9
59 Travaux n° 768 • octobre 2000 Le viaduc de la Clidane CONTEXTE GÉNÉRAL DE L’OUVRAGE Destinée à désenclaver le Massif Central et à réa- liser la liaison Est-Ouest par le centre de la Fran- ce, l’autoroute A89 traverse une région touristique à proximité du parc des volcans d’Auvergne. Les travaux de la section 7 entre l’échangeur de St-Ju- lien/Sancy et celui de Ussel ouest (figure 1) ont été engagés en 1997 sur une cinquantaine de ki- lomètres et comportent notamment le franchisse- ment de la vallée de la Clidane, qui permet le passage de la voie ferrée reliant Clermont-Ferrand à Ussel. Le viaduc de la Clidane, est construit dans une ZNIEFF (Zone naturelle d’intérêt écologique, fau- nistique et floristique), ce qui signifie que l’impact des travaux sur le site doit être minimal. L’ouvra- ge, situé à une altitude moyenne de 740 NGF, est soumis à des vents ainsi qu’à un enneigement et un gel importants. La brèche à franchir présente un profil très dissy- métrique. Côté Clermont-Ferrand, en rive droite du ruisseau de faible débit, le tracé enjambe un thal- weg avant la brèche principale et côté Bordeaux, le versant présente une pente régulière très pro- noncée. La vallée de la Clidane entaille profondé- ment des formations cristallophylliennes de gneiss métamorphiques parfois fortement altérés sur une dizaine de mètres de profondeur sous une faible couverture d’éboulis. L’ensemble du site est en- tièrement boisé et d’accès particulièrement diffici- le (photo 1). LES ORIGINES DU PROJET Après avoir désigné Setc TPI dans les fonctions de maître d’œuvre particulier, ASF a lancé un concours pour attribuer à une équipe – composée d’un bu- reau d’études spécialisé et d’un architecte –, les Le viaduc de la Clidane constitue pour Autoroutes du Sud de la France un des grands ouvrages de l’autoroute A 89. Il s’agit d’un viaduc mono caisson en béton précontraint de 540 m de longueur et de 19,56 m de largeur comportant six travées dont une de 132 m. Réalisé par la méthode des voussoirs en encorbellement successif en 26 mois, ce chantier a dû faire face à des conditions d’exécution difficiles dans un environnement naturel protégé. ® Jean-Marc Jaeger DIRECTEUR DE PROJET MOEP Neme El-Khoury DIRECTEUR DE TRAVAUX MOEP Jean-Pierre Ragaru CONCEPTEUR Charles Lavigne ARCHITECTE Cabinet Lavigne Alain Montois ARCHITECTE Cabinet Lavigne Eric de Bélizal DIRECTEUR DES TRAVAUX Spie Batignolles TP Jean-Jacques Lagane INGÉNIEUR EN CHEF Spie Batignolles TP Christophe Bienbeau DIRECTEUR D’EXPLOITATION Spie Précontrainte Figure 1 Situation géographique de la section 7 Geographical location of section 7

DIRECTEUR DE PROJET Le viaduc de la Clidane - … · TP, qui a été retenue par Autoroutes du Sud de la France avec la solution en béton précontraint pour un montant de 90 millions

Embed Size (px)

Citation preview

59Travaux n° 768 • octobre 2000

Le viaduc de la Clidane

■ CONTEXTE GÉNÉRAL DE L’OUVRAGE

Destinée à désenclaver le Massif Central et à réa-liser la liaison Est-Ouest par le centre de la Fran-ce, l’autoroute A89 traverse une région touristiqueà proximité du parc des volcans d’Auvergne. Lestravaux de la section 7 entre l’échangeur de St-Ju-lien/Sancy et celui de Ussel ouest (figure 1) ontété engagés en 1997 sur une cinquantaine de ki-lomètres et comportent notamment le franchisse-ment de la vallée de la Clidane, qui permet le passagede la voie ferrée reliant Clermont-Ferrand à Ussel.Le viaduc de la Clidane, est construit dans uneZNIEFF (Zone naturelle d’intérêt écologique, fau-nistique et floristique), ce qui signifie que l’impactdes travaux sur le site doit être minimal. L’ouvra-ge, situé à une altitude moyenne de 740 NGF, estsoumis à des vents ainsi qu’à un enneigement etun gel importants.

La brèche à franchir présente un profil très dissy-métrique. Côté Clermont-Ferrand, en rive droite duruisseau de faible débit, le tracé enjambe un thal-weg avant la brèche principale et côté Bordeaux,le versant présente une pente régulière très pro-noncée. La vallée de la Clidane entaille profondé-ment des formations cristallophylliennes de gneissmétamorphiques parfois fortement altérés sur unedizaine de mètres de profondeur sous une faiblecouverture d’éboulis. L’ensemble du site est en-tièrement boisé et d’accès particulièrement diffici-le (photo 1).

■ LES ORIGINES DU PROJET

Après avoir désigné Setc TPI dans les fonctions demaître d’œuvre particulier, ASF a lancé un concourspour attribuer à une équipe – composée d’un bu-reau d’études spécialisé et d’un architecte –, les

Le viaduc de la Clidane constitue pour Autoroutes du Sud de la France un des grands ouvrages

de l’autoroute A89.

Il s’agit d’un viaduc mono caisson en béton précontraint de 540 m de longueur et de 19,56 m

de largeur comportant six travées dont une de 132 m.

Réalisé par la méthode des voussoirs en encorbellement successif en 26 mois, ce chantier a

dû faire face à des conditions d’exécution difficiles dans un environnement naturel protégé.

®

Jean-Marc JaegerDIRECTEUR DE PROJET

MOEP

Neme El-KhouryDIRECTEUR DE TRAVAUXMOEP

Jean-Pierre RagaruCONCEPTEUR

Charles LavigneARCHITECTECabinet Lavigne

Alain MontoisARCHITECTECabinet Lavigne

Eric de BélizalDIRECTEUR DES TRAVAUXSpie Batignolles TP

Jean-Jacques LaganeINGÉNIEUR EN CHEFSpie Batignolles TP

Christophe BienbeauDIRECTEUR D’EXPLOITATIONSpie Précontrainte

Figure 1Situation géographique de la section 7

Geographical location of section 7

AUTOROUTE A89

études de conception du viaduc de la Clidane. Lechoix du parti retenu pour l’ouvrage a été effectuépar ASF au stade du concours et résulte d’une col-laboration étroite entre le bureau d’études (SetecTPI - Ingerop) et l’architecte (cabinet Charles La-vigne).

Le parti architectural

La démarche architecturale conduit simultanémentà une réflexion structurelle et à une approche plas-tique. La qualité d’un ouvrage résulte davantage

de la réflexion et du travail sur les structures ainsique sur l’apurement des lignes plutôt que d’une ar-chitecture ou d’un décor inutilement rapporté. L’in-tégration réussie d’un ouvrage d’art résideprincipalement dans la relation harmonieuse qu’ilentretient avec son site d’implantation.Cette démarche est donc orientée vers des solu-tions dont les structures, piles et tabliers, présen-tent des silhouettes propres à se composer avecles grandes lignes du site.Le traitement architectural s’inspire du contextenaturel des paysages traversés, en particulier auniveau de la couleur des corniches métalliques.La brèche principale est encadrée par des piles degrande hauteur dont la caractéristique principaleest d’être constituée de deux voiles parallèles. Cespiles sont dédoublées pour des raisons à la foistechniques et architecturales. En effet, le doublevoile offre une souplesse permettant l’encastre-ment avec le tablier et contribue à la légèreté dansl’environnement. Elles sont réalisées en béton lis-se avec des levées de bétonnage bien marquéespar des joints creux. Les piles secondaires sontconstituées de voiles simples.Les tabliers sont des monocaissons de hauteur va-riable sur les grandes travées et de hauteur constan-te sur les travées adjacentes. Les âmes sontverticales afin de ne pas élargir démesurément laface latérale des grandes piles. Les encorbelle-ments sont nervurés.En bordure de tablier, la rive d’ouvrage est consti-tuée d’une corniche caniveau avec un carénage enaluminium prélaqué et d’une BN4 peinte.

Le parti technique et l’appel d’offres

Le choix s’est porté, dans le cas du viaduc de laClidane, sur une solution de 540 m de longueurà six travées de sorte que les piles de la grandetravée (132 m) franchissant le fond de la valléesont sensiblement de même hauteur.Le tablier, constitué d’un monocaisson en bétonprécontraint, est construit par encorbellements suc-cessifs symétriques et les voussoirs sont béton-nés en place par l’intermédiaire d’équipages mobiles.L’équilibre statique longitudinal de l’ouvrage estassuré par la fixation de l’ouvrage sur la pile creu-se P4. Les appuis sont fondés sur des puits ma-rocains. Pendant la construction du tablier, les pilesdoubles sont entretoisées par un treillis métallique.Cette solution a été mise en appel d’offres ennovembre 1996 avec en parallèle une variante encaisson métallique établie sur la même trame.

■ ATTRIBUTION DU MARCHÉ

C’est la proposition du groupement Spie BatignollesTP (mandataire), Spie Citra Sud-Est, Nord France

60 Travaux n° 768 • octobre 2000

®

Photo 1Vue d’ensemble

General view

Figure 2Coupe

transversale

Cross section

Figure 3Coupe longitudinale

Longitudinal section

TP, qui a été retenue par Autoroutes du Sud de laFrance avec la solution en béton précontraint pourun montant de 90 millions de francs hors taxes.Les travaux, d’une durée de 26 mois ont été noti-fiés le 21 mai 1997. Ils incluaient deux hivers etchaque année près de trois mois étaient neutrali-sables pour intempéries.

■ DESCRIPTION DU VIADUC

Le tracé en plan, au droit du viaduc, est une cour-be de rayon 2500 m et le profil en long possèdeune pente de 1 %. Le profil en travers en toit comporte 2 x 2 voies de3,50 m séparées par un terre-plein central de 2,10 méquipé d’une glissière double en béton armé (DBA)et deux bandes dérasées de 1,0 m (figure 2). Descontre-corniches de 0,73 m assurent l’ancrage desBN4.L’ouvrage comporte six travées de longueurs res-pectives d’ouest en est 43,30 m - 85,80 m -132,00 m - 112,20 m - 92,40 m et 74,30 m (figu-re 3).Les voiles des deux grandes piles ont une dimen-sion de 11,30 m par 1,50 m.Les piles courtes sont des caissons aux angles for-tement chanfreinés. L’ensemble des piles est fondé sur des puits ma-rocains de 2,50 m à 4,00 m de diamètre et de 7à 13 m de profondeur, les culées étant fondées su-perficiellement. Les piles-caissons et les culéessont équipées d’appareils d’appui glissants, hor-mis la pile P4 sur laquelle se trouve l’appui fixe del’ouvrage.Le tablier est constitué de voussoirs de longueur3,30 m, de hauteur variable de 7,40 m à 4,00 m,leur poids variant de 170 t à 120 t. Les âmes ver-ticales présentent de nombreuses variations d’épais-seur, notamment sur les fléaux de hauteur constante.En effet, de fortes sollicitations sur appui en pha-se de construction et en service ont conduit à uneépaisseur maximale de 1,10 m (ramenée à 90 cmen faisant plonger les premiers câbles de fléau),pour une épaisseur courante de 0,50 m. Les ner-vures des encorbellements de 5,13 m s’encastrentdans les goussets d’âme, importants du fait de laprésence des gaines intérieures.Les voussoirs sur pile sont modulés sur trois mailles,soit 9,90 m de longueur pour un poids de 1065 tsur P2 et P3 et 630 t sur les autres piles (figure4).La précontrainte (système SB récemment agréé parla CIP) est réalisée en deux phases distinctes :◆ la précontrainte de construction composée decâbles longitudinaux intérieurs 19T15 et transver-saux 4T15 gainés graissés ;◆ la précontrainte de continuité composée de câbles19T15 intérieurs et 27T15 extérieurs munis de sys-tèmes anti-vibratiles.

■ LES PARTICULARITÉS DE L’ÉTUDE

Les études de stabilité

La vallée de la Clidane est soumise à un régime devents turbulents (32 m/s avec une période de re-tour de 50 ans – étude réalisée par le CSTB). Leparti technique et architectural des grandes pilesen voiles dédoublés, s’il contribue à la légèreté del’ouvrage dans l’environnement, nécessite le blo-cage du tablier sur un autre appui pour assurer lastabilité de l’ouvrage en service. Celui-ci doit doncêtre vérifié au flambement d’ensemble vis-à-vis descharges horizontales longitudinales.Le bureau d’études Serf a utilisé pour ce calculle logiciel SYSTUS option Grands déplacements cou-plé avec le programme SECTION, contrôlé à l’aide dulogiciel FLAMB de Spie Batignolles TP généralisé àune structure en portique.La construction des fléaux en encorbellement futégalement une phase délicate des études comptetenu des effets dynamiques de vent et de la fon-dation dans la pente des piles de rive. Le bureaud’études a fait, pour chaque fléau, une analyse mo-dale stochastique du vent turbulent, à l’aide de sonlogiciel TORNADO.

Une approche automatisée des plans de voussoirs

Le calcul d’ensemble du tablier a été effectuépar le bureau d’études de Spie Batignolles TP, àl’aide de la chaîne de calcul PUZZLE, option Fluagescientifique.Pour ce faire, le tablier et les piles solidaires du ta-blier sont modélisés dans l’espace et l’originalitéde la démarche réside dans l’établissement desplans de précontrainte et des plans d’armatures àpartir de la même source alimentant les calculs.En effet, le module DESCAB, couplé avec la DAO, per-met l’établissement de tous les plans de précon-trainte, y compris la définition des tubes coffrants.Le module "VOUS" permet le tracé des armatures

61Travaux n° 768 • octobre 2000

®

Figure 4Voussoir sur pile P3

Segment on pier P3

LES PRINCIPALES QUANTITÉS

Bétons• Puits marocains : béton : 500 m3

• Semelles : béton : 2550 m3

• Piles : béton : 5550 m3

• Culées : béton : 1050 m3

• Tablier : béton : 9400 m3

Armatures• Puits marocains : aciers : 110 t• Semelles : aciers : 404 t• Piles : aciers : 630 t• Culées : aciers : 98 t• Tablier : aciers : 1120 t

Précontrainte• Transversale : 61 t• Intérieure : 290 t• Extérieure : 129 t• Montant du marché : 89986480 FHT base novembre 1996• Marché notifié le 21 mai 1997• Délai : 26 mois dont 22 semainesd’intempéries prévisibles

AUTOROUTE A89

courantes des voussoirs en tenant compte de laposition des gaines (figure 5).Enfin, la superposition des deux modules donne laposition automatique des supports de gaines dansn’importe quelle section du tablier.L’unicité des informations assure ainsi la cohé-rence entre le calcul et les dessins, et les tradi-tionnels conflits entre gaines de précontrainte etarmatures ont pu être résolus ailleurs que dansl’enceinte des équipages mobiles.

■ LA MISE AU POINT DES BÉTONS

L’environnement géographique particulier de l’au-toroute A89 impose à l’exploitant le traitement deschaussées en hiver avec des sels de déverglaça-ge. Les conditions extrêmes de température, (desvaleurs de -15° C sont courantes au lever du jouren janvier ou février), ont donc conduit le concep-teur à prendre des précautions vis-à-vis de ces deuxphénomènes souvent concomitants. Les catégo-ries de bétons utilisés sur la Clidane sont :◆ B 30 G pour les puits marocains et semelles ;◆ B 30 G + S pour les culées et superstructures ;◆ B 45 G + S pour les piles et tablier.Tous ces bétons devaient respecter notamment lesrecommandations techniques du Groupe de travailRhône Alpes (GRA) pour la durabilité des bétonssoumis au gel et aux sels de déverglaçage.L’étude de ces bétons a été délicate et on ne pou-vait s’appuyer sur aucune expérience similaire pré-cédente dans la région. Il a fallu dans un premiertemps trouver des agrégats répondant aux carac-téristiques requises pour ces bétons. Ce sont lesdiorites provenant de la région de Montluçon quiont été retenues pour les bétons G + S et les gneissd’une carrière locale pour les autres catégories.Ensuite, des phénomènes de rhéologie très aléa-

toires, ainsi que l’apparition de "moustaches" enparement ont compliqué la mise au point finale.Après analyse par les laboratoires, ces problèmesfurent résolus en utilisant un nouveau superplas-tifiant très réducteur d’eau qui maintenait constan-te la plasticité de départ du béton pendant au moinsdeux heures.Les centrales à béton (capacité 80 m3/h nomina-le) étaient situées à une quarantaine de minute deroute du chantier pour le côté le plus défavorableet desservaient la plupart des chantiers de la sec-tion autoroutière.

■ LA RÉALISATION DES APPUIS

Les travaux préparatoires

Environ 700 m de pistes furent ouvertes sur chaqueversant de la vallée car la rivière Clidane et la voieSNCF formaient des obstacles infranchissables. Lapiste côté ouest se révéla particulièrement diffici-le à réaliser en raison d’un terrain très hétérogèneet de qualité médiocre. De plus, l’exiguïté des em-prises utilisables et les contraintes environne-mentales imposèrent une pente longitudinale forte(15 %) et des ouvrages de soutènement importants(murs cloués ou remblais d’enrochements).Ces travaux furent réalisés dans un souci de res-pect de l’environnement obtenu en minimisant lessurfaces de déboisage et en traitant l’écoulementdes eaux ainsi que leur recueil en fond de vallée.En fin de chantier, seules les pistes resteront ap-parentes avec des aménagements locaux de ter-rassement pour minimiser leur impact visuel.

Les terrassements de l’ouvrage

Les terrassements des appuis sont réalisés à l’abride parois clouées revêtues de béton projeté armé.Les semelles des piles P2 et P3 situées en pieddes versants, (15 m x 15 m x 4,25 m), sont en-terrées en totalité et devaient être réalisées à l’abride batardeau de type "berlinoise". Le groupementa proposé une variante sur P3 consistant à ter-rasser une fouille élargie avec stabilisation des pa-rois par cloutage. Sur la pile P2, après réalisationde la paroi clouée, la très mauvaise qualité du ter-rain et son comportement pendant les phases deterrassement ont fait craindre des difficultés lorsde la réalisation du batardeau. Des avant-puits blin-dés ont été creusés manuellement avec des moyensplus légers à travers les terrains fluants jusqu’auniveau des gneiss altérés (photo 2).

Les terrassements à l’explosif côté ouest

Les travaux de déblaiement du lot de terrassementsgénéraux à proximité de la culée Est ne pouvaient

62 Travaux n° 768 • octobre 2000

®Figure 5Armatures d’un voussoir courant

Reinforcements of a typical segment

Photo 2Avant-puits et paroi de la pile P2

Pilot shaft and wall of pier P2

se faire qu’à l’explosif et les programmes de tra-vaux respectifs des deux lots ont imposé le dispo-sitif de coordination suivant :◆ prédécoupage profond du rocher permettant deréfléchir une partie des ondes de choc et filtrantainsi une partie de l’énergie ;◆ essais de convenance pour mesurer les vitessesparticulaires à différentes fréquences ;◆ interdiction de tirer pendant le durcissement dubéton (24 heures) ;◆ limitation des vitesses particulaires en fonc-tion des fréquences, des mesures ayant été réali-sées à chaque tir.

Les puits marocains

La technique de creusement des fondations parpuits marocain permet de minimiser l’impact ensurface des semelles de fondations en allant cher-cher le sol porteur en profondeur. Après un pré-découpage au cordeau détonnant effectué depuisla surface sur toute la hauteur du puits, on procè-de à un terrassement mécanique dans les niveauxaltérés. Les parois sont drainées en cas de besoinpar des barbacanes et chaque passe est blindéeavec un revêtement en béton projeté. Dès que l’onatteint des horizons plus durs, on procède au mi-nage avec des tirs microretardés ou à l’utilisationd’un trépan.Les puits sont armés en périphérie et coulés enune seule phase.Les couches rencontrées étaient essentiellementdes gneiss, localement des migmatites, très fis-surés et fracturés. Au niveau des têtes de versants,on trouvait en surface des arènes, produits d’alté-ration du substratum tandis qu’en fond de valléeexistait une couche d’alluvions sablo-graveleusesd’épaisseur moyenne.La réalisation des puits s’est déroulée pendantla première phase hivernale dans des conditionsde gel difficiles pour les équipes. Sur le versantouest de la Clidane, deux incidents ont perturbé laréalisation des travaux : des poches d’argile sur unpuits de P1 et une faille subverticale interceptéesur un puits de la pile P2 imposèrent d’approfon-dir les deux puits de P1 de 2 m et un puits de P2de 5 m.

Les semelles de fondation

Les semelles les plus importantes (1000 m3 surP2 et P3) furent bétonnées en deux phases à tra-vers un ferraillage très dense (140 kg/m3) (photo3). La centrale à béton était à cette occasion mo-nopolisée par le chantier, les bétonnages ayantduré pour certains près de vingt heures.En raison de l’exiguïté des plates-formes, le mon-tage des grues devait s’intercaler entre réalisationde la semelle et celle du fût, opération qui pouvaitdurer deux à trois semaines pour les grandes piles.

Des fondations semi-profondes durent être réali-sées sous les voies de grue de P2 et P3.Les matériels utilisés ont été soit des BPR 446C3de 12 t de capacité travaillant à hauteur d’auto-nomie sur les fléaux courts, soit des grues PotainK4-59 et K5-56 de 70 m de flèche pour les fléaux2 et 3. Ces dernières étaient équipées d’ascen-seur. Elles furent ancrées à la pile à la fin de la réa-lisation du fût et télescopées pour la constructiondu tablier. La grande capacité de ces deux grues(16 et 20 t respectivement) ont permis d’amélio-rer les cadences en utilisant des bennes à bétonde 3 m3. Toutes les grues se recouvrant deux àdeux étaient équipées de système de gestion d’in-terférence centralisé.

Les piles

Les coffrages de piles sont de type semi-grim-pant sur consoles et découpent les fûts en élé-ments de 4 m. Les piles P1, P4 et P5 (20 à 45 mde hauteur) ont été réalisées à raison d’une levéetous les deux jours. Les fûts sont surmontés d’unchevêtre plein. Ce dernier reçoit les équipementsd’appareil d’appui, de visite (trou d’homme) et declouage provisoire des fléaux.Les piles P2 et P3, (66 m et 68 m de hauteur) (pho-to 4), possédaient un coffrage permettant le bé-tonnage des deux voiles en même temps. Elles ontnécessité la mise en place d’un entretoisementprovisoire composé de HEB 450. Cette disposition,tout en augmentant la difficulté de réalisation, li-mitait les déplacements de la tête de pile et lesdéformations du fléau. Prévu initialement avec desancrages par barres précontraintes, la fixation deces profilés a été modifiée en les scellant au bé-tonnage de chaque levée pour :◆ ne pas pénaliser les cadences prévues pour laréalisation des levées par la mise en place d’in-serts compliqués ;◆ inclure la mise en place des profilés dans le cycle;

63Travaux n° 768 • octobre 2000

®

Photo 3Semelle de la pile P3

Footing of pier P3

Photo 4Pile P2 en cours de construction

Pier P2 during construction

AUTOROUTE A89

◆ s’affranchir des tolérances béton supérieures àcelles de la charpente métallique ;◆ simplifier le démontage en fin de chantier.La découpe des profilés a été effectuée dans uneengravure prévue au coffrage, cachetée ensuiteavec un mortier de résine teinté dans la masse.Malgré une quantité importante de béton (130 m3

par levée), la cadence prévue de deux jours par le-vée sera atteinte.Les cages d’armatures des levées de piles ont étépréfabriquées sur des gabarits et mises en placeen une seule pièce avec des palonniers.

■ LA RÉALISATION DU TABLIER

Le tablier de 19,56 m de large, à encorbellementsnervurés, est tramé sur un module constant de3,30 m qui correspond à l’espacement des ner-vures. Seules les travées de rive coulées sur cintreéchappent à cette contrainte à leur extrémité.

Les voussoirs sur pile

Les voussoirs sur pile constituent l’amorce du ta-blier qui servira à recevoir les équipages mobilesdestinés à la construction des voussoirs courants.Une plate-forme est installée en tête de la pile etun coffrage spécifique de 9,90 m de longueur estmonté sur cette plate-forme.Les VSP sont de deux types :◆ sur les fléaux 1, 4 et 5 ils sont indépendants dufût de pile et reposent provisoirement sur le che-vêtre par l’intermédiaire de quatre boîtes à sable.Un clouage composé de câbles 19T15 verticauxancrés en sous-face du chevêtre de pile, (deuxcâbles sur P1 et six câbles sur P4 et P5) est misen œuvre à la fin de la construction du VSP et per-met ainsi de reprendre les efforts de dissymétriede construction et du vent. Leur hauteur réduite(4 m) permet de les réaliser en deux phases (pho-to 5) ;◆ sur les fléaux 2 et 3, le tablier est encastré dansles fûts de piles (photo 6). C’est la rigidité proprede la pile contreventée provisoirement qui reprendles efforts cités précédemment. Ces éléments detablier de 7,40 m de hauteur nécessitent troisphases de bétonnage et un délai de réalisation de2 mois environ.

Les équipages mobiles

Le planning des travaux a nécessité la mise en pla-ce de deux paires d’équipages mobiles qui ont étéconçus par le bureau de méthode Semi à Cham-béry. Les nervures en sous-face des encorbelle-ments ont représenté une sujétion importante dansl’étude de conception et de cinématique de l’équi-page (photo 7). Elles ont été positionnées au centredu voussoir afin d’utiliser les équipages pour la réa-

64 Travaux n° 768 • octobre 2000

®Photo 5

Bétonnage en cours sur le VSP1

Concreting the arch segment

on pier P1

Photo 6Fléau 1 et VSP2

terminés

Cantilever arm 1 and segment on pier 2

completed

Photo 7Les nervures

sous les encorbellements

Ribbing under the cantilevering

lisation des voussoirs de clavage. Les équipagessont du type "par dessous", ce qui dégage entiè-rement la surface supérieure pour la mise en pla-ce des cages d’armatures. La particularité notablede ces équipages consiste dans la grande raideurdue à des poutres principales de très forte inertieet dans le système de translation unique par poutrestiroir situées à l’intérieur du caisson. Elles per-mettent ainsi d’avancer alternativement le coffra-ge extérieur, puis le coffrage intérieur (photo 8).Les équipages ne sont pas spécialisés. Ils peuventindifféremment réaliser des voussoirs de hauteurconstante ou de hauteur variable. Les fléaux P1,P4, P5 de hauteur constante comportent respecti-vement 4, 2 x 12 paires de voussoirs. Les fléauxP2 et P3 de hauteur variable sont composés de 18paires de voussoirs chacun.

Les voussoirs de fléaux

La construction des fléaux a débuté par celui de lapile P1 au printemps 1998. Les retards survenusau début du chantier dans les travaux d’accès etde certains puits marocains, l’optimisation à la re-mise de l’offre des rotations des matériels de cof-frage des piles et du tablier, ainsi que l’obligationde permettre le passage des matériaux de chaus-

sée en juillet 1999 sur l’ouvrage, ont conduit legroupement à mettre en place deux postes de tra-vail pour la réalisation du tablier. Cette nouvelle or-ganisation a débuté en septembre 1998 et s’estachevée au dernier voussoir du fléau 2 en mars1999 (photos 9 et 10). Cette période du chantierfut certainement la plus dure pour les équipes,compte tenu de la rigueur du climat auvergnat.Les cycles de fabrication ont été très variablesen fonction des voussoirs (hauteur, présence d’undéviateur, nombre de câbles et gaines de précon-trainte, nombreuses variations d’épaisseur d’âmesur certains fléaux…), ou des conditions météoro-logiques pour la montée en résistance du béton.La mise en tension des câbles de fléau nécessitaitune résistance mini du béton de 21 MPa à 26 MPaselon les voussoirs. Ces résistances, facilementatteintes en été, ont parfois obligé le chantier à at-tendre un ou deux postes supplémentaires pourles obtenir au cœur de l’hiver. La durée des cyclesa été en moyenne de trois jours par paire, certainesayant été réalisées en deux jours, notammentsur le fléau 2. Cette durée incluait la mise en œuvrede la précontrainte transversale avant l’avancée del’équipage. Ceux-ci étaient calorifugés, équipés dechâssis et de bâches isothermes en partie supé-rieure. Des chauffages par air pulsé furent mis

65Travaux n° 768 • octobre 2000

®

Photo 8Equipage mobile en phase de déplacement

Travelling formwork being moved

Photo 9Décembre 1998 - Fléaux 2 et 3 en cours de réalisation

December 1998 -Cantilever arms 2 and 3during construction

Photo 10Avancement des travaux en mars 1999

Work progress in March 1999

AUTOROUTE A89

en place pendant tout l’hiver à l’intérieur du cais-son et sur le hourdis supérieur. Les épreuves d’in-formation des bétons ont été réalisées à l’aide d’un"résiscope" utilisant le principe de maturimétrieétalonnée par un laboratoire.Enfin les armatures ont été préfabriquées en deuxpièces pour tous les voussoirs et mises en placeà l’aide d’un palonnier de 20 m, notamment pourle hourdis supérieur. Les gaines et les câbles deprécontrainte transversale étaient mis en place surle banc de préfabrication.

Les voussoirs sur cintre

Les travées de rive sur cintre destinées à raccor-der les fléaux d’extrémité aux culées ont été réali-sées sur des palées provisoires composées deprofilés métalliques, tant pour les éléments verti-caux que pour les horizontaux. Ce système a as-suré un délai court de montage et démontage. Le

hourdis inférieur était coffré avec des plateaux enbois tandis que le caisson était réalisé avec les ou-tils provenant des VSP terminés. Ces travées, d’unelongueur de 27 m et 30 m respectivement ont étébétonnées en trois phases, la troisième réalisantle clavage sur le fléau voisin.

La précontrainte

La précontrainte du tablier réalisée à partir d’uni-tés du procédé SB distribué par Spie Précontrain-te, est l’un des procédés les plus récents du marché.La précontrainte intérieure de construction fut réa-lisée en unités 19T15 Super d’une puissance de430 t (figure 6) :◆ câbles de fléaux : 23 paires (sauf fléau P1 : cinqpaires) ;◆ câbles éclisses : trois à six paires.La précontrainte transversale fut réalisée en uni-tés 4T15 Super en fonte, d’une puissance de 90 t,avec des torons gainés graissés. Leur répartitionétait uniforme à raison de quatre câbles par vous-soir en évitant les nervures axiales et les ancragesde BN4.La précontrainte extérieure de continuité fut réali-sée en unités 27T15 Super démontable, d’une puis-sance de 615 t, à raison de deux à cinq paires decâbles par travée (photo 11). Les plus longs câblesreliant les deux travées principales mesurant jus-qu’à 250 m, des dispositifs spécifiques ont été né-cessaires pour les opérations d’enfilage des toronset la réalisation de la protection définitive des câbles.

■ CONCLUSION

C’est grâce à la bonne coordination entre la maî-trise d’ouvrage, le maître d’œuvre et le groupement,ainsi qu’au professionnalisme et à la souplessedes équipes de toutes les entreprises intervenantesque le délai de 26 mois initialement prévu a pu êtretenu avec le niveau de qualité requis au CCTP.

66 Travaux n° 768 • octobre 2000

®

Figure 6Ancrages SB

SB anchoring

Photo 11Précontrainte extérieure 27T15

External prestressing 27T15

67

ABSTRACT

The Clidane viaduct

J.-M. Jaeger, N. El-Khoury, J.-P. Ragaru,Ch. Lavigne, A. Montois, E. de Bélizal,J.-J. Lagane, Ch. Bienbeau

For motorway operator ASF (Autoroutesdu Sud de la France), the Clidane via-duct constitutes one of the major struc-tures on the A89 motorway.It is designed as a single box structurein prestressed concrete 540 m longand 19.56 m wide with six spans, inclu-ding one of 132 m.Built in 26 months using the methodof arch segments with successive can-tilevering, this project had to cope withdifficult execution conditions in a pro-tected natural environment.

RESUMEN ESPAÑOL

El viaducto del Clidane

J.-M. Jaeger, N. El-Khoury, J.-P. Ragaru,Ch. Lavigne, A. Montois, E. de Bélizal,J.-J. Lagane y Ch. Bienbeau

El viaducto de Clidane constituye, parala Société des Autoroutes du Sud de laFrance (Sociedad de las Autopistas delSur de Francia), una de las principalesestructuras de la autopista A89.Se trata de un viaducto del tipo mono-cajón de hormigón pretensado de 540 mde longitud y 19,56 m de anchura, queconsta de seis tramos uno de los cualesmide 132 m.Ejecutado en 26 meses según el métodode las dovelas en voladizo sucesivo estasobras han tenido que hacer frente acondiciones difíciles de construcción,en un entorno natural protegido.

Travaux n° 768 • octobre 2000

LES PRINCIPAUX INTERVENANTS

Maître d’ouvrageAutoroutes du Sud de la France (ASF) :- Direction de la Construction- Direction opérationnelle A89 de Tulle

Maître d’œuvreSetec TPI

ConcepteurIngerop

ArchitecteCabinet Charles Lavigne

Groupement d’entreprises titulaire• Spie Batignolles TP (mandataire)• Spie Citra Sud-Est• Nord France TP

Sous-traitants et fournisseursEtudes :• Etudes d’exécution : groupement Spie Bati-gnolles (mandataire)/Serf• Etudes géotechniques : Fondasol/CFEG/Géo-logie et Travaux• Contrôle externe : Serf• Contrôle extérieur : Ingerop• Contrôle des bétons : Sigma Béton• Pistes et terrassements : SMTV (Le Puy - 43)• Fondations profondes : Seco DG• Armatures passives : SAMT (Marseille)• Armatures actives : Spie Précontrainte• Bétons : B.D.L.• Coffrage des piles : Arcomat (08)• Coffrage des VSP : Ercan (Paris)• Equipages mobiles : Semi/Serimetal/Metal-form• Etanchéité : Cotra/Viafrance• BN4 et corniches : Sler• Joints de chaussée : Cipec• Chaussées : Grands Travaux Beugnet• DBA : Star (Wasquehal - 59)• Serrurerie : Pierre Emain (Nantua - 01)• Protection des longrines : Xerotec (Lyon)• Eclairage - Chemins de câbles : Spie Trindel