DIP III

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    Novikov, Ilya V. Prof. Robert KolbBARI 2011

    DROIT INTERNATIONAL PUBLIC III -

    QUESTIONS APPROFONDIES

    PREMIERE PARTIE : LE REGLEMENT PACIFIQUE

    DES DIFFERENDS

    Chapitre I - Introduction au rglement pacifique des diffrends :

    Le rglement pacifique des diffrends (ci-aprs, RPD) est une branche la fois trsimportante et trs pratique du droit international (ci-aprs, DIP) et offre un regard vivant et

    approfondi sur toute la matire de cet ordre juridique encore primitif et en pleine volution.Le RPD fait toute la force dun ordre juridique, car il sagit du mcanisme principal deralisation du droit : un ordre juridique sans mcanisme efficace et bien agenc derglement des diffrends est vou rester faible, comme la dmontr lexprience de laSDN. Daucuns avancent mme quil ny a pas de droit sans sanction qui puisse en raliserles normes : dans un ordre juridique dvelopp, le droit matriel ne vaut que autant queles moyens mis disposition par lordre juridique permettent de le mettre en uvre .

    - De plus, le RPD est capital pour le maintien de la paix, ce malgr la collision ou lasubordination qui apparat parfois entre le respect du DIP et le maintien de la paix, dole dbat prolong sur les pouvoirs discrtionnaires du Conseil de Scurit lui

    permettant ddicter des normes drogeant au DIP dans le but de pourvoir au maintiende la paix internationale. Derrire cette lgalit dexception , il y a lide ferme que lapaix est la condition sine qua non pour que lordre juridique international puisse avoir unminimum demprise.

    - Si la socit internationale noffre pas ses sujets des moyens de faire entendre leursplaintes, faire valoir leurs droits et, ventuellement, obtenir rparation, la paix socialedevient difficile maintenir (la situation Palestine/Isral montre bien comment lesblocages de lordre mondial des dernires 60 annes a incapacit la paix et la scuritde la rgion, le droit cdant sa place la force). Renforcer le RPD cest donc contribuernon seulement au respect du DIP, mais aussi et surtout au maintien de la paix.

    Dans le droit de lONU, on retrouve le RPD principalement aux Chapitres VI et XV, maisaussi aux articles suivants :

    - Les buts des Nations Unies sont les suivants : [] Maintenir la paix et la scuritinternationales et cette fin : [] raliser, par des moyens pacifiques, conformmentaux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le rglement dediffrends ou de situations, de caractre international, susceptibles de mener unerupture de la paix [] - Article 1, 1, Charte ONU.

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    - [LONU] et ses Membres, dans la poursuite des buts noncs l'Article 1, doiventagir conformment aux principes suivants : [] Les Membres de [lONU] rglent leursdiffrends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manire que la paix et lascurit internationale ainsi que la justice ne soient pas mises en danger. [et]s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir la menace ou l'emploide la force []. - Article 2, 3 et 4, Charte ONU.

    - CHAPITRE 6 - RGLEMENT PACIFIQUE DES DIFFRENDS [] Les parties tout

    diffrend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de lascurit internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie dengociation, d'enqute, de mdiation, de conciliation, d'arbitrage, de rglement judiciaire, de recours aux organismes ou accords rgionaux, ou par d'autres moyenspacifiques de leur choix. Le Conseil de scurit, s'il le juge ncessaire, invite les parties rgler leur diffrend par de tels moyens. - Article 33, Idem.

    - [] d'une manire gnrale, les diffrends d'ordre juridique devraient tre soumispar les parties la Cour internationale de Justice conformment aux dispositions duStatut de la Cour []. - Article 36, Idem.

    - Si les parties un diffrend [] ne russissent pas le rgler par les moyens indiqus[], elles le soumettent au Conseil de scurit. - Article 37, Idem.

    - Le Conseil de scurit peut dcider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de laforce arme doivent tre prises pour donner effet ses dcisions, et peut inviter lesMembres [de lONU] appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendrel'interruption complte ou partielle des relations conomiques et des [] moyens decommunication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques. - Article 41, ChapitreVII, Charte ONU.

    - [] Les Membres [de lONU] qui concluent [des accords rgionaux ou constituent

    des organismes rgionaux] doivent faire tous leurs efforts pour rgler d'une manirepacifique, par le moyen desdits accords ou organismes, les diffrends d'ordre local,avant de les soumettre au Conseil de scurit. [] Le Conseil de scurit encourage ledveloppement du rglement pacifique des diffrends d'ordre local par le moyen de cesaccords ou de ces organismes rgionaux, soit sur l'initiative des Etats intresss, soit surrenvoi du Conseil de scurit. - Article 52, Chapitre VIII, Charte ONU.

    - CHAPITRE 14 - COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE [] La Cour internationalede Justice constitue l'organe judiciaire principal des Nations Unies. Elle fonctionneconformment un Statut tabli sur la base du Statut de la Cour permanente de Justiceinternationale et annex la prsente Charte dont il fait partie intgrante. - Article 92,Charte ONU.

    - Chaque Membre des Nations Unies s'engage se conformer la dcision de la Courinternationale de Justice dans tout litige auquel il est partie. [] - Article 94, Idem.

    Aucun ordre juridique, dans son processus de maturation, nomet de dvelopper et derenforcer les moyens de ralisation du droit. Lobjet du droit tant le maintien de lordresocial dans une socit, on y parvient en dveloppant tout dabord des normes deconduite, et dans une deuxime phase, en dveloppant et institutionnalisant des moyensde mise en uvre de ces normes.

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    - Chaque ordre juridique laisse au dbut sa ralisation entre les mains de sujets libres,mais avec le temps, lanarchie de la violence rsultant de la justice prive appelle lacration dinstitutions rgulires et impartiales investies de tous les pouvoirsncessaires pour garantir la justice et lordre public dune socit plus volue :lhistoire du droit romain en est rvlatrice.

    - Si au niveau interne, le problme de carence du droit en matire de ralisation du droit(notamment travers le RPD) a t partiellement rgl par la consolidation de lEtat

    moderne (la raison dtre mme de lEtat), lordre juridique international en est encoreloin. Le DIP contemporain laisse encore largement les Etats faire justice eux-mmes, cequi pousse chaque Etat reposer sur ses propres ressources militaires etdiplomatiques pour faire valoir ce quil appelle ses droits et provoque terme lanarchieinternationale, la violence endmique et les guerres que lon continue dobserver. Cettat de fait pousse les esprits chercher une solution meilleure, ce qui implique en toutcas de renforcer le rglement des diffrends.

    - Avec lavnement des organisations internationales (ci-aprs, OI) du XXme sicle,lordre juridique international est arriv un nouveau stade de maturation annonant unrenforcement de la mise en uvre et de lapplication (emforcement) du DIP. Il ne sagit

    plus pour les OI de simplement servir les volonts particulires de ces Etats-membres,mais bien dorganiser, dordonner la vie internationale en fournissant un prolongementinstitutionnel un droit fortement normatif.

    Tant pour le droit interne que pour la socit internationale, on se proccupe toujours plusde ne pas laisser seules les parties un diffrend : plus un diffrend est srieux et profond,plus il est difficile de communiquer constructivement et diplomatiquement entre les parties :cela est vrai pour deux compagnies en litige commercial, pour un couple dans uneprocdure de divorce, mais cest encore plus vrai pour des Etats dont les reprsentants nesont pas mus par une conscience personnelle mais par des intrts nationaux denvergureet sous pression denjeux et dlans politiques qui rendent toute concession, mais aussi la

    comprhension et lacceptation de lautre trs problmatique. Ds lors, on sefforce demultilatraliser ou de socialiser le diffrend, avec notamment la participation dEtats tiers oudinstitutions internationales.

    - Ex. : dans le cas o une instance nationale rend un arrt contraire au DIP quiprovoque la condamnation internationale, le recours une institution internationalepermet un Etat de rgler le diffrend en droit sans perdre face politiquement.

    Le diffrend est une opposition de vue dj cristallis, un dsaccord sur un objet concret,tel que la violation dun trait, linterprtation dune clause, etc. Il y a, dautre part, destensions ou des situations, qui nont pas dobjet spcifique mais qui sont bien plus

    gnraux et plus larges o il y a toute une srie de dsaccords rsultant dun antagonismeinternational (la Guerre Froide en est un exemple), qui peuvent produire toute une srie dediffrends concrets (tels que la saisie de vaisseaux commerciaux en haute mer). Lemcanisme du RPD est lui bel et bien calqu sur le modle du diffrend, c'est--diredsaccord avec un objet concret quon tente de rsoudre. Pour ce qui est des tensions,elles chappent aux mcanismes juridiques, si ce nest qu travers des confidencebuilding measures sur le long terme : la rsolution de ces situations politiques doit trepolitique, les tensions ou situations chappant au champ de capacits du DIP. Bienentendu, la plupart des diffrends sont de caractre mixte et prsentent un contentieux lafois concret, donc juridique, et plus gnral et enracin, donc politique.

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    La diffrence entre les diffrends politiques et juridiques tient galement la dichotomieentre les deux fonctions de lordre juridique international : celle juridictionnelle, o il sagitdappliquer des normes, et la fonction gouvernementale, o il sagit de soupeser, dedcider. Si la premire est presque mcanique et consiste principalement lapplicationdune norme gnrale un cas despce, la deuxime sinstrumentalise travers undialogue et des ngociations dbouchant un choix politique.

    - Dans le DIP, une dcision gouvernementale peut avoir pour consquence un diffrendjuridictionnel. A linverse, un diffrend peut rsulter non pas dun choix mais dunedivergence de vision sur un instrument ou un rgime juridique international. Ces deuxsituations sont diffrentes : dun ct, intrts politiques divergents, de lautre,dsaccord juridique ; pour rsoudre le diffrend en question, il faut des mcanismes dersolution adapts : politiques ou diplomatiques dune part, juridiques dautre part. LesEtats souverains sont donc libres de choisir loption la plus mme aboutir pour undiffrend donn, soit juridique (CIJ, CPA, CPI), soit politique (AG, CS, CE).

    - Le problme vient se poser lorsquun Etat, pour des raisons stratgiques ou autres,pousse vers une rsolution juridique dun diffrend, contrairement la volont de lautre

    partie. Avec cette divergence de visions de la rsolution du diffrend, le risque apparatque seule une partie secondaire du diffrend soit tranch, le reste et lessentiel tantcart par linstance choisie pour cause de non comptence. Cest pour cette raisonque la Cour International de Justice (ci-aprs, CIJ) pousse vers le consensualisme.

    - Dans lhypothse de coopration entre les parties pour un diffrend mixte ( la foispolitique et juridique), la CIJ peut nanmoins offrir un service salutaire la RPD. Dansle cadre dune ngociation densemble, lorsque une rsolution politique du diffrend estamorce, le recours de la Cours pour la rsolution ou ladjudication des facettes

    juridiques du diffrend (et elles seules) peut acclrer le processus en clarifiantcertains aspects disputs tout en rtablissant la confiance entre les parties et amliorer

    le rgne du droit par le respect de la sentence internationale.

    - Dfinition : adjudication : processus lgal par lequel un juge ou un arbitre dclare ouadjuge les droits et les obligations des parties un litige.

    Chapitre II - La voie diplomatique :

    Comme le confirme larticle 2, 3, le rglement pacifique des diffrends poursuit deuxbuts : la prservation de la paix et lintrt de la justice. Ce principe sert de base auChapitre VI et particulirement larticle 33, 1, qui numre la plupart des voies de RPDconnues sans en privilgier ou en imposer une mthode au dtriment de lautre, laissant le

    libre choix aux Etats :

    - Les parties tout diffrend dont la prolongation est susceptible de menacer lemaintien de la paix et de la scurit internationales doivent en rechercher la solution,avant tout, par voie de ngociation, d'enqute, [de bons offices], de mdiation, deconciliation, d'arbitrage, de rglement judiciaire, de recours aux organismes ou accordsrgionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix [ainsi que par voie derecours au Conseil de scurit ou lAssemble gnrale]. - Article 33, Charte ONU.

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    - La liste des moyens de RPD est en fait plus tendue : sy ajoutent les moyensnouveaux, mais aussi la modification dun moyen existant ou encore la solution quiconsiste confier un seul organe le soin de combiner plusieurs moyens existants.

    Il y a donc deux grandes catgories de voie de RPD : il y a, dun ct, la voiediplomatique (ou politique) de RPD, comprenant la ngociation/consultation, les bonsoffices, lenqute, la mdiation et la conciliation ; et, de lautre ct, la voie juridictionnelle, savoir le recours larbitrage ou un organe judiciaire.

    A lexception de la ngociation/consultation, tous les moyens de RPD diplomatiquesappellent lintervention dune tierce personne, ce qui prsuppose le consentement desparties au litige : dfaut de ce consentement, aucun Etat nest tenu de se soumettre unmode quelconque de rglement. Dans laccomplissement de son mandat, le tiers peutscarter des rgles du DIP, hormis celles qui relvent du ius cogens, au profit deconsidrations dopportunit et de ncessit. Cependant, il ny a aucune hirarchie entreces diffrents moyens de RPD. Finalement, quelles quelles soient, toutes les voient deRPD diplomatiques sont consensuelles.

    a). Ngociation, consultation et bons offices :

    La ngociation est non seulement la technique par excellence pour conclure destraits entre Etats, mais elle est aussi la voie privilgie pour le rglement dun diffrenddirectement entre Etats, sans sadresser des tiers. La rgle coutumire du pralablediplomatique prescrit le devoir dengager des pourparlers srieux ( meaningful) dansle but de parvenir un rglement directe et efficace le plus vite possible. Ce la quivaut dire que des Etats parties un diffrend ont en principe le devoir de le rgler enpremier lieu par la ngociation.

    Cette obligation ne persiste naturellement quun laps de temps raisonnable, et nesapplique rellement quentre les Etats qui entretiennent des relations diplomatiques.

    Dans le cas o un Etat partie au diffrend refuse la ngociation pu la rompue, lerecours immdiat des moyens impliquant la participation de tiers est autoris, pourautant que les parties sy sont accordes.

    Dans le cas trs probable que les relations entre les parties au diffrend ne sont pasassez propices pour un engagement de ngociations directes, il y a une voie de RPDprouve par le temps qui permet de faciliter la ngociation : les bons offices.

    b). Lenqute :

    Lenqute consiste tablir des faits contests entre des Etats parties un diffrend,

    ce qui est trs frquent. Depuis lavnement des organisations internationales,lenqute est devenue une voie de RPD de plus en plus rpandue et utilise des finsles plus diverses. Lenqute au sens strict permet de dterminer aux yeux de toutes lesparties la ralit sur des faits disputs, pavant le chemin vers lentendement commun etdes ngociations fructueuses, comme dans le cas mmorable du DoggerBank, qui asuscit une opposition tendue entre lEmpire Russe et le Royaume Uni autour dunaufrage dun chalutier britannique provoqu par une escadre russe en 1905.

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    c). La mdiation :

    De tous les moyens de RPD requrant un tiers, la mdiation est de loin le plus ancienet le plus rpandu. Il sagit dinviter un tiers (nimporte quel sujet du DIP) un diffrendpour faciliter, rapprocher voir diriger les parties vers la rsolution de leur litige enparticipant activement aux changes. Une fois mandat, le mdiateur est libre deprocder par les voies quil juge les plus propices la rsolution du diffrend (enqute,ngociation, navette, etc.). Il peut formuler des recommandations quant la manire de

    rgler le fond du litige. Lingrence du mdiateur est donc bien plus prononce.Idalement, au terme des dlibrations les parties accepteront les recommandations dumdiateur et le rglement prendra ainsi un caractre conventionnel.

    d). La conciliation :

    Lavantage de la mdiation est quil sagit au fond dun moyen de RPD relativementinformel. De plus, lorsque le mdiateur est un Etat puissant ou un OI de poids, il peutfaire pression sur les parties pour les amener se conformer une rsolution(linconvnient tant que les rglements peuvent devenir imposes, jetant le doute surla lgitimit et la validit dune dcision accepte sous contrainte). Pour pallier ce

    dfaut, les Etats parties peuvent opter pour la conciliation en nommant un individu ouun groupe dindividus indpendants, et donc impartiaux, pour rgler leur diffrend. Lesconciliateurs prparent un rapport avec des recommandations que les parties audiffrend sont libres daccepter ou non : dans la positive, il se forme un lienconventionnel entre les parties. La conciliation est souvent institutionnalise etrglemente lavance par les parties.

    Chapitre III - Larbitrage intertatique :

    Larbitrage est une institution ancienne du rglement des diffrends et elle est

    particulirement bien adapte un ordre juridique primitif tel que le DIP (encore plus pource qui est du DIP du XIXme sicle). Il sagit dun expdiant quon peut utiliser au cas parcas, lappliquant en toute flexibilit un problme concret. La sentence est cependantobligatoire pour larbitrage et rgle le litige dune manire premptoire pour les deuxparties, ce qui fait de celui-ci un moyen de RPD juridictionnel, de pair avec le recours unecour de justice. Contrairement cette dernire, larbitrage peut fonctionner dans labsencequasi-totale de normes juridiques et de cadre institutionnel tabli. De plus, si une courinternationale est un organe du droit et de la communaut internationale, larbitre et la courdarbitrage sont bel et bien un organe des Etats qui le mandatent.

    Larbitrage, en tant quinstitution de justice hautement flexible o le juge est lagent desEtats souverains et non pas leur suprieur, convient particulirement bien la socitintertatique. Larbitre est pour les Etats un moyen de rgler un problme ponctuel selonleur volont consensuelle sans sassujettir la justice svre et incorruptible dune courinternationale, conservant ainsi toute leur souverainet. De plus, les arbitres onthistoriquement t des personnalits haut places dEtats tiers et bien souvent des chefsdEtat (exemple : roi dItalie, Conseil fdral, etc.) Le diffrend est donc rgl par les pairsdes Etats, maintenant lgalit souveraine et vitant toute amorce de Super-Etat.

    Une question simpose : dans quelle mesure larbitrage est-il un organe dapplication dudroit ? La sentence tant contraignante, sinscrirait dans le DIP. Pourtant, si la CIJ ne fait

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    quappliquer ou statuer le droit positif (cf. art. 38, Statut CIJ), larbitre, lui, ne connat pasces limites. Il peut donc appliquer dautres rgles de droit que le droit des gens et mmedautres normes que des normes juridiques.

    - Dans le contexte de responsabilit internationale, une demande de rparation pourdommage et perte de gains peut tre faite un Etat par un individu : le litige entrelindividu et lEtat en question pourra tre rgl par arbitrage en appliquant des normes

    juridiques autres que celles du DIP. Il sagit dun exemple dans lequel des normes de

    droit interne dune juridiction donne (appliques par analogie), des principes gnrauxvoir des normes construites de toute pice peuvent tre utilises pour rgler le litige.

    - Des normes non juridiques peuvent tre aussi appliques par larbitre pour rsoudreun diffrend, telles que lquit, mais aussi les principes de la morale et de lhumanit. Ilsagit bien de principes et de normes au-del du droit applicable. Lquit est un bonexemple qui permet dcarter le droit positif ( dfaut de normes applicables ou dans lecas o le droit est trop rigide ou autrement inadquat) afin daboutir un jugementsatisfaisant. Par exemple, une ligne de frontire peut tre dmarque de faonquitable par un arbitre, ce mme sil contredit des normes juridiques applicables.

    - Ex. : dans laffaire Brko, une rgion stratgique conteste entre la Bosnie et la Serbiesuivant les Guerres yougoslaves, laccord de Dayton de 1995 qui permit dapaiser leconflit serbo-bosniaque et de normaliser la situation stipulait, dans son annexe, que ladispute du territoire devait tre rgle par arbitrage en appliquant lquit pour scarterdu droit strict. Malgr les dissensions entre les arbitres choisis par les deux Etats, lesur-arbitre, Mr. Owen, a dcid en dfinitive que la solution la plus quitable serait deplacer la rgion sous un rgime internationalis pour un temps transitoire.

    - On peut citer titre de contre-exemple le tribunal darbitrage Erythrea-EthiopiaBoundary Commission . Dans larticle 4, 2 du compromis arbitral, il est crit []The parties agree that a neutral Boundary Commission composed of five members

    shall be established with a mandate to delimit and demarcate the colonial treatyborder based on pertinent colonial treaties [] and applicable international law. TheCommission shall not have the power to make decisions ex aequo et bono .

    Larbitrage est donc bel et bien une modalit non institutionnelle de RPD. Pourtant, il y al aussi une institutionnalisation croissante depuis le XXme sicle :

    - Larbitrage ad hocest la forme la moins institutionnalise de larbitrage. Des Etats enlitige peuvent mettre sur place un arbitrage denovo, sans aucune structure prtablie.

    - La Cour Permanente dArbitrage (ci-aprs, CPA), prvue dans les Conventions de La

    Haye I de 1899 et 1907, est une forme plus institutionnalise darbitrage. Elle a ceci depermanent non pas dtre un tribunal sigeant continment avec ses juges, mais par lefait que, dune part, le secrtariat est constamment en fonction au service dEtats enlitige, et dautre part, par le fait que les rgles de procdures sont prconstitues etincluses dans la Convention de La Haye. Nanmoins, le tribunal darbitrage se dissout sa fin et doit tre reconstitue par la suite.

    - Le tribunal darbitrage provisoire est la forme la plus institutionnalise des tribunauxdarbitrage, bien quils ne soient as dfinitifs. A titre dexemple, on compte le Tribunaldes rclamations Irano-Amricain.

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    La diffrence fondamentale, du point de vue juridique, entre une juridiction institutionnelleinternationale et un arbitrage, rside surtout dans le fait que larbitrage reste lagentconjoint des parties (qui choisissent les arbitres, leur mandat et leur procdure), alorsquune cour de justice est toujours un organe du droit international et un agent de toute lacommunaut dEtats ayant ratifi le statut de la cour (tous les Etats parties tablissent lacour, fixent les rgles de procdure, financent la juridiction et en constituent, dans leurensemble, le matre). La volont dune communaut dEtats nest pas la mme que la

    volont de quelques plaideurs, qui sont en plus les mandateurs dans le cas de larbitrage.De plus, la statut de la juridiction se maintient pour tous tant quil nest pas ratifi.

    Mme dans lapplication du droit, il y a dans tous les types darbitrage une typologiediffrente :

    - Dans le cas de larbitrage juridictionnel, larbitre est un expert juriste qui statue selon ledroit international applicable un cas.

    - Larbitrage technique concerne les litiges dans un domaine trs particulier, tel que lanavigation ou encore lenvironnement. Pour ce genre de litiges, laspect juridique est

    secondaire : les arbitres seront donc naturellement des experts dans les domainesconcerns et rendent une sentence adquate avec laide des juristes (la Convention dudroit de la mer de Montego Bay prvoit ce type darbitrage).

    - Enfin, il y a des arbitrages qui sinscrivent dans une procdure plus large de RPD : parexemple, un arbitrage peut suivre un rglement politique (conciliation, mdiation, etc.)Ce systme tait trs rpandu dans les annes dentre-deux-guerres. Le Protocole deGenve de 1924 est entirement bas l-dessus.

    a). Composition dun tribunal darbitrage :

    Si la question ne se pose pas pour une cour de justice prconstitue et permanente,un tribunal arbitral lui doit tre constitu chaque fois. Il y a donc l un danger deblocage : une fois un accord darbitrage conclu, les Etats peuvent hsiter prcder etrefuser de nommer ou de reconnatre les arbitres, faisant lettre morte de laccorddarbitrage. Pour viter ce cas de figure, il est ncessaire de prvoir des contre mesuresds le dbut.

    Laspect constitutif dun tribunal arbitral se trouve dans le Compromis arbitral (oude la clause compromissoire dans le cas dun trait plus large), qui dcrit le diffrend, ledroit applicable, des instructions aux arbitres sur ce quils doivent ou ne doivent pasfaire, comment le tribunal sera constitu, le nombre de pices soumises, le financement

    du tribunal, etc. Le compromis arbitral peut prvoir que les Etats en cause nomment unnombre gal d arbitres nationaux , qui sont nomms par les parties respectives et unsur-arbitre, culminant un collge arbitral impair. La rgle gnrale en la matire estque les arbitres nationaux choisissent ensemble le sur-arbitre : dfaut daccord, il seranomm par une tierce personne.

    b). Droit applicable :

    Il y a l aussi une certaine souplesse. Le droit applicable est fix dans les premiersarticles du compromis arbitral. Comme les parties fixent elles-mmes le droit applicable,

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    cela leur laisse une latitude presque infinie : les Etats peuvent crer des rgles de toutepice, ou alors intgrer des rgles de droit dordres juridiques internes.

    Larbitrage de lAlabama, o travers le Trait de Washington de 1781, les Etats-Uniset le Royaume Uni se sont mis daccord sur un arbitrage, le premier prtendant quelautre avait manqu ses devoirs de puissance neutre lors de la Guerre de Scessionen permettant des navires de la Confdration sarmer dans ses ports pourcombattre contre lUnion. A cette fin, les Etats-Unis ont obtenu de faon trs astucieuse,

    ce que trois rgles, devenues fondamentales pour linstitution darbitrage, soientsuivies par les arbitres : le devoir de la diligencedue (dveloppe pour la premire fois)des Etats, et dautres rgles cres de toutes pices.

    c). Procdure :

    La procdure doit tre prcise chaque fois, dans le cas contraire, larbitre a lepouvoir de fixer les rgles pour exercer sa fonction. Les parties sont libres de fixer laprocdure comme elles le souhaitent. Les rgles de procdure peuvent tre prvuesdans le Compromis arbitral. Alternativement, il est possible de faire rfrence desrgles de procdure existantes (exemple : renvoi la Convention de La Haye de 1907),

    ou alors de ne pas fixer de rgles du tout, laissant au tribunal et ses arbitres le soin deles fixer eux-mmes.

    La saisie dun tribunal arbitral est gnralement prcise dans le compromisdarbitrage (ou dans le trait contenant la clause compromissoire). Si rien ny estprcis, la partie la plus diligente (la premire passer laction) pourra saisir letribunal arbitral, ou alors les parties peuvent sentendre pour soumettre leur affaireconjointement.

    - Ex. : le compromis darbitrage de la Commission de dlimitation de frontire entrelErythre et lEthiopie stipulait que la saisine du tribunal arbitral devait se faire par le

    Secrtaire Gnral dans les 45 jours suivant la conclusion de laccord.

    d). Exceptions prliminaires :

    Dans le cadre dun tribunal arbitral, une partie peut mettre des contestations quant la comptence du tribunal et/ la recevabilit de la demande dune autre partie, tantentendu que la rgle de la comptence de la comptence sapplique aussi bien larbitre quau juge. Cependant, il est rare que des arguments de comptence ou de larecevabilit soient soulev dans le cadre dun arbitrage, tout particulirement pour unarbitrage ad hoc, tant donn que les parties un arbitrage sont par nature daccordpour y faire partie et reconnaissent naturellement la comptence de la cour darbitrage

    accorde. Nanmoins, des diffrences dopinions peuvent avoir lieu sur certains objetssoumis larbitrage eu peuvent tre vus comme outrepassant le cadre fix par lecompromis arbitral. Des contestations dirrecevabilit dune demande sont plusfrquents pour les cours darbitrage permanentes et institutionnalise que pour lesarbitrages ad hoc.

    e). Mesures conservatoires :

    Une mesure conservatoire est une disposition par laquelle un objet est mis sous laprotection de la justice contre toute atteinte dans le dlai entre la saisine et la sentence

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    arbitrale afin que par manque de bonne foi la partie qui en a le pouvoir ne commette unprjudice irrparable qui rende la sentence vide de sens cause dun fait accompliquelle a sciemment gnr afin de saper larbitrage. Par exemple, durant la prparationde la sentence dans une affaire o une partie demande la libration et lextradition dundtenu dans ce territoire, la partie qui dtient ladite personne peut tre appele nepas excuter le dtenu avant que la sentence ne soit rendue.

    Lorsquune cour darbitrage a la libert dtablir ses propres rgles de procdure, elle

    a le droit, en principe, ddicter des rgles de mesures conservatoires. En revanche,lorsque le tribunal se voit imposer toutes les rgles de procdures, supposer quecelles-ci ne contiennent pas de rgles lgard de mesures conservatoires, il devientune question dinterprtation que de savoir si un tribunal peut nanmoins entretenir unedemande de mesure conservatoire, savoir si le silence des Etats est qualifi est toutedemande est exclue, ou alors si une pareille demande constitue un pouvoir implicite dela Cour afin de ne pas la rendre vide de sens.

    f). Intervention :

    Des Etats tiers peuvent intervenir dans un arbitrage entre plusieurs parties lorsquil est

    directement li par lobjet du litige et sil lestime appropri. Lintervention est rgleselon les rgles de procdure adoptes. Larticle 84 de la Convention de La Hayetablissant la Cour Permanente dArbitrage (ci-aprs, CPA) tablit que les Etats tiersont la possibilit de sadresser directement aux arbitres lorsquil sagit de questionsrelatives linterprtation dun trait auquel les Etats tiers sont parties. Dans le cas desilence de texte, il est possible quun arbitre soctroie le droit daccepter linterventiondun Etat tiers, si les parties larbitrage ne sy opposent pas. Par ailleurs, linterventionne lie personne. Nanmoins, les cas sont rares, vu que larbitrage est un moyen deRPD gnralement exclusif aux parties en litige.

    g). Sentence arbitrale :

    La sentence est lquivalent du jugement ou de larrt pour une cour de justice : il sagit de la dcision rendue par un tribunal arbitral, lchance de laprocdure la majorit simple des voix (tant donn lobligation de voter et le nombretoujours impair des arbitres). La majorit peut tre conteste, vu que les questionsouvertes et labores donnent lieu des tractations prolonges.

    Une fois rendue, la sentence devient chose juge (res iudicata) et lie les parties,ce qui comporte deux consquences :

    - Au sens formel, le jugement ne peut pas tre lobjet dun nouvel examen extrieur :

    la sentence est dfinitive et il ny a pas de recours possible.

    - Au sens matriel, la sentence rendue ne peut tre remise en cause dans une autreprocdure. Une fois lies, les parties ne peuvent se dpartir de lobjet de la sentenceet celle-ci devra tre respecte dans lavenir, bien quune autre sentence ou unautre jugement peut tre donn dans le cadre dun autre diffrend. Limpossibilitdune dcision rtroactive confre au rgime de larbitrage une scurit juridiqueabsolue qui ne manque pas daccommoder le souverainisme des Etats. Il faut noterque lobjet de la chose juge est bien la dcision qui se trouve dans le dispositif dela sentence, et non le raisonnement adopt.

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    Une sentence arbitrale peut tre juge nulle si la procdure prsente un vice ou undfaut srieux, tels quun un acte de corruption, de menace, ou autres. Ds lors, pourpermettre une rsolution efficace et juste du diffrend, sans ouvrir la porte aux abuspour les Etats se retrouvant perdants, il est ncessaire de cadrer correctement lesmotifs de nullit envisageables. La coutume indique que parmi les motifs de nullitadmis, on compte lexcs de pouvoir par larbitre, lerreur essentielle ou manifeste, lafraude, la corruption et labsence de motivation de la sentence.

    - Lorsque la contestation ne porte non pas sur la validit de la sentence mais sur sasignification, les parties peuvent demander un recours en interprtation de lasentence aux arbitres.

    - En outre, il y a la possibilit de faire un recours en rvision, c'est--dire dedemander ce que lobjet de la res iudacta soit rtract si un fait nouveau et dcisiftait dcouvert portant sur le fond du litige.

    - Ex. : en 1960, la CIJ a rendu un jugement sur la contestation de la sentencearbitrale de 1906 dans un diffrend territorial entre le Honduras et le Nicaragua, quia progressivement contest larbitrage faisant natre un diffrend croissant. La Cour

    a fini par rejeter les arguments du Nicaragua comme tant non fonds. En 1989, lacontestation sentence arbitrale entre la Guine Bissau et le Sngal cause de laremise en cause de la majorit du vote des arbitres tait nouveau rejete par laCIJ.

    Ne pas honorer une sentence arbitrale est un fait internationalement illicite en DIP.Dans ces cas, le Pacte de la SdN prvoyait dans son article 13 un recours au Conseil,pour que celui-ci prenne des mesures dexcution. Cette disposition na pas treconduite dans la Charte : larticle 94 permet bien au Conseil de Scurit de prendredes mesures pour faire excuter les dcisions de la Cour, mais ne lui donne pas cedroit pour ce quil sagit des sentences arbitrales. En revanche, il est possible de

    recourir des organes dorganisations internationales lorsque larbitrage a t organissous ses hospices. Finalement, le droit international gnral laisse la possibilit lapartie lse par le non respect de la sentence de la partie oppose de lui faire face travers des contre mesures.

    h). Frais de larbitrage :

    Devant une Cour institutionnelle, les frais sont couverts par les contributions de tousles Etats membres. Dans larbitrage, par contre, tous les frais sont la charge desparties (la distribution des frais est rgle dans le compromis darbitrage, avec la rglesubsidiaire du partage gal en cas de silence).

    Chapitre IV - Le recours la CIJ :

    Contrairement aux cours darbitrage, une cour de justice est une juridiction permanente etinstitutionnelle institue par la communaut internationale et indpendante des plaideursqui ne laisse pas de grande influence la volont des parties en litige. La procdure derglement de litiges de la cour est prtablie et ne peut tre modifie : celle-ci ne laisseque trs peu de flexibilit lgard des volonts des Etats. Son autonomie est renforcepar la gratuit de ses services, qui tombent sous le budget rgulier de la Cour.

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    La Cour Internationale de Justice (ci-aprs, CIJ), dont le sige est La Haye, est lorganejuridique officiel des Nations Unies, comme le rappelle larticle 92 de la Charte. Base surle Statut de CPJI, elle la succd en 1946.

    - La Cour internationale de Justice constitue l'organe judiciaire principal des NationsUnies. Elle fonctionne conformment un Statut tabli sur la base du Statut de la Courpermanente de Justice internationale et annex la prsente Charte dont il fait partieintgrante. - Article 92, Charte ONU.

    La CIJ est une juridiction internationale permanente qui permet aux Etats de rgler toutlitige juridique tout moment par une simple lettre, sans organiser un arbitrage partir de0 : il sagit donc dune contribution considrable la paix et la coopration entre les Etats.

    4.1). Composition de la Cour :

    La CIJ est compose de 15 juges ordinaires lus pour un mandat rligible de 9 ans.Il y a aussi les juges ad hoc, dans le cas o un Etat en litige naurait pas de national parmiles juges. Un quorum de 9 et un maximum de 17 juges (dont deux juges ad hoc) peuventconstituer la Cour. Dans le cas o le nombre de voix est gal, le vote du Prsident comptedouble (il faut noter quun juge ne peut pas sabstenir de voter).

    La CIJ tant un organe officiel des Nations Unies, une rpartition gographique etculturelle quitable simpose pour ce qui est de la nomination des juges. En pratique, lescinq membres permanents du Conseil de Scurit sont toujours reprsents. La rpartitionsuit la rgle suivante : Europe Ouest 3, Europe Est 2, Afrique 4, Asie 3, Amriques 3.

    4.2). Comptences de la Cour :

    La Cour a la pouvoir juridique de connatre, dexaminer et de trancher par jugement le

    fond dun litige : le Statut annex la Charte des Nations Unies tabli toutes les conditionsncessaires pour que la CIJ puisse examiner en effet sur le fond le litige quon lui soumet.

    Il faut dire que la comptence de la Cour est souvent vue comme prcaire et conteste.Un tribunal interne reprsentant la collectivit politique et faisant partie prenante de lEtatsouverain jouit dune autorit verticale sur les personnes qui tombent sur sa juridiction, cequi rend sa comptence quasi automatique. Dans le monde horizontal de la communautinternationale par contre, les questions de comptence et de recevabilit occupent uneplace premire pour chaque affaire envoye la Cour.

    La Cour contrle normalement elle-mme sa comptence trancher dune question, bien

    que les Etats peuvent soulever des exceptions prliminaires quant la recevabilit dela demande, que la Cour peut ensuite retenir, ou non. Avant de recevoir une demande, lejuge doit non seulement sassurer quil a la comptence de trancher le litige, mais aussi desassurer de la recevabilit de la demande, qui peut dpendre de la forme ou de laprocdure de celle-ci.

    La comptence de la CIJ doit tre analyse sous trois angles :

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    a). Ratione personae :

    La comptence personnelle a trait aux sujets ligibles porter une affaire la Cour :- 1. Seuls les Etats ont qualit pour se prsenter devant la Cour. [] - Article 34, 1, Statut CIJ.

    En principe, seuls les Etats ayant ratifi le Statut peuvent ester devant la Cour,cependant, dautres Etats peuvent le faire galement, sous certaines conditions, fixes

    dans le Statut et dans la rsolution 9 du Conseil de Scurit : lEtat doit accepter lesrgles de procdures de la Cour, respecter larrt en respectant la force contraignantede ce dernier ainsi que contribuer aux dpenses de la Cour pour laffaire en cause.

    - 1. La Cour est ouverte aux Etats parties au prsent Statut.

    2. Les conditions auxquelles elle est ouverte aux autres Etats sont, sous rserve desdispositions particulires des traits en vigueur, rgles par le Conseil de scurit, et,dans tous les cas, sans qu'il puisse en rsulter pour les parties aucune ingalitdevant la Cour. [Lorsqu'un Etat qui non membre est partie en cause, la Cour fixera lacontribution aux frais de la Cour que cette partie devra supporter]. - Article 25,

    Statut CIJ.

    - La dcision de la Cour n'est obligatoire que pour les parties en litige et dans le casqui a t dcid. - Article 59, Statut CIJ.

    b). Ratione materiae :

    Pour que la Cour soit matriellement comptente pour connatre dun litige, il faut undiffrend, entre plusieurs Etats, qui soit juridique et que le droit applicable soit le DIP.

    - 1. La Cour, dont la mission est de rgler conformment au droit international les

    diffrends qui lui sont soumis, applique :

    a. les conventions internationales, soit gnrales, soit spciales, tablissant desrgles expressment reconnues par les Etats en litige; b. la coutume internationale comme preuve d'une pratique gnrale acceptecomme tant le droit;c. les principes gnraux de droit reconnus par les nations civilises;d. sous rserve de la disposition de l'Article 59, les dcisions judiciaires et ladoctrine des publicistes les plus qualifis des diffrentes nations, comme moyenauxiliaire de dtermination des rgles de droit.

    2. La prsente disposition ne porte pas atteinte la facult pour la Cour, si les partiessont d'accord, de statuer ex aequo et bono. - Article 38, Statut CIJ.

    Le diffrend est une condition objective pour que le juge puisse prononcer un arrt. Ilsagit dun dsaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une oppositionde thse juridique ou dintrt entre plusieurs personnes. Il faut donc quil y ait unerclamation dun Etat demandeur qui se heurte lopposition dun autre Etat. Lediffrend doit tre juridique et le juge ne pourra trancher que sur laspect juridique de laquestion : pour tre recevable, la requte doit tre formule sur la base du droit, le droitinternational doit tre appel dans la rclamation des Etats.

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    La comptence matrielle est limite par lobjet du diffrend tel quil a t formul parles parties. Toutefois, lEtat contre lequel laffaire est porte peut demander unereconvention sur des objets connexes ceux indiqus par le demandeur.

    c). Ratione consensus :

    La comptence des tribunaux internationaux est toujours consensuelle. La CIJ nestcomptente que lorsque toutes les parties ont consentis sa juridiction en la matire :elle ne peut imposer son jugement qui que ce soit sans son consentement.

    Cet tat de choses peut paratre dcevant, car cela implique que le rgne du droit, sicrucial pour le droit interne pour combattre larbitraire et linjustice serait limit auxfrontires des Etats et nexisterait pas au-del et entre ces derniers, sapant laresponsabilit internationale des Etats mettant mal la porte du droit international etson rle salutaire pour la communaut internationale.

    Cette rgle est nanmoins justifie, tout dabord par la ralit sociale persistante etreflte travers tout le diapason du DIP quest la souverainet des Etats, qui impliquele pouvoir ultime de dcider, et dautre part cause de labsence de mcanismedexcution efficace au niveau international (tel que la police au niveau interne), ce qui

    discrditerait la juridiction mme chaque fois quun jugement ne serait pas respect.

    - La Cour rappellera, que l'un des principes fondamentaux de son Statut, est quellene peut trancher un diffrend entre Etats, sans que ceux-ci aient consentis sajuridiction. - CIJ, Recueil darrts, Affaire du Timor Oriental, 1995.

    Cela dit, malgr la teneur de larticle 36 qui peut tre interprt dans ce sens, le Statutne mentionne pas explicitement la rgle du consentement en tant que principe fonda-mental. Le principe dcoule donc plus de la jurisprudence de la Cour que de son Statut.

    Ainsi, la ratification du Statut de la CIJ ne donne pas lieu au consentement des parties

    et ne cre donc pas doffice un titre de comptence : ce dernier doit donc tre produitultrieurement. Hors, le consentement peut prendre des formes trs diverses en droit,certaines restrictives et expresses, dautres larges et tacites.

    Parmi les quatre moyens dont disposent els Etats pour donner lieu la comptenceconsensuelle de la Cour, on distingue de type de modalits : le consentement peut tredonn davance, avant quun litige particulier soit n de sorte ce que la Cour puisse letrancher lavenir, si ce litige devait se prsenter ; alternativement, les parties peuventdonner leur consentement la juridiction de la Cour au moment o le litige est dj n.

    - Il faut noter que lengagement dun Etat consentir la comptence de la Cour

    pour un type de litiges potentiels donns avant que ceux-ci ne surviennent est unemodalit de consentement beaucoup plus lourde et plus profonde, puisquun Etataccorde la comptence la Cour pour un nombre infini de cas futures, sans enconnatre les circonstances. Les Etats ont donc beaucoup plus de rticence accorder des titres de comptence avant le litige concret.

    - Dans le cas o le consentement nest donn que pour des litiges concrets aumoment o ceux-ci apparaissent, les Etats encourent moins de risques et gardent ledroit de choisir quand et pour quels diffrends, voir pour quels objets dun diffrendla Cour sera comptente.

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    i). Clause compromissoire ou juridictionnelle :

    Une clause compromissoire insre dans un trait, quel quil soit, indique quencas de diffrend sur linterprtation ou lapplication dun trait donn, chaque Etatpartie pourra saisir la CIJ. Ces clauses apparaissent gnralement dans lesdispositions finales et font souvent lobjet de complications et de rserves.

    - 1. La comptence de la Cour s'tend toutes les affaires que les parties lui

    soumettront, ainsi qu' tous les cas spcialement prvus dans la Charte desNations Unies ou dans les traits et conventions en vigueur. - Article 36, 1,Statut CIJ.

    Il y a aussi les clauses juridictionnelles contenues dans un trait portantspcifiquement sur le rglement des diffrends entre plusieurs parties. De telstraits organisent dans un certain espace, soit gnralement soit lgard decertains objets, une procdure de rglement des diffrends articule comportantdivers moyens de rglement dont le recours la Cour.

    - Quil sagisse dune clause compromissoire ou dune clause juridictionnelle, le

    consentement donnant lieu la comptence consensuelle de la Cour est produitpar la ratification du trait.

    ii). Dclaration ou clause facultative de juridiction obligatoire :

    Le deuxime titre de comptence possible est la clause facultative de juridictionobligatoire qui tout Etat est libre dinsrer dans une dclaration unilatrale, adressesous forme de lettre au Secrtaire gnral, qui la transmet au Greffier de la Cour,nonant la volont dun Etat daccepter la comptence de la Cour pour un nombredobjets comme tant obligatoire et de plein droit vis vis de tout Etat acceptant lamme obligation, sans quil y ait besoin de produire un autre titre de comptence.

    - Les Etats parties au prsent Statut pourront, n'importe quel moment,dclarer reconnatre comme obligatoire de plein droit et sans conventionspciale, l'gard de tout autre Etat acceptant la mme obligation, la juridictionde la Cour sur tous les diffrends d'ordre juridique ayant pour objet :[l'interprtation d'un trait ; tout point de droit international ; la ralit de toutfait qui, s'il tait tabli, constituerait la violation d'un engagement international ;la nature ou l'tendue de la rparation due pour la rupture d'un engagementinternational]. - Article 36, 2, Statut CIJ.

    Ds lors, un Etat peut directement et unilatralement porter une affaire contre un

    autre la CIJ pour autant que les deux Etats aient fait, au pralable, une dclarationfacultative sur le mme objet. Il y a ce jour quelques 70 dclarations facultatives,telle que celle de la Suisse, soumise sans aucune rserve :

    - Le Conseil fdral suisse, dment autoris cet effet par un arrt fdral prisle 12 mars 1948 par l'Assemble fdrale de la Confdration suisse et entr envigueur le 17 juin 1948, [dclare] par les prsentes que la Confdration suissereconnat comme obligatoire de plein droit et sans convention spciale, l'gardde tout autre Etat acceptant la mme obligation, la juridiction de la Courinternationale de Justice sur tous les diffrends d'ordre juridique ayant pour

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    objet :a. L'interprtation d'un trait ;b. Tout point de droit international ;c. La ralit de tout fait qui, s'il tait tabli, constituerait la violation d'unengagement international ;d. la nature ou l'tendue de la rparation due pour la rupture d'un engagementinternational.

    Cette dclaration, qui est fonde sur l'article 36 du Statut de la Courinternationale de Justice, portera effet ds la date laquelle la Confdrationsuisse sera devenue partie ce Statut et aussi longtemps qu'elle n'aura pas tabroge moyennant un pravis d'un an.

    Fait Berne, le 6 juillet 1948. [Sign, Prsident et Chancelier du ConseilFdral] - Clause facultative de la Confdration Helvtique la CIJ.

    Tout comme les traits, la clause facultative fonctionne par rciprocit : un Etatnayant pas fait de dclaration ne pourra pas ester contre un Etat layant faite parcette voie. Cela veut donc dire que les rserves sont galement admises : celles si

    peuvent tre substantielles, en excluant des matires sensibles ou en refusant leconsentement aux affaires touchant certains Etats, tout comme il est possible dene formuler aucune rserve, comme cest le cas pour la Suisse. Cependant, larserve doit tre souleve par lEtat auteur pour que celui-ci puisse la faire valoir.

    - Le principe de rciprocit veut quil y ait une galit parfaite entre les partiesdans leur rapport de comptence rciproque : lorsque lune des parties soulveune rserve quelle a faite dans sa clause facultative, cette rserve vautgalement pour toutes les autres parties au litige qui peuvent la soulever parrciprocit, mme si elles nont pas formul de rserves. Ce principe garantitlgalit de traitement entre toutes les parties et vite ce que les Etats ayant fait

    moins de rserves soient dsavantags par rapport aux autres.

    - Outre le rgime des rserves, qui permet dexclure certains objets voir certainssujets du DIP de la comptence obligatoire confre la Cour, les Etats gardentla possibilit de rvoquer ou de dnoncer leur dclaration, qui prendrait effetaprs un certain dlai. La Cour distingue galement entre les rservesmatrielles, qui limitent les objets qui tombent sous a comptences, desconditions formelles que les Etats font pour la vie mme de la dclaration (entreen vigueur, dnonciation, etc.) en spcifiant que la rciprocit ne vaut que pourles rserves matrielles, lexclusion des conditions formelles.

    - Bien que larticle 36, 6 tablit la rgle fondamentale que [ ]en cas de,contestation sur le point de savoir si la Cour est comptente la Courdcide , cette rgle peut tre mise mal par des rserves automatiques

    .insres dans la clause facultative Il sagit des rserves automatiques, ousubjectives (self judging), dont leffet est automatique et la qualification estsubjective, qui permet lEtat dfendeur de qualifier lui-mme si laffaire portecontre lui tombe sous la comptence de la Cour ou non.

    - [] le Gouvernement de la Rpublique de l'Inde reconnat commeobligatoire de plein droit et sans convention spciale, sous condition de

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    rciprocit et jusqu' ce qu'il soit donn notification de l'abrogation de cetteacceptation, la juridiction de la Cour internationale de Justice sur tous lesdiffrends autres que [les] diffrends dans lesquels la juridiction de la Courprocde ou peut procder d'un trait conclu sous les auspices de la Socit desNations, moins que le Gouvernement indien n'accepte spcialement lajuridiction de la Cour dans chaque cas [] .

    Le rgime des clauses facultatives a donc ceci de particulier quils crent une base

    de comptence pour tous les Etats qui le souhaitent : il sagit dun substitut lacomptence universelle et obligatoire doffice que certains auraient souhait voirapparatre dans le Statut mme de la Cour.

    Une dclaration facultative peut tre dnonce sous certaines conditions, que lesEtats sont libres dtablir eux mmes. Lorsque la clause mentionne un dlai lchance duquel la dclaration serait abroge suite un pravis de dnonciation,ce dlai fait foi. Lorsque la clause est silencieuse ce sujet, il est entendu par la

    jurisprudence de la Cour que la dnonciation pourrait tre faite aprs un dlairaisonnable : on peut dire que par analogie au droit des traits, ce dlai raisonnablequivaut un an. Cependant, la pratique subsquente a admis des dlais de six

    mois. Le critre est fonctionnel : il sagit dviter ce que la comptence et lintgritde la juridiction ne soient spontanment manipule ou abuse. Il y a ensuitecertaines rserves qui indiquent que la dnonciation de la clause aurait un effetimmdiat, ce qui soulve la question de leur validit.

    - En DIP, comme dans le droit des obligations, les traits internationaux, et paranalogie, les clauses facultatives, qui portent des dispositions invalides,irrecevables ou illicites, peuvent tre frappes de nullit par une juridiction. Lanullit sera soit partielle (concernant que les dispositions illicites) soit totale(comprenant la clause dans son entiret), selon sil est prouv que la rserveillicite forme une condition si ne qua non pour la conclusion de la clause, ou non.

    - Dans tous les cas, si la Cour a dj t saisie, il est entendu que dans laffaireen cours, la CIJ reste comptente jusquau bout.

    iii). Compromis spcial :

    Le compromis spcial (special agreement) est une modalit de consentementultrieur au litige qui provient de la pratique arbitrale et permet deux Etats en litigede conclure un accord pour dfrer un litige la Cour.

    iv). For prorog :

    Le for prorog (forum prorogatum) est une modalit de consentement a posterioriplus spciale, plus informelle et implicite. En effet, la Cour ne soulve pas doffice laquestion de consentement : un Etat peut toujours laisser la Cour trancher dundiffrend sil lestime utile. Dans ce cas, un Etat contre lequel une affaire est porte la CIJ peut envoyer une lettre signe par un chef dEtat octroyant le consentement la Cour. Alternativement, il y a la simple absence dobjection : si un Etat porte uneaffaire la Cour contre un autre, sans titre de comptence, si lautre Etat nobjectepas dans le dlai imparti, la Cour se tient pour comptente. Par analogie, le forprorog peut permettre dtendre la sphre de comptence autrement restreinte.

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    Chapitre V - La procdure consultative devant la CIJ :

    Outre sa comptence de rendre des arrtes contraignants, la Cour peut galement rendredes arrts consultatifs dans un domaine donn, clairant la communaut internationale surune question de droit la demande dune organisation internationale (et non dun Etat).

    Lavis consultatif qui est rendu par la Cour nest pas excutoire : il ne contient pas de

    dispositif contraignant, mais nest quun simple avis juridique. La raison dtre de cetteprocdure singulire, introduite en 1920 pour la CPJI, est de deux ordres : la premiretant doffrir au Conseil, organe minemment politique, des informations sur laspect

    juridique dune question donne ; la deuxime tait de doter les agences de la SdN et delONU dun organe de haute autorit en droit international capable dlucider des nigmes

    juridiques, telles que linterprtation de textes, comptences, etc.

    Cette procdure a t critique nombreuses reprises. On a soulev notamment que lesdemandes consultatives ne sont pas adaptes une cour de justice, celle-ci pouvantsouffrir dans son prestige, notamment par le fait que la rponse quelle donnera ne serapas excutoire en droit. On a fait valoir galement, que cette procdure pourrait tre

    utilise pour contourner lexigence du consentement dEtats engags dans un diffrend. Ilpourrait aussi se crer des confusions entre la procdure consultative et la procdurecontentieuse, car dans des situations tendues soumises la Cour par des Etats en litigesoit traite dune manire, et quensuite dautres lments ou aspects du diffrend soitreport devant la Cour dans une procdure consultative, ce qui pourrait brouiller laprocdure et forcer la Cour adopter un avis sur la base prtablie dune chose juge defait, par un souci de cohrence. De plus, le fait est largement absent dans la procdureconsultative, mais occupe une place centrale dans la procdure contentieuse qui comporte,elle, des parties avec vues et intrts opposants.

    Nanmoins, ces critiques, qui sont apparues ds le dbut nont pas t aussi fondes que

    ce que lon craignait. En fait, la procdure consultative a beaucoup apport audveloppement du droit international et laffirmation du rle des organisationsinternationales.

    - 1. L'Assemble gnrale ou le Conseil de scurit peut demander la Cour internatio-nale de Justice un avis consultatif sur toute question juridique.

    2. Tous autres organes de l'Organisation et institutions spcialises qui peuvent, unmoment quelconque, recevoir de l'Assemble gnrale une autorisation cet effet ontgalement le droit de demander la Cour des avis consultatifs sur des questions juri-diques qui se poseraient dans le cadre de leur activit. - Article 96, Charte ONU.

    Larticle 96 de la Charte souligne que lAG, ainsi que le Conseil de scurit, peuvent tousdeux demander un avis consultatif sur toute question juridique la Cour, chacunindpendamment lun de lautre. Il sagit dune habilitation spciale qui largit linfini lescomptences des deux organes dans leurs demandes consultatives la Cour. Ladisposition donne aussi le droit tout organe et toute institution spcialise des NationsUnies de demander un avis consultatif sur un objet tombant sous leur activit sousautorisation du Conseil ou alors de lAG. En pratique, ces autorisations sont toujoursdonnes par rsolution de lAssemble gnrale.

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    Les Etats, qui ne disposent pas du droit de demander un avis consultatif la Cour, nepeuvent pas faire obstacle la saisine de la Cour par un organe de lONU, cela mme silssoulvent labsence de consentement des Etats concerns. Cependant, larticle 66 duStatut permet aux Etats concerns de participer aux dlibrations de la Cour.

    Selon larticle 65, la CIJ peut donner un avis consultatif lorsquelle est saisie, mais nen apas lobligation, ce qui lui donne un pouvoir discrtionnaire de rpondre ou non une

    demande davis consultatif. Cependant, la Cour a rpt maintes reprises quelle a ledevoir, en tant quorgane des Nations Unies, de contribuer au bon fonctionnement delOrganisation, ce qui lappelle ne pas refuser son concours la demande faite par unautre organe des Nations Unies sans motifs dcisifs.

    - [] La Cour peut donner un avis consultatif sur toute question juridique, la demandede tout organe ou institution qui aura t autoris par la Charte des Nations Unies ouconformment ses dispositions demander cet avis. [] Les questions sur lesquelles l'avisconsultatif de la Cour est demand sont exposes la Cour par une requte crite qui for-mule, en termes prcis, la question sur laquelle l'avis de la Cour est demand. Il y est jointtout document pouvant servir lucider la question. - Article 65, Statut CIJ.

    En procdure consultative, comme en procdure contentieuse, une demande ne peut tretraite que si celle si est recevable et tombe sous la comptence de la Cour. En cettematire, le concept de recevabilit gnrale veut que la Cour ne peut recevoir dedemandes qui porterait atteinte son intgrit judiciaire : une demande doit donc trerecevable non seulement vis--vis du Statut, mais aussi de la fonction judiciaire de la Cour.Ds lors, un juge doit refuser une demande incompatible avec son intgrit judiciaire.Lintgrit judiciaire est un concept flexible par rapport un contexte changeant qui va depair avec la mission de la Cour et qui englobe toutes les conditions ncessaires pour que laCour puisse bien administrer la justice.

    En vertu de larticle 68 du Statut, la rgle gnrale est que la procdure contentieusesapplique par analogie la procdure consultative, oprant les changements ncessaires,mutatis mutandis (juges ad hoc, charges la preuve, etc.)

    Chapitre VI - Les mesures conservatoires devant la CIJ :

    La raison dtre des mesures conservatoires est de garantir ce que, durant le laps detemps scoulant entre la saisine de la Cour et le rendement de son jugement, lobjet dulitige ne soit atteint de sorte saper le jugement de tout son sens et rendant nul leffetrecherch (par exemple, en dtruisant lobjet du litige quune partie pourrait tre porte restituer). Afin de raliser cette garantie, le droit prvoit plusieurs mthodes, dont lesmesures conservatoires (provisional measures).

    Lorsquun juge invoque des mesures conservatoires, il indique titre provisoire (jusquce que le jugement ne soit rendu) certaines mesures dans des dispositions sappliquant une ou plusieurs parties, soit afin de sauvegarder lobjet du litige, ou alors de prvenir uneaggravation prjudiciable du diffrend.

    - 1. La Cour a le pouvoir d'indiquer, si elle estime que les circonstances l'exigent,quelles mesures conservatoires du droit de chacun doivent tre prises titre provisoire.

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    2. En attendant l'arrt dfinitif, l'indication de ces mesures est immdiatement notifieaux parties et au Conseil de scurit. - Article 41, Statut CIJ.

    - La notification au Conseil de scurit a pour but que celui-ci soit toujours au courantde ces mesures, car le Conseil a une mission dans lexcution des arrts de la Cour,comme lindique larticle 94 de la Charte, qui indique par ailleurs que les dcisions de laCour sont obligatoires pour tous Etats partie un litige trait par elle.

    Le pouvoir dvoquer des mesures conservatoires dcoule explicitement du Statut de laCour, comme tablit par larticle 41. La question se pose de savoir quand est-ce que laCour a la comptence dmettre des mesures conservatoires : si celles-ci sont indiquesds la saisine, avant mme de rgler la question de la comptence de la Cour ou de larecevabilit de la demande, il pourra sagir dune intrusion abusive dans les affairesintrieures dun Etat ; cependant, ninvoquer les mesures conservatoires que lorsque laquestion de la comptence et de la recevabilit ont dj t rgl, ce qui peut prendre desmois, laisserait lobjet du diffrend en danger.

    Pour rgler ce dilemme, la Cour a opt pour un compromis. Le premier critre utilis parla Cour est celui de la comptence prima facie, savoir que la Cour ne peut saventurer

    indiquer des mesures conservatoires que lorsquil y a une probabilit prpondrante(value par les 15 juges, par majorit si ncessaire) quelle soit premire vuecomptente pour connatre du fond dun litige. Il faut ensuite que les conditions pourindiquer les mesures conservatoires soient runies, cest--dire quil y ait une urgence, quise manifeste dans le critre du prjudice irrparable de lobjet, que la Cour est libredapprcier elle-mme.

    Ces conditions et critres sont exprims dans le Rglement de la Cour de 1978 (en vertude larticle 30 du Statut), qui a pour objet de complter les rgles gnrales nonces dansle Statut et de prciser les mesures prendre pour s'y conformer. Larticle 73 permet desEtats parties une procdure devant la Cour de prsenter une demande en indication de

    mesures conservatoires, ce qui implique quune partie peut demander ce que desmesures dj indiques soient modifies, voir abroges, bien que la Cour peut rejeter lademande, ou de la modifier. Larticle 75 tablit que la Cour peut tout moment dciderdexaminer doffice si les circonstances de laffaire exigent lindication de mesuresconservatoires que les parties ou lune delles devraient prendre ou excuter .

    - Vu lurgence des demandes, il est normal que la Cour donne priorit pour cesprocdures, comme lindique larticle 74, 1.

    Les mesures conservatoires, accompagnes de la justification de la probabilitprpondrante de sa comptence, ne sont pas indiques par la Cour travers un arrt ou

    un jugement (comme cest le cas pour la comptence et la recevabilit), mais par uneordonnance, que la Cour rend [] pour la direction des procs [] , comme lindiquelarticle 48. Contrairement aux arrts, les ordonnances et ne perdurent pas au-del du

    jugement sur le fond dun litige. Une ordonnance peut tre introduite, modifie ou retire tout moment, puisquil sagit dun acte provisoire conclu dans le contexte de la direction duprocs et nest pas revtu de la force de la chose juge, contrairement un jugement.

    Nanmoins, la question se pose de savoir si les mesures indiques par la Cour sontobligatoires et si oui, quel point. La rgle tant introduite en 1920, le texte a vit lacontroverse en esquivant cette question.

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    - Jusquen 2001, la Cour a continu dviter de donner des indications claires sur laquestion du caractre contraignant de mesures conservatoires et dventuellessanctions en cas de non respect. Cependant, avec lAffaire La Grand, porte parlAllemagne pour protger deux de ses nationaux condamns mort dans lEtatdArizona, la Cour a nonc des mesures conservatoires en toute urgence lgard desEtats-Unis (sur la base de comptence de la Convention de Vienne sur les relationsconsulaires qui a t viole par les forces de lordre amricaines). Hors, malgr lesactions lgales et diplomatiques, les autorits de lArizona ont excut les deux frres

    La Grand, sous prtexte que les mesures provisoires de la Cour taient non obligatoireset que la Convention ne sapplique pas aux particuliers. En rponse, lEtat allemand apoursuivi les Etats-Unis en justice pour infraction au droit international.

    - Dans son arrt de 2001, la CIJ a statu en faveur de l'Allemagne en rejetantl'ensemble des arguments amricains. La CIJ a jug que la Convention de Vienne surles relations consulaires accorde des droits aux individus sur la base de son sensordinaire, et que la lgislation nationale, quelle soit fdrale ou non, ne pouvait paslimiter les droits des accuss en vertu de la convention, mais seulement prciser lesmoyens par lesquels ces droits doivent tre exercs. La CIJ a galement constat queses propres mesures conservatoires sont bel et bien juridiquement contraignantes : le

    texte anglais du Statut de la Cour internationale de justice impliquait qu'ils ne sont pascontraignantes, alors que le texte franais impliquait qu'elles sont ; face unecontradiction entre deux textes faisant galement foi, la Cour a considr quel'interprtation refltant au mieux lobjet et le but de son Statut donnait un caractreobligatoire aux mesures conservatoires :

    - L'objet et le but du Statut sont de permettre la Cour de remplir les fonctions quilui sont dvolues par cet instrument, et en particulier de s'acquitter de sa missionfondamentale, qui est le rglement judiciaire des diffrends internationaux au moyende dcisions obligatoires conformment l'article 59 du Statut [ La dcision de laCour n'est obligatoire que pour les parties en litige et dans le cas qui a t dcid ].

    L'article 41, analys dans le contexte du Statut, a pour but d'viter que la Cour soitempche d'exercer ses fonctions du fait de l'atteinte porte aux droits respectifs desparties un diffrend soumis la Cour. II ressort de l'objet et du but du Statut, ainsique des termes de l'article 41 lus dans leur contexte, que le pouvoir d'indiquer desmesures conservatoires emporte le caractre obligatoire desdites mesures, dans lamesure o le pouvoir en question est fond sur la ncessit, lorsque les circonstancesl'exigent, de sauvegarder les droits des parties, tels que dtermins par la Cour dansson arrt dfinitif, et d'viter qu'il y soit port prjudice. Prtendre que des mesuresconservatoires indiques en vertu de l'article 41 ne seraient pas obligatoires seraitcontraire l'objet et au but de cette disposition. - Affaire La Grand, Recueil desarrts, avis consultatifs et ordonnances, CIJ.

    Chapitre VII - Le contrle de lgalit des actes des organes des

    Nations Unies :

    Une organisation internationale telle que les Nations Unies a un nombre dorganes quiagissent, mettent des rsolutions et prennent des dcisions. Les actes adopts par cesorganes pourraient donc tre non conformes la Charte constitutive ou au droitinternational gnral, particulirement si lorgane dont il sagit jouit dun pouvoir de dcision

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    particulirement fort, tel que le Conseil de scurit. Ds lors, la question se pose de savoirsi aujourdhui la CIJ a le pouvoir den valuer la lgalit.

    - Il faut rappeler quil y a au sein du droit des Nations Unies une prsomption de validitdes actes de chaque organe. Cette prsomption de lgalit renforce lOrganisation enlui permettant dagir efficacement, ce qui implique que la charge de la preuve incombe la partie contestant la lgitimit des actes des organes de lOrganisation.

    Comme le rappelle larticle 34, 1, seuls les Etats ont qualit pour se prsenter devantla Cour , ce qui exclut quune procdure contentieuse soit porte contre les Nations Uniesdevant la CIJ (de plus, lOrganisation seule est revtue de la personnalit juridiqueinternationale et non pas le Conseil de scurit ou un autre organe). Il reste possible pourun Etat, qui verrait ses droits lss par un autre Etat qui agirait dans lexcution dunersolution contraignante du Conseil de scurit, de porter une affaire la Cour contre lui :en attaquant des actes dexcution qui mettent en uvre parfaitement les dispositions dela rsolution, on attaque aussi implicitement la rsolution, par la variante incidente ; pourdterminer si les actes dexcution sont licites ou non, la Cour sera contrainte seprononcer sur la licit de la rsolution qui les a command.

    - LAffaire Lockerbie concernait un attentat perptr par des nationaux Libyens contre levol Pan Am 103, qui sest cras Lockerbie, Ecosse, suite une explosion bord endcembre 1988. Suite une investigation minutieuse, une demande a t faite au chefdEtat libyen, Mouammar Kadhafi, dextrader deux suspects vers des tribunauxcossais. LEtat libyen stait refuser dextrader les suspects, en voquant laConvention de Montral sur la scurit arienne de 1972 qui laissait le choix un Etatdans lequel se trouveraient des suspects dun attentat arien soit dextrader lessuspects, soit de les juger soi mme, ce qui a t entrepris par la Libye, conformment la Convention, non sans remettre la question la CIJ. Cependant, le Royaume Uni etles Etats-Unis ont estim quun jugement libyen serait insatisfaisant, et se sont rfrsau Conseil de scurit qui a fait passer dabord la rsolution 748, adopte en vertu du

    Chapitre VII, ce qui contraignait la Libye extrader les suspects. Selon larticle 103 dela Charte, la rsolution lemportait sur la Convention de Montral. Cependant, lEtatlibyen dfendait que la rsolution a t passe ultra vires, car il ny avait manifestementpas de menace contre la paix, et le Chapitre VII ne pouvait donc pas tre invoqu ; deplus, la rsolution a court-circuit laffaire qui tait pendant devant la Cour.

    - Confronte cette situation, la Cour a dclare dans ses ordonnances en indicationde mesures conservatoires, quau stade prliminaire du procs, elle devait supposer lavalidit des actes des Nations Unies, conformment la rgle de prsomption de lavalidit, et quil aurait fallu, pour en connatre quant au fond de la validit de larsolution, quun examen profond et srieux soit fait ultrieurement. A contrario, on peut

    donc conclure que la Cour pouvait se prsumer la qualit de contrler la validit de larsolution, pour autant que cela soit ncessaire vider le litige entre les trois parties. Ilsagit l du seul prcdant dont nous disposons aujourdhui pour dterminer si la Courpourrait tre comptente pour juger de la validit dun acte des Nations Unies, qui resteincomplet et extrapolatif puisque la Cour na jamais tranch quand au fond du litige :laffaire a t rgl diplomatiquement entre les parties.

    - A imaginer quune instance soit saisie de la demande lobligeant prendre position demanire incidente sur la validit dun acte dun organe des Nations Unies, et supposergalement que la Cour renverse la prsomption de validit et estime que dans ce cas

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    l, la rsolution est contraire au droit de la Charte, lhypothse est de dire que laconsquence juridique dun pareil constat serait de dterminer la rsolution commedpourvue dun fondement valide, cartant ainsi son application dans le cas despce.La Cour ne pourra pas, nanmoins, dclarer la rsolution comme nulle : se prononcersur la validit de la rsolution outrepasse sa comptence, qui se limite en tout cas auxrelations entre les Etats parties au diffrend, et non lOrganisation et ses membres.

    - Il faut rappeler nanmoins, que les Etats restent libres, en dernier recours, de

    sabstenir dexcuter une rsolution du Conseil de scurit dans le cas o ilsestiment quelle est contraire au droit international et au droit de la Charte.

    Une autre modalit pour valuer la validit dun acte dun organe des Nations Uniesserait possible par lintermdiaire dune procdure consultative, soit par contrleincident, lorsque la question traite touche un acte dun organe des Nations Uniesdont la validit a t remise en question ; soit en faisant une demande directe etexplicite de vrifier la validit dun acte dun organe de des Nations Unies. Cependant,si la Cour dterminait quun acte dun organe des Nations Unies, tel quune rsolutiondu Conseil de scurit, serait invalide, la rsolution choirait en toute probabilit sous lepoids du discrdit politique dun tel constat et ne serait pas suivie par un nombre dEtat

    membres, bien que juridiquement parlant, la rsolution ne serait pas frappe de nullit.

    Il a t suggr de nombreuses reprises que le pouvoir dvaluation de la lgalitdes actes des organes des Nations Unies soient dveloppe davantage, afin de mettreau point un mcanisme de contrle (checks and balances) qui fait carence aujourdhui,particulirement en ce qui concerne le Conseil de scurit, dont les pouvoirs peuventtre abusifs linfini dans le cas dun accord de toutes les grandes puissances : unerforme des Nations Unies dans ce sens les ferait gagner en lgitimit, et en efficacitdans lexcution de leurs actes. Dautres rtorquent que le Conseil de scurit est unorgane minemment politique, dont les dcisions prises toujours dans une situation demenace contre la paix qui demande une rponse urgente et efficace se trouvent en

    dehors de la lgalit normale, du fait de a prminence du maintien de la paix.

    DEUXIEME PARTIE : APPROFONDISSEMENT SUR LA

    LEGITIME DEFENSE

    Aucune disposition de la prsente Charte ne porte atteinte au droit naturel de lgitimedfense, individuelle ou collective, dans le cas o un Membre des Nations Unies est l'objetd'une agression arme, jusqu' ce que le Conseil de scurit ait pris les mesures ncessairespour maintenir la paix et la scurit internationales. Les mesures prises par des Membres

    dans l'exercice de ce droit de lgitime dfense sont immdiatement portes laconnaissance du Conseil de scurit et n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a leConseil, en vertu de la prsente Charte, d'agir tout moment de la manire qu'il jugencessaire pour maintenir ou rtablir la paix et la scurit internationales. - Art. 51,Charte ONU.

    a). Droit la lgitime dfense : un droit exceptionnel, intrimaire et subordonn :

    Dans le dessin de la Charte, cette disposition est crite comme une exception auprincipe de non-recours la force. La position relative des deux dispositions (article 51

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    pour lun, article 2, 4 pour lautre) montre la prminence de principe de non recours la force par rapport la lgitime dfense, qui apparat comme une restriction aupremier. De plus, limportance suprieure de larticle 2, 4 est confirme par lobjet et lebut de la Charte, qui tait justement dexproprier lutilisation unilatrale de la force. Voilpourquoi tout Etat utilisant la force sans approbation du Conseil tente toujours de

    justifier ses actes en invoquant la lgitime dfense, en forant les faits au besoin.

    - [] les ralits de la vie internationale se sont vite cartes des visions idales et

    irniques de la Charte. Dans un monde satur de rivalits idologiques et de conflits,se trouvant dpourvus de la protection d'une scurit collective efficace, les Etatss'en sont rapidement retourns au port rassurant du self-help. Ds lors, l'article 51 afait l'objet de plusieurs tentatives d'interprtation extensive. [Ds lors, les Etats onttent daffirmer que toute attaque arme se dfini comme] le comportement dunEtat quautre Etat [] dcide de considrer comme telle afin dinvoquer la lgitimedfense. - KOLB, Robert, Ius contra bellum , p. 264.

    Dans le Charte, la lgitime dfense est non seulement un droit exceptionnel (interprter strictement, comme toute exception), mais aussi intrimaire et subordonn.

    - Intrimaire, car la Charte ne concde le droit la lgitime dfense quaussilongtemps que le Conseil de scurit na pas agi en prenant le relais et adoptant desmesures pour faire face la situation dhostilit qui sest cre. La Charte part ici duprincipe que mme si le Conseil de scurit est trs efficace lorsquil agit, il luifaudra toujours un dlai pour arriver exercer ces pouvoirs et peser sur la situationde fait.

    - Subordonn, car un Etat a le droit de ragir par la force contre une agression quilsubit, mais uniquement afin de repousser lattaque et uniquement aussi longtempsque le Conseil de scurit na pas agit en vertu du Chapitre VII : les rsolutions duConseil de scurit auront alors priorit sur le droit la lgitime dfense des Etats,

    en vertu des articles 25 et 103 les actes subsquents des parties resteront doncsoumis un contrle international.

    - Les Membres de l'Organisation conviennent d'accepter et d'appliquer lesdcisions du Conseil de scurit conformment la prsente Charte. - Article25, Charte ONU.

    - En cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies envertu de la prsente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accordinternational, les premires prvaudront. - Article 103, idem.

    - Laction individuelle, unilatrale et anarchique est donc subordonne lactioncollective et institutionnelle du Conseil de scurit. Hors, il a t argument que, leConseil tant un organe politique largement dpourvu de contrle judiciaire, lactiondu conseil pourrait sacrifier les droits vitaux dun Etat, voir mme violer le iuscogens, ce qui a t soulev par la Bosnie par rapport lembargo sur les armesordonn par le Conseil lors de la Guerre civile yougoslave. Le problme se posegalement si le Conseil ne produit pas de mesures ncessaires pour rtablir lapaix, mais se borne des recommandations.

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    - Pour quil puisse agir, le Conseil de scurit doit encore tre inform de la situationqui a surgie. En vertu de larticle 51, un Etat doit informer le Conseil de scurit afinde faire valoir son droit la lgitime dfense ; dfaut de cette information, on peut

    juger que lEtat se trouve en dehors du cadre de lgitime dfense.

    b). Conditions dapplicabilit :

    i). Ratione materiae :

    Llment matriel qui permet un Etat dutiliser la force en lgitime dfensecontre un autre est une agression arme . Notons que la version franaise diffredes autres, parlent non pas dagression mais dattaque arme (en anglais, armedattack, en russe , et en espagnol ataquearmado ). Ces autres textes ne visent donc pas un statut juridiquement qualifi,

    comme l'agression, mais uniquement un tat de fait observable sur le terrain :l'attaque. Le critre est donc large et fonctionnel plutt que restrictif. Labsencedune codification dun acte dagression a pourtant incapacit la communautinternationale, si bien quelle a entrepris de la codifier par un comit spcial : lesactes numrs dans la rsolution qui a t subsquemment adopt par lAG

    relvent dun acte dagression, et a foritoridune attaque arme.

    - Lun quelconque des actes ci-aprs, quil y ait eu ou non dclaration de guerre,runit [] les conditions dun acte dagression :

    a) Linvasion ou lattaque du territoire dun tat par les forces armes dun autretat, ou toute occupation militaire, mme temporaire, rsultant dune telleinvasion ou dune telle attaque, ou toute annexion par lemploi de la force duterritoire ou dune partie du territoire dun autre tat;

    b) Le bombardement, par les forces armes dun tat, du territoire dun autre

    tat, ou lemploi de toutes armes par un tat contre le territoire dun autre tat;

    c) Le blocus des ports ou des ctes dun tat par les forces armes dun autre [];

    d) Lattaque par les forces armes dun tat contre les forces armes terrestres,navales ou ariennes, ou la marine et laviation civiles dun autre tat;

    e) Lutilisation des forces armes dun tat qui sont stationnes sur le territoiredun autre tat avec laccord de ltat daccueil, contrairement aux conditionsprvues dans laccord ou toute prolongation de leur prsence sur le territoire enquestion au-del de la terminaison de laccord;

    f) Le fait pour un tat dadmettre que son territoire, quil a mis la dispositiondun autre tat, soit utilis par ce dernier pour perptrer un acte dagressioncontre un tat tiers;

    g) Lenvoi par un tat ou en son nom de bandes ou de groupes arms, de forcesirrgulires ou de mercenaires qui se livrent des actes de force arme contre unautre tat dune gravit telle quils quivalent aux actes numrs ci-dessus, ou lefait de sengager dune manire substantielle dans une telle action. - Article 3,RES3314 de lAssemble gnrale des Nations Unies, 1974.

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    - Certains ont fait valoir que lattaque contre des nationaux ltranger dun Etatconstitue une attaque contre lEtat mme (la population tant un lmentconstitutif de lEtat). Bien quune majorit de la doctrine rejette cette position, ellea t mise en pratique par les Etats-Unis qui attaqurent la Libye en 1986 suite une attaque contre ses ressortissants en faisant valoir la lgitime dfense.

    ii). Ratione personae :

    Les sujets qui jouissent du droit de rpondre par voie de lgitime dfense ne sontpas qualifis explicitement par la Charte, mais tant donn que la Charte sadresse des Etats membres, il sen suivrait que cette rgle sapplique aux Etats. En ce quiconcerne des sujets lencontre desquels le droit de lgitime dfense peut tre misen avant, linterprtation classique est sans quivoque : il sagit dune attaque dunEtat contre un autre Etat.

    La question de louverture de la rgle des situations dagression commises pardes entits non tatiques (tels que des groupes terroristes ) reste ouverte etfortement dbattue aujourdhui.

    Depuis quelques annes, la pratique de poursuivre militairement des groupesarms non tatiques transnationaux dans dautres Etats en invoquant la lgitimedfense stablit de plus en plus : on peut citer le cas de lattaque du 11 septembrequi a suscit linvasion de lAfghanistan par les Etats-Unis, ou encore, lAffaire RDCOuganda. Cest que, la ralit que la Charte avait pour mission dexclure mais dontelle laissait une exception dompte dans larticle 51, savoir la conflit armintertatique, sest considrablement rduite en tant que menace la scurit desEtats, alors que dautres sont apparues.

    Cela cre une situation juridique difficile, puisque le droit international classiquedtermine trs clairement que les sujets des diffrents rgimes de lgitime dfense

    sont les Etats. Si, du temps de la Guerre froide, des groupes non tatiquesattaquaient un Etat, stait toujours avec laide dun autre Etat qui le contrlait, soitMoscou, soit Washington et leurs allis respectifs. Les actes de telles groupusculessont attribuables aux Etats qui les contrlent, ce qui engage leur responsabilitinternationale. Les critres dvelopps en la matire sont ceux du contrle global,ou alors du contrle effectif :

    - Le TPIY a dvelopp, dans le cadre du lien entre Etats post-yougoslaves etgroupements paramilitaires affilis, le critre du contrle global (overallcontrol).La condition si ne qua non pour le dclenchement de la responsabilit dun Etatpour les actions de groupes paramilitaires trangers rside dans le fait que

    lexistence mme du groupe dpende du soutien que lui offre lEtat auquel ilprte allgeance.

    - Le principe tait dvelopp pour dmontrer que des groupusculesparamilitaires actives en Bosnie taient effectivement affilies des Etats,comme ce fut le cas pour la Republika Srpska et la Serbie, afin dappliquerles Convention de droit international humanitaire en conflit arm noninternational aux actes des paramilitaires (cf. Affaire Tadic, Mladic, etc.)

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    - La CIJ avait dvelopp un autre critre dans lAffaire Nicaragua, celui ducontrle effectif ou de la dpendance totale : lEtat ne serait tre responsable desagissements du groupe paramilitaire tranger que lorsquil a un contrle completsur ce groupe et de ses actions, le groupe devenant de facto un organe de lEtat(dans le cas chant, dune action particulire). Cette lecture plus respectivedonne priorit au principe que lEtat nest responsable que de ses propresagissements.

    Aujourdhui, des groupements arms transnationaux de plus en plus puissants etentirement indpendants des Etats se forment dans le sillage dEtats endliquescence, avec des factions militaires et des seigneurs de guerre locauxproches de la criminalit la tte de bandes armes sans idologie, cause politiqueou but dfinis qui se financent par des trafics criminels et remplissent leur rangs parlenrlement et lendoctrinement des masses de pauvres de la rgion. Ds lors, lesrponses donnes ou alors dsires du Ius ad bellum varient aujourdhui.

    La CIJ a nonc dans un arrt de 2005 en matire des activits militaires enterritoire de la Rpublique Dmocratique du Congo que la rgle ancienne du droitinternational gnral sappliquait, savoir que la lgitime dfense est un droit

    appliquer uniquement entre Etats.

    La pratique naissante du Conseil de scurit et dans une plus large mesure lapratique tatique en la matire remet en cause la position traditionnelle de la Cour :on entrerait donc dans une phase danomie juridique, ou la rgle ancienne sembledpasse et les rgles nouvelles ne sont pas encore tablies. Par ailleurs, deux

    juges dissidents sur larrt cit en haut ont rappel la rsolution 1368 du Conseil descurit, qui notait dans son prambule que les Etats-Unis ralisaient leur droit delgitime dfense suite aux attaques du 11 septembre ; or, la responsabilit nepouvait tre attribue lAfghanistan, ce qui pourrait ouvrir la porte un droit delgitime dfense contre un adversaire non tatique.

    En suivant ce qui a t tabli par la Cour, il en rsulte que les Etats doivent senremettre des mesures intrieure mme de leur territoire pour contrer une attaquenon tatique, ou alors mettre en route la diplomatie pour obtenir laccs lgal afin deneutraliser les auteurs de lattaque dans un autre Etat.

    - Alternativement, il serait possible damoindrir les standards dattribution,permettant un Etat dattaquer ces groupes dans le territoire dun autre en luiattribuant les actes de ces groupes qui deviendraient alors les agents de lEtat ;

    - Ou alors, il serait possible dargumenter quil se dveloppe en droit international

    une facult qui nat de la ncessit dauto dfense de se dfendre contre touteattaque, venant galement de groupes non tatiques, et que se ce droit sedveloppe, alors concomitamment linterdiction dagir en lgitime dfense contredes attaquants non tatiques pourrait tre considre comme leve, ce quipermettrait dliminer lEtat de lquation.

    iii). Ratione temporis :

    Un Etat doit tre lobjet dune agression arme pour faire valoir son droit lalgitime dfense. La question du moment partir duquel un Etat a le droit dutiliser

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    la force contre un autre, mais aussi jusqu quel moment il a le droit de la faire valoiren vertu de larticle 51 reste, elle aussi, fortement dbattue aujourdhui.

    - Ce qui est tout fait admis, cest quun Etat a le droit de lgitime dfense unefois que lagression sest fait sentir (invasion, bombardement, etc.).

    - Ce qui est galement admis, cest quune attaque en marche (missile balistiqueou bombardiers en vol dirig sur le territoire dun Etat) peut tre galement lobjet

    dune attaque en vertu du droit de lgitime dfense, bien que leffet de lattaquequi est lance ne se soit pas encore matrialis. Cette lgitime dfense parinterception peut tre conteste car la limite ne pas traverser est ambigu.

    - Par contre, ce qui nest gnralement pas admis, cest quune attaque qui nestpas encore lance, mais considre imminente, puisse faire lobjet dune attaqueen vertu du droit de lgitime dfense. Le problme est souvent discut, bien quedans la pratique, lattaque anticipative nest jamais plaide par les Etats, car sa

    justification est trop difficile : un Etat plaidera toujours que des attaques se sontdj faites sentir. La question, qui est rest dactualit travers toute la Guerrefroide notamment, continue dtre trs controverse : des thses antagonistes

    continuent de susciter un dbet ardent.

    - Finalement, il ne fait aucun doute quune lgiti