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1 plein cadre Dassault Aviation, l’innovation comme moteur En 1916,Marcel Dassault dessinait sa première hélice en bois. Cent ans plus tard, le groupe aéronautique qui porte son nom investit dans les drones de combat furtifs pour s’imposer dans une course aux avions de plus en plus sophistiqués R emonter le temps pour mieux s’envoler. Durant six soirées, du samedi 9 au jeudi 14 avril, le Grand Palais vivra au rythme de La Conquête de l’air, un spec- tacle conçu par Bruno Seillier et projeté sur des écrans géants à 360° aveceffets laser et son spatialisé. Sous l’immense cou- pole en verre, trois avions, un Mirage III, un Mystère 20 et un Rafale retrouveront, l’espace d’un instant, le site qui accueillait au début du XX e siècle, les premiers aéronefs lors des Sa- lons de la locomotion aérienne, ancêtre du Bourget. Une manière pour Dassault Aviation de lancer la célébration de son premier cente- naire. Et surtout «de s’engager dans son deuxième » selon son PDG,Eric Trappier. Sa confiance repose sur les avancées tech- nologiques permanentes de cette entreprise qui a choisi symboliquement de plonger ses racines non dans l’année de création de la so- ciété en décembre 1928, mais douze ans auparavant, en 1916,période durant laquelle Marcel Bloch, qui prendra le nom de Das- sault après la seconde guerre mondiale, met- tra au point l’hélice Eclair, en bois. Il s’agissait pour cejeune ingénieur de 24 ans, détaché au laboratoire de recherches aéronautiques de Chalais-Meudon, d’améliorer les performan- ces de l’avion d’observation Caudron G3, au rendement médiocre. Marcel Dassault des- sine son hélice et la fait réaliser chez un ami de son père fabricant de meubles du fau- bourg Saint-Antoine. « Jetraçais les différen- tes sections, ce qui permit à l’ouvrier de réali- ser lesgabarits », racontera-t-il plus tard dans son autobiographie Le Talisman (J’ai lu, 1970).«Jerestais à côté de lui, pendant qu’il ra- botait son hélice, de façon à conduire sa main vers des lignes harmonieuses. » Le résultat est là, et les besoins d’avions importants, en pleine guerre après la bataille de Verdun. LE MIRAGE III, PREMIÈRE RÉVOLUTION Ainsi démarre la légende de l’avionneur dont la société fait toujours partie des plus prisées par lesélèves ingénieurs, comme le montre le palmarès Universum du 4 avril. Sur les cinq premières entreprises, quatre sont dans l’aé- ronautique et la défense : Airbus Group, Tha- les, Dassault Aviation et Safran, Google ve- nant s’intercaler à la deuxième place. «Nous sommes dans une industrie d’innovation per- manente », reconnaît Marwan Lahoud, le pré- Tous droits de reproduction réservés PAYS : France PAGE(S) : 2 SURFACE : 90 % PERIODICITE : Quotidien RUBRIQUE : Plein cadre DIFFUSION : 275310 JOURNALISTE : Dominique Gallois 9 avril 2016 - N°22156 Page 31

Dassault Aviation, l’innovation comme moteurde Dassault et le Mirage III, lancé à la fin des années 1950,un succèsavec 1400 exemplai-res vendus dans vingt et un pays. Il ouvre

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plein cadreDassault Aviation,l’innovation comme moteur

En 1916,Marcel Dassaultdessinait sapremière héliceen bois. Cent ans plus tard,le groupe aéronautique qui porteson nom investit dans les dronesde combat furtifs pour s’imposerdans une course aux avionsde plus en plus sophistiqués

Remonter le temps pour mieuxs’envoler. Durant six soirées,dusamedi 9 au jeudi 14 avril, leGrand Palais vivra au rythmede LaConquête de l’air, un spec-tacle conçu par Bruno Seillier et

projeté sur desécransgéantsà 360° aveceffetslaser et son spatialisé. Sous l’immense cou-pole en verre, trois avions, un Mirage III, unMystère 20et un Rafaleretrouveront, l’espaced’un instant, le site qui accueillait audébut duXXe siècle, les premiers aéronefs lors des Sa-lons de la locomotion aérienne, ancêtre duBourget. Une manière pour Dassault Aviationde lancer la célébration deson premier cente-naire. Et surtout «de s’engager dans sondeuxième » selon son PDG,Eric Trappier.

Sa confiance repose sur les avancées tech-nologiques permanentes de cette entreprisequi a choisi symboliquement de plonger sesracines non dans l’année decréation de la so-ciété en décembre 1928, mais douze ansauparavant, en 1916,période durant laquelleMarcel Bloch, qui prendra le nom de Das-sault après la seconde guerre mondiale, met-tra au point l’hélice Eclair,en bois. Il s’agissaitpour cejeune ingénieur de24ans,détaché au

laboratoire de recherches aéronautiques deChalais-Meudon, d’améliorer les performan-ces de l’avion d’observation Caudron G3,aurendement médiocre. Marcel Dassault des-sine son hélice et la fait réaliser chez un amide son père fabricant de meubles du fau-bourg Saint-Antoine. « Jetraçais les différen-tes sections, ce qui permit à l’ouvrier de réali-ser lesgabarits », racontera-t-il plus tard dansson autobiographie Le Talisman (J’ai lu,1970).«Jerestais à côtéde lui, pendant qu’il ra-botait son hélice,de façon à conduire sa mainversdes lignes harmonieuses. » Le résultat estlà, et les besoins d’avions importants, enpleine guerre après la bataille de Verdun.

LE MIRAGE III, PREMIÈRE RÉVOLUTIONAinsi démarre la légende de l’avionneur dontla société fait toujours partie des plus priséespar lesélèves ingénieurs, comme le montre lepalmarès Universum du 4 avril. Sur les cinqpremières entreprises, quatre sont dans l’aé-ronautique et la défense : Airbus Group, Tha-les, Dassault Aviation et Safran, Google ve-nant s’intercaler à la deuxième place. «Noussommes dans une industrie d’innovation per-manente », reconnaît Marwan Lahoud, le pré-

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sident du Groupement des industries françai-ses aéronautiques et spatiales (GIFAS) pourjustifier cette attirance. «Il faut toujours être la

pointe, la clé; et si vous pas,vous disparaissez.» Et ce, quelle que soit lataille, comme ce fut le casde Mc-Donnell Douglas absorbé par Boeing en 1997.

En 1949, alors que la France veut se redon-ner une industrie de défense, Marcel Das-sault lance son premier avion àréaction, une façon de montrer aux Améri-cains et aux Britanniques son retour dans lacompétition aéronautique. La première ré-volution technologique viendra avec le Mi-rage III et son aile delta. LesAméricains sontles premiers sur cette voilure grâce àprise Convair et son F102,un avion intercep-teur. Toutefois cette forme est vite abandon-née : elle présente des inconvénients à bassevitesse et rend moins

appareil à ailes et empennage. LesFrançais persévèrent pour des raisons pure-ment techniques. Les moteurs de

pasla même poussée que ceux de laconcurrence, il fallait donc pour compenserce manque de puissance une structure trèsaérodynamique. Lebureau travaillaà en réduire aumaximum les inconvénients.Résultats, les ingénieurs conçoivent unavion plus compact, plus léger que ses con-currents. delta deviendra la signaturede Dassault et le Mirage III, lancé à la fin desannées 1950,un succèsavec 1400 exemplai-res vendus dans vingt et un pays. Il ouvre

des avions européens volant à Mach 2(plus de 2000 kilomètres/heure).

Une autre avancée viendra avec les com-mandes de vols électriques, sur lesquellestravaillent tous les avionneurs au début desannées 1960. Elles permettent de reculer lecentre de gravité de pour le rendreplus maniable, la stabilité étant assurée parles calculateurs. Avec le premier vol en 1978du Mirage 2000, quatre ans après le F16 deGeneral Dynamics, Dassault propose le pre-mier avion européen doté tel système

En un siècle, élabore pluscentaine de prototypes dans des domainesvariés allant des avions civils, oumilitaires spatial. Il aussibien au décollage vertical la géométrievariable. « Dans les années cinquante etsoixante, le bureau était capable desortir un nouvel avion en deux ou trois ansdans le plus grand secret,se rappelle un ingé-

nieur. Desappareils dont personne en-tendu parler. »

Ces réussites de Marcel Dassault interpel-lent de américaine. Commentun petit avionneur français peut-il rivaliseravec les grands groupes américains et rus-ses? En 1973, les militaires commandentune étude à la Rand Corporation , un institutde recherche et californien, surcette entreprise «considérée commedesplus efficaces dans le secteur aéronauti-que du monde occidental », afin tirerquelques enseignements. Ce rapporttrentaine de pages insiste sur le prix, les per-formances des appareils, la livraison rapideet les nombreuses versions proposées.

des clés tient à la prudence dans lesdéveloppements, menés pas à pas. Chaquemodernisation, sans être révolutionnaire,est une étape technique.

Lesprogrès dans le secteur militaire sont ap-pliqués au domaine civil et réciproquement,le bureau de Saint-Cloud travaillantindifféremment pour ou desacti-vités. « comme pédaler sur un tandem,souligne Stéphane Albernhe, président du ca-binet de conseil Archery. Le dynamisme desprogrammes de compense lesbasdecyclesde »La répartition desbénéfices, baséesur le principe, «un tiers pour untiers pour le personnel, un tiers pour la prépa-ration du futur, contribue aussi à la fidélisationdessalariéset donc au maintien descompéten-ces,cequi est unique dans cesecteur».

La synergie amplifiée avec le virtuel.Une aventure démarrée en 1981quand un pe-tit groupe désireux de dévelop-per la 3D propose à Charles Edelstenne, le se-crétaire général de un accord depar-tenariat avec IBM. «Ne signant jamais sanscomprendre, demandé à la direction techni-que de »,racontait-il. Ilalors àla conception assistéepar ordinateur etpropose à Marcel Dassault de créer une so-ciété. Celui-ci accepte participer àune con-dition : «Que investisse mes propres de-niers», dira-t-il. Ainsi naît Dassault Systèmes,devenu le numéro un mondial dans son do-maine. Le logiciel Catia et ses dérivés permet-tent de modéliser toutes les pièces et se sontimposés dans Fini les prototypes,placeà la maquette numérique. LeRafaleserale premier avion de combat au monde conçuavec ces outils. La méthode sera appliquéeaux avions avecle Falcon 2000.

Cesperformances pas les re-

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vers commerciaux. Dans le militaire, ce serale Mirage 4000, un biréacteur de la classeduF15de McDonnell Douglas, que Dassault fi-nança sur ses fonds propres, pour le propo-seraux Saoudiens au début desannées 1980.En vain. Sansparler desnombreux échecsduRafale à l’export, trop cher et trop sophisti-qué pour les armées étrangères, jusqu’aucontrat égyptien de février 2015.Dans l’avia-tion commerciale, ce fut le Mercure. Lancédans les années 1970,cet avion de 140 siègesne fut acheté qu’à une dizaine d’exemplairespar Air Inter. La crise du pétrole, la concur-rence du Boeing 737et l’émergence d’Airbusavec l’A300 ont eu raison de ce programme.

Avec lespouvoirs publics, les relations sontcomplexes. «Les gouvernements successifsont toujours eu l’impression d’être dans lesmains de Dassault et ont voulu s’en dégager,quitte parfois à vouloir lui faire la peau, ré-sume Jean-Pierre Maulny, directeur adjointde l’Institut de relations internationales etstratégiques (IRIS).A la fin ils capitulent tous,car les technologies et les produits sont là. »Au fond, ils «considèrent que Dassault est unfleuron national et il n’y a rien d’autre à faireque d’être derrière ». Le lyrisme de FrançoisHollande en est illustration. C’est par un«Vive le Rafale, vive la République, vive laFrance!» que le président de la République aponctué savisite dans les usines de Mérignacen mars 2015.Venu saluer la vente à l’Egyptede l’avion decombat, il était aussi le premierprésident français à se rendre sur ce site.

Lescontrats venus du Caire, du Qatar et de-main d’Inde vont faire tourner les usines. Etcompenseront l’érosion actuelle des ventesdeFalcon. Au bureau d’études maintenant demaintenir son avance.L’avenir désormais ré-side dans le drone de combat furtif et Das-sault veut profiter de sadeuxième place der-rière l’américain Northrop Grumman. Legroupe a déjà présenté son prototype euro-péen, le nEUROn, première étape vers l’avionsans pilote du futur. Point d’orgue de sondeuxième siècle d’existence. p

dominique gallois

« VIVELERAFALE,VIVELARÉPUBLIQUE,VIVELAFRANCE! »

FRANÇOIS HOLLANDElors d’une visite, en mars

2015,chezDassault Aviationà Mérignac (Gironde)

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