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Comment apprécier l’impact des m-services sur l’attractivité touristique
d’une ville ? Une approche par la valeur perçue.
Stéphane Bourliataux-Lajoinie
Maître de Conférences
IAE de l’Université François Rabelais de Tours - Vallorem (E.A. 6296)
Quartier des Deux Lions
50, avenue Jean Portalis
BP 0607
37206 Tours Cedex 03
Tel : 02 47 36 10 42
E-Mail : [email protected]
Arnaud Rivière
Maître de Conférences
IAE de l’Université François Rabelais de Tours - Vallorem (E.A. 6296)
Quartier des Deux Lions
50, avenue Jean Portalis
BP 0607
37206 Tours Cedex 03
Tel : 02 47 36 11 63
E-Mail : [email protected]
Comment apprécier l’impact des m-services sur l’attractivité touristique d’une ville ?
Une approche par la valeur perçue.
Résumé :
Face à une concurrence accrue entre les destinations touristiques, ces dernières cherchent à
renforcer leur attractivité. En particulier, les villes françaises sont de plus en plus nombreuses
à adopter des solutions mobiles de services touristiques (m-tourisme) afin d’enrichir leur
offre. En vue d’analyser les effets de ces nouveaux services mobiles (m-services), cet article
mobilise l’approche de la valeur perçue. Une étude qualitative permet d’identifier différents
bénéfices et sacrifices perçus par les touristes à l’égard d’une ville. Puis, la présence d’effets
diversifiés et contrastés des m-services sur la valeur perçue d’une localité est démontrée.
Mots-clés : m-service, m-tourisme, ville, valeur perçue.
How to appraise the impact of m-services on the tourist attractiveness of a city?
An approach by the perceived value.
Abstract:
In an increasing competitive context, tourist destinations try to strengthen their attractiveness.
In particular, more and more French cities adopt some mobile solutions of tourist services (m-
tourism) to enrich their offer. To analyze the effects of these new types of mobile services (m-
services), the approach of the perceived value is used. A qualitative study leads to identify
different benefits and sacrifices perceived by the tourists towards a city. Then, the results
demonstrate the presence of various and contrasting effects of m-services on the perceived
value of a city.
Key-words: m-service, m-tourism, city, perceived value.
1
Comment apprécier l’impact des m-services sur l’attractivité touristique d’une ville ?
Une approche par la valeur perçue.
Introduction
Selon une étude de Médiamétrie publiée en novembre 2012, 46,6% des français disposent
d’un smartphone (soit une augmentation de 40% en un an) et 41,2% se sont connectés au
moins une fois à l’Internet mobile en septembre 2012 (soit une augmentation de 11% par
rapport à juin 2012). Cette progression des taux de pénétration s’est accompagnée d’un
accroissement du marché des services mobiles (m-services), notamment des applications
multimédia payantes ou gratuites téléchargeables depuis les smartphones. Ces dernières
permettent, à leurs utilisateurs, de s’informer, de se divertir ou bien encore de communiquer.
Ces potentialités technologiques intéressent particulièrement le secteur du tourisme confronté,
depuis ces dernières années, à une concurrence accrue (avec l’apparition de nouvelles
destinations) et à une forte augmentation de la demande touristique (Sanchez et al., 2006).
Ces évolutions ont amené de nombreux territoires à engager une réflexion sur leur
positionnement et leur commercialisation, leur objectif étant d’accroître leur attractivité
(Bartikowski, Merunka et Valette-Florence, 2009).
Dans ce contexte, bon nombre d’acteurs touristiques s’intéressent aux opportunités de
communication et d’information des nouveaux services mobiles. En effet, si le tourisme a été
un des pionniers de l’e-commerce et continue à tirer vers le haut le chiffre d’affaires du
commerce électronique mondial, ce phénomène d’avant-garde s’observe aussi avec l’Internet
mobile (Petr, 2010). Le m-tourisme ou mobile-tourisme désigne le fait de recevoir ou
d’envoyer de l’information et des services touristiques grâce à un système de communication
sans fil. Il n’est pas seulement question de faire du commerce, mais aussi de fournir de
l’information touristique via les téléphones mobiles (Petr, 2010). Le m-tourisme peut ainsi
2
être assimilé à un ensemble de nouvelles solutions technologiques permettant un accès
renouvelé à l’information et à l’offre touristique, et susceptible de modifier le comportement
des touristes. Ces solutions technologiques ont séduit bon nombre de villes françaises qui ont
cherché à développer, ces dernières années, de nouvelles applications mobiles de guidage et
d’information à destination des touristes. A titre d’exemple, nous pouvons citer les
applications e-Poitiers, Tours Monument Tracker, Nantes Avant, La Rochelle Tour.
Compte tenu de ce phénomène, et au vu de l’investissement financier nécessaire pour
proposer ces nouveaux services de m-tourisme, cet article s’intéresse à l’impact des
applications multimédia touristiques sur l’attractivité d’une ville. La problématique de cette
recherche peut être définie de la manière suivante : quels sont les effets des nouveaux
services de m-tourisme sur l’évaluation de l’offre touristique d’une ville du point de vue
des touristes ? Pour répondre à cette question, ce travail vise à transposer le cadre d’analyse
de la valeur perçue au contexte d’une destination touristique (telle une ville) et à apprécier les
conséquences des m-services touristiques sur les différentes composantes de la valeur d’une
ville. Sur le plan théorique, l’originalité de cette recherche réside dans un élargissement des
« objets » considérés habituellement dans les travaux consacrés à la nature de la valeur
perçue. D’un point de vue managérial, il s’agit de s’interroger sur l’intérêt, pour les localités
souhaitant développer leur attractivité touristique, d’adopter des solutions de m-services.
Cet article est structuré en deux parties. Tout d’abord, le m-tourisme puis la notion de valeur
perçue sont successivement abordés. Ensuite, la méthodologie et les résultats d’une étude
qualitative sont détaillés. En conclusion, les apports, limites et voies de recherche sont
précisés.
3
1. La valeur perçue, prisme d’analyse des effets des m-services sur l’attractivité
touristique d’une ville
Après avoir apprécié l’importance et les contours du m-tourisme via la présentation de ses
différentes potentialités, le cadre d’analyse de la valeur perçue est défini et l’intérêt de sa prise
en compte, dans le contexte de l’étude, est souligné.
1.1. Les services de m-tourisme : quelle réalité ?
Face à la multiplication des destinations proposées et à la modification du comportement des
clients, les villes n’ont d’autres choix, pour attirer les touristes, que d’engager une réflexion
sur leur offre de services. Ainsi, bon nombre de localités se sont intéressées aux possibilités
offertes par les applications mobiles sur smartphones. De telles applications, comparables à
des programmes pour ordinateurs, permettent d’utiliser la puissance de calcul de l’appareil
pour effectuer une opération qui n’a pas de lien direct avec son rôle premier de téléphone.
Nous ne traiterons ici que des applications de services liées au m-tourisme, ces dernières
pouvant se scinder en trois grands groupes en fonction de la technologie utilisée.
Tout d’abord, il est possible de distinguer les applications de géolocalisation du
smartphone. Il s’agit d’une application pré-installée dans le smartphone qui utilise soit le
principe de triangulation sur les relais téléphoniques, soit celui de puce GPS embarquée dans
l’appareil. Couplé à une boussole intégrée, le système peut se géolocaliser en temps réel. Pour
le consommateur, l’intérêt principal est l’utilisation d’un GPS de voyage pour s’orienter en
voiture ou à pied. Il peut également, grâce à ce système, trouver une boutique ou un lieu
précis à proximité de l’endroit où il se trouve. Pour l’opérateur, c’est un moyen de traçage de
l’utilisateur. En vertu des lois françaises, ce système de géolocalisation doit être activé par
l’individu, ce dernier exprimant ainsi, par cette manipulation, son accord pour le traçage de
4
ses données personnelles. A titre d’exemple, Google Map, ainsi que les applications destinées
à la visite guidée d’une ville ou d’un lieu touristique, utilisent cette fonction.
Autre possibilité technologique pour les services de m-tourisme : les codes QR qui
représentent une forme alternative d’interaction possible entre les smartphones et
l’environnement du consommateur. Il ne s’agit pas ici à proprement parler d’une application
purement liée au m-tourisme, mais d’une utilisation spécifique au tourisme et hautement
interactive. Un code QR est un pictogramme carré qui contient une série d’informations telles
que l’adresse d’un site web, une carte de visite pour Outlook, un document à télécharger ou
bien encore une image. Le code QR nécessite l’utilisation d’un smartphone équipé d’un
appareil photo. Grace à un programme spécial (ex : Mobile Tag), l’utilisateur « photograpie »
le code qui est instantanément décodé par le téléphone et l’application liée est exécutée
(téléchargement d’un fichier, insertion d’une carte de visite). Le code QR, souvent appelé
Flashcode©, se prête à de nombreux usages. Par exemple, il peut se coller sur un monument
urbain afin que l’utilisateur obtienne un descriptif, un tarif, des horaires… La ville de Sarlat
avait opté dès 2009 pour une installation de codes QR sur certains monuments et lieux
importants. L’usage de ces codes QR ne se substituait pas aux affichages d’informations
traditionnels mais permettait d’obtenir des informations complémentaires afin d’enrichir la
visite. L’utilisation des codes QR ne nécessite pas l’ajout d’applications sur le smartphone car
la plupart des modèles récents sont fournis avec un lecteur de codes QR déjà installé.
Troisième catégorie principale d’applications de m-tourisme : les applications de réalité
augmentée. La réalité augmentée va utiliser au maximum les informations de géolocalisation
du smartphone couplant ces dernières avec les informations d’azimut de la boussole
embarquée. Grâce à ce procédé, l’appareil « sait » où il est et dans quelle direction il est
orienté. Le programme utilise alors la fonction caméra de l’appareil pour afficher les images
5
captées par l’objectif, puis l’application de réalité augmentée superpose les informations de sa
base de données sur les images réelles de l’environnement de l’utilisateur. Ce dernier voit
ainsi apparaître, sur son écran de smartphone, des bulles d’informations sur les bâtiments ou
monuments qui l’entourent. Il peut également voir apparaître des éléments qui n’existent plus
(anciens bâtiments, personnages) à leur emplacement d’origine. Des applications telles que
Metro Paris ou Wikitude, sont basées sur cette technologie.
Au regard de cet éventail de possibilités technologiques, le m-tourisme paraît en mesure de
présenter des opportunités pour les villes souhaitant agrémenter leur offre de services
touristiques. Toutefois, comment peut-on réellement apprécier les effets de ces m-services ?
Pour répondre à cette question, l’approche de la valeur perçue peut être mobilisée.
1.2. L’approche de la valeur perçue en marketing
La valeur perçue revêt un rôle majeur en comportement du consommateur. Dans la littérature,
elle a essentiellement été abordée au travers de trois approches (Rivière et Mencarelli, 2012) :
- La valeur d’achat : elle correspond à l’évaluation globale de l’utilité d’une offre issue de
la compensation entre des bénéfices et des sacrifices perçus. Toutefois, elle a souvent été
réduite à l’appréciation du ratio qualité / prix. Elle a lieu avant l’achat et s’inscrit dans une
vision rationnelle et cognitive (Zeithaml, 1988).
- La valeur de consommation : elle traduit une préférence relative, caractérisant
l’expérience d’interaction entre un sujet et un objet, et résulte de l’expérience de
consommation / possession d’un bien1. Elle s’inscrit dans une approche expérientielle et
présente une vision multifacette de la valeur2. En référence aux travaux d’Holbrook
1 Il est important de différencier le moment de formation du moment de perception de la valeur. En effet, la valeur de consommation (se formant après achat, à l’issue de l’expérience de consommation) peut être anticipée (et donc perçue) par l’individu avant l’acte d’achat (Arnould, Price et Zinkhan, 2002). 2 Holbrook (1999) a ainsi identifié huit composantes de la valeur de consommation.
6
(1999), les sources de valeur de consommation peuvent être structurées selon deux axes
principaux3 : valeur extrinsèque / intrinsèque4 et valeur orientée vers soi / vers les autres5.
- L’approche mixte de la valeur : elle profite du cadre d’analyse de la valeur d’achat
(bénéfices / coûts) et de la richesse des composantes de la valeur de consommation (Lai,
1995 ; Sweeney et Soutar, 2001 ; Aurier, Evrard et N’Goala, 2004 ; Marteaux, 2007).
Notamment, Aurier, Evrard et N’Goala (2004) considèrent que les composantes de la
valeur de consommation contribuent à déterminer une utilité globale vue comme une
somme de bénéfices qui, mise en balance avec la somme des sacrifices, aboutirait à un
jugement de valeur globale. Cette approche propose ainsi une lecture multidimensionnelle
des bénéfices (au travers de la valeur de consommation) mais également des sacrifices
perçus (en adoptant une distinction sacrifices monétaires / non-monétaires6). Dans le cadre
ce cette conception, la valeur peut avoir lieu avant et / ou après l’achat et l’expérience de
consommation. En raison de sa richesse conceptuelle, l’approche mixte de la valeur paraît
attrayante à mobiliser.
Jusqu’à présent, la valeur perçue a essentiellement été étudiée dans le contexte des produits
(Sweeney et Soutar, 2001) et services marchands (Sanchez, Iniesta et Holbrook, 2009), ainsi
que dans le cadre d’expériences de magasinage7 (Mathwick, Malhotra et Rigdon, 2001). De
même, des travaux ont été menés afin d’apprécier spécifiquement la valeur perçue de
certaines attractions et lieux de consommation culturels / touristiques (Petrick, 2002 ; Aurier,
Evrard et N’Goala, 2004 ; Mencarelli, 2005 ; Marteaux, 2007 ; Bourgeon-Renault et al.,
3 Une troisième dimension (valeur active / réactive) a été identifiée à l’origine par Holbrook (1999). Toutefois, en raison de sa complexité d’appréhension, cette distinction a été peu reprise dans la littérature. 4 La valeur d’un produit est extrinsèque (le produit est un moyen pour atteindre des fins qui lui sont extérieures) ou intrinsèque (l’expérience de consommation associée au produit, ou la possession de l’objet, est recherchée et appréciée en tant que telle). 5 La valeur est orientée vers soi (fonction de son intérêt personnel) ou orientée vers les autres (la famille, l’entourage, la société, le monde…). Dans ce dernier cas, le consommateur juge les objets et les expériences en fonction des autres et pour les autres. 6 Exemples de sacrifices non-monétaires : temps, risques perçus, énergie (…). 7 Dans ce cadre, la valeur est liée à l’expérience que le chaland retire de sa visite au magasin.
7
2009), ou bien encore la valeur perçue d’offres d’agences de voyage (Sanchez et al., 2006).
Ces dernières recherches témoignent de l’importance, dans le tourisme, de la création et de la
proposition de valeur dans l’acquisition d’un avantage compétitif (Sanchez et al., 2006).
Toutefois, cette notion de valeur perçue a été peu mobilisée en marketing touristique territorial.
Les quelques travaux l’ayant considérée se sont uniquement concentrés sur l’identification de
ses antécédents (Murphy, Pritchard et Smith, 2000 ; Bajs, 2011), mais aucune investigation n’a
été menée sur la nature de cette valeur. Une réflexion préalable semble à ce stade nécessaire
afin d’évaluer la possibilité de transposer et d’adapter cette notion à l’échelle d’une ville.
1.3. Pertinence, intérêt et questionnement liés à l’application de la notion de valeur
perçue à l’échelle d’une ville
Pour évaluer la pertinence d’appliquer la notion de valeur perçue au contexte d’une ville, il est
nécessaire au préalable de répondre à la question suivante : une ville, prise dans son
ensemble, peut-elle être considérée comme une « offre à part entière » aux yeux des touristes ?
D’un point de vue théorique, il est possible de répondre par l’affirmative en mobilisant la
notion de destination touristique. Framke (2002) définit une destination touristique comme
« une aire géographique qui est en mesure d’offrir un produit touristique, c'est-à-dire un
ensemble de services supports qui gravite autour d’activités ou expériences inhabituelles
pour le touriste ». Dans cette définition, la destination apparaît comme un bien composite
(Caccomo et Solonandrasana, 2001) constitué de l’ensemble des commodités nécessaires au
confort du touriste lors de son séjour (hébergement, transport…), et d’une attraction
touristique. L’attraction touristique, parce que c’est elle qui tire le touriste hors de son
environnement habituel (Lew, 1987), est considérée comme la composante principale de la
destination. Ce détour par la notion de destination touristique permet ainsi de considérer les
villes comme de réelles offres touristiques.
8
Au-delà de cette réflexion concernant l’objet d’étude, la pertinence de l’application de la
notion de valeur perçue au niveau d’une localité peut se justifier par la tendance de plusieurs
recherches récentes à transposer un certain nombre de concepts du marketing « classique » à
l’échelle d’une ville. Parmi eux, l’attention des chercheurs s’est concentrée sur la
conceptualisation et la mesure de l’image perçue (image de marque) d’une ville (Chamard,
2004 ; Laaksonen et al., 2006), ou bien encore sur l’analyse de la personnalité de marque
d’une localité (Bartikowski, Merunka et Valette-Florence, 2008). La mobilisation de ces
différentes notions traduit une préoccupation commune : mieux comprendre l’attitude et le
comportement des individus vis-à-vis des destinations touristiques.
L’intérêt de mobiliser la notion de valeur perçue dans le contexte d’une ville peut se justifier
par plusieurs arguments. Tout d’abord, à l’inverse du concept d’image perçue, la notion de
valeur perçue fournit une évaluation plus globale de l’offre. De même, elle présente un
potentiel important en termes d’applications managériales, aussi bien en phase de diagnostic
qu’en phase d’action (Filser et Plichon, 2004 ; Frochot et Legohérel, 2010). Enfin, même si
elle n’a jamais fait l’objet d’études approfondies (tant concernant sa conceptualisation que sa
mesure), plusieurs auteurs, en soulignant l’importance de la valeur perçue dans le
comportement des touristes, incitent à mobiliser cette notion (Gearing, Swart et Var, 1974 ;
Dagnies, 2010 ; Frochot et Legohérel, 2010).
Une fois démontré la pertinence et l’intérêt de l’étude de la valeur perçue d’une ville, il est
important, à présent, de s’interroger sur la nature de cette notion. Pour cela, il semble
opportun de transposer le cadre d’analyse proposé par l’approche mixte de la valeur perçue au
contexte spécifique d’une localité. L’objectif de la prochaine étape consiste alors à identifier
les différents bénéfices et sacrifices pouvant être perçus par les touristes au niveau d’une ville.
En cohérence avec les travaux d’Arnould, Price et Zinkhan (2002), il est important de préciser
9
qu’il s’agit, dans la suite de cette recherche, de repérer les bénéfices et sacrifices se formant
effectivement à l’issue de l’expérience de consommation mais anticipés (et donc perçus) par
les individus avant l’acte de consommation. Un tel cadre d’analyse, structuré autour des
sources de création et de destruction de valeur, permettra, au final, d’apprécier de manière
détaillée les effets des m-services sur l’attractivité d’une localité.
2. Analyse de la nature de la valeur perçue d’une ville et appréciation des effets des m-
services
Afin d’apporter des éléments de réponse aux interrogations soulevées précédemment, une
étude qualitative a été menée. Après avoir précisé les modalités méthodologiques de la phase
exploratoire, les différents bénéfices et sacrifices perçus par les touristes à l’égard d’une ville
sont identifiés et mis en perspective avec la littérature sur la valeur. Puis, les effets des m-
services, sur les différentes composantes de la valeur perçue d’une ville, sont appréciés.
2.1. Méthodologie de l’étude qualitative
Dans le cadre de l’étude, 28 entretiens semi-directifs ont été conduits. Concernant la
composition et la taille de l’échantillon, les principes de diversité des profils d’individus
interrogés (en termes d’âge, de CSP – annexe 1) et de saturation sémantique ont été appliqués.
Le guide d’entretien a été structuré en deux thèmes complémentaires :
- 1er thème : il s’agissait tout d’abord d’interroger les répondants sur leurs critères
d’appréciation et de choix d’une destination (et plus spécifiquement d’une ville)
touristique. Dans ce cadre, ils étaient incités à se remémorer et à nous relater des
expériences touristiques antérieures.
- 2ème thème : les interviewés étaient ensuite amenés à s’exprimer sur les nouveaux services
proposés par les villes touristiques, et tout particulièrement sur les m-services touristiques.
Il s’agissait aussi bien d’apprécier l’évaluation intrinsèque de ces nouveaux services que
10
leur impact sur l’attractivité d’une ville touristique. Pour mieux expliquer le principe des
différentes solutions de m-tourisme, des vidéos étaient présentées aux individus.
Les données ont été traitées par analyse de contenu thématique en adoptant la méthodologie
proposée par Spiggle (1994). Cette démarche permet d’organiser les données collectées, d’en
extraire du sens, de parvenir à des conclusions et de générer ou confirmer des schémas
conceptuels. A l’issue de l’analyse, plusieurs résultats, concernant la nature de la valeur
perçue d’une ville, et les effets des m-services sur cette dernière, peuvent être présentés.
2.2. Identification des bénéfices et sacrifices perçus par un touriste à l’égard d’une ville
Dans un premier temps, afin de structurer la présentation des bénéfices perçus par un touriste
à l’égard d’une ville, le cadre d’analyse d’Holbrook (1999), articulé principalement autour de deux
critères - valeur extrinsèque/intrinsèque et valeur orientée vers soi/vers les autres -, est utilisé.
Valeur extrinsèque orientée vers soi
Dans le cadre de cette première catégorie de bénéfices, une valeur d’excellence (Holbrook,
1999), liée aux caractéristiques intrinsèques de la ville, est repérée. Cette facette de la valeur
peut être considérée comme proche des dimensions d’excellence du service (Mathwick,
Malhotra et Rigdon, 2001), de qualité (Petrick, 2002 ; Sanchez, Iniesta et Holbrook, 2009), ou
bien encore de valeur fonctionnelle (utilitaire) (Lai, 1995 ; Sweeney et Soutar, 2001 ; Aurier,
Evrard et N’Goala, 2004 ; Mencarelli, 2005) évoquées dans la littérature. La valeur
d’excellence, appliquée au contexte d’une ville touristique, fait principalement référence à sa
qualité perçue ainsi qu’à son intérêt (« utilité ») touristique, et provient de la propreté de la
ville, de l’existence et d’une certaine diversité des activités / attractions proposées, de la taille
de la localité, de ses caractéristiques géographiques, météorologiques ou topographiques, de
la qualité de l’accueil local ou bien encore de l’aménagement de la ville.
11
« Une ville non-attractive ? Où il n’y a pas assez de choses à faire… Brest par exemple, Vierzon » (ind 3)
« Madrid, c’est en plein dans les terres, donc je ne trouve pas que c’est l’idéal » (ind 2)
« Je suis allé à Montréal, cette ville était attractive… les gens étaient accueillants et chaleureux » (ind 10)
« Si je vais en vacances, je regarde s’il y a des pistes cyclables dans la ville » (ind 13)
Une valeur épistémique peut également être identifiée dans l’étude. Cette dernière fait
référence à la capacité de l’offre à satisfaire la curiosité, le désir de connaissance ou de
nouveauté du consommateur (Lai, 1995). Elle présente une certaine proximité sémantique
avec « la valeur de connaissance » d’Aurier, Evrard et N’Goala (2004). Ce type de bénéfice
est lié, dans le cadre d’une ville, à la détention d’une particularité / spécificité locale, à son
intérêt historique, culturel, architectural, gastronomique, géographique.
« J’attends d’une ville touristique qu’elle m’apprenne quelque chose » (ind 24)
Valeur intrinsèque orientée vers soi
Au sein de cette catégorie de bénéfices, trois types de sources de valeur peuvent être
distingués : la valeur hédo-affective, la valeur d’évasion et la valeur d’esthétisme.
L’aspect hédo-affectif de la valeur peut être rapproché d’autres sources de valorisation
mises en exergue dans la littérature : plaisir / amusement (Aurier, Evrard et N’Goala, 2004),
jeu (Holbrook, 1999), distraction et plaisir (Mathwick, Malhotra et Rigdon, 2001), valeurs
hédonique et affective (Lai, 1995). Cette facette de la valeur provient de l’atmosphère
générale de la ville, de son ambiance, de son aspect « vivant », de sa vie nocturne, de son
caractère festif, de sa capacité à divertir les touristes et à susciter des émotions.
« C’était très animé. C’est le côté festif, attractif qui m’a le plus plu » (ind 18)
« Barcelone, c’est un peu une histoire d’amour. J’y suis allé une dizaine ou une quinzaine de fois… j’adore
cette ville parce qu’il y a tout pour être bien » (ind 17)
« Une ville non attractive ? Une ville sans âme, qui a 10 heures ne vit plus où il n’y a plus personne dans
les rues » (ind 17)
12
La valeur d’évasion (Mencarelli, 2005), qui n’est pas sans rappeler la stimulation
expérientielle d’Aurier, Evrard et N’Goala (2004) ou l’escapisme de Mathwick, Malhotra et
Rigdon (2001), désigne la capacité de l’expérience à stimuler les sens de l’individu, à
l’absorber au point de l’amener à oublier son environnement et ressentir une sensation de
bien-être (Aurier, Evrard et N’Goala, 2004). Trois éléments sont principalement associés à ce
bénéfice :
- Le dépaysement : « on a choisi la ville parce qu’on voulait être complètement dépaysé » (ind
16), « ça change de notre environnement quotidien » (ind 20)
- Le voyage spirituel : « comparé à d’autres villes où les monuments peuvent nous faire voyager
dans le temps. Là, les monuments étaient très vieux et on avait pas du tout ce ressenti » (ind 11)
- L’assimilation : « vivre comme un citoyen de la ville » (ind 18)
Enfin, la valeur d’esthétisme (Lai, 1995 ; Holbrook, 1999 ; Mencarelli, 2005), dénommée
« attrait visuel » par Mathwick, Malhotra et Rigdon (2001), associe la consommation de
l’offre touristique à la beauté (Lai, 1995). Cette source de valeur provient de l’aménagement
de la ville, de son architecture, du caractère « sublime » des lieux.
« Je vois Orléans par exemple, s‘il y avait moins de grosses bâtisses genre cités, si c’était plus aéré,
qu’il y aurait des parcs, ça serait plus joli » (ind 4)
« Une très belle ville à visiter…aux petites rues qui ont du charme » (ind 12)
Valeur extrinsèque orientée vers les autres
Cette catégorie de bénéfices comprend deux dimensions distinctes.
Tout d’abord, une ville peut générer un bénéfice d’« expression de soi » (Aurier, Evrard et
N’Goala, 2004). Cette valeur, proche des dimensions « statut social » et « valeur sociale »
identifiées par Holbrook (1999) et Lai (1995), fait référence à la capacité de l’offre à projeter
l’expression de soi, à jouer un rôle dans la communication sociale en tant que reflet de la
13
personnalité, et plus globalement à participer à la construction de l’identité, du statut, et de
l’image de l’acheteur (Aurier, Evrard et N’Goala, 2004 ; Filser et Plichon, 2004).
« C’est par rapport à l’image que la ville elle donne, après c’est chacun son image… on sait si une
ville est de droite, de gauche ou extrême, donc t’as pas forcément envie d’y aller » (ind 3)
« Si c’est trop fréquenté par certaines classes sociales, ça peut vite me saouler » (ind 19)
De même, une valeur de lien social (Aurier, Evrard et N’Goala, 2004), ou valeur
d’interaction sociale (Mencarelli, 2005), peut être décelée dans la valorisation d’une ville
touristique. Cette source de valeur correspond au rôle de l’offre comme aide à l’interaction
sociale, à l’échange interindividuel (Aurier, Evrard et N’Goala, 2004).
« Dans le séjour, ce qui aurait été intéressant, c’est de rencontrer les locaux, être plus en contact des
habitants… j’aimerais aller plus au contact de la population » (ind 10)
Valeur intrinsèque orientée vers les autres
Une valeur altruiste (Holbrook, 1999, 2006 ; Sanchez, Iniesta et Holbrook, 2009), associée à
l’idée générale de bien-être collectif et d’éthique, a également été décelée dans l’étude et
renvoie essentiellement à des considérations écologiques, liées au développement durable.
« Ce qui peut détériorer l’attractivité d’une ville, ça serait la pollution » (ind 17)
« Je suis attentif à la politique de développement durable » (ind 20)
Afin de synthétiser l’ensemble des sources de création de valeur identifiées précédemment, le
tableau 1 récapitule les différents bénéfices perçus par un touriste à l’égard d’une ville (tableau 1).
Valeur extrinsèque Valeur intrinsèque
Valeur orientée vers soi - Valeur d’excellence
- Valeur épistémique
- Valeur hédo-affective
- Valeur esthétique
- Valeur d’évasion
Valeur orientée vers les
autres
- Valeur d’expression de soi
- Valeur de lien social - Valeur altruiste
Tableau 1. Synthèse des bénéfices perçus par un touriste à l’égard d’une ville
14
Une fois les bénéfices répertoriés, les différents sacrifices perçus par les consommateurs
peuvent être identifiés et distingués selon leur nature monétaire ou non-monétaire.
Sacrifices monétaires
Le sacrifice monétaire, habituellement identifié en contexte marchand (Lai, 1995 ; Marteaux,
2007), fait référence ici au niveau de cherté perçu de la ville.
« Il y a certaines villes qui sont moins chères à visiter, moins chères que d’autres » (ind 6)
« Je vois par exemple Prague, ils ont toujours leur couronne tchèque donc du coup au niveau
des prix, c’est très avantageux pour nous » (ind 16)
Sacrifices non-monétaires
Dans la littérature, deux types de sacrifices non-monétaires peuvent être distingués : le risque
perçu d’une part (Lai, 1995 ; Marteaux, 2007) et le temps / l’effort / l’énergie d’autre part
(Lai, 1995 ; Mathwick, Malhotra et Rigdon, 2001 ; Petrick, 2002 ; Marteaux, 20078). Ces
deux catégories de sacrifices ont pu être repérées dans l’étude.
Certains interviewés perçoivent un risque perçu, essentiellement d’ordre physique, du à
l’insécurité intérieure de la ville, à la peur de maladies ou bien encore à l’insécurité politique.
« Une ville où tu risques de te faire attaquer ou agresser, ce n’est pas attractif » (ind 10).
Une ville peut également générer, aux yeux des touristes, des sacrifices non-monétaires en
termes de temps / d’effort / d’énergie, en lien avec les conditions de desserte de la ville, la
facilité / rapidité de déplacement au sein de la ville, et la facilité d’accès à l’information touristique.
« Que tu puisses trouver facilement ce qu’il y a à faire dans la ville » (ind 5)
« Une ville non attractive… où on ne pourrait pas s’y repérer facilement… quand je sais que ça va
être compliqué pour se garer, pour se déplacer, pour se loger, ça me rebute » (ind 13)
« (Une ville touristique idéale) une ville touristique conçue avec une signalétique adaptée…
transports adaptés à la visite… les facilités d’accès, les possibilités de stationnement » (ind 21)
8 Pour désigner ces sacrifices non-monétaires, Petrick (2002) parle de prix comportemental, Marteaux (2007) de coûts de commodité et de sacrifices temporels, et Mathwick, Malhotra et Rigdon (2001) de valeur d’efficience.
15
2.3. Analyse des effets des m-services sur la valeur perçue d’une ville touristique
Une fois la nature de la valeur perçue étudiée, les effets des m-services peuvent être appréciés
au regard des différents bénéfices et sacrifices perçus par les touristes à l’égard d’une ville.
Pour certains consommateurs, les services de m-tourisme permettent d’abord de diminuer la
dimension « temps, effort et énergie » des sacrifices non-monétaires et, de manière plus
marginale, le niveau de cherté perçu d’une ville. Par ailleurs, différents bénéfices semblent
pouvoir s’accroître en présence de ce type de services mobiles, notamment la valeur
d’excellence, la valeur épistémique, la valeur hédo-affective, la valeur esthétique, ou bien
encore la valeur altruiste. Ces résultats sont détaillés dans le tableau 2.
Augmentation des bénéfices perçus
Valeur
d’excellence
« ça contribue au sentiment qu’on est bien accueilli, qu’on a pensé aux personnes qui
viennent, que les touristes ne sont pas abandonnés et livrés à eux-mêmes » (ind 13)
Valeur
épistémique
« c’est vraiment utile et intéressant pour en apprendre plus sur l’histoire et la culture
de la ville… apprendre des choses nouvelles » (ind 12)
« ça permet d’avoir plus d’infos que ce qu’il y a marqué sur le panneau » (ind 14)
Valeur hédo-
affective
« ça peut être un jeu de trouver les flashcodes et puis de les flasher » (ind 23)
« il y a un côté ludique dans le fait d’avoir un truc un peu vivant avec nous… et qui
nous permet d’avoir une visite un peu plus vivante » (ind 26)
Valeur
esthétique
« ça gâche moins le paysage parce que du coup il y a moins de grands panneaux »
(ind 23)
Valeur
altruiste
« c’est potentiellement utile du fait qu’il y ait moins de prospectus… donc pour
l’écologie c’est mieux, c’est une première base » (ind 28)
Diminution des sacrifices perçus
Sacrifices
monétaires
« tu passes à côté d’un monument, tu flashs ton truc… et t’as pas besoin de payer une
visite à 40 € pour avoir les informations » (ind 4)
Temps / effort /
énergie
« Ca facilite les déplacements… je ne me prendrais plus la tête à chercher » (ind 4)
« ça simplifie la visite d’une ville » (ind 7)
« ça permet de ne pas perdre de temps dans les offices de tourisme… cette facilité
d’accès à l’information, c’est une perte de temps évitée » (ind 25)
Tableau 2. Effets positifs des m-services touristiques sur la valeur perçue d’une ville
16
L’analyse des résultats démontre que l’impact positif des m-services est surtout perçu :
- en fin de processus de décision, voire même après la prise de décision finale : ce type
de service semble principalement pouvoir renforcer l’attractivité d’une ville lorsque le
consommateur hésite entre deux destinations qu’il considère comme équivalentes : « si je
dois faire le choix entre deux villes de la même taille avec à peu près les mêmes activités,
je préférerais choisir une ville qui propose ce type de service » (ind 10). En phase amont,
d’autres critères sont pris en considération : « ça ne serait pas le critère décisif, je me
tournerais d’abord vers la localisation, le budget… » (ind 15). Certains individus
estiment que ces m-services ne peuvent influencer l’attractivité d’une ville qu’après le
choix de la destination effectué : « on cherche une application quand on a choisi une ville
mais ce n’est pas l’inverse » (ind 3).
- par des individus plutôt jeunes, et / ou sensibles à la nouveauté (et en particulier à la
nouvelle technologie), et / ou voyageant fréquemment (variables individuelles).
- lorsque les ressources temporelles dont dispose le consommateur sont
limitées (variable contextuelle) : « si je n’ai pas beaucoup de temps, je choisirais la ville
avec l’application, si j’ai du temps, je ne pense pas que je la prendrais mais c’est vrai que
pour un week-end, ça peut être pratique » (ind 6).
- pour les villes de taille plutôt importante (variable liée à la nature de l’offre
principale) : « je pense qu’il est quand même plus intéressant d’avoir ce genre de
services dans les grandes villes » (ind 9).
A l’inverse, des consommateurs estiment que ces m-services touristiques peuvent dégrader
certaines sources de valorisation d’une ville (tableau 3).
17
Diminution des bénéfices perçus
Valeur
épistémique
« ça peut empêcher le touriste de visiter les coins de la ville qui ne sont pas dans
l’application » (ind 6)
« en allant dans les offices de tourisme, ils t’indiquent parfois des visites qui ne
sont pas dans les guides » (ind 20)
« si on souhaite avoir quelques précisions, l’application ne peut pas nous répondre
tel un guide » (ind 22)
Valeur hédo-
affective
« je trouve que ça enlève un peu de charme à la visite d’avant, quand on avait nos
cartes et le guide du routard » (ind 9)
« il n’y a pas le goût du plaisir d’avoir trouvé quelque chose finalement que
personne n’a trouvé parce que ça rend accessible à tous, tout » (ind 16)
« ça gâche une partie du plaisir de la visite. Parce que c’est toujours bien de
préparer sa visite. Chercher sur une carte, ça fait partie de l’aventure » (ind 19)
Valeur de lien
social
« je vois un inconvénient, on ne s’ouvre pas vers la population locale » (ind 15)
« le point majeur négatif…toujours cette communication centrée sur soi, aucune
relation avec l’autre » » (ind 25)
Valeur altruiste « on se sent un peu tracé » (ind 6)
« la technologie c’est bien mais ça fait moins d’embauche » (ind 10)
Tableau 3. Effets négatifs des m-services touristiques sur la valeur perçue d’une ville
Après avoir détaillé les différents effets des m-services touristiques sur la valeur perçue d’une
ville (tableaux 2 et 3), une synthèse des résultats est présentée dans le tableau 4.
Bénéfices Sacrifices
Val
eur
d’ex
celle
nce
Val
eur
épis
tém
ique
Val
eur
hédo
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fect
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Effet positif � � � � � � � Effet négatif � � � � Absence
d’effet � � �
Tableau 4. Synthèse des effets des m-services sur la valeur perçue d’une ville touristique
18
Le tableau 4, en identifiant des effets diversifiés (plusieurs types de bénéfices et de sacrifices
affectés par ces m-services) et contrastés (une même facette de la valeur pouvant être
améliorée ou détériorée), démontre clairement la pertinence de mobiliser un cadre d’analyse
détaillé, tel que celui de la valeur perçue, pour étudier l’impact des m-services touristiques.
Conclusion
Confrontées à des problématiques d’attractivité touristique de leur territoire, bon nombre de
villes s’intéressent aux opportunités des services mobiles. Face à ce constat, cette recherche
analyse l’effet du m-tourisme en mobilisant l’approche de la valeur perçue appliquée au
contexte d’une ville. Deux résultats principaux ont été mis en exergue. Tout d’abord,
différentes sources de création et de destruction de valeur, perçues par les touristes à l’échelle
d’une ville, ont été identifiées. Par ailleurs, des effets diversifiés et contrastés des m-services
touristiques, sur les différents bénéfices et sacrifices perçus, ont été constatés. Sur la base de
ces conclusions, plusieurs apports, d’ordre théorique et managérial, peuvent être précisés.
Sur le plan théorique, la contribution de ce travail peut être appréciée au regard des recherches
en marketing touristique et de la littérature sur la valeur perçue. En effet, l’étude menée
démontre tout d’abord l’intérêt et la pertinence d’apprécier l’attractivité touristique d’une ville
en transposant la notion de valeur perçue au contexte d’une localité. En procédant à une
analyse détaillée de la valorisation d’une ville touristique, cette recherche permet une
meilleure compréhension du processus de choix d’une destination et apporte ainsi des
éléments de réponse à une problématique centrale dans la littérature touristique (Botti, Peypoch
et Solonandrasana, 2008). Par ailleurs, en identifiant les bénéfices et sacrifices perçus d’une
ville, ce travail conduit à apprécier les éléments à l’origine de ces sources de création et de
destruction de valeur. Concernant, par exemple, les valeurs d’excellence, hédo-affective et
d’évasion, l’étude souligne l’importance du rôle de la propreté des lieux, de la qualité de
19
l’accueil, de l’aménagement, de l’atmosphère, de l’ambiance, du dépaysement (…). Au-delà
du contexte spécifique d’application (une ville), cet apport peut être particulièrement
intéressant pour mieux appréhender la formation des différentes facettes de la valeur perçue
d’une expérience de magasinage (Mathwick, Malhotra et Rigdon, 2001). En effet, de
nombreuses similitudes peuvent être identifiées entre une destination touristique et un point
de vente. D’ailleurs, Cornu (2003) estime qu’« une destination touristique peut être conçue
comme un supermarché, et son offre comme un assortiment d’une variété illimitée émanant
d’une richesse de patrimoine. La destination est un espace de consommation, soumis à des
flux de fréquentation, et positionné au sein de ses différentes zones de chalandise ».
D’un point de vue opérationnel, l’identification et la structuration des sources de création et
de destruction de valeur proposée dans l’étude constituent un cadre de réflexion utile pour les
gestionnaires d’une ville s’interrogeant sur le degré d’attractivité de leur territoire et les
moyens susceptibles de l’accroître. Les résultats relatifs aux effets du m-tourisme peuvent,
quant à eux, faciliter la prise de décision des praticiens concernant l’adoption des m-services.
En effet, l’intérêt pour les villes d’ajouter, à leur offre touristique, ces m-services peut
s’apprécier en fonction de la (les) dimension(s) de la valeur qu’un territoire souhaite
améliorer. Les conclusions de l’étude peuvent également aider à l’élaboration et à
l’enrichissement des discours commerciaux et / ou des campagnes de communication visant à
promouvoir ces services mobiles. En particulier, il semble important d’insister sur les sources
de création de valeur générées par l’ajout de ces applications multimédia (augmentation de la
valeur d’excellence, diminution des sacrifices monétaires et non-monétaires) et de rassurer les
consommateurs sur les sources potentielles de destruction de valeur (diminution de la valeur
de lien social). Afin de s’adresser aux touristes potentiellement utilisateurs de ces m-services,
il paraît nécessaire d’adopter une démarche marketing différenciée selon les bénéfices et / ou
sacrifices perçus.
20
Les différents apports, évoqués précédemment, doivent être appréciés à la lumière des limites
de cette étude qui représentent autant de voies de recherche. Notamment, en raison de son
caractère exploratoire, ce travail ne constitue qu’une première étape dans un programme de
recherche plus large. Dans le prolongement des résultats obtenus, et afin d’être en adéquation
avec l’évolution constante du profil des utilisateurs d’applications mobiles, une nouvelle
investigation qualitative pourrait être conduite en considérant une proportion plus importante
de personnes plus âgées. Il serait également souhaitable d’opérationnaliser la valeur perçue
d’une ville touristique au travers de la création d’une échelle de mesure. Un tel outil
permettrait de répondre à une forte attente des villes souhaitant décrire et analyser la
perception des publics en relation avec elles (Chamard, 2004). De même, afin d’approfondir
les enseignements de ce travail, une étude quantitative serait utile. Elle permettrait d’apprécier
1) la contribution respective des bénéfices et sacrifices perçus dans la formation de la valeur
globale de la ville, 2) l’importance des différents effets des m-services sur ces bénéfices et
sacrifices perçus, et 3) l’influence potentielle des variables individuelles, contextuelles et
relatives aux caractéristiques de la ville sur les effets constatés. Au-delà de cette proposition,
une comparaison des expériences touristiques (anticipées ou vécues par les consommateurs),
dans un contexte d’utilisation et de non-utilisation de ces applications multimédia, pourrait
être riche d’enseignements. Elle permettrait notamment d’approfondir la question du choix ou
de l’évaluation post-consommatoire d’une destination touristique, en fonction de la présence
de ces m-services. Enfin, le cadre d’analyse permettant d’étudier l’impact des m-services
touristiques pourrait être enrichi en intégrant, en plus de la valeur perçue, d’autres notions
telles que l’image perçue, la personnalité de la ville, l’intention de visite d’une localité,
l’intention de revenir du touriste (…). Ces voies de recherche traduisent aussi bien l’intérêt
que la nécessité d’investir davantage la thématique liée au m-tourisme et, plus globalement,
celle relative à l’attractivité des destinations touristiques.
21
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23
Annexe 1 : composition de l’échantillon
N° individu Sexe Profession Tranche d’âge
1 H Cadre [45-55[ ans
2 H Employé [25-35[ ans
3 F Etudiante -25 ans
4 F Employée -25 ans
5 F Employée [35-45[ ans
6 H Etudiant -25 ans
7 H Cadre [45-55[ ans
8 H Employé [25-35[ ans
9 H Cadre -25 ans
10 H Fonctionnaire [45-55[ ans
11 F Commerçante [35-45[ ans
12 H Agent de maîtrise [25-35[ ans
13 F Employée [45-55[ ans
14 F Employée [35-45[ ans
15 H Etudiant -25 ans
16 F Cadre [25-35[ ans
17 H Cadre [25-35[ ans
18 F Etudiante -25 ans
19 F Etudiante -25 ans
20 H Cadre [55-65[ ans
21 H Cadre [45-55[ ans
22 F Etudiante -25 ans
23 F Etudiante -25 ans
24 F Employée [25-35[ ans
25 F Etudiante [35-45[ ans
26 H Chef d’entreprise [35-45[ ans
27 H Sans emploi [55-65[ ans
28 F Employée [45-55[ ans