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Notes personnelles - Léna Thérond (Clg Paul Riquet, Béziers, 34) Comment enseigner l'histoire de la Shoah ? Voyage de formation à Auschwitz et Cracovie. 30 mars au 2 avril 2017 Conférence 1 - Le nazisme, une vision du monde , Johann Chapoutot, professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris-Sorbonne. La communauté juive de Pologne est passée d’environ 3 millions de personnes en 1939 à une dizaine de milliers en 1945. Théorie de Hannah Arendt (« Eichmann à Jérusalem : rapport sur la banalité du mal ») > Image du criminel nazi « idiot », qui obéit aux ordres > cette théorie ne tient pas - - Eichmann joue le rôle qu'on attend de lui pour sauver sa peau au procès de 1961-1962. Mais en dehors du procès, dans son journal intime, dans sa correspondance privée, dans des bandes audio enregistrées à Buenos Aires dans les années 1950, Eichmann dit tout autre chose : antisémite radical, fierté d'avoir tué 5 millions de juifs, déception d'en avoir laissé 6 millions encore en vie. Il faut donc prendre le discours nazi au sérieux : la vision du monde nazie est une vision cohérente, motivée pour convaincre, séduire... Plan : 1) Le projet politique nazi de destruction de la Révolution française et de son héritage. 2) Une vision de l'Histoire, un récit qui ouvre sur … 3) … une promesse de sortir de l'Histoire. 1) Le projet politique. « Nous avons effacé 1789 de l'Histoire », Goebbels, 1933 > La RF a imposé « liberté, égalité, fraternité » dans tout l'Occident (> révolutions de 1830, 1848, 1871, 1917). LIBERTÉ. Le régime nazi est un régime antilibéral ou la liberté n'existe donc pas. Pour les nazis, le monde est gouverné par les lois des sciences naturelles (notamment de la raciologie du XIXe siècle). Pour eux, la liberté est donc une absurdité : l'Homme est déterminé par Dieu jusqu'au XIXe siècle, puis la biologie à partir du début du XXe siècle > thèse défendue par des penseurs controversés comme Maurice Barrès, Charles Maurras mais qu'on retrouve également chez des intellectuels tels que Émile Zola (« Germinal » = l'Homme prisonnier de sa condition, il n'y a pas de liberté). « Le nazisme, c'est de la biologie appliquée », Hitler. D'où les camps de concentration pour punir, rééduquer mais dont on ressort jusqu'à l'automne 1939, où l'on ferme les portes pour des raisons de sécurité politique. Les nazis légitiment leur idéologie par la science. ÉGALITÉ. Les XIXe et XXe siècles constituent une époque raciste. En nov. 1938, alors que les nazis sont accusés des violences de la « Nuit de Cristal » dans les journaux américains, français... Eux, parlent dans leurs journaux de la façon dont les Américains traitent les Noirs aux États-Unis (ségrégation raciale), ou comment les Anglais se comportent en Inde ou les Français en Algérie avec les populations « locales »... Idée du : on est raciste, OUI... mais VOUS AUSSI ! D'ailleurs, en France, Charles Maurras est élu à l'Académie française en juin 1938, après avoir multiplié les propos antisémites violents. Pour en revenir à l'égalité, la science du XIXème siècle et du début du XXème siècle montre qu'il y a inégalité des races (rf. raciologie), ce qui légitime l'idée de la colonisation > terres qui n'appartiennent à PERSONNE. Or, les Nazis veulent aller vers l'Est (et pas en Asie, en Afrique ou même en Amérique centrale/Sud > idée qu'il y fait trop chaud, donc qu'il y aurait dégénérescence). A l'Est, il y a : Notes personnelles - Léna Thérond (Clg Paul Riquet, Béziers, 34) - Comment enseigner l'histoire de la Shoah ? Voyage de formation à Auschwitz et Cracovie. 30 mars au 2 avril 2017

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Notes personnelles - Léna Thérond (Clg Paul Riquet, Béziers, 34)Comment enseigner l'histoire de la Shoah ?

Voyage de formation à Auschwitz et Cracovie. 30 mars au 2 avril 2017

Conférence 1 - Le nazisme, une vision du monde , Johann Chapoutot, professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris-Sorbonne.

La communauté juive de Pologne est passée d’environ 3 millions de personnes en 1939 à une dizaine de milliers en 1945.

Théorie de Hannah Arendt (« Eichmann à Jérusalem : rapport sur la banalité du mal ») > Image du criminel nazi « idiot », qui obéit aux ordres > cette théorie ne tient pas - - Eichmann joue le rôle qu'on attend de lui pour sauver sa peau au procès de 1961-1962. Mais en dehors du procès, dans son journal intime, dans sa correspondance privée, dans des bandes audio enregistrées à Buenos Aires dans les années 1950, Eichmann dit tout autre chose : antisémite radical, fierté d'avoir tué 5 millions de juifs, déception d'en avoir laissé 6 millions encore en vie.

Il faut donc prendre le discours nazi au sérieux : la vision du monde nazie est une vision cohérente, motivée pour convaincre, séduire...Plan :

1) Le projet politique nazi de destruction de la Révolution française et de son héritage.2) Une vision de l'Histoire, un récit qui ouvre sur …3) … une promesse de sortir de l'Histoire.

1) Le projet politique.

« Nous avons effacé 1789 de l'Histoire », Goebbels, 1933 > La RF a imposé « liberté, égalité, fraternité » dans tout l'Occident (> révolutions de 1830, 1848, 1871, 1917).

• LIBERTÉ.Le régime nazi est un régime antilibéral ou la liberté n'existe donc pas. Pour les nazis, le monde est gouverné par les lois des sciences naturelles (notamment de la raciologie du XIXe siècle). Pour eux, la liberté est donc une absurdité : l'Homme est déterminé par Dieu jusqu'au XIXe siècle, puis la biologie à partir du début du XXe siècle > thèse défendue par des penseurs controversés comme Maurice Barrès, Charles Maurras mais qu'on retrouve également chez des intellectuels tels que Émile Zola (« Germinal » = l'Homme prisonnier de sa condition, il n'y a pas de liberté).« Le nazisme, c'est de la biologie appliquée », Hitler. D'où les camps de concentration pour punir, rééduquer mais dont on ressort jusqu'à l'automne 1939, où l'on ferme les portes pour des raisons de sécurité politique.Les nazis légitiment leur idéologie par la science.

• ÉGALITÉ.Les XIXe et XXe siècles constituent une époque raciste. En nov. 1938, alors que les nazis sont accusés des violences de la « Nuit de Cristal » dans les journaux américains, français... Eux, parlent dans leurs journaux de la façon dont les Américains traitent les Noirs aux États-Unis (ségrégation raciale), ou comment les Anglais se comportent en Inde ou les Français en Algérie avec les populations « locales »... Idée du : on est raciste, OUI... mais VOUS AUSSI !D'ailleurs, en France, Charles Maurras est élu à l'Académie française en juin 1938, après avoir multiplié les propos antisémites violents.Pour en revenir à l'égalité, la science du XIXème siècle et du début du XXème siècle montre qu'il y a inégalité des races (rf. raciologie), ce qui légitime l'idée de la colonisation > terres qui n'appartiennent à PERSONNE. Or, les Nazis veulent aller vers l'Est (et pas en Asie, en Afrique ou même en Amérique centrale/Sud > idée qu'il y fait trop chaud, donc qu'il y aurait dégénérescence). A l'Est, il y a :

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– les Slaves et les Asiats = sous-hommes (comme les Noirs colonisés), race inférieure, qui se laissera dominée.

– les Juifs = bactérie, virus ( - ! pas des sous-hommes, PIRE, ils sont hors-catégorie – donc, il n'y a pas eu de test clinique sur les Juifs dans les camps, ces tests se faisaient plutôt sur les Tziganes, les Slaves...).

Pour aller à l'Est et sauver leur « pureté », les Nazis veulent agir vite et brutalement.Il n'y a pas d'égalité non plus au sein de la race « germanique » car la nature ne l'a pas décidé ainsi d'où un système de hiérarchie pyramidale chez les nazis (marquée par l'uniforme), qui exclut les êtres « non-performants » > la vie est un combat, il faut donc prouver sa performance sinon, c'est une vie indigne d'être vécue.On retrouve cette obsession occidentale pour la « performance » en France, après la 1ère GM, où l'idée que ce sont les meilleurs, les plus courageux qui sont morts en 1ère ligne alors que les « ratés », les « débiles », les « planqués » ont survécu.Le problème en Allemagne, dans les années 1930, c'est l'effondrement des naissances qui conduit à une réelle angoisse démographique avec l'idée pour les Allemands qu'ils vont être balayés de l'Histoire. Mise en place de l'eugénisme : les handicapés mourraient à l'état naturel, pourquoi aller contre la nature en les soignant, en les aidant...

> Loi du 14/07/1933 = loi de prévention de l'hérédité malade = stérilisation forcée des malades héréditaires devant des tribunaux de santé héréditaire > 400 000 stérilisation pendant toute la durée du IIIe Reich. D'où l'affiche de l'été 1933 (cf. annexe 1) justifiant cette politique en montrant que d'autres États occidentaux appliquent l'eugénisme - « Nous ne sommes pas seuls » - certes, sauf qu'en Allemagne du IIIe Reich, ça va vite et fort car le temps presse...

Tout cela conduit en octobre 1939 à « l'Aktion T4 » pour exterminer les personnes handicapées physiques et mentales – décision antidatée au 1er septembre 1939 car c'est une guerre contre la maladie, une guerre de survie... pour les nazis, on ne peut plus se permettre d'entretenir des vies « inutiles ». On tue donc par gazage au monoxyde de carbone (45 mn d'agonie) ou par injection > 6 centres sont créés. - ! l'aktion T4 ne concerne pas les grands mutilés de guerre allemand, surtout s'ils peuvent encore se reproduire !

Cette angoisse démographique nazie associée à l'idée de performance conduit à la pratique de la polygamie (Himmler a 2 familles > son épouse, Marga, avec qui il a une fille / sa secrétaire, avec qui il a deux enfants ; un ordre de procréation est donné aux hommes de la SS...) > Obsession de donner des enfants au Reich.Cependant, de cela naît une nouvelle réflexion : « L'Allemagne n'a pas vocation à devenir une maison de retraite » (médecin chef du Reich, 1937) > que fait-on des « vieux » quand ils ne sont plus performants, qu'ils ne servent plus ?

• FRATERNITÉ.Pour les nazis, tout produit culturel ne vaut que pour le peuple qui l'a construit : il n'y a pas d'espèce humaine, pas de famille humaine... il n'y a pas de DROIT UNIVERSEL (la DDHC est donc caduque), il n'y a que des races, des spécificités.

> le droit international, la SDN, le Traité de Versailles ne sont que des « foutaises »... comment accorder du crédit à une institution qui donne 1 voix à l'Allemagne et 1 voix à l’Éthiopie, quelle foutaise, il faudrait au moins 42 voix pour l'Allemagne et ½ voix pour l’Éthiopie !

« Le droit, c'est ce qui sert le peuple allemand » ou « Ce qui est juste, c'est ce qui sert le peuple allemand », Hans Frank, gouverneur général de Pologne et juriste du Reich, 1935 > cette conception légitime toute forme de violence ( - Einsatzgruppen).

2) Une vision de l'Histoire.

2 idées : la lutte des races / complot.

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La race suprême est la race blanche : toute grande civilisation est la production du génie germanique donc les Grecs sont germaniques, les Romains sont germaniques et les Juifs sont une contre-race.Le nazisme fait de la biologie politique.Les guerres médiques, puniques, en Judée... les Juifs ont tout perdu (Les Juifs sont donc assimilés aux Perses, aux Carthaginois... aux perdants) ; les Juifs comploteurs ont voulu rallier tous les faibles, les « ratés », les exclus...La fin de l'Antiquité s'explique donc pour les nazis par le christianisme, cette « bouillie juive », et non pas par les invasions germaniques qui sont en fait des migrations salvatrices pour régénérer la race... Les Grecs et les Romains - les Germaniques de l'époque (!) - n'étaient pas éclairés par les sciences comme les nazis le sont.Idées que l'empereur Caracalla a dissout les races avec son Édit qui étend la citoyenneté romaine à tous les habitants libres de l'Empire, en 212 ; que la diaspora juive a été une énorme erreur (laisser des Juifs se disperser dans le monde)...

Tout cela légitime donc les Lois de Nuremberg de 1935 dont le titre est « Loi de protection de l'honneur et du sang allemand ».

3) La promesse nazie.

Il faut sortir de l'Histoire, c'est l'arrêt de l'Histoire. Lorsque les ennemis raciaux auront disparu, les nazis vivront avec des « esclaves » (Slaves...).Les nazis promettent un « Reich de 1000 ans » > plan de conquête et de colonisation des espaces de l'Est de la Pologne jusqu'à l'Oural (limites biologiques de cet espace vital). L'espace vital étant perçu comme un biotope (registre naturaliste encore > lieu de vie défini par des caractéristiques physiques et chimiques uniformes).La vision nazie de l'Histoire est sombre mais les nazis promettent d'en sortir. Il faut agir : l’État peut régénérer la race blanche et lutter contre les mélanges (c'est la biologie politique).Les nazis combattent donc les discours défaitistes (Gobineau...).

L'Histoire, c'est COMPRENDRE, CONTEXTUALISER et CHRONOLOGISER ( ! dans « Mein Kampf », il n'y a pas la Shoah).

Divers : pendant le IIIe Reich et la guerre, les chrétiens sont considérés par les nazis comme des alliés (même si « sous-juiverie »), mais après, idée qu'il faudra supprimer le christianisme.

Conférence 2 – La «Solution finale de la question juive » , Florent Brayart, directeur de recherche au CNRS (EHESS-CRH).

Entre 1939 et 1945, qu'est-ce qui a évolué dans la résolution du problème juif ? Comment en arriver à la « Solution finale » ?

1939– Sept. – idée de créer en Pologne une « réserve» pour les Juifs allemands et les indésirables

(Roms).– Oct. - les premiers convois partent mais les déportations s'arrêtent (peut-être sous la pression des

soldats nazis opposés à l'arrivée de cette population « non maîtrisable » à la frontière).

1940– Fév. - Volonté de se débarrasser des Juifs allemands en les envoyant en URSS. Courrier resté sans

réponse de Molotov. Autre stratégie à trouver.

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– Fin Juin – les nazis veulent transférer 5 millions de Juifs d'Europe à Madagascar (40 à 60 Juifs / bateau, soit env. 1 million de Juifs/an). Plan abandonné, oublié, les nazis ne contrôlant pas les océans dont le Royaume-Uni garde la maîtrise.

– Août > Déc. - décision d'une autre stratégie : attaque de l'URSS (écrite dans « Main Kampf »). Nouveau plan : une réserve juive en URSS.

1941– Mars – les nazis se demandent s'il est possible de stériliser une population entière. Ils imaginent de

faux guichets, où ils appelleraient les Juifs à remplir un long formulaire qui serviraient de prétexte à les maintenir face à un générateur de rayons x qui les stériliserait. Le problème est que ce système ne resterait pas secret longtemps en raison des douleurs qui suivraient l'exposition aux rayons x.

Cependant, par cette réflexion, on change là d'idéologie avec l'idée claire qu'au bout de 2 générations, il n'y a plus de Juifs (« imaginaire d'extermination »).On ne sait pas s'il s'agit d'une initiative privée (Himmler, Heydrich) ou s'ils en ont parlé à Hitler ?

– Printemps – Heydrich met en place les « troupes mobiles de tuerie » = Einsatzgruppen (arrière des troupes, liquider les fauteurs de troubles, les résistants > responsables communistes, Juifs... tout le monde) > politique violente et sévère sur les territoires soviétiques occupés.

Entre juin et décembre 1941, entre 400 000 et 800 000 Juifs sont tués par les Einsatzgruppen.

– Automne – la guerre contre l'URSS est plus longue que prévu. Les responsables sécuritaires nazis des territoires soviétiques proposent de supprimer une partie de ces populations dans des installations conçues à cet effet = chambre à gaz (inventée dès l'automne 1939 pour supprimer les malades mentaux). Il s'agit pour Himmler de trouver des méthodes moins traumatisantes pour les bourreaux que de tuer par balles des femmes, des enfants...

En parallèle se développe une autre réflexion : tous les Juifs sont-ils Juifs de la même façon ? Un Juif allemand occidentalisé est-il le même qu'un Juif polonais ou de l'Est ? Au départ, l'idée est donc de tuer les Juifs locaux (de l'Est) à proportion de tous les Juifs allemands qui vont être déportés.

– Oct. - l'autorisation est donnée pour construire un centre d'extermination au gaz d'échappement (monoxyde de carbone).

– Nov. - Peut-on tuer tous les Juifs sans tenir compte de l'économie locale ? > mi déc. : OUI, on ne tient pas compte de l'utilité économique des Juifs.

1942– 20 janv. - Les Juifs allemands déportés ne sont pas systématiquement tués à leur arrivée : on les

sépare pour qu'ils ne se reproduisent pas, beaucoup de travail puis on les tue tous.– La décision de créer des centres de mise à mort fut prise entre juin 1941 et la Conférence de

Wannsee du 20 janvier 1942 . Ces centres n’étaient pas destinés à concentrer des populations mais à les supprimer, comme le révèle parfaitement leur dénomination allemande de Vernichtungslager, vernichten signifiant réduire à néant (nichts).

Il y a des désaccords au sein de l'appareil d’État nazi : qui est Juif ? (un seul grand-parent juif, les 2 ???)

Conférence 3 – Auschwitz, camp de concentration et centre de mise à mort , Alban Perrin, formateur au Mémorial de la Shoah et chargé de cours à sciences po Bordeaux.

Auschwitz = 2 millions de visiteurs/an aujourd'hui.La visite standard = 2 h (1h Auschwitz/1h Birkenau). Nous, 6h de visite (5 h Birkenau / 1 h Auschwitz), circuit inversé.

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Auschwitz = centralité du lieu dans NOS représentations de la Shoah, mais il ne faut pas tout voir sous le prisme d'Auschwitz.

Sobibor aujourd'hui (cf. annexe 2) = 1 forêt d'arbres replantés par les SS en oct. 1943, au moment où ils quittent les lieux. Aujourd'hui, un monument, une allée de pierres commémoratives (la pierre étant l'équivalent chez les Juifs des fleurs qu'on met sur les tombes), un projet de musée.

Treblinka = le centre de mise à mort a été rasé par les nazis : aujourd'hui, monuments + accumulation de pierres (cf. annexe 2).

Belzec = Aujourd'hui, il ne reste rien = monument commémoratif (cf. annexe 2). Pourtant, l'immense majorité des Juifs de Cracovie ont été exterminés à Belzec. Le centre fonctionne de mars à décembre 1942, env. 450 000 morts. Centre démantelé en 1943. Lieu qui n'a donc jamais été libéré : les soviétiques arrivent en 1944 (lieu vide, aucunes structures, aucuns survivants).C'est un centre d'assassinat d'où sont sortis seulement 2 rescapés :

– Rudolf Reder, témoignage d'un rescapé de Belzec.– Haïm Hirszman, déporté à Belzec en 1942, il est affecté au Sonderkommando. Lors du transfert

des membres du Sonderkommando à Sobibor, il s'évade. Après la guerre il témoigne devant la Commission centrale d'investigation des crimes allemands en Pologne. Il est assassiné à Lublin le 20 mars 1946, le lendemain de son premier jour de déposition devant la Commission, par des nationalistes polonais (mouvement ZYDOKOMUNA, antibolchévique et antisémite).

! Question sensible : l'antisémitisme polonais de l'époque est une question très sensible encore aujourd'hui, ainsi que la responsabilité (progrom) ou la « non-réaction » de certains polonais dans l’extermination des Juifs. Les Polonais insistent beaucoup aujourd'hui sur les « Justes » polonais mais préfèrent passer sous silence les « autres ». Sur la mort de Haïm Hirszman, un historien polonais, Henryk Pajak, explique ainsi que le motif de l'assassinat est que Hirszman était un « fonctionnaire actif et dangereux » du nouveau régime communiste et nie tout antisémitisme.

Toutes les archives de ces centres de mises à mort ont été détruites. Il ne reste que les témoignages des quelques Polonais des environs donc peu de mémoire locale, peu de Juifs survivants (à la différence des Juifs de France d'où le 1er monument commémoratif des morts de la Shoah, le Mémorial, crée en France). Peu de sources donc : comment écrire l'Histoire ?

La réalité particulière d'Auschwitz ne doit pas être généralisée. Quelle est cette réalité particulière ?– Créé dès 1940, évacué en janv.1945 = lieu qui dure (parce que c’est d’abord un camp de

concentration) à la différence des centres d'assassinat qui sont des lieux temporaires, juste pour tuer (Belzec = 9 mois, Chelmno = env. 1 an...).

– C'est à la base un camp de concentration dans lequel sont détenus des Polonais dès 1940.– Des politiques différentes : dès 1940, des détenus polonais, puis en 1941, des prisonniers de

guerre politiques (soviétiques) – Il y a un crématorium dès 1940 pour brûler les corps des détenus qui meurent dans le camp (du fait de leurs conditions de vie difficiles ou de leur exécutions pour « fautes »...) - En septembre 1941, 1ers gazages (gaz Zyklon B).

– C'est également le lieu de déportation des Juifs de France, Pays-bas, Belgique, Italie, Grèce, Slovaquie, Pays baltes = vocation « européenne » alors que les autres centres de mise à mort ont une vocation « régionale » - La politique d’État nazie répond à un schéma géographique très précis.

– La sélection des détenus ne s'est faite QU’ à Auschwitz, c'est une EXCEPTION : les Juifs qui sont déportés à Auschwitz et qui sont reconnus comme aptes au travail entrent dans le camp de concentration. Ils deviennent donc des déportés et sont soumis au travail forcé. Cette sélection dépend des besoins du camp : si le camp est complet, les convois entiers partent aux chambres à gaz sans qu’il n’y ait de sélection pour le travail, procédure totalement arbitraire.

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Si le camp a besoin de main d’œuvre > sélection, ce qui explique que davantage de Juifs aient survécu à Auschwitz. Dans tous les autres centres de mise à mort, il n'y a pas de sélection, tous sont exterminés.

– La rationalisation du meurtre : au départ, les déportés sont gazés puis enterrés dans des fosses. Fin 1942, décision d'arrêter d'ensevelir les corps (crainte d'un risque sanitaire), usage de la crémation. Installations construites en 1943 (Krematorium II, III, IV, V : le terme de Krematorium désignant une installation intégrée de mise à mort et de traitement des cadavres -sous une forme euphémisée qui est une constante de la langue nazie- : chambre à gaz et fours crématoire) avec l'agrandissement, le camp de concentration et le centre de mise à mort (jusque là, deux lieux éloignés) se touchent – Il y a donc une INTRICATION entre camp de concentration et centre de mise à mort qui n'existe nulle part ailleurs.

– Auschwitz est le seul lieu où les corps sont brûlés de suite, dans des fours crématoire après l'assassinat (à Treblinka, il y a parfois plusieurs semaines...). Dans les autres centres de mise à mort les corps sont brûlés sur des bûchers (ce qui est aussi la pratique à Auschwitz lorsque les fours crématoires tombent en panne ou sont saturés notamment avec l’assassinat des Juifs hongrois entre mai et juillet 1944)

Il y a beaucoup de photographies d'Auschwitz : quelques unes ont été prises par des déportés à l'insu des nazis, puis enterrées ; les plus célèbres photographies (qu'on utilise souvent en classe) ont été prises par des SS (peut-être pour montrer aux dirigeants nazis, dont Hitler, le fonctionnement du camp) et cachent la réalité puisqu'on n'y voit ni violence, ni cadavres...

Fin 1943-1944, Auschwitz devient le seul centre de mise à mort... Il n'y a quasiment plus aucun Juif en Pologne à l'automne 1943... restent ceux de la périphérie d'Europe.

Auschwitz est donc de fait le lieu le plus meurtrier mais où il y a eu le plus de survivants car tous les Juifs n’étaient pas forcément tués à leur arrivée (sélection pour le travail, voir plus haut).

En août 1944, l'Armée rouge est à 200 km à l'Est d'Auschwitz (Majdanek est libéré en juillet 44). Les nazis commencent l'évacuation dès l'automne 44 des « survivants » d'Auschwitz vers d'autres camps de concentration, plus à l'Ouest (d'où une confusion aujourd'hui dans la compréhension de l'événement car ces lieux n'étaient pas pour eux à la base).En janvier 45, l'évacuation se précipite : des SS jettent sur les routes, dans les gares, les prisonniers d'Auschwitz. Les prisonniers à bout de force, malades – dont beaucoup mourront lors du transfert - sont abandonnés par les SS sans vivre ni ressources et trouvés par les Soviétiques (cf Primo Levi) lorsque’ils arrivent devant Auschwitz-Birkenau le 27 janvier 1944.

En Avril 1945, un amoncellement de cadavres à Buchenwald est photographié et filmé par les Américains (dans l'objectif de servir de preuve des crimes nazis lors d'un éventuel procès) > ça a contribué à fixer l'image de l'horreur nazie (Procès de Nuremberg), OR, ça ne reflète pas le projet nazi mais au contraire l'échec de leur politique et de l'effondrement du IIIe Reich.! Parmi les rescapés, il y a des Juifs ; ceux qui témoignent ont survécu et témoignent donc de leurs conditions de survie mais c'est EXCEPTIONNEL pour un Juif de survivre et nous avons tendance en classe à enseigner l'exception. Or, le génocide juif voulu par les nazis a réussi : la langue Yiddish est une langue morte, il n'y a plus ou peu de Juifs dans cette région... Il faut montrer le vide, l’absence, laissés par ce génocide.

La mémoire d'Auschwitz qui se diffuse partout après guerre est une mémoire de survivants. L'identité juive des victimes est délibérément occulté par les soviétiques jusqu'à la chute du mur et « l'indépendance » polonaise. En 1947, le musée d’Auschwitz n'a que faire des Juifs : la mémoire est portée par les prisonniers politiques (martyr et héroïsme de la Pologne), d'où le lieu principal du musée – Auschwitz I – alors que c'est le moins meurtrier car camp de concentration.

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Réalité géographique particulière d'Auschwitz : c'est le camp de concentration le plus oriental du IIIe Reich mais le centre de mise à mort le plus occidental.

Conférence 4 – Enseigner l'histoire de la Shoah, le vocabulaire et ses enjeux , Iannis Roder, professeur d'histoire-géographie et formateur au Mémorial de la Shoah et Christophe Tarricone,

professeur agrégé d'histoire et formateur dans l'académie de Grenoble.

! L'expression « génocide des Juifs » est à préférer à « génocide juif » car elle indique clairement qui a été victime.

Beaucoup de termes dans les programmes :– cycle 3 > « crime contre l'humanité »– cycle 4 > « anéantissement », « génocides », « camp de la mort ».– lycée > « génocide juif, tzigane », « camp d'extermination ».

Différentes catégories de mots désignent le génocide des Juifs ou ce qui y est rattaché :

1) Vocabulaire qui relève de la langue nazie.– « Solution finale de la question juive » > dissimuler la politique menée = « euphémiser » le crime.

Fin du XIXe siècle (années 1870-1880) apparaît le terme de la question juive.– « Nuit de cristal » > on ne comprend pas réellement ce qu'il y a derrière ce terme, or, c'est la porte

d'entrée des Juifs dans le système concentrationnaire nazi. Ce terme cache la réalité de ce qu'il s'est réellement passé. D'ailleurs, en Allemagne, on utilise l'expression « pogrom du 9 novembre 1938 ». L’événement a duré plus de 10 jours et même davantage encore si l’on prend en compte les arrestations qui ont suivi et l’enfermement dans les camps de concentration. En effet ce progrom avait pour but de faire partir les Juifs d’Allemagne. Les Juifs qui ont été enfermés dans les camps de concentration et qui ont survécu aux mauvais traitements ont été libérés quelques semaines après à la condition de quitter l’Allemagne en y laissant tous leurs biens.

– « Sonderkommando » > terme qui a plusieurs sens dans le IIIe Reich = commandos spéciaux, donc terme flou qui peut désigner à la fois les victimes (sonderkommando juif dans centre de mise à mort) ou les bourreaux (sous division des Einsatzgruppen...).

> Vocabulaire flou, qui manque de précision et qui atténue, adoucit le crime commis par les nazis. C’est la langue nazie, la Lti – langue du IIIème Reich- qui euphémise les réalités du régime.(Voir Viktor Klempe-rer, Lti, la langue du IIIème Reich, Pocket)

2) Vocabulaire de la culture des victimes.– « Holocauste » > littéralement = « sacrifice par le feu » dans la religion grecque et juive. Terme

utilisé à la fin du XIXe siècle dans un contexte antisémite = en 1894, Bernard Lazare utilise le terme « holocauste » pour parler des Juifs brûlés vifs pendant la Peste noire, au Moyen Âge : « Quand la peste noire ou la faim sévissait, on offrait les Juifs en holocauste à la divinité irritée. »

En 1944, ce terme est surtout utilisé dans la presse anglo-saxonne. En 1978, le succès de la série éponyme aux États-Unis va diffuser ce terme dans le monde anglo-saxon.Les historiens français utilisent peu ce terme. Il ne singularise ni le crime, ni ses victimes.

– « Shoah » > en 1951, c'est le terme choisi en Israël pour désigner le génocide des Juifs. Littéralement « catastrophe » en hébreu ; mais dans la Bible, le sens du terme est souvent celui de catastrophe naturelle. Les francophones européens utilisent plutôt ce terme depuis le succès du film éponyme de Claude Lanzmann en 1985.

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– « Hurban » > littéralement « destruction » en yiddish = un des premiers termes utilisés dans les ghettos de Pologne ; la Shoah étant le 3e hurban, après les deux destructions du temple de Jérusalem (par les Babyloniens, puis les Romains). Terme oublié en même temps que la disparition du yiddish.

3) Vocabulaire juridique.« Génocide », qui vient de « génos » (famille, parenté) et « caedere » (assassiner). Néologisme créé en 1944 par Raphael Lemkin, professeur de droit américain d'origine juive polonaise, qui milite pour l'utilisation de ce terme.Terme intéressant car il indique l'intention qui va mener au crime.Dans la définition de l’ONU de 1948, qui est un compromis, ce terme exclut les crimes politiques et sociaux = volonté de Staline qui craint que l'on englobe sous ce terme les crimes commis en Ukraine par les soviétiques.Le problème aujourd'hui est que c'est un mot dans lequel on englobe un peu tout comme si tous les crimes étaient de même nature et relevaient de la même logique (cf Brigitte Bardot qui parle de génocide animalier !)Or, l'intérêt du mot génocide est l'intentionnalité idéologique radicale qui fait voler en éclat le pragmatisme + l'idée d'universalité (il ne peut en rester aucun).

Ainsi, 5 idées à faire comprendre aux élèves pour expliquer ce qu'est le génocide des Juifs :– Une idéologie radicale.– Un État moderne qui porte l'idéologie.– Un groupe cible (vision, c'est eux ou nous ! Cf travaux de l'historien Denis Crouzet).– La décision.– La mise en œuvre.

4) Réflexion que quelques termes...– « Camp d’extermination » > Le mot n'est pas utilisé par les Allemands.

Un camp est un endroit aménagé pour le stationnement de groupements civils (camping dans le cas de touristes, groupes de jeunesse) ou militaires (base militaire, camp de prisonniers) mais il ne peut y avoir de camp d'extermination puisqu'on ne survit pas, c'est un terminus > assassinats d'où le terme préféré de « centre de mise à mort, de tuerie ».

– « Centre de mise à mort » > terme forgé par Raul Hilberg, historien et politologue juif américain d'origine autrichienne (« La destruction des Juifs d'Europe », 1961).

Le premier centre de mise à mort fut celui de Chelmno, où furent menées les premières expériences d’assassinat au gaz. Chelmno commença à liquider des convois entiers de déportés à partir de novembre 1941. Vinrent ensuite Belzec, Auschwitz, Majdanek, Sobibor et Treblinka. Presque tous ces centres de mise à mort furent fermés à des fins de rationalisation entre le printemps 1943 (Belzec) et juillet 1944 (Majdanek). Les centres de l’Aktion Reinhart (Sobibor, Tréblinka, Belzec) sont détruits lorsque leur objectif est atteint c’est à dire que tous les Juifs du Gouvernorat Général de Pologne ont été assassinés. Les opérations de mise à mort se concentrèrent alors pour l’essentiel à Auschwitz, qui devint ainsi synonyme de centre de mise à mort.En plus de ces 6 centres de mises à mort, il y a tous les assassinats de Juifs commis par balles, dans les petites villes (pogroms)...

– « Crime contre l'humanité » > terme vaste qui englobe la déportation des esclaves noirs vers les colonies européennes d'Amérique mais qui n'a pas été organisée par un État MODERNE.

Divers– Pourquoi ne pas utiliser le terme de « centre d'extermination » qui renvoie l'idée de masse ? Ce

terme d’extermination renvoie également à l'idée qu'il s'agit d'animaux qu'on massacre (exterminer des moustiques...), mais ce sont des individus.

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– Pourquoi les nazis ont-ils détruit ces centres de mise à mort (idée de culpabilité) ?Deux idées : la destruction des centres de mise à mort répond à une rationalisation : il n'y a plus de Juifs dans cette région, donc on ferme le centre.De plus, pour les nazis, idée que l'élite nazie a compris des choses que la masse n'a pas compris et n'est pas prête à voir.

Conférence 5 – Projection d'un film documentaire sur la vie juive à Cracovie avant la Shoah (11 mn) suivie d'une discussion animée par Christophe Tarricone, professeur agrégé d'histoire et formateur

dans l'académie de Grenoble et Iannis Roder, professeur d'histoire-géographie et formateur au Mémorial de la Shoah

Film « Jewish life in Krakow », 1939. Film réalisé par un polonais pour une association juive américaine dans le but de montrer aux émigrés juifs la vie des communautés juives restées en Europe.

Le yiddish est un mélange d'allemand, d'hébreux et de slave. Cela en dit beaucoup sur les origines de la population juive agglomérée en Pologne en 1939 > fuir l'Europe germanique au moment de la 1ère croisade (1096) vers le monde polono-lituanien pour avoir de meilleures conditions de vie = constitution d'un foyer juif en Pologne.Yiddish veut dire « juif » en Pologne, mais attention, le yiddish n'était pas parlé que par les Juifs. De langue d'abord orale, elle est devenue par la suite écrite.

> large culture yiddish.

La Pologne est un État multinational > la IIe république fondée en 1918 reconnaît le droit de toutes les minorités nationales = droit à l'éducation dans sa langue et sa culture... Il y a donc des citoyens polonais mais de nationalités différentes (polonais = parlent polonais, catholiques / Tatars = parlent tatar, musulmans / Ukrainiens = parlent ukrainien, orthodoxes...).En 1919, les Juifs ne sont pas reconnus comme minorité nationale mais comme minorité religieuse.Il y a une immense diversité des Juifs en Pologne > écoles juives en langues polonaises ou yiddish ou hébreux... Les Juifs sont vus par l’État polonais comme une communauté avec laquelle on discute.

Fondée en 1335 par le roi Casimir III, Kazimierz s'est constituée en ville indépendante séparée de Cracovie par la Vistule. En 1801, Kazimierz est rattachée à Cracovie. La ville, puis le quartier, furent peuplés par une importante communauté juive à partir du XVIe siècle et jusqu'à la veille de la Seconde Guerre mondiale (Kazimierz regroupait alors la majeure partie des 65 000 Juifs de Cracovie, soit le quart de la population totale de la ville). Aujourd'hui, les bâtiments juifs demeurent mais la civilisation juive a disparu (idée que le génocide a « réussi »).

Durant les années 1930, l'antisémitisme se développe en Pologne. Les interdits se multiplient (qui ne sont pas forcément retranscrits par la loi) > pas d'enseignants ou d’étudiants juifs dans les universités, haine contre les commerçants juifs accusés de spéculer... Contexte de la crise économique de 1929 qui réduit le niveau de vie des Juifs polonais à un point tel qu’ils devinrent une des plus pauvres communautés du monde. Des violences se déchaînent et font des Juifs la source des maux économiques du pays. Certains fuient aux États-Unis...

En mars 1941, le quartier de Kazimierz est considéré comme trop proche et trop central pour les Allemands qui expulsent alors les Juifs dans un ghetto situé rive droite de la Vistule, dans le quartier ouvrier. Il s'agit d'un ghetto muré (comme à Varsovie) ce qui n'est pas tout le temps le cas.La population juive est alors mise au travail mais dès 1942, des convois sont dirigés vers le centre de mise à mort de Belzec.En mars 1943, le ghetto est liquidé.

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! Cette communauté juive de Cracovie ne s'est jamais reconstituée. A la fin de la guerre, en 1945, il y a des pogroms polonais contre des Juifs qui rentrent chez eux, désireux de récupérer leurs biens (sur environs 200 000 Juifs qui se sont échappés des ghettos, 30 000 ont survécu). Peu de secours des Polonais non Juifs (délation, meurtre...). Cf travaux de Barbara Engelking, psychologue et sociologue de formation et de Jan Grabowski sur la chasse aux Juifs dans les districts ruraux polonais.

Idée donc de co-responsabilités dans l'extinction des communautés juives de Pologne (rf. Massacre de 800 à 900 Juifs à Jedwabne, le 10 juillet 1941, par la population civile polonaise, motivée par le mythe du judéobolchévisme forgé par l’Église catholique très présente dans ce pays très croyant). Cf travaux Jan T. Gross.

L’État polonais communiste d'après-guerre est antisémite > renouveau de violences dirigées contre les Juifs, en particulier le Pogrom de Kielce en 1946, refus du régime communiste de restituer les biens confisqués aux Juifs avant guerre... = 100 000 à 120 000 Juifs quittent ainsi la Pologne entre 1945 et 1948.En 1967-1968, crises liées au conflit entre Israël et les pays arabes + manifestations étudiantes = prétexte pour le gouvernement polonais de canaliser les sentiments anti-gouvernementaux sur une autre cible, la communauté juive > éviction des Juifs du Parti ouvrier, de l’enseignement dans les lycées et universités. Environ 25 000 Juifs vont émigrer entre 1968 et 1970, avec des passeports sans retour possible (perte de la citoyenneté polonaise).

L'intégration de la Pologne à l'UE en 2004 > devoir de mémoire, création des musées (Belzec...), renouvellement historiographique, nouvelle jeunesse polonaise...MAIS depuis 2015, retour des conservateurs au pouvoir et récente loi qui punit d'une peine de prison les historiens ou journalistes qui « abîmeraient » l'image de la Pologne avec cette idée de « co-responsabilité ». Aujourd'hui, Jan T. Gross est visé par cette loi (Cf article Télérama : http://www.telerama.fr/livre/jan-tomasz-gross-l-ecrivain-juge-antipatriote-par-le-gouvernement-polonais,138498.php).

DiversIl y a 613 commandements ou bonnes actions dans le judaïsme.Le courant juif libéral (ou progressiste > femmes rabbins, mariages mixtes autorisés...) est minoritaire en France, non reconnu par la consistoire central mais il est majoritaire aux États-Unis.

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Médiathèque non exhaustive

Bibliographie :

– Bikont Anna, Le crime et le silence : Jedwabne 1941, la mémoire d'un pogrom dans la Pologne

d'aujourd'hui, Denoël, 2011.

– Bruttmann Tal, Auschwitz, Paris, La Découverte, 2015.

– Bruttmann Tal, Tarricone Christophe, Les 100 mots de la Shoah, Col° Que Sais-Je ?, PUF, 2016.

– Chapoutot Johann, La loi du sang. Penser et agir en nazi, Paris, Gallimard, 2014.

– Gross Jan T., Les Voisins, Un Massacre de Juifs en Pologne, 10 juillet 1941, Fayard, 2002.

– Gross Jan T., La Peur : l'antisémitisme en Pologne après Auschwitz, Mémorial de la

Shoah/Calmann-Lévy, 2010.

– Klemperer Victor, Lti, la langue du IIIème Reich, Pocket, 2003.

– Kuwalek Robert, historien polonais qui a fait une monographie sur Belzec > Belzec : le premier

centre de mise à mort, traduit par Alexandre Dayet (Collection Mémorial de la Shoah), Calmann-

Lévy, 2013.

Filmographie :

– « La liste de Schindler », Steven Spielberg, 1994 > Toute les séquences sur le ghetto de Cracovie

et son démantèlement peuvent être utilisées en classe mais pas celles sur Auschwitz !

– « Shoah », Claude Lanzmann, 1985.

– « La petite prairie aux bouleaux », Marceline Loridan-Ivens, 2003 > De retour à Paris après

cinquante ans d'absence, Myriam se rend à une réunion d'anciens déportés qui commémorent la

libération des camps d'extermination nazis. Myriam retrouve là quelques-unes de ses compagnes

de captivité, comme elle survivantes de Birkenau. C'est là qu'elle fut déportée avec son père qui,

lui, n'est pas revenu d'Auschwitz. Elle avait 15 ans. Plus tard, Myriam décide de retourner à

Birkenau. Y aller lui est une obligation. En quête de sa propre identité, Myriam doit se confronter

à ce lieu où elle a été blessée dans son corps et sa conscience. Elle fait ce voyage seule...

BD, dessins, photographies :

– Gutman Israel et Gutterman Bella (eds.), The Auschwitz album. The story of a transport,

Jerusalem : Yad Vashem ; Oswiecim : Auschwitz-Birkenau Stat Museum, 2002.

– Olère David, L'oeil du témoin - A painter in the sonderkommando at Auschwitz, Mémorial de la

Shoah, 2005.

– Piotr M.A. Cywinski et Pawel Sawicki, Auschwitz-Birkenau, le lieu où tu te tiens..., Musée d’État

d'Auschwitz-Birkenau, 2012.

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– Sieradzka Agnieszka, Le carnet de croquis d'Auschwitz (dessins retrouvés après guerre d'un

témoin de la Shoah), Musée d’État d'Auschwitz-Birkenau, 2014.

– Spiegelman Art, Maus. Un survivant raconte, Paris, Flammarion, 1998.

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Annexes1)

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2)

Belzec

Sobibor

Treblinka