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Édition originale publiée par Audrey Carlan - ekladata.comekladata.com/4Ri7et-v4RLfH3Dcn1tEjjqoFak/...Girl_Janvier_Episode.pdf · Il n’y a que Ginelle qui soit capable de faire

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ÉditionoriginalepubliéeparAudreyCarlan

Ce livre est une fiction. Toute référence à des évènements historiques, des personnages ou des lieux réelsseraitutiliséedefaçonfictive.Lesautresnoms,personnages,lieuxetévènementssontissusdel’imaginationdel’auteur,ettouteressemblanceavecdespersonnagesvivantsouayantexistéseraittotalementfortuite.

Tousdroitsréservés,ycomprisledroitdereproductiondecelivreoudequelquecitationquecesoit,sousn’importequelleforme.

Copyright©2015WaterhousePress

OuvragedirigéparBénitaRollandTraduitparRobynStellaBlighCouverture:RaphaëlleFaguer

Pourlaprésenteédition©2017,HugoetCompagnie

34/36,ruelaPérouse75116–Paris

www.hugoetcie.fr

ISBN:9782755630091

CedocumentnumériqueaétéréaliséparNordCompo.

SOMMAIRE

Titre

Copyright

ChapitrePremier

Chapitre2

CHAPITREPREMIER

J’aicruaugrandamourpendantdesannées.J’aimêmecrul’avoir trouvé–àquatrereprises,pourêtreprécise.

IlyaeuTaylor,monpremiercopain,avecquijesuisrestéeduranttoutlesecondaire.C’étaitlastardel’équipedebase-balletlemeilleurjoueurdetoutel’histoiredulycée.Ilétaitgrand,avecplusdemusclequedecervelle,etsonkikifaisaitlatailledemonpetitdoigt.Sansdouteétait-ceàcausedesstéroïdesqu’ilprenaitderrièremondos.Ilm’alarguéelesoirdubaldepromoets’estenfuiavecma virginité et la capitaine des pom-pom girls. À ce qu’il paraît, il a vite lâché la fac et il estdésormaismécaniciendansunevilleminuscule,avecdeuxgaminsetunefemmequiaguichetousleshommesdelaville.

Ensuite,ilyaeul’assistantdemonprofdepsychologieàlafac.Ils’appelaitMaxwelletj’étaispersuadéequ’ilétaitleMessieetqu’ilétaitcapabledemarchersurl’eau.Cependant,c’estmoncœurqu’ilapiétinéencouchantavecunefilledanschaqueclassedontilétaitchargé.J’aieumavengeancelorsqu’ilamisencloquedeuxnanasenmêmetempsetqu’ils’estfaitvirerdelafac.Àdix-neufans,ilversaitdeuxpensionsalimentairesàdeuxfemmesdifférentes.Lavieestbienfaite,vousnetrouvezpas?Dieumerci,j’aitoujoursexigéqu’ilsortecouvertavecmoi.

Àvingtans,lorsquej’étaisserveuseauMGMGrandàLasVegas,j’aieulachancederencontrerBenny, le troisièmeamourdemavie.J’aisu trop tardque lepauvreavaitaussipeudechancequemoidanslavie.Bennyétaituntricheuramateur,orilm’avaitditqu’ilétaitcommercialetqu’ilvenaitaucasinoparcequ’iladoraitlepoker.Pourmoi,c’étaitlecoupdefoudre,mêmesifinalementnotrerelationétait loind’êtreromantique.J’aipassélaplupartdenotrehistoirebourréeetallongéesouslui. Hélas, j’étais persuadée qu’ilm’aimait. Après tout, ilme le disait tout le temps. Pendant deuxmois,nousavonsbu,nagédanslapiscinedel’hôteletbaisétoutelanuitdansunedeschambresquemeprocuraitmonamiefemmedeménage.Aubar,jeluiservais,àluietsesamis,desverresgratuits.Ça amarché – jusqu’à ce que ça nemarche plus.Benny s’est fait prendre en train de compter lescartesetiladisparudujouraulendemain.J’étaisdanstousmesétats,etcelaaduréunmois.Puisj’aiapprisqu’ils’étaitfaittabasseràmort–oupresque–etqu’ilétaitàl’hôpital.Ilaquittélavillesansmedireaurevoir.

Madernièreerreurfut lacerisesur legâteau– lepompon, lagoutted’eauquim’apersuadéeque legrandamour est une inventiondes fabricantsde cartesdevœuxetdes auteursde romans àl’eauderose.SonnométaitBlaine,maisilauraitpus’appelerLucifer.C’étaitunbeauparleuretunhommed’affaires–entoutcasc’estcequej’aicruaudébut.Envérité,Blaineétaitusurier,c’estluiquiaprêtéàmonpèreplusd’argentqu’ilnepourrait rembourserenunevieentière. Il s’estalorsretournécontremoi,puiscontremonpère.Pourmoi,àl’époque,l’amournepouvaitêtrequeceluiqu’ontrouvedanslescontesdefées.Blainem’avaitpromisleparadis,ilm’adonnél’enfer.

—C’estpourçaquetudevraisprendreleboulotquet’offretatante,commeça,ceseraréglé,ditGinelle,mameilleureamie,avantd’éclaterunebulledechewing-gumdansletéléphone.C’esttaseuleoption,Mia.Sinon,commenttuvassortirtonpèredecepétrin?

Je sirote mon verre d’eau glacée en regardant les gouttes de condensation scintiller sous lesoleilcalifornien.

—Jenesaispasquoifaire,Gin.Jen’aipasassezd’argentdecôté–d’ailleursjen’enaipasdutout,jesoupire.

—Écoute,tuastoujoursétéamoureusedel’amour…—Plusmaintenant!DerrièreGinelle,j’entendslebrouhahaducasino.Lesgenspensentqueledésertestunendroit

calme,maispasàLasVegas,oùlesmachinesàsoustintentàtouteheuredujouretdelanuitetoùdesjinglesretentissentpartout,oùquevoussoyez.

—Jesais,jesais,dit-elle.Maistuaimeslesexe,n’est-cepas?—C’estcomplètementdifférent,Gin.—Jeveuxseulementdirequesituacceptesceboulot,tuasjusteàtefairebelleetàbeaucoup

baiser.Çafaitdesmoisquetun’aspaspristonpied,autantenprofiter,non?Iln’yaqueGinellequisoitcapabledefairepasserunjobdecall-girldeluxepourunboulot

donttoutlemonderêve.—Onn’estpasdansPrettyWomanetjenesuispasJuliaRoberts!jem’exclameenmedirigeant

versmamoto.C’estuneSuzukiGSXR600quej’appelleSuzi.Elleestlaseulechosedevaleurquejepossède.

Jegrimpedessusenmettantmontéléphonesurhaut-parleur,puisjetressemeslongscheveuxnoirs.—Écoute,jesaisquetuveuxm’aider,maisjenesaisvraimentpasquoifaire.Jenesuispasune

puteet jen’aipasenviede ledevenir, jedisenfrissonnantrienqued’ypenser.Mais il fautque jetrouveunmilliondedollars,etvite.

—Jesais.Appelle-moicesoir,situpeux,tumeraconterastonentretienavecEscortsExquises.Merde,jevaisêtreenretardpourlarépétitionetjenesuismêmepasentenue.

Savoixdevienttendue,etjel’imagineentraindecouriràtraverslecasino,téléphoneplaquéàl’oreille,neprenantpasgardeàceuxquilaprennentpourunefolle.C’estpourçaquej’adoreGinelle–elleditleschosestellesqu’ellessontetellesefichedecequ’onpensed’elle.Commemoi.

Elle travaille pour le Burlesque Doll Show 1 à Las Vegas. Elle est petite, douce, et elle saitcomment remuer son joli cul pour plaire aux hommes du monde entier qui viennent voir sonspectacle.Hélas,Ginellenegagnepasassezd’argentpourmetirerd’affaireetaidermonpère.Celadit,jeneleluiauraisjamaisdemandé,quandbienmêmeelleauraiteulesmoyens.

—Ok,jet’aimemap’titesalope,jedisencoinçantmatressesousmonblousonencuir.—Jet’aimeencoreplus,p’titepute.Jedémarremamotoetjelafaisvrombiravantdemettremoncasque.Jeglissemontéléphone

dansmapocheintérieureetjeparsendirectiond’unfuturdontjeneveuxpasmaisquejen’aiaucunmoyend’éviter.

***

—Mia!Machérie!s’écriematanteenmeserrantdanssesbrasmaigres.Elleest sacrément forte,pourune sipetite femme.Sescheveuxnoirs sont coiffésenchignon

bananeetsachemiseblancheestdoucecommedelasoie–probablementparcequec’estdelasoie.Elleporteunejupecrayonnoiretrèsstricteetdestalonsaiguillesnoirsaveccettesemellerougequej’aivuepartoutenfeuilletantledernierVogue.Elleestmagnifiqueet,plusencore,elleal’airhorsdeprix.

—TanteMillie,çamefaitplaisirdetevoir,jedisalorsqu’ellelèvedeuxdoigtsparfaitementmanucuréspourmefairetaire.

—Ici,tum’appellerasMissMilan,poupée,dit-elle.Jelèvelesyeuxaucieletçaneluiplaîtpasnonplus.—Chérie,premièrement,nefaispasça.C’estimpolietcen’estpasélégant.Ellemarchelentementautourdemoi,m’étudiantcommesij’étaisuneœuvred’art–unestatue

froideetimpénétrable.Peut-êtrelesuis-je.Elletientdanssamainunéventailendentellenoirequ’elleouvreetrefermeavantd’enfrapperlapaumedesamain.

—Deuxièmement,nem’appellejamaisMillie.Cettefemmeestmorteilyalongtemps,lejouroù le premier homme en qui elle a eu confiance a grillé son cœur au barbecue pour le donner àmangeràseschiens.

Beurk,quellemétaphoreaffreuse!Enmêmetemps,TanteMillieatoujoursététrèsdirecte.—Tiens-toidroite,dit-elleenmetapantsouslementonpourmefaireleverlatête.Ellemefrappeensuitesurlebasdudos,làoùmont-shirtmoulantettropcourtnerejointpas

toutàfaitmonjeanslimpréféré.Jemeredresseenpoussantmesseinsenavant.Unsourires’étendsurseslèvresrouges,dévoilantdesdentsparfaitementalignéesetblanches,

lesplusbellesdumarché.Carc’estunvéritablebusinessàLosAngeles.Lorsquelesricheshéritièresne sont pas chez leur dermatologue pour leur injection de Botox mensuelle, elles sont chez leurdentiste.Àl’évidence,TanteMilliefaitpartiedecesfemmesetelleasansdouteraison–elleestloindeparaîtresescinquanteansetelleestcanon.

—Ehbien,tuesmagnifique,mapoupée,ettuleserasencoreplusquandont’aurahabilléepourlaséancephoto,dit-elleengrimaçant,touteninspectantmatenuedemotarde.

Jefaisplusieurspasenarrièrejusqu’àmecognercontreunfauteuilencuir.—Jen’aipasencoreditquej’étaisd’accord.LeregarddeTanteMillieestàlafoismoqueuretexaspéré.—Jecroyaisqu’il tefallaitbeaucoupd’argentetviteparcequemonminablebeau-frèreestà

l’hôpitaletqu’iladesennuis?Elles’assied lentement,croise les jambesetposesesbrassur lesaccoudoirsencuirblancde

sonfauteuil.TanteMillien’ajamaisaimémonpère.C’estdommage,parcequ’ilafaitdumieuxqu’ilpouvait pour nous élever seul après que sa sœur, ma mère, nous a abandonnés. J’avais dix ans,Madisonenavaitcinq,etaujourd’hui,ellen’apaslemoindresouvenirdenotremère.

Jememords la lèvre et plongemon regard dans ses yeux vert pâle.Nous nous ressemblonsbeaucoup,elleetmoi.Sil’onoublielespetitscoupsdebistouriqu’elleafaitfaireicietlà,elleesttellequejeseraidansvingt-cinqans.Nousavonslesmêmesyeuxvertclair,presquejaunes,devantlesquelslesgenssesontémerveilléstoutemavie–commedel’émeraudeverte,disent-ils–etnoscheveuxsontsinoirsqu’àlalumièreilsparaissentpresquebleus.

—Ouais, papa adegros ennuis avecBlaine, jedis en essayantdememettre à l’aisedans lefauteuilinconfortable.

Milliesecouelatêteetjerepenseàmonpère,levisagepâleetémacié,lecorpscouvertdebleus,immobileetsansviesursonlitd’hôpital.

—Ilestdanslecoma,pourl’instant.Ilsl’onttabasséilyaquatresemainesetilnes’esttoujourspasréveillé.Lesmédecinspensentquec’estàcausedeshémorragiesaucerveau,maisonn’ensaurapasplusavantunmoment.Ilsluiontcassétellementd’osqu’ilaunplâtredesorteilsauxclavicules.

—Quellehorreur,quelssauvages!chuchote-t-elleenremettantunemèchederrièresonoreille.C’est ainsi que Millie reprend le contrôle de ses émotions. Je l’ai déjà vue faire – elle est

maîtresse dans l’art de la manipulation et elle contrôle ses émotions mieux que quiconque. Siseulementj’avaissontalent!

—Oui,etlasemainedernière,quandjesuisalléeluirendrevisiteàl’hôpital,lesmolossesdeBlainesontvenusmevoir. Ilsontditquesi jene leur rendaispas leurargentavec les intérêts, ilsallaient le tuer et qu’ils s’en prendraient ensuite àMaddy et àmoi. Ils ont appelé ça la « dette dusurvivant».Quoiqu’ilensoit,ilfautquejetrouveunmilliondedollars.

TanteMillie se pince les lèvres et tapote ses ongles sur l’accoudoir. Comment peut-elle êtreaussicalme?Lavied’unhommeainsiquelamienneetcelledemapetitesœursontenjeu,bordel!Jecomprendsqu’ellesefichedepapa,maisjepensaisqu’elletenaitàMaddyetmoi,bonsang!

Millieselance.—Onpeutyarriver,dit-elleenfinenplongeantsonregarddanslemien.Entoutcas,enunan,

c’estpossible.Tupensesqu’ilaccepteraitquetuleremboursesunpeutouslesmois?

—Je ne sais pas. Je suppose que ce qui compte, c’est qu’il ait son argent, d’unemanière oud’uneautre.Onétaitensembleiln’yapassilongtemps,peut-êtrequ’ilm’accorderaitcettefaveur.Cepsychopatheatoujoursaimémevoirlesupplieràgenoux.

—Gardetesescapadessexuellespourtoi,poupée,dit-elleensouriantd’unairmachiavélique.Ilvafalloirtemettreauboulottoutdesuite.Jenesélectionneraiquelescompteslespluschers.Soisiciauxaurores,demain,pourleshooting,etprévoisdepasserlajournéeavecnous.Onferad’abordlesportraits,puislesvidéos,etc.

Toutvabeaucouptropviteàmongoût,maislesmots«onpeutyarriver»résonnentdansmatêtecommeunebouéedesauvetagedansunocéanrempliderequins.

—Est-ceque…est-cequejedevraicoucheraveceux?Jefermelesyeuxenattendantsaréponseetjesenssoudainsesmainssurlesmiennes.—Poupée, tun’aspasà fairequoiquece soitque tuneveuillespas.En revanche, si tuveux

gagnerdufricrapidement,tudevraisl’envisager.Mesclientsetmoiavonsunaccordtacite.Simesfillescouchentaveceux,ellesgagnentunbonusdevingtpourcentqu’ilslaissentencashdansleurchambre. Cet argent ne passe ni entre mes mains ni dans les comptes de la boîte, puisque laprostitutionestillégaleenCalifornie.Cependant,ilestnormalquemesfillessoientdédommagées,tunepensespas?demande-t-elleenmelançantunclind’œil.

Jehochelentementlatête,nesachantpasvraimentcequej’enpense,maisprêteàfoncerquandmême.

—Tutravaillerasaumois,c’estleseulmoyendegagnerautantd’argent,dit-elle.Elleal’airsisûred’ellequej’ail’impressionquelejobvaêtrefacile–dumomentquej’arrive

àgarderl’espritouvert.—Tu rejoindras le clientoùqu’il soit, et tu joueras le rôlequ’ilveutpendantunmois.Mais

attention,mapoupée:jenevendspasdesexe.Situcouchesaveceux,c’estparcequetuenasenvie,etcrois-moi,quandtuverrasleshommesquej’aisurlisted’attente,turéfléchirasàdeuxfoisavantderefuser–sansparlerdelaprimequetugagneras.

Elleselèveensouriant,faitletourdubureauets’assieddevantsonordinateur.J’ail’impressiond’être collée au fauteuil, incapable de bouger, accablée par le poids de toutes les questions qui seprécipitentdansmatête.

—Jevaislefaire,jem’entendschuchoter.—Biensûrque tuvas le faire,dit-elleensouriant.Tun’aspas lechoixsi tuveuxsauver ton

père.

***

Jecomprendspourquoiellem’aditdeprévoir la journée.CommeSandraBullockdansMissDétective,j’aiétéfrottée,épilée,pelotée,brossée,àtelpointquej’aifaillifrapperl’esthéticiennequeMillieaembauchéepour«m’arranger».J’étaisvexéequ’ellepensequej’aibesoindetouscessoins.

Cependant,lorsquejemesuisregardéedanslemiroir,j’aifaillinepasreconnaîtremonreflet.Meslongscheveuxnoirssontplusbrillantsquejamaisettombentenvaguesparfaitesdansmondosetsurmesépaules.Chaqueéclatdelumièreilluminemapeaucommesielleétaitcouvertedepaillettesetlebronzagequejem’efforced’avoirdepuisquejesuisarrivéeenCalifornieaprisuntondemielquifaitressortirmesyeuxverts.Ellem’achoisiunerobelavandeàlafoisconfortableetchic,quimetenvaleurmes atouts. Je suis sexy et élégante, comme un ange demauvais augure sous l’objectif duphotographe.Auboutd’unmoment,j’aimêmefiniparfairelamouesanssonaideetàregarderauloinsansexprimerlamoindreémotion.C’estainsiquejedoisêtreàprésent,apathique.

Àlafindecetteinterminableséancephoto,jemedépêchederemettremesvêtementshabituels,c’est-à-direunjeanetunt-shirtmoulant,etjeretournedanslebureaudeTanteMillie–pardon,deMissMilan.

— Ma poupée, les photos sont magnifiques ! J’ai toujours su que tu ferais un superbemannequin,dit-elleenregardantsonécrand’ordinateur.

Jefaisletourdubureaupourvoirlerésultatetj’enailesoufflecoupé.Jesuisméconnaissable.—Waouh.J’aidumalàcroirequec’estmoi.Jesecouelatêteenregardantlesphotoschargersurlesited’EscortsExquises.—Tu es très belle, ditma tante en souriant et enme regardant dans les yeux.Tu ressembles

tellementà…—Peuimporte,jedisensecouantlatête,nevoulantpasentendrequejesuisleportraitcraché

demamère.Alors, c’est quoi la suite ? je demande en croisant les bras, comme si çapouvaitmeprotéger.

Ellereculedanssonfauteuiletmeregardeavecdesyeuxpétillantsdemalice.—Tuveuxvoirtapremièremission?Jefaisdemonmieuxpourignorerl’appréhensionquis’emparedemoietjemeredresseenla

défiantduregard.—C’estparti.Millieglousseencliquantsursasourispourafficherlaphotodel’hommeleplusbeauquej’aie

jamaisvu.Laphotoest trèsbusiness,maissescheveuxblondfoncésontcoiffés-décoiffésavecdesmèchesplusclaires.Sesyeuxsontvertsetsamâchoiresaillanteavecl’ombred’unebarbenaissante.Ilestàcroquer.Cethommen’estpaslegenreàdevoirpayerpourunefemme,aucontraire,c’estlegenredonttouteslesfemmestombentamoureusesdèslepremierregard.

—Jenecomprendspaspourquoicebeaugosseabesoind’uneescort?jedemandeenpointantlaphotodudoigt.

Matantesereculedanssonfauteuil,jointlesmainssursescuissesetmeregardeensouriant.—Tusais,c’estluiquit’achoisie.Jedoissemblerperdue,parcequ’ellesedépêchedepoursuivre.—J’aienvoyétespremièresphotosàluietsamère,avecquijetravaillebeaucoup.Ilenverra

une voiture te chercher demain matin. Il habite dans le coin, mais tu vivras chez lui pendant les

prochainsvingt-quatrejours.J’ail’impressiond’avoirétéfrappéeàlatêteavecunebattedebase-ball.—Vingt-quatrejours?Tuesfolle?Commentjesuiscenséetravailleretalleràdescastings?Macarrièred’actriceestloind’êtreautop,maisj’aiunagentbonmarchéquimedénichedes

auditionsdetempsentemps,etpuisilyalerestaurantoùjetravaillelesoir!Millieme regardeen sepinçant les lèvres et en retroussant sonnezcommes’il venait deme

pousseruntroisièmeœilsurlefront.— Mia, tu vas démissionner de tous tes boulots. Tu es désormais une employée d’Escorts

Exquiseset tesengagements irontd’unàvingt-quatre jours, selon lesbesoinsduclient.Comme tudoisgagnerbeaucoupd’argentenpeudetemps,tun’asd’autrechoixquedeprendrelescontratslesplus longs.Auboutdevingt-quatre jours, tu auras jusqu’à la findumoispour rentrer chez toi, tereposeretterefaireunebeauté.Àchaquedébutdemois,tuserasenvoyéesurunenouvellemission.

—Jen’arrivepasàycroire…Jefaislescentpasdanslebureau,commeunanimalencage,réalisantsoudainquemaviene

m’appartientplus,dumoinspendantlesdouzemoisàvenir.Finislesrencards–mêmesicelafaituneéternitéquejen’enaipaseu–etfinieslesauditionsetmacarrièred’actrice,sitantestquel’onpuisseparlerdecarrière.Jen’auraiplusletempsdevoirnipapa,niMaddy,niGinelle.

—Ehbiencrois-le,monpetit,parcequecen’estpasuneblague.Situeneslà,c’estàcausedeton père et de ton ex. Tu as de la chance que je te libère de la place, alors ne sois pas ingrate.Maintenantassieds-toietferme-la!ordonne-t-elled’unevoixfroide.

—Jesuisdésolée.Je sais qu’elle essaie dem’aider, c’est juste que c’est trop… rapide. C’est incroyable. Jeme

laissetombersurlachaisedevantsonbureauetjemeprendslatêtedanslesmains.Jeréalisequejesuisdésormaisunefemmeàlouer.Chaquemois,jeseraiavecunnouvelhomme.Sijecoucheaveclui,j’auraiunbonusdevingtpourcentenliquide.

J’éclate de rire, puis je lève la tête et regarde le plafond. Quelques secondes passent et unedétermination s’emparedemoipeuàpeu.C’est ceque jedois faire. Jevais laisserunbeaugossem’emmeneràdesdînersd’affairesennuyeux,etjeferaicequiluipasseraparlatête.Jenesuispasobligéedecoucheraveclui,etsurtout,jenevaispastomberamoureusedelui.Enchangeantdemectouslesmois,jen’auraipasletempsdetomberamoureusecommej’enaieul’habitudeparlepassé.Et puis je ne suis pas obligée d’abandonner ma carrière – après tout, quel meilleur moyen deprogresser qu’en incarnant ce que ces hommes veulent que je sois ? Chaque mois, je deviendraiquelqu’und’autre,etmonpèreseraensécurité.

J’inspirelentementetjemelèveentendantlamainàmatante.Sonsourireestdiaboliquemaissexy–elleestvraimentfaitepourcetravail.

— Très bien,MissMilan, je dis en insistant sur son faux nom pour qu’elle comprenne madétermination.JesuisvotrenouvelleCalendarGirl.

1.LeShowdesPoupéesBurlesques.(NdT,ainsiquepourlesnotessuivantes)

CHAPITRE2

WestonCharlesChanningIII.Jelisetrelissonnomenmedemandantquelgenredepersonnetrouvenormald’avoirunchiffreromainrattachéàsonnom.Jepariequec’estunmecpleinauxasdont la pauvremère n’en peut plus d’être ridiculisée par les pimbêches qu’il ramène aux soiréesmondaines.Entoutcas,selonmoi,c’estlaseuleraisonquiexpliqueraitpourquoiunmecaussibeauabesoind’engageruneescort.JefeuillettelespagesetjetrouvelalistedesrèglesqueMissMilanm’adonnéesàlirehiersoir.

1.Toujoursêtreapprêtée.Leclientnedoitjamaisvousvoirdémaquilléeetdécoiffée.Vosonglesdoiventtoujoursêtremanucurésetvosvêtementsrepassés.Leclientvousprocureralagarde-robedesonchoix.Vosmensurationsetvospréférencesontétédonnéesàsastylistepersonnelle.

Je lève les yeux au ciel en étudiant mon immense pile de jeans.Waouh, ces gens ne saventvraimentpasquoifairedeleurargentpouravoirunestylistepersonnelle.Est-cesidifficiledechoisirsesvêtements?Etmesmensurationsluiontétéfournies?Super!Maintenant,ilsaitquej’aibesoindeperdrequelqueskilos.J’ai l’avantaged’êtregrandeetd’avoir l’airplusmincequejenelesuis,mais je sais quema tante aimeque ses filles fassent du trente-quatre.Or, je suis plutôt du côté dutrente-huit, voire du quarante, si je ne fais pas attention à ce que je mange. Dans le milieu dumannequinat,c’estsansdoutel’équivalentduXXL.

Ilt’achoisie,merappelleunepetitevoixdansmatêtealorsquejerangemesobjetsfétichesdansunpetitsacàdos:mescrèmes,monmaquillage,monparfum,monKindle,mesbijouxpréférés.Toutçaestsansvaleur,maisçam’appartientetj’aibesoinderestermoi-même.J’emporteégalementmonjournal intime tout neuf. J’ai pensé que comme cette expérience va durer une année, j’allais enprofiterpournotercertaineschoses.Peut-êtrequ’unjourj’enferaiunfilm.

Jejettemonsacsurl’énormefauteuilquiprendlamoitiédemonstudioetjereprendslalecturedesconsignes.

2.Souriez tout le temps.N’ayez jamais l’airni encolèreni triste, etdemanièregénérale,nemontrezpasd’émotionnégative.Leshommesnepaientpaspourgérervosproblèmes.Ilspaientpournepasavoiràlefaire,justement.

Ok, pas d’émotion. Aucun souci. Je m’y suis déjà préparée psychologiquement après avoiracceptécejob.

3.Neparlezquesivousyêtes invitée.Vousêtes làpourêtrebelleet charmante.Avant touteapparitionpublique,discutezdevotrerôleavecleclientafindevousmettred’accord.

Çava,j’aicompris!TueslàpourêtresaBarbie.Capiche.Facile.4.Soyezdisponibleàtoutmoment.Sileclientsouhaiteresteràlamaison,vousyresterezavec

lui.Soyezrespectueuse,polieetsuivezsesdirectives.S’ilcherchedelacompagnie,vouspouvezluiproposeruncâlin.Lesexen’estpasrequis.

Elleveutque je fasseuncâlinauclientquand ilveutbaiser? J’éclatede rireen imaginant lascène.«Salutbeaugosse,tuveuxdespapouilles?»

5.Lesexeavec lesclientsn’estpas inclusdans lecontrat.Sivouschoisissezde leproposer,cela relève de votre choix, et la société Escorts Exquises ne peut être tenue pour responsable.Toutefois, nous exigeonsquenos escorts soient sous contraceptif, quelle que soit la forme, et nouspouvonsendemanderlapreuveàtoutmoment.Untestsanguinpeutêtreexigé.

D’oùellesortcesâneries,bonsang?Sansrire!Ellepensevraimentquebeaucoupdefemmesvoudraienttomberenceintesd’unhommequ’ellesviennentderencontrer?Aaaaah,maisoui,jeviensdecomprendre.Ils’agitd’hommesrichesetdefemmesstupides.Ehbien,jenefaispaspartiedecesfemmes.Dèsquemonpèreseraensécuritéetquesadetteserapayée,mavieredeviendranormale,mêmesiellenel’ajamaisvraimentété.

Uncoupd’œilàmonradioréveilmeditqu’ilestl’heuredepartir.Millievoulaitquejemerendechezleclientdansunedeseslimousines,maisjeluiaipromisquejem’yrendraisparmespropresmoyens.C’étaitunedemesconditions.Ellepensebiensûrquejevaisyallerentaxi,maisj’aidécidéde prendre mamoto. Si la première mission se passe bien, j’accepterai que les prochains clientsviennentmechercherchezmoi.

Vêtuedemonjeannoirleplussexyetd’unt-shirtassorti,j’enfilemonperfectoencuiretmescuissardes.JesaisqueMilliemetueraitsiellemevoyaithabilléeainsi,maisj’aienviedesurprendreWestonCharlesChanningIII.

Lemessagearriveenfin.

À:MiaSaundersDe:NuméroinconnuJ’aihâtedevousrencontrer.ElMatadorBeach,prèsdesmarchesquimènentàlaplage.Àtrès

vite.

Unpeumystérieux,vousnetrouvezpas?Ilmedemandedeleretrouveràlaplageàhuitheuresdumatin?JemedépêchededemanderàSirilesinstructionspourm’yrendre.ElMatadorBeachestàdixkilomètresaunord-estdeMalibu,àuneheurederoutedechezmoi.Jeregardemonstudiounedernièrefoisetjemedisquejel’airenduaussidouilletquepossible.C’estuntrentemètrescarrésdesplusbanalsoùlefutonquej’aiachetécinquantedollarsauvide-grenierducoinmesertdecanapé

etdelit,maisjen’aipaslesmoyensdelouerplusgrand.Lesmurssontd’unbeigedoux,etmêmesilesmeublessontloind’êtreassortis,l’ensembleestplutôtmignon.

C’estlepremierappartementoùjemesuissentiechezmoiet,maintenant,jedoislequitter.Jevide labouteilled’eauposéesur la tabledans lebambouquiestcenséporterbonheur.S’ilade lachance,ilsurvivra.Aumomentoùjepasselaportedechezmoi,jemerendscomptedetoutcequecettepauvreplanteetmoiavonsencommun.J’espèreque,moiaussi,jesurvivraiensonabsence.

***

Les gravillons du parking crépitent sous les roues de Suzi. Je m’arrête devant la rambardesurplombantlevideetj’aperçoislesmarchesquimènentàlapetiteplageisolée.Iln’yaqu’uneseulevoituregaréesurleparking–sansdouteparcequenoussommeslundietqu’àhuitheuresdumatin,lesgenssontàleurboulot.Jetrouveunpeuétrangederencontrermonclientici,maisaufond,celameplaît.Lavueestmagnifique.Lesvaguesbleues se cassent sur le rivageen formantdesnuagesblancsquis’éparpillentens’écrasantsurlesable.Depuisquej’aiemménagéàLosAngelesilyasixmois, jene suis allée à laplagequ’une seule fois. Je suisvenue icipourpercerdans lemilieuducinéma,paspourlabaignade.D’ailleursj’auraispuallern’importeoù–jevoulaissurtoutquitterLasVegas aussi vite que possible. Dans ma tête, l’océan était l’opposé de la sécheresse du désert deVegas,etc’estcecontrastequim’aplu.

J’aperçois un surfeur au loin, seul dans les vagues, et je le regarde glisser sur les rouleauxcommeunpro.Jenevoispersonned’autresurlaplage,etendehorsdeSuzietdelaJeep,leparkingestvide.Peut-êtrequ’iln’estpasencorearrivé?

Le surfeur prend une vague qui l’amène jusqu’à la plage et il descend tranquillement de saplanche.Ildoitvenirsouventiciouêtreprof?Pourtant,jenevoispasdecabanonindiquantqu’ilyauraituneécoledanslecoin.L’hommesecouelatêtepours’ébroueretildétachelaleashquirelielaplanche à sa cheville. Je suis trop loin pour distinguer ses traits,même lorsqu’il regarde dansmadirection. Je relève la visière de mon casque pour mieux le voir au moment où il défait sacombinaison,révélantunemassemouillée,épaisseetbronzée,demusclesexquis.Ildégagelehautdesoncorpsdelacombietlalaissependreàsataille,puisilprendsaplancheetremontelaplageentrottinant.

Fascinée,jeleregardeapprocherenreluquantsespectorauxangulairesetsesabdossculptés,jesaliveenremarquantlesgrainsdesablecolléssursapeauàl’endroitoùleVdesonbassindisparaîtdanssacombinaison.Jemedemandequelgoûtauraitsapeausijelaléchais…

Jesuissoudainvictimed’unegrosseboufféedechaleurquandilgravitlesmarches.Moncœurmartèledansmesoreillesetj’ail’impressionquec’estl’océanquirugitdansmoncasque–commequandvousêtesenvoitureetquequelqu’unouvreunefenêtre.

Lentement, j’enlève mon casque et secoue la tête pour libérer mes cheveux. Je retiens monsoufflelorsquelesurfeurs’arrêteenhautdesmarchesetmefixeavecdesyeuxintensesetavides.Ses

cheveuxtrempésgouttentsursesépaulesavantderuisselersuruntorsedigned’unestatuegrecque.Ilmereluquedebasenhaut,s’arrêtantsurmapoitrineavantdecroisermonregard.

—Quellebellesurprise!dit-ilensouriant.—Quellesurprise,eneffet!jerépondsenmeléchantleslèvres.IlsedirigeverslaJeepgriseetjemedisquecen’estpasunevoituretrèschèrepourquelqu’un

quiestprêtàdépensercentmilledollarspourvingt-quatrejoursavecmoi.Celadit,celle-cin’apasde toit, ce qui lui permet d’ymettre sa planche de surf sans problème.Est-ce que c’est léger, uneplanchedesurf?Jenelepensaispas,maisàlevoirfaire,çasemblepluslégerqu’uneplume.Ilcalelaplancheàl’arrièredesavoitureetjefrissonneenvoyantsesbicepssecontracter.Ildoitmesurerplusd’unmètrequatre-vingtsetilalecorpsd’unnageurquifaitquelquesheuresdemusculationparsemaine.

—VousêtesMia?Je descends demamoto etme dirige vers lui en prenant soin deme déhancher. Son regard

pétillantmeditqu’ilapprécie.—C’estbienmoi.VousêtesWestonCharlesChanningtroisièmedunom?jerépondsenlevant

troisdoigts.Ilritdoucementens’adossantàsaJeep,m’offrantunevueencoreplusattirantedesontorsenu.

Merde,ilestmagnifique.—Trois,répond-ilenimitantmongeste.Mesamism’appellentWes.—Et…sommes-nousamis?jedemanded’unevoixmoqueuse.—Jel’espère,MademoiselleMia,répondit-ilenmefaisantunclind’œil.IlmetourneledospourfouillerdanssaJeepetensortunt-shirtblanc.Il l’enfile,recouvrant

son corps splendide, et je suis à deux doigts de le remercier, car laBarbie enmoi disparaît pourlaissermoncerveaureprendresaplace.

—Vousêtesprête?demande-t-il.—Jesuisàvosordres,aprèstoutc’estvousquipayez,jerépondsensouriant.Wesmeregardedenouveaudehautenbas,puisilsecouelatête.—J’auraisbienproposédevousemmener,maisvousêtesdéjàvéhiculée,ondirait.—Eneffet.Jevoussuis.

ÀSUIVRE…