son me, dlivr du tumulte des affaires d'autrui, il ne voulait pas se laisser distraire (traduction de E. Trhorel et G. Bouissou, Paris, Descle de Brouwer, 1962, p. 523). Surl'opposition mdivale entre la lecture de cur (silencieuse) oppose la lecture debouche , voir Paul Saenger, Books of Hours and the Reading Habits of the Later Middle Ages dans : The Culture of Print Power and the Uses of Print in Early Modern Europe, sous la directionde Roger Chartier, Cambridge, 1989, pp. 143-145. On notera qu'il y a des traces de lecturesilencieuse dans l'Antiquit bien avant l'poque de saint Amboise : voir Bernard M. W. Knox, Silent Reading in Antiquity , Greek, Roman and Byzantine Studies, IX, 1968, pp. 421-435.

    58 Les couvents sont adapts la cohabitation de la lecture orale et de la lecture silencieuse (Paul Saenger, Lire aux derniers sicles du Moyen Age , dans : G. Cavallo et R. Chartier,Histoire de la lecture dans le monde occidental, Paris, Le Seuil, 1997, p. 162).

    59 Blaise de Vigenre fait dj, en 1603, dans son dition des Commentaires de Csar (p. 243) lesrflexions suivantes : il importe beaucoup comme une chose soit imprime et escripte, au moinso il est question de chatouiller les affections de quelque plaisir et contentement : car il est toutcertain qu'en un livre faict colomnes estroictes de trois ou quatre doigts, et principalement engrosse lettre, parce qu'il y aura tant moins d'escriture, l'il qui ne fait qu'aller et venir, et la testetourne-virer, n'estant pas si tost party du commencement d'une ligne qu'il ne falle retourner une autre, travaillant la veue beaucoup, et l'esprit par consequent, tout ainsi que si on vouloitpromener grands pas en un espace long seulement de dix ou douze pieds, on se lasse bien plusqu'en quelque longue alle ou gallerie : parquoy il ne peut si parfaictement gouster le plaisir etdouceur de la lecture, si toutesfois il y en a, comme il seroit si les lignes estoient plus longues etestendues, ains s'ennuy de premiere face l'apprhension qui doibt concevoir et discerner toutcela, avec l'il qui peine aussi, ny plus ny moins que celuy qui pour avoir couru estant horsd'haleine, ne pourrait pas si bien ne distinctement gouster un vin, ou quelque viande, que s'ilestoit repose et rassis. Ce n'est pas dire pourtant que les lignes doibvent estre tires lalongueur de deux ou trois toyses, ne les livres reduicts la forme de ceux o l'on chante, enmusique, car la mdiocrit est partout requise .

    60 L'Invention du quotidien, pp. 253-254, cit par R. Charrier, L'Ordre des livres, op. cit. note 52,p. 28.

    61 Voir en particulier Grard Grote, Lettres et Traits, prsentation, traduction et notes parGeorgette Epiney-Burgard, Turnhout, Brepols, 1998 ; et pour une synthse : A. Hyma, TheChristian Renaissance. A History of the Devotio Moderna, Hamden (Connecticut), ArchonBooks, 1965 (2e dition). Le texte le plus clbre de ce mouvement est {'Imitation de Jsus Christcompose entre 1420 et 1427 par le mystique rhnan Thomas a Kempis ; une traduction franaiseest trs rapidement donne aprs la parution de l'ouvrage. Bien d'autres textes (livres d'heures,sermons, vies de saints, extraits des Pres) contribuent au dveloppement de ce mysticisme. Parexemple, et pour ne citer que le plus clbre : la Vita Christi de Ludolphe de Saxe, traduite enfranais par Louis de Bruges.

    62 Is there a Text in this Class ? The Authority of Interpretatives Communities,Cambridge/London, Harvard University Press, 1980 ; cit par R. Chartier, L'Ordre des livres,op. cit. note 52, p. 33.

    63 Essais, II, 17, A, d. Villey-Saulnier, Paris, P.U.F., 1965, p. 657.

    64 Bernard Beugnot, L'ermitage parmi les livres : images de la bibliothque classique , RevueFranaise d'Histoire du Livre, n 24, juillet-aot-septembre 1979, pp. 687-707 ; p. 694.

    Pour citer cet article

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  • Rfrence papierFranois Roudaut, Classements et bibliothques la Renaissance , Babel, 6 | 2002, 151-168.

    Rfrence lectroniqueFranois Roudaut, Classements et bibliothques la Renaissance , Babel [En ligne], 6 | 2002,mis en ligne le 12 juin 2012, consult le 23 novembre 2014. URL : http://babel.revues.org/1965

    Auteur

    Franois RoudautUniversit Paul-Valry (Montpellier III)

    Droits dauteur

    Babel

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