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Notes de lecture 471 Vest ici une interrogation de I’interieur qui est proposee aux individus passa- blement harceles par les exigences de la modernite (ascension et aiguillage sco- laire, promotion, exclusion, chomage, entree en maladie...). Presentateur de cet ensemble, F! Tap justifie fort bien l’opportunite de cette reprise en consideration. Les referents de base sont deux pragmatistes anglo-Saxons bien connus, du debut du siecle, W. Jammes (pbre de la philosophie americaine independante) et C. Cooley. Le premier mettait l’accent sur la dynamique intrapersonnelle et intra- psychique pour la construction du Soi et l’emergence de la valeur personnelle. Le second associait l’estime de soi a l’approbation d’autrui, a la socialisation. Les travaux qui ont decoule de ces points de vue complementaires ont CtC essentiellement de langue anglaise. Nous sont ici livrees des recherches franco- phones. Un premier groupe decrit et analyse les mecanismes de l’estime de soi dans l’enfance, a la puberte et a l’adolescence. Le dew&me nous plonge dam le monde de l’tducation, au gre des demarches Cducatives, scolaires ou familiales. Le troisibme, enfin, analyse les modifications de cette image consecutives a la maladie (sida, cancer) ou a la privation d’emploi. Par cette lecture, nous sommes invariablement soumis a la tentative de rigueur (tentative nuande, affinee, bien stir) des questionnaires. Mais, par la, nous sommes confront& aux innombrables situations qui nous entourent ou qui nous concernent. PB. I Cyrulmk B. L’Ensorcellement du monde. Paris : Odile Jacob ; 1997. 312 p. L’ensorcellement est le terme que l’auteur choisit pour d&ire la dependance de tout Ctre vivant par rapport aux sens grace auxquels il percoit le monde. En par- ticulier pour l’espbce humaine, le langage qui faconne la culture va conditionner tout nouveau petit vivant : subir le biotope comme les autres vivants, et en plus pour l’homme << subir le milieu rCglC par le r&it des autres >>. Rien ou presque a voir avec l’ensorcellement - Csenchantement par lesquels Max Weber decrivait la tache de l’homme : ici, pas d’evolution morale, mais seulement biologique, surtout la maturation qui m&e de la vie a la mort. Trois themes autour desquels sont regroup& les chapitres qui composent ce livre : le corps, l’alentour (c’est-a-dire les alentours), l’artifice. Autour du premier, les sujets trait& paraissent les plus familiers pour un lecteur sans connaissance particulibre : coexister, manger, donner la mort, taches pour lesquelles les humains fabriquent de la culture. L’cc alentour >>, pluriel que l’auteur singularise pour mieux le generaliser, designe en fait les rapports de l’individu avec son envi- ronnement, la << porosite >> dont il fait preuve a l’egard du regard d’autrui, ou

Cyrulnik B, ,L'Ensorcellement du monde (1997) Odile Jacob,Paris 312

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Notes de lecture 471

Vest ici une interrogation de I’interieur qui est proposee aux individus passa- blement harceles par les exigences de la modernite (ascension et aiguillage sco- laire, promotion, exclusion, chomage, entree en maladie...). Presentateur de cet ensemble, F! Tap justifie fort bien l’opportunite de cette reprise en consideration. Les referents de base sont deux pragmatistes anglo-Saxons bien connus, du debut du siecle, W. Jammes (pbre de la philosophie americaine independante) et C. Cooley. Le premier mettait l’accent sur la dynamique intrapersonnelle et intra- psychique pour la construction du Soi et l’emergence de la valeur personnelle. Le second associait l’estime de soi a l’approbation d’autrui, a la socialisation.

Les travaux qui ont decoule de ces points de vue complementaires ont CtC essentiellement de langue anglaise. Nous sont ici livrees des recherches franco- phones. Un premier groupe decrit et analyse les mecanismes de l’estime de soi dans l’enfance, a la puberte et a l’adolescence. Le dew&me nous plonge dam le monde de l’tducation, au gre des demarches Cducatives, scolaires ou familiales. Le troisibme, enfin, analyse les modifications de cette image consecutives a la maladie (sida, cancer) ou a la privation d’emploi.

Par cette lecture, nous sommes invariablement soumis a la tentative de rigueur (tentative nuande, affinee, bien stir) des questionnaires. Mais, par la, nous sommes confront& aux innombrables situations qui nous entourent ou qui nous concernent.

PB.

I Cyrulmk B. L’Ensorcellement du monde. Paris : Odile Jacob ; 1997. 312 p.

L’ensorcellement est le terme que l’auteur choisit pour d&ire la dependance de tout Ctre vivant par rapport aux sens grace auxquels il percoit le monde. En par- ticulier pour l’espbce humaine, le langage qui faconne la culture va conditionner tout nouveau petit vivant : subir le biotope comme les autres vivants, et en plus pour l’homme << subir le milieu rCglC par le r&it des autres >>. Rien ou presque a voir avec l’ensorcellement - Csenchantement par lesquels Max Weber decrivait la tache de l’homme : ici, pas d’evolution morale, mais seulement biologique, surtout la maturation qui m&e de la vie a la mort.

Trois themes autour desquels sont regroup& les chapitres qui composent ce livre : le corps, l’alentour (c’est-a-dire les alentours), l’artifice. Autour du premier, les sujets trait& paraissent les plus familiers pour un lecteur sans connaissance particulibre : coexister, manger, donner la mort, taches pour lesquelles les humains fabriquent de la culture. L’cc alentour >>, pluriel que l’auteur singularise pour mieux le generaliser, designe en fait les rapports de l’individu avec son envi- ronnement, la << porosite >> dont il fait preuve a l’egard du regard d’autrui, ou

472 Notes de lecture

encore le magnetisme qu’il subit de certains autres, le role des pheromones chez certaines especes, la domestication, l’hypnose chez l’homme et chez l’animal, la capture par le mot, l’opposition soumis/insoumis - telles sont quelques-unes des differentes caracteristiques que decrit Cyrulnik pour illustrer la force de ce lien d’ensorcellement. De meme, la vie prenatale de certaines especes (crustaces, blattes) montre N que l’inne ne peut developper ses acquis que sous la pression du milieu n. Enfin le leurre, l’artifice, constituent le troisibme sujet de l’etonne- ment emphatique de Cyrulnik pour tous les vivants : par exemple, la danse des leurres des Cpinoches de Tinbergen n’a jamais modifie le comportement des Cpi- noches reels. Les artifices peuvent aussi Ctre des drogues, comme chez ce rat qui finit par mourir de plaisir a force d’appuyer sur le levier qui va declencher l’elec- trode qui envoie une decharge dans l’aire corticale. Dans certaines situations, l’empathie est, elle aussi, une source d’ensorcellement.

Ce livre est riche de connaissances et de suggestions pour tous ceux qui cher- chent a situer le fonctionnement du vivant et a comprendre comment l’homme est lie a la condition de tous les vivants, mais de facon toute speciale, << car l’homme est le seul animal qui Cchappe a la condition animale >). Ce livre est en fait un plaidoyer en faveur de l’ethologie contre toute sociologic qui hierarchise- rait les Ctres vivants, et d’abord les diviserait en deux, corps et esprit. Seul le regard Cthologique rend a l’homme la place biologique que lui confere sa dimen- sion specifique : la culture.

D.C.

I Escande M. L’Hyst&ie aujourd’hui. De la clinique B la psychothCrapie. Paris : Masson ; 1998.214 p.

L’hysterie est bien le grand theme clinique qui, traversant les sibcles, a fait couler beaucoup d’encre ! Face a cette souffrance proteiforme, piegee, que l’on croyait like au seul sort de la femme, le clinicien moderne est oblige d’affirmer sa peren- nit& 11 constate les efforts vains, pourtant mtritoires, des Cpidemiologistes et des classificateurs dans leur tentative de la morceler, de disperser ses symptomes dans differents groupes. Cet ouvrage rassemble les connaissances actuelles sur ce sujet. M. Escande commence par reprendre les definitions qui ont et6 donnees de l’hys- terie et le concept que l’on a voulu en faire. 11 aboutit a la condensation suivante : un style expressionnel original, double d’une pensee et d’un langage peu symbo- lise, une modalite defensive particuliere de seduction, un manque variablement profond de libido narcissique masque et attenue par la sexualisation precoce du corps. L’historique, fort detaille, est volontairement subdivise en trois parties : avant Freud, avec Freud et la psychanalyse qui lui doit sa naissance, et, plus