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7/21/2019 Cronologa rousseauniana
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Socit Jean-Jacques Rousseau. Annales de la Socit Jean-Jacques Rousseau. 1905.
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IMPRIMERIE PACHE-VARIDEL & BRON
Lausanne, Pr-du-March, 9.
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C~n!C< Fr~~rt'c /
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ANNALES
DE LA SOCIT
JEAN-JACQUES ROUSSEAU
TOME NEUVIME
1913
A GENVE
CHEZ A. JULLIEN, DITEUR
Au
BoURG-DE-FoUR, 32
PARIS LEIPZIGHONOR CHAMPION KARL W. HIERSEMANN
QUAIS MALAQUAIS, 5KSNIGSSTRASSE, 3
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MME D'PINAY, JEAN-JACQUES.
ET DIDEROT
CHEZ MLLE QUINAULT
tes\ ne contiennent qu'une petite partie du roman au-tobiographique compos par Mme d'pinay. Les di-
teurs eux-mmes l'ont reconnu. Il a fallu, disait Bru-
net, pour assurer le succs de l'ouvrage auprs des
lecteurs de t ous les temps, supprimer les redites fr-
quentes, les pisodes inutiles et u n assez bon nombre
de factums contre M. d'pinay. Toutefois nous n'avons
rien voulu changer ni d ans la forme un peu singulirede l'ouvrage, ni dans les faits, ni mme dans le style,
qui n'a pas toujours cette correction qu'on aimerait y
trouver: et, s i nous ne publions pas tout ce qu'a crit
Edition Brunet et Parison, Paris , Brunet, 1818, 3 vol. in-8; dition
P. Boiteau, Paris, Ch ar pen ti er , ; 86 5~ 2 vol. in-i6.
N sait que les prtendus A~KOz'r~
M""=~M~ publis en jSiS par J . C.
Brunet et Parison, et rdits en i865
par Paul B oiteau avec des notes nouvel-
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2 ANNALES DE LA SOCIT J. J. ROUSSEAU
Madame d'pinay, nous ne publions, du moins, rien
qu'elle n'ait crite). Le lecteur va pouvoir juger si cette
affirmation est exacte. Le manuscrit que possdait Bru-
net, et sur lequel il a fait son dition, est aujourd'hui
la disposition du public la Bibliothque de la ville
de Paris II comprend neuf volumes in- d'environ
3ooo pages", et rserve au chercheur des richesses in-
souponnes. Non seulement les deux volumes de l'-
dition Boiteau n'en offrent qu'un extrait insuffisant
mais le texte mme de cet extrait est bien des fois cor-
rig, truqu et dfigur 4. On s'en rendra compte par un
exemple significatif, en lisant dans sa teneur intgrale
le rcit d 'une des plus fameuses soires des Mmoires
le d ner chez Mlle Quinault. On verra que la moiti de
ce rcit tait reste indite et que la prudence de l'di-
teur avait supprim les propos les plus hardis et les
plus caractristiques. Il importe d'autant plus de les
rtablir, que la protestation de Rousseau contre les au-
dacesngatives
de ses amis neprend
toute sa valeur
et tout son sens que si l'on connat exactement ce con-
tre quoi il proteste.
De cette runion d'adieu, o Mlle Quinault avait in-
vit M"~ d'pinay, Jean-Jacques, Saint-Lambert et
Duclos, la date est incertaine. Paul Boiteau a inscrit
celle de iy5i en tte du chapitre o la scne est racon-
Dclaration reproduite dans l'dition Boiteau, I,p. v:.Sous la cote 19744.
3 Il n'y a pas de pagination gnrale, m ai s u ne pagination par cahier,
et cette pagination est double il y a celle du copiste, puis celle de Bru-net et Pa riso n, q ui ont seulement numrote les feuil le ts qu'ils envoyaient
l'impression.
Il est grand dommage que M.Paul Bonnefon ait
interrompu la
pu-blication intgrale qu'il avait commence d an s so n rec uei l Souvenirs
et m mo ir es, P ar is, G ou gy, i 8Q8 -! QO t, t. I VI.
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LE DI NER CH EZ MADEMOISELLE QUINAULT 3
te' mais, ni le manuscrit Brunet, ni celui des Archi-ves sur lequel il a t copi, et dont je parlerai bien-
tt, ne fournissent aucune date celle de Boiteau, pu-rement
conjecturale, est, du reste, peu vraisemblable.
Nous ne tarderons pas constater que le rcit deM~ d'pinay a t, tout !e moins, trs fortement
arrang, et qu'elle-mme ou ses collaborateurs ont con-
dens en un seul dialogue des discussions plusieursfois reprises. Mais, si vraiment ce fut un dner chezMlle Quinault qui fut l'occasion de ses entretiens, il fau-drait alors les dater de 1~54; c'est, en effet, cette po-que que Jean-Jacques, brouill une premire fois avec
D'Holbach, fut introduit par Duclos chez Mlle Qui-nauit~. D'ailleurs, cette date. que je crois trs probable,
1I, 36 3. I l prcise d avan ta ge p ou r le dner lui-mme, et le place en
septembre 175; (p. 3yo).2
Aprs cette premire rupture, racontent les Confess ions (dit . Ha-chette, VIII, 275), tandis que la plupart des amis de Rousseau prenaientle parti du Baron et jalousaient le petit cuistre, D ucl os , s eu l, au-des-sus de cette jalousie, parut mme augmenter d'amiti pour moi e t m'in-
troduisit chez M"' Quinault. Reste d on c f ix er la date de cette pre-mire rupture, que Rousseau semble bien placer peu av an t so n dpartpour Genve. Elle est, du moins, antrieure au 26 aot 1754, d at e dela mort de la premire Mme d'Holbach, puisque ce fut cette mort quirconcilia provisoirement Jean-Jacques et le Baron (Confessions, VIIl,283; Cerutti, art. du J ournal de Paris, du 2 dcembre 1789, p. i568).Elle est postrieure au succs du Devin du Village, puisque, d'aprsRousseau, c 'e st ce succs mme qui lui au ra it v al u l'animosit de lacoterie holbachique. Or les reprsentations du Devin Paris, sont demars !y53. La rupture eut donc lieu la f in de [753 o u au dbut de [754.Ceci semble bien authentiquer le rcit que D'Holbach aurait fait plustard Cerutti. D'aprs cette version, c'aurait t la fameuse mystificationinflige ce pauvre cur-pote, l'abb Petit, qui aurait exaspr Jean-Jac-ques et l'aurait f ai t s or ti r d e chez le Bar on en claquant les portes; etcettemystification se place, en effet, dans l'intervalle chronologique que jeviens de dlimiter. Grimm nous en a donn la date prcise (Co)'rM~on-dance littraire, dit. Maurice To ur neu x, P ar is. Garnier, ;877-t882,16 vol. in-8, t. III, p. 60 . Cf . en cor e
!I, 5 o3 et
XV, 575-576) ce
fut ledimanche gras de 175~. Ce serait donc aprs le carnaval de 1 75 4 q ueJean-Jacques aurait t intr oduit chez M"' Quinault et les conversa-
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J. ANNALES DE L A SOCI T J. J. ROUSSEAU
T
n'a ici qu'une valeur prcaire car toute la scne a t
recompose, ou mme reconstitue, avec plus de vrit
psychologique que d'exactitude h istorique, par un ha-
bile artiste qu'il nous reste prsenter.
On n'a pas oubli la dcouverte de M" Frederika
Macdonald. Elle a fait voir, par l'examen du plus ancien
manuscrit qui nous soit parvenue que les MeMO!rey
de M' d'pinay ont t remanis dans un sens dfavo-
rable Rousseau, et que ces remaniements, dont on
peut voir encore les traces matrielles, ont t f aits
sous la direction et la surveillance de Grimm et de
Diderot. De place en place, l'criture mme de Dide-
rot apparat, tmoignage manifeste de cette interven-
tion~. On peut complter la dcouverte deM'~ Macdo-
nald et le texte que je vais publier en apportera des
preuves dcisives l mme o l'criture de Diderot est
absente, o le manuscrit est d'une seule venue et sans
rature, certaines parties indites du texte rvlent la pr-
sence indniable de Diderot, et nous invitent
supposerune rdaction antrieure, o Diderot aurait pris
une
part effective. On va voir, en effet, que quelques-uns
des propos les plus significatifs, qui sont prts par les
tions qui ont eu l ieu devant elle, en tr e l es philosophes
et lui, se-
raient donc postrieures cette date. Si l'on ajoute qu'elles nous mon-
trent un Rousseau qui n'a pas encore repris le protestantisme,
on pour-
rait vraisemblablement les placer entre le carnaval et le i"- juin 1754,
jour du dpart de Jean-Jacques pour Genve.
1Ce manuscrit est aujourd'hui partag entre deux dpts. Les 140
premiers cahiers se t rouvent aux Archives, dans le carton M 789,
le reste
est la Bibliothque de l'Arsenal sous la cote 3t58, 260 bis B. F. Pour
le rc it qui nous occupe, nous n'avons anaire qu'aux cahiers
des
Archives.s Cf. J. J. RoMMMK, a ne tf study in Ct-~
and Hall, 1906, 2 vol. in-8, t. I, pp. 84-9~; et, dans l'abrviation fran-
aise, La lgende de J. J. R ous se au rectifie, P aris, Hachette, t909,
i n- 16, pp . 47-60.
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LE DNER CHEZ MADEMOISELLE QUINAULT 5
Mmoires de M" ~M~ aux interlocuteurs du dner
Quinault, se retrouvent peu prs textuellement dansdes uvres de Diderot, dont plusieurs n'ont t pu-
blies qu'aprs les Mmoires, et qui datent presquetoutes des annes 1770 1780, c'est--dire de l'poquemme o Mme d'pinay, selon toute vraisemblance, a
compos son roman pistolaire.
Mais laissons parler le texte lui-mme il porte aveclui sa dmonstration. Je le publie d'aprs le plus an-cien manuscrit connu 1. en laissant aux personnages dela scne les noms romanesques derrire lesquels on lesreconnat sans peine. Mlle Mdric est Mlle Quinault,Dulaurier est Saint-Lambert, Desbarres est Duclos, etRen est Jean-Jacques. C'est Mme de Montbrillant,c'est--dire Mme d'pinay, qui parle.
~K~ du journal, ~KJf-yoMrS de distance.
J'ai deux journes vous dcrire 2; j e commence
par celle d'au-
jourd'hui, de peur d'en oublier quelque chose. Je reviendrai ensuite celle d'hier.
J'arrive de chez Mademoiselle Mdric'. Je w!~ assure qu e l es
Je donne en note quelques variantes du manuscrit de la Bibliothquede la vil le de Paris. Pour faciliter les citations, je l'appellerai le Ma-~c~ B~~ et c el ui su r lequel il a t copi le Manuscrit des Archi-ves. Le texte qu'on va lire occupe dans le manuscrit des Archives la
plus grande partie des ;o8' et 109' cahiers . Dans le manuscrit Brunet,il se trouve au t. V, 9~ et Q~. cahiers. J'imprime en it~M les va.riantes et les parties indites du rcit, pour les mettre en valeur. Je neconser ve ni
l'orthographe, ni la ponctuation du manuscrit, qui sont tsans autorit et sans intrt. Seuls, les points de suspension ont tmaintenus l o ils taient indiqus.
Les soi-disant Mmoires se prsentent sous forme de journal pisto-laire M- de Montbrillant est cense crir e son tuteur pour l ui r a-conter sa v ie au
jour le
jour.3 Mss. Brunet: Af- .~M~/c. Au-dessus, au crayon, de la main deParison, semble-t-il Quinault. Je signale une fois pour toutes qu e
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6 ANNALES DE LA SOCIT J. J . ROUSSEAU
gens d'esprit et qui s'affichent poMr
tels ne sont point exempts de
ridicule; et voil certainement la cause de ce que l'admiration qu'ils
inspirent quelquefois n'est ni continue ni gnrale.
Je crois qu'ils s'-
taient tous donn le mot aujourd'hui pour tre alternativement
sublimes et ridicules.
C'est une chose plaisante d'abord que l'assortiment' des gens que
Mademoiselle Mdrie avait rassembls. Ce dner tait un dner
d'adieu. En gnral, tous ceux qui ont t
une f ois admis dner
chez elle ont le droit d'y revenir sans autre invitation; de sorte
que nous courions le risque de nous trouver
quinze
ou vingt,
quoique la fondation ne soit que pour huit personnes.
Desbarres
y donne le ton, parce q u'il y a peu de poumons qui
soient en tat
de lui disputer. Chacun a s on sobriquet et il est
ordinairement
donn par un esprit de critique ou de prtention,
et non par le
sentiment ni la gaiet. Desbarres a celui du tendre Ar ba ssan
tout le monde rit lorsqu'on l'appelle ainsi. Comme je ne conois
rien cette plaisanterie, que j'avais entendu rpter toujours
avec
succs chaque fois que j'tais venue chez Mademoiselle Mdric,
j'en ai demand l'explication, et j'ai t t r s
tonne de voir que
personne n'en tait plus instruit que moi,
et que le hasard avait
dict ce mot, dont on r ia it depuis deux ans sur la parole de l a
matresse de la maison. Mon embarras et l'envie que je marquais
de pntrer le fond de cette plaisanterie lui parurent
fort comi-
ques on me plaisanta sur la constance que j'avais eue
d'attendre
si longtemps demander cet cl aircissement. Il faut l'appeler
Grisel id is , s'cria Mademoiselle Mdric, en faisant de grands
bras e t de grands r i res . Tout le monde applaudit. Le
tendre
Arbassan prit u n air plus grave, et, par de certains gestes d'ap-
plaudissement, il fit entendre que ce mot avait
un sens plus pro-
fond qu'on ne pensait, et que de longtemps on n'en
dirait un plus
heureux. On le crut, et je fus appele Madame Griselidis.
Mademoiselle Mdric me dit l'oreille qu'un auteur de se s
amis devait, aprs le dner, lire une pice de socit,
do nt il vou-
lait qu'on lui dt son avis qu' el le avait t bien
aise de m'admet-
tre cette lecture, mais qu'il en fallait garder le secret, parce
qu'on laisserait partir la cohue a vant de commencer la lecture.
Elle oublia qu'elle venait de m e demander de l'indulgence pour
son mauvais dner, auquel, disait-elle, elle ne mettait d'autre
prtention que celle de ne le faire manger qu' ses vrais amis,
dans le mss. B runet , les noms historiques ont t ainsi superposs auxnoms du roman.
1 Mss. Brunet o assortissemento.
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LE DINER CHEZ MADEMOISELL E QUINAULT 7
parce qu'il ne faut point emporter le chat et elle se mit
chanter:
Sous quitterons-nous sans boire un coup ?P
Nous ~Mit~fOn~-KOu~ sans boire ?
Aprs cette heureuse saillie, el le me f it un petit compliment sur
le dsir qu'elle avait d'avoir mon avis sur la pice qu'on devait
lire, et, chemin faisant, el le m e dicta d 'avance le jugement favo-
rable que j'en devais porter. Je me divertis intrieurement de
tout ce que je voyais, et j'eus l'air d'applaudir comme tout le
monde tout cequ'elle
disait.
Lorsque j'arrivai, il n'y avait que Desbarres et Ren, et deux
hommes que je ne connais pas L'un de ces deux hommes fait
mtier, me dit Mademoiselle Mdric, d'aller partout rciter les
morceaux que Voltaire n'a point e ncore l ivrs l'impression il
croit bonnement devoir quelque c onsistance cet emploi. Ces
s ortes de gens tiennent au courant des petites nouvelles littrai-
res cela a son utili t. L'autre est u n abb , grand mangeur, grand
braillard et bienvenu chez quelques duchesses, qui, dit-on, font
cas de certains talents qu'il possde dans un degr minent. !1 a
toujours eu de l'amiti pour moi; il fallait bien le mett re de l a
fte . Je l a remerciais de son ins truct ion, lor sque je vis entrer
un homme avec une contenance plus simple et plus humble que
les autres. C'est l'auteur, me d it tout bas M ademoisel le M d-
ric. Je l'examinai beaucoup. Il parat avoir plus d'esprit qu'on ne
lui en accorde dans c et te socit, o o n le protge plus qu'on ne
lui rend justice. E nsuite arriva un mdecin, qui ne ressemble pasmal la charge de ceux qu'a peints Molire. Mademoiselle
Md-
ric l e consult a avec l'air de la confiance, et ne s 'en moqua pas
moins hautement de ses rponses. J'en fus d'abord embarrasse
pour lui, mais je vis que je pouvais m'pargner cette peine. C'est
le pdantisme, la prtention mdicinale et l'absurdit personnifis.
On n'attendait plus pour servir que le marquis Dulaurier il arriva
enfin. On avait ce jour-l expos aux Grands-Augustins les ma-
gnifiques tapisseries des Gobelins qui s ont en vente par la mort
du duc de* Mademoi sell e Mdric s 'cria J e parie qu'il vient
de voir les tapisseries. Vous croyez plaisante r, r epri t Dulau-
rier, et vous avez dit vrai. !I y a deux heures que j'y suis, et je
ne puis m'en arracher. N'est-ce pas une chose bien tonnante,
qu'avec des brins de laine peints de toutes s ort es de couleurs,
Texte du rviseur du mss. Premire rdaction il y avait deux
hommes que je ne connais point, Desbarres et Rene.Correction du r vise ur du mss. Premire rdaction efitsx.
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8 ANNALES DE LA SOCIT J. J. ROUSSEAU
on parvienne reprsenter un tableau immense, et si parfaite-
me nt , qu' une certaine distance on ne sait si l'on voi t une toffe,un tableau, ou mme la nature ? tant le dessin, la couleur, la per-
spective, la magie du clair-obscur enfin, et t out l'art de 1~K/oo a
t bien observ .
Chacun dit son mot sur le degr de perfection o les manufac-
tur es sont arrives en France. Les u ns prfraient Bea uvais a ux
Gobelins; les autres la Savonnerie; tout le monde parlait la
fois, et l'on se mit table. Ren a va it voulu tenter quelques r-
flexions, mais e lles ne furent ni releves ni entendues. Il me sem-
blequ'une, entre autres, en valait bien la peine. Il disait que la
peinture, les tapisseries, etc. tantunart d'imitation, il lui semblait
absurde de m ettre des personnages en tapisseries dont les pieds
posaient sur les lambris. A la bonne heure, dit-il, quelques pe-tites figurines dans le l ointain d'u n paysage la perspective, tant
bien observe, peut m'entraner et me faire illusion. Quoi lui
dis-je, v ous ne pardonnerez pas mme au Poussi n d'avoir placle dluge universel dans un espace de quatre p ie ds en c arr ?
C'est prcisment celui-l qui me dsespre, me dit-il, et le pre-mier tableau qui m' ai t f ai t f ai re cette rflexion. C'est le pre-mier, lui dis-je, qui aurai t d vous la fa ir e oublier ') ).
Ds que l'on fut table, le mdecin, qu'on appelait le docteur
Akakia, re sta les bras croiss, considrerMademoisette Mdric
jusqu' ce qu'elle et commenc sa soupe puis, la prenant sur le
fait, i l lu i c ria d' une voix d'indignation Et les quinze grains de
rhubarbe, Mademoiselle?)) Tout l e monde partit d'un clat de
rire. Ils sont emballs, docteur, lui dit-elle, ils m'attendent
~y~eK~M:7~)). Il voulut lui prouver que cette interruption lui se-
rait prjudiciable, et il nous assura, de la m ei lleure f oi du monde,
qu'il vaut mieux faire des remdes inutiles, et mme contraires son tat, que de n 'e n pas faire. On le plaisanta si fort et si
longtemps, qu' la fi n i l s'en aperut. Messieurs, dit-il, je par-donne de t out mon c ur les sati res qui me sont personnellesmais est-il possible que des gens d'esprit comme vous se laissententraner la v ivac it d 'une saillie mordante cont re l e premier des
arts? Tous les gra nds homme s, Me ssie ur s, ont toujours respectla mdecine. C ela e st vrai, r pondi t Re n, tmoin Molire.
Monsieur, rpondit le docteur, voyez aussi comme il est mort .De plaisanterie en plaisanterie, de propos en propos, on re-
1 Cette dernire phrase a t ajoute par le r viseur du mss .s Texte des deux
mss. Argenteuil dsigne ici
.nt-Ge)-MM!K, o
M"' Quinault allait se retirer.
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LE DtNER CHEZ MADEMOISELLE QUINAULT
vint encore aux tapisseries du duc de Mademoiselle Mdriedit qu'il tait affreux pour une famille d'tre force de vendre des
morceaux si prcieux: Voil le s ort de t outes l es belles choses,des collections rares, etc. Chut, dit Desbarres, ne dgotez pasles amateurs. Quelque fermier gnral achtera ces tapisseries, et
nous les talera avec emphase devant sa porte, le jourde la petiteFt e-Dieu )'. On s'arrta un peu sur la beaut et la sol emnit des
crmonies de ce jour. Mademoiselle M dr ic d it Dulaurier Je parie, marquis, que vous aimez la folie les processions de
la petite Fte-Dieu . Il s'cria avec enthousiasme: Je vous assure,
Madame, que je les trouve d'un pathtique admirabl e. Ces hom-mes, ces femmes, ces enfants pntrs de dvotion c es f la m-
beaux, ces prtres magnifiquement vtus ce silence, rompu par
intervalle, m'att endrit et me touche je verse des pleurs, et je suis
dvot comme un ange".L'abb s'cria Par Dieu, Monsieur, vous rendez cela si frap-
pant, que peu s'en faut que je n'entonne le Ta~MM ergo.Tout au milieu du bruit et des clats de rire, Desbarres, avec
une voix de tonnerre, parvint se faire entendre: Vous avez
raison, dit -i l au marquis; et ceux qui ont banni du culte religieuxl'apparat des crmonies extrieures ont fait cent fois pis que les
philosophes. Ils ont eu peur, dit Ren, que le peuple ne tom-
bt dans l'idoltrie, et de peur qu'ils n'eussent une m auvai se reli-
gion, ils ont tout ar rang pour qu' il s n'en eussent aucune. Etc'est ce crmonial auguste, dit l'auteur modestement, qui a fait
durer si longtemps le paganisme. Ah reprit Mademoiselle M-
dric, que ces ftes taient belles, marquisDULAURIER. Quel charme, Mademoiselle, pour le peuple spec-
tateur quelle ressource pour le pote Une foule de dieux.Tous ces dieux faits de la m ain d'Apelles, de Praxitle, etc., c
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tO ANNALES DE LA SOCIT J. J . ROUSSEAU
Ganimde, Messieurs, parlons-en Fi donc, dit Madenzoiselle
Me~ert'c, laisser-l ce dieu. Je n'aime point ceux qui sacrifient
son autel .
La conversation fut encore interrompue, mais Dulaurier, qui
avait la tte exalte y revint de nouveau. CoKfCHe~ au nzoins,
dit-il, Madame, que tout c ela tai t auguste et gai, au lieu que rien
n 'e st s i triste que notre catchisme et si plat que notre culte .
Cette expression me choqua. Monsieur, lui dis-je, tout plat
qu'est notre culte, tout absurde qu'est ce catchisme, vous yq~e~
qu'ils produisent de grands effets, puisque les philosophes sont
mus eux-mmes l'aspect d'une multitude prosterne').7/ en convint. Cela est vrai, dit-il, mais c ela ne se conoit
pas .DESBARRES. Que fait ce peuple de s a raison? Ils se mo-
quent des autres peuples de la terre, et ils so nt encore plus btes
qu'eux.REN. Pour btes, je le leur pardonne, mais je
ne leur par-
donne pas d'tre atroces, et de condamner la mchancet dans ce
monde et un supplice ternel dans l 'autre ceux qui sont autre-
ment btes ~M'CH~DESBARRES. Il s disent que, s'il y avai t un honn te
h omme sur
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LE D IN ER CHEZ MADEMOISELLE QUINAULT 1 I
reflchi sur tout ce ~t
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t2 ANNALES DE LA S OC IT J. J . R OU SS EA U
puis. Le mensonge, et surtout celui qu'on garantit
au nom de Dieu,
ne peut faire que beaucoup de mal .
Je m'avisai de dire qu'il faisait souvent a ussi beaucoup de bien,
parce qu'elle tai t un frein au menu peuple, qui n'avait pas d'au-
tre morale. Tout le monde se rcria la fois et m'crasa de raison-
nements, qui me parurent, en effet, meilleurs que le mien. L'un
dit que le menu peuple avait plus de peur d'tre pendu que d'tre
damn. Dulaurier dit que c'tait l'affaire du code civil et crimi-
nel de rgler les murs, et n on c elle de l a religion, qui faisait
bien re st ituer un cu Pques ma servante, mais qu'elle n'avait
jamais fait res tituer des mill ions ma l acquis, une province usur-
pe, ni rparer une calomnie. Mais, ajouta Ren, en revanche,
elle sait faire gorger un million ~07MM!M le jour de la Saint-
.Barf/M/CM~' .
//&K certain que, si c'est la s ource de quelques petits biens,
c' es t c el le des plus grands MMM~ Ren ajouta une rflexion qui
acheva de me persztader. TeMe~, dit-il, il ne faut pas s'en intposer;
il est absurde en quelque r el ig ion que ce soit d'tre toMnMt. ~o~r
o cela ~MMe . Voi l les peuples ennemis des peuples, les pres des
enfants, etc., e tc. Et de quoi s'agit-il? De l'incession, de la proces-
sion, de la c:rcMMu:eeM!'o; .
Je m'avisai de demander ce que c'tait que ces grands nzots-l, et
ce qu'ils signifiaient. Dulaurier me rpondit l'oreille: c 'M~ la
manir e dont c es t ro is personnes dansent / 'MMe autour de l'autre. Ne
~o~ey point effraye de ces grands mots-l, Madame, me di t ~e~e.
1 Cf. Diderot, Entre tien ~ 'un philosophe a vec la marchale de 11,
512: Pour moi je ne doute point que votre intenda nt ne vous vole un
peu moins la vei lle de Pques que le lende main des ftes; et que de
temps e): temps la religion t:'e)K~c/!g nombre de petits maux et ne pro-
duise )!on:6)'e de petits biens .s C'est le texte qu'il faut, je crois, rtablir. Le mss. de" Archives porte
acirconssession )), et le mss. Brunet f
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L E D IN ER CHEZ MADEMOISELLE QUINAULT l3 J
J'ai t autrefois protestant; et, nous autres protestants, nous savons
notre religion.- Je vous e n fais mon compliment, lui
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1~ ANNALES DE LA SOCIT J. J. ROUSSEAU
~re aK.r AoMMM Aussi, dit l'abb, nous autres prtres, notes
avons dit qu'il valait mieux obir Die u ~H'~M~ hommes.
DULAURIER. Et les homme s vous ont donn des bnfices.
REN. Sans doute, parce qu'ils ont fait di re Dieu partout ce
qu'ils ont voulu.
Mais, Messieurs, leur dis-je, du t rai n dont vous y f!< vous
~e~uMey toute religion. Quant aux religions rvles, ~fOKe que
je vous le pardonne; mais la religion naturelle, j'espre que vous
/:
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LE DNER CHEZ MADEMOISELLE QUINAULT 5
Ren se fcha, murmura dans ses d ents. On l'en plaisanta. Si
c 'es t une lchet, dit- il, que de souffrir qu'on dise du mal de s on
ami absent, c 'es t un cr ime que de souffrir qu'on dise du mal de
son Dieu, qui est prsent: et moi, Messieurs, je cr ois en Die u.
Et moi, Messieurs, j ' crois aussi, rpondit Dulaurier.
Comment, vous crq~ en Dieu ? s 'cria Mademoiselle Af~f-
ric. Ma foi, je ne M~- attendais pas.
C'est, rpondit Dulaurier, que M. Ren a son Dieu et que moi
j'ai le mien, qui n'est ni le vtre, n i ce lui d 'un autre, et qu'il a
pas deux hommes sur la terre qui aient le mme, p arce que la
croyance e t les opinions v arient suivant la diffrence des organes,de la conformation, etc., etc.
y'M~ dit-elle, pas plus la mme reli gion qu e la mme pro-bit .
y'c~ suis fche, mon tuteur, mais je ne vois gure de rponse
tout cela, pas plus qu' ce qui suit, comm e vous aller voir. Ah
maman, je suis plus que jamais convaincue que le Dire cteur a vai t
raison'. Afa! ~af~ot~ que ce directeur2, ou je nie trompe fort,
n 'aurai t point t trop dplac ce dner? Si ma mre savait le
progrs qu'ont fait mes ides en quatre heures de temps. Revenons
nos i ncrdules. Tout cela perd beaucoup t re a insi r endu b-
~o~M rowp: Je ne rpondrais pas trop d'avoir, malgr cela, aussi
bonne mmoire sur tout autre sujet; mais ma tte travaillait sur
ces diffrentes opinions; et, si je n'ai pas, beaucoup prs, tout rf-
tenu, je ne crois pas que rien de bien essentiel me soit ec/!appc~,
tant j e dsirais de m'clairer.
Quelqu'un dit qu'il ne fallait employer rien ce qu'on ne conce-
vait pas et ce dont chacun n'a pas la mme ide, par ce que ce laobscurcit toutes celles qu'on a, en quelque genre que ce soit. Je r-
pondis que Pascal avait dit que, s i Dieu tait un grand mystre, le
monde en tait enco re t
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l6 ANNALES DE LA SOCIT J. J. ROUSSEAU
Je ne me tenais pas encore pour battue, et je dis DM/aMr:'cr
J'avoue que je n'ai pas encore bien compris l'inconvnient de l'exis-
tence d'un tre ternel, tout puissant, souverainement bon, intelli-
gent, etc. Il n ie semble que c'est une ide si grande, si eo;MO~Mfe/
Et vous, Monsieur, qui tes pote, vous ~efe~ convenir que c'est
le germe du plus bel enthousiasme.
J'avoue, dit-il, qu'il est beau de voir ce Dieu incliner son
front vers l a terre et regarder avec admiration la conduite de Ca-
ton mais, Madame, cette notion est comme beaucoup d'autres,
trs utilesdans' quelques gra ndes
ttes, telles que Trajan, Marc-
Aurle, Socr ate, e tc. elle n'y peut produire que l 'hrosme . Ma is
c'est le germe de toutes les folies, du fanatisme e t de ses fureurs,
des extravagances des cnobites; en un mot, c'est la source de la d-
solation des peuples, des haines domestiques et l'teignoir de toute
raison B.
Cet auteur qui parle si peu, et dont je n'ai point retenu le nom,
COM~art: c ette notion au mariage, qui n'est bon, disait-il, que pour
t ro is ou quatre , et f uneste la multitude.
Qu'est-ce qu'une notion, co~)MM Dulaurier, qui varie autant
qu'il y a de ttes diffrentes, et laquelle c ha cun me t plus d'im-
portance ~M'a sa propre vie'.
7/j~ a, mordieu, dit Desbarres, de quoi mettre le feu au monde;
mais le peuple est comme les chevaux, il ne connat pas sa force;
sans quoi nous pourrions bien, s ' il nous entendait, tre, avant une
heure, aussi rti que ce g igot.
Oh, que celui qui inventa ce nz ot terr ib le , r epri t Dulaurier,fit un grand mal l'homme;
i l abaissa sa condit ion au-dessous de
la brute, qui remplit pa~t~/e~cttt sa destine. Je crois entendre
d 'ici ce misanthrope; i l se dit un jour: comment me feMg'era~'e
du monde entier ? Inventons quelque not ion sur laquelle l'homme
ne puisse jamais s 'accorder, et pour laquelle il mprise le fe u, le
fer, /a~MM!e; et puis il pronona d'une voix qui s'entendit d'un
ple l 'autre 2.
Cf. cette phrase dans les deux textes de Dide rot ci ts la note sui-
vante.2 Le texte serait presque incomprhensible, si l'on ne connaissait pas
-cette pense philosophique de Diderot, retrouve sur un manuscrit
de l'Ermitage, et qui n'a t publie qu'en 1875, dans l'dition Asszat,
I. ;6o-t70: L, les poings appuys sur les yeux et mditant une ven-
geance proportionne son ressentiment, i l di sait : les pervers! Que
ferai-je po!(r les p:iK! de leurs injustices et les rendre tous aussi malheu-
reux qu'ils m r itent ? ~ t/ i s'il ~a!t~OM!&
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LE DI NER CH EZ MADEMOISELLE QUINAULT l'7
2
Messieurs, s'cria Ren, je sors si vous dites un mot de
plus.Ah Mo~~M?- le marquis, lui dis-je, vous ??!'a~g-e~; il me
semble que, lorsqu'on 1 bannit de la nature une intelligence su-
~yewe, elle devient ~Mg~e, aride, on ne sai t plus qui s'adresser,on est seul. et puis cet enchanement ncessaire qui vous mnecomme i l lui plat es t une ide dsesprante.
C 'e n es t encore une bien triste que celle de passer sans retour comme la foule des tres, dit l'abb.
C'en e st une bie n vaine, ditDesbarres, que de s'excepter de laloi gnrale. Et une bien folle, ajouta le marquis, que de s'en-
tret enir sans cesse avec un tre chimrique, que l'on ne conoit
pas.M"' MDRIC. Allons, silence, marquis, vous ne ~MPecf
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l8 ANNALES DE LA SOCIT J. J. ROUSSEAU
rciter et chanter les propos et chansons poissardes. I l avait
dans sa poche un recueil de l ettres de c e genre; il en lut quel-
ques-unes, avec le ton, les gestes e t la c ontenance convena-
bles au sujet cela fut r ellement assez plaisant. Mais le con-
traste de c e ton avec tout ce qui venait de se dire me frappa, et
m'empcha, je crois, de me livrer au plaisir qu'aurait pu me faire,
dans un aut re moment, cette polissonnerie. On donna pourtant de
trs grands loges au talent de cet homme et son recuei l. Des-
barres dit que c'tait l e s ublime du genre, et il fut nomm le Cor-
n eill e du ruissea u il fut fort content de l'loge. On partit de l
par une grande dissertation fade sur l e plaisir et le bonheur, o
l'on ne dit que des lieux communs, qui tenaient au m oins les
spectateurs trs loin du b ut de la question. Desba rre s s 'e n impa-
t ient a le premier. Messieurs, dit-il, il est a bsurde de disputer sur
une chose qui e st entr e les mains de tout le monde. On est heu-
reux quand on veut, ou quand on peut. Je ne vois pas. Par-
lez pour vous, lui rpondit AMe?KOMe//e Mdric, qui il ne faut,
pour l'tre, que du pain, du fromage et la premire venue .
Aprs nombre d 'clats de rire et quelques propos assez gaillards,
on sortit de table, e t l'on rentra dans le salon. Chacun se parta-
gea je me t rouvai assise auprs de Ren nous rvions tous les
deux. Qu'avez-vous ? me dit-il. C'est que je suis fche, lui
dis-je, que Dulaurier qui est un des hommes les plus instruit s et
les plus honntes, ne croie point e n Dieu. J 'a voue que j'en suis
tonne. J 'avais pens que cette opinion convenait davantage
Desbarres qu' lui. Je ne puis souffrir, me
r pondi t Re n, cette
rage de dt rui re sans difier. 11 faut cependant convenir, Mon-
sieur, qu'il plaide son opinion d 'une manire bien spcieuse.
Quoi seriez-vous de son avis ? Gardez-vous de l e dire, Madame,
car je ne pourrais m'empcher de vous har. Ce n'est pas que je
croie que vous en soyer moins sauve, mais l'ide d'un Dieu est
nc essaire au bonheur et je veux que vous soyez heureuse .
On vint nous interrompre mais je me propose de le reprendre
sur ce sujet la campagne, et d e le faire expliquer nettement, si
il peut, c ar i l m e semble qu'il est tomb en quelques contradic-
tions ou, peut-tre, n'est-il pas si loign qu' il le dit de la
croyance du marquis.
Desba rr es , Re n, le prince et le marquis s'en allrent Made-
moiselle Mdric proposa alors la lecture de la pice. Il n'y avait
plus que l'abb, le colporteur de Voltaire, le vieux officier, l'au-
teur et moi. Ah a dit-elle, nous sommes entre nous, lisons.
L'auteur fut un peu fch de n'avoir pour auditoire que ceux qu'ilne connaissait point, et dont l 'avis lui ta it t rs indiffrent; tan-
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LE D N ER CH EZ MADEMOISELLE QUINAULT IQ
dis qu'il dsirait prcisment le suffrage de c eux qui venai ent dese r et ir er . II s 'e n expliqua mi-voix avec Mademoiselle Mdric,qui, n'ayant vraisembla blement aucune bonne raison donner decette bizarrerie, se fcha et lui dit Voil comme vous tes,vous ne c essez de me rpter le secret le secret Sais-je ou non
qui il vous plait d'excepter? Allons, lisez, lisez toujours nous re-trouverons bie n le s autres, et je vous rponds de ceux-ci . Cettel ecture s e passa peu prs comme je l'avais prvu on s'efforaitde nous dicter not re jugement. Je m e s uis fort impoliment obsti-ne au silence tous les endroits faibl es de cette pice, mais je
marquais sans enthous iasme ceux qui me plaisaient. L 'abb riai ta commandement; et, comme i l avai t copieusement dn, t out en
riant, il s'endormit. En tout, la pice m'a amuse. Voil une jour-ne qui m e fe ra rver longtemps. Je souhaite, mon cher tuteur,qu'elle vous ddommage un moment de tout l'ennui qu e j e vous causedepuis longtemps. Je suis lasse d ' cr ir e. Demain je vous parleraid'hier et de ma soire d'aujourd'hui. J'attends quel qu'un qui se fait
bien attendre.
Ainsi, dans cette runion laquelle il n'assistait pas,
c'est la voix de Diderot qui domine les autres. Le con-
vive absent est le plus prsent de tous. Des morceaux
entiers dudialogue lui sont emprunts; et, comme
quelques-uns taient alors indits, il semble bien dif-
ficile qu'ils aient pu tre utiliss par u n aut re que par
Diderot lui-mme. Avec sa gnrosi t habituelle, il
aura mis au service des interlocuteurs son inpuisable
rhtorique. Je ne dis pas que tout le rcit lui appar-
tienne cert aines gaucheries, longueurs ou lourdeurs,
me font supposer une premire rdaction de M" d'-
pinay mais je crois impossible d'expliquer ce rcit,
sans admettre qu'il ait t rvis et augment par Di-
derot on pourrait mme, avec que lques r ser ve s, l'an-
nexer ses 'Myr~, ct des Penses philosophiqueset de l'FH~rg/~z ~'M~ philosophe avec la marchale de
Si quelqu'un, par hasard, pouvait trouver trange queMme
d'pinay se ft laiss corriger par Diderot comme
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20 ANNALES DE LA SOCIT J . J . ROUSSEAU
une petite colire, il suffirait de rappeler la lettre que
Diderot crivit sa bonne amie , pour lui faire honte
d'avoir admir l 'loge de Fnelon par La Harpe. On
ne saurait tre plus imprieusement matre d'cole~.
H faut donc user trs prudemment de ces pages des
Mmoires, et n'inscrire qu'aprs inventaire au compte
des personnages les propos qui leur sont attribus.
Mais, on l'a vu, c'est surtout Saint-Lambert et Duclos
qui ont t les porte-parole de Diderot. Pour Rousseau,
Diderot lui a, semble-t-il, prt par anticipation quel-
ques arguments du Vicaire Savoyard, et mis sa dis-
position une rudition thologique que celui-ci n'avait
peut-tre pas mais il me parat avoir conserv aux pro-
pos de Jean-Jacques, tout le moins, leur accent. C'est
bien le Jean-Jacques que nous connaissons par ailleurs,
la fois rationaliste et croyant, anticlrical et chrtien.
Tant que la philosophie de ses amis reste dans les l imi-
tes de son rationalisme, il prend part au dbat; lors-
que
leur impit devient cynique et le trouble, il cm-
mence par se taire, jusqu' ce que, brusquement et
prement, il fasse explosion. Ainsi nous l'ont dpeint
ceux qui l'ont frquent durant ses annes parisiennes:
volontiers silencieux et rserv, avec parfois des clats
inattendus et des fuses de paroles nvreuses*.
11 n'est pas sans intrt de constater cette vidente
collaborat'on de Diderot pour cette partie des Me~o?-
res; un problme d'authenticit se pose quelques pages
plus loin, que cette constatation va nous aider rsou-
1Cf. les lettres changes dans la Corrg~ondance littraire, de no-
vembre 1771, IX, 383-387.s Cf . l e
tmoignage de D'Holbach dans l 'ar ti cl e c it d e Cerutti , p . 1567;
et celui de Maupertuis dans les Souvenirs ~'KMcitoyen, deFormey, Ber-lin, Lagarde, 1789,2 vol. in-8, t, II, p. H7.
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LE D INE R CH EZ MA DE MO IS ELLE QUINAULT 21
dre celui de la soi-disant Parabole attribue Rous-
seau.
On n'a pas oubli, sans doute, que, d'aprs les M-
moires, les discussions religieuses du dinerQuinautauraient eu leur pilogue, quelques jours plus tard,tdans un entretien, plus intime et tte--tte, de Jean-
Jacques avec Mme d'pinay L, il lui aurait avou
que, lui aussi, dans le silence de son cabinet, i l se sen-tait atteint par la dialectique des philosophes)), prtmme se laisser convaincre par elle, mais que le spec-tacle de la nature le gurissait de ses doutes: Le le-
ver du soleil, disait-il, en dissipant t la vapeur qui cou-
vre la terre, et en m'exposant la scne brillante et
merveilleuse de la nature, dissipe en mme temps les
brouillards de mon esprit. Je retrouve ma foi, mon
Dieu, ma croyance en lui je l'admire, je l'adore et jeme prosterne en sa prsence . Et, dans cette reprisedes prjugs)) de s on enfance, il ne s'arrtait pas au
Dieu de lareligion
naturelle il admettait des peines,des rcompenses, un christianisme trs simplifi , qui
restait fidle, non des dogmes, mais des esprances.j~me d'pinay avait beau lui rappeler tant de dclara-
tions philosophiques)), o il semblait faire si bon mar-
ch de toutes les thologies Madame, lui rpondait-il,c'est une de ces inconsquences utiles notre bonheur .
Ces propos, et ceux qui suivent, je les crois, dans leur
ensemble, authentiques. Ce que dit Jean-Jacques du
spectacle de la nature et des illusions consolantes de la
foi, se trouve confirm par les textes les plus certains
de son uvre. La violence surtout avec laquelle il parle
Edition Boiteau, II, 3g-).-3~5, 400-405. L es mss. n'appor tent pour cette conversation que des variantes sans importance.
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22 ANNALES DE LA S OCiT J. J . ROUSSEAU
des atrocits des grands et la haine qu'il ne sait pas
dissimuler contre ces monstres-l , sont parmi les
sentiments qu'il exprime le plus volontiers entre les
annes iy5o et !y55~. Si, comme nous avons maintenant
des raisons de le croire, Diderot a revu ce dialogue,
et s 'il y a peut-tre ajout, ce fut en homme qui
connaissait bien son Jean-Jacques, et qui se rappelait
personnellement trop de conversations analogues pour
se mettre en frais d'invention.
Mais les Mmoires de M me ~'E'p~~r ne se bornent
pas ce r cit ils nous apportent un conte ') de Jean-
Jacques, qui lui aurait t suggr par ses conversa-
tions, et qui exprimerait sous f orme de parabole sa
pense religieuse d'alors aprs l'avoir improvis de-
vant Mme d'pinay, il l'aurait rdig sur la demande
de son amie 2; et ce serait ce texte que nous auraient
conserv les Mmoires3. Tous les historiens de Rous-
seau 4, ce qu'il me semble, admettent l'authenticit
de ce morceau, qui
me semble, quant
moi, plus que
1 Cf. ~p!
chette, ;8g6, in-i6, p. 278,note; Th. Dufour (avec quelques rserves),
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LE DINER CHEZ MADEMOISELLE QUINAULT 23
douteuse et voici pourquoi. C'est d'abord que cette
parabole M renferme des sentiments qu'il ne parat pas
que Rousseau ait jamais prouvs. Celui qui l'a crite
se soucie fort peu de savoir s'il y a ou non un Dieu
)e Dieu qu'il fait parler, Dieu lointain, la faon d'-
picure, et qui ne saurait jamais tre une Providence,dclare l'homme qui le cherche It importe fort peu,
mon ami, que vous et vos pareils croyiez ou niiez monexistence. Tranquillisez-vous. Au reste, ce n'est ni pourvotre bien, ni pour votre mal que vous tes sur l a
terre. Ce disme railleur, plus que voltairien, n'a jamais
t, je crois, celui de Jean-Jacques. En outre, et si, par
hasard, il avait adhr un instant ces conceptions, il
n'aurait pas choisi, pour les formuler, le moment m-
me o il l es repoussait or, dans les conversations quiencadrent la parabole M. Jean-Jacques dit prcismentle contraire de c e que dit la parabole )) il dfend
avec loquence la cause de Dieu, vante les consolations
des croyances religieuses dclare qu'il veut vivre en
bon chrtien M, sans se soucier de ce qu'il peut y avoir
d'illusions dans la foi, pourvu que ces illusions aident
porter la vie. Enfin, et depuis longtemps, les diteurs
de Diderot ont revendiqu pour ce dernier la para-bole des Mmoires 1. L'dition Brire de 182! t'a pu-blie sur une copie un peu diffrente et qui provient,sans doute, des papiers de Diderot. Les diteurs des
Pages indites de J. J. Rousseau, dans les Annales, I , 187-188; G. Vat-
lette, J. J. Rousseau g en ev oi s, P ar is , P io n, Igl i, in-8, pp. 76-77, etc.Cf . l es justes remarques de J . Asszat dans son di ti on , I V, 4 4. 3-
444.2 'urrM Denis Diderot , Paris , J. L. J. Brire, 18 21 , 2 1 vol. in-8,
t. I!, pp. 554-560. I l fautremarquer que, par
oubli sansdoute,
la
table chronologique du t. XXI, le conte n 'est pas marqu des deux toi-
les qui signalent les textes publis pour la premire fois.
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2~. ANNALES DE LA SOCIT J. J. ROUSSEAU
M~MozrM, avaient cru devoir supprimer deux phrases
qu'ils jugeaient irrvrencieuses elles se retrouvent
identiques dans la version des 'Myrcs de Diderot et
dans les manuscrits des McworM Ce conte est,
du reste, tout fait dans la manire de D iderot. Ceux
qui ont lu les Penses philosophiques et surtout la jPro-
menade du sceptique sont familiariss avec ce ton et
cette manie allgorisante~. II y a plus. L'Entretiend'un philosophe avec la m archale de contient, lui
aussi, une parabole , qui se prsente avec la mme
donne et les mmes artifices de rcit. Relisons l'his-
toire du jeune Mexicain s elle semble bien n'tre
qu'une rplique du conte des Mmoires: Las de s on
travail, [il] se promenait un jour au bord de la mer.
voit une planche qui ~re~a!~ d'un bout dans les eaux
et qui de l'autre posait sur le rivage. II s'assied sur
cette planche, et l, prolongeant ses regards sur la
vaste tendue qui se dployait devant lui, il se disait
Rien n 'est plus vrai que ma grand'mre radote avec son
histoire de je ne sais quels habitants, qui, dans je ne
1Ct., dans les 'Kfre~ de Diderot, dit. A ss za t, I V, ~j.5-~7 H
n'y a dans toute la contre qu'un seul homme au-dessus de nous tous.C'est pour cela que le souverain gnie l'a nomm le serviteur des ser-viteurs, car le souverain gnie est rempli d 'quit et de prudence, et
n'erre jamais dans ses jugements ; e t un pe u pl us loin Mais, lui
dit le vieillard, entre autres, croire que legnie a trois ttes et qu'unseul esprit an im e ce s t ro is t t es . N ot ons que da ns l a v er si on d es C E' !f -
vres de Diderot, l e co nt e e st i nt it ul : Q:e'! ~en~fOtMP D'ailleurs,
sauf une variante que je vais signaler, les deux versions ne prsententque des diffrences ngligeables. El les o nt t r el ev es presque toutes
par J. Asszat.
Cf. la XXIX*des Penses philosophiques, I, !;).o, o Diderot se mon-tre aussi indulgent pour l'incrdulit que le gnie o de la Parabole;
e t dans les Addit ions a ux p en s es ph il oso ph iq ue s, I , [ 60- 17 0, l 'a ll g or iedu misanthrope , que j'ai cite plus haut dans les notes des M-
moires.3 Entretien ~'UK philosophe, II, 52~-525.
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~6 ANNALES DE L A SOCI T J . J . ROUSSEAU
bout ses cts. Il lui demanda o il tait, et qui il
avait l'honneur de parler. Je suis le souverain de la
contre, lui rpondit le vieillard. A l'instant le jeune
homme se prosterne Relevez-vous, lui d it le vieil-
lard. Vous avez ni mon existence ? II est vrai.
Je vous pardonne parce je suis celui qui voit au fond
des curs et que j'ai lu au fond du vtre que vous tes
de bonne foi . II me'semble que cette seule lecture estdcisive la Parabole et le conte allgorique sont du
mme auteur.
Cette conclusion nous surprend d'autant moins que
nous avons vu les pages prcdentes des Me~0!?*es de
Mme d'pinay toutes pntres de Diderot, et, en quel-
que sorte, farcies de ses centons. Avant d'avoir examin
les manuscrits des Mmoires qui m'ont manifest cette
intervention inattendue de Diderot dans leur rdaction,
j'tais dj convaincu que la Parabole lui appartenait.
Pour expliquer son attribution formelle Rousseau, Je
supposais que Rousseau, qui copiait si volontiers tout
ce qui lui paraissait remarquable ses cahiers en font
foi avait laiss Mme d'pinay une copie du conte
de Diderot; que, plus tard, en rdigeant ses Mmoires,
Mme d'pinay avait retrouv ces quelques pages de l'-
criture de Jean-Jacques, et, oubliant ou ignorant qu'elles
n'taient point de lui, les avait insres dans son rcit.
Cette hypothse me parat aujourd'hui fragile et je
croirais beaucoup plus volontiers que c'est sur une
copie de Diderot lui-mme que la Parabole a pass
dans les Mmoires. Nous avons v u d ans les pages qui
la prcdent les incessantes additions de Diderot nous
avons vu que toutes ces additions, sauf une, se retrou-
vaient dans des ouvrages de la vieillesse de Diderot, et,
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L E DINER CHEZ MADEMOISELL E QUINAULT 27
en particulier, dans l'.EM~re//CH d'un philosophe avec la
marchale ~e* qui e st de 1776. C'est aussi dans cet
Entretien que nous avons lu le conte du jeune Mexicain,
qui offre de si frappantes analogies avec la Parabole.
Elle a grande chance, selon moi, d'avoir t compose la mme poque. Mais pourquoi l'avoirmise au compte
de Rousseau avec une telle insistance~? Qui est res-
ponsable de ce faux, Diderot ou M"' d'pinay ? Dide-rot aurait-il attribu son ancien ami cette philosophie
presque athe, pour confirmer ce qu'il avait dit de lui
M"e VoIIand c'est un homme excessif, ballott de
l'athisme au baptme des cloches ? M"~ d'pinay se
serait-elle purement et simplement trompe dans ses
notes? Autant de questions que je pose en terminant,
sans pouvoir y donner encore de rponse.
Pierre-Maurice MASSON.
P.-S. Je me rserve de tenter ailleurs une d-
monstration analogue pour la conversation du premier
dner Quinault (dit . Boiteau, I , 2i5-22y). Cette discus-
sion sur la pudeur me parat trs fortement arrange
par l'auteur du Supplment au Voyage de Bougainville.
On a vu l'enthousiasme de Dulaurier-Saint-Lambert
pour les processions de la Fte-Dieu. Ici encore, ne
serait-ce pas Diderot qui aurait prt le sien aux per-
sonnages de Mme D'pinay ? Cf. le Salon de /y6' X,
3g i, o il dcrit l'enthousiasme de la multitude la
procession de la Fte-Dieu, e nthousiasme, dit-il, qui
C f. l es t ex te s des manuscrits des Mmoires cits la note 2 de l apage 22.
2 Let tr e du 25 juillet 1762, XIX, 82.
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28 ANNALES DE LA SOCIT J. J. ROUSSEAU
me gagne moi-mme quelquefois. Je n'ai jamais vu
cette longue file de prtres en habits sacerdotaux, ces
jeunes acolytes vtus de leurs aubes blanches, ceints
de leurs larges ceintures bleues et jetant des fleurs de-
vant le Saint-Sacrement, cette foule qui le prcde et
qui le suit dans un silence religieux, tant d'hommes le
front prostern contre la terre je n'ai jamais entendu
ce chant grave et pathtique donn par les prtres et r-
pondu affectueusement par une infinit de voix d'hom-
mes, de femmes, de jeunes f il les et d'enfants, sans que
mes entrailles ne s'en soient mues, n'en aient tres-
sailli et que les larmes ne m'en soient venues aux
yeux.
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LE MANUSCRIT CZARTORYSKI
DES CONSIDRATIONS
SUR LE GOUVERNEMENT
DE POLOGNE
drations sur l e gouvernement de Pologne. Je suis heu-
reux de pouvoir complter cette bonne nouvelle par la
description exacte de cette prcieuse trouvaille. J 'a i pu
mme, grce l'extrme obligeance de la direction des
Archives Czartoryski, et notamment de M. Biskupski,faire photographier deux pages de l'autographe de
Rousseau. Le lecteur les trouvera dans ce volume des
Annales et pourra se convaincre par lui-mme de l'au-
thenticit et de l'importance du manuscrit de Cracovie.
Aux Archives Czartoryski ce manuscrit porte le n
i3Q2. C'est un petit volume (le papier mesure !y,5X i ;)dans une jolie reliure rouge de l'poque. Il s'ouvre sur
trois feuillets non chiffrs les deux premiers sont
blancs sur le troisime une main inconnue a
crit en'Cf. la Bibliographie du prsent volume des Annales.
ANS un article du Bulletin du BibliophileM. de Girardin a rvl aux rousseauistes
l'existence Cracovie, aux Archives Czar-
toryski, du manuscrit original des Consi-
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3o ANNALES DE L A SOCI T J . J . ROUSSEAU
polonais ces quelques mots dont voici la traduction
textuelle
L'autographe de la main de Jean-Jacques Rousseau sur le Gou-
vernement polonais crit sur la demande de Michel Wielhorski,
envoy par la Confdration de Bar comme ambassadeur Paris
par le fils dudit Michel Wielhorski, Joseph, apport et offert le
8-20 avril tSo~, la bibliothque.
Le nom de la bibliothque a t ratur.
L'estampilleque l'on voit s ur la premire page du texte suggre
l 'ide de la clbre rsidence des Czartoryski, Pulawy,
dont Delille a chant (dans ses,Jardins) les charmes
que le ciel partage d'autres lieux M et le muse, asile
studieux. .
A la suite de ces trois feuillets non chiffrs l'on a in-
tercal un portrait de Rousseau en bonnet de fourrure,
grav par H. Godin, avec la lgende y~K-y~c~MM )
Rousseau 1 N Genve en yo