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PROJET ACTION - RECHERCHE Enquête sur le passage et le devenir des jeunes
confiés au sein de la MECS
IRTS Poitou-Charentes – 1 rue Guynemer – BP 215 –
86000 POITIERS
Anna DELAGE – [email protected]
Attachée de recherche – PREFAS Poitou-Charentes
1
IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
SOMMAIRE
I Le contexte ............................................................................................................................................................. 2
Le contexte régional et départemental ................................................................................................................. 2
Présentation de la Salamandre ............................................................................................................................. 3
Caractéristiques psycho-sociales du public accueilli ............................................................................................. 5
Mission et évolution de la structure 1996-2012 ................................................................................................... 5
II L’enquête ............................................................................................................................................................. 10
Le contexte de l’enquête ..................................................................................................................................... 10
La méthode utilisée ............................................................................................................................................. 11
La problématique................................................................................................................................................. 13
Les hypothèses ................................................................................................................................................... 19
III Analyse ................................................................................................................................................................ 21
Le questionnaire en direction des professionnels ............................................................................................. 21
Le questionnaire à destination des personnes sorties de La Salamandre ......................................................... 29
L’importance du placement ............................................................................................................................... 35
IV Synthèse comparative et pistes de réflexions ................................................................................................... 43
Annexes ................................................................................................................................................................... 46
2
IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
I. Le contexte
Le contexte régional et départemental
Cette étude a été réalisée en région Poitou-Charentes, dans le département des Deux-Sèvres (1,7
millions d’habitants en 2010). Les habitants Picto-Charentais ont un revenu médian inférieur au niveau
national médian.
En 20121 la population totale des 303 communes du département des Deux-Sèvres s'élève à 382 428
habitants. Le taux de pauvreté de 13,3% est le plus faible de la région, il se trouve un peu en dessous
de la moyenne nationale qui se situe à 14,1%2 .
Les jeunes de moins de 20 ans représentent 23,40% de la population, parmi lesquels, 2% bénéficient
d'une mesure de protection et/ou d'action éducative à domicile, ce taux étant légèrement supérieur au
niveau national.
o Quelques chiffres relatifs à la protection de l’enfance sur le département
En 2012, 1 600 enfants sont accompagnés dans le cadre de la protection de l'enfance dans le
département, le maintien à domicile des enfants restant l'une des priorités (1020 enfants accompagnés
à domicile). Le budget engagé par le Conseil Général pour l'accompagnement des familles s’élève à 2
millions d’euros.
Plus de la moitié des enfants accueillis dans les structures de la protection de l’enfance ont entre 12 et
20 ans ; 73% des accueils sont d'origine judiciaire, 10% des accueils relèvent d'un contrat administratif
(accueil provisoire), 17% sont des contrats jeunes majeurs.
L'offre d'accueil en établissement dans le département des Deux Sèvres est davantage répartie sur le
territoire Nord-Sud. Les 6 Maisons de l'Enfance à Caractère Social (MECS) disposent de 83 places en
collectif, 70 places en accueils diversifiés, 88 places en internat MECS et placement familial.
1 Source INSEE
2 Source INSEE 2010
3
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Présentation de la Salamandre
La Salamandre (Maison de l'Enfance à caractère Social) est implantée à Brioux-sur-Boutonne dans la
région Poitou-Charentes sur le territoire des Deux-Sèvres, depuis 1996.
C'est un établissement associatif, loi 1901 qui dépend de la convention collective du 15 mars 1966,
totalement financé par le Conseil Général des Deux-Sèvres. Cette MECS accueille des enfants confiés
au service de l’Aide Sociale à l’Enfance de ce département, dans le cadre de l'article 375 du Code Civil
par placement judiciaire, et/ou dans le cadre de mesures administratives à la demande des parents,
et/ou de placement Relais Enfance Famille3.
Cette structure, dont la capacité d'accueil est de 25 enfants (garçons ou filles) âgés de 3 à 16 ans a la
particularité de recevoir des fratries pour lesquelles des difficultés sociales et affectives ont été
repérées. Elle offre une possibilité de dérogation pour l'accueil de jeunes majeurs.
Cet établissement, ouvert 365 jours par an dispose de quatre logements autonomes, d’une salle de
jeux (depuis 1998). La structure dispose également d’un appartement (T2) pour un hébergement
ponctuel de jeunes et/ou de parents. Elle a également un appartement d’accueil (relais, type T4)
destiné à des groupes d’enfants, ou bien aux familles pour les week-ends.
o Le personnel
L'équipe de La Salamandre est constituée à 80% d'un personnel socio-éducatif :
- Un directeur, nommé par le CA, garant du projet d’établissement, fixe les objectifs pédagogiques et
coordonne l’ensemble de l'équipe.
- Un chef de service éducatif, en charge de l’animation pédagogique de l’équipe a également un rôle
d’interface avec les familles et les institutions comme l’école ou les administrations.
3 Ce dispositif vise à apporter une souplesse dans le mode d’accueil des enfants et permet une graduation des réponses en
s’adaptant aux situations. Ce sont des formules alternatives qui s’inscrivent : entre le maintien de l’enfant à domicile et les
placements en institution ou en famille d’accueil. Ils peuvent se faire sous deux formes : dans le cadre d'un placement
judiciaire REF; dans le cadre administratif.
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- Une psychologue accompagne les familles dans la relation à l’enfant, effectue des diagnostics,
travaille autour des suivis et des bilans des enfants en lien avec l'équipe et les intervenants extérieurs
(enseignants, secteur psychiatrique, participation aux réunions, etc.).
- Huit « éducatrices familiales » (au féminin dans les rapports) accompagnent au quotidien les enfants
dans un cadre de « vie familiale ». Elles sont référentes ou co-référentes d’une fratrie. L’éducation
quotidienne passe par un apprentissage à la fois de la vie domestique (sécurité des enfants, hygiène,
nourriture, horaires, entretien de la maison, gestion du budget familial, loisirs) mais aussi, la vie à
l’école, celle de la « cité », l’apprentissage autour de la citoyenneté.
- Deux « éducateurs scolaires » (nommés « pédagogues » auparavant), sont en charge de
l’accompagnement scolaire, l’aide à l’intégration des enfants à l’école, la mise en place des activités de
loisirs à la fois à l’extérieur et durant des week-ends/vacances. Ils aident l'enfant à se projeter vers
l'avenir, l'accompagnent dans l’apprentissage social et professionnel en partenariat avec des
intervenants extérieurs.
- Un animateur sports/loisirs, organise les activités sportives et culturelles, l’animation d’activités
créatrices et s’implique de façon générale dans la vie associative.
- Une secrétaire, secrétariat-comptabilité.
- Une lingère, effectue les travaux ménagers des locaux, lave et entretient le linge des enfants.
L’ensemble du personnel de La Salamandre bénéficie régulièrement de formations et participe depuis
2009 à des groupes d'analyse de la pratique.
Des échanges et des contacts réguliers sont réalisés avec l'ensemble des partenaires tels que les
services d’Aide Sociale à l’Enfance, la Justice, l’institution scolaire, diverses associations afin d’évaluer
la situation de l’enfant et de sa famille ou d’assurer le tutorat socioprofessionnel des jeunes adultes
confiés à l’établissement.
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Caractéristiques psycho-sociales du public accueilli
La structure accueille des jeunes victimes de maltraitances physiques, abus sexuels, maltraitances
psychologiques et/ou affectives, défaillances et/ou négligences éducatives graves.
Bien que l'objectif du placement relève d'une mesure de protection, il peut être perçu par les enfants
comme une « punition » ou « une sanction » et s'accompagne d’un sentiment de culpabilité. L’idée de
s’engager « sans leur famille » pour ces jeunes peut être, parfois, vécue comme insupportable et de
l’ordre de la trahison (conflit de loyauté). Les professionnels repèrent chez ce public des difficultés à
s’engager et à s’impliquer à plusieurs niveaux (relationnel, scolaire, loisirs sportifs et culturels).
Différents rapports (activité, projet d’établissement) produits par les personnels de la MECS relèvent
que les jeunes sont en difficultés scolaires, « l’école serait le révélateur principal des malaises
familiaux ». Cela se traduit de la part des enfants par des comportements d’instabilité, un manque de
contrôle, de l’inattention, une pauvreté de vocabulaire, des manques de stimulations culturelles ou de
fortes difficultés à se projeter dans l’avenir.
Missions et évolution de la structure 1996-2012
Au cours des vingt dernières années, La Salamandre a fait évoluer ses objectifs en les adaptant aux
différentes problématiques rencontrées par le public et en les rapportant aux différentes lois de 20024
et 20075 .
Au départ, la structure est davantage tournée vers le vécu de l’enfant, notamment autour de la
question du « soutien dans le processus d’élaboration et de compréhension des événements qui lui
arrive » (1996), puis un travail de réflexion est mené autour de la question du lien entre la famille et
l’enfant que les professionnels vont accompagner à se « réinsérer au sein de sa famille » (1997).
4 Cf ci-dessous
5 Loi du 5 mars 2007, article L.112-3 reformant la protection de l’enfance. Cette loi poursuit 3 objectifs : renforcer la
prévention, améliorer le dispositif d’alerte et de signalement, diversifier les modes d’interventions auprès des enfants et de
leur famille (la possibilité d’accompagnement partiel des enfants chez leurs parents). L’article 112-4 indique que l’intérêt de
l’enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de
ses droits, doivent guider toutes les décisions le concernant.
6
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La Salamandre, dans le cadre de l'accueil préférentiel d'enfants/fratries accompagne donc la question
du lien familial et la restauration de ce lien, développe un travail de médiation avec les familles tout en
s'attachant à la protection des enfants. L’accompagnement réalisé n'est jamais en opposition avec les
familles mais relève bien d’une construction ou reconstruction des liens et relations entre les différents
acteurs (parents, grands-parents, famille élargie).
o Projet avec les enfants
En 1997, les objectifs de départ gravitent autour de « l’éducation et la protection des enfants »
transcrits dans une charte « Droits et Devoirs des Enfants et des Adultes » coécrite par la psychologue
et les enfants. Puis en 1999, la prise en compte de l’enfant et de son histoire s’oriente vers une volonté
de lui donner les moyens pour devenir « acteur de sa propre vie ». Des bilans psychologiques pour
les enfants sont proposés ainsi que l'animation de groupes de paroles.
En 2000, la Maison d’Enfants s'organise autour du concept de résilience, avec la question de savoir :
« comment La Salamandre peut favoriser la résilience ? ». Il s’agit dès lors de prendre appui sur deux
orientations apportées par la convention de la Déclaration des Droits de l’Enfant6, faisant appel aux
droits participatifs, aux droits protecteurs et à la pédagogie. La structure adopte dès lors une démarche
de « pédagogie résiliente » 7 et axe son travail autour de la valorisation des « aptitudes et
compétences » du public accueilli, de « l’estime de soi », de « l’humour », des réseaux des contacts
« informels », de la « portance » à travers la création d’un milieu de « bientraitance ».
6 Cf Convention International relative aux droits de l’enfant, adoptée le 20 novembre 1989
7 La notion de résilience est « introduite » (mis en lien avec les neurosciences) en France par Boris Cyrulnik, globalement ce
terme renvoi sur la capacité de l’individu a « surmonter » un évènement potentiellement traumatique : « la résilience, c’est
plus que résister, c’est aussi apprendre à vivre », p185-Un merveilleux malheur, Boris Cyrulnik, Odile Jacob, 2002.
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Dans le cadre de la loi de 20028 afin de réaffirmer la place des parents, confirmer la place centrale de
l’enfant et le lien à sa famille, La Salamandre met en place pour chaque enfant un contrat d'accueil
avec un projet éducatif.
Le projet éducatif définit les objectifs attendus, les prestations de services, les modalités et moyens
utilisés, les échéances prévues et les personnels concernés. Il est élaboré « pour et avec l’enfant ».
Progressivement, on assiste à une évolution de l’enfant à soigner à « l'enfant citoyen [qu’il
faut] accompagner dans son insertion sociale » -et professionnelle-, puis la mise en place d'un
processus « d’alliance éducative » avec les parents de l’enfant, l’ensemble des intervenants,
professionnels ou bénévoles.
A partir de la création d'instances concrètes telles que le conseil de discipline composé d’enfants et
d’éducatrices élus par les enfants ou le Conseil d’Établissement où siègent les enfants, La Salamandre
crée une « microsociété ». La volonté est d’inculquer l’idée auprès du jeune public accueilli de
citoyenneté et d’appartenance à la communauté humaine.
o Projet avec les parents
Un « plan de co-éducation » avec les parents est instauré pour une meilleure prise en charge des
enfants : accompagnement aux rendez-vous médicaux, participation aux rencontres scolaires,
implication autour du bien être matériel et vestimentaire. Il s’agit à la fois de mieux reconnaître les
droits parentaux et/ou d’éveiller des pratiques parentales à partir de sollicitations pour une meilleure
implication à la vie institutionnelle de ces derniers, toujours dans l’intérêt de l'enfant.
L'objectif de la démarche pédagogique reste toujours le maintien et l'amélioration les liens entre
l’enfant et sa famille. En 2009, suite à l’évaluation de l’établissement et afin d'ajuster les pratiques, un
référentiel est réalisé. Également, un travail de médiation familiale se construit à partir de temps
d’observation qui permettront aux acteurs professionnels de mieux adapter leurs accompagnements à
l'évolution des problématiques spécifiques de chaque enfant.
8 La loi du 2 janvier 2002 est venue réaménager le secteur social et médico-social. La loi se décline en 4 axes. 1
er axe :
Affirmer et promouvoir les droits des bénéficiaires et de leur entourage, affirmer le droit des usagers sous l’angle d’une
meilleure reconnaissance du sujet citoyen, en définissant, les droits et libertés individuels des usagers du secteur social et
médico-social. 2e axe : Élargir les missions de l’action sociale et médico-sociale et diversifier les interventions des
établissements et services concernés ; caractériser les grands principes d’action sociale et médico-sociale et mettre l’accent
sur les deux principes qui doivent guider l’action : le respect de l’égale dignité de tous et l’accès équitable sur tout le
territoire. 3e axe : Améliorer les procédures techniques de pilotage du dispositif, renforcer la régulation et la coopération des
décideurs et des acteurs, et avoir une organisation plus transparente de leurs relations avec les opérateurs. 4e axe : Soumettre
à une procédure d’évaluation tous les établissements et services qui doivent pratiquer une auto-évaluation tous les 5 ans et
une évaluation externe tous les 7ans.
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o La démarche de médiation familiale
Ce travail de « médiation familiale » se décline ainsi : des rencontres avec la famille sont organisées
avec un retour sur les parcours familiaux, une définition du contexte et de la contrainte liés au
placement de l'enfant à partir d'une lecture de l’Ordonnance de Placement du Tribunal pour Enfants et
la définition des rôles de chacun.
Pour accompagner cela, sont mis en place :
- Des entretiens réguliers réalisés avec la psychologue, le chef de service, les éducatrices familiales
le/les parents seuls, les parents/enfants,
- Des visites à domicile avec si nécessaire un accompagnement des familles pour des démarches
matérielles ou juridiques,
- Des visites médiatisées dans le T2 ou «l’appartement famille » mis à disposition par la structure pour
faciliter les rencontres familiales.
Ces modalités de rencontres parents/enfants/fratries sont appliquées en fonction du contrat d'accueil
ou selon l'ordonnance du Juge des Enfants (visites régulières le week-end avec ou sans hébergement,
visites de journée, ou encore visites médiatisées, en présence des professionnels).
o Outils pédagogiques et partenaires
La valorisation des apprentissages scolaires à partir de supports concrets comme l'aide aux devoirs, le
renforcement des acquisitions scolaires ou la « stimulation culturelle » font partis des objectifs
d'accompagnement des jeunes de La Salamandre. Des outils pédagogiques innovants ont été
construits tels que, par exemple, la création en 1999 d’un journal « l’écho de La Salamandre », puis
par la suite l'aménagement d’un jardin, ou l’écriture de livres de contes.
Des activités culturelles, sportives et les séjours vacances (à partir de l’année 2000) basés sur un
principe de libre adhésion et de choix des enfants, se sont développés.
A partir de 2006, l’ADEPAPE (Association d'Entraide des Pupilles et Anciens Pupilles de l'Etat et des
Bénéficiaires de l'Aide Sociale à l'Enfance) et ADPEP (Association Départementale des Pupilles de
l’État) organisent des sorties et/ou des séjours avec les enfants. Ces temps en dehors de
l'établissement ou la cellule familiale sont un support à l'intégration et à la socialisation des jeunes.
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o Une première enquête de satisfaction en 2009 à La Salamandre
Des évaluations régulières sont préconisées dans le souci de poursuivre la dynamique instaurée dans
la structure. L'enquête de satisfaction réalisée en 2009 a permis de mesurer les actions de La
Salamandre tant auprès des enfants que des parents.
Les résultats montrent, une adéquation des prises en charge au niveau éducatif et un taux de
satisfaction.
Après 20 ans d’existence, l’équipe dirigeante a été renouvelée, une nouvelle enquête est sollicitée.
L'idée est de poursuivre les objectifs d'évaluation déjà engagés dans la démarche éducative. A partir
de ce travail de recherche, il s'agit de mieux connaître l’évolution des parcours des jeunes confiés à La
Salamandre. Cette étude s’intéresse à leur devenir pendant, à la sortie et à l'après Salamandre, tant au
niveau de leur insertion socioprofessionnelle que personnelle et familiale.
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IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
II. L’enquête
Le contexte de l’enquête
Ce travail d'enquête est commandité par l’ancien Directeur de la structure (membre du CA), le chef de
service, les membres de l’association ADEPAPE (Association Départementale d’Entraide des Personnes
Accueillies à la Protection de l’Enfance) et l’ensemble de l’équipe de La Salamandre.
o La commande
- Produire des connaissances pour perfectionner la démarche éducative, notamment en matière
socioprofessionnelle des personnes en situation de post-placement.
- Permettre de faire une étude sur le parcours institutionnel de ces personnes, parvenir à avoir une
représentation approchante des enjeux qui entourent la période de passage à la « vie adulte » lors de
la sortie de La Salamandre.
o Calendrier
L’enquête se déroule sur une période de 8 mois. Après les premières rencontres au mois d’Octobre
2013 pour définir la commande, l’équipe de recherche a élaboré des questionnaires à destination des
professionnels et des personnes sorties de La Salamandre.
Les questionnaires envoyés début novembre, sont retournés début décembre 2013, analysés par
l'équipe de recherche en janvier 2014.
En Février 2014, une première restitution des résultats est partagée avec les commanditaires et
l’équipe actuelle de La Salamandre lors d’une réunion de pilotage, l'enquête définitive devant être
restituée en mai 2014.
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La méthode utilisée
La première phase de l’enquête est d’abord exploratoire (Octobre 2013-Novembre 2013). Durant
cette période de recherche, nous avons recueilli les données existantes, relatives à notre sujet et au
terrain d’enquête, puis construit les questionnements et axes de travail.
A partir de ce « diagnostic » exploratoire les outils méthodologiques et de terrain ont pu être définis.
Le questionnaire nous paraissait l’outil le plus pertinent d’autant que celui-ci s’adresse à un public peu
nombreux ce qui nous permettait de nous appuyer sur une méthode de traitement qualitatif des
données.
Nous avons dans un premier temps réalisé un questionnaire en direction des professionnels de La
Salamandre afin de pouvoir appréhender et analyser leurs pratiques. Le questionnaire a été construit
en gardant l’idée d’interroger la notion de « passage » et de « sortie » de la structure. Les
questionnaires en direction des professionnels ont été envoyés à La Salamandre et distribués aux
professionnels par les soins de l’ancien directeur.
Un questionnaire en direction des « jeunes » ayant quittés La Salamandre a été envoyé. Pour cet
envoi l’ensemble de l’équipe actuelle s’est mobilisée. Le directeur possède la liste (nominative) des
enfants placés à La Salamandre. Cette « liste » précise le nom, la date de naissance, et l’entrée et la
sortie de la structure.
La secrétaire-comptable a sollicité les éducateurs qui étaient encore en contact avec « des jeunes »
sortis de La Salamandre. Les jeunes actuellement confiés ont aussi fait le relais auprès des
« anciens » avec qui ils étaient en relation. Une fois les informations « récupérées », certaines
personnes ont été « appelées » par la secrétaire-comptable qui leur a expliqué la démarche de
l’enquête. Pour une personne de l’échantillon, elle a, en accord avec l’ancien directeur, rempli le
questionnaire par téléphone avec le jeune. Lors du contact téléphonique et dans le mot complétant les
questionnaires, il n’a pas été mentionné les « 20 ans » de la structure.
L’échantillon n’a pas été relancé pour le retour des questionnaires. La fin de collecte des
questionnaires a été fixée début janvier 2014 (3 questionnaires sont arrivés après la date prévue du 28
novembre 2013).
La phase d’analyse a démarré à partir du traitement des données quantitatives des questionnaires
(avec le logiciel SPHINX) et les éléments qualitatifs exprimés à partir des questions « ouvertes ». Les
résultats ont été confrontés, analysés puis restitués.
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IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
o Notes méthodologiques
La passation des questionnaires à destination des « jeunes » sortis de La Salamandre s’est faite par le
réseau institutionnel. De plus, l’envoi des questionnaires a été relativement personnalisé (écriture à la
main d’une carte d’information), marqué par l’investissement de La Salamandre (entrée en contact
avec les jeunes, où le questionnaire a été retourné).
Ces considérations sont importantes car elles ont pu avoir une influence lors du remplissage des
questionnaires et/ou du choix d’y répondre ou non. De même, il peut être envisagé que certaines
personnes ont assimilé cette enquête comme un moyen « de rester en lien » avec La Salamandre.
o Construction de l’échantillon
- Questionnaires à destination des professionnels : sont concernés tous les professionnels qui
constituent l’équipe actuelle de La Salamandre, ainsi que ceux qui ont été membres de l’équipe (et qui
ne sont aujourd’hui plus en poste).
- Questionnaires à destination des « jeunes » sorties de La Salamandre : être actuellement majeur, en
novembre 2013, avoir 18 ans ou + (soit être né avant décembre 1995) et avoir été accueilli à La
Salamandre et ayant atteint l’âge de 14 ans et/ou davantage pendant la durée de placement, quelle
qu'en soit sa durée.
Selon ces critères, nous en arrivons à un échantillon : de 38 personnes.
Soit : 38 personnes sur 152 placées à La Salamandre, soit ¼, susceptibles de répondre au
questionnaire.
Quelques caractéristiques :
- 4 jeunes sont toujours en situation de placement (jeunes majeurs)
- Temps indicatif de placement/personne de l’échantillon :
Tps de
placeme
nt
/mois <12 12 24 36 48 60 72 84 96 10
8
12
0
13
2
14
4
15
6
/anné
es
<1a
n
1a
n
2an
s
3an
s
4an
s
5an
s
6an
s
7an
s
8an
s
9 10 11 12 13
nb
pers./échantillon 3 6
10+
1 9 1 5 2 1 1
< --------------------- >
Durées de placement <1 à 3+ comprenant le + grand nombre de personnes
13
IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
En raison de la commande, nous avons donc fait le choix d’étudier les personnes qui sont
actuellement majeures (ou dans leur dix-huitième année) et qui ont été en situation de placement à
l’âge de 14 ans (âge pour lequel la question de l’insertion socio-professionnelle se profile : âge
d’entrée en classe de 3ème). Nous avons pris l’option de ne pas déterminer de durée de placement
pour l’échantillon. En effet, nous avons émis l’hypothèse que la durée de placement peut se révéler
comme facteur plus ou moins « déterminant » pour la question de la sortie et de l’insertion socio-
professionnelle.
Ainsi nous pouvions mettre en parallèle la question de la durée du placement et du « devenir » de la
personne. Cela nous permettait d’étudier la question « de la sortie » à l’âge ou le « projet
professionnel » se dessine, et d’interroger leur « entrée » dans l’âge « adulte » tout en questionnant
l’importance et l’influence du passage dans la MECS pour leur insertion socio-professionnelle.
La problématique
La mesure de placement de l'enfant et/ou de la fratrie, qu'elle soit judiciaire ou administrative, a pour
objectif de permettre à l'enfant de se construire dans un contexte sécurisant tout en maintenant un lien
(lorsque c'est possible) avec son entourage proche. Comme l'indique D.W Winnicott, pour qu’un enfant
se constitue comme sujet, il lui est nécessaire d'évoluer dans un environnement stable, fiable et
continu. Lorsque les parents ne peuvent assumer pleinement leur fonction parentale, assurer la
sécurité, donner un étayage suffisant aux enfants pour leur permettre de grandir dans des conditions
« suffisamment bonnes », un relais devra être pris. L'accueil et l'accompagnement proposé par la
MECS dans ce cadre-là, a pour objet de proposer une fonction de suppléance à la « fonction parentale
défaillante ».
Ainsi, il s’agit de questionner en quoi le passage par l’institution et/ou le groupe social a pu avoir un
rôle dans la construction du jeune et par la suite dans son insertion socio-professionnelle. Dans la
mesure où l’accompagnement réalisé par les professionnels de la l'institution favorise la socialisation
des enfants et structure le lien avec les familles d'origines, le travail d'enquête auprès des enfants qui
ont été accueillis à « La Salamandre » aura pour objectif d'évaluer l'influence du passage dans cette
institution dans leur devenir socio-professionnel.
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IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
Quelle influence aura eu le passage dans l'institution pour la vie « adulte » de ces jeunes ?
L’accompagnement proposé dans ce cadre institutionnel peut-il vraiment « faire relais à la famille » ?
Le rôle des éducateurs référents dans le cadre de la MECS -cadre institutionnel- (au sens symbolique
représentant l’autorité) en tant que « substitut parental » ayant « un rôle d'étayage » dans la
construction de l'individu, est-il suffisant pour permettre au sujet de se construire ? Quel est le point
de vue des jeunes, mais aussi des professionnels de la structure ?
Retour sur les concepts mobilisés
Dans le cadre de cette enquête, il semble tout d'abord important de revenir sur quelques concepts et
de s'entendre sur certaines définitions spécifiques, parfois réinvesties dans le champ professionnel
comme pouvant relever du « sens commun ».
Famille et réseau d’appartenance
La notion de famille est centrale dans la question du placement au sein d’une MECS et
particulièrement la question du lien familial. Il s’agit d’une entité placée au cœur des enjeux
professionnels et qui engendre une série de questionnements autour des pratiques éducatives. Au
sens large, la famille désigne une communauté de personnes réunies par des liens de parenté
existant dans toute société humaine (définition C. Levi-Strauss). Elle est dotée d'un nom, d'un domicile,
et crée entre ses membres une obligation de solidarité morale et matérielle censée favoriser, protéger,
leur développement moral et affectif.
On parle de famille nucléaire lorsqu'elle est réduite au seul degré de parenté ou d'alliance, et de famille
élargie lorsqu’il y a plusieurs degrés de parenté. Elle est le principal lieu d'éducation et de solidarité,
elle est également un moyen de transmission de valeurs (sociales, culturelles, religieuses,
économiques...) et donc de reproduction des groupes sociaux et culturels. L’une des fonctions
principales de la famille est la socialisation. C’est aussi un lieu de solidarités entre générations : on
peut distinguer différents types d’aides (financières, domestiques, sociales, émotionnelles). L’enfant
placé en MECS n’est plus alors dans sa famille, mais au sein d’un lieu de vie collective et va
développer d'autres réseaux d’appartenances.
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IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
L’appartenance n’est pas le fait d’être dans un groupe, mais une identification personnelle par rapport à
ce groupe (identité sociale), institution ou organisation. Plus le sentiment d’appartenance est fort, plus
on en adopte les normes et les valeurs. Si l’on présuppose une forme de « défaillance » de la cellule
familiale telle qu’elle a été définie ci-dessus pour les enfants placés en MECS, ces derniers devraient
trouver toutefois dans « la structure » une nouvelle « instance » de socialisation déterminante dans
leurs parcours.
Socialisation primaire, socialisation secondaire
S’interroger sur le « passage à la vie adulte » renvoie moins à une question d’âge qu’à des formes de
socialisation transmises via diverses « instances » côtoyées par les individus tout au long de leur vie.
Poser la question de « l’âge adulte » en tant que catégorie à part entière s’avère en effet impossible
(au même titre que la jeunesse ou encore la vieillesse)9.
En revanche, tout individu est concerné par des lieux de socialisation. Cette notion désigne les
mécanismes de transmission de la culture et la manière dont les individus reçoivent cette transmission
et intériorisent les valeurs, les normes et les rôles qui régissent le fonctionnement de la vie sociale. La
socialisation « manifeste » peut être assimilée à un processus volontaire et explicite visant à structurer
la personnalité d’autrui. La socialisation dite « latente » correspond davantage à un processus où
l’enfant intériorise les normes et les valeurs de la société dans laquelle il évolue (la famille, l’école, le
travail, les groupes de pairs), sans qu’il y ait d’apprentissage spécifique ni réelle conscience de
participer à ce processus.
On distingue 2 types de socialisation : la socialisation primaire et la socialisation secondaire.
La socialisation primaire correspond à la période de l’enfance. Ce processus affecte d’abord la famille
qui en est l’instance principale, son action est essentielle pour la construction et la structuration de
l’identité sociale (l’école est aussi un lieu de socialisation primaire). La socialisation secondaire se
fonde sur les acquis de la socialisation primaire en les prolongeant voir en les transformant. Elle
permet aux adultes de s’intégrer à des groupes spécifiques. Chaque individu est alors socialisé aux
différents groupes sociaux et aux statuts qui seront les siens au cours de sa vie.
9 « La jeunesse n’est qu’un mot » Pierre Bourdieu, Entretien Les jeunes et leur premier emploi, Association des âges, 1978
16
IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
Le concept sociologique de socialisation s’articule autour d’un triangle comportant plusieurs
dimensions : transmission/intériorisation de la culture, construction des identités, intégration au groupe
(Bolliet, Schmitt 2004, p.810). Ces mécanismes sont liés à la manière dont les individus construisent
leur identité et leur rapport avec la société, le sentiment d’appartenance à un groupe, l’image qui
découle de ce travail identitaire, ainsi que la manière dont les individus sont intégrés dans la société.
Les individus baignent dans leur culture et en sont imprégnés de manière souvent inconsciente. Les
premières études sur la socialisation menées par les sociologues et les psychologues ont montré
l’importance et le poids de la socialisation des enfants. Elle permet à la fois aux individus de tenir leur
place dans la société et d’assurer du lien social à travers les générations. La socialisation est donc
un déterminant fort du destin social des individus. Les individus placés en MECS au cours de leur
enfance rencontreront donc une nouvelle instance de socialisation institutionnelle et pourront y acquérir
un ensemble de normes, de valeurs, ou encore de « façon de penser et d’agir » résultant de l’action
éducative qui s’y déroule.
Indépendance, autonomie
L’accès à l’indépendance relève d’un enjeu commun dans notre société, et notamment dans la
transition à l’âge adulte. Cette notion est également centrale dans les pratiques des professionnels en
MECS. On parle communément « d’indépendance » pour désigner des questions matérielles,
notamment lorsque la personne a un logement fonctionnel à elle et qu’elle ne vit plus dans la cellule
familiale. Elle dispose de ses ressources propres pour satisfaire ses besoins. L’indépendance est donc
liée à l’indépendance résidentielle, financière.
L’autonomie suppose l’indépendance. C’est la capacité à ne pas dépendre des autres dans ses prises
de décisions. L’autonomie sous-entend que l’on est capable de faire ses propres choix sans se laisser
dominer par d’autres tendances naturelles ou collectives par des autorités extérieures. C’est la
capacité à déterminer par soi-même les modes d’organisations ou les règles auxquelles on se soumet.
Les acteurs disposent d'une marge de liberté qu'ils utilisent de façon stratégique dans leurs interactions
avec les autres. Ils s'écartent ainsi des attentes, et choisissent dans un ensemble de possibles, une
stratégie. On considère que les effets et les causes sont interdépendants au système lui-même. On est
dans le rapport libertés/contraintes sociales.
10 Dominique Bolliet, Jean-Pierre Schmidt, La socialisation
17
IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
Dans notre étude nous qualifierons par le terme « adulte » une personne étant en situation autonome
(même si elle peut être soutenue par des dispositifs d’aides).
Le déterminisme social
Si la socialisation trouve ses sources dans l’enfance et occupe un rôle déterminant qui fera de l’homme
un être social capable de tenir sa place dans la société, elle est aussi pour certains sociologues
comme Pierre Bourdieu, au cœur de la reproduction sociale et pèse de tout son poids sur le destin
social de l’individu. Il considère la société comme un système de positions sociales avec des
dominants et des dominés. Les systèmes de relations qui préexistent aux individus sont matérialisés et
structurés par des champs sociaux.
Le placement en MECS peut être considéré comme un fait social et il semble pertinent d’en interroger
les déterminants d’un placement lors de l’insertion socio-professionnelle. Le déterminisme social
résulte des contraintes des structures comme déterminant dans les choix des acteurs. Le déterminisme
social restreindrait l'autonomie des acteurs, la logique de situation détermine un comportement (qui est
finalement conditionné).
Les logiques d’actions individuelles sont déterminées par les phénomènes sociaux, les contraintes
sociales ou par les effets de situation. Le contexte social influence les comportements des individus, et
a des conséquences sur leurs choix.
Les effets de dispositions des individus étant entendus comme l'ensemble des schèmes intériorisés
qui déterminent la manière dont l'individu agit concrètement au moment de sa vie, le déterminisme
social peut inclure des logiques de reproduction sociale.
Dans Les métamorphoses de la question sociale, Robert Castel propose deux axes pour situer
l’individu dans l’espace social : l’insertion dans le monde du travail et l’intégration à un réseau familial.
Il désigne comme « désaffilié » l’individu qui ne bénéficie ni de l’insertion ni de l’intégration.
Insertion socio-professionnelle
Les stratégies d’insertions professionnelles sont inhérentes et continuellement interrogées au cours de
notre enquête, il était donc nécessaire de revenir sur ce concept.
18
IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
L’insertion professionnelle et les stratégies d'insertions sont à comprendre ici comme la capacité d'avoir
un travail, ou d'avoir un accès à l'emploi, un réseau social (connaissances, amis, famille). L’insertion
socio-professionnelle est aussi liée à l’indépendance résidentielle. Le processus d’insertion socio-
professionnelle commence avec la formation, un travail stable se distinguant des « petits boulots », une
mise en union, l’accès à un logement indépendant.
L'accompagnement
Dans une MECS, les missions éducatives supposent un accompagnement quotidien des mineurs. Le
terme d'accompagnement est donc lié à celui de l’intervention sociale, notamment par rapport aux
usagers. Il semble pertinent que nous puissions faire un retour de clarification conceptuelle sur ce
terme qui s’utilise dans plusieurs situations.
L’accompagnement, au sens où le définit Christina de Robertis se situe comme une fonction
professionnelle qui fait partie des processus d’intervention des travailleurs sociaux.
La racine latine du mot accompagner est ad (mouvement) cum panis (avec pain) ce qui littéralement se
traduit par « celui qui mange le pain avec ». Cette origine nous révèle bien le lien de proximité, et
donc la présence et le soutien à l’autre induit par ce concept.
Ainsi, l’accompagnement prend en compte l’autre à travers sa participation dans la relation qui se
construit. C’est un changement de posture venant des professionnels qui évolue du travail sur autrui à
un travail avec autrui. Il est donc l’une des formes de la relation d’aide. Cette participation bilatérale
exprime le mouvement, l’idée que l’autre est « en devenir » et que nous chercherons avec lui par quel
chemin il va y parvenir. L’accompagnement se limite dans un temps partagé qui se termine par une
séparation après une évaluation du chemin parcouru. Cette notion implique les notions de proximité à
l’autre, de participation active de l’intéressé (on accompagne dans la voie que la personne se trace, ce
qui sous-tend la notion d’auto-détermination) et du processus d’individualisation. La séparation qui
intervient entre les équipes éducatives et les « jeunes » après un chemin parcouru va être une
interrogation soulevée par ce travail.
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IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
Les hypothèses
Pour élaborer les questionnaires et des grilles d’analyse, l’équipe de recherche formule des
hypothèses au regard des connaissances déjà admises et présupposées sur ce sujet, ou encore des
échanges avec les différents acteurs ayant précédé l’enquête de terrain.
o En direction des professionnels :
1-Le cadre institutionnel/les professionnels induisent des normes d'insertion sociale et professionnelle.
On est dans la question des attentes réciproques, dans un "système fonctionnel" où l'action et les
décisions des acteurs ne peuvent avoir lieu sans un échange social (autour d'un rendez-vous, accord
sur un sujet traité...).
2-L'évolution des pratiques professionnelles (notamment avec la loi de 2002 avec la mise en place des
projets individualisés) et les changements qui en découlent, ont apporté un plus pour l'insertion au
sortir de la MECS.
Au sens où cet accompagnement plus individualisé, orienté sur la projection vers le futur, par le biais
du projet a été une aide pour l’insertion des jeunes.
3-Les professionnels ont une action éducative qui tend entre autre à accompagner vers l'acquisition de
l'indépendance pour les usagers dont ils ont la référence.
4-Les professionnels ont un rôle dans le processus de « réparation » des jeunes.
5-L'accompagnement des professionnels de la MECS est un « contre-pouvoir » au déterminisme social.
En ce sens, le placement et l’accompagnement proposés par les professionnels pourraient suppléer
aux carences parentales et ainsi créer de nouveaux repères. Ils modifieraient les effets de dispositions
pour que l’individu « soit allégé de ses souffrances et de favoriser le développement du futur adulte et
parent de demain qu’est l’enfant11 ».
Le déterminisme social est ici à comprendre dans le sens où la situation de départ vécue par les
enfants dans leur famille pourrait jouer un rôle déterminant dans leur insertion socio-professionnelle.
Les effets de dispositions créées dans leur milieu d'origine/ou naturel pourraient être modifiés par leur
passage en MECS.
11Le placement familial De la pratique à la théorie, Myriam David, coll. La vie de l’Enfant, 1994
20
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o En direction du public :
1-Le devenir de tout individu résulte de facteurs multiples.
2-Le vécu/passage dans une MECS a des conséquences sur l'insertion socio-professionnelle.
3-L'insertion socio-professionnelle des sortants de la MECS est plus difficile car ils auraient des
manques (carences affectives, socialisation carencée dans le cadre familial).
4-La sortie à 16 ans de la MECS est vécue comme une forme d'indépendance/ou comme un moment
d'angoisse.
5-La MECS est un soutien dans le passage à la vie adulte, et pour l'insertion socio-professionnelle.
Rôle de la fratrie :
6-L'accueil des frères-sœurs dans un même lieu pendant le placement favoriserait l'insertion socio-
professionnelle de ces personnes à leur sortie de la MECS (dans la mesure où le lien familial n’est pas
complètement rompu).
7-La famille a un rôle déterminant pour l'insertion socio-professionnelle
21
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III -Analyse
Le questionnaire en direction des professionnels
o Présentation de l’échantillon
L’équipe des professionnels de La Salamandre est composée de 21 personnes. Nous avons eu 21
réponses aux questionnaires sur 30 envoyés. Certaines personnes en poste dans la structure les
années passées (retraités) ont répondu au questionnaire. La forte mobilisation du personnel de la
MECS montre un investissement chez les personnes en retraite pour qui cette structure reste une
référence importante.
L’échantillon se découpe comme suit : 2 « éducateurs scolaires » (en retraite), 12 « éducateurs
familiaux », 1 « éducateur spécialisé », 2 « éducateurs », 1 « secrétaire-comptable », 1 « aide médico
psychologique », 1 « psychologue » (en retraite), 1 « chef de service ». Les nomenclatures citées en
tant que telles sont celles reprises à partir des questionnaires. L’échantillon est composé de 5 hommes
et 16 femmes, tous en CDI et à temps plein dans la structure.
o Postures des pratiques professionnelles dans la structure
La nomenclature des postes occupés est relative aux diplômes. Les « éducateurs scolaires » ont des
certificats d’aptitudes pédagogiques et générales, les « éducateurs » et « éducateurs spécialisés » ont
un diplôme d’Etat d’éducateur spécialisé. Les « éducateurs familiaux » ont des qualifications et des
formations initiales à la fois dans le secteur médico-social (diplôme d’état, brevet de technicien
supérieur) et général (baccalauréat). Les éducateurs scolaires avaient pour activité principale d’être
« réfèrent pour les visites scolaires et extrascolaires ».
En 2007, les « éducateurs scolaires » deviennent des « éducateurs familiaux ». Cet intitulé de fonction
est propre à la MECS La Salamandre.
Ce terme « d’éducateur familial » s’inscrit dans une vision sociale particulière12 propre aux fondateurs
de la structure. De plus, pour rappel, l’année 2007 marquée par la loi du 5 mars 13 réformant la
protection de l’enfance a eu pour objectifs : renforcer la prévention, améliorer le dispositif d’alerte et de
signalement, diversifier les modes d’intervention avec les enfants et leur famille.
12Voir rapport d’activité
13Cf ci-dessus
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Les « éducateurs familiaux » ont pour activités principales « l’accompagnement au quotidien, sécuriser
les enfants (référence fratrie ou famille), participer à l’éveil » « le travail avec la famille/préparer au
retour dans la famille », « le soutien à la scolarité », « la sécurité des enfants », « l’apprentissage du
partage de la vie quotidienne (dans un appartement) ».
Les professionnels observent des évolutions qui sont les résultantes des lois du 2 janvier 2002 et du 5
mars 2007 qui ont modifiés les pratiques professionnelles en recentrant le travail avec les familles, leur
implication dans les projets avec l’enfant, les projets individualisés et les formations des personnels.
Dans l’analyse des questionnaires, les pratiques professionnelles sont vectrices de normes et
d’attentes réciproques autour des projets d’accueil. Les décisions des acteurs ont lieu à partir d’un
« échange social » (un rendez-vous, un accord sur un sujet traité). Le dialogue est un des outils
centraux dans les pratiques quotidiennes. On retrouvera dans les questionnaires des jeunes la place
centrale de la parole et de l’écoute. Les normes que l’institution véhicule à travers les règles posées,
les représentations, les présupposées (invoquées par les professionnels) une importance dans le
travail de construction des jeunes, et cela se véhicule notamment à travers les discours des
questionnaires relatifs à la manière de se « dire ».
o Les objectifs de la mission éducative
Les objectifs éducatifs des professionnels ont tendance à porter sur le futur des jeunes et leur insertion
socio-professionnelle.
Il ressort que l’apprentissage de l’autonomie se fait à partir d’un support principal qui est l’aspect
financier et la vie collective dans un appartement, le maintien du lien avec les familles (pour certains
cas le retour à domicile est préparé).
Les objectifs que se donnent les personnels éducatifs sont tournés vers l’avenir des jeunes qui sont
confiés ; La Salamandre n’étant qu’un lieu de « passage ».
Le concept de « réparation » n’est pas formulé comme tel par les professionnels. Nous verrons
cependant que cette notion est très présente de manière implicite dans les questionnaires destinés aux
jeunes. La notion de « stabilité » est évoquée sous différentes formes à travers les questionnaires des
professionnels et souligne l’importance qui est apportée dans le travail éducatif autour du « cadre »
comme repère.
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o Difficultés rencontrées par les professionnels
Le questionnaire interroge par deux fois les professionnels sur ce qui pour eux peut représenter une
difficulté dans leurs pratiques (dans le cadre de vos pratiques professionnelles où rencontrez-vous le
plus de difficultés ? et vous êtes-vous déjà senti en situation d’échec dans un ou plusieurs
accompagnements ?)
Le terme d’échec, est volontairement formulé en association au mot « sentir » dans les questionnaires.
Ce terme « d’échec » est à comprendre comme « quelque chose que l’on a pas réussi " (définition
Larousse) et renvoie à des représentations subjectives dans le travail d’accompagnement éducatif.
Cela interroge les degrés de « responsabilité individuelle » envers le public accueilli et en même temps
l’implication de l’équipe (et la charge affective dans les accompagnements) et de ses représentations.
La moitié de l’échantillon répond positivement à cette question et dit avoir été confronté à « un
sentiment d’échec » face à certaines situations ou comportements de jeunes pour lesquels ils ont pu
ressentir un sentiment d’impuissance. Ces situations n’étaient pas dépendantes du travail engagé,
mais relèvent davantage d’un résultat différent de celui attendu.
L’environnement institutionnel peut difficilement « faire face » à ces sentiments de
situations « d’échec » vécu par les personnels. Ils sont liés davantage à la réaction des usagers, la
difficulté du travail engagé avec la famille et la non adhésion, ou encore les décisions judiciaires.
Ces sentiments ne sont donc pas en lien avec la pratique professionnelle en elle-même ou le rapport à
l’institution. En effet, les éducatrices familiales font ressortir des difficultés dans le travail avec « les
familles d’origines » autour de leur mobilisation dans les projets avec « les enfants ». Les difficultés
ressortent aussi dans le travail avec la famille et l’acceptation du placement et rejoignent celles
soulevées à travers le sentiment d’échec.
o Représentation de l’accueil fratrie
A travers les questionnaires en direction des professionnels, il ressort que l’accueil de la fratrie a une
influence sur l’insertion des jeunes. La « fratrie » est pour l’équipe de La Salamandre un facteur de
« lien » dans le sens où il permettrait de maintenir un « lien familial ».
En second lieu, l’accueil de la fratrie ressort dans les représentations comme un « soutien » essentiel
à l’insertion future.
Dans les questionnaires adressés aux jeunes, la question du placement « fratrie » n’est pas ressortie.
Les jeunes répondent à 99% que le fait d’avoir été placé en fratrie a été « un soutien », mais il n’est
pas ressorti de manière formulée comme une « influence » dans l’insertion future. Dans les questions
ouvertes, les souvenirs liés aux « liens familiaux » ne sont pas exprimés.
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o Préparation à la sortie
La sortie pour l’ensemble du personnel, et particulièrement les « éducateurs familiaux », se travaille
autour de 3 notions importantes : l’accompagnement pour l’accès à l’autonomie, à l’indépendance et à
l’insertion socio-professionnelle. Il ressort des questionnaires que les accompagnements à la sortie se
font autour de « discussions ». Le dialogue (doublé d’un accompagnement/aide du personnel) occupe
une place importante dans les pratiques comme moyen de préparer la sortie.
L’autonomie est comprise et accompagnée autour du support financier : gérer son budget (ouverture
de compte bancaire à 14 ans), faire des achats. Ce travail se fait via les appartements de la structure.
A partir de l’apprentissage à la vie autonome dans le quotidien, dans un appartement, est travaillée la
question financière (exemple : budget alimentation).
Les appartements représentent le cadre quotidien des enfants et est un outil d’apprentissage :
l’apprentissage de l’autonomie précéderait celui de l’indépendance.
A partir de la gestion du quotidien, le personnel éducatif accompagne la question des choix,
« l’apprentissage de savoir faire des choix ».
« L’autonomie » serait formulée dans le projet pédagogique, il s’agit donc d’un projet
d’accompagnement dans le quotidien. La notion de projet induit des modes d’adaptations sociales.
Le jeune va développer des moyens d’intégration (ou des moyens pour ne pas s’intégrer) à tous les
niveaux de la vie sociale, professionnelle etc.14
Les projets mis en place dans le cadre de l’institution véhiculent des normes à partir de ces 3
« valeurs » relatives au projet de l’enfant lors du « placement ».
L’indépendance autour d’un travail d’éveil sur « l’extérieur », l’aide à la recherche d’appartement pour
l’après Salamandre. L’indépendance est perçue comme un apprentissage à faire pour un accès à
l’autonomie : les studios sont un relais à la sortie.
L’insertion socio-professionnelle : l’accompagnement à l’insertion socio-professionnelle se fait lors
des discussions et lors du soutien dans les recherches de stages, études, formations, concours,
développement du « réseau », aides pour l’accès à l’emploi. Les éducateurs utilisent internet pour
l’accompagnement à la recherche d’emploi, stage, formation etc., travaillent avec les partenaires et se
déplacent avec les jeunes. 50% des professionnels interrogés abordent l’insertion socio-
professionnelle dès l’arrivée à la MECS.
14Cf F. Dubet, Article Revue française de sociologie, 1973
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Ces résultats valident l’hypothèse 3 : Les professionnels ont une action éducative qui tend entre
autre à accompagner vers l’acquisition de l’indépendance pour les usagers dont ils ont la référence
Au-delà de la notion d’indépendance, l’accompagnement éducatif a pour objectif l’accès à l’autonomie.
L’hypothèse est également à compléter car la question du « retour en famille » avec un travail en
amont, même autour de l’anticipation et le maintien des liens familiaux est essentielle dans les objectifs
et représentations des professionnels.
De même, dans l’échantillon étudié, il convient de rappeler que les « retours en famille » ne relèvent
pas de la décision seule des éducateurs, mais bien de mesures judiciaires sur un temps donné.
o Support pour l’accompagnement à la vie d’adulte
Le contrat-jeune majeur15 ressort comme outil principalement utilisé pour le « passage à la vie adulte »
et là encore pour « l’accès à l’autonomie » (notamment, une fois de plus à partir de l’acquisition de la
gestion d’un budget). Avant cela, le travail éducatif se construit autour d'un projet personnalisé qui
porte sur la scolarité, l’accès à l’autonomie et l’insertion socioprofessionnelle. L’équipe éducative
accompagne là encore, le « passage à la vie adulte » autour de la notion d’autonomie (financière,
mobile, capacité à être responsable, logement).
81% de l’échantillon, des « jeunes ayant été placés » déclarent que « La Salamandre » les a aidés
dans leur insertion en dehors de la question de l’emploi : 79% de par le biais de l’apprentissage à
l’indépendance et 64% à travers une « prise de confiance » durant le temps de placement.
o Influence du passage en MECS
A la question « Pensez-vous que le passage en MECS aura une influence sur l’insertion
professionnelle des jeunes ? », les réponses aux questionnaires sont plutôt hétérogènes :
- 6 n’ont pas répondu, soit 28% de l’échantillon.
- 8 répondent oui, le passage en MECS à une influence sur l’insertion professionnelle des jeunes, soit
38% de l’échantillon.
- 4 répondent non, soit 19% de l’échantillon.
15 Contrat jeune majeur : contrat entre l’Aide Sociale à l’Enfance et le jeune pour l’aider à la fois dans la vie de tous les jours
et ses projets professionnels. Le jeune perçoit une aide financière, bénéficie d’un accompagnement avec un éducateur. Ce
contrat est renouvelé en fonction du respect des engagements pris par le jeune jusqu'à ses 21ans si nécessaire.
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IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
Le travail éducatif est un outil sur lequel les jeunes peuvent s’appuyer : l’accompagnement est perçu
comme une « aide pour l’orientation » et comme aidant dans le processus d’insertion. Les jeunes
peuvent se saisir de ces aides comme un moyen d’avoir « des clés pour la réussite sociale ».
Dans les questionnaires à destination des jeunes, il est à noter que pour 67% « le passage à La
Salamandre » a eu une influence sur leur situation actuelle, pour 83% la structure a été une « aide »
pour leur orientation future.
De même, 81% de l’échantillon des jeunes affirment que leur placement les a « aidés » au niveau de
leur insertion (majoritairement autour de « l’aide à l’indépendance »). L’influence du placement et du
travail des professionnels (cité de manière récurrente dans les réponses aux questionnaires des jeunes)
ressort comme majoritaire et essentielle dans l’insertion des personnes confiées.
Ces réponses peuvent être mises en regard avec les hypothèses 4-5-Les professionnels ont un rôle
dans le processus de réparation des jeunes – L’accompagnement des professionnels de la MECS est
un contre-pouvoir au déterminisme social : leurs représentations ne les amènent pas à se percevoir
comme ayant un rôle déterminant dans l’insertion professionnelle des jeunes mais comme étant un
soutien.
Dans les réponses données quant aux objectifs éducatifs, il ressort une volonté des encadrants d’avoir
une influence sur ce « futur », compris à travers l’accès à l’insertion socio-professionnelle.
A la question « pensez-vous que la Salamandre accompagne les jeunes dans le passage à la vie
adulte ? », l’ensemble de l’échantillon donne une réponse positive.
Les professionnels ne se perçoivent pas comme pouvant avoir un rôle signifiant dans le processus de
« réparation » mais plutôt comme une ressource pour l’accompagnement à l’insertion.
A la lecture des questionnaires, il ressort que les professionnels pensent que la MECS prépare à la vie
d’adulte à partir de l’accompagnement de l’équipe éducative, mais il ne ressort pas que pour eux le
passage en MECS est/aura une influence dans l’insertion professionnelle, bien que les objectifs
éducatifs soient relatifs à l’insertion future.
Les professionnels perçoivent bien le contre-pouvoir que leurs pratiques peuvent influencer dans
l'accompagnement à l’autonomie, comme support et soutien dans les choix vers lesquels vont être
orientés les jeunes. En revanche, les professionnels n’expriment pas de manière explicite leur rôle
« affectif » pour les constructions identitaires des jeunes en situation de placement.
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IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
Les questionnaires à destination des jeunes « confiés » en MECS révèlent un lien fort et une forte
influence des équipes éducatives dans leur vie d’adulte. Cette question de « l’affectif » ressort de
manière récurrente dans les propos rapportés dans les questionnaires.
Les professionnels repèrent pour 74% de l’échantillon que les réactions des « jeunes » par rapport à la
sortie de la structure sont « ouvertes » à la discussion et 53% des professionnels repère un
« sentiment d’angoisse » de la part des jeunes. Les jeunes affirment pour 69,2% avoir le sentiment
« d’une perte de repères » lors de leur départ ; et 54% ne se sentaient « pas prêts » à la sortie, bien
qu’ils se déclarent pour 62,5% « plus armés à la vie d’adulte » en sortant de La Salamandre.
o Le passage en MECS perçu comme « handicap » dans le parcours d’insertion ?
Le taux de non-réponse est de 28% (soit 6 personnes sur 21).
53,3% de l’échantillon considèrent que le passage en MECS n’est pas un handicap pour l’insertion
future. Il est intéressant de noter que pour la question de « l’influence du passage en MECS sur
l’insertion » les réponses sont hétérogènes, alors qu’en ce qui concerne « le passage en MECS
comme pouvant être un handicap » il ressort que, dans la vision des professionnels, cela serait plutôt
un outil pour l’insertion. Dans les questionnaires à destination des jeunes, il n’est jamais ressorti que
le placement ait été vécu comme « handicap » dans les parcours d’insertion.
o Contact à la sortie du placement
- 94% de l’échantillon des professionnels déclarent avoir connaissance du « devenir » des sortants.
- 75% des professionnels sont restés en contact avec des jeunes qu’ils ont accompagnés : à la
fois de manière formelle lors d'évènements organisés par La Salamandre et aussi de manière
informelle (téléphone : appels, SMS) ou par les réseaux sociaux. 61,5% d’entre eux sont toujours en
contact sur une période supérieure à 2 ans après la sortie de l’institution.
-19% des professionnels n’ont pas de contact (principalement car ils ont intégré la structure il y a très
peu de temps).
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IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
-Avez-vous gardé des liens avec des jeunes sortis de la MECS?
Questionnaire en direction des professionnels
Des années après la sortie de l’institution les jeunes adultes déclarent rester en contact de manière
récurrente et régulière avec le personnel de La Salamandre. Ils évoquent de manière précise la
fréquence et les moyens qu’ils utilisent pour être en lien avec le personnel éducatif. Les personnes
avec qui ils sont en lien, sont souvent une des personnes référentes lors du placement. De même les
souvenirs invoqués sont très précis et personnalisés.
L’analyse qualitative des questionnaires révèle aussi beaucoup de remerciements et de gratitude
« merci de m’avoir permis de devenir ce que je suis », « Je n’aurai jamais dû partir ».
De plus, la note demandée aux jeunes relative à l’appréciation de « l’accompagnement » dans les
questionnaires varie entre 8 et 10. Cela nous permet de repérer que les souvenirs restés de ce
moment particulier de leur passage à la MECS sont très positifs.
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IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
Le questionnaire à destination des personnes sorties de La Salamandre
o Présentation de l’échantillon
38 envois de questionnaires ont été réalisés auprès de personnes ayant été « confiées » à La
Salamandre.
17 questionnaires nous ont été retournés, soit un taux de 45 % de réponses. L’échantillon se compose
de 11 femmes et 5 hommes.
6 personnes de l’échantillon ne peuvent pas répondre :
2 « jeunes » sont décédés, l’un par accident de la route, l’autre par accident du travail. Ces 2
personnes étaient en situation d’emploi (l’un travaillait dans l’entreprise familiale -nous pouvons
émettre l’hypothèse que l'accompagnement a eu un rôle dans son insertion professionnelle- L’autre
jeune allait avoir un enfant).
2 jeunes adultes (moins de 30 ans) sont partis dans un département d’Outre-mer rejoindre leur père.
2 personnes (moins de 30 ans) en situation d’emploi à l’étranger (l’un artisan en maroquinerie, l’autre
travaille dans le secteur informatique).
Si l’on retire de l’échantillon ces 6 personnes, nous obtenons un taux de 53% de réponses sur
l’échantillon.
o Des diplômes qualifiants
99% des personnes enquêtées possèdent un « diplôme professionnalisant » : le niveau des diplômes
relève du niveau V. Tous ont suivi une scolarité jusqu'à l’âge légal minimum et plus.
41% ont un BEP, 18% un CAP, 36% ont un baccalauréat professionnel. 18% de ce même échantillon
préparent actuellement un diplôme.
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-Avez-vous des diplômes ?
Questionnaire à destinations des « jeunes »
Les questionnaires révèlent que pour « les jeunes » l’accompagnement des éducateurs de La
Salamandre a eu une influence sur leurs orientations scolaires notamment avec « l’aide aux devoirs ».
Les enfants placés n’ont pu avoir l’appui technique de leur famille durant une partie de leur scolarité et
c’est les professionnels qui par la suite ont pris le relais.
Il ressort alors que l’influence des éducateurs est déterminante dans la scolarité des enfants.
« Le soutien moral » apporté par le personnel de La Salamandre ressort dans les analyses comme
essentiel pour les jeunes dans leur « réussite » actuelle et passée. Ce soutien est interprété sous une
dimension affective importante pour les jeunes sortants de la structure. Il ressort que ce sentiment
« d‘avoir été soutenu » se révèle comme l’un des critères d’un « bon accompagnement » pour
les jeunes placés.
o FOCUS : scolarité-métier
La question des diplômes obtenus et des catégories socioprofessionnelles sont des indicateurs de
position sociale et définissent les places « occupées » par chacun. Ainsi nous pouvons observer en ce
qui concerne les niveaux scolaires :
- Parmi l’échantillon une seule personne ne possède pas de diplôme (arrêt de la scolarité à 16 ans).
- Le reste de l’échantillon est titulaire d'un diplôme qualifiant, niveau IV pour 4 personnes de
l’échantillon (Bac pro) et le reste un diplôme de niveau V (CAP-BEP).
31
IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
Au regard de ces éléments nous pouvons constater que l’accès à la qualification est validé pour la
majorité. Une place centrale est accordée aux pratiques scolaires au sein de la MECS (aide aux
devoirs, soutien moral) dans les réponses aux questionnaires. 60% de l’échantillon affirment que les
éducateurs de La Salamandre ont eu une influence sur leur orientation scolaire (« l’aide aux devoirs »
est la réponse la plus énoncée, ensuite vient le « soutien moral », et « l’aide à la recherche de
formation »)16.
L’influence de la mission socio-éducative en MECS pour l’accès à la qualification, semble
« positive ». Les diplômes obtenus révèlent toutefois une « faible » émancipation scolaire, puisque
sont représentés les niveaux de qualification les plus faibles et aucun d’entre eux n’a eu accès aux
études supérieures.
Parmi les répondants, 60 % de l’échantillon ont déjà eu un emploi. 25 % occupent actuellement un CDI,
17 % un CDD et 8 % sont en contrat d’avenir ; 67 % travaillent à temps plein.
Les emplois occupés par l’échantillon étudié sont en majorité ouvriers et employés.
Les personnes en situation d’emploi déclarent pour 86% trouver leur travail valorisant, 100% se sentent
« engagées » dans leur travail. Cependant, pour 57% d’entre eux leur métier actuel ne correspond pas
à l’orientation qu’ils avaient choisie.
L’accès à l’emploi résulte pour 50% de l’échantillon en situation d’emploi d’une inscription à Pôle
Emploi, contre 29% par agences d’intérim et 29% par Petites Annonces. Ce résultat nous révèle que
l’accès à l’emploi ne s’est pas fait par réseau personnel, mais majoritairement via les institutions
publiques et/ou les recours à un conseiller (une personne faisant relais à l’accès à l’emploi). De plus,
70% des démarches pour l’accès à l’emploi ont été effectuées sans accompagnement par des
travailleurs sociaux.
Ceux qui ne sont pas dans l’emploi (40% de l’échantillon) sont soit étudiants, soit déclarent avoir
« perdu » leur emploi suite à des fins de contrats (et pour deux d’entres eux après un déménagement).
16 Voir tableau en annexe
32
IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
o Des situations relativement « précaires »
L’échantillon se révèle avoir des mobilités réduites : 56% de l’échantillon n’ont pas le permis et utilisent
principalement les transports en commun (78% d’entre eux se déplacent en bus), à pieds, ou par
l’intermédiaire de quelqu’un (44% d’entre eux).
53% du public étudié perçoivent des « aides » (50% CAF) et 44% bénéficient d’un accompagnement
ponctuel des services sociaux. Nous pouvons noter que les personnes qui côtoient les services
sociaux sont majoritairement les plus jeunes de l’échantillon (moins de 25 ans et une personne d’une
trentaine d’année).
Bien que la majorité « des jeunes » ait déménagé plusieurs fois depuis la « sortie » de la MECS (42%
ont déménagé de 1 à 3 fois), ils sont tous « revenus » sur leur territoire d’origine ; les Deux-Sèvres.
Cela peut faire penser à un fort attachement à ce territoire et confirme que la mobilité sociale et/ou la
mobilité géographique ne semble pas évidente pour tous.
o Une insertion socio-professionnelle « positive »
La grande majorité des personnes interrogées est en situation d’emploi, donc dans une dynamique
valorisante d’insertion par le travail.
Parmi les personnes qui ne travaillent pas, 4 sont scolarisées, 3 en situation d’inactivité : 2 justifient
leur inactivité par une fin de contrat ; et par l’investissement dans la vie familiale au motif de garde
d’enfant.
L’ensemble des « jeunes » ayant répondu au questionnaire sont dans des processus de socialisation
(hors contexte professionnel) à travers des réseaux sociaux : sorties, soirées entre amis, pratique de
sport.
L’échantillon étudié est dans une dynamique d’insertion socio-professionnelle « positive ».
Les personnes se trouvent donc en situation « autonome », et indépendantes pour 71%. Elles ont un
logement autonome fonctionnel, ne vivent pas dans la cellule familiale ou en foyer, et disposent de
ressources propres pour satisfaire leurs besoins. L’autonomie en tant que capacité à faire des choix est
difficile à appréhender dans l’analyse par questionnaire et mériterait une enquête plus qualitative.
33
IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
L’insertion socio-professionnelle est déterminée par ce que l’on appelle « des parcours » toujours
particuliers et singuliers. Le « parcours » d’un individu est construit et produit à partir d’un ensemble
d’éléments : des normes, des règles, des valeurs, des éléments de culture etc.… ainsi que de
l’expérience « vécue » propre à chacun (comme les événements, les affects, les personnes
rencontrées…).
A partir des résultats de l’enquête, l’hypothèse 1-Le devenir de tout individu résulte de facteurs
multiples est validée : chaque individu s’est construit avec un « parcours individuel » qui lui est propre
et qui résulte d’une compréhension d’un vécu et des processus individuels et collectifs. L’institution a
joué un rôle dans le devenir des jeunes/enfants placés, et accompagne ces « parcours de vie » dans
leur diversification.
L’analyse fait ressortir dans les réponses sur le passage à « la vie adulte » à travers l’insertion socio-
professionnelle l’importance de l’étayage de La Salamandre.
A partir des liens qui subsistent entre la structure et ce public, il est possible de mesurer le rôle de
l’institution dans les différents parcours. Cela peut être illustré par l’importance des activités
pratiquées à La Salamandre. Pour 82% des jeunes interrogés, elles ont eu un rôle dans leur insertion,
c'est-à-dire dans leurs capacités à « s’insérer » dans la société. A partir des activités découvertes et
partagées (en individuel et en collectif) les individus ont pu retrouver/découvrir des ressources qu’ils
ont réutilisées et qu'ils disent avoir investies dans leurs « parcours ».
L’hypothèse 5 (formulée en direction des professionnels)-L’accompagnement des professionnels de la
MECS est un contre-pouvoir au déterminisme, peut partiellement être validée. Cette hypothèse sous-
tend l’idée que l’insertion professionnelle dépend de déterminants extérieurs à l’individu (ne relèvent
pas de ses choix premiers), ces déterminants lui sont contraignants et par conséquent, il aura du mal à
s’en échapper.
Par exemple, on pourrait penser qu’un jeune placé en MECS aura plus de difficultés dans la
construction de son parcours personnel et professionnel car un déterminisme antérieur à son accueil
(son histoire, des attributs sociaux : comme l’âge, le genre), lié à son milieu d’origine (ses parents, leur
niveau de revenu) et aux « éléments de parentalité »17 vont influencer ce parcours. Ces déterminants
doivent alors être surmontés ou compensés par l’accompagnement éducatif proposé dans la structure.
17Approche sociologique des parcours de vie de jeunes confiés, JF Miennee, Les cahiers de l’actif-N°446-447, p198
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IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
L’enquête réalisée nous montre que ces individus (en situation de placement d’une durée supérieure à
2 ans durant leur enfance/adolescence) ont une insertion plutôt positive.
Les professionnels ont certainement eu un rôle dans ces parcours d’insertion et de socialisation : dans
les représentations, c’est ce qui est exprimé à travers la dimension qualitative des questionnaires,
notamment à travers l'expression de « bon accompagnement ».
76% des personnes qui ont répondu voient leurs parents régulièrement (au minimum une fois par mois).
Cela nous révèle que le passage en institution de manière générale n’a pas « brisé » les liens familiaux.
Bien que la plupart de ces enfants aient été placés durant une phase de socialisation primaire, on
pourrait faire l'hypothèse qu'ils ont bénéficié d'une socialisation secondaire plutôt favorable : en effet, la
majorité de l’échantillon est intégrée à des groupes sociaux : tout d’abord dans l’emploi, puis dans
la cellule familiale, et ont su se créer et s’insérer dans des réseaux amicaux.
Les personnes qui déclarent ne pas « voir » leurs parents sont en cours d’étude, car plus jeunes et
sous mesure de protection. Ils sont encore dans la construction d'une trajectoire d’insertion socio-
professionnelle et d’autonomisation.
o Construction de la vie familiale
50% des personnes enquêtées sont parent avant 30 ans. Ils ont tous la garde de leurs enfants et ne
seraient pas « suivis » par les services sociaux dans le cadre d’un accompagnement à la parentalité. Il
s’agit de familles nucléaires.
Une personne exprime la volonté de ne plus vouloir de contact avec la MECS. Elle exprime ses bons
souvenirs et sa gratitude envers les personnes et l’institution, cependant marque de manière claire une
volonté d’éloignement avec la MECS : « Maintenant, je vous demande de me laisser tranquille, je ne
veux plus rien savoir de La Salamandre, pour moi le passé à La Salamandre c’est terminé, c’est clair,
net et précis et je ne veux plus entendre parler de La Salamandre».
On pourrait émettre l’hypothèse que pour cette personne la question de la parentalité et de la famille
n’est pas sans difficultés avec le statut « d’enfant placé ». Dans ce cas, le retour sur le passage en
institution lors de la « construction de sa propre famille » pourrait sembler difficile. On peut aussi
émettre une autre hypothèse ; une fois que les personnes sont « passées » par la MECS, construisent
leur famille, elles peuvent alors être en capacité de se « détacher » de l’institution.
35
IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
Il ressort dans le questionnaire que le « rôle de mère au foyer » est très affirmé. La position
« maternante » est mise en avant ainsi que le « prendre soin », comme l’expression d’une identité
prédominante. Cette réaction peut aussi être comprise comme refus du « stigmate » d’être associé à
l’institution et au statut « d’enfant placé » puis un moyen de réaffirmer à travers le statut de mère une
nouvelle affiliation. La réaction de cette personne enquêtée qui a malgré tout répondu au questionnaire
et se raconte dans le questionnaire fait écho aux paradoxes des institutions qui demandent aux jeunes
de « s’engager biographiquement »18, avec toujours une injonction à se raconter, à revenir sur son
vécu, sur son parcours tout en leur demandant d’acquérir une autonomie sous contrainte. La personne
exprime la volonté de se détacher du stigmate « d’enfant placé », qui sous-tend « l’injonction de se
raconter » parce qu’elle à été « placé » dans les services d’aide sociale à l’enfance (ce qu’on peut
qualifier « d’attentes normatives »).
Ce témoignage révèle l’importance du placement dans la construction du parcours, et dans la manière
de se raconter. Cet exemple est très intéressant, car bien que la personne exprime une volonté de
« détachement », celle-ci répond et se raconte dans le questionnaire : cela nous révèle le paradoxe du
stigmate : à la fois s’en détacher, bien qu’on en garde « les marques ».
Dans cet échantillon, les personnes qui ont « construit » une famille restent en contact avec le
personnel de la MECS mais de manière plus ponctuelle et rare que le reste de l’échantillon qui n’est
pas encore à cette étape de la vie. On peut supposer que la construction de « sa » famille amènerait à
un repli sur la cellule familiale. Or, pour autant, les liens avec La Salamandre ne sont pas rompus. La
question de la parentalité et l’insertion sociale de ces parents pourraient être interrogées dans un
second temps d’enquête de manière plus qualitative.
Là encore la question du « stigmate » intériorisé pourrait prendre sens (l’enfant placé a intériorisé son
statut d’enfant placé et l’institution comme identité, et en ce sens il lui « reste fidèle » tout au long de
son parcours). Pierrine Robin et Nadège Séverac19 parlent de « parentalités additionnelles » pour
symboliser l’accompagnement éducatif des professionnels et les liens qui se sont créés.
18 Cf Pierrine Robin
19 Cf annexe
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IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
L’importance du placement
o Le sentiment d’un « bon accompagnement »
93,3% de l’échantillon ont « le sentiment d’avoir eu un bon accompagnement ». Les jeunes adultes
étudiés représentent des placements de longues durées, entre 2 ans et 11 ans.
Les raisons principales de ce sentiment sont celles d’un « accompagnement avec la famille ». Le «lien
entre La Salamandre et la famille», « le soutien », « l’écoute », « l’encouragement » et la présence
du personnel (la stabilité) sont les principaux critères avancés.
Il ressort également dans les questionnaires que l’accompagnement a été vécu comme compréhensif
et répercutant dans les trajectoires.
« La présence », « l’écoute » et la stabilité des éducateurs font « figures » de repères.
Ces valeurs inhérentes aux pratiques des professionnels, notamment à travers les
« accompagnements au quotidien », les différents « projets » co-construits (enfants-équipe éducative)
sont traduites par les personnes placées, dans des représentations de l’ordre de l’affectif.
Il est intéressant de noter l’opposition entre les résultats des professionnels et ceux des « jeunes » qui
affirment pour 79% ne pas avoir construit de « projet » avec les professionnels de La Salamandre ; en
revanche, ils se sont sentis « aidés » à 83,3% par rapport à leur orientation future ( « aide » qui est
traduite par du soutien pour 73%, de « l’écoute » pour 54%).
Ces « jeunes confiés » qui ont des parcours marqués par l’instabilité trouvent avec ces figures
éducatives qui les accompagnent une stabilité qui fait pour eux la qualité du service. Cette stabilité est
d’ailleurs marquée sur la durée : si l’on croise les liens existants entre les personnes sorties et les
personnels de La Salamandre. Cf. paragraphe suivant Contact avec les professionnels de La
Salamandre.
L’hypothèse 5 La MECS est un soutien dans le passage à la vie adulte et pour l’insertion socio-
professionnelle se valide : la MECS, à travers un « bon accompagnement », est un soutien dans le
passage à la vie adulte avec le maintien du lien familial. La majorité de l’échantillon (76%) est toujours
en contact régulier avec sa famille (parents).
Aussi, la famille d’origine occupe une place importante dans le quotidien des personnes enquêtées.
87,5% d’entre elles voient « souvent » leurs parents : pour 42% c’est plusieurs fois dans le mois. 75%
de l’échantillon voient régulièrement d’autres membres de leur famille : tante/oncle pour 67%, 58%
cousin/nes. 100% de l’échantillon affirment avoir de « bon rapport » avec leur famille.
Les personnes qui ne sont pas en contact avec leurs parents sous toujours en situation de placement
(sous mandat de protection judiciaire).
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IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
o Activités comme moyen de socialisation et outils à l’insertion
La diversité des activités (à la fois culturelles, éducatives) ressort de manière récurrente dans les
questionnaires. 82% de l’échantillon affirment que ces activités (pratiquées durant le placement à La
Salamandre) ont eu un rôle pour leur insertion sociale et professionnelle.
De plus, à la question plus ouverte sur les « meilleurs » souvenirs vécus à La Salamandre, il est
invoqué dans chaque réponse donnée un souvenir lié aux activités et/ou séjours organisés durant le
placement. Cela valide l’hypothèse 1 et 5 -Le devenir de tout individu résulte de facteurs multiples-La
MECS est un soutien dans le passage à la vie adulte, à savoir que le devenir résulte de facteurs
multiples qui sont un soutien dans le passage à la vie adulte.
Aussi les activités pratiquées via l’association ADEPAPE ressortent comme un « moyen de sortir »,
« de penser à autre chose » et comme étant « intéressantes ». Ces facteurs de socialisation sont aussi
essentiels dans la construction identitaire des « enfants placés » et sont encore des souvenirs
valorisés par ces derniers.
Le rôle de l’association ADEPAPE est aussi à souligner : pour 80% de l’échantillon, les activités et
sorties proposées avec les bénévoles ont été un soutien pour l’insertion dans la vie sociale et
professionnelle. 92,3% déclarent « avoir apprécié » les sorties avec l’ADEPAPE car les « activités
étaient bien et intéressantes ». Pour 54% d’entre eux « c’était un moyen de sortir » et « de penser à
autre chose ».
- Avez-vous apprécié les sorties avec les
associations (comme ADEPAPE) lors de
votre passage à La Salamandre ?
Questionnaire à destination des jeunes
- Si oui, précisez - Questionnaire à destination
des jeunes
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IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
Ces activités souvent pratiquées en groupe sont des éléments déterminants dans la socialisation
secondaire. 56% de l’échantillon ont actuellement une passion et 25% déclarent faire du sport durant
leur temps libre.
50% des jeunes déclarent faire des sorties /être avec des amis durant leur temps libre : cela permet de
souligner que les enquêtés ont « une vie sociale ». Ils sont donc dans des réseaux de sociabilité qu’ils
ce sont créés et ne sont pas en situation d’isolement.
o Le sentiment d’appartenance
Nous avons interrogé le sentiment d’appartenance des enfants placés en MECS. En effet, les jeunes
interrogés ont été en situation de placement sur des durées longues et nous pouvons nous demander
si le placement en fratrie et avec d’autres enfants a développé des sentiments d’appartenance à un
groupe. Le placement et donc le « vécu » en institution marquent-t-ils un sentiment de différence pour
les enfants confiés ? Se sentent-ils appartenir à un groupe ? Transfèrent-ils sur l’institution qui les a
accueillis le sentiment d’appartenir à une « seconde famille » ?
Il s’agit d'interroger la construction de l’identité individuelle à travers l’identité collective.
Les résultats sont inférieurs à 50 % autant pour le sentiment « d’appartenance » à un groupe que celui
d’une « seconde famille ». 41 % des personnes ayant répondu ont un « sentiment d’appartenance à un
groupe » (59 % ne ressentent pas d’appartenance à un groupe). 47 % ont eu le « sentiment
d’appartenir à une seconde famille » (le reste de l’échantillon n’ayant pas coché cet item).
Les personnes ayant répondu recentrent toujours leurs réponses sur des références particulières et
individuelles. Les notions de groupe et de vie en collectivité ne ressortent pas. Dans les
questionnaires, les éducateurs se révèlent être, un groupe social de référence pour les personnes
placées.
L’hypothèse 2 - Le passage en MECS a des conséquences sur l’insertion socio-professionnelle - est
validée à la lecture des résultats des questionnaires. En effet 86 % de l’échantillon déclarent avoir
bénéficié d’un « soutien » dans l’accès à l’emploi. 67 % des interrogés pensent que La Salamandre
a joué un rôle dans l’accès à leur emploi actuel en matière de « soutien », « encouragement » et
« conseils ». La moitié de l’échantillon affirme que le passage à La Salamandre a une influence sur
leur situation actuelle.
Les différentes formes de socialisation et le travail autour de la scolarité mis en place à La Salamandre
ont été déterminants dans l’insertion socio-professionnelle des jeunes. Cependant, ces facteurs
résultent là encore de relations individuelles et non des dynamiques de groupes impulsées par la vie et
les activités en collectivité.
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IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
L’hypothèse 6 -L’accueil des frères et sœurs dans un même lieu pendant le placement favoriserait
l’insertion socio-professionnelle à leur sortie de la MECS- ne se valide pas avec les résultats des
questionnaires.
La question du placement fratrie n’est jamais apparue dans les questionnaires (l’échantillon évoque
des souvenirs individualisés et personnalisés), bien que 87,5 % de l’échantillon déclarent que le
placement « fratrie » a été une aide/soutien. On peut supposer que cela relève de la sphère du «trop
intime» et ne peut ressortir dans cette étude.
o Contact avec «les autres» enfants confiés à La Salamandre
Bien que les questionnaires ne révèlent pas un sentiment d’appartenance à un groupe entre les
enfants placés, ces derniers ont développé des liens d’amitié qui durent.
16 % des jeunes interrogés n’ont pas répondu à la question « vous êtes-vous fait des amis durant votre
passage à La Salamandre ? Si oui, êtes-vous toujours en contact avec eux ? ».
68 % de l’échantillon déclarent s’être fait des « amis » à La Salamandre, et 47 % sont toujours en
contact avec ces derniers. La socialisation impulsée par La Salamandre est importante car marquée
dans le temps. Certains (minorité) déclarent aussi ne pas s’être fait d’amis : « je suis pas là pour avoir
des amis, j’en ai à l’extérieur » ; « pas trop envie ».
Les désirs et les choix des individus sont essentiels et centraux dans la construction identitaire. Même
si l’institution cherche à « travailler » autour du lien collectif en organisant des séjours et des activités
en groupe ou encore des activités collectives, l’individu garde le choix de ne pas vouloir y adhérer.
o Contact avec les professionnels de La Salamandre
Comme déjà indiqué, l’ensemble de l’échantillon -qui n’est plus en situation de placement- est toujours
en contact avec La Salamandre. Les contacts sont réguliers et varient « de toutes les semaines » à
« de temps à autres ». De manière générale, il ressort que ce contact ou ce « lien » se fait de manière
informelle via internet (réseaux sociaux) et téléphone (appels ou SMS).
La sortie de la MECS est vécue « comme difficile » (sentiment d’angoisse et de tristesse) et le maintien
du « lien » semble important pour une majorité des personnes sorties. Il semble pertinent pour une
majorité que les liens avec le personnel de la Salamandre perdurent dans le temps. 53 % des jeunes
adultes enquêtés sont toujours en contact avec La Salamandre alors qu’ils sont sortis depuis plus de
10 ans de la structure (17 % n’ont pas répondu à cette question, certains sont toujours en cours de
placement).
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IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
Alors que le placement en lui-même est fini, le lien créé avec le personnel et la structure semble
perdurer. De même, la question de l’accompagnement et de sa fin est remie ici en question. Cela
pourrait être mis en regard avec les problématiques « d’attachement » souvent inhérentes aux
placements de longue durée. Bien qu’un lien récurrent et fréquent existe entre les éducateurs et
l’institution, le sentiment d’appartenance ne ressort pas dans les discours (pour plus de la majorité). La
question de la nature du lien qui pourrait être questionnée ici persiste et est difficile à appréhender par
la méthode de questionnaires. Les liens d’affiliation qui ressortent sont directs et réguliers, ce sont des
« attaches nouées »20 qui ne sont pas établies institutionnellement bien que récurrentes dans notre
enquête. Ils sont une figure de sécurité et de repères pour ces jeunes, qui ainsi ont le sentiment d’être
« suivis ».
Les questionnaires font ressortir de «très bonnes relations» (73,3 %) avec les éducateurs pendant les
périodes de placement et de «très bonnes relations» (56,2 %) avec les chefs de services. Les
souvenirs gardés en mémoire par les personnes placées à La Salamandre révèlent des relations
positives entre « les jeunes » et les professionnels de « l’institution ».
Cela permet de confirmer la validation de l’hypothèse 1-5 et remet en question l’hypothèse 4- La
sortie à 16 ans de la MECS est vécue comme une forme d’indépendance/ou comme un moment
d’angoisse. Le moment de la sortie a été vécu avec « tristesse » pour 69,2 % de l’échantillon. De plus,
75 % ne se sentaient pas « adultes » en sortant et déclare qu’ils n’étaient pas « pressés de sortir ». En
revanche, en sortant, 62,5 % de l’échantillon se sentaient « plus armé pour la vie adulte ». L’hypothèse
4 se valide sur le versant de l’angoisse, la sortie de la MECS préparée autour de discussions avec les
éducateurs et les familles est vécue comme un moment « difficile ».
Le lien existant entre les professionnels et les jeunes adultes sortis de La Salamandre pose la question
de la symbolique de la sortie. Les personnes intégrées au monde professionnel et en situation familiale
gardent un lien stable avec les personnes rencontrées durant leur placement (à la fois les amis et les
professionnels de la structure).
Cela valide l’hypothèse 4 posée dans l’analyse des questionnaires à destination des professionnels.
Les professionnels ont un rôle dans le processus de « réparation » des jeunes. Les éducateurs ont
aussi un rôle important dans le processus de socialisation primaire qui se révèle par leurs liens
récurrents dans la vie d’adulte des enfants placés.
20 Cf Pierrine Robin
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IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
Le cadre de l’institution qui a fait rôle d’autorité pour ces « jeunes » placés s’avère être comme une
ressource pour eux (au même titre que la famille, bien qu’ils ne l’assimilent pas de manière majoritaire
à cette sphère).
o Qualification du parcours depuis la sortie
L’évocation des parcours depuis la sortie de La Salamandre a été soulevée par la moitié de
l’échantillon, les autres ayant laissé un blanc à cette question ouverte. 61,5 % déclarent avoir rencontré
des « difficultés » à la sortie de La Salamandre.
Les réponses à la question ouverte «comment qualifieriez-vous votre parcours depuis la sortie de La
Salamandre ?» expriment des difficultés dans les parcours : «en dents de scie», «le parcours du
combattant», «Instable», «Difficile !». La question de la stabilité et du bien-être est récurrente et nous
pouvons penser qu’une situation de placement (et particulièrement lorsqu’il y en a plusieurs pour une
même personne) reste une problématique récurrente.
De même, la notion de « parcours » comme support à la construction identitaire et à l’autonomie est
déterminée selon trois dimensions, identifiées par Michelle Duval ou encore Mike Stein21 ; le rapport à
l’origine du placement et à l’histoire, les possibilités de participer aux décisions durant l’évaluation de
leur situation et la création de liens durant le placement. Les réponses aux questionnaires de part le «
passage » écrit sont moins « spontanées » que les discours. Elles nous donnent à voir ce que les
personnes veulent nous « montrer » de leurs contraintes, mais aussi de leur marge d’autonomie et de
leurs stratégies identitaires et d’affiliation.
Malgré ou à partir de ce constat, l’ensemble des réponses se veulent positives : « Moyen au début,
mais très bien au final donc merci », « Plutôt bien, malgré tout », « Beaucoup d’échecs (…). Grâce à
eux je suis devenu indépendant » ; « Heure actuelle « période positive », « (…) depuis quelques mois
tout va bien (…) ». Cela nous permet de relier ces dires aux résultats de l’insertion socio-
professionnelle qui sont « positifs ». Les références au placement et « l’aide » de la structure sont des
fils conducteurs lorsque les personnes écrivent sur leurs parcours.
21 Michelle Duval, L’action collective pensée par Hannah Arendt : comprendre l’agir ensemble pour le favoriser, Service
Social vol.54, n°1, 2008-P83-96
Mike Stein, Resilience and young people leaving care, Overcoming the odds, York, Joseph Rowntree Foundation, 2005
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IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
La reconnaissance du travail effectué par les professionnels ressort à travers l'évaluation
« attribuée » par les usagers (taux de réponse 82 %) : 4 personnes attribuent la note de 10/10, les
autres varient entre 7 et 9,5.
Hypothèse 3 : L’insertion socioprofessionnelle des sortants de la MECS est plus difficile car ils
auraient des manques semble validée à travers les positions vécues par les personnes.
Le passage et les liens qui perdurent avec La Salamandre sont récurrents dans les parcours des
jeunes interrogés dans ce questionnaire.
Nous pouvons également mesurer dans les discours l’influence du passage dans une institution,
notamment dans la manière de « se dire », de parler de soi avec une certaine « distance » tout en
valorisant l’importance et l’influence du travail des équipes éducatives dans les trajectoires.
Cependant, les personnes qui ont acceptées de répondre à cette enquête ne sont pas celles les plus
en rupture avec la structure.
43
IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
IV. Synthèse comparative et pistes de réflexions
Cette enquête sur l’insertion socioprofessionnelle des « jeunes » placés dans une MECS nous révèlent
plusieurs choses. Les questionnaires croisent les représentations des professionnels avec celles du
public accompagné et « sorti » du système institutionnel.
« Gérer seul les actes de la vie quotidienne » tout en maintenant le lien familial
o L’accompagnement des professionnels est très axé autour de l’apprentissage de « l’autonomie »
à travers la question du budget et le maintien des liens familiaux.
o Ces deux concepts sont à l’inverse peu ressortis dans les résultats des « jeunes », bien
qu’assimilés puisque l’ensemble des personnes sont en situation d’emploi, en construction d’une
cellule familiale pour 41 % et pour la majorité intégrées dans des réseaux sociaux.
« Aider-Aimer-Soutenir (…) ça m’a permis de grandir »
o Le travail d’accompagnement des professionnels a été apprécié/interprété par «les jeunes» sortis
de la structure sous un aspect affectif. La question de l’affect22 est fortement valorisée et semble avoir
été un facteur très influent dans leur insertion.
o Les professionnels n’ont pas mis en avant le rôle « affectif » qu'ils auraient pu avoir, ceci étant lié à
leur posture professionnelle éducative. Ils ont davantage valorisé les critères de « réussite » comme
finalité de leurs missions éducatives. Les missions éducatives des professionnels sont traduites par les
jeunes sortis de la structure à travers les notions de soutien personnalisé, stabilité et leur travail
d’écoute.
22 Affect : il s’agit communément d’un processus qui à travers une émotion, d’un ressenti peut influencer le
comportement. La philosophie, avec Hobbes et Descartes situe l’affectivité au cœur de la réflexion sur la
condition humaine, il s’agit globalement d’un dispositif de relation à l’autre, c'est-à-dire des phénomènes
relativement sociaux. Spinoza dans l’Ethique (III) parle des affects comme une cause extérieure qui influence un
milieu et notamment le corps (mode existant).
44
IRTS POITOU-CHARENTES – PREFAS - mai 2014
« C’était magique » : des pratiques culturelles valorisées
o De même, pour les jeunes les activités et séjours « vécus » à La Salamandre ont une place
centrale dans les discours et l’évocation des souvenirs. En revanche, la question du collectif et de la
fratrie est peu présente dans les analyses. Aussi le sentiment d’appartenance à un groupe n’est pas
ressorti mais pourtant les liens entre les « jeunes placés » perdurent. La séparation et l’absence de
liens entre les « jeunes placés » et aussi « les jeunes adultes et La Salamandre » ne sont jamais
apparues. Bien que n’ayant pas un sentiment d’appartenance, les sortants restent en lien avec le
collectif auquel ils disent pourtant ne pas appartenir.
Des parcours « en dents de scie »
o Bien que les sortants qui ont participé à cette enquête reflètent des trajectoires erratiques qui
sont intégrées dans les discours : « le parcours du combattant » ; « en dent de scie » ; « instable,
difficile beaucoup de mal à me stabiliser et me sentir bien » ; « à l’heure actuelle : période positive », ils
se trouvent aujourd’hui en situation d’insertion socioprofessionnelle concrétisée (emploi, logement,
réseaux sociaux, supports familiaux).
o Il ressort une certaine « loyauté » à travers le maintien des liens à la fois vis-à-vis du milieu
d’origine (à partir des contacts réguliers avec les familles proches pour la majorité), mais aussi des
« amis » rencontrés pendant le placement et des éducateurs référents représentant la structure
d’accueil et un cadre stable qui est une référence dans le temps.
Perspectives de l’enquête
L’enquête n’a pas mis en avant une forme de « sortie » pensée et institutionnalisée, mais des liens
plutôt « informels » plus ou moins fréquents sont ressortis dans les pratiques. Ces liens induisent des
relations interpersonnelles qui peuvent dépasser les fonctions professionnelles strictes.
Il pourrait être intéressant de réinterroger (en entretien semi-directifs) les professionnels autour de
leurs représentations et analyses d’un point de vue humain, éthique et déontologique sur leur place et
les relations de l’après-MECS, ainsi que de questionner la place des parents. Cela nous permettrait à
travers l’analyse des discours, de saisir des données qualitatives plus poussées, qui révèleraient ainsi
le sens que les acteurs donnent à leurs représentations, de mesurer l’influence de ces dernières dans
les pratiques nous permettant de mieux reconstituer et comprendre des processus d’actions influant
sur les publics accompagnés.
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L’enquête montre un lien important entre les personnes sorties de la structure et les éducateurs qui les
ont accompagnés. Il est difficile de savoir si la sortie de la MECS est ritualisée (57 % de l’échantillon
des professionnels affirment que la sortie est marquée de manière institutionnelle, 50 % déclarent que
non, et 73,3% déclarent qu’il n’y a pas d’événement particulier mis en place pour la sortie)23.
Dans Le Sociographe n°25 Gilles Raveneau propose une analyse autour des rituels dans les Maisons
d’Enfants à Caractère Social. Il constate que nous sommes aujourd’hui dans un « accueil de
proximité » qui travaille de manière attentive « la séparation » entre l’enfant et sa famille et souligne
l’importance de la ritualisation dans l’éducation et la construction de soi des enfants accueillis. Il insiste
notamment sur les « rituels » d’entrée et de sortie au sein de la structure : le rituel d’entrée créant un
« sentiment d’appartenance et d’inclusion ». Il s’agit d’intégrer le nouveau venu et ainsi par ce
« passage » d’intégrer un « nouveau statut » sous le regard de ce qui va devenir la « communauté
sociale ». La question de l’avant-après le rite de passage est hautement symbolique, en ce qu’il institue
le nouvel ordre établi. Il agit ainsi sur la représentation du réel (cf. P. Bourdieu, Les rites comme actes
d’institution, Acte de la recherche en sciences sociales, 43, 1982). Le rite se relie à l’institution à partir
de la production d’une culture éducative (reconnaissance du cadre et des nouveaux codes à la fois
moraux et de socialisation avec le reste de la communauté). Le rite d’entrée et de sortie est
particulièrement important. Il intègre le parcours individuel (vécu subjectivement) dans une identité
collective, une réalité sociale. Il démontre donc une fonction sociale importante : « consacrer une
identité en problématisant la différence (…) métamorphoser une expérience vécue en réalité sociale et
une identité collective en évènement subjectif vécu ». (p.72)
o Aller vers une approche plus qualitative
L’hypothèse 1 Le cadre institutionnel/les professionnels induisent des normes d’insertion sociale et
professionnelle peut difficilement être validée ou invalidée dans cette enquête.
Par définition, l’enquête par questionnaire a pour objectif d’obtenir une vision « extensive », des
données relatives à une population (au sens large). A l’inverse, il est moins évident d’y percevoir des
représentations ou encore le sens que les individus peuvent donner à leurs actions qui se perçoivent
dans une méthode plus « intensive » notamment à l’aide d’outils tels que les entretiens individuels.
Cependant, les premiers résultats issus de cette enquête par questionnaires s’avèrent être plutôt
positifs, puisqu’ils nous ont permis d’esquisser des analyses qualitatives qui pourront être consolidées
par la suite.
23 Voir tableau en annexe
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Le cadre institutionnel induit inévitablement des normes à travers l’accès à la qualification,
l’apprentissage de l’autonomie, la place de la famille, l’insertion professionnelle ; cependant ils sont
toujours individualisés et mériteraient une attention à part entière avec un regard plus poussé et une
approche spécifique.
De même, la question du placement fratrie n’a pas pu ressortir dans les questionnaires, or la question
des liens avec la famille d’origine, la perception du placement fratrie comme ayant été une aide, un
soutien, un moyen de repères dans l’insertion future nous semble importante. Le rôle des individus
dans le placement des frères et sœurs pourrait être approfondi à partir des entretiens.
Il serait donc intéressant de compléter l’approche quantitative avec une approche qualitative
autour d’entretiens individuels (semi-directifs) afin de pouvoir avoir une analyse des parcours plus
poussée. Cela nous permettra d’appréhender les déplacements (le vécu des trajectoires de
placements) et temporalités vécues qui sont fortement déterminantes dans le « devenir » des individus.
A partir d'une étude plus approfondie des individus nous pourrons de même interroger et ainsi mettre
en regard les trajectoires vécues et la manière dont les pratiques des professionnels sont perçues, et
en deçà ont été pensées.
o Remarques méthodologiques
Il est à noter que la porte d’entrée pour cette enquête fut l’institution et que cela a pu induire une
certaine « adaptation » des enquêtés. Il convient donc de garder un certain « recul» sur un potentiel
« biais » induit par ce mode de fonctionnement (questionnaires envoyés par la MECS, carte
« personnalisée » etc.).
De même, nous constatons que les répondants reflètent des trajectoires aujourd’hui stabilisées du
point de vue de la norme sociale (emploi pour la majorité, vie de famille, appartenance à des réseaux
sociaux) et peut être les plus enclins à répondre à ce type de sollicitation. Il est également admis que
les publics qui connaissent les situations les plus précaires sont les plus insaisissables et mériteraient
d’envisager d’autres modes d’accès pour recueillir leurs paroles.
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ANNEXES
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BIBLIOGRAPHIE -Enfants placés, déplacés, replacés : parcours en protection de l’enfance, Emilie Potin, Erès, Pratique du champ social, 2012 -Regards croisés sur le placement familial, coordonné par Hélène Join-Lambert Milova et Annick-Camille Dumaret, La revue internationale de l'éducation familiale, L'Harmattan, 2010 -La famille : une affaire publique, Michel Godet et Evelyne Sullerot, La documentation française, 2009 -Sociologie de la jeunesse, Olivier Galland, Armand Colin, 247p, 2007 -La socialisation, thèmes et débats, Bolliet Dominique-Schmitt Jean-Pierre sociologie, bréal, 124p, 2004 - La jeunesse n’est plus ce qu’elle était, sous la direction de Jacques Hamel, Catherine Pugeault-
Cicchelli, Olivier Galland, Vincenzo Cicchelli, Presse Universitaire de Rennes, 405p, 2010
- La socialisation, Dominique Bolliet, Jean-Pierre Schmidt, Brochet, 128p, 2004
-Les métamorphoses de la question sociale, Castel Robert, Folio Essai, 813p, 1999
RAPPORTS
-Après les Cèdres Bleus...quels devenir à l'issu d'un placement dans une maison d'enfant?, M.Corbillon, A. Dulery, M.P Mackiewicz avec la participation de G.Rosset, juin 1997 -Vulnérabilité, identification des risques et protection de l’enfance : Nouveaux éclairages et croisements de regards, Parcours de vie des jeunes placés : Mobilité et transitions biographiques, Séminaire de Recherche ONED 2013-séance n°3 -Entrer dans l’âge adulte : la préparation et l’accompagnement des jeunes en fin de mesure de protection, ONED, 11 Décembre 2009 -L’évolution des relations parents-enfants-professionnels dans le cadre de la protection de l’enfance, octobre 2001, Claude Roméo
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ARTICLES
-Esquisse de rites en Maisons d’Enfants à caractère social, Performativité, plasticité, subjectivité, Gilles Raveneau, Le Sociographe, N°25, janvier 2008 -Approche sociologique des parcours de vie de jeunes confiés, Jean François Miennee, Les cahiers de l’Actif, N°446/447, juillet-aout 2013 -Etude du mode d’adaptation des jeunes à travers la notion de projet, François Dubet, Revue Française de Sociologie, 1973 -Le devenir des jeunes placés : la nécessité d’une observation longitudinale et représentative tenant compte des contextes socioculturels et politiques, Martin Goyette-Isabelle Frechon, Revue Française des Affaires Sociales, 2013 -Les trajectoires de prise en charge par l’aide sociale à l’enfance de jeune ayant vécu un placement, Isabelle Frechon, Nicolas Robette, Revue Française des Affaires Sociales, 2013 -L’accompagnement : une fonction du travail social, Christina de Robertis, La Revue Française de service social, numéro 223-224, 4 décembre 2005 -Les Maisons d’enfants à caractère social-Entre histoire et mutations, EMPAN, n°85, mars 2012 -Parcours de vie des enfants et des jeunes relevant du dispositif de protection de l’enfance : les paradoxes d’une biographie sous injonction, Pierrine Robin, Nadège Séverac, Recherches familiales, n°10, 2013, p91-102 - La jeunesse n’est qu’un mot, Pierre Bourdieu, Entretien Les jeunes et leur premier emploi, Association des âges, 1978
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Questionnaire en direction des professionnels
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Sal am an d r e p o u r l es j eu nes? Si o u i l esq uel s?
Pensez - vo us q ue l e p assag e en MECS au r a u ne i n f l uence su r l ' i nser t i o n
p r o f ess i o n n el l e d es j eu n es ?
Pensez - vous q ue c'est u n "han d icap " p o u r l ' i nser t i on f u t u r e?
ad u l t e?
oui
non
Si ou i avec q uel s su p p or t s
Si n o n p o u r q u o i?
Pas notre orientation
Pas utile
Lo rsq ue vo us ab o r dez l a q uest i o n de l a so r t i e d e La Sal am an dr e avec l es j eu nes,
refus d'en parler
sentiment d'angoisse
autre
autre :
Satisfaisantes
difficile
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Questionnaire à destination des jeunes
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Si oui pourquoi ne l'occupez vous plus aujourd'hui?
Fin de contrat
Licenciement
Cherchez vous actuellement un emploi?
Oui
Non
Si non pourquoi ?
Pas envie
Pas de temps
oui
non
oui
non
Encouragements
recherches
Si oui de la part de qui?
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beaucoup
un peu
pas vraiment
pas du tout
Vos choix personnels?
beaucoup
un peu
pas vraiment
pas du tout
Etes vous soutenu(e) aujourd'hui ?
oui
non
Si oui de la part de qui ?
amis
famille
conjoint(s)
connaissances
travailleurs sociaux
scolaire ?
oui
non
Si oui dans quel sens ?
aide aux devoirs
soutien moral
Si non pourquoi ?
Ils ne me comprenaient pas
je n'avais pas envie
3 - LA SALAMANDRE : PASSAGE ET PREPARATION A LA SORTIE
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Résultats questionnaire à destination des « jeunes » sortis de La Salamandre
-Aujourd’hui vous êtes ? :
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- Où vivez-vous actuellement?
-Avez-vous des diplômes ?
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-Lesquels ?
Résultats questionnaires à destination des professionnels
-Avez-vous gardé des liens avec des jeunes sorties de la MECS?
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-Si oui, de quels types ? :
-Avez-vous connaissance du devenir des jeunes passés par la MECS ?
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-Si oui, sur une période de combien de temps en moyenne ?
-Lorsque vous abordez la question de la sortie de La Salamandre avec les jeunes, comment diriez-vous
qu'ils réagissent (en général) ?
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-Pensez-vous que d'autres actions pourraient-êtes mises en place pour améliorer la sortie de La
Salamandre ?
-Quel accompagnement mettez-vous en place pour la préparation du jeune lors de la sortie de la
MECS ?
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Nous remercions l’équipe administrative et éducative, l’ensemble du conseil
d’administration ainsi que les personnes ayant participés à l’enquête pour leur
coopération.