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LA MAÎTRISE DE L’ÉNERGIE_PRINTEMPS 2012 18 L’INTÉGRATION DES PROCÉDÉS : UNE APPROCHE PUISSANTE POUR RÉDUIRE LA CONSOMMATION D’ÉNERGIE DANS LES PROCÉDÉS INDUSTRIELS AU QUÉBEC, LE SECTEUR INDUSTRIEL UTILISE 33 % DE TOUTE L’ÉNERGIE CONSOMMÉE DANS LA PROVINCE. LES INSTALLATIONS INDUSTRIELLES REJETTENT ÉGALEMENT DE GRANDES QUANTITÉS DE CHALEUR SOUS FORME DE COURANTS LIQUIDES OU GAZEUX. Ces rejets thermiques proviennent aussi bien des systèmes de production des utilités ( vapeur, fluides thermiques, réfrigération, gaz comprimés ) que des équipements de procédé d’une usine. Leur récupération ouvre la porte à d’importantes économies d’énergie et constitue une grande opportunité encore largement sous-exploitée. S’il est relativement facile d’identifier des sources de chaleur, il est plus délicat d’identifier quelle peut en être la meilleure utilisation, en particulier dans les procédés complexes. Quel courant devrait-on préchauffer avec cette énergie ? Et dans quel département ou secteur de l’usine ? Pour répondre à de telles questions et optimiser la récupération de chaleur, une vision globale et intégrée des sources et demandes de chaleur de l’usine est requise. RÉALISEZ D’IMPORTANTES ÉCONOMIES D’ÉNERGIE GRÂCE À L’INTÉGRATION DES PROCÉDÉS L’intégration des procédés ( IP ) est une approche globale et systématique qui analyse un procédé ou une usine dans son ensemble, plutôt que de considérer chaque équipement ou système énergétique indépendamment. Des bilans de masse et d’énergie rigoureux, combinés à l’analyse Pinch (voir l’encadré) permettent au professionnel de développer une vision d’ensemble et de baser son analyse sur des principes thermodynamiques et non pas uniquement sur l’expérience et l’observation. L’IP permet ainsi de dresser un portrait complet des possibilités pour une meilleure utilisation de l’énergie et des ressources, de minimiser les rejets ther- miques et conduit à des économies d’énergie substantielles, généralement de 10 à 30 %. L’approche se révèle ainsi particulièrement adaptée pour traiter des problématiques industrielles aussi variées que : réduire la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre (GES) ; augmenter la rentabilité d’une usine par une réduction des coûts liés à l’énergie ; maximiser la récupération de chaleur et le potentiel de cogénération ; réduire la consommation d’eau et la production d’effluents ; et planifier un changement dans la capacité de production. Philippe Navarri, Gestionnaire principal de projet, Groupe optimisation des procédés industriels // CanmetÉNERGIE, RESSOURCES NATURELLES CANADA www. .org

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LA MAÎTRISE DE L’ÉNERGIE_PRINTEMPS 201218

L’INTÉGRATION DES PROCÉDÉS :

UNE APPROCHE PUISSANTE POUR RÉDUIRE LA CONSOMMATION D’ÉNERGIE DANS LES PROCÉDÉS INDUSTRIELS

AU QUÉBEC, LE SECTEUR INDUSTRIEL UTILISE 33 % DE TOUTE L’ÉNERGIE CONSOMMÉE DANS LA PROVINCE. LES INSTALLATIONS INDUSTRIELLES REJETTENT ÉGALEMENT DE GRANDES QUANTITÉS DE CHALEUR SOUS FORME DE COURANTS LIQUIDES OU GAZEUX.

Ces rejets thermiques proviennent aussi bien des systèmes de production des utilités ( vapeur, fluides thermiques, réfrigération, gaz comprimés ) que des équipements de procédé d’une usine. Leur récupération ouvre la porte à d’importantes économies d’énergie et constitue une grande opportunité encore largement sous-exploitée.

S’il est relativement facile d’identifier des sources de chaleur, il est plus délicat d’identifier quelle peut en être la meilleure utilisation, en particulier dans les procédés complexes. Quel courant devrait-on préchauffer avec cette énergie ? Et dans quel département ou secteur de l’usine ? Pour répondre à de telles questions et optimiser la récupération de chaleur, une vision globale et intégrée des sources et demandes de chaleur de l’usine est requise.

RÉALISEZ D’IMPORTANTES ÉCONOMIES D’ÉNERGIE GRÂCE À L’INTÉGRATION DES PROCÉDÉSL’intégration des procédés ( IP ) est une approche globale et systématique qui analyse un procédé ou une usine dans son ensemble, plutôt que de considérer chaque équipement ou système énergétique indépendamment.

Des bilans de masse et d’énergie rigoureux, combinés à l’analyse Pinch (voir l’encadré) permettent au professionnel de développer une vision d’ensemble et de baser son analyse sur des principes thermodynamiques et non pas uniquement sur l’expérience et l’observation. L’IP permet ainsi de dresser un portrait complet des possibilités pour une meilleure utilisation de l’énergie et des ressources, de minimiser les rejets ther-miques et conduit à des économies d’énergie substantielles, généralement de 10 à 30 %.

L’approche se révèle ainsi particulièrement adaptée pour traiter des problématiques industrielles aussi variées que : • réduirelaconsommationd’énergieetlesémissionsdegazàeffet

de serre (GES) ; • augmenterlarentabilitéd’uneusineparuneréductiondescoûts

liés à l’énergie ; • maximiserlarécupérationdechaleuretlepotentieldecogénération; • réduirelaconsommationd’eauet la production d’effluents ; et • planifierunchangementdanslacapacitédeproduction.

Philippe Navarri, Gestionnaire principal de projet, Groupe optimisation des procédés industriels // CanmetÉNERGIE, RESSOURCES NATURELLES CANADA

www. .org

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LA MAÎTRISE DE L’ÉNERGIE_PRINTEMPS 2012

RÉSULTATS CANADA QUÉBECRéduction de combustible (TJ/an) Taux d’implantation des projetsProduction additionnelle d’électricité (MW)

6 60055%50

2 50061%0

Réductiondescoûtsdecombustible(millions$/an)Revenusdeproductiond’électricité(millions$/an)Autresgainsmonétaires(millions$/an)

54156

2002,5

Réductions directes1 de GES (tonnes/an)Réductions totales2 de GES (tonnes/an)

311 000414 000

130 000130 000

Investissementsdel’industrie(millions$)Période de retour sur l’investissement (PRI moyen)

> 1001,4 année

201,5 année

1 réductions de GES associées à une réduction de consommation de combustible fossile.

2 réductions totales de GES incluant les réductions indirectes liées à des économies d’électricité ou à la production d’électricité d’origine renouvelable.

1 Ressources naturelles Canada, Office de l’efficacité énergétique. L’énergie en tête : Rapport annuel 2011 du PEEIC, Ottawa.

FIGURE 1 ÉTUDES RÉALISÉES DANS LE CADRE DU PROGRAMME D’INCITATIFS À L’IP DE RNCAN

TABLEAU 1 FAITS MARQUANTS DU PROGRAMME D’INCITATIFS À L’IP DE RNCAN

PÂTES ET PAPIERS

AGROALIMENTAIRES

PÉTROCHIMIE

ENGRAIS

MINES ET MÉTAUX

CHIMIE

AUTRES

0 5 10 15 20 25

NOMBRES D’ÉTUDES D’IP

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UNE APPROCHE PAYANTELorsque les entreprises réalisent une analyse d’IP de leurs procédés, elles sont souvent impressionnées par les économies d’énergie qui peuvent être réalisées. Même des usines réputées efficaces, avec de nombreuses mesures de récupération de chaleur déjà en place, y trouvent leur compte en décou-vrant de nouveaux gisements d’économies. Ainsi, depuis que Ressources naturelles Canada ( RNCan ) a lancé son programme d’incitatifs à l’IP, plus de 50 usines canadiennes ont réalisé une étude d’IP de leurs installations dans des procédés variés allant des pâtes et papiers à l’agroalimentaire, en passant par la production d’engrais et le raffinage de pétrole ( voir la figure 1 ). Selon une étude d’impact réalisée par RNCan1, ces entreprises ont réalisé des économies de combustible de 6 600 térajoules ( TJ ) par an, se traduisant par des économies annuelles de 54 millions de dollars et une réduction des émissions de GES de 311 000 tonnes par an. D’autres bénéfices ont également été générés par l’IP, dont des réductions de consommation d’eau, des économies d’électricité, une plus grande production d’électricité par cogénération ainsi qu’une augmentation de production évalués à plusieurs millions de dollars par an. La mise en œuvre des mesures a nécessité des investissements de plus de 100 millions de dollars de l’industrie pour une période de retour sur l’investissement ( PRI ) moyenne de 1,4 année ( voir le tableau 1 ). Une vingtaine de ces études ont été réalisées au Québec, la province la plus active au niveau des études d’IP.

Parmi les compagnies ayant adopté l’approche, la compagnie Kruger a réalisé des études d’IP dans 7 de ses 10 usines. Ce chef de file de l’industrie des pâtes et papiers l’intègre désormais dans sa planification stratégique en matière d’énergie. D’autres études d’IP ont été réalisées avec succès dans d’autres usines québécoises. On peut citer le cas de Sucre Lantic où 9 projets rentables d’économie d’énergie ont été retenus et priorisés dans un plan d’action pour des économies potentielles de l’ordre de 14 %. Chez Doubletex, une teinturerie de textile, une étude d’IP a permis d’identifier plusieurs projets permettant à l’usine de réduire sa facture énergétique de 17 % et de générerdeséconomiesannuellesd’eaude160000$.Autotal,onestimeàplus de 100 le nombre d’usines au Québec qui pourraient bénéficier d’une meilleure intégration énergétique de leurs procédés. Si toutes utilisaient l’IP, elles pourraient économiser plusieurs dizaines de millions de dollars en coûtd’énergieetréduireleursémissionsdeGESdeplusieurscentainesdekilotonnes par année.

L’INTÉGRATION DES PROCÉDÉS S’APPLIQUE-T-ELLE À VOTRE ENTREPRISE ?L’IP est particulièrement adaptée aux installations industrielles qui disposent de systèmes énergétiques complexes et qui consomment d’importantes quantités d’énergie thermique, plus de 75 000 gigajoules par année, soit l’équivalent d’une consommation de gaz naturel supérieure à 2 000 000 m3 par an.

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LA MAÎTRISE DE L’ÉNERGIE_PRINTEMPS 2012

Le livrable final d’une étude d’IP consiste en une liste de mesures d’éco-nomies d’énergie présentées dans un plan d’action pour améliorer l’efficacité énergétique de l’usine à court, moyen et long terme. Ce plan d’action fournit une vision des projets qui sont possibles, de leur rentabilité ainsi que l’ordre dans lequel ces projets doivent être implantés afin de maximiser les bénéfices.

SOUTIEN À L’INTÉGRATION DES PROCÉDÉSLe Ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF), en colla-boration avec CanmetÉNERGIE, offre plusieurs services aux ingénieurs, spécialistes en efficacité énergétique et décideurs du milieu industriel québécois afin de favoriser l’utilisation de l’IP dans les usines : • formationtechniqueenintégrationénergétiquedesprocédésindustriels; • logicielIntégration pour faciliter la réalisation d’études d’IP ; • soutientechniqueàlaréalisationd’étudesd’IP; • servicedevisiteenusinepourévaluerlesbénéficesquel’IPpeutapporter.

Plusieurs programmes de subvention sont également disponibles pour encourager les entreprises à réaliser des analyses énergétiques et im-planter des mesures pour améliorer la performance énergétique de leurs usines et réduire leur impact sur l’environnement. L’IP est admissible à plusieurs de ces programmes de financement dont les aides financières peuvent être cumulées.

Au niveau fédéral, Ressources naturelles Canada offre un incitatif financier dans le cadre de son programme écoÉNERGIE sur l’efficacité énergétique dans l’industrie. Des programmes sont également dispo-nibles au niveau provincial, via le Ministère des Ressources naturelles et de la Faune. Finalement, Gaz Métro offre de l’aide financière pour favoriser une utilisation plus efficace du gaz naturel.

Pour en apprendre davantage sur l ’intégration des procédés industriels, visitez le site web de CanmetÉNERGIE: http://canmetenergie.rncan.gc.ca/procedes-industriels/optimisation-procedes-industriels/integration-procedes/1944.

Au sens de l’IP, la complexité d’un procédé se caractérise, non pas par la complexité des équipements de production proprement dits ou des stratégies de contrôle, mais par la présence d’un grand nombre de points d’échange de chaleur. Ainsi, l’intégration des procédés est d’autant plus adaptée à une usine si l’on y retrouve plusieurs des caractéristiques suivantes : • ungrandnombred’échangeursdechaleur; • uneconsommationimportantedevapeuroudecombustible; • unegrandeconsommationd’eauchaudeoud’huilethermique; • deséquipementsdeprocédéénergivores(p.ex.:fours,colonnes

à distiller, séchoirs, évaporateurs, réacteurs, etc.) ; • degroscompresseurspourlaréfrigérationetlaproductiond’air

comprimé ou de gaz de procédé ; et • unegrandeutilisationderefroidissement.

LES ÉTAPES D’UNE ÉTUDE D’INTÉGRATION DES PROCÉDÉSUne étude d’IP suit une démarche rigoureuse et structurée qui comprend généralement sept étapes. Ces étapes peuvent être légèrement différentes d’une usine à l’autre, selon les objectifs de l’étude, la complexité du procédé, les données disponibles et les attentes particulières de l’usine. Cependant, dans la plupart des cas, les étapes à suivre sont les suivantes : 1. Construire un diagramme simplifié des courants d’énergie du procédé ; 2. Établir un bilan de masse et d’énergie ; 3. Réaliser un bilan d’énergie détaillé de certains équipements

complexes et énergivores ; 4. Analyser les possibilités de modifications aux conditions

de fonctionnement de certains équipements ; 5. Effectuer une analyse Pinch ( ou analyse de pincement ) ; 6. Réaliser une étude de préfaisabilité technico-économique

des projets identifiés ; 7. Sélectionner les projets et développer un plan d’action pour

l’implantation des projets.

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L’intégration des procédés : une approche puissante pour réduire la consommation d’énergie dans les procédés industriels

L’ANALYSE PINCH : LA TECHNIQUE D’INTÉGRATION DES PROCÉDÉS LA PLUS UTILISÉE

Parmi les techniques d’IP à avoir vu le jour, l’analyse Pinch ( ou analyse de pincement) est certainement la plus utilisée. Cela est dû à la simplicité desconcepts sur lesquels elle repose, la richesse des informations pratiques qu’elle fournit à l’ingénieur pour définir des projets d’économies d’énergie et les résultats spectaculaires obtenus pour une grande variété de procédés industriels.

L’analyse Pinch est basée sur une représentation graphique de l’ensemble des besoins de chauffage et de refroidissement du procédé sur un diagramme T ( température ) vs Q ( flux de chaleur ) : les courbes composites ( voir figure 2 ).Ces courbes composites permettent de déterminer : • laquantitémaximaledechaleurquipeutêtrerécupéréedans

les courants chauds pour chauffer les courants froids ( zone de recouvrement des deux courbes ) ;

• laquantitéminimaledechaleur(Q C,min ) et de refroidissement ( Q F,min ) à fournir par les utilités de l’usine ( cibles de consom-mations minimales ) ;

• le potentiel d’économies d’énergie, obtenu par différence entre la consommation d’utilité chaude actuelle et la cible de consommation minimale ; et

• lepointdepincementquiindiquelazoneoùleséchangesdechaleur sont les plus critiques et fournit des enseignements pour assurer une récupération de chaleur optimale.

Une analyse plus poussée des courbes composites et des échanges de chaleur exis-tants permet alors de déterminer lesquels présentent des inefficacités énergétiques et sont donc la source d’une surconsommation d’énergie pour le procédé. C’est en ciblant ces échanges qui sont sources d’inefficacité que le professionnel en gestion de l’énergie va proposer des projets d’amélioration. Certains logiciels permettent de réaliser l’ensemble de ces calculs, dont le logiciel Intégration développé par CanmetÉNERGIE.

FIGURE 2 : COURBES COMPOSITES

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