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Cultures & ConflitsNumro 12 (hiver 1993)
L'action collective : terrains d'analyse
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Richard Banegas
Les transitions dmocratiques :mobilisations collectives et fluiditpolitique
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Avertissement
Le contenu de ce site relve de la lgislation franaise sur la proprit intellectuelle et est la proprit exclusive del'diteur.Les uvres figurant sur ce site peuvent tre consultes et reproduites sur un support papier ou numrique sousrserve qu'elles soient strictement rserves un usage soit personnel, soit scientifique ou pdagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'diteur, le nom de la revue,l'auteur et la rfrence du document.Toute autre reproduction est interdite sauf accord pralable de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislationen vigueur en France.
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Rfrence lectroniqueRichard Banegas, Les transitions dmocratiques : mobilisations collectives et fluidit politique , Cultures &Conflits [En ligne], Tous les numros, L'action collective : terrains d'analyse, mis en ligne le 14 mars 2006. URL :http://conflits.revues.org/index443.htmlDOI : en cours d'attribution
diteur : Centre d'tudes sur les conflitshttp://conflits.revues.orghttp://www.revues.org
Document accessible en ligne sur :http://conflits.revues.org/index443.htmlDocument gnr automatiquement le 26 mars 2011. La pagination ne correspond pas la pagination de l'ditionpapier.
Licence creative commons
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Les transitions dmocratiques : mobilisations collectives et fluidit politique 2
Cultures & Conflits, 12 | hiver 1993
Richard Banegas
Les transitions dmocratiques :mobilisations collectives et fluidit
politique
Repenser l'incertitude des transitions
Comment penser l'incertitude fondamentale des "transitions dmocratiques"1 ? Peut-on,
au del de leur chaos apparent, discerner des logiques propres ces situations qui nous
clairent sur le "comment" des processsus de dmocratisation et non plus seulement sur leur
"pourquoi" ? Peut-on dcouvrir des proprits contextuelles qui nous aident comprendre les
problmes de gestion des rformes, de lgitimation, de consolidation dmocratique, ou les
phnomnes de mobilisation collective qui marquent ces priodes de flux, de changement.
Les modles et approches "classiques" de la dmocratisation ne semblent pouvoir en rendre
compte, faut-il alors adopter une position alternative drive de l'analyse des crises politiques
(fluidit) et des mobilisations collectives ? Ce sera notre hypothse. La "transitologie" (P.
Schmitter) a produit une abondante littrature, dont les inflexions thoriques ne sont pas
sans rapports avec les dtours de l'"Histoire relle" et de la construction dmocratique.
Grossirement, au temps long des premires vagues semblent correspondre les analyses
structurelles, fondes sur des macro-variables d'ordre culturel, conomique ou social (religion,
culture civique, structure agraire, niveau de richesse conomique...). Citons pour mmoire
les travaux d'Almond et Verba sur la culture civique, ceux de D. Lerner, S. Eisenstadt sur la
modernisation, ceux de B. Moore ou A. Gerschenkron (sur les rapports pluralisme/rvolution
agro-commerciale ou rvolution industrielle) et surtout la thse, controverse, de S.M. Lipset
sur les prconditions socio-conomiques de la dmocratie 2. Ces approches macro-historiques3
ont contribu l'intelligence des conditions d'mergence, de consolidation et de stabilit des
rgimes pluralistes. Mais elles ont aussi subi la critique pour leur biais dterministe, parfois
finaliste et surtout pour leur tendance confondre corrlations statistiques avec causalit
historique. Si des conditions culturelles ou conomiques paraissent prserver la stabilit, le
fonctionnement d'une dmocratie, peut-on assurer qu'elles sont ncessaires son avnement ?
La perspective, remarque D. Rustow4, est souvent plus "fonctionnelle" que "gntique" et
nglige la dimension politique. Au mieux, elle nous instruit sur les probabilits de russsite
des dmocratisations et sur le "pourquoi" des transitions, jamais sur le "comment".
Ces impasses, combines l'acclration des changements de la "Troisime vague"5, au rle
cl de certains acteurs des transitions (Suarez, Caramanlis...) ont conduit des rorientations
thoriques : l'action des leaders fut rvalue et l'attention s'est dplace vers les facteurs
de court terme, les variables micropolitiques. Ds la fin des annes 1970, le paradigme du
choix rationnel, de l'interaction stratgique s'est impos pour rendre compte des processusde transition eux-mmes et non plus seulement de leurs conditions d'mergence6. Deux
propositions fondent cette rorientation : d'abord, l'ide que les variables politiques importent
plus que les autres dans la comprhension des processus de transition. Ainsi "l'ouverture",
la libralisation, des rgimes autoritaires ne pourrait se comprendre qu'au regard de la lutte
pour le pouvoir que se livrent les divers groupes et factions au sein de l'Etat 7. Ensuite le
postulat selon lequel les transitions dmocratiques sont des situations d'anormalit o l'action
stratgique des lites, le talent, l'habilet politique des leaders sont dcisifs pour penser le
"moment" du changement de rgime et comprendre les divergences de trajectoire. Cette
rhabilitation de l'action, des variables politiques a aussi permis d'insister de faon salutaire sur
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le caractre indtermin des transitions dmocratiques. L'incertitude est dsormais introduite
comme "paramtre" central des transitions. C'est elle qu'il faut saisir pour comprendre
les processus de dmocratisation dans leur complexit. O'Donnell et Schmitter invitent
la prendre comme objet d'tude, A. Przeworski en fait l'lment central de sa thorie
(la dmocratisation comme "processus d'institutionnalisation de l'incertitude")8. L'hypothse
centrale, commune l'ensemble de ces analyses centres sur la dimension politique et
l'incertitude est la suivante : les origines et l'volution des rgimes dmocratiques sont
dtermines moins par les facteurs culturels ou conomiques que par les actions, les choixdes lites cls qui cherchent maximiser leurs intrts dans un cadre institutionnel en flux
que leur lutte contribue faonner. A l'intrieur de ce paradigme du choix rationnel, l'accent
est mis sur diverses variables politiques : nature du leadership, du rgime autoritaire (ou
totalitaire) ; composition et division du bloc au pouvoir ; performance/efficacit/lgitimit du
gouvernement ; autonomie/contrle des forces armes ; soutiens/oppositions dans la "socit
civile"... Deux modles clbres peuvent illustrer ces rorientations thoriques. Celui de D.
Rustow, d'abord, qui partir d'une critique des "approches fonctionnelles" (prconditions)
cherche ds 1970 construire un modle politique "gntique" des transitions. Le processus
commence en gnral par une "phase prparatoire" marque d'un "conflit politique prolong et
insoluble" qui force les protagonistes engager des rformes de libralisation. "La dmocratie
n'est pas l'objectif premier, originel ; elle est recherche pour d'autres fins, elle mergecomme un sous-produit fortuit du conflit, de la lutte"9. Cette phase prparatoire se clt par
la dcision consciente des lites de s'entendre sur des rgles minimales, d'institutionnaliser le
pluralisme pour sortir de l'impasse. La phase de consolidation, qui suit la concrtisation de ce
compromis est une priode de slection des acteurs et d'apprentissage-acceptation des rgles
("habituation phase")10 Rustow insiste donc sur la dimension conflictuelle des transitions, sur
les choix politiques cruciaux qui sont effectus par les lites dans ce contexte de polarisation,
d'incertitude et met l'accent sur la dynamique du processus lui-mme. Juan Linz 11, de la
mme manire, affirme l'importance, "surdterminante" des variables politiques. Dans les
phases de changement, de rquilibrage, le choix des lites est crucial ; la formulation de
"l'agenda initial", son habile gestion, fixe ds le dpart le sort des transitions. Il s'agit pour
les nouveaux dirigeants de faire la preuve de leur capacit gouverner et affirmer ainsi lalgitimit du nouveau rgime. Au coeur de ce "programme des urgences de la lgitimation
dmocratique" (G. Hermet) se joue la gestion des soutiens et des oppositions ("loyales/semi-
loyales/dloyales") et la formation des prdispositions de base envers le nouveau rgime.
En dsignant ainsi les impratifs d'une dmocratisation russie, Juan Linz souligne donc
l'importance stratgique de l'action des lites politiques. Il ouvre la voie l'analyse des
transitions en termes d'interaction stratgique mais aussi aux "explications" volontaristes du
changement.
Ces dernires se fondent sur le postulat que "la dmocratisation est essentiellement une affaire
d'habilet politique"12, de bricolage minutieux. Elles oublient que la dmocratie merge la
plupart du temps comme un choix par dfaut ("second best choice"), une solution contingente
un conflit insoluble13, que "les meilleurs stratges de la dmocratisation ne sont pas toujours
les dmocrates les plus convaincus"14. Elles imputent aux acteurs une capacit de contrle
l o souvent ncessit fait loi, mconnaissent la complexit des processus de dcision et
ngligent les contraintes stucturelles. Surtout, par son indiffrence l'tat conjoncturel des
structures sociales en priode de fluidit , "l'illusion hroque" (M. Dobry) passe cot des
ressorts profonds des processus de transition. La rvaluation des variables politiques a aussi
men des formalisations plus ou moins pousses des choix et des interactions stratgiques
des acteurs cls des transitions. L'accent y est mis sur les problmes de perception de la ralit
dans les situations d'incertitude o l'valuation des conditions et des ressources est difficile
faire. D'o le succs de ces travaux qui semblaient fournir les cls pour penser les processus
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de transition en tant que tels, dans leur complexit et leur indtermination. Trois modles
peuvent illustrer ces approches "stratgiques" : celui d'A. Hirschman ("reform mongering"),
celui des seuils de transition d'A. Przeworski et celui de la consolidation dmocratique de G.
O'Donnell15. Hirschman se demande comment, dans le contexte d'incertitude des transitions,
les gouvernants peuvent accrotre la probabilit de succs des rformes par la construction de
coalitions politiques. Przeworski analyse les probabilits et modalits de chute des rgimes
autoritaires en fonction des risques (et des changements de perception des risques) l'approche
des seuils de transition, tandis qu'O'Donnell examine les diverses stratgies qui s'offrentaux acteurs pour consolider la dmocratie, prvenir le retour l'autoritarisme 16. Les trois
modles visent, chacun selon des critres diffrents, identifier les acteurs cls, formaliser
leurs objectifs, la distribution de leurs prfrences pour dduire de ces paramtres et de la
structure du "jeu" les "solutions d'quilibre" susceptibles d'merger. La dcision d'ouverture
des rgimes dictatoriaux, la dynamique de libralisation-dmocratisation sont ainsi expliques
rationnellement par des dynamiques de convergence, la dmocratie vue comme un simple
tat d'quilibre entre stratgies conflictuelles. Malgr leur formalisme, ces thories sont d'un
intrt certain. En insistant sur les problmes de perception, d'valuation (des prfrences,
des ressources, des "coups" de l'adversaire) en situation d'incertitude, elles touchent au coeur
de la dimension stratgique des transitions. L'accent est mis par exemple sur la perception
des probabilits de succs ou la variation des cots et des bnfices au cours du jeu. Laperspective dynamique de l'interaction est importante. Elle permet de comprendre la faon
dont les parties rvisent leurs attentes et leurs objectifs dans le conflit. Sur ce point, on
peut cependant regretter que les divers modles intgrent peu les apports des thories des
conflits, notamment de Schelling17. Ils souffrent aussi d'autres limites. Hormis leur caractre
an-historique et simplificateur (en gnral deux parties ou quatre acteurs) ils semblent conduire
des impasses : ainsi Przeworski, aprs avoir test plusieurs hypothses tend conclure
une impossibilit logique de la dmocratisation. Il doit alors sortir de la logique formelle de
la thorie des jeux pour trouver les raisons de l'ouverture, de la libralisation (explication
psychologique) 18. En outre, ces modles s'en tiennent des jeux o les prfrences sont fixes
(par l'analyste). Or le propre des situations de transition, de fluidit politique, n'est-il pas
justement la mobilit, la plasticit des prfrences et des perceptions ? Cette hypothse noussemble centrale pour la comprhension des processus de dmocratisation. Enfin, ces approches
stratgiques ngligent les donnes contextuelles et structurelles des transitions.
Est-ce dire qu'entre les analyses structurelles et stratgiques, il suffit d'adopter une posture
mdiane pour comprendre les processus de transition dans leur dynamique et leur complexit ?
Afin d'chapper l'alternative strile "dterminisme des structures / libert de l'acteur", T.L.
Karl et P. Schmitter proposent par exemple de passer de l'tude du "choix contingent la
contingence structurelle"19, d'arrter "la recherche futile de prconditions" sans pour autant
ngliger "les limites et les chances que les structures sociopolitiques solidement ancres
peuvent assigner un choix contingent". Elles constituent des "conditions limitatives" qui,
dans ces situations d'incertitude, psent sur le choix des acteurs. L'argument n'est pas neuf, on
retrouve les "confining conditions" d'O. Kirchheimer ou le "modle probabiliste" de J. Linz.
D'autres approches visent dpasser ce dilemme : celle "possibiliste" d'Hirschman o les
conditions dfavorables peuvent se muer en "bndictions dguises", o les actions peuvent
avoir des "consquences inattendues". Celle des "conjonctures critiques" propose par Ruth et
David Collier o les choix politiques rpondent d'une part des clivages sociaux profonds et
d'autre part contribuent eux-mme faonner sur le long terme l'arne politique, les contraintes
futures (ici ce sont les choix, les modalits d'incorporation de la classe ouvrire qui, adopts
dans des conjonctures critiques, configurent les rgimes latino-amricains) 20.
Or il nous semble que ces stratgies, ces interactions qui "faonnent le cadre institutionnel
en flux" doivent s'interprter non seulement en fonction des opportunits et contraintes
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prexistantes mais aussi et surtout au regard de celles qui naissent de la transition elle-mme.
Prendre en compte l'hritage ne suffit pas. Ne faut-il pas aussi s'attacher aux transformations
que subissent les "structures" dans ces priodes critiques (sous l'effet notamment des
mobilisations collectives), s'intresser l'tat conjoncturel des configurations sociales et
analyser le comportement tactique des acteurs dans ce cadre, dans ce contexte de fluidit ?
Pour penser l'incertitude des dmocratisations, ne faut-il pas, d'une part chercher leurs origines
dans les proprits du contexte d'action "transition" et d'autre part rapporter les problmes
stratgiques de gestion et de consolidation dmocratique aux proprits contextuelles de lafluidit politique ? S'intresser ainsi l'tat conjoncturel des rapports sociaux serait une autre
faon de saisir le lien qui s'tablit dans ces moments critiques entre le macrosocial et le
micropolitique.
Les transitions comme situations de fluidit politique
Il s'agit alors de considrer les transitions comme des situations de crise qui affectent
l'ensemble des rapports sociopolitiques, de prendre en considration ce contexte de crise
dans sa double dimension conjoncturelle et structurelle et voir "ce qui se joue" dans
le processus mme de crise, de transition. Ne peut-on discerner des logiques, des traits
propres ces conjonctures critiques, qui nous aident penser l'incertitude des processus
de dmocratisation ? Pour chercher ces "rgles qui gouvernent le chaos"21, il nous semble
intressant de prolonger la thse de M. Dobry et d'apprhender les transitions comme
des situations de fluidit politique, de "crise multisectorielle"22 qui se caractrisent au
niveau "structurel" par un trait central : le bouleversement, sous l'effet des "mobilisations
multisectorielles", des rapports habituellement en vigueur entre groupes sociaux (la
"dsectorisation conjoncturelle de l'espace social"). "Dsectorisation" qui induit d'autres
proprits ( "crise des transactions collusives", dsobjectivation des rapports sociaux...) et
dfinit, au niveau micropolitique un contexte d'action original qui pse sur les calculs, les
anticipations, les stratgies des acteurs, la valeur des ressources et leur efficacit ("contexte
d'interdpendance tactique largie"). Penser les transitions, comme des situations de fluidit
politique, c'est partir d'une double hypothse : d'une part l'incertitude "structurelle" des
transitions drive de ces proprits, est lie un tat particulier des "structures", des
rapports sociaux, qui subissent sous l'effet des mobilisations de profondes transformations
conjoncturelles. D'autre part, les problmes qui se posent aux acteurs dans la gouvernabilit,
la gestion court terme des transitions (perspective linzienne) tout comme moyen terme les
modalits de lgitimation et de consolidation dmocratique sont rapporter ces proprits
contextuelles de la fluidit politique. Adopter cette posture alternative pour analyser "ce qui
se joue" dans des transitions, c'est donc poursuivre un double programme de recherche :
caractriser d'abord la fluidit politique des transitions, mettre jour les proprits macro et
microsociologiques pour mieux comprendre ensuite les problmes stratgiques et tactiques
des divers acteurs.
Pour btir sa thorie des conjonctures fluides, M. Dobry s'appuie d'abord sur une critique
du modle complexe d'Almond et Flanagan qui abordent deux phnomnes importants pournotre propos : la dynamique des processus de crise et la fluctuation parallle de la valeur
des ressources 23. Leurs intuitions selon M. Dobry pourraient se ramener ceci : la "valeur"
des ressources politiques connat de trs sensibles variations dans les conjonctures critiques
et ces fluctuations seraient en rapport avec la dimension "multisectorielle" des mobilisations
collectives. Trois "arnes" sont distingues : celle o jouent les ressources coercitives, celle
o se joue l'influence et celle o comptent les ressources institutionnelles. La valeur de
celles-ci fluctuerait corrlativement au poids de chaque arne, variable selon les squences
de la crise. Malgr leur intuition, remarque M. Dobry, les deux auteurs ne peroivent pas
que sous l'effet des mobilisations multisectorielles, ce sont les rapports entre arnes, entre
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champs sociaux qui sont transforms et que la variation pondrale des ressources est lie
ce phnomne. Ils sont indiffrents l'tat conjoncturel des configurations sociales. Les
chercheurs de Stanford placent cette rflexion dans la dynamique des processus de crise que
Flanagan dcrit comme le passage d'un "systme monnaie dominante" un "systme
monnaies multiples" o la coercition servirait d'talon de mesure ultime aux autres ressources.
La perspective est intressante pour rendre compte de la dynamique des transitions o l'on
observe cette fluctuation de valeur des ressources et l'importance centrale du monopole de la
violence. On peut toutefois remarquer avec M. Dobry que les conjonctures les plus fluidesne sont pas les situations o l'on assiste un recours gnralis la coercition (qui devient
monnaie dominante), mais les "situations incertaines o diffrentes ressources, relativement
cloisonnes les unes par rapport aux autres dans les conjonctures routinires viennent tre
confrontes du fait des mobilisations et de la transformation corrlative des rapports entre
les sites sociaux o ces ressources oprent"24. La crise vnzulienne de 1958 en fournit
l'illustration. Les mobilisations multisectorielles et la dynamique du changement font natre
un "systme monnaies multiples" o la valeur des ressources subit de rapides et fortes
fluctuations. Ds la fin de 1957, avec la crise de succession du gnral Prez Jimnez,
on observe en effet un dplacement du site de dcision et d'action politique, de l'arne
institutionnelle l'arne o dominent les jeux d'influence (discussions au sein de l'arme entre
les factions rivales pour dcider du sort du gnral-prsident et trouver une issue la criseministrielle). Puis de l'arne o les forces armes dominent (deux tentatives de coup d'Etat)
la rue o priment les ressources de mobilisation. Une dvaluation des diverses "monnaies"
s'opre alors au cours du conflit : une fois puises les ressources institutionnelles (Prez
Jimnez cherche, face aux chances lectorales qui approchent, se maintenir au pouvoir par
des moyens institutionnels lgaux, par l'organisation d'un plbiscite), les acteurs dominants
exprimentent d'autres moyens (truquage des lections, manipulation du plbiscite) qui sont
leur tour dvaloriss par la raction des adversaires : les partis, les groupes d'opposition usent
de leurs propres "liquidits" (l'action collective, les grves, les manifestes...) pour imposer un
changement de rgime, tandis que les diverses tendances de l'arme cherchent imposer par
la force leur solution, imposer la violence comme "talon de mesure" des autres ressources.
Cependant ce processus de passage d'une arne l'autre, de dvaluation des "monnaies", n'estni linaire ni progressif. Le poids des ressources augmente ou diminue selon les moments :
ainsi le jeu des influences aprs avoir laiss place en dcembre 1957 la violence reprend
de la valeur fin janvier lorsque la nouvelle junte militaire tente de coopter des membres de
l'opposition. Les variations, les fluctuations conjoncturelles qui s'observent dans la dynamique
des processus de crise, de transition, drivent des transformations d'tat que subissent les
configurations sociales sous l'effet des "mobilisations multisectorielles" et en premier lieu de
la transformation conjoncturelle des rapports entres secteurs ou champs sociaux.
La "dsectorisation conjoncturelle de l'espace social" si l'on suit M. Dobry, est la proprit
centrale des conjonctures fluides. Riche en implications thoriques et empiriques, elle
peut aider penser l'incertitude des transitions dans sa dimension la fois structurelle et
conjoncturelle. Elle se comprend par contraste, avec les situations normales des socits
complexes25 o le jeu est "sectoris", c'est dire o les divers secteurs sociaux sont la
fois dans des relations d'autonomie et d'interdpendance, o leurs "logiques" s'imposent de
faon routinire aux acteurs ; o l'objectivation des rapports sociaux et la stabilit sociale sont
assures notamment par des reconnaissances rciproques, des rseaux d'interaction consolids
entre secteurs (les "transactions collusives intersectorielles" pour reprendre les termes de
M. Dobry). La "dsectorisation conjoncturelle de l'espace social" dsigne les "transformations
d'agencement des secteurs les uns par rapport aux autres"26, les bouleversements que subissent
ces rapports sous l'effet des mobilisations multisectorielles. C'est la remise en cause des
configurations sociales stabilises et objectives par les "transactions collusives". M. Dobry
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distingue trois dimensions de cette crise des rapports sectoriels, importantes pour l'tude des
transitions. La perte d'autonomie des secteurs sociaux d'abord. Elle est de au caractre mme
des mobilisations de crise, c'est dire "aux dcloisonnements, aux interfrences des logiques
sectorielles et l'occurrence de coups trans-sectoriels"27 dont ces mobilisations sont porteuses.
Elle s'observe au niveau des rapports inter-sectoriels : le champ politique, en temps de crise,
semble en effet perdre de son autonomie, tre plus permable, plus sensible aux demandes,
aux coups des acteurs "extrieurs". Elle s'observe aussi et surtout au niveau de chaque secteur
social o l'emprise des "logiques" de chacun tend dcliner avec la "dsectorisation". Larduction de l'emprise des "logiques" sectorielles se manifeste par le fait que les acteurs, situs
dans un champ affect par des mobilisations multisectorielles tendent utiliser pour leurs
calculs, leurs anticipations, un univers de rfrence, des critres et des repres d'valuation
largement externes la logique propre leur secteur28. Cette "vasion des calculs", cette
baisse d'endo-rfrence des champs sociaux se traduit par l'affaiblissement des critres et
repres routiniers. La mobilit accrue des enjeux est corrlative cette dsectorisation de
l'espace social. Avec le "dsenclavement des arnes" (M. Dobry), les enjeux perdent leurs
spcificits sectorielles, ils deviennent centraux pour d'autres groupes sociaux, d'autres acteurs
les investissent de sens, en font les enjeux de leur propre mobilisation. Cette proprit est
essentielle pour comprendre les dynamiques de l'action collective en priode de transition.
Ainsi par exemple, en 1980-81, le statut des ouvriers de Gdansk se "d-spcifie" en sepolitisant. Il est investi de sens par d'autres acteurs qui l'utilisent pour se mobiliser, prend une
dimension nationale et une charge idologique forte. Dans la dynamique des mobilisations
multisectorielles, cet enjeu dborde le cadre restreint des ouvriers de Gdansk (on passe de la
revendication du statut d'ouvrier la revendication d'un statut officiel pour Solidarit), puis il
dborde le champ syndical avec l'intervention du secteur religieux, des intellectuels dissidents,
pour devenir un enjeu politique, institutionnel, qui va nourrir la contestation pendant les
annes 1980 et conduire la Table Ronde. Cette mobilit des enjeux s'observe dans la plupart
des cas. Au Bnin, lorsque les tudiants se mettent en grve en janvier 1989, occupent le
campus d'Abomey-Calavi, c'est d'abord pour rclamer le versement des arrirs de bourse.
Les enseignants, les fonctionnaires et une partie de l'arme les rejoignent dans la protestation
sur le mme thme des arrirs de salaires. La mobilisation devient multisectorielle et unedynamique de "dsectorisation" s'enclenche. Rapidement les revendications et les enjeux
matriels se chargent d'un nouveau sens, sont investis par d'autres acteurs (notamment les
vques, Mgr De Souza en tte, qui diffusent alors une lettre pastorale appellant au changement
de rgime). Autre tmoin de cette fluidit et de cette "rcupration" des enjeux, la "Charte des
Droits de l'Homme et de l'Etudiant" qu'appellent de leurs voeux certains groupes et syndicats
d'opposition camerounais.
D'autres proprits sont lies cette destructuration conjoncturelle de l'espace sociopolitique.
La "dsobjectivation des rapports sectoriels" 29 n'est pas la moindre. Elle reprsente une
des vulnrabilits majeures des rgimes politiques en situations de crise, de transition.
Avec la "dsectorisation", l'effondrement des relations habituelles entre secteurs ("crise des
transactions collusives"), c'est l'objectivation des rapports sociaux, la lgitimit de l'ordre
sociopolitique qui est remise en cause. Remise en cause des accords et des reconnaissances
entre les divers champs et groupes sociaux, rosion de cette forme de "complicit" qui en temps
ordinaire assure le bon fonctionnement des rgimes et les pratiques sociales lgitimes. S'efface
alors la reprsentation objective des rles, des positions, des institutions et des domaines
d'activit spcialiss qui fondaient une certaine ralit sociale. La crise bninoise de 1989-90
l'illustre nouveau. Dans l'action collective, la dynamique de "dsectorisation", de rapides
dsobjectivations s'oprent. "Ceux qui sont engags dans les grves et les manifestations,
tmoigne un observateur, entreprennent un processus d'apprentissage politique"30, de prise de
conscience, qui les mne, selon les mots d'une opposante, "de la lutte pour les salaires la
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lutte morale". Ils ne font pas que contester la lgitimit du rgime, ils font aussi l'exprience
d'une alternative. En 1989, les diffrentes structures officielles d'encadrement sont de plus en
plus dsertes et surtout contestes lorsque les grves clatent et que les leaders syndicaux,
coopts, s'avrent freiner la contestation. Se crent alors des organisations parallles qui,
partir de juin 1989, se dotent de structures de coordination. Des rseaux se mettent en
place entre les diffrents lieux d'occupation et de contestation, un maillage territorial, se
constitue peu peu. C. Allen estime que ce mouvement d'auto-organisation fut un lment
majeur du processus de politisation, de prise de conscience : "les grvistes y ont vu une leonobjective (prouvant) la ncessit de rformer le systme politique dans son entier et la valeur du
pluralisme institutionnel"31. Les tmoignages semblent confirmer l'importance de ce processus
de dsobjectivation. Le mme phnomne est rapport par J. Staniszkis qui analyse la situation
polonaise. Ds 1980, "les travailleurs, en s'emparant de la chose publique, ont russi
vaincre la rification de l'ordre hirarchique" 32. Certes le processus de dsobjectivation a t
prpar par l'volution des formes d'opposition depuis 1976 (KOR), mais plusieurs facteurs
le prcipitent. Les grves d'aot 1980 d'abord, qui prouvent qu'un refus d'obissance peut
paralyser un rgime apparemment inaltrable et qui offrent, avec l'organisation du mouvement
ouvrier, l'exprience d'une alternative. Malgr son chec, cela constitue "une premire leon
de ce qu'est la lgitimit"33. Le dveloppement et l'institutionnalisation de Solidarit ensuite
participent ce mouvement de dsobjectivation, de dconstruction sociale de la ralit.Staniszkis montre cependant l'aspect conjoncturel du phnomne : la d-rification reflue avec
l'affaiblissement de la mobilisation et la "normalisation" du rgime (le terme de normalisation
est d'ailleurs significatif : au del de la rpression, ce qui est en jeu c'est aussi et surtout la
vote de lgitimation du rgime 34).
Ces dperditions conjoncturelles d'objectivation, convient M. Dobry, ne sont pas facile
mesurer. Elles s'observent par exemple dans les sentiments de folie, de libration,
de fte qui marquent les crises mais aussi les transitions dmocratiques. Dans ces
moments, l'objectivation des divisions sociales, qui se traduit, normalement par une certaine
impersonnalit des rapports entre rles institus, semble affecte. En tmoigne, l'occurrence
des rapports de face face qui rompent avec les arrangements institutionnels normaux, les
mouvements de "fraternisation" (entre les manifestants et les policiers lors de la chute du Murde Berlin, entre les comdiens et les ouvriers Prague dans le thatre de la Lanterne Magique35)
qui expriment une transgression des distances sociales objectives, qui traduisent au fond la
dsectorisation conjoncturelle de l'espace social.
L'incertitude structurelle des conjonctures fluides, des transitions en dcoule directement.
Effet direct de la dsectorisation, du dcloisonnement des logiques sectorielles, de la
dsobjectivation, elle prend son origine dans les transformations d'tat des rapports
sociaux. Elle a une dimension psychologique vidente, mais elle est d'abord relationnelle,
"structurelle"36.
Au niveau micropolitique, la transformation des rapports intersectoriels induit galement des
proprits importantes pour la comprhension des processus de transition. L'identit de tout
individu est plurielle, c'est une vidence. Lie la multipositionnalit des acteurs dans les
divers secteurs sociaux, elle se forge travers la multiplicit des rles, des registres qui
s'offrent eux. On peroit alors l'effet que peut avoir "une dynamique sociale qui affecte
prcisment ce que l'on pourrait appeler le support social de la multidimensionnalit de
l'identit personnelle" : les mobilisations multisectorielles, la dsectorisation de l'espace
social "tendent rduire l'identit une dimension unique servant d'indice pratique dans
les interactions". Une qualit, et souvent une seule, est slectionne comme indice pratique
et constitue un "oprateur d'identification vocation universelle (...) c'est dire qui tend
tre efficace dans l'ensemble de l'espace social"37. Que ce soit la qualit "d'aristocrate", de
"travailleur", de "patriote", elles correspondent chacune une "simplification" des identits,
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Cultures & Conflits, 12 | hiver 1993
des stigmatisations qui jouent un rle crucial dans les luttes politiques et les mobilisations
collectives. Cette tendance la simplification des identits, lie au changement d'tat des
rapports sociaux est intressante pour la comprhension des transitions. Les qualits de
"communiste", de "fasciste" de "dissident" ou "d'opposant" s'imposent dans la lutte et tendent
simplifier la reprsentation du conflit entre "hardliners" et "softliners", entre "Eux" et "Nous"
pour reprendre l'expression polonaise. Bien plus, la dynamique "d'unidimensionnalisation"
tend imposer une identit comme seule valable et lgitime : la qualit de "dmocrate".
Ressource politique essentielle pour l'accs au pouvoir ou la reconversion38, c'est l'affirmationidentitaire la plus rpandue des temps de transition. Dans son modle, D. Rustow soulignait
dj ce phnomne en parlant du processus de "slection darwinienne" qui, entre les partis et
les leaders politiques, arbitrait en faveur des dmocrates. Il faut toutefois souligner le caractre
temporaire de cette "unidimensionnalisation". La consolidation dmocratique (cristallisation
et institutionnalisation d'un systme pluraliste de valeurs) ou son enlisement et son cortge
de dsenchantements39 s'accompagnent en gnral d'une redfinition et une multiplication
des ples d'identification. La prolifration des nationalismes dans les annes 1990 est l
pour en tmoigner. Avec la tendance l'unidimensionnalisation des identits, apparat dj
le lien qui s'tablit, en priode de transition, entre les transformations macrosociologiques
(dsectorisation...) et les comportements micropolitiques. Il apparat encore plus clairement
dans une proprit, centrale, touchant directement au comportement tactique des acteurs.L'mergence d'un contexte d'interdpendance tactique largie, le passage d'une forme
d'interdpendance sectorielle une forme largie d'interdpendance est, au plan
micropolitique, la principale proprit qui drive de la dynamique des mobilisations et
de la transformation des rapports entre secteurs sociaux. Elle influe directement sur la
conduite des acteurs : ce sont les proprits de ces "contextes d'interdpendance largie" qui
dfinissent les contraintes, les logiques d'action propres aux conjonctures fluides. Celles-ci
se retrouvent dans les contextes de transition. "Avec la dsectorisation de l'espace social et
le dsenclavement des sites de confrontation, affirme M. Dobry, on assiste l'mergence
d'une forme largie d'interdpendance qui se substitue aux formes d'interdpendance plus
locales, cloisonnes et fortement marques par les logiques sectorielles" 40. Autrement dit,
il y a dans les conjonctures fluides, une tendance l'interdpendance croissante destactiques d'acteurs localiss en des sites diffrents de l'espace social. C'est dire passage
d'une forme routinise d'interdpendance l'intrieur d'un secteur particulier une forme
d'interdpendance largie qui "tend confronter directement des lignes d'action et des
ressources jusque l cloisonnes et dterminer leur valeur, leur efficacit dans cette
confrontation"41. La perspective est intressante pour l'tude des transitions o l'on observe
ces phnomnes de confrontation directe entre acteurs jusque l isols, prisonniers de leurs
"logiques sectorielles" ou, plus prosaquement, somms par le pouvoir de s'y conformer (si
l'on songe aux intellectuels dissidents). Point n'est besoin d'entrer dans le dtail de cette
forme mergente d'interdpendance "trans-sectorielle" (prolongeant E. Goffman, M. Dobry la
caractrise par le "relchement du lien entre un coup et son rsultat", comme un "jeu tendu
imparfait"). Il suffit, pour notre propos, de relever les effets de ce contexte sur le comportement
des acteurs. D'abord, l'efficacit des coups n'est pas quivalente leur "contenu" : il y a
souvent une disproportion entre "petits coups" et "grands effets" que les acteurs ont du mal
matriser. Dans ce contexte, l'efficacit des coups ainsi que la "valeur" des ressources sont
variables, lies la dynamique de l'interaction, de la confrontation "trans-sectorielle". De fait,
ce "relachement" du lien coup/rsultat tend rduire le contrle qu'ont les individus sur la
porte de leurs actes et sur la signification qui leur est attache au cours du conflit. Il pse aussi
sur la crdibilit des actes, des messages, des menaces ou des promesses. Enfin on peut, avec
M. Dobry, avancer l'hypothse que "dans de telles conjonctures, o les acteurs tendent tre
privs des points de repre (...) lis aux logiques sectorielles, leurs perceptions, anticipations et
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calculs ne peuvent contourner la dimension physique, la matrialit de ces changes de coups
et de leurs rsultats locaux"42. Ceux-ci agissent comme des points attracteurs, des "saillances
situationnelles" qui, dans le conflit, marquent la lutte pour l'interprtation, la dfinition des
situations. Cette importance conjoncturelle des "saillances", des "points focaux" (Schelling)
est un lment central des conjonctures fluides.
On peroit sans peine, travers ces proprits, les traits propres aux contextes d'action
stratgique des transitions. Le jeu des "saillances", les problmes de matrise des coups,
d'valuation des ressources, de crdibilit, s'observent en effet dans le domaine central de lagestion des "agendas", mais aussi dans les comptitions symboliques pour la dfinition de
la ralit, dans les luttes d'affirmation identitaire et dans la dynamique mme des transitions
et des mobilisations. L'importance des affirmations identitaires, des stigmatisations dans les
contextes critiques a dj t souligne. il faut prciser comment elles s'oprent concrtement
pour saisir les effets de la fluidit politique, du "contexte d'interdpendance largie" sur le
comportement stratgique et tactique des acteurs. L'affirmation d'identit, la "lablisation" (H.
Becker), comme on l'a vu avec le phnomne de "simplification" identitaire, se fait par
la slection et la production de sens de discours concurrents. (C'est l un des rles de
l'idologie dans la mobilisation sur lequel il est inutile d'insister). Mais du fait des proprits
de l'interdpendance "largie" (rle des coups directs...), ce marquage se fait aussi et surtout,
dans les conjonctures fluides de transition, par des actes concrets de positionnement, des coupstactiques qui sont autant d'affirmations identitaires. Du ct des gouvernants, ce peut tre
l'utilisation de la force arme, la mise en place de ngociations, la dfinition ou la promesse
d'un agenda de rformes..., du ct des oppositions, le dclenchement d'une grve, la diffusion
de tracts, la participation des manifestations, des dfils. On peroit avec les rcents travaux
sur l'action collective (d'A. Pizzorno, et d'A. Melucci notamment) la dimension identitaire
de ces mouvements de mobilisation : l'engagement individuel n'est pas uniquement un cot,
c'est aussi une gratification, une affirmation d'identit43. Cette fonction de marquage par
l'action est encore plus affirme dans les situations de fluidit politique, d'affaiblissement des
rfrents sectoriels habituels (Havel parle "d'hypertrophie d'autodfinition"44). En ce sens on
peut dire, avec M. Dobry, que ces coups, ces mouvements tactiques qui scandent la dynamique
des transitions, sont des "technologies rudimentaires d'objectivation" des identits et desgroupes sociaux. Mais en mme temps ces affirmations d'identit sont rendues plus difficiles
et incertaines par les proprits du contexte d'action. Dans un contexte d'interdpendance
"largie", les consquences, la signification des coups chappent en grande partie aux acteurs
qui doivent ensuite s'aligner sur l'interprtation qui en est faite ou dpenser beaucoup d'nergie
pour la modifier. Le dsarroi qu'expriment les intellectuels tchques en 1990, les questions
qu'ils se posent quant leur position aprs leur engagement dans l'action politique en tmoigne.
Ces proprits de "l'interdpendance tactique largie" s'observent encore plus dans la
comptition que se livrent les acteurs des transitions pour la dfinition de la ralit. On
sait sur le long terme, le rle que joue l'imposition d'une vision lgitime de la socit
dans la construction et la stabilisation sociale de la ralit. Conjoncturellement, la violence
symbolique importe aussi. Dans les situations de transition, les luttes symboliques pour la
dfinition lgitime des enjeux sont directement des luttes pour le pouvoir qui "faonnent
l'arne politique" (Collier). L'influence du contexte de fluidit y est manifeste. D'abord, les
"dfinitions" qui mergent et qui structurent les perceptions sont directement en rapport
avec les coups tactiques des parties. Elles naissent de l'interaction, de l'activit tactique
des protagonistes du conflit. Empiriquement, il s'agit d'analyser les "processus par lesquels
s'laborent, se ngocient et mergent (...) des dfinitions des situations qui prsentent pour
chacun d'eux des avantages ingaux"45. Ce programme de recherche clairerait l'analyse des
transitions. Ensuite, les "dfinitions" concurrentes de la "ralit" sont interdpendantes et
subissent l'attraction conjoncturelle des "saillances", qui servent de point de convergence
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des interprtations, des anticipations. C'est en fonction de ces "points focaux" que va tre
dchiffre la situation, que vont s'tablir les estimations et que peuvent se cristalliser les rgles
du jeu.
Le changement de rgime en Pologne illustre ce jeu des saillances, ce poids du contexte
de fluidit dans la dfinition des situations et dans la dynamique des transitions. Aprs les
discussions de la Table Ronde de fvrier 1989, la situation tait claire, bien dfinie entre les
acteurs : instauration du pluralisme syndical, promesse de lgaliser Solidarit, restauration de
la libert d'association et d'opinion (mdia), mise en place d'un systme parlementaire deuxchambres et d'un Prsident de laRpublique dot de pouvoirs tendus, lu par le Parlement.
Ainsi tablies, les nouvelles rgles devaient assurer la domination du POUP sur le rgime
de transition46 (jusqu'aux lections libres prvues pour 1993). L'opposition n'aurait droit qu'
35% des siges la Dite. Mais les lections du 5 juin 1989 (o Solidarit emporte la totalit
des 161 siges qui lui taient accords la Dite et 99% des siges au Snat) remettent en
cause le scnario dfini par le pacte de la Table Ronde. Le jeu, "sectoris", normalis, par
cet accord entre dans une nouvelle dynamique conflictuelle : l't 1989 connat un regain
de mobilisation multisectorielle, une intensification de la fluidit politique. Les rgles du jeu
acceptes par Solidarit six mois plus tt sont annules et la situation se redfinit au fil des
coups. Dans ce contexte d'incertitude, de quasi-double pouvoir, l'apostrophe d'A. Michnick
("A Vous le Prsident, Nous le Premier ministre") cristallise les interprtations. Les calculs,les anticipations des divers acteurs sont "pris" par cette interprtation qui s'impose comme
seule lgitime. Dsormais, c'est autour de cette "saillance", de cette solution focale que se
redfinit la situation, que se structurent les nouveaux rapports de force, que se faonne le
nouveau rgime47.
L'exemple polonais tmoigne ainsi de la fluctuation des ressources et de la mobilit des
enjeux dans les conjonctures fluides. Il montre comment au fil des coups et des vnements
la structure du jeu se modifie, les perceptions et les anticipations sont rvalues en fonction
d'une part de cette variation des ressources, d'autre part des "saillances" qui mergent du
conflit. Il traduit au fond le poids du contexte de fluidit politique sur le comportement des
acteurs dans la dynamique des transitions.
Problmes de gestion, de lgitimation et de consolidation dmocratiques
Il semble possible d'affirmer que "ce sont les proprits des contextes d'interdpendance
largie qui commandent l'intelligibilit d'un grand nombre de "problmes" ou de "dilemmes"
qui s'imposent dans les conjonctures critiques aux acteurs sociaux"48. Conformment la
double hypothse de dpart, c'est dans ces proprits contextuelles de la fluidit politique, dans
les changements structuraux que nous avons cherch la source de l'incertitude des processus de
gestion et de consolidation des dmocraties naisssantes. C'est ainsi que peuvent s'interprter les
problmes de gouvernabilit des transitions. La difficile matrise des rformes par exemple, la
prilleuse laboration des "programmes de lgitimation dmocratique" (Hermet), des "agendas
initiaux" (Linz), peuvent se comprendre au regard de l'effondrement des critres routiniers
d'valuation (d la perte d'emprise des logiques sectorielles), au regard de la mobilit desenjeux et des prfrences, de la fluctuation des ressources et du jeu des "saillances". Comment
le contexte de fluidit "pse"-t-il sur cette gouvernabilit et, inversement, comment l'action des
dirigeants peut-elle contribuer rduire cette fluidit politique ? Dans quelle mesure par leurs
efforts pour contrler les processus de transition, et en matriser l'incertitude parviennent-ils
"non seulement ngocier tel ou tel virage, mais orienter cette dynamique sur une trajectoire
de long terme"49, autrement dit lgitimer et consolider le nouveau rgime ? Telles sont les
questions qui peuvent guider une rflexion sur les agendas, les rformes de transition qui
voudrait combiner analyse stratgique et intrt pour les "structures" dans les contextes de
fluidit des transitions. C'est ainsi que l'on peut tenter d'interprter les dilemmes "linziens"
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de la lgitimation dmocratique, les problmes de rforme conomique "by democratic
design" (C. Offe), de gestion de la menace militaire ou l'chec de certaines expriences (celles
du Vnzuela du Trieno ou Chili d'Allende par exemple) 50. On observe dans cette alatoire
gestion des transitions, le poids et les proprits du contexte de fluidit.
Mais les acteurs ne font pas que subir les logiques d'action de ce contexte. Ils s'efforcent
de les matriser par divers mcanismes. Ainsi au Bnin, quand le Prsident Krkou sous
la pression de la rue et des bailleurs de fonds annonce (dcembre 1989) la tenue d'une
"Confrence des Forces Vives de la Nation", il cherche "resectoriser" le jeu politique. Mais laConfrence, conue comme un cadre d'expression des dolances, un moyen de grer la fluidit
de la crise, chappe son instigateur. Au fil des coups, dans un contexte de forte tension,
de mobilisations multisectorielles, les rapports de force et les perceptions se modifient. On
est dans un contexte de forte dsobjectivation o, selon les mots d'un observateur, rgne
un "climat de gravit, d'angoisse, le sentiment d'une issue imprvisible qui chappe aux
prises de la collectivit"51, o les esprits, les forces de l'invisible sont convoqus pour faire
face l'effondrement des repres routiniers, la perte d'emprise des logiques sectorielles.
Dans ce cadre, la lutte pour la dfinition de la situation est pre : alors que Krkou essaie
d'accrditer sa vision d'une Confrence-Palabre, d'une simple assemble consultative (comme
il l'avait expriment en 1979), un reprsentant de l'opposition (A. Hountoundji) proclame la
souverainet de la confrence nationale et la suprmatie de ses dcisions. Ce "speech act",ce "coup" s'impose comme saillance, cristallise les dbats, les interprtations et "configure
l'arne politique" (Collier). Dans leur lutte pour le pouvoir, les acteurs de la Confrence
ont ainsi contribu "resectoriser" le jeu mais dans un sens oppos aux intentions initiales
de Krkou et dans des proportions plus importantes (en s'autoproclamant reprsentants des
groupes mobiliss, les dlgus la Confrence ont canalis les mobilisations contestataires).
Le nouveau Prsident vnzulien, Romulo Betancourt, dans son premier discours de
1958, cherche aussi limiter les effets de la "dsectorisation de l'espace social". Face aux
manifestations multisectorielles qui se poursuivent, il affirme que "le peuple dans l'abstait
n'existe pas. Le peuple, c'est les partis politiques, les syndicats, les secteurs conomiques
organiss, les organisations professionnelles, les groupes universitaires..." 52. En affirmant
l'autonomie du politique et la ncessit d'organisation, de reprsentation institutionnelle desintrts, il tente de replacer le jeu politique dans son arne lgitime, son cadre normal,
routinier. En insistant pour que la politique soit laisse aux professionnels, aux partis, pour
que l'expression des intrts soit confie aux syndicats, aux groupes organiss, il lutte contre la
"dsectorisation" sociale. Il appelle la reconnaissance de la division sectorielle de la socit,
la reconnaissance de l'autonomie de chaque secteur, au retour ce que l'on pourrait appeler
le "paradoxe de la normalit"53.
D'autres mcanismes peuvent contribuer rduire la fluidit politique des transitions,
grer l'incertitude. La rdaction d'une constitution, la mise en place de nouvelles institutions,
la codification de nouvelles rgles sont quelques uns de ces procds de "l'invention
dmocratique"54. L'annonce, l'organisation d'un scrutin peut aussi avoir pour effet de
"resectoriser" le jeu politique, d'attnuer les traits de la fluidit (canalisation des griefs,
stabilisation et valuation des ressources, fixation des rgles, identification des acteurs cls...)
55. La conclusion d'un pacte (Pacte de Punto Fijo au Vnzula, Pactes de la Moncloa en
Espagne, Tables Rondes dans les pays de l'Est...) peut galement se lire ainsi : court
terme il contribue par la fixation de rgles, de repres, de garanties, par la canalisation des
revendications rduire la fluidit. A moyen et long terme, les "transactions collusives" qu'il
tablit ou rtablit, les reconnaissances qu'il institue, peuvent tre le signe du retour un jeu
sectoris et sa consolidation56. Aborder les pactes de transition sous l'angle des "transactions
collusives" et des caractres structurels de la fluidit politique peut tre fcond. Rducteurs de
cette fluidit par leurs effets de court et moyen terme, ils en sont aussi rvlateurs. A travers
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les proprits des pactes, on discerne les traits propres aux conjonctures fluides ; fluidit dont
on observe aussi le poids dans les conditions de possibilit et de stabilit des pactes57.
C'est aussi dans cette perspective, c'est dire au regard des traits structurels de la fluidit, que
l'on peut comprendre et interprter les modalits concrtes de la consolidation dmocratique :
"sectorisation" de l'espace sociopolitique, rtablissement des "transactions collusives" entre
champs sociaux... L. Morlino dcrit la consolidation comme un double mouvement : (a) un
processus de fixation, d'objectivation de normes (dmocratiques) de comportement partages
par la majorit des acteurs ; (b) un processus de mise en oeuvre des institutions et de miseen place de nouveaux circuits politiques qui structurent les intrts et assurent la mdiation
entre la socit et l'Etat ou entre les divers secteurs sociaux58. Empiriquement, dcrire
la consolidation dmocratique au concret c'est donc voir comment se resectorise l'espace
social, comment se constituent de nouveaux rseaux d'interaction entre acteurs et champs
sociaux, comment se routinisent entre eux des relations et comment s'objectivent ces rapports.
Deux pistes de recherche s'ouvrent alors : Analyser comment s'tablissent les relations entre
les nouveaux gouvernants et les groupes socialement dominants (ou qui mergent comme
socialement dominants - par exemple les nouvelles bourgeoisies l'Est). Ce qui est en jeu
ici, c'est la formation de "nouvelles lites" (ou la reconversion sous d'autres formes des
mmes lites), la consolidation de transactions collusives entre les acteurs dominants des
divers secteurs sociaux. La question est importante en Afrique o s'observe particulirement lechevauchement (straddling) des positions de pouvoir politique et conomique59 : les transitions
ne sont-elles qu'un avatar du "processus d'assimilation rciproque des lites" (Bayart)
l'oeuvre depuis les indpendances ou traduisent-elles l'mergence de nouveaux segments
sociaux ? Analyser comment s'tablissent les relations entre dirigeants politiques et dirigeants
d'organisations reprsentant les divers intrts professionnels. Ce qui est en jeu ici, c'est la
cristallisation et la consolidation de certaines formes d'intermdiation des intrts, ce sont les
transactions collusives de "l'Etat en action", de "l'Etat au concret" qui peuvent contribuer la
rgulation et la lgitimation structurelle des nouveaux rgimes 60.
Penser les transitions au regard des proprits de la fluidit peut donc aider penser la fois
les problmes tactiques et stratgiques des transitions mais aussi les processus de plus long
terme de construction dmocratique.Mais introduire, avec la consolidation dmocratique, la variable temporelle prouve aussi
la ncessit d'affiner le modle de la fluidit politique pour l'appliquer aux transitions.
Les processus de dmocratisation diffrent en effet, au moins sur un point, des crises
multisectorielles dont M. Dobry trace les traits : ils ne s'inscrivent pas dans la mme dure.
Les crises "classiques" sont des phnomnes somme toute conjoncturels par rapport la
dynamique longue et volutive des transitions. Etales dans le temps, celles-ci ne sont pas
tout moment et de faon uniforme des situations de fluidit politique. Le jeu est plus ou moins
"sectoris" selon les moments. Il faut insister sur cette nuance importante et tenter de prciser
le dgr de fluidit des transitions en fonction des moments, des squences temporelles.
Les processus de transition diffrent aussi dans leurs modalits. Peut-on distinguer selon
les types, les modalits de transition, des configurations et des degrs diffrents de fluidit
politique ? Un grand nombre de typologies ont t proposes en fonction des rythmes
de dmocratisation, des acteurs engags, des stratgies et des ressources employes61. On
peut alors mettre l'hypothse que la fluidit politique d'une transition sera plus ou moins
leve selon qu'elle s'opre de faon graduelle ou brutale, par "transaction" ou par "rupture",
qu'elle est "impose", "octroye" ou "pacte"... Mais c'est oublier que de tels classement
"essentialisent" des trajectoires, objectivent des diffrences qui, souvent, ne sont que de
circonstance et voluent au fil de chaque transition. Le Portugal, par exemple, a engag sa
transition avec le coup d'Etat d'officiers subalternes dans un contexte de dfaite extrieure
imminente. Mais leur prise de pouvoir a t suivie d'une "raction des masses", d'une intense
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mobilisation multisectorielle qui a d'abord orient le processus dans une direction rformiste
puis vers la voie rvolutionnaire. Aprs l'chec de celle-ci, "le Portugal est rest quelques
temps suspendu entre les rformes et la transition impose"62. A premire vue - la notion de
fluidit tant associe celle de crise - il semble vident qu'une transition douce, "pacte", sera
moins fluide qu'un changement brutal impos par la force. C'est pourtant loin d'tre vident.
Une transition, estime Juan Linz, est toujours un processus complexe combinant rforme et
rupture63. Une transition ngocie, comme le montrent Rustow et Przeworski, est souvent le
rsultat d'un conflit prolong entre acteurs ayant puis toutes leurs ressources dans un conflitmultisectoriel sans pouvoir imposer aux autres leur dfinition de la situation. Les traits de la
fluidit, de la dsectorisation de l'espace social peuvent alors s'observer dans les ngociations
(mobilit des enjeux, dispersion des marchandages...), dans les pactes voire dans les solutions
institutionnelles. A l'inverse, un changement impos d'en haut, par la force (un coup d'Etat par
exemple), ne traduit pas forcment une situation de mobilisation multisectorielle, une large
dsectorisation du jeu politique.
Celle-ci peut se manifester dans tous les types de transitions. La fluidit politique ne semble
pas mcaniquement lie aux mode de transition, elle peut merger, conjoncturellement
dans des situations diverses sous l'effet de mobilisations multisectorielles. Au fond, les
diverses typologies masquent peut-tre la similarit des rapports sociaux, des configurations
"structurelles" propres aux situations de changement. Il parat alors impossible de distinguer,selon les types de transition, des diffrences de nature dans leur fluidit. On peut seulement
relever des diffrences de degr, d'intensit, selon les moments. Il s'agit alors de prciser cette
fluidit ingale des transitions en introduisant la variable temporelle. L'opration n'est pas sans
danger. Priodiser - c'est dire au sens strict reprer dans le temps des configurations stables de
variables - des processus o la plupart des "paramtres sont en flux est dj difficile. Ensuite,
distinguer des tapes, des squences, comporte un biais finaliste : "l'illusion de l'histoire
naturelle" (Dobry) qui ferait croire une rgularit, une linarit de la dmocratisation pourtant
largement alatoire. "Mesurer" ou observer les divers degrs de fluidit des transitions suppose
alors de s'intresser de plus prs aux processus de mobilisation multisectorielle, leurs
mergences, leurs rapports au changement politique. C'est, nos yeux, cette condition que
l'on pourra avancer dans la comprhension des processus incertains de dmocratisation etaffiner le modle de la fluidit politique des transitions.
Mobilisations collectives et fluidit politique des transitions
Penser les transitions dmocratiques comme des situations de fluidit politique ingale (et
prciser empiriquement ces degrs divers de fluidit) c'est donc s'intresser au "comment",
au contexte de transition lui-mme et non plus seulement au "pourquoi" des changements
de rgime, c'est tenter de comprendre ce qui s'y joue concrtement. Cela signifie centrer
son attention sur les transformations d'tat que subissent les structures sociales dans les
conjonctures critiques sous l'effet des mobilisations "multisectorielles". C'est dire chercher
l'incertitude des transitions dans ces changements structuraux (la "dsectorisation de l'espace
social", la "crise des transactions collusives", la "dsobjectivation" corrlative de l'ordresociopolitique) qui dfinissent au niveau micropolitique des logiques d'action originales
("l'interdpendance tactique largie" et ses proprits drives) et marquent les problmes de
gestion, de lgitimation, de consolidation dmocratique. Aborder les processus de transition
sous l'angle des proprits de la fluidit politique, amne ainsi rflechir plus prcisment
aux rapports qui se nouent entre mobilisations collectives et changement politique.
Malgr son importance empirique (et nos yeux thorique) le problme des mobilisations
collectives en priode de transition est rest nglig la fois par les diverses approches des
transitions, les travaux sur l'action collective et par les "area studies". Parmi ces dernires, peu
d'tudes empiriques ont t consacres aux manifestations, aux mouvements de revendication
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dmocratique qui, pourtant, ont marqu nombre de pays de l'Est et du Sud depuis 1989.
Souvent pessimistes quant aux perspectives de mobilisation et de contestation ouverte,
les tudes est-europennes par exemple ont longtemps oscill entre l'analyse des formes
caches de dissidence64 et le constat d'apathie65. Le dveloppement de Solidarit, a certes
ouvert la voie l'tude des mouvements sociaux66. Mais les vnements de 1989 ont suscit
plus d'observations sur les formes de renaissance de la "socit civile" 67 que de vritables
analyses concrtes des mobilisations collectives et de leur rapport au changement politique.
De mme, les recherches africanistes qui ont pourtant montr l'tendue de la "revanche dessocits africaines" (Bayart), la diversit des pratiques de contestation de l'Etat post-colonial -
notamment les travaux consacr au "politique par le bas" et au "disengagement"68 - ont encore
peu tudi ces rcents mouvements de protestation ouverte qui, de Lom Libreville, de
Bamenda Cotonou ou Lagos, ont scand les volutions politiques depuis 1989 69. De leur
ct, les rcentes thories des transitions, comme nous l'avons vu, ont rhabilit les variables
micropolitiques en se focalisant sur le rle stratgique des lites. Les mouvements sociaux,
les mobilisations collectives, dans ce cadre litiste, sont rarement abords en tant que tels, et
quand ils le sont, c'est en termes de "masses" (T. L. Karl) ou de "rsurrection de la socit
civile" (O'Donnel et Schmitter). Plus conceptuelles qu'empiriques, ces analyses visent plus
modliser le rle des mobilisations dans l'effondrement des rgimes qu' rendre compte de leur
ralit complexe et de leur rapport au contexte de fluidit des transitions. Symtriquement, lesdiverses sociologies de l'action collective, ne se sont gure intresses aux transitions et aux
mouvements de revendication dmocratique. A notre connaissance, aucune des coles - de la
psychologie des foules, de la frustration relative70, de la mobilisation des ressources (courant
conomiste71 ou courant politique72), des nouveaux mouvements sociaux ou de l'identit73
- n'a pos ouvertement le problme des mobilisations collectives en priode de transition.
Les diffrents modles et hypothses, labors sur le terrain occidental, n'ont pas encore t
confronts - de rares exceptions prs74 - aux mouvements de contestation et de revendication
dmocratique de l'Est et du Sud. Pour S. Tarrow75, les schmas disponibles actuellement
seraient insuffisants pour penser ces vagues de mobilisation et leur rle dans les changements
de rgime. La contrainte des institutions tant sous-value, il faut selon lui, recourir de
nouvelles variables (touchant la "structure des opportunits politiques") pour interprterces nouveaux "cycles de protestation et dpasser le paradoxe olsonien de l'action collective,
particulirement pesant en situation autoritaire. C'est galement l'avis de C. Tilly qui estime
que les vnements des annes 1989-90 devraient susciter de nouvelles rflexions sur les
processus de mobilisation 76.
Penser les transitions comme des situations de fluidit politique - o la "dynamique
des mobilisations multisectorielles" pse la fois sur les "structures" sociales et les
comportements- pourrait y aider. Au del des effets de ces mobilisations de crise
("dsectorisation" et proprits drives...), il faut alors analyser ces processus de mobilisation
collective de transition en eux-mmes, approfondir empiriquement leur connaissance pour
mieux comprendre leur porte et leur rapport au changement politique.
En guise de conclusion, quelques pistes de recherche peuvent tre esquisses en ce sens.
Comment naissent les motivations et comment passe-t-on des motivations l'action ? Ces
questions classiques de la sociologie des mobilisations sont d'autant plus importantes qu'elles
se posent dans des contextes de remise en cause des rgimes autoritaires. Comment expliquer
en effet qu'en 1989-90, en Afrique, les individus dpassent le registre de la ruse, de l'escapade,
descendent dans la rue et choisissent la voie de l'action collective alors qu'il semblait acquis
que les modes populaires d'action politique ne puissent "dboucher sur des mouvements
sociaux durables"77. Comment expliquer le passage d'un comportement de rsistance, de
dissidence passive une protestation ouverte ? A. Hirschman observe que dans les pays
de l'Est la relation entre les deux attitudes tait inverse jusqu'en 1988-1989. La possibilit
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d'exit (relle ou symbolique) rduisait les probabilits de "voice"78. Les hypothses de l'cole
de la mobilisation des ressources, supposant une rationalit cots/bnfices et l'existence
de groupes fortement structurs, ne semblent pas suffisantes pour expliquer cette mutation
des comportements et dpasser le paradoxe olsonien de l'action collective, particulirement
pesant l'Est ou en Afrique. Faut-il rechercher alors, avec les thories de l'identit (Melucci,
Pizzorno), le sens de l'action dans l'action elle-mme plutt que dans les buts poursuivis ?
Ou comme le suggre Tarrow, rapporter le problme de la rationalit de l'engagement aux
variations de la "structure d'opportunit politique", articuler l'action collective au contexte et la dynamique de transition, aux proprits de la fluidit politique des transitions (notamment
aux phnomnes de dsobjectivation lis la crise des transaction collusives) ? Conformment
aux hypothses de dpart, c'est dans cette voie qu'il semble possible d'analyser le passage de la
rsistance passive la protestation publique, des motivations l'action en priode de transition.
Comment passe-t-on ensuite de l'engagement individuel l'action collective ? Autrement dit,
comment se mobilise-t-on dans ces conjonctures fluides ? M. Kaase rappelait rcemment
l'importance des organisations prenant en charge les griefs, que ce soient les "communauts
pr-existantes" d'Obershall, les "entrepreneurs de mouvement" de Zald et Mac Carthy ou
les "espaces d'intgration" de Melucci. S'agit-il de mobilisations organises, diriges par des
groupes structurs d'activistes ou de mouvements de masse plus ou moins spontans ? Est-
on en prsence d'acteurs dj constitus, de groupes qui se constituent en acteurs collectifspar leur participation aux conflits79, de structures de coordination pr-existantes, stables ou
contingentes, labores la hte pendant la crise ? Au Bnin, on l'a vu, alors que s'rodent
les structures officielles de mobilisation de masse, des organisations parallles et des rseaux
se mettent en place. Il s'agit alors d'identifier ces "organisations de mouvement" (SMO) de
reconstituer ces structures de coordination. Cela permettrait d'valuer concrtement leur rle
dans la contestation et dans l'mergence d'un contexte de fluidit politique. Cela pourrait aussi
ouvrir de nouvelles pistes dans l'tude des mobilisations collectives. Etant donnes, dans la
plupart des situations, l'absence de vritables "organisations de mouvements" anciennement
structurs et la fluidit du contexte de transition, ne faudra-t-il pas suivre les rcentes
propositions de Tilly et conceptualiser les acteurs des mobilisations de 1989-1992 au Bnin,
au Togo ou dans les pays de l'Est comme des "rseaux sociaux changeants, contingentset construits"80 ? Cela irait contre l'hypothse classique de continuit organisationnelle des
mouvements sociaux, "pr-condition" des mobilisations pour de nombreuses thories. Cette
hypothse de plasticit, de fluidit, si elle se confirmait constituerait une des originalits des
mobillisations de transition et pourrait gnrer de nouvelles conceptualisations de l'action
collective en priode de crise.
Les problmes de gestion du sens des mobilisations sont galement importants dans la
dynamique des transitions. Les luttes symboliques autour des manifestations sont toujours
trs importantes81. Elles s'avrent cruciales dans le contexte de fluidit, de dsobjectivation"
des priodes de transition o la lutte pour l'imposition du sens est aussi une lutte pour le
pouvoir. Partant de l'hypothse qu'en situation de crise les "dfinitions" qui mergent sont
le produit de l'activit tactique, conflictuelle, des diffrentes parties, il s'agit d'analyser les
processus, les interactions au cours desquels s'laborent, se ngocient dans la mobilisation des
"dfinitions" de la situation. Comment les acteurs de l'opposition peuvent-ils imposer dans la
lutte contre le pouvoir et par-del la diversit des revendications, l'image d'un mouvement de
masse pour la dmocratie ? La convergence des interprtations autour de la solution pluraliste
ne peut-elle se comprendre, dans le contexte de fluidit et de lutte, par l'attraction des points
focaux" ? Les proprits de la fluidit politique pourraient permettre de comprendre comment
dans l'interaction stratgique, au fil des coups entre les groupes mobiliss et le pouvoir, le
multipartisme, la "dmocratie" peuvent s'imposer comme une "saillance situationnelle" qui
structure les perceptions et les interprtations.
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Prciser ces logiques de mobilisation collective, leur rapport au contexte de fluidit politique,
pourrait ainsi faire progresser la comprhension des processus de dmocratisation, des
dynamiques de transition. Cela suppose et ncessite d'amples investigations empiriques.
Notes
1 La notion de "transition dmocratique" a fait l'objet de longues discussions. Utilise d'abord
pour dsigner le changement pacifique de rgime en Espagne, elle a fait ensuite l'objetde nombreux dbats. Rejete pour ses connotations et surtout son finalisme qui nglige
l'incertitude et la rversibilit des processus de dmocratisation, elle est, dans les annes 1990,
de plus en plus remise en question (voir le dernier rapport de la Banque Mondiale) et remplace
par la notion de rforme qui renvoit plus aux problmes de changement systmique, de gestion
conomique et de "good governance". Sans entrer dans ces dbats terminologiques, on peut
ici retenir l'expression de faon pratique et minimaliste : dans son acception temporelle, la
transition dmocratique est simplement la priode ambige de changement de rgime. On peut
la dfinir comme une priode de flux institutionnel, d'incertitude, o la norme dmocratique
tend s'imposer comme critre de lgitimation et oriente les perceptions et les comportements
de la majorit des acteurs.
2 Voir Almond (G.), Verba (S.), The Civic culture. Princeton, Princeton Univ. Press, 1963,
562 p. Lerner (D.), Pevsner (L.), The Passing of traditional society, New York, Free Press,1958, 466 p. Eisenstadt (S. N.), "Social change, differenciation and evolution", American
Sociological Review, n29, juin 1964, pp. 375-387. Moore (B.), Les Origines sociales de
la dictature et de la dmocratie, Paris, Maspro, 1969, 431 p. Lipset (S. M.), "Some social
requisites of democracy : economic development and political legitimacy", American Political
Science Review, 53 (1) mars 1959, pp. 69-105, ainsi que l'Homme et la Politique, Paris, Le
Seuil, 1960.
3 Pour une synthse et une mise en perspective critique de ces approches, voir Hermet (G.),
Sociologie de la construction dmocratique, Paris, Economica, 1986. 172 p.
4 Voir Rustow (D.), "Transition to democracy : toward a dynamic model", Comparative
Politics, (2), 3 avril 1970, pp. 337-363.
5 Voir Huntington (S.), The Third Wave : democratization in the late twentieth century,
Norman, University of Oklahoma Press, 1991, 366 p.6 Si ces rorientations de paradigme peuvent s'interprter en termes "khuniens" comme une
rponse des "anomalies", des contre-exemples, on peut penser qu'elles ont aussi triomph
pour les besoins de la cause. La rvaluation de l'action politique (jusqu'au "volontarisme" de
certaines analyses) nourrit plus efficacement l'optimisme dmocratique que l'attente passive
d'une hypothtique ralisation des prconditions du pluralisme. Le poids de "l'Histoire relle"
apparat ici directement. Engags dans l'action politique, certains chercheurs ont ainsi chang
leurs orientations thoriques, non sans problmes mthodologiques.
7 Voir par exemple l'interprtation que fait A. Stepan de la transition brsilienne. Certes des
facteurs structurels ont affaibli le rgime militaire du prsident Geisel, mais les raisons de
sa chute sont chercher ailleurs. Dans ses contradictions politiques internes, dans la volont
d'une faction de l'arme de trouver dans la socit civile des allis pour contrer l'influence
croisssante des services de renseignement (le fameux SNI) au sein de l'Etat. Voir Stepan (A.),Rethinking military politics. Brazil and the Southern Cone, Princeton, Princeton Univ. Press,
1988, 172 p.
8 Voir O'donnell (G.), Schmitter (P.), Transitions from authoritarian rule. Tentative
conclusions about uncertain democracies, Baltimore, The J. Hopkins Univ. Press, 1986.
Przeworski (A.), Democracy and the market, Cambridge, Cambridge Univ. Press, 1991.
9 Rustow (D.), art. cit., p. 353.
10 Observons, contre la thse de l'accord sur les valeurs prcondition de la dmocratie, que
le consensus, l'accord sur les rgles (voire les fins) est ici moins le prrequis que le rsultat
du processus dynamique de dmocratisation (la consolidation est ici vue comme processus de
socialisation civique)
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11 Voir Linz (J. J.), The Breakdown of democratic regimes, Baltimore, The J. Hopkins Univ.
Press, 1978, (vol. 1), 125 p.
12 Di Palma (G.), To Craft democracies. An essay on democratic transitions, Berkeley, Univ.
of California Press, 1990, p. 8.
13 Voir Przeworski (A.), "Democracy as a contingent outcome of conflict" in Elster (J.),
Slagstad (R.), eds, Constitutionnalism and democracy. Cambridge, Cambridge Univ. Press,
1987, pp. 59-80.
14 Hermet (G.), Aux frontires de la dmocratie, Paris, PUF, 1983, p. 207.
15 Voir Hirschman (A.), "Models of reform mongering" in Journeys toward Progress, Garden
City, Doubleday, 1965 ; Przeworski (A.), Democracy and the market, op. cit. et O'donnell (G.),
"Notes for the study of democratic consolidation in contemporary Latin America" paratre
dans Delegative democracy.
16 Il serait trop long de dtailler ici ces approches. Pour une mise en pespective prcise, voir
Collier (D.), Norden (D.), "Strategic choice models of political change in Latin America" in
Comparative Politics, 24 (2), janvier 1992, pp. 229-243.
17 Voir Schelling (T.), Stratgie du Conflit, Paris, PUF, 1986, 312 p.
18 C. Offe explique ces impasses par la confusion des niveaux d'analyses. Comment rendre
compte microsociologiquement de changements qui n'affectent pas seulement les rgles
d'intraction politique mais galement la socit dans ses structures profondes ? c'est le
"dilemme de la simultanit", de la "triple transition" que ne peut rsoudre le paradigme du
choix rationnel. Voir Offe (C.), "Capitalism by democratic design. Democratic theory facing
the triple transition in Eastern Europe" in Social Research, 58 (4) 1991, pp. 865-902, traduit
dans la RFSP, 42 (6) dcembre 1992, pp. 923-942.
19 Voir Karl (T. L.), "Dilemmas of democratization in Latin America", Comparative Politics,
23 (1), oct. 1990, pp. 1-21 et Karl (T. L.), Schmitter (P.), "Les modes de transition en Amrique
latine, en Europe du Sud et de l'Est", Revue Internationale de Sciences Sociales, n 128, mai
1991, pp. 285-301.
20 Voir Collier (D.), Berins-Collier (R.), Shaping the Political Arena. Critical junctures, the
labor movement and the regime dynamics in Latin America, Princeton, Princeton Univ. Press,
1991.
21 Almond (G.), Flanagan (S.), Mundt (R.), eds, Crisis, Choice and Change, Boston, Little
Brown, 1973, p. 67.
22 Voir Dobry (M.), Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisationsmultisectorielles, Paris, Presses de la FNSP, 1986.
23 Voir Almond (G.), Flanagan (S.), Mundt (R.), eds, op. cit., notamment Flanagan (S.),
"Models and methods of analysis", pp. 43-102.
24 Dobry (M.), op. cit., p. 138.
25 La complexit structurelle des socits dsigne une vidence sociologique : la multiplicit
des sphres sociales, des champs, des secteurs sociaux diffrencis et institutionnaliss qui,
par leurs stratgies de distinction et leurs relations enchevtres, dessinent la trame du "tissu
social".
26 Dobry (M.), op. cit., p. 141.
27 Ibid. p. 141.
28 Le postulat sous-jacent cette proprit touche la rationalit de l'action sociale : dans
les conjonctures routinires, les anticipations, les valuations et plus gnralement l'activittactique des acteurs s'effectuent non pas selon une rationalit parfaite et universelle, mais
en fonction des enjeux, des rgles du jeu ("normatives" ou "pragmatiques"), des types de
ressources propres chaque secteur ou champ social. Les acteurs sont pris dans des "toiles
de signification" (C. Geertz), des "zones limites d'interdpendance tactique" (M. Dobry) qui
fournissent les critres, repres et instruments de calcul, d'valuation et d'interprtation des
situations.
29 Voir Dobry (M.), op. cit., pp. 154-158 et pp. 262-287.
30 Allen (C.), "Restructuring an authoritarian State. Democratic renewal in Bnin", Review
of African Political Economy, 54, 1992, p. 47.
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31 Ibid. p.48.
32 Staniszkis (J.), Pologne : la Rvolution autolimite, Paris, PUF, 1982, p. 117.
33 Ibid, p. 134.
34 Sur cet aspect de la "normalisation" en Tchcoslovaquie aprs le printemps de Prague, voir
le tmoignage intime (au sens des "tyrannies de l'intimit"de R. Sennet) de Simecka (M.), Le
rtablissement de l'ordre, Paris, Maspro, 1979.
35 Voir les descriptions de T.G. Ash, La chaudire. Europe Centrale 1980-1990, Paris,
Gallimard, 1990, p. 385 et suiv.
36 Voir Dobry (M.), op. cit., pp. 150-153.
37 Ibid. p. 159-160.
38 Sur ces stratgies de reconversion, voir Mink(G.), Lhomel (E.), "Conversion et adaptation
des partis communistes" in Notes et Etudes documentaires, 4942 (43), 1991, pp. 33-47. Ainsi
que Mink (G.), Szurek (J. F.), "Adaptation et stratgies de reconversion des anciennes lites
communistes" in Mink (G.), Szurek (J. F.), op. cit., pp. 67-84.
39 Voir Hermet (G.), Les Dsenchantements de la Libert. La sortie des dictatures dans les
annes 1990, Paris, Fayard, 1993.
40 Dobry (M.), op. cit., p. 173.
41 Ibid. p. 161.
42 Ibid. p. 184.
43 Voir Pizzorno (A.), "Considrations sur les thories des mouvements sociaux". Politix, (9),
1990, pp.74-80 et Melucci (A.), "The new social movements : a theoretical approach" in Social
Science Information, (19) 1980, pp.199-226. Pour une synthse rcente de ces thories de
l'identit qui se proposent de dpasser le paradoxe olsonien de l'action collective, voir Martelli
(D.), Identit et mobilisation, Paris, Univ. Paris I, 1992 (mmoire).
44 Entretien avec A. Michnick in Mink (G.), Szurek (J. C.), Cet trange post-communisme,
Paris, La Dcouverte, 1992, p. 29.
45 Dobry (M.), op. cit., p. 198.
46 Voir Kaminski (B.), "Systemic underpinnings of the transition in Poland : the Shadow
of the Round-Table agreement", Studies in Comparative Communism, 24 (2), juin 1991, pp.
173-190. Ainsi que Mink (G.), "Pologne. De la Table Ronde au double pouvoir" in L'URSS
et l'Europe de l'Est, Paris, La Documentation Franaise, dition 1990, pp. 151-175.
47 Rapporter ainsi l'tablissement d'un jeu coopratif l'attraction des "saillances", des points
focaux peut aider comprendre les phnomnes de convergence, les tendances la cooprationqui marquent les transitions pacifiques et que les analystes expliquent simplement par l'intrt
ou la "sagesse" des protagonistes.
48 Dobry (M.), op. cit., p. 173.
49 Hermet (G.), Aux frontires de la dmocratie, op. cit., p. 207.
50 Nous nous permettons de renvoyer notre travail (notamment au troisime chapitre et aux
tudes de cas), Les Transitions dmocratiques comme situations de fluidit politique. Gestion,
Lgitimation, Consolidation, Paris, IEP, 1992, (Mmoire de DEA sous la direction de M. Guy
Hermet), 207 p.
51 Eboussi Boulaga (F.), Les Confrences Nationales en Afrique Noire, Paris, Karthala, 1993,
p. 70.
52 Betancourt (R.), Tres anos de gobierno democrtico, Caracas, Imprenta Nacionl, 1962,
p. 245.53 C'est dire une situation normale, routinire o la stabilit sociale est assure par les
rapports, contradictoires, d'autonomie et d'interdpendance la fois entre secteurs ou champs
sociaux institutionnaliss.
54 Lefort (C.), L'invention dmocratique, Paris, Fayard, 1981.
55 Sur les premires lections pluralistes, voir la Revue Franaise de Science Politique, vol.
43, n6, dcembre 1993. Il faut ici remarquer que les effets politiques des premiers scrutins
sur la dynamique des transitions (ou sur la cristallisation des systmes de partis) ont t peu
tudis. Citons simplement les formalisation de O'donnell Et Schmitter, op. cit., notamment
le chapitre VI, "Convokin