Delacroix, Chistian - l Histoire Entre Doutes Et Renouvellements

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    .

    Christian Delacroix

    L'histoire entre

    doutes

    et renouvellements

    (les

    annes

    1980-1990)

    Les histonens onr

    quelques

    difficults li cractns.er

    la conJoncture historwgraphique franatse des annes 1980-1990.

    Des ex.presstons commc Cl"ISC

    d'identit

    et des pratiques, tcmps

    dcs doutesH, anarchie

    t ptstmoJOgtqucH,

    1

    tmognent

    b1en

    de

    ces diff icults d'analysc.. On pcut

    cependant dgager

    quelques

    trmts sl_)r.icifiquc.'> de cc mmncnt

    histonograpluque:

    1

    la multtplicanon

    dcs. renuses

    en

    cause

    l'enconrre de:s Annaies;

    2" les

    recompositions

    de l'lust01re soctale; S lcs rcnouYellements

    de

    l'hist01re politique; + l'essor de l'histmre culturelle:

    5 la confrontat:Ion dcs h1st oriens avcc lcs revendicat1ons de mmouc

    et d'idenbt dans le cadre d'une poussc du contcmponmw

    qw

    rcpose

    nouveaux frms la quest1on de la responsabilit sociaie

    de I'histoncn:

    6"

    un

    questlonnement Cplstemologtque renouvel

    autour

    de la question

    du projet de vCnt

    de

    l'htstOJre.

    Ce moment des annes

    1980-1990

    nest donc pas n ductible

    au

    seu

    temps

    des doutcs)),

    il

    engage

    aussi une sr1e

    de rccompos tlom

    et de redfimtlons qui touchent tous les domamcs de l'Justmre.

    Dclin

    des/innales?

    Lcs rernses en cause- a partir de

    la fin

    des

    annees 1970-

    de

    la posit10n

    dommante

    des

    Amzales

    dans l'lustonograpluc frana1sc

    est certamement un des

    lments d'explicanon

    0.:1 :1nl Noic ,

    SrfR

    t r : - ' < ' ~

    dtl hi:.tq/U,

    ' ~ r o ~ lldin. I ~ . I S . -

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    du

    -({sentiment

    de

    crise diffus dans la

    communaut

    des historicns.

    La premire manifestation

    clatre

    de

    ces remtscs

    en cause

    est

    sans dou e

    la

    srie de retours,

    dans la rftcxion des htstoriens,

    de

    thCmes

    traditionnellement

    suspects

    par lesAmzales

    de trcr l'histore

    du ct

    de

    la chronique

    descripttve: l'vnement,le rCctt, la biographie,

    le

    poliuque ..

    En France.les proposttions plus anciennes de

    Michel

    de Certeau

    sur ~ l : c r i t u r 7 de l'histoire (1975) ou encare es analyses ayant trmt

    au. r.cctt M1ehel Foucault et

    Paul

    Veyne (1971) ont longtemps

    te 1gnorees ou mcompnses par une maJOnt d'Justortens.

    Ce sont deux articles d'histonens trangers, celur de Lawrencc

    S ~ o n e (Retour au rCcltn} et celm de Carla Gnzburg (Signes, traces,

    ptstes. 'Racmes d'un paradigme de rindice)>), parus en 1980 dans

    la re\'ue dinge par Pierre Nora et Mareei Gauchet, Le Dbat,

    qm engagent ouvertement la rhabilitation de Ia narraton en histotre.

    Cette rhabilitation vise dnoncer, en parttculier, Jes tentat

    10

    ns

    s c ~ e ~ m s t e s

    de

    l'hlstoire

    quantltati,e.

    Le thmc

    du n dt

    est

    utilis

    pau

    r

    cnuquer les modles du dtermimsme soctologique qui

    ont

    douun

    l'histotre sociale de la traditon des Amwles

    Il taut attendre la parution de :rcmps et Rczt, de Paul Ricceur

    (198.9-1985),

    pour

    que le

    petit

    groupe d'historiens

    franms

    qm

    ~ t e n l . e n t sur

    les quest Ons p1stmologiques

    adapte

    au conte::;:te

    disc1phnmre les

    qucsttonnements de Ricreur sur

    Ies

    thmes

    du nk

    1

    t

    et de l'identlt narratlve de l'histOirc cJ> c 1. Fnnoslbncg

    Cette

    traduction sopre

    aiors poutl'cssentiel dans

    le

    cadre

    d'une

    reaffirmation du

    projet d'objectivtt et de ta vise

    de

    vCnt

    de I'histoire.

    Les

    histonem fr.ma1s

    qui

    intcrneuncm ntr

    u

    questtons J i - { l i 5 t c m o l o g

    q u c ~

    ( ~ r u 1 1 i e s 1 9 S O ~ l 9 9 0 l

    Le pel.it

    gtCupe

    dei

    histom:m

    frouu;ouJ

    qui intervtenncnt uplikmml

    d Ti[;Uiihmlmtsur < = ~

    qucsuons

    d'ordre plrui

    hirarcl1i n ~ o a

    S i r i n e l l i , J e . : m ~ P i e n . : Ri

    ou:., P:o.scl Ory, Jcan-Clinwnt

    M ~ r t i n ,

    Pierre L.1hone ..

    L'enqute

    sera1tii

    romplter du ct ~ : ~ hisloncns

    tr.mgour promouvoir une nouvclle lustotre polittque)),

    mais il est aussl, avec Mareei Gauchet par exemple, un lment clef

    d'une

    analyse plus global e

    sur

    le changement

    de paradigme

    en sctenccs

    s o c a l e s ) > ~ -

    La nouvellc

    JustOJre de

    Ia

    tro1siCme gnt rattOil des

    .Awuzles

    est

    en outre

    m1se

    svrement en

    cause

    dans

    le

    cadre

    des dbats

    trCs mdiattss

    sur Ia

    t

    1980.

    Au

    sem mme

    des Amzales et parmi les

    hrstonens qm

    s'en

    rclament,

    lcs pnses de dist ance avec les onentattons de la

    ren1c

    se

    multtplient

    ds la findes annes 1970. En 1985 femand Braudel

    lUl-mme, en dsaccord avec Ies onentouons de l'h1stoire dcs mentnlitCs,

    constate ams1 td'norme cassure>l entre luz et ses successeurs.

    franots Furet -lustonen

    annaliste

    qui a

    prsid

    l 'E HE SS de l9'ii

    1985 - cst trs svre pour les vohmom de a

    revue:

    selon llll,

    les .Amwle.s ne reprsentent plus

    quune

    hgmome d'influence et

    de Iputatton,

    non

    une cole de pcnse.

    Il dplore

    encare

    une Cptstmo ogte de l'mtettemem ) ct la poursmte mdfime

    de nou,eau:\:

    objets de

    la t

    et

    une rvalUanon du rle

    de

    l'acteur

    mdividueh>.

    Cettc

    analyse,

    t

    Dibat nso, J 9 S ~ .

    3- F " ' " ~ " " l""ut

    mngt'd"'.1nodl"

    l i < I O I 1 1 : ~ L > < > ~ i>i

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    Au moment o. Ia

    cnse

    d'identxt est ressentle le plus durement

    par l'quipe de directon des .ll.nnales, celle-ci y rCpond en r ~ p o s a n t

    en 1988 un nouveau programme de recherche: le tournant cntzque

    (dsormas

    rc).

    Bernard Lepetit, historien moderniste spcialiste

    d'htstmre urbaine, qui est en 1988 secrtaire de Ja redact10n de la revue,

    a JOU un rle dc1sif dans la dfimtion de ses nouvelles onentat10ns

    J TlliiiM.l. I IB I{td.

    " ' ~

    H ' ' " " ~

    > - < i ~ Ir

    hiDtiT

    glf.,/_,.,,. ).1 165.

    et des conoxmstes et clle a elarg1 ses cunosttes

    de nouveaux objets: l'histore des entrepnses,

    I'histore Cconomique rgtonalc, l'histoire

    des services, l'htstoire des relatons conomtques

    internatwnales ou encare l'hist01re de

    l'innovation

    sont des

    e.xemples de la vltalit

    de ce renouvellement historwgraphique (IJistoneus

    & Gograplzes, 200 ). Le recueil collectif de 1995

    Les Formes de

    l'expneuce.

    Une aulre lnslozre

    ~ ~ ~ ~ ~

    ~

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    soczale, ding

    par

    Bcrnard Lepetit, vcut illustrer la vaie prngmatique

    du TC des Annales, qui privilgic la thmatque de la constructon

    des identits

    et

    des liens SOC aux I :.:le ; . l ' ~ u l

    fiicnur

    /. Les ressources

    theoriques de rfrence

    pour

    Lepetit

    sont

    la sociolog ie des {>

    jTexl,s. B c r n ~ r d Lcpcmf.

    . _Lc recueil

    Jeux d clzelles.

    La

    mzcro-analyse d l expnence,

    dmge par

    Jacqucs

    Revel, reprsentc

    une

    autre v01e pour dpasse1

    l'approche macro-soctale et rhabiliter l'expnencc des

    acteurs

    socmux.

    Dans ce recueil, la

    questton centrale

    est cellc des chelles

    d'analyse:

    que

    se

    passe-t-il

    si, par hypothse, on motlfie les condittons

    de

    l'observauon

    et de l'analyse qu'elles rendem possibles?

    I

    e: ~ n r c : o c i ~ l ? . . . structures en

    forme

    de programme de

    rccherche

    . r . . - . v ~ ' ' ' . , - . ' en

    histoire

    soctale rencontrcnt Ies

    mmes

    nuest Ons

    J ' ...,..maN 1 ~ 9 1 , p p . l ~ ~ ~ -

    "-

    - G ~ r m l : " c i t i d . ~ n w - " que celles

    qui

    ont

    t

    voquees

    propos du TC,

    v

    nurt; ro-

    = ' " " / " ' ' ' " ~ < ? .

    Puis,lhdmc,

    ~ I L ..

    u p t i c u r ~ . l l ~ : r .

    notamment celle de la .sortle

    d'un

    dtermimsme trop

    stnct

    par les

    contraintes

    sociales ex.ternes ( e modle objectivlste)

    et ccllc de l'artiCulation entre prat1ques et reprsentatJOns.

    La

    revuc

    Gentses. Sczcnces .roczales ct lu.rtozre- ne

    cn 1990

    est

    tout

    a

    fait

    reprCscntative de ces questtonncmcnts; souc1cusc de pratiquer

    une

    nouvelle

    interdisctplinant,

    elle

    veut allier

    la

    dmarche

    empmque

    des histoncns ct

    l'usagc

    des

    outils

    et

    mthodes

    des scwnces socmlcs

    ('-o1r N o i r i ~ l . uotc n).

    Ces travnux. qui

    cherchent

    a

    rcnouveler l'h1stmre soc1ale

    sont

    dane trs dive1s: cependant ils

    ressortisscnt

    une

    sensibilit thonquc

    nouvelle

    dans

    lcs sctences sociales, qut est

    en

    rupture avec lcs p p r o c h c ~

    unilatCralement objectiv1stes du marx1sme, du structuralisme ct

    du foncnonnalisme, qu1 accordaient la pnmaut aux. dtermmanons

    soc1ales

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    aprs le refira e la vague du structuralisme e t apres le reculprogressif

    de l'ifl:tence dtl mar.xisme dt.ms les sczeuces humai1les et soci alcsn

    (Sirnclli. 1 9 9 8 )

    Les institutions

    qU

    ont

    port

    ce renouveau sont la Fondation

    nationale dcs sciences poli iques et l'universit

    Paris

    X Nanterre.

    Pour

    les

    promoteurs

    de

    cette

    nouvelle histotr.e poliuque, il

    s'agtt

    avant tout

    d'oprer

    une relgitJmation

    de

    l'objet polittque)>.

    Le

    politquc est dfint comme e Olilique"'"

    J , ~ n f " ; : , . V I u i t

    SirineUi

    (dir-lt

    kJ t trJi/Q u Fr:JMr,

    1.1.

    l ~ m ,

    G;J imatd,

    19:;1;

    Elle a

    en

    outre fortement contribue

    la constttution d'un nouveau

    domame

    de l'hist01rc:

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    Les

    promoteurs

    de

    cette

    histoire du

    poli

    ique rattachent cxplicitemcnt

    son mergence au contexte du

    milieu et de

    la

    fin des

    annes

    1970,

    marqu en partculier par

    la crise

    du marxtsme

    et

    la

    rflexon sur

    le

    totalitansme.

    Lcs

    travaux

    du courant concernent en

    parttculier:

    l'lust01re

    politique de

    la R\'olutwn franaise autour de Frano1s

    Furet

    et

    de Mona Ozouf.

    l'histoire

    intellectuelle

    du libndisme (Pierre Manent,

    Pierre Rosanvallon),

    ~ l a

    constituhon de ia

    politique

    moderne

    (Gauchct, Lcfort).

    Les

    travaux

    de l'(} pour

    l'lstotre

    polinquc

    (l'tude des reJ?rscntatwns de

    Mananne

    par cxempte). Il veut ainst en fimr avec a

    ttbarritre quz sparazt

    m{

    sou.vent

    l' ttslol1I (-ou uotc 11).

    Tomes ces formes du

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    le sens d'une hist01re des relanons entre lcs sexes artculant pratiques

    et repn sentat1ons, d'unc histoire sexue du tra\'ail et d'une histmre

    culturelle

    .

    I'amricaine fonde sur l'tude des textes et des

    reprsentations

    21

    Dpassant les qucst1onncments de l'histoile sociale,

    11tistmre des femmes ouvre ainsi la vaie

    une histmre plus complexe

    qui prend notammcnt en compte Ies reprCsentatons. La parut1on

    en 1991-1992, sous Ja directton de Georges Duby et de Michelle Pe1Tot,

    des cnq volumes de

    l'Histoire des femmes en Occideut

    est une synthse

    des

    t n : ~ x a u x

    effcctuCs depuis ,-mgt ans dans le domaine.

    La

    revue

    Clo,

    Histoire,Jemmes

    et

    socits-

    dirige par Franmse Thbaud et Michelle

    Zancarini-Fournel-

    se donne comme objcctif de diffuse1les nou,elles

    recherches en France commc l'trangerll

    2

    .

    11 est trs difficile de fixer une identit stable a l'Jw;tmre

    culturelle

    2

    . L'histmrc culturelle apparait alors putt connne une etape

    de l'alJongement du quest10nna1re)>

    histonen

    du ctC des .

    r e p r C s e n t a t J o n s : ~ . Cette histo1re vise

    peut-tre

    prenclre

    la

    releve

    de l htstoire-sc1encc socmJe)) comme modle htstorographique

    dommant, comme matnce disciplinaireH

    (pou1

    reprendre l'cxpress10n

    de Thomas S. Kuhn), mais elle rencontre les mmes que.snonnements

    -

    concernant

    en particulie1 les acteurs-

    que

    ccux de l'h StOire socm e

    et

    ceux dcs sc1ences sociales.

    On

    peut cependant essayer de

    disnnguer

    dans cette g < ~ a x i c

    de l'histoire culturelle plusteurs ( n - .

    K L h i t n i r ~ t u t d l ~

    I U ) : . U r < l 1 1 u > ~ , G""su, n" 5,

    ltl:lnl i ' JI.

    de mamtemr a dimens10n soctale de toutc culture.

    L'htstoirc socio-culturelle des rcprCscnratwns

    et des pranques, des empl01s pluneb et

    des appropriattons des objets culturels, dfendue

    en parttculier par Reger ChartiCr et Damel Rache,

    se t.J.ent amst assez largement dans

    a

    connnuit

    cnt1que avcc l'historre socmle des

    . lnuales

    et

    avec l'histoire des mentalits. La culture devtent,

    dans cette perspectlve, ce qm dcoupe les groupes

    soctaux.

    Pour

    Charticr,

    par

    exemple, i1 s'ag1t

    de penser ensemble d'une part les contraintcs

    sociales

    qu1

    psent sur

    les actcurs,

    d'autre

    part

    la consctence, la capacit d'inventiOn de ces mmes

    acteurs pour dpasser l'opposttiOn

    dasslquc

    subjectlvisme/objectivism

    5

    A..lain Corbin travaille 1ut auss

    la

    charni.re

    du social et du cultureL 11 explore dans ses travaux

    le domaine des tmagnair es sociaux, des {(cultures

    sensibles>>, des comportements sensoriels

    et

    des dispositifs affectifs

    Tc:w;;

    1

    1

    lain

    Curbin J Des histoncns qui se rclament de l'histoirc

    SOCia e

    dveloppcnt des orientat10ns assez proches

    _en

    accordant

    aux reprt sentat

    1

    ons collcctives

    et aux

    rmagmatres socmu:x un rlc

    prpondrant

    dans la constructton dcs

    groupes sociaUX

    26

    -

    L'lustmre symbolique

    qm caractnse l'histonographie franaise

    de ces annes\

    19

    Pierre Nora pade ce propos

    d'un

    moment-mmmre

    de la soCit

    et de l'histonographie frana1se.

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    5- Histoire,

    mmoire,

    idcntit: lieu.x de mm.oue

    et

    passs qui

    ne passent pas>> ...

    Des 1978 Pierrc Nora- dans sa contribution sur la < < n u ~ m o r c

    collective>> dans l'encydopedie

    La

    Nouvelle Histoire- consrate que

    Le thme

    de

    l'envabissement des pratiques

    mmonelles

    dans ta socit franaise est peu peu devenu un clich

    histonen

    des annes 1980-1990. Le

    tcmps

    des racmes pms la v9gue

    de

    la gm alogtc, I'anne du Patr1mome (1980),

    la

    muittplicanon

    des commCmonltlons (a,ec comme cas d'colc

    Je

    bicentenatre

    de la Rvolunou franatse), ia multlplication eles muses, l'obsesston

    de tout gardcn> .. sont prsents comme autant d'indices

    de cet envahissement m m o r e l ~

    Ds ia fin des annes 1960, les autres reprsentations du pass,

    rgionalistes et ouvriCres notamment, remettant en cause la mmoire

    natonale contrle jusqu'alors par ies histonens professionne s depuis

    e XIJ...,..,sicle (le roman natiOnal de filiation l::tVlSSlenne), ouvrent

    ce Hmoment-mmoucH. Cette collecte- dans le cadte de l'lustorre

    oralc-

    de rcJts de v1e, de mern01res oublies dcs anonymcs et

    dcs exclus de l'histoire, de celles dcs groupes dom ms, partic ipe

    auss1

    de la volont de faire une histOire

    \lon s

    d:>ns Les

    Lie11 r de nu mmrc- qui mobl .iscnt

    mu: c c n t ~ U e d'histoncns-pns :>u

    h a s ~ r d

    d ~ n s les sept - o i u m c s dcs trots eru-cmbks;

    Lcs

    Trou

    Coulcur-s; i.c P : > m h ~ o n ; l Tourdr la Fr.mct pardcru: r' {lllliJ;

    l.c

    H-lui lct;

    1 .gonc;

    Gmwt ct lcs ln>tituuons de mCmotrt:; Mmmr pour

    I"

    p ~ t n c ;

    \\:rdun;

    Lc Lo

    une:

    l..e

    C o l ~ g c

    de f r ~ u o ; c ; t 1 k h ~ g n c ( lA ,.\ll m)- F r . m t ~

    ct

    G:t.ulots;

    Fr:m.:us

    t

    crr:mgcn;

    1 . 1

    dro>lc ctla S"uclte; Portl\.oya ; L : l l i g ~ t c SaimMalo-Gent,c; t 1

    gcuCr:t.I>OO:

    L'cntn:pnse;

    L:. c o n v c r s ~ n o n ;

    l...c

    c ~ C :

    L:t Ra h u d u

    du

    lrntN

    ptrdu, de Mutc\ Proust;

    I..es

    Vltli ou.-rin:::s: L 1 tonr Eiffel; Libere

    .

    g:lli , Frntcrnit; je:mne dArc; J:C: T I

    l 'ans: L.c g-6\m de laH);UC r n n ; ~ l - > e (Lc.s F n ~ n u j .

    La notion clef de l'ensemble

    est

    bien st11 celle de lieu de rnmmre.

    Le

    mot

    fait son entrc dans

    1e

    dictlonnmre Le

    Graud

    Roberl

    de

    la languc

    franae

    de 199.9

    ct

    dcv1cnt

    d'un

    usage courant.

    Lc projet est

    d'abord

    cclni d'un mvenraue des licux oU

    la

    mmotre

    nanonale s'est

    mc:arne,

    des lieux matricis et concrets mais ausst abstratts et mtellectuellement

    constnuts, un mvcntatre des lmcnts symboliques

    du patnmomc

    mmonel d'unc quelconque communaut)>

    3

    l.

    I'vfals Les

    Lzeu :r

    de mmozre sont

    auss1

    une autre manire de fatrc l'hist01re, ce que

    Piene Nord nomme (avec Marcel Gauchet) une lustmre symboliquc

    au second degr)). 11 ne s'ag1t pas d'une hist01re des vCncments

    eux-mmcs, du passci tcl

    q_u'il

    s'est passn, ma1s de ses rempl01s

    permanents, ses usages ct ses msusages)>, une Jnstorre au second

    degrn (voir note :12).

    La

    cnse

    du mythe nauonaJ est auss1, selon Picrre Nora, une cnse

    de

    Ia

    notton de progrCs. Lc

    futur cst

    devenu

    tmprnsible et

    e passC

    cst dsorma1s apague. Le prsent n'est plus la passerellc

    entre

    passe

    et

    averur, il a -

    presque-

    seul en charge le sens de l'expt rience

    temporelle. Nora est sm ce

    pomt

    procbe )

    stgnalerait

    un nouveau

    m

    i ' i=e

    >:era (di.).

    i.ALir.:zbmrr.:wl',t.l l.

    rapport

    social

    au

    tcmps, un nouveau n gtme

    d'historicit'

    5

    .

    Le prOJet de

    Pierre Nora

    VIse

    . redonner

    toute sa

    place l'hist01rc dans le

    contrle d'une

    representation socialement partage du pass

    5

    +

    Il propose ainsi aux histonens cie rcmodeler

    une idcntJ.t natlona le en c rise; il s'agirrut de passcr

    d'un narionalisme agressif (type xrx" sicle)

    UQ..J.SI. j 1 . n , ~ r r

    ~ ~ ~ -

    ' 1- Philippr:dUtanl.

    Cn n u . U i h o n c .

    lU .

    ' ~ ~ - __1 _'_ _'-'_ _ ' = _ _ C a l i m o r t . l l l l l ~ .

  • 7/23/2019 Delacroix, Chistian - l Histoire Entre Doutes Et Renouvellements

    9/12

    _,

    un nationalismc amoureux. La F ance n'cst pJus une

    grande

    pUissance coloniale, les formes de

    consc1ence

    nationale andennes

    ne conYennent plus et doivent sadapter au changement de statut

    du pays. Cctte transttion marquerait, selon

    Nora,

    te passage. partir

    du milieu des annes 1970, {

    -

    ou mcompltement historiss>)

    parce

    qu'ils s o n ~

    ~ e s

    cnses de

    l'umt

    et

    de

    l'identit nationales, comme la pCnode de Vtchy ou cclle

    de la guerre d'Algne. C"est

    propos

    ces passes quedes mmotres

    smguliCres,

    de

    groupes

    ou

    communautam:s, remettent c a ~ s e ,

    souvcnt au nom des vict1mes, la nnse

    en

    btstotre

    de

    la memotrc

    natlOnale- celle qUI est socta1emcnt

    partagee

    ct cn particulier celle

    qUI est vlucule par les mstituUons d'ensetgnemen;.

    partirdes

    annes 1970

    s'oprent

    ams1 une

    sene

    de rem1scs

    en cause

    d'une

    Vlston

    du

    pass

    de

    roccupatton

    qUI

    metta1t

    c . t ~

    avant

    ii la fms Jcs souffrances

    partages

    des Franais et la F

    ance

    r ~ s 1 s t a n t c .

    Le

    film

    de Mareei Ophls

    Le C wgrm t t ta Piti (1971) et le

    hvrc

    de Robert

    Paxton

    La France

    de Vic LJ'

    (tradmt en 1973) pemcnt

    servir

    de

    repres marquants

    de ce

    retournement

    de la

    mmotre

    l'Occupation, qui met dsormais l'accent sur Je projCt poht1que

    propre

    _

    Vichy

    (notamment son anttstmttsme

    spcifique). Henry o ~ s s o

    pubhe

    en 1987

    Le

    Syndrome de

    Vich.y

    de 1944

    nos;ours dans equ:I

    11

    analyse

    les diffrentes manifestatwns de la memmre collecttve de V1chy

    et propose une pnodisatton propre

    a

    cette

    ~ m m r e

    deptlls 1944

    J

    Tcxt

    1 < - d ~ , - i t l > .

    . . u . l i h ~ h

    .r.

    ..

    1 . i 1 1 i < r ~

    E s p r i ~

    1>'7,19 17.

    entre Goulag et

  • 7/23/2019 Delacroix, Chistian - l Histoire Entre Doutes Et Renouvellements

    10/12

    des dbats

    sur

    le totalitansme sovitiquc l'occaswn de l'croulemcnt ~ l'imm>grat>on, Grard Noricl" sognale l'cart ennc les acquos

    de l'U m_arquent le contcxte intellectue1 d'unc nouvelle polmique . - - ~ - dcs travaux historiqucs et l'intgratton encere trs limtte de ccs acqUJs

    en pnrttc memorielle (elle

    met en

    cause

    Ja

    rncimore communiste) autour ;..: dans l'ensetgnement. L

    du L I V r ~ twzr du commtmisme. Cnmes, terreur,

    rpresstoll,

    a

    fin

    - ~ ~ Les prcssions dcs mcimoires de

    groupe

    cxercees

    'encontre

    d:s ann:.cs.l990.

    Stphane

    Courtots'

    6

    , coordinatcur de l'ouvrage., y de

    l'hist01re ont

    mctt de

    nombreux lustoncns

    raffirmer

    defend l1dee de la nature intrinsquement crimmelle du commumsme. : es spcificts de la dmarche

    lustonque

    par rappo1t aux

    Le

    livre

    dclenchc

    une

    polmique

    39

    ,

    que complique par ailleurs

    revendical:lons mCmortelles.

    C'est

    amst

    que pour

    Hcmy Rousso"uio 1\brg olin

    ct

    i c o l Worth.

    1+

    IIO',

    scientifiques

    i y a confuswn entre trots registres q_u'il fam mamtemr

    span s:

    En France, l'histo1rc

    est

    aussi , . de

    l'activtt

    des

    historiens pendant

    le bicentenaJre

    htstorique

    mas auss1

    une question

    politique. : t ~ r i < l { d i r - } . L " H i u c m de

    1a

    Rvolunon fran

  • 7/23/2019 Delacroix, Chistian - l Histoire Entre Doutes Et Renouvellements

    11/12

    ;

    les retombees des dbats historiens dans Ies mdias, et l'opmion

    et Ia tentation de

    recounr

    des formules sunplistes pour s'adresser au

    grand public. nacceptables seion1cs critCres scentifiqucs ordinaircment

    adms: La dist&rctzon enbe histozre et po litiqu c se trotcua prati quemen t

    abolie, crit Steven L. Kaplan. Concernant les historens et

    les conunmorations- qu1 se multiplient pcndant la priode -

    Ja fi-ontiCre entre actn'It de commmoration ct actnit sc1cntfique

    devient alnsi inccrtaine. Mme si ce a ne conccrne quune fraction

    des historiens,

    Chnstophc

    Charle"

    0

    se demande si on pcut

    padcr

    cc propos d'une nouvclle fonctlon sociale)) de l'histotre qut rcndnm

    a remetere en cause l'autononue de l'histore comme discipline

    sctentifique.

    Les

    volutwns

    mtemcs du mttcr ct de ses conditwn.s d'exerc1ce

    alimentent aussi les discours sur la Cr ise de l'histo1re>>.

    En

    l9SG,

    Daniel Roche

    attire

    l'attention,

    dans un

    contexte

    de croissance tn s

    rapide des effectifs

    tudiants, sur

    ie blocuge des carrires, la mdiocnt

    des

    conditions matnelles

    dans es universits,

    la lourdeur pou1

    lcs UnJ\'CJ'sJtaires des

    tches d'adnumsnation

    ct la

    spcialisatwn

    crOJssante

    qu renforce le sentllnent

    d'clatement de la

    cornmunaut

    historienne. 11 dnonce

    aussi

    la lgttunation croissante

    des tr ~ Les tra\"aux de Riccrw

    c o u s t i H J ~ I l l

    sur ces questwns

    la ressource

    d'argumentanon la

    -plus

    sollicJte

    par

    les

    Jnstonens"

    7

    Cette appropnatwn a penms d'intgrcr

    Ja

    rfl.ex10n des histonens le thme du rc1t

    sans

    adopter lcs p o s t t t o n ~

    relatl\'Jstes qui itll sont

    souvent

    associes. Tout

    en

    s'canant de l'ide

    d'une coincidence

    entre

    le

    rCe1

    et

    sa conna1ssance, Jes h1stonens.

    eu

    reprcnant

    Jes

    posmons de Ricceur sur ie w . lloJ:

    fhic'

    o,.l>drl

    G " ' i " ~ " - ' ~ ~ ' ~

    '- 'i- F ~ n t m l ) o ' '

    J.:E...,p,,-,-. u

    ''"'

    , ' h , . l , , ~

    d I / / J < ' f . i t t ~ m m

    "nmu

    J H.SiS I.I.

    1..:1

    O-mnor.o:..l'l'.

    de la nature. La m1se l"preuve

    empmque

    dans les sciences socJales, o l'expCnmentatJon

    est

    1mpossible, s'opre

    par

    exemplification,

    et les

    concepts en

    sc1cnces socta1es sont

    O U J O U r ~

    h1stonquement contextualiscis.

    Les

    lustonens

    peuvent

    trouver

    dans

    ces proposttiOns

    des arguments pour

    dfendre

    l'autonom1e

    Cpistmolog:Jquc de l'llJstoire.

  • 7/23/2019 Delacroix, Chistian - l Histoire Entre Doutes Et Renouvellements

    12/12

    l

    Les exemptes de ces approprations histodennes de proposJtiOns

    vcnant

    de la philosophie

    et

    de

    la

    socologie sig;nalent peut-tre

    une

    volution- encore

    l.."'nfirme1-

    de l'attttude

    des lustoncns

    \'ts--vis de

    1.

    philosophie et de

    ia

    rftex.ton ptstmologiC1UC,

    qui a longtemps

    t marquc par

    la mfiance

    ct le

    re.Jct

    du

    thorictsme

    56

    ll y a la findes anncs 1990 un consensus

    mmimal-

    qu1 dot

    beaucoup au

    combat luswncn centre

    ies

    f a l s i f i c a t i o n ~

    nganonmstcs

    sur lcs postulats de bnsc

    ctc

    la connatssance lustonquc chcz

    une

    maJortt des histoncns franats

    autour

    de la nccssauc

    YJse

    de vert de l'histoire. Comme l'cnt

    Antoine

    Pro.c;t (Douze Leons

    sur

    l'Justozre. 1996): LI (01W 7ISl lS ejj'ectif de la corporatwu_-:itablit]

    mz-citemm entre l c.-:rtJtude sczentlste du dbut du siecle et e

    1elatzvzsme

    qu

    'il est de bon

    ton

    d't ffeder alt)Oiod'Jwz. L'lustorre dit

    VIm

    mms ses

    vnts

    ne sou . (n1,, absolues.

    >>

    Le nouvel imert pau r la notron

    de preuve

    et

    a caractensatlon du travail de l'h1stonen comme

    travail d'argumentatlOn rraduisent ia votante de nombrcux l11stoncns

    d'cxplictter les cntns qu1 pcrmettent de tcmr l'lustmre pour

    une connaissance

    vra1e (Prost, Le Dbat.

    n92,

    1996; Chal'tier,

    Le Dbat,

    n10S,l99V).

    C e

    nouveau consensus ipistmaiogique

    est necessare paur a ~ s u r e r lc statut scientifique de la connaissance

    htst:anque, mas

    i1

    n'impliquc pas le

    retour

    la dominat1on

    d'un

    modele

    histonagraphque: ics

    hl."'- Onens

    assument piememcnt dsormais

    le

    pluralisme

    interprtatif

    de

    rgle

    dans les autrcs sctences socmles.

    Le

    moment

    des annCcs 1980-1990 a d'abord

    co11sacn:

    Ia

    fin

    de la

    dommanon-

    mmc

    relattve-

    d'un modClc l11:-;tonograpluque,

    cclm des .Aunales,

    qw

    a\;til su se tradmre en plus1eurs paradigmcs

    successitS. Mas des recomposttwns

    histonagraphtques

    qU pour

    beaucoup s'effarcent d'intgrer les apports lis au rcnouvellernent des

    sc1ences socia les

    sont

    e n t ~ o r e

    en cours

    de dveloppcment.

    Le

    pluralisme

    des

    pratiques

    h1stonennes ne

    doit

    pas

    masquer que l'appartenance

    de l'histoire aux science.:- saciale s reste un enjeu

    ct

    un

    c1it:re

    de drnarcation maJeurs. La double question des acteurs soc1aux et

    des

    rapports

    entre pratiques et reprsentatiOns rsume commodment

    les

    enjeux

    de ces recompositiOns;

    l

    s'agit

    de

    sortir

    d'un modele

    htstoriographique

    dont la

    dommante

    objectrvtstc

    s'talt

    mcontestablement durcte, mme s'il ava1t te sans c esse rarnt nagC

    par les histortens depuis le tournant du si:cle. Ce mamem- dans leque

    naus

    sommes toujaurs-

    est ausst-

    et peut-tre surtout- un moment

    rftexif pour l'htstore en F1ance:

    Les

    hzstoncns commcncent

    ti s 'intenog er srieuseme11l smles concepts qu ils utilise11t. Ils se penclumt

    sur

    l'hzsWzre mme de leur discrpline dans ses multzple.-; varzatzons

    (

    EspacesTemps,

    995).

    r:histOJrc

    entre

    r l o u t c ~ ct

    lcuouvcHcmcn{:;

    (ics

    :nmcc i

    I J 8 f l ~ l 9 9 0 )

    Antholog;ic

    c

    .i