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Sous la direction de Nicolas Faucherre Manuel pédagogique 3 e cycle du primaire et collège

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  • Mer Mditerranne

    Ocan Atlantique

    Manche

    Seine

    Loire

    Rhin

    Garonne

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    Pronne

    Saint-QuentinGuise

    Mzires

    Montmdy

    Verdun

    SedanBouillon

    Namur

    Le QuesnoyCambrai

    DouaiLandrecies

    MaubeugeCharleroi

    BouchainValenciennesAthTournaiCond-sur-EscautCourtraiOudenarde

    KnockeMenin

    YpresLille

    Aire-sur-la-Lys

    Bergues

    DunkerqueGravelines

    Calais

    Saint-Omer

    Montreuil-sur-Mer

    Abbeville

    Port-en-Bessin

    Cherbourg

    Cap FrhelEbiens

    La ConcheSaint-MaloLa Latte

    CarantecFort-Czon

    Roscanvel

    Brest

    Concarneau

    Port-Louis

    Le PalaisHouat

    Hodic

    Phare des Baleines

    Phare de ChassironChteau dOlron

    Fort Chapus

    Fort de la Pre

    Fort lAiguilleFort Lupin

    BrouageRochefort

    Bordeaux

    SablanceauLa Rochelle

    FourasIle dAix

    Ambleteuse

    Avesnes PhilippevilleGivet

    Rocroi

    Bayonne

    Saint-Jean-Pied-de-Port

    Navarrenx

    Saint-Ferrol

    Mirepeisset

    SalsesPerpignanCollioure

    Port-VendresFort de Bellegarde

    Prats-de-Mollo

    Ste

    Saint-Hyppolite-du-Fort

    Als

    Nmes

    Pont-Saint-Esprit

    Fort-de-Bouc

    MarseilleToulon

    Saint-Tropez

    Saint-Marguerite

    Saint-Paul-de-Vence

    AntibesNice

    Villefranche-sur-Mer

    EntrevauxGuillaumes

    SisteronColmars

    Embrun

    Grenoble

    Seyne-les-AlpesFort Saint-Vincent

    Chteau-Queyras

    Pignerol

    FenestrelleExiles

    Verceil

    Casal Montferrato

    Fort-Barraux

    Fort-lcluseMartray

    Salins-les-Bains

    Fort de JouxDole

    Auxonne Soleure

    Landskron

    Huningue

    BrisachNeuf-Brisach

    Belfort

    Blamont

    Selestat

    StrasbourgKehl

    Fort-Louis

    Toul Nancy

    Marsal

    Metz

    Thionville

    Bitche

    Philipsbourg

    Landau

    Lauterbourg

    Phalsbourg

    Sarrelouis

    Mont-RoyalTrarbach

    Luxembourg

    Fribourg

    Pierre-PerthuisBazoches

    Epiry

    Maintenon

    Uss

    Amlie-les-Bains

    CammazesSocoa

    Dieppe

    Site majeur de Vauban inscrit au patrimoine mondial de lUNESCO

    BLAYE

    Place amliore par Vauban

    Place cre par Vauban

    Ouvrage civil

    Ville neuve cre par Vauban

    Place entirement dmolie

    BLAYE

    FORT PATFORT MDOC

    SAINT-MARTIN-DE-R

    CAMARET-SUR-MER

    TATIHOU / LA HOUGUE

    ARRAS

    LONGWY

    NEUF-BRISACH

    BESANON

    BRIANONMONT-DAUPHIN

    VILLEFRANCHE-DE-CONFLENTMONT-LOUIS

    Furnes

    En neuf chapitres et neuf ches pdagogiques adaptes aux classes du 3e cycle du primaire et du collge, le Rseau Vauban vous livre des cls de lecture pour partir la dcouverte de luvre architecturale de ce grand ingnieur et pour sensibiliser vos lves sa mise en valeur.Sur site ou en classe, retrouvez dans ce manuel, complt de supports didactiques, tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Vauban, ses fortications et les 12 sites majeurs inscrits sur la Liste du patrimoine mondial.

    Ce manuel pdagogique est librement tlchargeable ladresse: www.sites-vauban.org

    Publication ralise sous la direction de Nicolas Faucherre, avec la contribution d'Alexandra Baudinault, Edith Fagnoni, Marie Mongin, Bertrand Pleven, Marieke Steenbergen, Elisabeth Szwarc et Michle Virol.

    Sous la direction de Nicolas Faucherre

    ISBN : 978-2-95 38891-2-3Dpt lgal aot 2011Premire dition

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    Manuel pdagogique3e cycle du primaire et collge

    Liste des supports didactiques

    12 photos des sites majeurs du Rseau Vauban Besanon Brianon Mont-Dauphin Villefranche-de-Conent Mont-Louis Blaye / Cussac-Fort-Mdoc Saint-Martin-de-R Camaret-sur-Mer Saint-Vaast-la-Hougue Arras Longwy Neuf-Brisach

    5 plans anciens Saint-Martin-de-R Neuf-Brisach Les forts de Brianon La tour de la Hougue Arras

    Vocabulaire du front bastionn : premier systme la Vauban

    Poster des 12 sites majeurs

  • Publication dite par le Rseau des sites majeurs de Vauban2, rue Mgevand - 25 034 Besanon cedexTl. +33 (0)3 81 87 82 18 Fax +33 (0)3 81 41 57 90www.sites-vauban.org

    Directeur de la publication : Jean-Louis Fousseret, Prsident du Rseau Vauban

    ISBN: 978-2-95 38891-2-3Dpt lgal aot 2011Premire ditionConception graphique : THX555.comImprim en France par Est Imprim, Roche-lez-Beaupr Rseau des sites majeurs de Vauban, Besanon, 2011

    Sous la direction de Nicolas Faucherre

    Manuel pdagogique3e cycle du primaire et collge

    Comit de rdactionAlexandra Baudinault, Edith Fagnoni, Nicolas Faucherre, Marie Mongin, Bertrand Pleven, Marieke Steenbergen, Elisabeth Szwarc, Michle Virol.

    Ralis avec le soutien de la Fondation EDF Diversiterre

    http://www.sites-vauban.orghttp://www.thx555.com

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    Sommaire

    Prface 3

    Prambule 4

    Conclusion 64

    Dossier iconographique 65

    Chronologies 81

    Glossaire 83

    Bibliographie 85

    Contacts utiles 87

    Prsentation des auteurs 88

    Remerciements 88

    Crdits photos 88

    61 La monarchie absolue, les arts au service dun roi132 Vauban et la frontire linaire, du point la ligne193 Vauban (1633-1707), un libre penseur254 Lattaque la Vauban , triomphe de la mthode 29u Fiche pdagogique315 La fortification bastionne376 Les constructions de Vauban 41u Fiche pdagogique437 Vauban et la ville518 Les fortifications de Vauban aujourdhui579 Les fortifications de Vauban et le patrimoine mondial 62u Fiche pdagogique

    11u Fiche pdagogique

    17u Fiche pdagogique

    23u Fiche pdagogique

    35u Fiche pdagogique

    49u Fiche pdagogique

    55u Fiche pdagogique

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    Prface

    Cent trente places fortes remanies, une trentaine cres ex nihilo et une trentaine dautres projetes en France et au-del, ces traces du pass qui jalonnent nos frontires actuelles nous rappellent lmergence de la notion de lespace europen.

    Les douze sites les plus remarquables, villes fortifies, citadelles, tours, forteresses de montagne et de bord de mer ont t inscrites sur la Liste du patrimoine mondial de lUNESCO en juillet 2008.

    La lecture de lhritage bti et crit du clbre ingnieur de Louis XIV, auteur dun projet dimpt unique, membre de lacadmie des Sciences, nous surprend par lactualit des valeurs quil reflte. Cet ouvrage vous donne les cls pour orienter le regard sur ce patrimoine dans notre contexte gographique et socital contemporain, o les frontires deviennent invisibles et lespace urbain se dveloppe dsormais bien au-del des remparts.Les espaces fortifis sont progressivement rappropris par les habitants de nos villes qui en deviennent les premiers ambassadeurs. Les touristes, attirs galement par ce patrimoine tout rcemment reconquis, sont encourags le visiter grce la reconnaissance mondiale de ses valeurs dont la disparition serait considre par lUNESCO comme une perte pour lhumanit toute entire. Leur transmission aux nouvelles gnrations est donc un objectif de premire importance que le Rseau Vauban et les villes membres souhaitent poursuivre avec vous, enseignants et responsables dateliers pdagogiques.

    Cest l tout lenjeu de cette publication qui, je lespre, sera largement utilise dans tous les tablissements scolaires proximit des douze sites majeurs de Vauban inscrits au Patrimoine mondial et dans toutes les autres villes marques par lempreinte de celui qui fut au Grand Sicle lun des principaux artisans de la paix.

    Jean-Louis Fousseret Prsident du Rseau des sites majeurs de Vauban

  • Prambule

    Pourquoi ce manuel? Aujourdhui, plusieurs millions de personnes vivent proximit dun site fortifi par Vauban : places fortes, citadelles, tours dont lempreinte dans le paysage est plus que monumentale. Mais sait-on vraiment qui tait Vauban ? quoi servaient ces fortifications ? Pourquoi ont-elles t construites le long des frontires de la France? Quel tait leur rle dans lhistoire de la France et de lEurope? De quelle faon peut-on les apprhender aujourdhui?

    Bienvenue aux enseignants, guides et mdiateurs dans ce manuel pdagogique Les fortifications de Vauban. Lec-tures du pass, regards pour demain, ralis par le Rseau Vauban, association qui coordonne les 12 sites majeurs de Vauban inscrits sur la Liste du patrimoine mondial. Soucieux de participer la dynamique de lUNESCO pour sensibiliser le jeune public aux valeurs du patrimoine mondial, et de sinscrire dans les programmes scolaires, notre objectif est de vous donner les cls pour aider vos lves: u comprendre le patrimoine fortifi: son histoire, sa singularit, sa raison dtre; u prendre conscience de limportance de la conservation et de la sauvegarde de ce patrimoine; u jouer un rle dans lappropriation de ce patrimoine dans la vie quotidienne.

    Les orientations gnrales de ce projet ont t dfinies en lien avec les gestionnaires des sites du Rseau Vauban et ce manuel complte ainsi les supports de mdiation et programmes danimations dj en place.Il est fond sur les apports dun comit de rdaction compos dexperts scientifiques, de professeurs lIUFM, denseignants et de mdiateurs. Grce cette association de comptences, nous avons ainsi constitu un discours commun et complet pour vous permettre dapprhender facilement avec vos lves des lectures de ce pass pour en favoriser des regards pour demain.

    Quel contenu?Ce manuel adopte une approche pluridisciplinaire, permettant de trouver des liens avec les programmes sco-laires du 3e cycle du primaire et du collge. Des disciplines telles que lhistoire, la gographie, lhistoire des arts et linstruction civique sont directement abordes, mais les savantes constructions de Vauban peuvent aussi tre dexcellents supports pour aborder les notions algbriques et gomtriques.

    Ainsi, en neuf chapitres, ce manuel vous permettra de vous familiariser et dapprofondir tous les aspects lis aux fortifications de Vauban.

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    La monarchie absolue, les arts au service dun roi

    Vauban et la frontire linaire, du point la ligne

    Vauban (1633-1707), un libre penseur

    Lattaque la Vauban, triomphe de la mthode

    La fortification bastionne

    u Dans quel contexte Vauban a-t-il vcu? u Qui est ce roi Louis XIV qui a laiss de lui-mme tant de reprsentations dans nos villes, muses, jardins?

    u En quoi Vauban a-t-il particip la construction des limites actuelles de la France? u Quel est le rle et lutilit de ces frontires?

    u Qui est Vauban? u Au-del du btisseur, on connat mal Vauban le penseur qui a rdig de nombreux traits et sest frquemment oppos la politique de Louis XIV.

    u Quest-ce que la guerre de sige? u Quelles techniques ont valu Vauban sa rputation dexceptionnel preneur de places?

    u Quels sont les principes de cet art de btir? u Pourquoi le choix de la fortification en toile?

  • Manuel mode demploiCe manuel est compos de plusieurs lments :

    Un contenu informatifu 9 thmatiques indpendantes, permettant daborder les chapitres dans lordre de votre choix;u Lexplication de certains mots (marqus dun astrisque) dans un glossaire (p. 83);u La possibilit dapprofondir certains thmes grce un encart pour aller plus loin;u Un dossier iconographique en couleur prsentant les illustrations auxquelles il est fait rfrence dans le chapitre.

    9 fiches pdagogiques associes chaque thmatiqueu Une partie enseignant, avec des ides pour crer des activits en lien avec le thme trait;u Une partie lve, avec une ou plusieurs activits adaptes son niveau scolaire;u La description des objectifs et disciplines lis chaque fiche;u Des activits raliser en classe ou sur site.

    Des supports didactiques u 12 photos des sites majeurs;u 5 plans du XVIIe sicle de sites fortifis avec lgende ;u 1 illustration du vocabulaire dun front bastionn pour se familiariser avec larchitecture fortifie;u 1 poster de la carte des 12 sites majeurs de Vauban.

    Une version pdf tlchargeable ladresse www.sites-vauban.org pour :u rimprimer au besoin certains lments;u familiariser les lves avec les TIC ;u projeter certaines informations.

    Six pictogrammes ont t crs pour les fiches pdagogiques afin de faciliter la comprhension des objectifs lis chaque activit:

    Nous vous souhaitons une bonne lecture de ce manuel et esprons que vous prendrez autant de plaisir lutiliser que nous en avons eu le prparer. Le Rseau Vauban se tient votre disposition pour toute aide ou information complmentaire.

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    Les constructions de Vauban

    Vauban et la ville

    Les fortifications de Vauban aujourdhui

    Les fortifications de Vauban et le patrimoine mondial

    u Connaissez-vous les 160 sites fortifis par Vauban? u Comment sorganisent ces chantiers titanesques au XVIIe sicle?

    u Quelle vision Vauban avait-il de la ville? u Pourquoi une telle organisation de lespace urbain?

    u Quelles perceptions et quels usages avons-nous de ces espaces fortifis? u Comment les intgrer dans nos pratiques quotidiennes?

    u Connaissez-vous le patrimoine mondial? Que signifie une telle reconnais- sance? u Comment les 12 sites inscrits optimisent leur mise en rseau?

    RegarderTravail partir des photo ou dune squence vido

    Connatrevaluation des connaissances acquises sur le sujet

    SituerLocaliser un lieu selon diffrentes chelles

    changerPoser une question point de dpart dun dbat, dune rflexion et pouvant mener la mise en place dune action

    AgirActivit manuelle, jeu de rle...

    RechercherTrouver une information dans des livres, en bibliothque, sur internet...

    http://www.sites-vauban.org

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    1La monarchie absolue, les arts au service dun roiLe rgne de Louis XIV, Roi-Soleil, a durablement marqu les esprits, tant parce quil incarne une conception abso-lutiste de ltat que parce quil sut mettre les arts au service de son pouvoir pour diffuser son image en gloire dans tout le royaume et au-del des frontires.

    Ltat de Louis XIV

    Tout ltat est en lui1La monarchie absolue peut se dfinir comme la dtention des pouvoirs par un roi seul, uniquement responsable devant Dieu. Ainsi il jouit de la pleine souverainet et respecte outre le principe : un roi, une foi, une loi, la morale chrtienne et les lois fondamentales* du royaume.La tentation dabsolutisme est une constante dans lhistoire monarchique franaise, tout roi essayant daugmen-ter ses pouvoirs. Celle-ci est renforce par le caractre sacr de cette monarchie. En effet, le passage du futur roi de France la cathdrale de Reims pour recevoir lonction divine en est un rituel constitutif. Cette monarchie est qualifie de monarchie absolue de droit divin: le roi ne relve daucune puissance sur la terre (ni du pape, ni de lempereur) et reoit son pouvoir temporel directement de Dieu.Enfin, pour donner corps et sens cet tat absolu, celui-ci est progressivement identifi au roi. Ainsi, la personne du monarque, et plus particulirement son corps, rsume ltat, il en est la tte et les sujets les membres.Lvolution de la monarchie franaise est bien absolutiste et lappareil dtat ne cesse de se renforcer au XVIIe sicle, au point que certains historiens parlent de monarchie administrative sous le rgne de Louis XIV.

    Une administration dtat partir du 10 mars 1661, Louis XIV dcide de gouverner par lui-mme, sans Premier ministre et impose un style nouveau, plus solitaire et personnalis. cette autorit sans partage, le roi souhaite allier une information exacte et rflchie par la consultation de ministres et conseils. Peu peu se met en place une organisation rationnelle, symbolise par laction enqutrice des intendants* ou par les grandes ordonnances*. Cet tat est alors qualifi dadministratif et tend faire parado-xalement du souverain un roi absent et cach.On assiste une progressive dlgation de pouvoir quelques personnes regroupes autour de clientles ministrielles et dont linfluence auprs du roi est grandissante. Le Conseil du roi* runit ces grandes familles parmi lesquelles : les Le Tellier, puis les Louvois, les Colbert... Si le souverain reste la cl de vote de ltat, ces ministres deviennent cependant des relais obligatoires entre le roi et son royaume. Ainsi, Colbert, contrleur gnral des finances*, dtient dimportants pouvoirs, et devient le vritable matre du dedans2. Au roi revien-nent les actions militaires et la gloire, ltat-Colbert, la gestion des affaires du royaume, et son bon fonction-nement.

    La guerre, un outil majeur de labsolutismeSur les 54 ans de rgne de Louis XIV, 33 environ sont ddis la guerre. Cette politique extrieure est essentielle pour affirmer la prminence de la France en Europe.La guerre devient un outil majeur de labsolutisme et du processus dtatisation, Louis XIV tant arbitre de la paix et de la guerre. Son rle est donc primordial sur les champs de bataille: il prend la dcision dune guerre et donne chaque sige lordre dattaque. Son action dans les combats est en revanche minime, son corps incarnant ltat, il ne peut le mettre en pril en lexposant aux dangers mortels.

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    uePour se montrer la hauteur de ces ambitions belliqueuses, Michel Le Tellier et son fils Louvois entreprennent une large rforme de larme. Un programme administratif dencadrement, de contrle et de gestion est alors lanc. Larme est progressivement mieux hirarchise, mieux rglemente, mieux arme et donc plus perfor-mante (casernements, instauration de luniforme, professionnalisation des troupes). Elle devient permanente, et se maintient sur pied mme en temps de paix. Les effectifs militaires ne cessent daugmenter, de 120000 hommes en 1672 420000 en 1688, justifiant son surnom de gantdu Grand Sicle3. Pour faire face ce besoin accru de soldats, Louvois instaure la milice, systme qui impose chaque paroisse de fournir larme un certain nombre dhommes de 20 40 ans, tirs au sort. Lensemble de cette rforme mrite cependant dtre nuance, tant sa mise en uvre sur le terrain fut longue et ingale selon les rgions.La dmesure de cette machine de guerre instaure par Louis XIV lui a souvent t reproche, notamment pour les dpenses quelle fit subir au royaume. Ce nest pourtant que sur son lit de mort que le souverain dclara son petit-fils avoir trop aim la guerre.

    Une monarchie mise en scnePour asseoir sa renomme, Louis XIV instaura une entreprise de propagande par limage, au service de laquelle tous les mdias ont t mis contribution.

    Lappareil de glorification de Louis XIVSous la haute surveillance du roi, un systme de reprsentation est mis en place, ayant pour fonction principale de rpandre et de maintenir la gloire de Sa Majest4. Le matre duvre de cette entreprise de fabrication de limage royale est Colbert, surintendant des btiments qui fut jusqu sa mort le ministre de limagedu roi.Colbert fonde un vritable dpartement ministriel de la gloire, orchestr par un systme dinstitutions offi-cielles, mobilisant crivains, artistes et savants. Un grand rle tait attribu aux Acadmies: lAcadmie franaise (1634), lAcadmie de danse (1661), lAcadmie royale de peinture et sculpture (1663)... Ces institutions, supervi-ses et rglementes par le ministre, regroupaient des corps dartistes et dcrivains dont la plupart travaillaient pour le roi. partir de 1665, elles organisent rgulirement des concours de la meilleure reprsentation des actions hroques du souverain.La politique de Colbert se caractrise par une spcialisation des tches: Jean Chapelain pour la littrature, Charles et Claude Perrault pour larchitecture, Charles Le Brun pour la peinture et Lully pour la musique. La mise en place de cette administration ne doit cependant pas faire oublier que la dcision finale de chaque reprsentation revient au souverain. la mort de Colbert (1683), cette entreprise est poursuivie par Louvois, avec un objectif final qui reste inchang, la glorification du roi et de ses actions.

    Les arts au service de la propagande royale et de la puissance militaireTous les arts sont mis contribution afin de crer un ventail de mdia dclinables linfini: tableaux, statues, gazettes, pomes, mdailles, almanachs... sinfluenant et se renforant mutuellement. Les ballets de cour, opras, pices de thtre, qui seraient qualifis aujourdhui dvnements multimdia, mettaient leur service toutes les formes dart (mots, images, actions et musiques), crant ainsi dincroyables divertissements codifis et organi-ss pour clbrer des vnements particuliers.Ces mises en scne ne visaient pas offrir une copie physique du roi. Leur objectif tait est au contraire de clbrer Louis XIV, de lidaliser et ainsi de persuader le spectateur de sa grandeur. Pour cela, les artistes puisent dans une longue tradition de mise en scne triomphale. Le roi nest jamais reprsent en habits de tous les jours, mais en armure pour symboliser sa vaillance, ou avec dopulents vtements pour signaler sa haute position.Lensemble de ces mdias usait de lallgorie*, langage trs en vogue lpoque (document 1 p. 65). Ainsi, dieux, desses et hros mythologiques taient associs des qualits morales (Hercule pour la force, une femme aile pour la Victoire). Le roi lui-mme pouvait ainsi tre dpeint allgoriquement, sous forme de rfrences au pass, prenant les traits dAlexandre le Grand, de Saint-Louis, de Clovis ou de Charlemagne. Ce langage allgorique na cependant pas fait lunanimit chez les artistes de lpoque et lon assiste un dbat entre partisans du langage symbolique et dfenseurs de reprsentations relles, qui se cristallisa Versailles. Si, pour le Grand Appartement, Charles Le Brun avait adopt un style bas sur lallgorie, le nouveau programme pictural de la Galerie des Glaces marque une rvolution dans la reprsentation du monarque, figur sous ses traits vritables de roi de guerre, imposant le parti pris raliste.Chaque mdia avait son public. Ainsi les tableaux de Le Brun sadressent au roi et son entourage proche; les

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    images de la Galerie des Glaces une lite aristocratique; les gazettes aux notables des villes Pour autant, leur impact sur la socit est difficilement mesurable. Une seule certitude, tout a t fait pour favoriser la diffusion des reprsentations du roi dans les provinces, mme les plus recules, via almanachs, calendriers, mdailles ou estampes.

    Un monarque lui-mme acteurLa mise en scne gagne jusqu la vie quotidienne du roi et devient un autre instrument de propagande. Au-del du simple btiment, Versailles est un vritable univers social au sein duquel la vie du roi est ritualise, de la crmonie du lever, la crmonie du coucher. Tous ses gestes taient ainsi chargs dun sens symbolique car excuts en public, Louis XIV tant sur scne pendant la quasi-totalit de son temps. Ces rituels ont parti-cip renforcer la construction de son image. Autour de ces actions quotidiennes, le roi organisait la vie de sa cour (sdentarise Versailles partir de 1682), instaurant le respect scrupuleux dune tiquette*, inspire de la monarchie espagnole, qui devint un instrument de contrle et de domination sur cette socit.

    Autre lieu indissociable de la campagne publicitaire du roi: le champ de bataille. Le sige tait le moyen par excellence de manifester la puissance de ltat royal et son autorit. Ainsi linspection des camps et rgiments avant chaque combat tait savamment orchestre, tel un spectacle autour de la personne du roi,auquel taient convis des visiteurs trangers. Louis XIV prsidait les siges, assis sur son fauteuil, en hauteur face la ville assi-ge. Cette mise en scne du roi faisait de la guerre de sige une guerre spectacle, grande source dinspiration pour les artistes (document 2 p. 66). La simple prsence du roi avait une porte miraculeuse sur lissue des combats. Lors du sige de Namur en 1692, Saint-Simon souligne : Il est certain que sans la prsence du Roi, dont la vigilance toit lme du sige, et qui sans lexiger faisait faire limpossible [], on nen seroit jamais venu bout []5.Ces multiples figurations sont loin dtre conformes la vrit des combats et ne sont quun instrument de plus pour glorifier un roi de guerre. Tous les supports sont bons pour diffuser limage du roi de guerre, allant parfois jusqu les dtourner de leur fonction premire.

    La propagande du roi de guerre

    La construction des places fortes, une esthtique fonctionnelleLa reprsentation du roi tient une place importante dans les places fortes du royaume, lieux privilgis pour impo-ser sa puissance et sa gloire face lennemi.Ainsi, les fortifications, et plus particulirement leurs portes, ne drogent pas aux rgles de lornementation codi-fies ds le XVIe sicle par les Italiens. Elles sont bases sur le respect de la relation qui unit la nature des difices et leurs ornements, se rfrant aux ordres* antiques. Lordre toscan sans relief est indiqu comme le plus appropri pour les difices militaires. Les portes adoptent aussi le langage allgorique classique (document 3 p. 66) : bas-reliefs avec ornements guerriers, trophes, drapeaux, armes et chiffres du roi, emblme du soleilCes ornements symboliques apparaissent galement sur les angles saillants des bastions, avec les chauguettes*, dont les toits et la coupole arborent des fleurs de lys et les consoles les armes du roi. lintrieur de la place, les autres btiments bnficient galement dun programme dornementation, tout comme les faades des maisons civiles en principe identiques et dcores de moulurations*.Vauban, commissaire gnral des fortifications du royaume, adhre cette tradition de lornementation et prne, au-del de sa simple valeur de propagande monarchique, son efficacit militaire. Lusage de lordre toscan nest pas simplement esthtique. Il prsente avant tout un aspect colossal et une construction robuste, propice lart militaire. De plus, son absence de relief sadapte parfaitement ces monuments qui devaient viter de donner prise aux assaillants. Cela explique par exemple lusage de pilastres* plutt que de colonnes*.La multiplicit des intervenants dans la construction des places fortes rend difficile lidentification du rle jou par Vauban dans ce travail. Une certitude, lingnieur a pes sur le choix de chaque dessin en les dfendant auprs de Louvois. Parmi les grands architectes de ces portes, on peut citer Jules Hardouin-Mansard (Neuf-Brisach), Simon Vollant (Lille) ou lingnieur Jacques Tarade (Strasbourg).

    Les plans-reliefs, du secret dtat la glorification du royaumeCette image de roi conqurant peut galement se lire au plus prs du pouvoir royal, travers la collection des plans en relief des places du Roy, maquettes des villes fortifies vocation stratgique. La construction des plans-reliefs sinscrit dans une longue tradition du dsir des princes de connatre leurs frontires et de veiller leur

  • dfense. Linnovation apporte au XVIIe sicle est la reprsentation en trois dimensions intgrant le territoire du sige, soit 600 mtres autour de la place forte. Ces plans permettent de restituer une connaissance exacte de ce que les contemporains ne pouvaient voir, une vue arienne, avec vision sous tous les angles. Progressivement, leurs techniques de construction samliorent et le choix dune chelle homogne de reprsentation est arrt : un pied* pour cent toises*, soit le 1/600e (document 4 p. 67).La vritable utilit de ces maquettes se dveloppe partir de 1668, lorsque la France annexe de nombreuses places fortes des Flandres, dont il faut suivre les travaux de fortification depuis Paris. Une vritable collection de plans-reliefs se constitue au fur et mesure que se construisent les fortifications. Ils deviennent des instru-ments dexpertise distance pour le gouvernement (document 5 p. 67). De plus, ils secondent lingnieur pour convaincre le souverain des choix faire, servant ainsi doutil didactique. Enfin, ils donnent au monarque limpres-sion dune totale matrise sur ces territoires loigns, et deviennent ainsi des instruments de mise en scne de la dcision du prince. Lors dun inventaire effectu en 1697, Vauban dnombre 144 maquettes. Les plans-reliefs sont alors de vritables instruments de travail et demeurent confidentiels, rservs au roi et ltat-major. Ils sont entreposs aux Tuileries labri des regards indiscrets.Mais cet usage stratgique et didactique du plan-relief va progressivement disparatre, en mme temps quil perd sa raison dtre, au dbut du XVIIIe sicle, avec lachvement du programme des fortifications. Entre 1706 et 1715, les plans sont transfrs dans la grande Galerie du Bord de lEau au Louvre et prennent alors une toute nouvelle fonction. Cette collection devient un objet de prestige du roi, tmoignage pour les visiteurs trangers, qui on les montre, de la puissance du royaume. Acqurant le statut duvres dart , les plans-reliefs deviennent de vri-tables jouets princiers, magnifiant lautorit royale 6.

    Le programme des statues questresAu-del de Paris et de Versailles, une attention particulire tait attache la diffusion de limage du roi de guerre dans les provinces du royaume. partir de 1685, sur lide de Jules Hardouin-Mansart et grce au soutien de Louvois, un vaste programme drection de statues questres de Louis XIV au milieu des places royales des villes importantes du royaume est ralis.

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    u Localisation des statues questres de Louis XIV leves ou projetes aprs 1685 dans les villes du royaume

    PARIS

    Lille

    DIJON

    RENNES

    LYON

    MONTPELLIER

    Besanon

    Grenoble

    AixMarseille

    Toulouse

    PARIS : statues rigesLille : statues projetes : sige de Parlement

  • Ces places, remarquables par leur unit architecturale et leur ampleur, deviennent les nouveaux espaces centraux des villes. Ainsi situes, ces statues questres prsentaient lavantage dtre immdiatement accessibles et vues de tous, places dans la perspective des rues nouvellement traces pour cette mise en scne. Cette vaste opration marqua les esprits par sa gnralisation lensemble du royaume. La statue questre, genre artistique rigoureusement codifi, reprend le modle triomphal issu de la Rome antique. Louis XIV est reprsent en roi guerrier et triomphant, cuirass lantique, coiff dune couronne de laurier et perruqu, le glaive au ct, tenant la main un sceptre ou un bton de commandement. Il incarne la figure du roi-cavalier, du chef de guerre.Lrection dune statue par une ville navait rien de spontan et rpondait une dcision mrie du pouvoir royal, visant plusieurs objectifs politiques. En effet, la gographie de ces uvres nest pas neutre.Il sagit principalement dune stratgie rflchie de soumission des populations les plus loignes de la capitale ou longtemps demeures hostiles lautorit royale. Ces monuments taient loccasion de runir lensemble des sujets autour de la reprsentation dune monarchie unifie, prenant le pas sur les particularismes rgionaux.Laboutissement de ce vaste programme intervient une priode o le roi sest dfinitivement sdentaris Versailles et o les visites dans les villes du royaume se font plus rares, une poque o il disparat galement progressivement des champs de bataille. Cette prsence fictive vient ainsi palier son absence physique, permet-tant de faire perdurer dans les esprits cette image de roi guerrier.

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    1 BOSSUET. La politique tire des propres paroles de lcriture sainte.2 CORNETTE Jol. Le roi de guerre. Essai sur la souverainet dans la France du Grand Sicle.3 LyNN John. Giant of the Grand Siecle: the French Army (1619-1715).4 CHAPELAIN Jean. Mmoire adress Colbert en 1662.5 SAINT-SIMON (duc de). Mmoires.6 GRODECkI Louis. Introduction au catalogue des Plans en relief de villes belges.

    Pour aller plus loin

    Inventaire des uvres graphiques des Recueils des Menus Plaisirs du roi :http://www.culture.gouv.fr/documentation/archim/menus-plaisirs.html Base de donnes, ministre de la Culture et de la Communication, Archives nationales

    http://www.culture.gouv.fr/documentation/archim/menus-plaisirs.html

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    Fiche enseignant 1Objectif : tudier les arts du XVIIe sicle pour distinguer les six grands domaines artistiques du programme dhistoire des arts

    Disciplines associes: histoire des arts, franais

    Activits pralables

    Que signifie le mot allgorie?

    u Faire effectuer une recherche aux lves : dictionnaire, internet...

    u Demander aux lves comment ils reprsenteraient la victoire de manire allgorique.

    partir de la photo de la porte de France de Longwy (document 3 p. 66)

    u Observer sur cette porte de la place forte de Longwy les symboles qui sont reprsents.

    Sur le pilastre de gaucheBouclier orn dun soleil flamboyant, 2 ten-dards et 2 trompettes, des flches et une pe.

    Sur le pilastre de droiteBouclier orn du foudre, emblme de Jupiter (dieu des dieux), 2 tendards, 2 piques et 2 car-quois, un casque et 2 mousquets.

    Au sommet des pilastresLemblme de Louis XIV, le soleil.

    u Possibilit de faire cet exercice sur le terrain Neuf-Brisach, Cussac-Fort-Mdoc, Saint- Martin-de-R...

    Lart au service de la propagande

    u Rappeler limportance du chteau de Versailles dans la poli-tique de glorification du roi.

    u Demander aux lves de rechercher des noms dartistes qui ont particip la construction de ce chteau (architectes, peintres, paysagistes ).

    Pour aller plus loin

    u tudier le rayonnement culturel de la France au XVIIe sicle : le modle de Versailles est repris pour la construction de nombreux chteaux ou jardins (le chteau de Potsdam pour Frdric II roi de Prusse) ; de nombreux artistes franais travaillent au service des cours europennes (larchitecte Robert de Cotte, dont on retrouve les traces de Turin Constantinople).

    Document utile pour raliser la fiche lve

    u Louis XIV vtu la romaine, couronn par la victoire devant une vue de la ville de Maastricht, 1673.document 1 p. 65

    Un portrait questre

    u partir du portrait de Louis XIV (document 1 p. 65), la fiche lve propose aux enfants dassocier chaque allgorie ce quelle signifie:

    u Rechercher des portraits de Louis XIV (tableaux, sculptures) pour y reprer les allgories. Essayer de deviner leur significa-tion.

    u Demander aux lves par quels moyens les images la gloire du roi taient rpandues travers le royaume au XVIIe sicle : mdailles, dessins dans les almanachs, ornements architectu-raux dans les villes, statues Comparer avec les moyens utiliss aujourdhui: tlvision, journaux, affiches

    x gnral romain

    x monarchie franaise

    x victoire

    x Louis XIV, le Roi-Soleil

    x commandement

    couronne de laurier x

    soleil sur ltendard x

    manteau rouge et cuirasse x

    bton x

    fleurs de lys sur le bton x

  • Fiche lve 1

    Situer

    u Quand se droule le sige de la ville de Maastricht?

    u O est situ Maastricht? (tu peux taider pour cela dune carte de lEurope)

    u Qui est lauteur de ce portrait?

    Regarder

    u Qui est le personnage au premier planet quelle est son attitude?

    u Dcris le costume de ce personnage

    u Que fait le personnage au dessus de sa tte?

    u Que font les personnages au second plan?

    u Peux-tu reconnatre la ville que lon voit au fond ?

    u Quel tait le projet du peintre? Penses-tu quil ait atteint son objectif?

    Rechercher

    x gnral romain

    x monarchie franaise

    x victoire

    x Louis XIV, le Roi-Soleil

    x commandement

    couronne de laurier x

    soleil sur ltendard x

    manteau rouge et cuirasse x

    bton x

    fleurs de lys sur le bton x

    u Relie par une flche chaque symbole sa significationu Explique le mot allgorie en cherchant dans le dictionnaire:

    u Pour te mettre en valeur, quelle pose et quels objets choisirais-tu pour te faire photographier?

    Agir

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    ire2Vauban et la frontire linaire, du point la ligne

    Sous le rgne de Louis XIV, le territoire* connat une extension sans prcdent. Les limites terrestres du royaume ralisent un bond de 100 kilomtres et les diffrentes annexions opres mnent la signature de trois grands traits qui modifient en profondeur la donne territoriale et gopolitique de lEurope (document 6 p. 68). Le rgne trs agressif du monarque est un temps dintense fabrique frontalire. Alors quil a ralis le rve de Richelieu de faire correspondre les limites du royaume ses bornes considres comme naturelles, souvre un vritable chantier de dlimitation de ses nouvelles frontires* et de rflexion sur leur nature et leur forme. On pense alors Vauban, la ceinture de fer* et au pr carr*. Vauban aurait t la cheville ouvrire du dessein terri-torial de Louis XIV, lartisan dune innovation gographique de taille, la frontire linaire.Selon lhistorien Lucien Febvre si la frontire est un cadre, ce nest pas le cadre qui importe, mais ce qui est encadr rappelant ainsi limportance du pouvoir qui contrle la portion despace quest le territoire.Face lobsession des frontires daujourdhui, Vauban permet de rflchir une archologie frontalire. Que nous disent la pierre et les crits de Vauban sur lide de frontire?

    Des points et une ligne

    La ceinture de ferLuvre de Vauban se prsente comme lenveloppe extrieure dun royaume de quelques milliers de kilomtres carrs. Elle se prsente sous la forme de 130 places fortes remanies, une trentaine de places cres ex nihilo et une trentaine de projets raliss aprs sa mort mais dont il est considr comme linstigateur.La finalit du programme de Vauban est avant tout militaire. Le technicien-architecte est dabord un preneur de ville qui met au service du programme royal ses connaissances militaires. Les rugosits du terrain sont autant de potentialits pour Vauban qui a pour principe de sadapter systmatiquement la gographie du site. En mon-tagne, il sagit doccuper par des forts les points dominants la place ; en plaine, Vauban conoit un systme hydrau- lique permettant de crer artificiellement des inondations ; sur le littoral, les forts sont adapts au trait de cte. Cest dabord la frontire du nord, sans relief, la plus ouverte, la plus stratgique (car menant au cur poli-tique du royaume) et la plus vulnrable qui est fortifie par un double rseau dense de forteresses: le pr carr (document 7 p. 69). La fabrique frontalire de Vauban est avant tout fonctionnelle, militaire, dfensive. Elle est envisage comme un ensemble de points fermant les portes du royaume. Les travaux sont envisags lchelle locale. Ainsi sexplique lampleur des plans associs luvre de Vauban et la raret des cartes grande chelle.

    Un marquage territorial fortLa frontirevaubanienne est, limage du territoire dalors, invisible, cest--dire non traduite lpoque en langage cartographique. Les citadelles matrialisent les marges de lespace du royaume dans une sorte de rseau toil qui participe la mise en scne du pouvoir royal. Comme pour Versailles, Louis XIV simplique dans ldifi-cation de la frontire de fer. On peut mme considrer que Vauban nest que lartisan du projet royal. En plus de 50 ans de rgne personnel, Louis XIV a dvelopp lamour de larchitecture et le monarque expert en fortifica-tions (qui choisit personnellement le projet pour Neuf-Brisach), lest aussi en scnographie. Lurbanisme militaire luvre dans les forteresses rappelle la puissance guerrire du roi, thtralise aux limites du royaume comme pour en rappeler sa magnificence1.

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    Vauban, homme de terrainVauban est un acteur voyageur du territoire. En reprsentant du roi, il arpente les limites du royaume. Il parcourt 4 000 kilomtres par an, dabord cheval puis en chaise porteur, pour conduire des siges mais aussi pour construire, rparer et reprer les failles du systme frontalier.

    On considre que Vauban est lun des plus grands voyageurs de son temps et srement celui qui connat le mieux le royaume. Il fut un acteur cl dans le vaste programme de gestion centralise des frontires. Celui-ci sappuyait sur des moyens humains considrables avec un corps de techniciens spcialiss dans les siges et la construction des forteresses, les ingnieurs du Roy, et un vaste dispositif matriel, cest--dire un rseau de fortifications impli-quant la construction ou la consolidation denviron 160 places fortes en 25 ans.

    La nouvelle donne frontalire

    La nouvelle donne militaire: une frontire militaire au temps de la guerre de sigeLa vie de Vauban correspond lapoge de la fortification bastionne et de la guerre de sige. Ce type de guerre immobile remplace la guerre de bataille et de mouvement, les bastions exerant sur les armes en campagne un pouvoir dattraction puisquils taient situs sur les voies dacheminement des nouvelles armes.

    u Voyages de Vauban de 1678 1688

    16781678 16791679 16801680 16811681

    16821682 16831683 16841684 16851685

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    La nouvelle donne politique: frontire et absolutisme entre guerre et paix ces lments viennent sajouter le contexte politique. Les guerres de religion ont remis en cause lautorit royale et ont dmontr la ncessit quelle simpose au dessus des factions et des partis. Elles ont montr les liens forts entre ennemis intrieurs et danger habsbourgeois. Les guerres de religion peuvent tre alors envisages comme un vnement spatial. Dans ce contexte, en effet, se dveloppe lide dun royaume conu comme devant tre rgi par une seule et unique loi, capable dassurer lordre et dunifier les forces face aux menaces ext-rieures. Avant laccs de Vauban aux hautes fonctions de ltat, cette ide est porte par des penseurs tels Antoine de Montchrtien, Jean Bodin mais aussi les Jsuites qui considrent dj le royaume comme une forteresse dfendre contre toute menace extrieure et comme rgulatrice des divisions intrieures.

    La nouvelle donne gopolitiqueLes conqutes de Louis XIV amnent la rdaction de cinq grands traits et bouleversent progressivement le droit international. Le concept de frontire linaire simpose progressivement. Dsormais la frontire ne sera plus une marche fluctuante entre deux tats, mais une limite exacte trace sur une carte et organise par des places fortes. Certes, sur le terrain diplomatique, on envisage depuis longtemps les limites des zones dinfluence entre tats comme des lignes. Dans les traits de Louis XIV, lespace est envisag dans le cadre des liens de suzerainet*, legs de la fodalit. Une des causes principales des guerres du XVIIIe sicle est toujours la nature fluctuante des frontires. Faites de points plus ou moins imbriqus en territoire tranger (comme les Trois-Evchs ou lAlsace) dans des zones grises en termes de souverainet, la configuration frontalire du royaume cre une inscurit mi-litaire aussi bien dun point de vue dfensif quoffensif.

    La nouvelle donne conomique: une autre conception du royaumeChez Vauban, il existe un lien entre question fiscale et question territoriale. La frontire de Vauban est aussi une application territoriale du rgime douanier voulu par Colbert pour protger les manufactures royales. Vauban envisage le territoire royal comme une maison. Sa clture permet son habitabilit mais aussi sa gestion: prosp-rit, peuplement uniforme, autosuffisance et plein dun point de vue dmographique. Le modle, cest la ville garnison. Le commerce intrieur lui semble plus important que celui qui se fait au-del des frontires. Toute fuite de numraire est vue comme un danger la prosprit du royaume et si Vauban envisage des changes transfron-taliers, ceux-ci doivent uniquement permettre de faire entrer largent dans le royaume.

    Vaubanet son uvre: une conception composite, un laboratoire de la frontire

    Une simplification territoriale: vers la frontire linaire

    Avec lide du pr carr, Vauban envisage le territoire royal mentalement, sous la forme dune figure gomtrique. Cette reprsentation se trouvait chez les Jsuites pour qui un royaume est un espace naturel, historique mais aussi trac par Dieu. La reprsentation gomtrique pentagonale du royaume incarne une perfection naturelle, physique, gographique et divine. Dans ce discours, la Chine, largement idalise, a aussi jou le rle de modle territorial (vaste espace clos par une muraille monumentale) et de modle administratif (un royaume grand, riche et densment peupl).Mais lide de pr carr a aussi une finalit gopolitique. Vauban participe linstauration dune frontire qui smancipe de la conception fodale. Elle doit tre continue et lespace ainsi dfendu, contigu pour rendre plus efficace la dfense.

    Srieusement, Monseigneur, le Roi devrait un peu songer faire son pr carr. Cette confusion de places amies et ennemies ple-mle ne me plat point. Vous tes oblig den entretenir trois pour une; vos peuples en sont tourments, vos dfenses de beaucoup augmentes et vos forces de beaucoup diminues. Cest pourquoi par traits ou par une bonne guerre, si vous men croyez, Monseigneur, prcher toujours la qua-drature, non pas du cercle mais du pr. Cest une belle et bonne chose que de pouvoir tenir son fait des deux mains.

    Extrait dune lettre que Vauban adresse Louvois le 20 janvier 1673

  • 16

    Une conception qui reste aussi hritire de la fodalit

    Cependant, Vauban reste attach une conception ponctuelle en partie obsolte de la frontire entendue comme une zone tampon qui doit tre organise selon le principe de ples loyaux et fidles militairement et politique-ment2. Les rares cartes grandes chelles ralises sous la direction de Vauban (la ligne de la Trouille matria-lisant une portion de la frontire avec la Belgique et le corpus cartographique concernant la frontire nord-est) traduisent ses difficults reprsenter la frontire sous forme dune ligne et la penser grande chelle.

    De la frontire linaire la nouvelle frontireLe caractre composite de la frontire vaubanienne sexplique peut-tre aussi par sa trajectoire profession-nelle. Le tournant de sa carrirevers la sphre civile va le conduire envisager cette dernire comme un espace conqurir statistiquement. Il travaille alors notamment les questions de dnombrement. De la poliorctique* la fiscalit, le royaume est alors envisag comme une nouvelle frontire organiser et quadriller pour favoriser la civilisation. Sil entend construire le territoire national et dresser le portait de la France, il le fait en numrisant, sans recourir limage graphique. Comme le constate Gilles Palsky en voquant laction de Vauban: Rarement entreprise aura t la fois aussi gographique, dans le sens le plus fort du terme, et aussi peu cartographique.

    Vauban ou la mmoire frontalireEn tout tat de cause, la frontire vaubanienne entraine de fortes implications gopolitiques. Pour le royaumetout dabord, car la ceinture de fer va tenir loigns du territoire les flaux de la guerre jusquen 18153. Il ralise en cela lun de ses objectifs avous, savoir la paix perptuelle pour le royaume, pour un cot total de la frontire de fer estim deux fois suprieur celui du chteau de Versailles. Les mdailles frappes loccasion de lachvement de Mont-Dauphin le montrent bien (document 8 p. 70). La seconde implication se joue lchelle europenne. Le mouvement de fermeture et de simplification des frontires du royaume de France entraine un mouvement similaire dans lensemble des royaumes, annonant le dcoupage territorial des tats-Nations du XIXe sicle. Ainsi la frontire linaire a fait son chemin mme si sa ralisation nest pas encore complte.Vauban est ainsi en tant quhomme du roi, un acteur gographique, une figure de premier plan dans le temps long de la fabrique de la frontire linaire. Homme de son temps, il condense un certain nombre dides quil met au service de labsolutisme et de son expression territoriale.

    Je ne suis point pour le grand nombre de places, nous nen avons que trop. Et plt Dieu que nous en eussions moins de moiti et quelles fussent toutes en bon tat.

    Extrait du mmoire Places dont le Roy pourrait se dfaire en faveur dun trait de paix

    Toute frontire tant pleine de ces situations [] on ne saurait mieux faire que de les faire rechercher avec soin par des personnes intelligentes, nayant pas eu occasion dexaminer fond par moi-mme cet gard.

    Extrait du Trait de la fortification de campagne (1705)

    1 La frontire linaire procde aussi de la ractivation des thories des empereurs romains et la conception frontalire de Vauban sinspire srement aussi du limes romain.2 Ainsi pourrait sexpliquer la cration de villes citadelles. Ce choix est paradoxalement porteur de vulnrabilit pour la place forte comme la montr Nicolas Faucherre.3 La ceinture de fer garde une efficience militaire relle jusqu la fin du XVIIIe sicle.

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    Fiche enseignant 2Objectifs : Comprendre la notion de frontirePercevoir lvolution des frontires de lespace franais

    Disciplines associes: histoire, gographie, instruction civique

    Activits pralables

    Une frontire est une ligne sparant gographiquement deux territoires en tats souverains. Son rle varie fortement suivant les rgions et les poques. La notion de frontire apparat en France au XIIIe sicle. Elle permet la population de se reconnatre dans un territoire et de vouer une obis-sance son souverain. En 1180, aprs avoir repris les diffrents fiefs anglais, Philippe Auguste est nomm Rex Franciae, roi de France, et non plus Rex Francorum, roi des Francs, comme cela se faisait aupara-vant, tablissant ainsi la notion de territoire.

    Si la frontire est un cadre, ce nest pas le cadre qui importe, mais ce qui est encadr, Lucien Febvre

    Que signifie le mot frontire ?

    u Faire effectuer une recherche aux lves : dictionnaire, internet...

    u Rflchir avec les lves ce quest un cadre.

    u Pourquoi a-t-on besoin de cadre, de frontire? Le cadre ou la frontire permettent de mettre en valeur (uvres dart) et de protger (la frontire protge un tat) ce quils dlimitent.

    Sur le terrain

    laide dune boussole (dont vous aurez tudi le fonctionnement au pralable), demander aux lves de:

    u se situer (nord, sud);

    u dfinir si possible lorientation de la forti-fication et situer par o pouvait arriver len-nemi;

    u situer les entres de la fortification (portes).

    Lvolution des frontires de lespace franais

    u partir de la citation de Lucien Febvre, travailler sur la construction grammaticale.

    u Demander aux lves comment ils comprennent cette phrase.

    u Expliquer la distinction entre le contenu et le contenant.

    u partir de cartes murales ou de supports numriques, reprer lvolution des frontires au fil des sicles.- Une carte de 1180, au dbut du rgne de Philippe Auguste- Une carte de 1223 la fin du rgne de Philippe Auguste- Une carte de la France de Louis XIV et des territoires annexs (document 6 p. 68)- Une carte de la France avant 1914- Une carte de la France daujourdhui

    u Demander aux lves de remettre ces cartes dans le bon ordre. Que remarquent-t-ils? Les limites de la France se sont-elles tendues depuis 1180? Essayer de dfinir avec eux les territoires qui sont devenus tardivement franais (Franche-Comt, Savoie, Roussillon, Alsace-Lorraine).

    Document utile pour raliser la fiche lve

    u Construction de la frontire du royaume de France sous Louis XIV,document 6 p. 68

  • 18

    Fiche lve 2

    u Les ralisations de Vauban

    Situeru Repre la fortification de Vauban la plus proche de ta ville et entoure la sur la carte.

    u Cette fortification participe la protection dune frontire. Est-elle dlimite par un relief, par la mer? Sinon quelle forme prend-elle?

    u Colorie cette zone frontire.

    AgirComment appelles-tu cet espace?

    Quelles sont les limites de cet espace?

    quel symbole, illustration ou dessin associes-tu cet espace?

    Ton espace personnel (ex. ta chambre)

    Ta maison /ton appartement

    Ta ville

    Ton dpartement

    Ta rgion

    Ton pays

    LUnion europenne

    u Remplis le tableau ci-dessous pour dlimiter les diffrents espaces dans lesquels tu vis.

    Pronne

    Saint-QuentinGuise

    Mzires

    Montmdy

    Verdun

    SedanBouillon

    Namur

    Les QuesnoyCambrai

    DouaiLandrecies

    MaubeugeCharleroi

    BouchainValenciennesAthTournaiCond-sur-EscautCourtraiOudenarde

    KnockeMenin

    YpresLille

    Aire-sur-la-Lys

    Bergues

    DunkerqueGravelines

    Calais

    Saint-Omer

    Montreuil-sur-Mer

    Abbeville

    Port-en-Bessin

    Cherbourg

    Cap FrhelEbiens

    La ConcheSaint-MaloLa Latte

    CarantecFort-Czon

    Le Sti

    Roscanvel

    Brest

    Concarneau

    Port-Louis

    Le PalaisHouat

    Hodic

    Phare des Baleines

    Phare de ChassironChteau dOlron

    Fort Chapus

    Fort de la Pre

    Fort lAiguilleFort Lupin

    BrouageRochefort

    Bordeaux

    SablanceauLa Rochelle

    FourasIle dAix

    Ambleteuse

    Avesnes PhilippevilleGivet

    Rocroi

    Bayonne

    Saint-Jean-Pied-de-Port

    Navarrenx

    Saint-Ferrol

    Mirepeisset

    SalsesPerpignanCollioure

    Port-VendresFort de Bellegarde

    Prats-de-Mollo

    Ste

    Saint-Hyppolite-du-Fort

    Als

    Nmes

    Pont-Saint-Esprit

    Fort-de-Bouc

    MarseilleToulon

    Saint-Tropez

    Saint-Marguerite

    Saint-Paul-de-Vence

    AntibesNice

    Villefranche-sur-Mer

    EntrevauxGuillaumes

    SisteronColmars

    Embrun

    Grenoble

    Seyne-les-AlpesFort Saint-Vincent

    Chteau-Queyras

    Pignerol

    FenestrelleExiles

    Verceil

    Casal Montferrato

    Fort-Barraux

    Fort-lEcluseMartray

    Salins-les-Bains

    Fort de JouxDole

    Auxonne Soleure

    Landskron

    Huningue

    BrisachNeuf-Brisach

    Belfort

    Blamont

    Selestat

    StrasbourgKehl

    Fort-Louis

    Toul Nancy

    Marsal

    Metz

    Thionville

    Bitche

    Philipsbourg

    Landau

    Lauterbourg

    Phalsbourg

    Sarrelouis

    Mont-RoyalTrarbach

    Luxembourg

    Fribourg

    Pierre-PerthuisBazoches

    Epiry

    Maintenon

    Uss

    Amlie-les-Bains

    CammazesSocoa

    Dieppe

    Blaye

    Fort Pat

    Fort Mdoc

    Saint-Martin-de-R

    Camaret-sur-Mer

    Tatihou / La Hougue

    Arras

    Longwy

    Besanon

    Brianon

    Mont-Dauphin

    Villefranche-de-ConentMont-Louis

    Furnes

    Rechercheru Dfinis le mot frontire:

    u Indique en quelques lignes les diffrences prin-cipales entre la frontire de la France la fin du rgne de Louis XIV et celle daujourdhui.

  • 19

    3Vauban (1633-1707), un libre penseurLe marchal de Vauban (document 9 p. 71) dcde le 30 mars 1707 Paris, en lhtel quil louait rue Saint-Vincent, aujourdhui rue Saint-Roch, deux pas des Tuileries. La veille, le marquis de Dangeau notait dans son Journal que le roi avait parl de M. de Vauban avec beaucoup destime et damiti. Cependant, si un service solennel est cl-br en lglise Saint-Roch le 1er avril, aucune crmonie Paris ou Versailles ne rend les honneurs de la monarchie Vauban, linverse de ceux qui avaient accompagn le marchal de Turenne en 1675. Mais celui-ci tait issu dune illustre famille, alors que Sbastien Le Prestre tait n en mai 1633 Saint-Lger-de-Foucheret (yonne), aujourdhui Saint-Lger-Vauban, dans une famille de petite noblesse. De plus, alors que Louis XIV, en pleine gloire en 1675, avait associ le grand capitaine ses lauriers, en 1707, monarque vieillissant dun pays en guerre et ruin, il se contente de saluer la fidlit de celui qui tait son service depuis plus de 50 ans. Aucune disgrce officielle cependant ne sest abattue sur Vauban, contrairement une lgende tenace qui veut en faire une victime de la tyrannie dun roi irrit contre son projet de rforme fiscale, la Dme royale.

    LAcadmie des sciences dont il est membre honoraire depuis janvier 1699 lui rend, quant elle, un magnifique hommage par lloge de son secrtaire perptuel Fontenelle, en avril 1707. Sa brillante carrire de poliorcte*, darchitecte de places fortes, dingnieur mais aussi son uvre de penseur soucieux dapporter des solutions pra-tiques aux diffrentes situations politiques, conomiques et sociales de la France y est brosse avec beaucoup de brio.

    Une carrire dingnieur dans larme du Roi-Soleil

    Lacte de baptme du 15 mai 1633 signale que Sbastien Le Prestre est fils dAlbin Le Prestre, escuyer* et de damoiselle Edme de Carmignolle, fille dun escuyer. La noblesse de larrire grand-pre de Vauban, Emery Le Prestre, atteste au milieu du XVIe sicle comme sieur de Vauban, demeurant dans le village de Bazoches, duch de Nevers, est trop modeste pour lui assurer une vie confortable de gentilhomme terrien. Aprs de courtes tudes au collge de Semur-en-Auxois, Sbastien entre dans la carrire des armes 17 ans comme cadet dans les troupes du gouverneur de Bourgogne, le prince de Cond, alors engag dans la Fronde contre le jeune roi Louis XIV.

    Deux ans plus tard, alors quil est fait prisonnier par les troupes royales, le cardinal de Mazarin, dans le cadre de son habile politique de ralliement des frondeurs la cause du roi, lui propose dentrer son service. Il accepte et obtient une reconnaissance rapide de ses talents en devenant ingnieur ordinaire du roi par brevet du 3 mai 1655, sous le nom de la terre familiale de Vauban dans le Morvan. Sa carrire est trace. Il participe ds lors aux princi-paux siges et reoit en 1656 une compagnie dans le rgiment du marchal de la Fert. Mais la modestie de son origine nobiliaire ralentit sa progression et ne lui permet pas davoir le soutien des Grands, mme sil acquiert leur estime par son travail et sa parfaite matrise de lart du sige.

    En 1678, g de 45 ans, il est nomm commissaire gnral des fortifications, succdant son matre, le chevalier de Clerville. Le roi le rcompense par ailleurs en lui attribuant gratifications et gouvernements (de la citadelle de Lille en 1668 et de celle de Douai en 1680). Il accde, lanciennet, des grades dofficier: brigadier en 1677, lieutenant gnral en 1688. Il reoit en 1694, et de nouveau en 1695, un commandement en Bretagne pour re-pousser un dbarquement anglais. Ces promotions, si lentes soient-elles, sont pourtant exceptionnelles pour un ingnieur: il est Grand Croix de Saint-Louis en 1693 et membre honoraire de lAcadmie des sciences en 1699. Enfin en janvier 1703, il est le premier ingnieur tre promu marchal; mais presque 70 ans, il ne commandera pas darme. LAbrg des services quil doit fournir cette occasion rcapitule ses actions et ses responsabilits. Au service du roi pendant 54 ans, il a connu, en raison des nombreuses annes de guerre du rgne, le rythme binaire de la vie des ingnieurs: campagnes militaires du printemps lautomne, chantiers des places fortes en

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    hiver. Il est pass matre dans lart de la fortification bastionne, adaptant aux diffrents sites et aux matriaux disponibles les enseignements de ses grands prdcesseurs. Responsable des chantiers sur mer et sur terre partir de 1674, il rpond aux exigences des deux ministres responsables, Jean-Baptiste Colbert et Michel Le Tellier, marquis de Louvois, en ne mnageant ni sa peine, ni son franc parler.

    Parcourant toutes les frontires, il connat les places, leurs forces et leurs faiblesses, proposant ici des amliora-tions, l des destructions, dautres fois des places nouvelles. Cette connaissance et le souci de prner une politique rationnelle des frontires lamnent dfendre en 1673 lide de bien fermer le royaume par un nombre limit de places fortes relies entre elles, en respectant lesfrontires naturelles. Il parle de raliser un pr carr*.

    Les voyages ne le dispensent pas des courriers quotidiens, vritables rapports de missions, mais aussi mmoires, devis et projets qui seront examins par le ministre et par le roi. Il connat les ingnieurs qui servent dans les places, recommandant au roi certains dentre eux, en admonestant dautres, quil juge trop indpendants ou trop lents faire le travail command. Quand vient le temps de la guerre, il conduit la tranche lors de 53 siges. Sou-vent raill par les courtisans qui assistent en spectateurs au sige et trouvent que les travaux sont trop longs, il sen dfend disant conomiser le sang par la sueur et la poudre. Louis XIV le flicite souvent de cette remarquable matrise et le rcompensepar des gratifications consquentes. Il le consacre aussi comme matre s fortifications en lui demandant de rdiger un Trait de lattaque des places pour lducation de son petit-fils, le duc de Bourgogne en 1704.Mais le poliorcte, matre des siges et toujours soucieux de la vie des hommes, nen est pas moins un seigneur trs attach ses terres et ses prrogatives.

    Les obligations dun seigneur gentilhomme

    De son mariage clbr en mars 1660 avec une lointaine cousine, Jeanne dOsnay, dune noblesse plus ancienne mais peu fortune, natront deux filles. Lane Charlotte perptue, par une union avec Jacques de Mesgrigny, de bonne famille champenoise, ingnieur et lieutenant gnral, la situation familiale. La cadette Jeanne Franoise fait un mariage plus brillant en pousant le fils dun contrleur gnral de la maison du roi et dune mre parente de la princesse douairire de Conti, Louis Bernin dUss.

    Vauban est trs attach son Morvan natal o il va racheter en 1679 les terres de Bazoches et le chteau familial quil fait amnager pour accueillir les siens, mais aussi son bureau dtudes quil organise dans une grande galerie au premier tage, o travailleront dsormais aux dossiers des places dessinateurs, peintres et secrtaires (docu-ment 10 p. 72). Vauban aura toujours grand plaisir y faire des sjours quil juge trop brefs. Il ny sera en effet gure plus de 25 mois entre 1681 et 1704, date de son dernier sjour.

    Il achte aussi en 1684 la seigneurie de Vauban laquelle son pre avait t contraint de renoncer en 1632, avec le chteau et 500 hectares de terres et de broussailles. En 1693, il est dsormais le seigneur dun pr carr de quelques 1200 hectares de terres, appliquant une seule conception du territoire au royaume comme ses biens: pas de dispersion ni de terres isoles, il faut rduire les droits de passage et limiter les risques de conflits de bor-nage, bref tenir son fait des deux mains.

    Lors de ses sjours, il sinforme des rendements des crales, des bois, de la qualit et quantit de la vendange auprs des paysans quil reoit aussi pour rendre la justice seigneuriale. Son intrt, hrit de son pre, passionn par les greffes darbres, lamne se proccuper de la culture des forts, futaies et taillis et rdiger un Trait de la culture des forts. Sa connaissance de la rgion du Morvan est expose dans un mmoire, devenu un modle du genre, la Description gographique de llection de Vzelay, dans lequel il dcrit vritablement paysages, sols, productions agricoles sans oublier les habitants quil dnombre soigneusement et mthodologiquement pour chaque paroisse, par qualit, par sexe et par tranches dge.

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    Les Oisivets, un regard dhomme dtat lire Saint-Simon, Vauban nest pas un courtisan: Ctait un homme de taille mdiocre, assez trapu, qui avait fort lair de guerre, mais en mme temps un extrieur rustre et grossier pour ne pas dire brutal et froce. Il ntait rien moins. Jamais homme ne fut plus doux, plus compatissant, plus obligeant, plus respectueux, sans nulle politesse []. Il est inconcevable quavec tant de droiture et de franchise, incapable de se prter rien de faux et de mauvais, il ait pu gagner [] lamiti et la confiance de Louvois et du Roi.Lhomme de guerre, toujours sur les routes avec sa petite troupe de huit dix hommes, loge dans les auberges quand il nest pas reu chez lintendant ou le gouverneur dune place. Il a peu de loisirs jusqu son lvation au marchalat qui lloignera, comme il le craignait, des champs de bataille. Par contre, il a dsormais ses entres auprs du roi, cest--dire quil peut tre reu sans tre annonc. Il est invit la cour, Versailles mais aussi Marly, de-meure royale rserve un cercle plus restreint. Mon estime et mon amiti sont toujours telles que vous les connais-sez lui affirme le roi qui a toujours apprci sa franchise de ton et sa fidlit. Vauban de son ct se flatte de ne pas tre un courtisan. Il confesse en 1695 au directeur des fortifications, Michel Le Peletier de Souzy: Le roi, de qui jai lhonneur dtre connu fond, est accoutum toutes mes liberts, et ds que je cesserai dtre libre, il me prendra pour un homme qui devient courtisan, et naura plus de crance en moi; il vaut mieux lui dire les choses comme je les cris.

    Gardant une libert de pense et une rflexion toujours en alerte, il concentre ses efforts sur lcriture aprs une longue maladie en 1689-1690, et surtout aprs son lvation au marchalat. Au cours des annes 1690, qualifies dannes de misre pour la France, son il se fait plus acerbe devant la misre du peuple quil peut observer en parcourant le royaume lors de ses missions sur les frontires de terre et de mer. Il regrette linfluence des financiers dans les affaires de ltat dont la situation accrot son dsenchantement personnel. Il rassemble des rflexions et notes rdiges au fil des annes et compose de nouveaux mmoires pour un recueil quil intitule avec humour Les Oisivets de M. de Vauban ou ramas des mmoires dun homme qui navait pas grand-chose faire (document 11 p. 72). Cet ensemble de 29 mmoires en 12 tomes na pas t termin dans la prsentation quil souhaitait. Seuls les quatre premiers tomes sont relis en maroquin rouge, sous ce titre. Grce aux diffrentes archives conserves, il est possible aujourdhui de reconstituer la totalit des textes. La multiplicit des sujets abords dans les Oisivets permet de saisir lintrt que Vauban porte au dveloppement du royaume, sa population et sa prosprit. Lautodidacte est un lecteur curieux qui rassemble dans sa bibliothque des livres publis en France concernant la fortification, lhistoire, la religion, la botanique mais aussi des ouvrages interdits, entrs clandestinement et qui linforment de la propagande politique et religieuse ennemie, mais qui lui valent aussi une surveillance de la part du lieutenant de police de Paris. La population est au centre de ses proccupations et Vauban est le premier demander au roi dordonner un recensement gnral du royaume sur la base dun formulaire imprim en 1686. Il ne lobtient pas, mais il cherche par tous les moyens connatre le nombre de sujets, en utilisant les registres des impositions, les consommations de bl dans des villes importantes et tous les dnombrements dj raliss, ce qui lui permet de faire une bonne estimation de la population totale du royaume en 1700, avec 19,7 millions dhabitants.

    Les Oisivets rassemblent ses principaux mmoires sur la dfense du royaume et de Paris, sur la conjoncture in-ternationale des annes difficiles (1693-1696), et proposent une rforme de larme. Elles permettent aussi de mesurer limportance de la pense conomique de Vauban dans des mmoires consacrs Paris, au canal du Lan-guedoc, la navigation des rivires et surtout aux rformes fiscales. Il se livre une critique virulente du systme fiscal de la monarchie qui ruine les paysans et les artisans, pour le profit essentiel des financiers qui peroivent les impts. Il propose successivement la cration de deux impts directs proportionnels aux revenus et sans exemp-tion, la capitation et la dme royale.

    Toujours attentif aux consquences nfastes des dcisions royales, il condamne la rvocation de ldit de Nantes qui a fait fuir les huguenots et priv la France dhommes, de comptences et de biens au profit des pays protes-tants voisins et ennemis. Ltat gnral du royaume la veille de la paix de Ryswick de 1697 linquite: 40 annes deffort au prix de la ruine de la France et dun million de morts pour un rsultat qui va tre ananti par une paix honteuse et humiliante selon lui. Il accuse ceux qui ont conseill le roi et qui, crit-il Jean Racine, ne servent pas mal nos ennemis. Il a servi le clan Colbert et surtout Louvois. leur mort, il nest plus cout par les nouveaux secrtaires dtat. Il revendique une place de conseiller et cherche communiquer des lecteurs choisis (plus nombreux que ses correspondants pistolaires habituels) des projets pour le royaume, ce qui explique limpor-tance de son uvre crite, tonnamment mconnue.Celui qui a donn la France sa ceinture de fer* compose de remarquables fortifications, pour la plupart toujours visibles, fut un esprit marqu par la pense rationnelle du XVIIe sicle, mais anim dune curiosit et dun sens du bien public et de ltat qui en font un prcurseur des Lumires.

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    Vauban et la postrit

    Aprs lloge de Fontenelle et les propos bienveillants du duc de Saint-Simon qui font de Vauban une victime des financiers de Louis XIV, Voltaire reconnat en lui le hros dont la main raffermit nos remparts,lami des vertus et des arts (La Henriade) et le meilleur des citoyens (Le sicle de Louis XIV). Chacun trouvera dans la diversit des uvres de Vauban le moyen dexalter ou de condamner son uvre crite comme ses fortifications.

    Il faut se souvenir que le corps du gnie militaire, aprs la cration de lcole du Gnie de Mzires en 1748, clbre Vauban comme un des pres fondateurs et quil devient un sujet privilgi des loges soumis concours dans les annes 1770-1780 (voir Lazare Carnot), alors mme que les officiers dartillerie tel Choderlos de Laclos, auteur des Liaisons dangereuses, veulent rompre avec ces louanges et surtout avec la forme de guerre que reprsente Vauban. De mme, Napolon, soucieux de valoriser son infanterie et le corps du Gnie, lui rend un hommage solennel le 26 mai 1808, jour anniversaire de la prise de Dantzig, en faisant transfrer son cur dans le mausole construit dans la chapelle du Dme de lHtel des Invalides, face celui de Turenne. Son cur avait t retrouv en 1804, au cours de travaux effectus dans lglise de Bazoches, fief de Vauban, dans une bote en plomb scelle sous lautel. Le mausole initial des Invalides sera remplac en 1847 par lactuel sarcophage de marbre noir ralis par le sculpteur Antoine Etex.

    Salu par la Rvolution comme le premier des citoyens parce quon le disait condamn par Louis XIV, il apparatra en promoteur de la colonisation pour son mmoire sur les colonies, lors de lexpdition Bugeaud en Algrie en 1836. La Troisime Rpublique et ses manuels scolaires valoriseront lhomme et son uvre, notamment dans le fameux Tour de France par deux enfants: Devoir et Patrie, publi en 1877. Lexemplarit de Vauban est triple: bien que noble, il apparat proche du peuple et homme de mrite; il incarne lamour du travail bien fait et la foi dans le progrs technique et scientifique; enfin, prcurseur des Lumires, il passe sa vie servir le Bien public sans souci de sa propre gloire. En 1867, la commune de Saint-Lger-de-Foucheret, lieu de naissance de Vauban, prend le nom de Saint-Lger-Vauban et en 1933, le tricentenaire de sa naissance est loccasion de nombreuses commmorations Paris et dans le Morvan. On ne manque pas, en ces occasions, de clbrer le dfenseur des frontires, en cette anne o le gros uvre des principaux ouvrages de la ligne Maginot est termin.

    Vauban disparat progressivement des manuels scolaires compter de 1940. Seules des volonts politiques ou historiennes remettent pisodiquement lhonneur certains des aspects de ses ouvrages, valoriss en fonction de lactualit: le constructeur de la ceinture de ferdes fortifications, lment dcisif de la dissuasion pour le gnral de Gaulle, un homme de rformes pour les socialistes en 1983 (colloque Vauban rformateur), un opposant la rvocation de ldit de Nantes pour les commmorations du tricentenaire de ldit de Fontainebleau en 1985.

    Lanne 2007, anne du tricentenaire de sa mort et anne Vauban, a permis de reprendre le dossier Vauban lors de nombreux colloques, manifestations et publications. Fortifications, siges, guerres, uvres locales, mais aussi travaux crits de la correspondance aux Oisivets, la multiplicit de son uvre a t aborde. Certains en ont profit pour le relier lactualit, sans souci dhistoricit en faisant de Vauban linventeur de la flat tax* ou le dfenseur des migrs de lISF. Il y a un monde entre lappropriation dune figure historique pour des raisons plus ou moins racoleuses et le travail plus ingrat de lhistorien qui travaille sur les archives pour donner une image la plus vridique possible.

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    Fiche enseignant 3Objectifs : Apprendre faire une recherche documentaireApprendre rdiger une biographieConnatre la vie dun personnage historique

    Disciplines associes: franais

    Activits pralables

    Vauban est un homme aux activits multiples. Bien connu pour ses talents de constructeur de fortifications et de pre-neur de places fortes, il est galement un grand tmoin de son poque par tous les voyages quil a effectus, arpentant le territoire dest en ouest et du nord au sud. Il a ainsi rdig de nombreux mmoires et traits sur des sujets aussi divers que lconomie, la diplomatie, la fiscalit, la religion ne craignant pas de sopposer aux ides du roi.

    Qui tait Vauban?

    u Demander aux lves deffectuer une recherche sur ce personnage.

    u Dfinir ce quest une biographie et ce qui caractrise ce genre littraire.

    u Rappeler les biographies dj tudies en classe et deman-der aux lves sils se souviennent de certains personnages (Vercingtorix, Clovis).

    Vauban, fortificateur et voyageur

    u partir du portrait de Vauban (docu-ment 9 p. 71), retrouver les accessoires qui donnent des indications sur son mtier de fortificateur et de preneur de places : plan dune fortification, cuirasse, bton de mar-chal.

    u Demander aux lves de rechercher dans des livres ou sur internet dautres portraits de Vauban et les lments rcurrents. Sils ont lil , ils remarqueront que Vauban est marqu dune blessure sur la joue gauche, suite une balle reue lors du sige de Douai en 1667. On pourra observerga-lement: un compas, une querre

    Vauban, tmoin de son sicle

    u Interroger les lves sur la possibilit de sopposer au pouvoir royal au XVIIe sicle. En quoi cela fait de Vauban un personnage exceptionnel? Possibilit de faire le lien avec les philosophes des Lumires du XVIIIe sicle en abordant la suite du programme.

    u Faire rechercher aux lves des titres de traits crits par Vauban. Dans quel recueil ont-ils t rassembls ? Illustrer cette recherche avec le frontispice du tome IV des Oisivets (docu-ment 11 p. 72)

    u Interroger les lves sur ce quest la dme. Leur expliquer en quoi le projet de Vauban est rvolution-naire pour lpoque : cration dun impt unique pay par tous.

    u Comparer le systme fiscal du XVIIe sicle avec le systme actuel. Limpt prlev au XVIIe sicle est la taille, impt per-sonnel pay par foyer, concernant uniquement les gens du peuple. Les nobles et le clerg en taient exempt.

    Document utile pour raliser la fiche lve

    u Chronologie de la vie et de luvre de Vauban, p. 82

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    Fiche lve 3

    Rechercher

    u Associe le titre du trait de Vauban la phrase auquel il correspond.

    a - La Dme royale

    b - Trait de lattaque des places

    c - Trait de la culture des forts

    d - De la cochonnerie ou calcul estimatif pour connatre jusquo peut aller la production dune truie pendant 10 ans

    1 - Face au constat de la famine et de la malnu-trition en France, Vauban rflchit la faon de dvelopper llevage du cochon.

    2 - Vauban propose la cration dun impt unique, pay par tous les citoyens, y compris les nobles et le clerg.

    3 - Vauban explique comment grer les forts pour que le bois soit une ressource durable pour le royaume.

    4 - Vauban dcrit sa mthode pour prendre une place forte le plus rapidement, tout en limitant au maximum les pertes humaines. Cette mthode se droule en 12 phases.

    u laide de la chronologie de Vauban, numrote dans lordre croissant les diffrents vnements de sa vie.

    Vauban est nomm commissaire gnral des fortifications

    Vauban est nomm marchal

    Naissance de Vauban

    Vauban achte le chteau de Bazoches

    Transfert du cur de Vauban dans le dme des Invalides Paris

    Vauban mne le sige de Maastricht

    Publication de la Dme royale

    Construction des tours de la Hougue et de Tatihou

    Agir

    u Dessine ou peins sur une feuille blanche un portrait de Vauban avec un objet qui le caractrise le mieux.

    Connatre

    u Rdige une courte biographie de Vauban :

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    4Lattaque la Vauban , triomphe de la mthodeLa guerre de sige est une guerre immobile. Lassaillant doit progresser mthodiquement en faisant le sige en rgle des places fortes de son adversaire. Lartillerie ne pouvant quitter les routes carrossables ou les voies deau pour leur portage jusqu la fin du XVIIIe sicle et les places fortes tant toujours places leur intersection, une arme en campagne est oblige de prendre les places de son adversaire une par une pour progresser sur son territoire.Lapoge de cette guerre bloque est aussi celui de la fortification bastionne. Louis XIV avait voulu personnelle-ment cette forme de guerre pour pouvoir se mettre en scne et viter les batailles en rase campagne o il risque-rait sa capture. Aprs sa mort, les modifications rapides de la tactique, portes par les thoriciens de la guerre de mouvement (Clausewitz), vont relguer la fortification hors du thtre oprationnel.

    Ds le XVIe sicle, les amliorations spectaculaires du matriel dartillerie, dont la vitesse initiale du projectile est dsormais fixe 300 mtres par seconde (tir jusqu 600 mtres en trajectoire et 100 mtres en tir tendu), entra-nent une codification des techniques de sige. Dsormais, pour progresser vers une ville assige, il faut choisir lavance son secteur dattaque et creuser des tranches pour ne pas tre fauch par les tirs rasants de la dfense. Le sige sorganise dsormais en deux quipes.

    u Profitant de la nuit, les sapeurs, auxiliaires rquisitionns (souvent paysans) sont chargs de creuser des tranches traces en zig-zag pour ne jamais que lune dentre elle soit battue en enfilade par un tir des dfenseurs. Ces tranches cheminent toujours sur la capitale des ouvrages (soit son axe principal selon sa bissectrice en avant du saillant, voir vocabulaire du front bastionn support didactique), qui correspond un angle mort pour la dfense, puisque son artillerie ne peut tirer qu la perpendiculaire des parapets des ouvrages;

    u Plan thorique de lattaque la Vauban , avec tranches et trajectoires des batteries

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    u Les artilleurs bombardent vue dans la journe, en se servant des tranches pour avancer et pour jucher leurs extrmits leurs pices sur des cavaliers de tranche surlevs (terre-plein portant de lartillerie) protgs par des gabions (paniers dosier sans fond remplis de terre).

    Arriv au contact des fosss, lassaillant fait bouler la contrescarpe (mur du foss ct campagne) pour crer une rampe dassaut. Dans le cas dun foss en eau, il doit entasser des fascines (fagots de branchage) pour crer une chausse. La brche se fait la mine explosive, aprs avoir ouvert la pince et au pic dans le mur descarpe (paroi dun foss du ct de la place, par opposition la contrescarpe) un trou pour y placer la charge. Attacher le mineur, cest--dire, creuser un trou dans lescarpe pour y placer une charge, le mineur tant attach par le pied pour quon puisse le remplacer sil est tu, est une opration trs coteuse en vies humaines. La brche faite, le gouverneur a le droit moral de battre la chamade (prsenter sa reddition), faute de quoi cest le pillage.

    Vauban va rvolutionner les principes dattaque des places en appliquant lart de la guerre la rationalit intro-duite par Descartes. Cela lui permet, grce au calcul de probabilit, de matriser la dure du sige et, par voie de consquence, danticiper sur toutes les fournitures prvoir. Sa mthode dattaque, utilise pour la premire fois au sige de Maastricht en 1673 (13 jours de tranche ouverte), thorise ds 1672, mais rendue publique par son Trait de lattaque des places seulement en 1706, va rester applique pendant deux sicles dans le monde entier. Vauban rationnalise lemploi des parallles. Il sagit dune tranche parallle au front attaqu, dite place darme, runissant deux tranches en zig-zag pour unifier la rsistance aux sorties, dj utilise par les Ottomans au sige de Candie (1669).La mthode de Vauban est base sur: u la progression mthodique sur le terrain par des sapes; il dira: La sueur pargne le sang!; u un emploi judicieux de lartillerie, toujours place la perpendiculaire des murs de la dfense de faon les battre en enfilade; u un souci constant de rduire les pertes humaines.

    Cette mthode peut se dcomposer en 12 phases:

    1. Larme de sige investie par surprise la place et la coupe de toute liaison avec lextrieur;

    2. Elle installe ses camps 2400 mtres de la place, entre deux lignes de retranchements: - la contrevallation, destine prvenir les sorties des assigs ; - la circonvallation, destine empcher une arme de secours de venir en aide la garnison.

    3. Les ingnieurs effectuent alors des reconnaissances pour choisir le secteur dattaque, toujours deux bastions et la demi-lune* intermdiaire;

    4. Partant de la contrevallation, deux approches en zig-zag sont ouvertes en capitale des deux bastions choisis;

    5. Parvenus 600 mtres de la place, les deux boyaux sont relis par une premire tranche parallle au front atta-que, dite aussi place darme, o lon peut masser des troupes couvert; en cas de sortie des assigs, les boyaux sont relis entre eux pour se soutenir;

    6. Une deuxime parallle est tablie 350 mtres;

    7. De l partent trois sapes axes sur la capitale des deux bastions et de la demi-lune, sur lesquelles se greffent des demi-places darme o sont installes les batteries;

    Dans lAbrg des services faits par lui en 1703, Vauban porte tmoignage de ce qua t sa vie de poliorcte et de fortificateur:

    Quarante-huit siges, dont vingt sous le Roi []. Aux dix premiers, il a servi en second sous le chevalier de Clerville, tous les autres, en chef, avec pleine autorit sur les troupes et lartillerie, les bombes, les mi-neurs, sapeurs []. ces siges o il a t si heureux que de cent trente cent quarante actions de vigueur qui sy sont faites, il nen a manqu que deux, qui sont langle rentrant du chemin couvert de Montmdy, o il fut bless de trois coups, et la corne de Mons []. Il a fait les projets de 160 places et plus et de plu-sieurs ports de mer, de la conduite desquels le Roi lui a donn la principale direction et pleine autorit sur les ingnieurs, ce qui la oblig des visites et voyages perptuels, hiver et t, toutes les fois quil ne sest pas agi de siges, ce qui na pas cess depuis trente cinq annes de a []. Il a t bless huit fois sans avoir dos cass [].

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    8. Parvenu au pied du glacis, lassaillant tablit la troisime parallle ferme ses deux extrmits par une redoute(retranchement quadrangulaire);

    9. Parvenu au contact du chemin couvert, il le couronne par des cavaliers de tranche, puis linvestit la grenade et la baonnette, tandis que ses dfenseurs refluent vers le foss; il y creuse alors une dernire parallle;

    10. Pour rduire les pertes humaines, Vauban impose la brche au canon bout portant dans le mur descarpe. Mais il faut 1 000 coups de canon pour faire une brche, en pratiquant deux saignes verticales dans le mur, jusqu faire paratre la terre, puis une horizontale au milieu, formant un H; il dira: Brlons plus de poudre, versons moins de sang!;

    11. Laccs la brche se fait par une galerie boise en pan inclin, en comblant le foss au fur et mesure de la progression sil est en eau;

    12. Lassaut est conduit en plein jour pour viter la confusion ; on tablit au sommet de la brche une petite redoute, dite le nid-de-pie, prlude la reddition.

    Le tir ricochetEssay au sige de Philippsbourg en 1688, perfectionn au sige dAth en 1697 o il a un succs tonnant, Vauban met au point le tir ricochet. Le boulet rond, propuls par une faible charge de poudre et prenant en enfilade les batteries alignes sur les ouvrages, fait une srie de rebonds, comme le galet sur leau, renversant canons et servants (personnel assurant le service du canon). Pour rpondre un tel tir, Vauban doit concevoir dinstaller sur le bastion des traverses. Il sagit de murs perpendiculaires sparant chaque canon pour les protger des tirs denfilade meurtriers (voir vocabulaire du front bastionn support didactique).

    Ces innovations majeures de lingnieur, qui se rsument lemploi des parallles, la brche au canon et le tir ricochet, sont une vritable rvolution dans la mthode dattaque puisquelles permettent de matriser le facteur temps et les pertes. Mais celles-ci vont obliger Vauban formuler la parade ses propres inventions qui sont retournes contre lui par ses adversaires. Cest larroseur arros!

    u Phase finale du sige

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    Dsormais, aucune place nest imprenable, et Vauban fixera 48 jours le temps ncessaire pour la prise dune place en conditions ordinaires. Comme dans la grande tragdie classique de Racine et Corneille, il y a unit de temps, de lieu et daction pour ce grand ballet parfaitement rgl qui va se drouler sous les yeux du roi et de la cour. Cependant il ne faut jamais oublier que leffectif dun corps de sige devait tre dix fois suprieur celui de la garnison assige, sans tenir compte de la main duvre paysanne rquisitionne pour creuser les tranches. Ainsi, pour une place moyenne huit bastions, on compte 600 hommes par bastion, soit 4800 hommes pour la dfense totale. Il faudra alors 45000 hommes pour lassiger pendant 48 jours.

    Dans le cadre dune stratgie globale, cette conomie des forces reprsente pour la dfense un atout majeur: u Dun ct, lassaillant concentre toutes les forces dun tat dans le sige dune seule place; u De lautre, une garnison rduite, souvent constitue pour moiti des milices bourgeoises, laissant intactes les armes du pays dont on assige une ville.

    Dfenseurs Assigeants Dure du sige Rapport de forces

    Fort 400 hommes 10000 hommes 20 jours 25 fois

    Place 5 bastions3000 hommes

    (600 par bastion) 25000 hommes36 jours

    de tranche ouverte 8 fois

    Place 8 bastions120 canons 4800 hommes 45000 hommes 48 jours 9 fois

    1815Sige de Huningue

    Barbangre avec 175 hommes 3000 Autrichiens 90 jours 170 fois

    u Le rapport de forces entre assaillants et dfenseurs lors dun sige

    u Le tir ricochet

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    Fiche enseignant 4Objectifs : Comprendre la mthode dattaque dveloppe par Vaubanvaluer les amliorations apportes par cette mthode dattaque

    Disciplines associes: histoire, mathmatiques

    Activits pralables

    Que signifie le mot sige?

    u Faire effectuer une recherche aux lves : dictionnaire, internet

    Les phases de lattaque

    u partir du plan thorique de lattaque la Vauban prsent dans ce chapitre p. 25, tracer sur une feuille de calque les trois parallles et les tranches de communication en zig-zag.

    u partir du schma du tir ricochet prsent dans ce chapitre p. 28, montrer lefficacit de ce tir. Il permet une conomie de moyens et de temps car en un seul tir et en utilisant un unique projectile, plusieurs positions ennemies sont atteintes.

    u Dmontrer le lien entre lemploi du tir ricochet et la prsence de traverses (murs perpendiculaires sparant chaque canon) sur les bastions pour amener les lves comprendre la relation entre lattaque et la dfense.

    u Dfinir avec les lves les phases finales de la mthode dattaque dune place.

    u Visionner le film de lattaque dune ville fortifie sur le site internet du muse des plans-reliefs: http://www.museedesplansreliefs.culture.fr/clip.html

    La mthodologie de lattaque des placesu partir dune carte de France demander aux lves de dcrire la situation des villes principales. Noter leur proximit avec les routes, les cours deau, leur position par rapport aux frontires, aux reliefs

    u Lister avec les lves les besoins dun assaillant qui souhaite prendre une place forte (connaissances du terrain, effectifs, armements, matriaux).

    u Calculer les effectifs ncessaires la dfense dune place forte (6 bastions en moyenne par place, 600 hommes par bastion). Faire deviner le nombre dassaillants mobiliser pour la russite des oprations (10 fois le nombre de dfenseurs). En moyenne: 3 600 hommes pour la dfen- se et 36000 pour lattaque.

    Sur le terrain

    u Prendre de la hauteur par rapport au site fortifi et effectuer une lecture de paysage.

    Visualiser le contexte gographique de la ville (O se situe la frontire ? Par o lenne-mi arrive-t-il ?...) et apprhender lvolution du site au fil du temps (diffrentes tapes de dveloppement de la ville).

    http://www.museedesplansreliefs.culture.fr/clip.html

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    Fiche lve 4

    1 - Soldat charg des tirs

    2 - Cage cylindrique en osier remplie de terre servant amortir les impacts des projectiles

    3 - Faon de battre le tambour utilise par l