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RJF 10/19 OCTOBRE 2019 872 > 1000 Mensuel ISSN 2431-7616 PAGES Quand le juge ïŹscal se met au travail Chronique par Vincent VILLETTE, MaĂźtre des requĂȘtes au Conseil d’État À la suite d’une dĂ©cision du Conseil constitutionnel, le juge administratif, pour apprĂ©cier le traitement ïŹscal Ă  rĂ©server aux indemnitĂ©s de licenciement versĂ©es par des voies non contentieuses, a dĂ» s’improviser juge du travail. Quatre dĂ©cisions rendues par le Conseil d’État au cours de la derniĂšre annĂ©e permettent de mieux apprĂ©hender le rĂŽle exact imparti au juge de l’impĂŽt en cette matiĂšre. 1185 > Retenue Ă  la source sur les bĂ©nĂ©ïŹces des sociĂ©tĂ©s Ă©trangĂšres : incompatibilitĂ© avec le droit de l’UE 1225 > La majoration de la base d’imposition de certains revenus mobiliers est constitutionnelle 1267 > Plafonnement ISF-IFI : les bĂ©nĂ©ïŹces rĂ©alisĂ©s par une SCI non rĂ©partis sont pris en compte 1288 Assiette de la retenue Ă  la source sur les bĂ©nĂ©ïŹces des sociĂ©tĂ©s Ă©trangĂšres : bĂ©nĂ©ïŹces rĂ©putĂ©s distribuĂ©s ou distributions eïŹ€ectives ? Emmanuelle CORTOT-BOUCHER 1319 Recours pour excĂšs de pouvoir contre le refus par l’administration d’une option pour la constitution d’un groupe intĂ©grĂ© ? Romain VICTOR 1347 DOCTRINE DÉCISIONS CONCLUSIONS REVUE DE JURISPRUDENCE ET DES CONCLUSIONS FISCALES

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RJF 10/19OCTOBRE

2019

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ISSN

243

1-76

16

PAGES

Quand le juge fiscal se met au travailChronique par Vincent VILLETTE, MaĂźtre des requĂȘtes au Conseil d’État

À la suite d’une dĂ©cision du Conseil constitutionnel, le juge administratif, pour apprĂ©cier le traitement fiscal Ă  rĂ©server aux indemnitĂ©s de licenciement versĂ©es par des voies non contentieuses, a dĂ» s’improviser juge du travail. Quatre dĂ©cisions rendues par le Conseil d’État au cours de la derniĂšre annĂ©e permettent de mieux apprĂ©hender le rĂŽle exact imparti au juge de l’impĂŽt en cette matiĂšre. 1185

> Retenue Ă  la source sur les bĂ©nĂ©fices des sociĂ©tĂ©s Ă©trangĂšres :incompatibilitĂ© avec le droit de l’UE 1225

> La majoration de la base d’imposition de certains revenusmobiliers est constitutionnelle 1267

> Plafonnement ISF-IFI : les bénéfices réalisés par une SCInon répartis sont pris en compte 1288

Assiette de la retenue à la source sur les bénéfices des sociétés étrangÚres : bénéfices réputés distribués ou distributions effectives ? Emmanuelle CORTOT-BOUCHER 1319

Recours pour excĂšs de pouvoir contre le refus par l’administration d’une option pour la constitution d’un groupe intĂ©grĂ© ? Romain VICTOR 1347

DOCTRINE

DÉCISIONS

CONCLUSIONS

REVUE DE JURISPRUDENCE ET DES CONCLUSIONS FISCALES

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SAS au capital de 241 608 €PPrinrPpa prrnnrp : Éditions Francis Lefebvre Sarrut

PPprrdeit et drPenteuP de ap Pubarnptrni : Renaud LEFEBVREPerPnirpbae de ap Pubarnptrni : Dominique GAILLARD

NumĂ©ro Commission paritaire : 1020 T 79965Imprimerie Chirat - 744 rue de Sainte Colombe - 42540 Saint Just la PendueDĂ©pĂŽt lĂ©gal : octobre 2019Conception graphique : L’Atelier Martine FichterPublication mensuelle Prix de l’abonnement 2019 : 765,76 € Prix au numĂ©ro : 81,68 € Reliure pour les numĂ©ros de l’annĂ©e : 35,74 €

Caractéristiques environnementales : SuÚde ; sans fibres recyclées ; certification PEFC ; eutrophisation : 30 g/t

© Éditions Francis Lefebvre 2019Reproduction, mĂȘme partielle, interdite sans autorisation

42, rue de Villiers92532 Levallois-Perret Cedex

TĂ©l.: 01 41 05 22 00Fax : 01 41 05 22 30

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RJF 10/19

872 >1000

SOMMAIRE PAGES

L’ESSENTIEL 1182

DOCTRINE

CHRONIQUEQuand le juge fiscal se met au travailVincent Villette 1185

DÉCISIONS

Sommaire détaillé des décisions 1195ImpÎt sur le revenu global 1196Bénéfices industriels et commerciaux 1196ImpÎt sur les sociétés 1206Taxe sur la valeur ajoutée 1215ImpÎts divers à la charge des entreprises 1216Bénéfices non commerciaux 1218Traitements et salaires 1219Revenus de capitaux mobiliers 1224Fiscalité immobiliÚre 1230Fiscalité locale 1236RÚgles communes à divers impÎts 1250Contentieux 1267Peines correctionnelles 1285Recouvrement 1285Enregistrement, IFI, ISF, timbre et droits assimilés 1288Taxes et prélÚvements divers 1289Droit européen 1302

CONCLUSIONS

Sommaire détaillé des conclusions 1307

ABRÉVIATIONS 1355TABLE CHRONOLOGIQUE DES DÉCISIONS 3 de couverture

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>

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RJF 10/19

1182 © Éditions Francis Lefebvre

L’ESSENTIEL

La plus-value de cession d’un fonds par l’absorbĂ©e pendant la pĂ©riode intercalaire peut ĂȘtre exonĂ©rĂ©eSe fondant sur le caractĂšre intercalaire des fusions placĂ©es sous le rĂ©gime spĂ©cial, la cour de Lyon autorise une sociĂ©tĂ© absorbante Ă  demander l’exonĂ©ration de la plus-value rĂ©ali-sĂ©e par la sociĂ©tĂ© absorbĂ©e Ă  l’occasion de la cession de son fonds de commerce Ă  un tiers intervenue pendant la pĂ©riode de rĂ©troactivitĂ©.CAA Lyon 29-1-2019 no 17LY00789, StĂ© Arverne Participations

ExpatriĂ©s : la durĂ©e d’activitĂ© Ă  l’étranger comprend les congĂ©s placĂ©s sur un compte Ă©pargne-tempsLes congĂ©s de rĂ©cupĂ©ration sont pris en compte pour le calcul de la durĂ©e totale d’activitĂ© d’un salariĂ© envoyĂ© Ă  l’étranger par son employeur, y compris lorsqu’ils sont placĂ©s sur un compte Ă©pargne-temps.CE 3e-8e ch. 24-6-2019 no 419679

Retenue Ă  la source sur les bĂ©nĂ©fices des sociĂ©tĂ©s Ă©trangĂšres : l’assiette est limitĂ©e Ă  la base lĂ©galeLa retenue Ă  la source sur les bĂ©nĂ©fices rĂ©alisĂ©s en France par une sociĂ©tĂ© Ă©trangĂšre est calculĂ©e sur les bĂ©nĂ©fices rĂ©putĂ©s distribuĂ©s au sens de l’article 115 quinquies du CGI. L’administration ne peut retenir une assiette supĂ©rieure Ă  cette base lĂ©gale.CE 3e-8e ch. 24-6-2019 no 413156, StĂ© Estienne d’Orves

Retenue Ă  la source sur les bĂ©nĂ©fices des sociĂ©tĂ©s Ă©trangĂšres : incompatibilitĂ© avec le droit de l’UELe mode de calcul de la retenue Ă  la source due par les sociĂ©tĂ©s Ă©trangĂšres qui rĂ©alisent des bĂ©nĂ©fices en France via un Ă©tablissement stable constitue une entrave Ă  la libertĂ© d’établissement.CE 9e-10e ch. 10-7-2019 no 412581, StĂ© Cofinimmo

La majoration de la base d’imposition de certains revenus mobiliers est constitutionnelleLe Conseil constitutionnel juge conforme Ă  la Constitution la majoration de 25 % de la base d’imposition des distributions occultes ou des revenus rĂ©putĂ©s distribuĂ©s.Cons. const. 28-6-2019 no 2019-793 QPC

BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUXBÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX

DĂ©cisions >875Conclusions @ C 875

TRAITEMENTS ET SALAIRESTRAITEMENTS ET SALAIRES

DĂ©cisions >903Conclusions @ C 903

REVENUS DE CAPITAUX MOBILIERSREVENUS DE CAPITAUX MOBILIERS

DĂ©cisions >905Conclusions C 905

DĂ©cisions >906Conclusions C 906

DĂ©cisions >951

Page 5: DOCTRINE PAGES

10/19 RJF

1183© Éditions Francis Lefebvre

La cotisation minimum de CFE est Ă©tablie au lieu oĂč l’activitĂ© s’exerce Ă  titre principalLa cotisation minimum de CFE doit ĂȘtre Ă©tablie dans la commune oĂč l’entreprise exerce son activitĂ© Ă  titre principal, qui n’est pas nĂ©cessairement celle oĂč se situe son siĂšge social.CE 9e-10e ch. 10-7-2019 no 413947, StĂ© RhĂŽne-Alpes Papiers PeintsCE 9e-10e ch. 10-7-2019 no 413946, StĂ© Coloralp

Une vĂ©rification de comptabilitĂ© peut emporter rectification de taxes postĂ©rieures Ă  la pĂ©riode visĂ©eLe Conseil d’État continue d’étoffer sa jurisprudence relative aux conditions dans les-quelles une taxe peut ĂȘtre Ă©tablie, Ă  l’issue d’une vĂ©rification de comptabilitĂ©, au titre d’une pĂ©riode n’incluant pas celle indiquĂ©e dans l’avis de vĂ©rification.CE 9e-10e ch. 19-6-2019 no 413276, SNC Parkings du Polygone

Une exception sous condition Ă  l’obligation de communication de documents obtenus de tiersSous certaines conditions, le Conseil d’État dispense l’administration de transmettre les documents obtenus d’une sociĂ©tĂ© dont le reprĂ©sentant lĂ©gal lui demande ensuite la com-munication dans le cadre du contrĂŽle de son foyer fiscal.CE 10e-9e ch. 27-6-2019 no 421373, min. c/ A.

Le refus d’accĂšs au rĂ©gime de groupe peut faire l’objet d’un recours pour excĂšs de pouvoirLe refus opposĂ© par l’administration, pour dĂ©faut de respect des conditions d’applica-tion, Ă  l’option pour la constitution d’un groupe intĂ©grĂ© qui lui a Ă©tĂ© notifiĂ©e peut faire l’objet d’un recours pour excĂšs de pouvoir.CE 8e-3e ch. 1-7-2019 no 421460, StĂ© Biomnis

Plafonnement ISF-IFI : les bĂ©nĂ©fices rĂ©alisĂ©s par une SCI non rĂ©partis sont pris en comptePour le calcul du plafonnement de l’impĂŽt sur la fortune dont est redevable un associĂ© d’une sociĂ©tĂ© de personnes, la quote-part de bĂ©nĂ©fices sociaux lui revenant doit ĂȘtre prise en compte, mĂȘme si ces bĂ©nĂ©fices n’ont pas Ă©tĂ© distribuĂ©s.Cass. com. 28-3-2019 no 17-23.671 FS-PB

FISCALITÉ LOCALEFISCALITÉ LOCALE

DĂ©cisions >924Conclusions @ C 924

RÈGLES COMMUNES À DIVERS IMPÔTSRÈGLES COMMUNES À DIVERS IMPÔTS

DĂ©cisions >940Conclusions C 940

DĂ©cisions >942Conclusions C 942 et 975

CONTENTIEUXCONTENTIEUX

DĂ©cisions >965Conclusions C 965

ENREGISTREMENT, IFI, ISF, TIMBRE ET DROITS ASSIMILÉSENREGISTREMENT, IFI, ISF, TIMBRE ET DROITS ASSIMILÉS

DĂ©cisions >983

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1185© Éditions Francis Lefebvre

CHRONIQUECHRONIQUE

Quand le juge fiscal se met au travail

Vincent VILLETTEMaĂźtre des requĂȘtes au Conseil d’État

À la suite d’une dĂ©cision du Conseil constitutionnel, le juge administratif, pour apprĂ©cier le traitement fiscal Ă  rĂ©server aux indemnitĂ©s de licenciement versĂ©es par des voies non contentieuses, a dĂ» s’improviser juge du travail. Quatre dĂ©cisions rendues par le Conseil d’État au cours de la derniĂšre annĂ©e permettent de mieux apprĂ©hender le rĂŽle exact imparti au juge de l’impĂŽt en cette matiĂšre.

> CE 5-7-2018 no 401157 : RJF 11/18 no 1100, concl. Vincent Daumas p. 1488 (C 1100) ;

> CE 30-1-2019 no 414136 : RJF 4/19 no 333, concl. Aurélie Bretonneau p. 524 (C 333) ;

> CE 13-3-2019 no 408498 : RJF 6/19 no 539, concl. Laurent Cytermann @ (C 539) ;

> CE 7-6-2019 no 419455 : RJF 8-9/19 no 782, concl. Anne Iljic p. 1163 (C 782).

Si le juge de l’impĂŽt est peu habituĂ© aux subtilitĂ©s du droit du travail, il a Ă©tĂ© amenĂ©, incidemment, Ă  en connaĂźtre au travers du sort fiscal Ă  rĂ©server aux indemnitĂ©s de licenciement. Depuis juillet 2018, le Conseil d’État a ainsi rendu quatre dĂ©cisions qui prĂ©cisent les contours de l’office du juge en cette matiĂšre. Les explorer permet de mesurer, Ă  l’aune tant des principes fixĂ©s que des solutions d’espĂšce retenues, la singularitĂ© du rĂŽle ici dĂ©volu au juge administratif.

D’une casuistique subtile du juge administratif aux catĂ©gorisations lĂ©gislatives Mais avant d’en venir Ă  ces dĂ©cisions rĂ©centes, deux sĂ©ries de rap-pels semblent nĂ©cessaires.

En premier lieu, il convient de revenir briĂšvement sur l’évolution du cadre juridique pertinent. En l’absence de dispositions lĂ©gis-latives, c’est la jurisprudence du Conseil d’État qui a longtemps façonnĂ© le traitement fiscal des indemnitĂ©s de licenciement. Pour faire Ă©cho Ă  l’analyse qu’en proposait l’un de nos prĂ©dĂ©cesseurs(1) au dĂ©but des annĂ©es 1990, cette construction prĂ©torienne Ă©tait alors traversĂ©e par deux tendances fortes et divergentes. D’une part, en thĂ©orie, un principe clairement fixĂ© : l’indemnitĂ© Ă©tait imposĂ©e en tant qu’elle rĂ©parait la perte de salaire subie, et non imposĂ©e en tant qu’elle recouvrait des prĂ©judices autres que pĂ©cu-niaires. Ainsi que l’expliquait C. Legras dans ses conclusions sur la dĂ©cision M. G.(2), cette approche traduisait en quelque sorte le fait que l’indemnitĂ© Ă©tait, dans sa premiĂšre facette, un substi-tut de revenu et, dans la seconde, une compensation de la perte en capital humain. D’autre part, et en pratique, une casuistique fine – en fonction des circonstances de chaque espĂšce et sans critĂšres juridiques positifs clairs – qui conduisait en dĂ©finitive le Conseil d’État Ă  se muer en « juge de paix » lorsqu’il qualifiait les

(1) IndemnitĂ©s de licenciement : quand le Conseil d’État se fait juge de paix, J. Turot, RJF 4/91 p. 235.

(2) CE 24-6-2013 no 365253, M. G. : RJF 10/13 no 963.

indemnitĂ©s en litige, au dĂ©triment de la cohĂ©rence d’ensemble de sa jurisprudence.

C’est pour remĂ©dier Ă  cette imprĂ©visibilitĂ©(3) que le lĂ©gislateur a souhaitĂ© intervenir en 1999. S’il a posĂ©, par la loi(4) de finances pour 2000, le principe d’une imposition de « toute indemnitĂ© versĂ©e Ă  l’occasion de la rupture du contrat de travail », celui-ci a Ă©tĂ© immĂ©diatement assorti d’un certain nombre d’exceptions. L’article 80 duodecies du CGI a ainsi prĂ©vu un systĂšme com-plexe, voire byzantin(5), d’exonĂ©rations – qui reprĂ©senteraient une dĂ©pense fiscale globale de l’ordre de 300 millions d’euros(6). A d’abord Ă©tĂ© instaurĂ©e une exonĂ©ration totale Ă  hauteur de la fraction correspondant au montant prĂ©vu par la convention collective de branche, l’accord professionnel ou, Ă  dĂ©faut, par la loi. Pour le surplus, une exonĂ©ration supplĂ©mentaire a Ă©galement Ă©tĂ© instituĂ©e Ă  hauteur de la plus grande de deux rĂ©fĂ©rences(7). Enfin, d’une part, un montant en valeur absolue a Ă©tĂ© fixĂ© au-delĂ  duquel – en toute hypothĂšse – l’indemnitĂ© se voit forcĂ©ment taxĂ©e ; d’autre part, certaines indemnitĂ©s ont Ă©tĂ© par principe

(3) Dont on trouve un Ă©cho plus saillant encore dans les dĂ©bats houleux qui ont longtemps agitĂ© la doctrine privatiste quant Ă  la nature des indemnitĂ©s de licenciement (salariale, indemnitaire, compensatoire) – Voir sur ce point Propos hĂ©tĂ©rodoxes sur l’indemnitĂ© de licenciement, J. Icard, JCP S 2014, act. 393.

(4) Loi 99-1172 du 30 dĂ©cembre 1999 de finances pour 2000.(5) Pour reprendre l’expression retenue par L. Stankiewicz dans la Revue

française de droit constitutionnel (2014/1 no 97), dans le commentaire consacré à la décision Cons. const. 20-9-2013 no 2013-340 QPC.

(6) Avec une marge d’erreur non nĂ©gligeable compte tenu du caractĂšre clairsemĂ© des donnĂ©es publiques disponibles. Voir nĂ©anmoins : le chif-frage rĂ©alisĂ© par l’inspection gĂ©nĂ©rale des finances (IGF), dans le rap-port du comitĂ© d’évaluation des dĂ©penses fiscales et des niches sociales (juin 2011) et le montant chiffrĂ© dans le projet de loi de finances pour 2016 (285 M€) Ă©voquĂ© dans le rĂ©fĂ©rĂ© de la Cour des comptes du 11 oc-tobre 2016, relatif au rĂ©gime fiscal et social des indemnitĂ©s de licencie-ment et de rupture conventionnelle du contrat de travail.

(7) Le double de la rĂ©munĂ©ration brute perçue l’annĂ©e prĂ©cĂ©dant la rup-ture du contrat, ou la moitiĂ© des indemnitĂ©s de licenciement versĂ©es.

DOCTRINE

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1186 © Éditions Francis Lefebvre

exonĂ©rĂ©es au motif, soit qu’elles venaient rĂ©parer un prĂ©judice important subi par le salariĂ© (le licenciement sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse ou le licenciement entachĂ© de nullitĂ© Ă  raison de har-cĂšlement, par exemple), soit qu’elles se rattachaient Ă  un com-portement que le Parlement souhaitait encourager (par exemple les dĂ©parts volontaires dans le cadre d’une rupture convention-nelle collective ou d’un plan social, en ce qu’ils permettent d’évi-ter les dĂ©parts contraints). Au total, ce traitement fiscal nuancĂ© traduisait le souci du lĂ©gislateur, non pas tant de contrebattre la jurisprudence du Conseil d’État(8) que de la formaliser pour amĂ©liorer la sĂ©curitĂ© juridique, afin que le salariĂ© soit en mesure de dĂ©terminer la somme dont il aurait effectivement la jouis-sance au moment de la nĂ©gociation du montant de son indem-nitĂ© de rupture.

Mais ces dispositions lĂ©gislatives ont, Ă  leur tour, Ă©tĂ© sous le feu des critiques en raison de leur manque de lisibilitĂ© et d’équitĂ©(9). La Cour des comptes a notamment suggĂ©rĂ©, en 2016(10), de mettre fin Ă  « l’opacitĂ© de ce dispositif complexe », en alignant et en abaissant le plafond d’exonĂ©ration pour toutes les indem-nitĂ©s de licenciement. Pour autant, si plusieurs lois ultĂ©rieures ont modifiĂ© certains paramĂštres de ce rĂ©gime fiscal – en rĂ©ac-tion notamment Ă  des Ă©volutions plus gĂ©nĂ©rales du droit du travail (introduction des ruptures conventionnelles(11), etc.) –, son Ă©conomie gĂ©nĂ©rale n’a pas Ă©tĂ© significativement bouleversĂ©e depuis lors.

En second lieu, quelques statistiques permettent de mieux apprĂ©-hender l’ampleur du sujet. Si le nombre total de licenciements ne fait pas, Ă  notre connaissance, l’objet de statistiques officielles(12), il peut ĂȘtre reconstituĂ© Ă  partir des statistiques de la Dares : il se serait ainsi Ă©levĂ© Ă  un peu plus d’un million en 2017, dont environ 75 000 pour motif Ă©conomique (contre environ 420 000 ruptures conventionnelles(13)). Les licenciements comptaient ce faisant pour 21,7 % des ruptures anticipĂ©es du contrat (contre prĂšs de 40 % pour les dĂ©missions(14), et 9 % pour les ruptures conventionnelles), soit 16,6 points de moins qu’en 1993. Enfin, la judiciarisation des licenciements reste mesurĂ©e puisque le taux de contestation des licenciements individuels, proche de celui de l’Allemagne, oscille entre 25 et 30 %, tandis qu’il chute Ă  3 % pour les licenciements Ă©conomiques(15).

(8) La part des indemnitĂ©s censĂ©e reflĂ©ter la rĂ©paration d’un prĂ©judice autre que la perte de salaires se retrouvant encore peu ou prou exonĂ©-rĂ©e.

(9) Cf. le rapport prĂ©citĂ© de juin 2011 du comitĂ© d’évaluation des dĂ©penses fiscales et des niches sociales.

(10) Référé du 11 octobre 2016, relatif au régime fiscal et social des indem-nités de licenciement et de rupture conventionnelle du contrat de tra-vail.

(11) Ces ruptures, dont la loi prĂ©cise qu’elles sont « exclusives du licencie-ment ou de la dĂ©mission » (art. L 1237-11 du Code du travail) font l’objet d’un traitement fiscal propre au 6o du 1 de l’article 80 duodecies, et ne sont donc pas concernĂ©es par les dĂ©veloppements de la prĂ©sente chronique.

(12) MĂȘme s’il peut ĂȘtre dĂ©terminĂ© approximativement Ă  partir des motifs d’inscription Ă  PĂŽle emploi, dont les chiffres sont publiĂ©s chaque tri-mestre.

(13) https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2019-008.pdf.(14) https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2018-026v2.pdf.(15) Voir « Déjudiciariser les licenciements : des économistes au légis-

lateur », T. Kirat, ReVoir TraVoir 2019.242. Pour des chiffres infé-rieurs quoique proches (respectivement autour de 20 et 2 %, Voir « La rupture conventionnelle : objets officiels versus enjeux implicites », N. Berta, Camille Signoretto et J. Valentin, Revue française de socio-économie, 2012/1 no 9, p. 191-208).

Des catégorisations législatives à une casuistique subtile du juge constitutionnel

Tirant toutes les consĂ©quences de l’esprit comme de la lettre de ces nouvelles dispositions lĂ©gislatives, le Conseil d’État a logiquement jugĂ© que toute indemnitĂ© perçue Ă  l’occasion de la rupture du contrat de travail est imposable, sauf si elle correspond Ă  l’une des indemnitĂ©s exonĂ©rĂ©es par dĂ©termination de la loi(16). En quelque sorte le lĂ©gislateur, en formalisant le rĂ©gime applicable aux indem-nitĂ©s de licenciement, a dans le mĂȘme mouvement pĂ©trifiĂ© la marge de manƓuvre du juge, de sorte que les ruptures n’entrant pas dans les clous des dĂ©rogations prĂ©vues Ă  l’article 80 duodecies se retrou-vaient nĂ©cessairement soumises Ă  l’impĂŽt. C’est ainsi que, dans le silence des textes, les indemnitĂ©s versĂ©es Ă  la suite d’une transac-tion (le cas Ă©chĂ©ant aprĂšs prise d’acte) ou d’une sentence rendue par un arbitre intervenant en tant qu’amiable compositeur se sont vues destinĂ©es Ă  la taxation systĂ©matique(17), lĂ  oĂč auparavant le juge se dĂ©terminait en fonction de ce que l’indemnitĂ© litigieuse avait vocation Ă  rĂ©parer, indĂ©pendamment de son origine(18).

En rĂ©action, des contribuables n’ont pas tardĂ© Ă  contester cette taxation systĂ©matique nouvelle au regard du principe d’égalitĂ©, par le biais d’une QPC(19). Le Conseil constitutionnel, dĂ©celant oppor-tunĂ©ment dans l’analyse, pourtant littĂ©rale, du Conseil d’État un changement de circonstance de droit de nature Ă  justifier un rĂ©exa-men de l’article 80 duodecies qu’il avait eu Ă  connaĂźtre dans le cadre de son contrĂŽle a priori, a Ă©tendu la portĂ©e de cet article par le biais d’une rĂ©serve d’interprĂ©tation constructive. Il a en effet jugĂ©(20) que les dispositions de l’article 80 duodecies « ne sauraient, sans instituer une diffĂ©rence de traitement sans rapport avec l’objet de la loi, conduire Ă  ce que le bĂ©nĂ©fice [des exonĂ©rations prĂ©vues par cet article] varie selon que l’indemnitĂ© a Ă©tĂ© allouĂ©e en vertu d’un jugement, d’une sentence arbitrale ou d’une transaction ; qu’en particulier, en cas de transaction, il appartient Ă  l’administra-tion et, lorsqu’il est saisi, au juge de l’impĂŽt de rechercher la quali-fication Ă  donner aux sommes objet de la transaction ».

Cette solution revenait donc Ă  inviter l’administration, et Ă  sa suite le juge, Ă  se dĂ©terminer en fonction du motif sous-jacent de l’in-demnitĂ© litigieuse, en neutralisant les modalitĂ©s de son allocation. Par cette dĂ©cision, il est probable que le Conseil constitutionnel a Ă©tĂ© sensible au fait que l’interprĂ©tation littĂ©rale « en arrivait Ă  ce paradoxe que le salariĂ© qui prĂ©fĂ©rait composer pour Ă©viter de traĂźner son employeur devant les prud’hommes Ă©tait rĂ©compensĂ© par une sanction fiscale » (21). Il a, ce faisant, voulu Ă©viter qu’un double standard fiscal freine « les tendances actuelles [du droit du

(16) Voir notamment : CE 5-5-2010 no 309803, Arribart : RJF 7/10 no 677, concl. P. Collin BDCF 7/10 no 77.

(17) Voir par une lecture a contrario de la dĂ©cision CE 20-6-2012 no 345120, min. c/ Lavannant : RJF 10/12 no 914, Ă©clairĂ©e par les conclusions de V. Daumas BDCF 10/12 no 113, qui admet de tenir compte, pour l’ap-plication de l’article 80 duodecies, d’une sentence arbitrale seulement parce qu’elle a Ă©tĂ© rendue conformĂ©ment Ă  l’article L 122-14-4 du Code du travail.

(18) Voir, Ă  propos d’une indemnitĂ© transactionnelle, CE 6-1-1984 no 32528, Banque de l’Union europĂ©enne : RJF 3/84 no 287 ou en-core CE 27-10-2010 no 315056, Scherrer : RJF 1/11 no 67. À propos d’une sentence arbitrale : CE 15-10-1982 no 29057, StĂ© X : RJF 12/82 no 1106.

(19) CE 24-6-2013 no 365253 : RJF 10/13 no 963.(20) Cons. const. 20-9-2013 no 2013-340 QPC : RJF 12/13 no 1162.(21) Le sort fiscal des indemnités de licenciement abusif en cas de rupture

négociée du contrat de travail : retour vers le futur, JP. Looten, Les nouvelles fiscales, no 1161, 1-9-2015.

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travail], libĂ©rant la volontĂ© du travailleur et privilĂ©giant les alterna-tives aux voies contentieuses » (22), ce d’autant plus que la justice du travail est confrontĂ©e Ă  des difficultĂ©s persistantes, tenant notam-ment Ă  l’imprĂ©visibilitĂ© de ses dĂ©cisions(23), Ă  d’importants dĂ©lais de jugement (16,3 mois en moyenne en 2018) et Ă  un taux d’appel extrĂȘmement fort (66,7 % en 2016 contre 5,7 % pour les tribunaux d’instance ou 21,6 % pour les tribunaux de grande instance(24)). Pour autant une telle rĂ©serve d’interprĂ©tation, quoique assise sur de solides considĂ©rations d’opportunitĂ©, a aussi emportĂ©, Ă  l’usage, deux inconvĂ©nients. D’une part, elle recrĂ©e une imprĂ©visibilitĂ© Ă  laquelle le lĂ©gislateur avait prĂ©cisĂ©ment entendu remĂ©dier. D’autre part, elle conduit le juge administratif de l’impĂŽt Ă  endosser les habits prud’homaux, pour ensuite tirer les consĂ©quences fiscales de la qualification qu’il aura retenue au regard d’un droit du travail dont il n’est pas le juge naturel. Ce sont ces nouveaux dĂ©fis que les dĂ©cisions commentĂ©es se sont efforcĂ©es de relever.

Le Conseil d’État retient un rĂ©gime de preuve objective

En s’émancipant de la stricte application de la loi, le Conseil consti-tutionnel a donc ouvert la voie Ă  un dĂ©bat sur la qualification des indemnitĂ©s allouĂ©es par des voies non contentieuses. Le Conseil d’État a d’emblĂ©e marquĂ© sa vigilance sur le sujet, puisqu’il a choi-si d’exercer en cassation un contrĂŽle de qualification juridique tant sur la notion de rupture de contrat revĂȘtant le caractĂšre d’un licenciement(25) que sur la cause du licenciement(26).

S’est rapidement posĂ©e la question du rĂ©gime de preuve appli-cable Ă  ce nouveau dĂ©bat contentieux, s’agissant en particulier du point de savoir si une indemnitĂ© allouĂ©e Ă  la suite d’une tran-saction pouvait ĂȘtre regardĂ©e comme une indemnitĂ© pour licen-ciement sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse, Ă  ce titre totalement exo-nĂ©rĂ©e. Par une dĂ©cision du 5 juillet 2018(27), le Conseil d’État a tranchĂ© cette premiĂšre interrogation en optant pour un rĂ©gime de preuve objective.

À la lumiĂšre des conclusions du rapporteur public V. Daumas, ce choix semble tout autant le fruit d’un raisonnement par Ă©li-mination que d’un raisonnement par choix(28). Par Ă©limina-tion d’abord. Exiger du contribuable qu’il dĂ©montre que son

(22) La transaction en droit du travail : quelle autonomie au regard du droit commun ?, J. Mouly, RJS 7/19 p. 499.

(23) Voir Déjudiciariser les licenciements : des économistes au législateur, T. Kirat, RD Trav. 2019 p. 242.

(24) Les chiffres citĂ©s sont issus de : Sur la justice prud’homale, Rapport d’information sĂ©natorial no 653, https://www.senat.fr/rap/r18-653/r18-653_mono.html#toc116.

(25) CE 24-1-2014 no 352949, Jarnoux : RJF 4/14 no 335, concl. C. Legras BDCF 4/14 no 42.

(26) CE 13-3-2019 no 408498 : RJF 6/19 no 539, concl. L. Cytermann @ (C 539).(27) CE 5-7-2018 no 401157 : RJF 11/18 no 1100, concl. V. Daumas p. 1488

(C 1100).(28) À la lumiĂšre de ces considĂ©rations, il est logique qu’un rĂ©gime de

preuve diffĂ©rent ait Ă©tĂ© retenu en cas de prise d’acte. En effet, dans cette hypothĂšse, la rupture du contrat de travail est Ă  l’initiative du salariĂ©, et l’alternative se prĂ©sente alors en deux branches : soit ce sala-riĂ© dĂ©montre qu’une telle rupture est en rĂ©alitĂ©, compte tenu de l’atti-tude de son employeur, assimilable Ă  un licenciement sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse, soit il n’y parvient pas et alors cette rupture est regardĂ©e comme une dĂ©mission. Suivant la Cour de cassation (Cass. soc. 28-11-2006 no 05-43.901 D), le Conseil d’État a dĂ©duit de cette configuration particuliĂšre que la charge de la preuve pesait en ce cas sur le salariĂ© (CE 1-4-2015 no 365253 : RJF 6/15 no 487, concl. M.-A. Nicolazo de Barmon BDCF 6/15 no 69).

employeur « n’avait aucune bonne raison de le licencier » serait revenu Ă  faire peser sur lui une charge de la preuve nĂ©gative, voie dans laquelle le juge ne s’engage qu’avec rĂ©ticences. À l’inverse, exiger ce premier pas de l’administration n’aurait pas Ă©tĂ© rĂ©aliste, compte tenu de son faible niveau d’informations quant aux cir-constances entourant la rupture du contrat. Par choix, ensuite. Outre la rĂ©daction mĂȘme de la rĂ©serve d’interprĂ©tation, qui plai-dait plutĂŽt pour un rĂ©gime objectif, la solution ici retenue cor-respond Ă  l’esprit dans lequel le Conseil d’État s’est « rĂ©solument orientĂ© » (29) dĂšs lors qu’est discutĂ©e l’application d’un rĂ©gime d’exonĂ©ration(30). Au surplus, ce rĂ©gime de preuve correspond aussi Ă  celui en vigueur devant le juge du travail : depuis la loi(31) du 13 juillet 1973 qui a tirĂ© les consĂ©quences du caractĂšre inĂ©ga-litaire du droit du travail(32), la charge de la preuve n’incombe plus spĂ©cialement Ă  l’une des parties – c’est-Ă -dire, pour reprendre le mot du prĂ©sident Laroque(33), qu’« elle incombe au juge » (34).

Ce cadre probatoire a depuis Ă©tĂ© confirmĂ© par une seconde dĂ©cision du 30 janvier dernier(35) sous l’empire d’une version de l’article 80 duodecies ultĂ©rieure Ă  celle ayant fait l’objet de la rĂ©serve d’interprĂ©tation. DĂšs lors que ces dispositions Ă©taient en substance identiques, le Conseil d’État a sans surprise repris la solution dĂ©gagĂ©e Ă  propos de l’ancien texte mais sans pour au-tant se fonder explicitement sur la dĂ©cision QPC. Ce faisant, il a confirmĂ© sa jurisprudence de section Lesourd(36) qui, tout en en reprenant la substance, se refuse formellement Ă  Ă©tendre « par ricochet » (37), Ă  des dispositions analogues postĂ©rieures(38), l’auto-ritĂ© absolue(39) de chose jugĂ©e attachĂ©e aux rĂ©serves d’interprĂ©-tation du Conseil constitutionnel. On notera toutefois que dans cette dĂ©cision, Ă  dĂ©faut d’un franc coup de chapeau Ă  son voi-sin de la rue de Montpensier, le Conseil d’État lui adresse une Ɠillade complice en mentionnant la Constitution dans les visas des textes.

(29) Pour reprendre les mots du président Goulard dans ses conclusions sur CE 26-2-2003 nos 223092-223293, Sté Pierre de Reynal et Cie : RJF 5/03 no 607 avec concl. G. Goulard p. 403.

(30) Voir par exemple : CE 27-7-2005 nos 273619 et 273620, Sté Fauba France : RJF 11/05 no 1173, concl. L. Olléon BDCF 11/05 no 129.

(31) Loi 73-680 portant modification du Code du travail en ce qui concerne la résiliation du contrat de travail à durée indéterminée.

(32) Auparavant, le contrat de travail, qui s’appelait « contrat de louage de service », Ă©tait rĂ©gi par les principes civilistes en vertu desquels « cha-cune des parties au contrat disposait du droit de rĂ©silier unilatĂ©rale-ment le contrat pour un motif qui lui Ă©tait propre, en respectant les rĂšgles de procĂ©dure prĂ©vues au contrat, sauf Ă  rĂ©pondre des abus de ce droit devant la justice » (conclusions d’E. Prada-Bordenave sur CE sect. 21-12-2001 no 224605 : RJS 3/02 no 304). Il incombait alors au salariĂ© qui estimait ĂȘtre victime d’une rupture abusive de son contrat de travail de prouver devant le juge l’abus commis par l’employeur dans l’exercice de son droit de licenciement.

(33) Ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation.(34) La preuve en droit du travail. Contestation du licenciement, convic-

tion et doute du juge prud’homal, L. Gamet, in La preuve : regards croisĂ©s, Dalloz, 2015, p. 29 s.

(35) CE 30-1-2019 no 414136 : RJF 4/19 no 333, concl. A. Bretonneau p. 524 (C 333).

(36) CE 22-6-2007 no 228206, Lesourd, p. 253.(37) Les rĂ©serves d’interprĂ©tation « par ricochet » : retour sur l’étendue

de l’autoritĂ© de chose jugĂ©e des dĂ©cisions du Conseil constitutionnel, J. Boucher et B. Bourgeois-Machureau, AJDA 2007.2130.

(38) Cette solution ne vaut pas s’agissant de dispositions antĂ©rieures : CE 28-1-2019 no 407421 : RJF 4/19 no 348, concl. É. Bokdam-Tognetti p. 531 (C 348).

(39) Sur l’autoritĂ© absolue s’agissant de rĂ©serves Ă©mises Ă  l’occasion d’une QPC : CE 26-3-2012 no 340466 : RJF 6/12 no 553.

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Les rĂšgles du jeu Ă©tant ainsi posĂ©es, restait alors le point le plus Ă©pineux, consistant pour le juge administratif de l’impĂŽt Ă  apprĂ©-cier la cause du licenciement lorsque l’indemnitĂ© est versĂ©e Ă  l’issue d’une transaction(40). La difficultĂ© Ă©tait double.

En premier lieu, on l’a dit, si l’indemnitĂ© a Ă©tĂ© versĂ©e Ă  l’issue d’une transaction, c’est par construction que le juge du tra-vail n’a pas eu Ă  connaĂźtre du litige. Certes, il est vrai que les dĂ©cisions de ce juge ne peuvent ĂȘtre (Ă  la diffĂ©rence de celles du juge pĂ©nal(41)) revĂȘtues de l’autoritĂ© absolue de chose jugĂ©e et que leur autoritĂ© relative ne trouve pas davantage Ă  jouer en matiĂšre fiscale, faute d’identitĂ© d’objet. Par ailleurs, on sait aussi qu’en principe le juge de l’impĂŽt ne se sent pas liĂ© par la qualification donnĂ©e par le juge judiciaire Ă  une indemnitĂ© al-louĂ©e au contribuable(42). Pour autant, dans le cas particulier de l’article 80 duodecies du CGI oĂč les exonĂ©rations sont dĂ©finies par simple renvoi au Code du travail, le juge de l’impĂŽt – en pratique sinon en pur droit – se sent liĂ© par l’autoritĂ© persuasive de la qualification retenue par le juge naturellement compĂ©tent, ainsi qu’en tĂ©moigne la dĂ©cision M. et Mme D(43) Ă©clairĂ©e par les conclusions d’E. Cortot-Boucher. En sens inverse, on relĂšvera d’ailleurs que, dans l’hypothĂšse oĂč le juge administratif annule une autorisation de licenciement d’un salariĂ© protĂ©gĂ© au mo-tif que les faits fautifs invoquĂ©s soit ne sont pas Ă©tablis, soit ne justifient pas la mesure de licenciement, la Cour de cassation, pour « assurer la cohĂ©rence du statut du salariĂ© protĂ©gĂ© et celle des dĂ©cisions administratives et judiciaires(44) » juge que cette dĂ©cision juridictionnelle « s’oppose Ă  ce que le juge judiciaire, apprĂ©ciant les mĂȘmes faits, dĂ©cide qu’ils constituent une cause rĂ©elle et sĂ©rieuse de licenciement » (45). Au total, sans dĂ©cision judiciaire, le juge administratif se retrouve donc privĂ© d’un re-pĂšre prĂ©cieux.

En second lieu, les spĂ©cificitĂ©s de la transaction accentuent encore cette premiĂšre difficultĂ©. DĂ©finie Ă  l’article 2044 du Code civil comme « un contrat par lequel les parties ter-minent une contestation nĂ©e ou prĂ©viennent une contestation Ă  naĂźtre », la transaction est nĂ©cessairement postĂ©rieure Ă  la rupture du contrat de travail(46). Sa validitĂ© suppose l’existence de concessions rĂ©ciproques(47), sur la suffisance desquelles la Cour de cassation exerce d’ailleurs un « contrĂŽle approfondi » (48) pour s’assurer « qu’aucun des protagonistes ne perde la face et s’incline seul » (49). Or cet Ă©quilibre qui doit se dĂ©gager du contrat, s’il est un « vĂ©ritable vecteur de pacification entre

(40) Étant entendu que la difficultĂ©, qui ne s’est pas encore prĂ©sentĂ©e au contentieux, sera Ă©quivalente lorsque le juge aura Ă  se confronter Ă  une sentence rendue par un arbitre intervenant en qualitĂ© d’amiable compositeur.

(41) Pour une rĂ©affirmation rĂ©cente, Voir CE sect. 16-2-2018 no 395371 : RJF 5/18 no 536, concl. É. CrĂ©pey p. 730 (C 536).

(42) Voir en ce sens CE 30-7-2003 no 221005, min. c/ Emmanuelli : RJF 11/03 no 1213, concl. C. Maugué BDCF 11/03 no 133.

(43) CE 22-5-2017 no 395440 : RJF 8-9/17 no 800, concl. E. Cortot- Boucher p. 1183 (C 800).

(44) C. Cass., rapport annuel 2007, p. 364.(45) Cass. soc. 30-6-2016 no 15-11.424 FS-PB : RJS 10/16 no 641.(46) Cass. soc. 16-5-2000 no 98-44.629 FS-D.(47) Voir, parmi de nombreux exemples, Cass. soc. 20-12-2017 no 16-

23.026.(48) La transaction en droit du travail : quelle autonomie au regard

du droit commun ?, J. Mouly, RJS 7/19 p. 499. Pour un exemple : Cass. soc. 25-6-1995 no 92-40.194 : RJS 8-9/95 no 889.

(49) Les concessions réciproques dans la transaction, C. Jarrosson, Recueil Dalloz 1997.267.

litigants » (50), miroite avec l’apprĂ©ciation que doit porter le juge de l’impĂŽt sur l’existence d’un licenciement sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse, qui elle repose davantage sur une logique mani-chĂ©enne – Ă  tout le moins binaire. Par ailleurs, la transaction n’étant encadrĂ©e par aucun formalisme prĂ©cis quant Ă  son contenu, l’employeur et le salariĂ© sont libres de lui donner la forme qu’ils souhaitent : elle peut notamment ĂȘtre rĂ©digĂ©e en des termes relativement vagues ou ambigus, ce qui rend alors d’autant plus dĂ©licate l’apprĂ©hension fine de la rĂ©alitĂ© sous-ja-cente. Du reste, il n’est pas non plus exclu que l’employeur et le salariĂ©, dans le cadre de leurs nĂ©gociations, s’accordent pour en biaiser la rĂ©daction Ă  des fins fiscales. En somme, le juge doit donc se fonder sur un document auquel il ne peut pas vraiment se fier(51).

Le Conseil d’État endosse son bleu de travailC’est cet univers incertain et peu familier que le Conseil d’État a commencĂ© de dĂ©fricher par la rĂ©solution de deux cas d’espĂšce as-sez emblĂ©matiques, et Ă  ce titre riches de plusieurs enseignements.

Avant de dĂ©tailler ces dĂ©cisions, rappelons en quelques mots les contours de la notion juridique autour de laquelle elles tour-neront pour l’essentiel : la cause rĂ©elle et sĂ©rieuse. Pour qu’un licenciement fondĂ© sur un motif personnel soit rĂ©gulier au fond, il faut a minima qu’une telle cause soit caractĂ©risĂ©e. Celle-ci, ap-prĂ©ciĂ©e Ă  la date du licenciement, repose en substance sur deux conditions cumulatives : sa rĂ©alitĂ©, ce qui revient Ă  exiger que la cause invoquĂ©e se traduise, de façon prĂ©cise, « par des manifes-tations extĂ©rieures, susceptibles de vĂ©rification » (52), et son carac-tĂšre sĂ©rieux, qui suppose « une certaine gravitĂ©, [rendant] impos-sible sans dommage pour l’entreprise la continuation du travail » (53). La caractĂ©risation d’une cause rĂ©elle et sĂ©rieuse n’est Ă©videm-ment pas subordonnĂ©e Ă  l’existence d’une faute grave ou lourde : la Cour de cassation juge ainsi qu’elle peut exister « mĂȘme en l’absence de faute grave, d’élĂ©ment intentionnel du grief et malgrĂ© son caractĂšre isolĂ© » (54). Elle peut, par exemple, prendre les traits d’une insuffisance professionnelle ou de rĂ©sultats.

Par la dĂ©cision du 5 juillet 2018 dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©e, le Conseil d’État avait tout d’abord Ă  connaĂźtre du cas d’un cadre, directeur de recherche d’un groupe pharmaceutique, qui avait Ă©tĂ© licenciĂ© pour faute par son entreprise pour s’ĂȘtre opposĂ© Ă  une rĂ©or-ganisation. L’intĂ©ressĂ© avait dans un premier temps saisi les prud’hommes, avant qu’une transaction ne mette fin au litige. Le contentieux fiscal s’était ensuite nouĂ© autour de la remise en

(50) La transaction en droit du travail : quelle place pour la liberté contrac-tuelle ?, C. Fourcade, Droit social 2007.166.

(51) PrĂ©cisons sur ce point que, dans son silence la rĂ©serve du Conseil constitutionnel nous paraĂźt couvrir toutes les transactions, qu’elles aient ou non Ă©tĂ© conclues aprĂšs saisine du juge du travail. Et, dans l’hypothĂšse oĂč la transaction a mis fin Ă  un litige prud’homal, il ne nous semble pas que le fait que l’ex-salariĂ© eut dĂ©jĂ  soutenu devant le juge du travail que son licenciement Ă©tait dĂ©pourvu de cause rĂ©elle et sĂ©rieuse puisse ĂȘtre pris en compte, ensuite, comme un indice par le juge de l’impĂŽt au moment de qualifier les indemnitĂ©s rĂ©sultant de cette transaction. Cette derniĂšre fait en quelque sorte Ă©cran : c’est seu-lement Ă  l’aune de l’équilibre rĂ©sultant de la transaction que le juge doit se dĂ©terminer.

(52) Droit du travail, J. Pélissier, A. Supiot et A. Jeammaud, 21e édition, 2002, Précis Dalloz, no 412 p. 519.

(53) Pour reprendre les mots du ministre du travail G. Gorse Ă  l’AssemblĂ©e nationale (AN 30-5-1973 p. 1699).

(54) Cass. soc. 25-4-1985 no 83-40-766 : Bull. civ. V no 261.

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cause, par l’administration, du caractĂšre non imposable de ces indemnitĂ©s, au motif que le licenciement procĂ©dait bien d’une cause rĂ©elle et sĂ©rieuse.

Pour porter cette apprĂ©ciation, le Conseil d’État – statuant comme juge d’appel – s’est fondĂ© sur la jurisprudence de la Cour de cassation, ainsi d’ailleurs que le fait ressortir sa motivation (qui s’adosse explicitement Ă  « une jurisprudence Ă©tablie du juge du travail »). En l’occurrence, le litige renvoyait Ă  la distinction – subtile car casuistique – entre la modification des conditions de travail, que l’employeur a Ă  sa main (le refus du salariĂ© Ă©tant alors constitutif d’une faute de nature Ă  justifier un licenciement), et la modification du contrat de travail, qui elle ne peut ĂȘtre dĂ©ci-dĂ©e unilatĂ©ralement. Le requĂ©rant avait en l’espĂšce pris ombrage d’une recomposition d’organigramme qui s’était traduite par la crĂ©ation d’un Ă©chelon intermĂ©diaire dans la hiĂ©rarchie. C’est cette opposition rĂ©solue qui, pour l’essentiel, avait justifiĂ© le licencie-ment. L’ex-salariĂ© faisait pour sa part valoir que les indemnitĂ©s litigieuses traduisaient in fine la prise de conscience, tardive, de la part de son employeur que cette rĂ©organisation s’assimilait en rĂ©alitĂ© Ă  un changement indu de son contrat de travail.

L’argumentation du requĂ©rant n’a toutefois pas prospĂ©rĂ©. Le juge du travail apprĂ©cie en effet de façon assez stricte la modification du contrat de travail, en exigeant qu’un de ses Ă©lĂ©ments essen-tiels soit affectĂ© (les missions confiĂ©es, la rĂ©munĂ©ration, le lien de subordination). Les exemples jurisprudentiels de cette approche stricte sont assez Ă©loquents, la Cour de cassation ayant acceptĂ© que le salariĂ© puisse perdre – Ă  la suite d’une reconfiguration de son poste – la responsabilitĂ© d’un ou plusieurs services dont il avait la charge(55), ou encore voir son autonomie financiĂšre et bud-gĂ©taire significativement rĂ©duite(56). S’agissant plus prĂ©cisĂ©ment du positionnement hiĂ©rarchique, la jurisprudence paraĂźt plus ambiguĂ«, car asymĂ©trique : si une rĂ©trogradation hiĂ©rarchique traduit une modification du contrat de travail(57), tel n’est pas le cas, en soi, de l’instauration d’un nouveau maillon dans la chaĂźne hiĂ©rarchique(58). Certes, ce double standard peut ne pas corres-pondre au sentiment de dĂ©classement Ă©prouvĂ©, dans les deux cas, par le salariĂ©(59). Pour autant, la solution retenue par le juge judiciaire a le mĂ©rite de la clartĂ©, et a dĂ©terminĂ© le Conseil d’État Ă  regarder, sans hĂ©sitation, ces indemnitĂ©s comme imposables.

PrĂ©cisons au passage que la qualification ainsi retenue au regard du droit interne a aussi eu des rĂ©percussions conventionnelles. En effet, le requĂ©rant Ă©tait devenu rĂ©sident britannique au cours de l’annĂ©e de perception des indemnitĂ©s litigieuses de la part de son entreprise française. Se posait dĂšs lors la question de savoir si les stipulations de la convention fiscale franco-britannique fai-saient ou non obstacle Ă  l’imposition en France de ces sommes. En l’occurrence, l’administration fiscale prĂ©tendait rattacher les revenus aux stipulations de l’article 15 relatives aux « salaires, traitements et autres rĂ©munĂ©rations similaires » pour donner compĂ©tence Ă  l’État d’exercice de l’emploi, tandis que le contri-buable les raccrochait, par dĂ©faut, Ă  l’article 22 relatif aux revenus

(55) Cass. soc. 14-11-2005 no 03-47.593 F-D.(56) Cass. soc. 24-1-2007 no 05-42.980 F-D.(57) Cass. soc. 23-1-2001 no 99-40.129 F-P : RJS 5/01 no 563.(58) Cass. soc. 15-5-2009 no 07-44.898 F-D ; Cass. soc. 21-3-2012 no 10-

12.068 FS-PB : RJS 6/12 no 525.(59) À cet Ă©gard, la distinction plus subjective et concrĂšte auparavant rete-

nue avant l’arrĂȘt « Le Berre » (Cass. soc. 10-7-1996 no 93-40.966 P : RJS 8-9/96 no 900) par le juge judiciaire, selon que les modifications du contrat de travail Ă©taient ou non substantielles, faisait sĂ»rement davantage Ă©cho Ă  ce ressenti.

innommĂ©s – ce qui emportait alors la compĂ©tence de l’État de rĂ©sidence. Faute de dĂ©finition conventionnelle, le Conseil d’État a appliquĂ© la mĂ©thode d’interprĂ©tation subsidiaire prescrite par ces conventions(60), qui veut que les expressions soient interprĂ©tĂ©es par dĂ©faut Ă  la lumiĂšre du droit national. Une fois cette mĂ©thode retenue, la solution n’était plus guĂšre douteuse : d’une part, l’ar-ticle 80 duodecies qualifie clairement les indemnitĂ©s non exonĂ©-rĂ©es de « rĂ©munĂ©ration imposable » et, d’autre part, il est Ă©vident que ces indemnitĂ©s se rattachent Ă  l’exercice d’un emploi salariĂ©. En cette matiĂšre, il apparaĂźt donc que le dĂ©bat interne dĂ©termine et Ă©puise le dĂ©bat conventionnel.

Par une seconde dĂ©cision lue le 13 mars 2019(61), le Conseil d’État – restant cette fois dans ses habits classiques de juge de cassation – a connu d’un autre licenciement. Le requĂ©rant avait Ă©tĂ© limogĂ© Ă  la suite d’un diffĂ©rend avec son employeur sur la stratĂ©gie suivie, et c’est encore le traitement fiscal Ă  rĂ©server aux indemnitĂ©s ayant permis de clore le litige qui cristallisait toutes les attentions. La solution retenue nous semble intĂ©ressante Ă  deux titres : pour l’espĂšce, et pour la question de droit qu’elle tan-gente sans la trancher.

D’une part, en l’espĂšce, le requĂ©rant reprochait Ă  la cour admi-nistrative d’appel d’avoir suivi l’administration fiscale en estimant que le licenciement procĂ©dait d’une cause rĂ©elle et sĂ©rieuse au seul motif, subjectif, d’une perte de confiance de l’entreprise envers son salariĂ©. En thĂ©orie, une telle argumentation pouvait prospĂ©rer : il est en effet de jurisprudence constante, depuis le revirement amorcĂ© par la Cour de cassation dans son arrĂȘt Mme Fretray de 1990(62), qu’un licenciement pour motif person-nel doit ĂȘtre fondĂ© sur des Ă©lĂ©ments objectifs et que la perte de confiance Ă  l’égard du salariĂ© ne constitue pas, par elle-mĂȘme, un motif de licenciement(63). Pour la rendre acceptable, il faut qu’une telle perte de confiance se fonde sur des Ă©lĂ©ments tangibles im-putables au salariĂ©(64) qui peuvent trouver leur source soit dans un manquement Ă  une obligation de son contrat de travail(65), soit dans des faits personnels qui ont causĂ© un trouble objectif caractĂ©risĂ© Ă  l’entreprise(66). Cette solution, d’ailleurs reprise par le Conseil d’État s’agissant des contentieux du licenciement des sa-lariĂ©s protĂ©gĂ©s(67) et des ruptures de contrat des agents publics(68), s’explique par un souci d’objectivation de la cause du licenciement, Ă  rebours d’approches plus floues reposant sur la psychologie des parties prenantes. Mais en l’occurrence, contrairement Ă  ce qu’al-lĂ©guait la requĂ©rante, les piĂšces du dossier laissaient Ă  voir que la perte de confiance n’avait pas jouĂ© un rĂŽle dĂ©terminant dans le licenciement, qui s’expliquait – dans les faits – par son « opposi-tion systĂ©matique » et son « refus d’appliquer les consignes de la direction », qui avaient en outre « portĂ© atteinte Ă  l’image de la

(60) Pour un autre exemple jurisprudentiel récent en ce sens : CE 4-6-2019 no 415959, min. c/ Z : RJF 8-9/19 no 834.

(61) CE 13-3-2019 no 408498 : RJF 6/19 no 539, concl. L. Cytermann @ (C 539).

(62) Cass. soc. 29-11-1990 no 87-40.184 : Bull. civ. V no 597 ; revirement par rapport Ă  l’arrĂȘt Voisin (Cass. soc. 26-6-1980 no 79-40.859 : Bull. civ. V no 573).

(63) Sur l’analyse de la portĂ©e exacte de ce revirement, Voir Le licenciement pour perte de confiance F. Gaudu, Droit social 1992.32.

(64) Voir pour un autre exemple : Cass. soc. 29-5-2001 no 98-46.341 FS-P : RJS 8-9/01 no 999.

(65) Pour un exemple de maniement de ce critĂšre : Cass. soc. 8-12-2009 no 08-42.097 F-D : RJS 3/10 no 236.

(66) Cass. soc. 22-1-1992 no 90-42.517 PF : RJS 3/92 no 247.(67) CE sect. 21-12-2001 no 224605, Baumgarth : RJS 3/02 no 304.(68) CE 6-4-2001 no 207685, Lavenu : Lebon T. p. 1025.

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sociĂ©tĂ© Ă  l’égard des tiers ». Or, autant la mĂ©fiance d’un employeur Ă  l’égard de son employĂ© ne saurait suffire, autant ces Ă©lĂ©ments rĂ©unis caractĂ©risaient bien une cause rĂ©elle et sĂ©rieuse.

D’autre part, la requĂ©rante se prĂ©valait du dernier alinĂ©a de l’ar-ticle L 1235-1 du Code du travail, aux termes duquel « si un doute subsiste, il profite au salariĂ© ». Elle en dĂ©duisait que, compte tenu de l’incertitude planant sur le dossier, le juge d’appel aurait dĂ» lui accorder le bĂ©nĂ©fice du doute. Le Conseil d’État a Ă©cartĂ© au fond ce moyen, prĂ©sentĂ© sous l’angle de l’erreur de droit, en en rĂ©servant l’opĂ©rance par un « en tout Ă©tat de cause ». Explicitons ces deux temps.

C’est la loi(69) du 2 aoĂ»t 1989 qui a ajoutĂ© ce dernier alinĂ©a Ă  l’article L 1235-1 pour guider la main du juge du travail lorsque le dossier ne le mettait pas Ă  mĂȘme de trancher. Ainsi que l’explicitait trĂšs clairement le Conseil constitutionnel dans sa dĂ©cision sur cette loi : « c’est dans le cas oĂč le juge sera dans l’impossibilitĂ© au terme d’une instruction contradictoire de former avec certitude sa conviction sur l’existence d’une cause rĂ©elle et sĂ©rieuse justifiant le licenciement qu’il sera conduit Ă  faire application du principe selon lequel le doute profite au salariĂ© » (70). En d’autres termes, le doute dont il est ici fait mention, « ce n’est pas l’ignorance, mais un stade supĂ©rieur de la connaissance, auquel seul peut accĂ©der celui qui s’est mis en quĂȘte de la vĂ©ritĂ© » (71). Dans ce contexte, dĂšs lors que le bĂ©nĂ©fice du doute prĂ©vu par le code du travail est conçu comme un ultime recours, il Ă©tait clair qu’il n’avait pas vocation Ă  jouer dans ce litige – les divers Ă©lĂ©ments prĂ©sents au dossier convergeant, on l’a dit, vers la caractĂ©risation nette d’une cause rĂ©elle et sĂ©rieuse.

Mais plus radicalement, c’est l’applicabilitĂ© mĂȘme de ces dispo-sitions qui nous semble douteuse, mĂȘme si la dĂ©cision commen-tĂ©e a fait le choix de ne pas prendre parti sur cette question. En effet, en 1989, le lĂ©gislateur a souhaitĂ© Ă©viter que, dans le doute, le risque de la preuve pĂšse sur le salariĂ©(72) ; il a en quelque sorte « adaptĂ© les rĂšgles au degrĂ© d’inĂ©galitĂ© des parties » (73), ce qu’il a d’ailleurs fait explicitement dans d’autres contentieux Ă©galement marquĂ©s par une forte asymĂ©trie(74) ou par la difficultĂ© Ă  apporter une preuve dĂ©finitive(75). Au prisme de cette intention(76), comme pour le rapporteur public L. Cytermann, il n’y aurait Ă  nos yeux rien d’évident Ă  translater de façon prĂ©torienne ce rĂ©gime spĂ©-cifique Ă  un contentieux distinct (le fiscal) voyant s’affronter des parties diffĂ©rentes (l’intĂ©ressĂ© en sa qualitĂ© de contribuable, contre l’administration). En ce sens, on notera par exemple qu’en cas de relaxe « au bĂ©nĂ©fice du doute », le juge fiscal qui a Ă 

(69) Loi 89-459 du 2-8-1989 modifiant le Code du travail et relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la reconversion.

(70) Cons. const. 25-7-1989 no 89-257 DC, § 19.(71) « Administration de la preuve. L’équitable dans la preuve », A. Supiot,

Sem. Soc. Lamy 1988, suppl. no 410, D. 62.(72) Pour une mise en Ɠuvre de ce principe par la Cour de cassation, voir

Cass. soc. 16-6-1993 no 91-45.462 : Bull. civ. V no 169.(73) A. Supiot, prĂ©citĂ©.(74) Voir par exemple, s’agissant des litiges relatifs aux mesures discrimina-

toires à raison de la grossesse (art. L 122-25 du Code du travail).(75) Voir par exemple l’article 102 de la loi 2002-303 du 4-3-2002 relatif à

la preuve de l’imputabilitĂ© d’une contamination par le virus de l’hĂ©pa-tite C Ă  une transfusion de produits sanguins labiles ou Ă  une injection de mĂ©dicaments dĂ©rivĂ©s du sang, qui prĂ©voit qu’in fine le doute profite au demandeur (pour une illustration contentieuse, CE 10-10-2003 no 249416, Mme Tato et autres : Lebon p. 393).

(76) Dont le Conseil d’État a ensuite tirĂ© toutes les consĂ©quences dans le contentieux des salariĂ©s protĂ©gĂ©s (Voir CE 22-3-2010 no 324398, StĂ© CTP prĂȘt Ă  partir : Lebon T. p. 928-933-1004).

connaĂźtre des mĂȘmes faits n’importe pas pour autant la mĂ©thode probatoire suivie par la juridiction pĂ©nale(77). Surtout, le rĂ©gime objectif de la preuve nous semble reposer tout entier sur la conviction qu’à la lumiĂšre du dossier, et au besoin grĂące Ă  des mesures d’instruction, la balance finira par pencher en faveur de l’une ou l’autre des parties sans qu’il soit besoin d’instaurer des prĂ©somptions, fussent-elles de dernier recours. Enfin, deux arguments d’opportunitĂ© nous semblent Ă©galement peser dans le sens de l’inopĂ©rance. D’une part, Ă  l’heure oĂč la complexitĂ© des rĂ©gimes de preuve devant le juge fiscal est souvent regrettĂ©e(78), il nous paraĂźtrait inopportun de sophistiquer Ă  l’excĂšs les rĂšgles applicables en cette matiĂšre en prĂ©voyant de nouveaux Ăźlots dĂ©ro-gatoires. D’autre part, compte tenu des informations incomplĂštes dont dispose l’administration fiscale, le salariĂ© risquerait d’ĂȘtre incitĂ© Ă  rester dans une forme de « passivitĂ© probatoire » (79) pour in fine bĂ©nĂ©ficier du doute.

Reste qu’en tout Ă©tat de cause, il ne faut pas exagĂ©rer l’enjeu pra-tique de cette question : Ă  supposer mĂȘme que cet alinĂ©a s’avĂšre applicable, il n’aurait de toute façon vocation Ă  jouer que dans des hypothĂšses rĂ©siduelles oĂč le doute demeure d’une intensitĂ© telle que le juge se sent incapable, sans cette bĂ©quille normative, de forger sa conviction.

Le juge administratif de l’impît, un vrai conseiller prud’homal ? (80)

Les deux décisions commentées appellent trois observations plus transversales.

En premier lieu, sur le plan de la méthode, ces décisions sont marquées par une volonté de sécurité juridique.

Les solutions retenues rĂ©vĂšlent en effet l’importance accordĂ©e par le juge au contenu littĂ©ral de la transaction, d’ailleurs repris in extenso dans la motivation. Il s’en dĂ©duit que, « si le contribuable entend bĂ©nĂ©ficier d’une exonĂ©ration totale, la transaction devra faire Ă©tat des Ă©lĂ©ments factuels de nature Ă  justifier du caractĂšre irrĂ©gulier ou abusif du licenciement » (81).

Par ailleurs, ces dĂ©cisions illustrent le souci du juge administratif de se caler sur la jurisprudence du juge judiciaire. À cette aune, contrairement Ă  ce que redoutaient certains commentateurs(82), il est donc peu probable que la rĂ©serve du Conseil constitutionnel

(77) CE 23-2-1979 no 7307, SARL Rena : Lebon T. p. 688-724.(78) Pour reprendre les mots, souvent cités, du président Goulard dans ses

conclusions sur SociĂ©tĂ© Pierre de Reynal et Cie (dĂ©jĂ  mentionnĂ©e) : « les questions de charge de la preuve revĂȘtent en effet dans le conten-tieux fiscal une importance extrĂȘme, et selon nous excessive. Car leur complexitĂ© est telle qu’un contribuable doit le plus souvent renoncer, lorsqu’il engage un contentieux, Ă  savoir qui, de l’administration ou de lui-mĂȘme, va devoir convaincre le juge. L’inconvĂ©nient qui en rĂ©sulte pour lui est attĂ©nuĂ© par le fait qu’il appartient au juge lui-mĂȘme de dĂ©terminer, en fonction de l’objet du redressement et du dĂ©roulement de la procĂ©dure d’imposition, le rĂ©gime de dĂ©volution de la charge de la preuve applicable au litige qui lui est soumis (CE 5-3-1999 no 140779, ValĂ©ri : RJF 4/99 no 452, concl. F. Loloum BDCF 4/99 no 43). Encore faut-il que le juge lui-mĂȘme puisse connaĂźtre la totalitĂ© des rĂšgles ap-plicables. Pour notre part, nous n’avons pas cette prĂ©tention ».

(79) Pour reprendre l’expression d’A. Chirez et J. Labignette dans leur ar-ticle : La place du doute dans le contentieux de la relation de travail, Droit social 1997.669.

(80) Pour reprendre l’heureux titre de l’article de B. Lacombe à la Gazette du Palais (2-7-2015, no 183, p. 7).

(81) Article de B. Lacombe, prĂ©citĂ©.(82) Voir l’article de B. Lacombe, prĂ©citĂ©.

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ait pour effet de voir se dĂ©velopper, sur ces notions centrales de droit du travail, une approche fiscale autonome(83). Cet aligne-ment nous semble en tout point opportun. On peut noter d’ail-leurs qu’il est loin d’ĂȘtre inĂ©dit. D’une part, le juge du droit de la sĂ©curitĂ© sociale, qui n’est pas non plus le juge naturel du travail, raisonne de maniĂšre analogue lorsqu’il a Ă  connaĂźtre d’un litige tenant au point de savoir si les indemnitĂ©s de rupture versĂ©es par une entreprise doivent ĂȘtre incluses dans l’assiette de calcul de ses cotisations. Ainsi que l’expliquait R. Decout-Paolini dans de rĂ©centes conclusions(84), la Cour de cassation a en effet fait Ă©vo-luer sa jurisprudence(85), qui alignait auparavant le rĂ©gime social des indemnitĂ©s sur la stricte lettre de l’article 80 duodecies(86), pour juger dĂ©sormais que l’employeur peut ĂȘtre exonĂ©rĂ© de coti-sations sociales au titre de sommes versĂ©es au salariĂ©, « mĂȘme si ces sommes ne sont pas au nombre de celles limitativement Ă©numĂ©rĂ©es Ă  l’article 80 duodecies, dĂšs lors que lesdites sommes sont destinĂ©es Ă  compenser un prĂ©judice [distinct de la simple perte de rĂ©munĂ©ration] et ont donc un fondement exclusive-ment indemnitaire ». Pour ces juges aussi, il n’y a donc plus lieu de tenir compte du mode de rupture du contrat de travail, mais « simplement de rechercher, au cas par cas, la nature juridique de la somme accordĂ©e aux intĂ©ressĂ©s » (87). D’autre part, dans le contentieux de l’autorisation (ou du refus d’autorisation) du li-cenciement des salariĂ©s protĂ©gĂ©s, le Conseil d’État est aussi ame-nĂ© Ă  manier la jurisprudence de la Cour de cassation(88) sans que de significatives divergences de fond aient Ă©tĂ© relevĂ©es entre le Quai de l’horloge et le Palais-Royal. Du reste, rappelons ici que si d’aventure l’interprĂ©tation d’une transaction soulevait une dif-ficultĂ© inĂ©dite, il n’est pas exclu que le juge administratif saisisse le juge judiciaire par la voie d’une question prĂ©judicielle en inter-prĂ©tation pour Ă©viter toute polyphonie(89).

Enfin, l’ampleur de ce contentieux a vocation Ă  ĂȘtre d’autant plus forte que les saisines du juge prudhommal ont subi une baisse de 43 % entre 2005 et 2018 (de 208 396 Ă  119 491 affaires(90), cette attrition Ă©tant concentrĂ©e sur les annĂ©es rĂ©centes). En effet, une telle Ă©volution – si elle reflĂšte avant tout l’essor de la rupture conventionnelle et un renoncement au recours(91) – traduit aus-si un dĂ©port certain vers les voies non-contentieuses, et accroĂźt donc indirectement le vivier potentiel des litiges fiscaux relatifs

(83) Comme l’expliquait le prĂ©sident Fouquet, « le fiscaliste, qu’il soit juge, agent des impĂŽts ou conseil doit ĂȘtre capable de comprendre les autres droits en se refusant Ă  leur donner une interprĂ©tation fiscale auto-nome » (in. Le rĂ©gime fiscal des indemnitĂ©s de licenciement versĂ©es aux cadres supĂ©rieurs, O. Fouquet, RTD com 2018.813).

(84) CE 13-6-2018 no 404485, CCI France : Lebon T. p. 592-655-670-814-927.

(85) Par deux arrĂȘts du mĂȘme jour : Cass. 2e civ. 15-3-2018 no 17-10.325 et no 17-11.336 : RJS 5/18 no 363.

(86) Voir pour une dĂ©cision excluant qu’une indemnitĂ© transactionnelle puisse ĂȘtre exclue dans l’assiette des cotisations, Cass. 2e civ. 7-10-2010 no 09-12-404 : RJS 12/10 no 983.

(87) Voir le commentaire de T. Tauran sur les deux arrĂȘts citĂ©s Ă  la note prĂ©cĂ©dente, publiĂ© Ă  la RDSS 2018.556.

(88) Notamment celle relative à l’existence de changements du contrat de travail. Voir par exemple : CE 10-3-1997 no 170114, Vincent : RJS 5/97 no 567.

(89) Pour un exemple Ă  propos de l’interprĂ©tation d’une convention collec-tive : CE 21-5-2008 no 291115, SNRH et SORMAR : Lebon T. p. 652-950.

(90) Sur la justice prud’homale, Rapport d’information sĂ©natorial no 653, https://www.senat.fr/rap/r18-653/r18-653_mono.html#toc116.

(91) La baisse du contentieux est-elle le signe d’une pacification de la rela-tion de travail ? E. Serverin et C. Vigneau, Rev. Trav. 2019.227.

aux indemnitĂ©s transactionnelles. Dans ces conditions, l’incer-titude juridique initialement redoutĂ©e Ă  la suite de cette rĂ©serve gagne Ă  ĂȘtre nuancĂ©e puisqu’il est probable que, dans un futur proche, se constitue un corpus jurisprudentiel significatif en cette matiĂšre, ce qui permettra au Conseil d’État de stabiliser rapide-ment une grille de lecture robuste.

En deuxiĂšme lieu, ces dĂ©cisions illustrent Ă  quel point le dĂ©bat est dĂ©centrĂ© par rapport Ă  un litige fiscal classique : si l’adminis-tration dĂ©fend Ă©videmment le redressement qu’elle a infligĂ©, le cƓur de la discussion se noue en rĂ©alitĂ© autour de l’interprĂ©tation de la transaction, conclue par le contribuable avec son ancien employeur. Dans ces conditions, le dĂ©bat sera forcĂ©ment biaisĂ© par l’interprĂ©tation univoque que donne l’un de ses signataires d’un acte pourtant synallagmatique. À nos yeux, deux mĂ©thodes peuvent permettre de pallier cette asymĂ©trie.

En amont, l’administration peut faire jouer son droit de com-munication pour prendre connaissance de documents dĂ©tenus par l’ex-employeur. On sait en effet que la loi(92) de finances rec-tificative pour 2014 a Ă©largi ce droit, s’agissant des sociĂ©tĂ©s in-dustrielles ou commerciales, Ă  « tous documents relatifs Ă  leur activitĂ© » (93). Il nous semble que cette accroche, dĂ©libĂ©rĂ©ment large(94), pourrait ĂȘtre mobilisĂ©e par l’administration pour obtenir communication de piĂšces se rattachant Ă  la relation de travail nouĂ©e avec le contribuable en cause. Dans cet esprit, on relĂšvera que, dans la dĂ©cision du 13 mars dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©e, ce sont les docu-ments transmis aux services fiscaux par la chambre rĂ©gionale des comptes(95) en application de l’article R 241-24 du Code des juri-dictions financiĂšres qui ont permis Ă  l’administration de fonder le redressement et de convaincre ensuite le juge de son bien-fondĂ©.

En aval, dans des situations exceptionnelles, lorsqu’une telle asy-mĂ©trie l’empĂȘcherait de se faire une idĂ©e claire du litige Ă  trancher, il n’est – Ă  nos yeux – pas totalement exclu que le juge de l’impĂŽt mette en cause pour observations l’ex-employeur(96). Cet appel en cause, assez rare en plein contentieux, peut ĂȘtre fait Ă  l’égard

(92) Loi 2014-1655 du 29-12-2014.(93) Le Conseil d’État avait dĂ©jĂ  contribuĂ© Ă  Ă©largir le champ des docu-

ments concernĂ©s, notamment par sa dĂ©cision M. S. (CE 11-4-2014 no 354314 : RJF 7/14 no 705, concl. F. Aladjidi BDCF 7/14 no 69) qui juge qu’en relĂšvent les documents comptables et financiers, « mais aussi les documents de toute nature pouvant justifier le montant des recettes et dĂ©penses ».

(94) Voir Le rapport no 2408 de V. Rabault Ă  l’AssemblĂ©e nationale, p. 177 : « s’agissant de l’article L 85, l’étendue des documents susceptibles d’ĂȘtre communiquĂ©s Ă  l’administration serait clarifiĂ©e. Ainsi, pourraient dĂ©-sormais ĂȘtre concernĂ©s tous les « documents relatifs Ă  [l’]activitĂ© » pro-fessionnelle d’une personne exerçant une activitĂ© commerciale, et non plus les seuls livres, registres ou rapports comptables dont la loi rend la tenue obligatoire. / L’intention du lĂ©gislateur est bien ici d’étendre le champ des documents susceptibles de faire l’objet du droit de commu-nication, et non de supprimer de ce champ tel ou tel type particulier de document, dont la communication serait actuellement possible. Ainsi, cette mention gĂ©nĂ©rale (
) et ne devrait pas faire l’objet d’interprĂ©ta-tions restrictives par la jurisprudence administrative en cas de conten-tieux sur cette question. »

(95) La CRC d’Île de France aprĂšs avoir contrĂŽlĂ© la SADEV dont le requĂ©-rant Ă©tait l’ancien directeur, avait transmis copies de l’accord transac-tionnel, de la lettre de licenciement, du courrier du requĂ©rant contes-tant les motifs de son licenciement.

(96) Voir, pour des prĂ©cisions sur l’appel en cause pour observations : Droit du contentieux administratif, R. Chapus Montchrestien, 13e Ă©dition, § 895 et s.

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d’une personne privĂ©e(97), sans pour autant avoir pour effet de lui confĂ©rer la qualitĂ© de partie Ă  l’instance. Reste cependant Ă  voir si, en pratique, l’entreprise ainsi sollicitĂ©e aura envie de s’impliquer dans un litige qui ne la concerne pas directement, et au risque de raviver chez son ancien salariĂ© la flamme contentieuse qu’elle avait prĂ©cisĂ©ment voulu Ă©teindre par la transaction. Surtout, si elle s’implique, force est d’admettre que son intĂ©rĂȘt bien compris serait plutĂŽt d’abonder dans le sens de son ex-employé 

En dernier lieu, et Ă  titre exploratoire, il nous semble intĂ©ressant de rĂ©flĂ©chir Ă  l’incidence, sur l’office du juge de l’impĂŽt, du rĂ©cent encadrement par la loi(98) des indemnitĂ©s susceptibles d’ĂȘtre ver-sĂ©es par les juges prudhommaux Ă  la suite d’un licenciement pour une cause qui n’est pas rĂ©elle et sĂ©rieuse. Ce dispositif(99), dont la conventionnalitĂ© au regard de la convention no 158 de l’OIT a Ă©tĂ© rĂ©cemment validĂ©e par la Cour de cassation(100), borne les indem-nitĂ©s susceptibles d’ĂȘtre allouĂ©es en raison d’un licenciement sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse en prĂ©voyant, en fonction de l’anciennetĂ© du salariĂ© et de la taille de l’entreprise, un plancher et un plafond. La question est alors de savoir si le juge de l’impĂŽt pourrait s’ins-pirer d’un tel barĂšme, conçu comme un « mĂ©diateur entre la loi et le cas » (101), pour dĂ©terminer, au regard du montant de l’in-demnitĂ© transactionnelle dont il a Ă  connaĂźtre, si celle-ci procĂšde d’une cause rĂ©elle et sĂ©rieuse. À nos yeux, la rĂ©ponse ne peut ĂȘtre automatique : le juge de l’impĂŽt ne saurait se borner Ă  calquer le rĂ©fĂ©rentiel imposĂ© au juge du travail pour apprĂ©hender l’indem-nitĂ© transactionnelle, laquelle est le fruit d’une dynamique de nĂ©-gociations entre deux parties et intĂšgre des considĂ©rations extra-juridiques (tenant notamment Ă  la prĂ©fĂ©rence pour le prĂ©sent et Ă  une aversion Ă  l’alĂ©a juridictionnel). Pour autant, il nous semble que ces barĂšmes pourraient en pratique ĂȘtre pris en compte, dans la rĂ©flexion du juge plus que dans sa motivation. En effet, s’il apparaĂźt que le montant de l’indemnitĂ© transactionnelle versĂ©e par une entreprise est significativement supĂ©rieur Ă  celui qu’un juge aurait pu la contraindre Ă  verser en cas de licenciement sans cause rĂ©elle et sĂ©rieuse, il y aura fort Ă  parier que le licenciement en litige Ă©tait bel et bien dĂ©pourvu d’une telle cause. À l’inverse, si l’indemnitĂ© est bien infĂ©rieure au plancher indemnitaire dĂ©fini par le lĂ©gislateur, cette circonstance conduira plus facilement le juge de l’impĂŽt Ă  penser que le salariĂ© n’était pas nĂ©cessairement convaincu de la soliditĂ© de ses prĂ©tentions, et qu’il a prĂ©fĂ©rĂ© un accord certain Ă  un procĂšs risquĂ©.

La voie du juste milieu La dĂ©cision du 7 juin dernier(102), la plus rĂ©cente rendue Ă  pro-pos de l’article 80 duoedecies, a apportĂ© un dernier Ă©clairage utile sur la maniĂšre d’apprĂ©hender la transaction. Les faits se nouent autour du licenciement d’un directeur commercial, suivi de la conclusion d’une transaction assortie d’indemnitĂ©s. Comme Ă  l’accoutumĂ©e c’est l’administration fiscale qui, Ă  l’occasion d’un

(97) CE 26-3-1958 no 32819, Syndicat intercommunal des eaux de la Lo-magne : Lebon p. 198.

(98) Sur les motivations de cette barĂ©misation, introduites par l’ordonnance no 2017-1387 du 22-9-2017, voir en particulier : La tentation du ba-rĂšme, G. Bargain et T. Sachs, Rev. Trav. 2016.251 et aussi Des barĂšmes et des juges, I. Sayn, Droit social 2019.293.

(99) Figurant Ă  l’article L 1235-3 du Code du travail.(100) Cass. ass. plĂ©n. avis 17-7-2019 no 19-70.011 : RJS 6/19 no 346.(101) La « barĂ©misation » comme technique de gouvernement, T. Boccon-

Gibot, Droit social 2019.285.(102) CE 7-6-2019 no 419455 : RJF 8-9/19 no 782, concl. Anne Iljic p. 1163

(C 782).

contrĂŽle, a remis en cause l’exonĂ©ration totale d’impĂŽt sur le revenu dont le contribuable pensait pouvoir bĂ©nĂ©ficier sur ces sommes, ce qui a dĂ©clenchĂ© le contentieux devant le juge de l’im-pĂŽt. Les juges du fond ayant, en premiĂšre instance puis en appel, rejetĂ© la demande en dĂ©charge du contribuable, ce dernier a saisi en cassation le Conseil d’État.

La question principale du litige ne portait pas, cette fois, sur la caractĂ©risation d’un motif rĂ©el et sĂ©rieux de licenciement. Elle Ă©tait d’ordre mĂ©thodologique et revenait Ă  dĂ©terminer comment le juge de l’impĂŽt devait raisonner lorsque l’instruction rĂ©vĂ©lait que l’indemnitĂ© transactionnelle litigieuse, versĂ©e Ă  la suite du licenciement, Ă©tait aussi destinĂ©e Ă  rĂ©parer des prĂ©judices dis-tincts. En l’occurrence, il ressortait du protocole transactionnel que les indemnitĂ©s versĂ©es couvraient aussi un prĂ©judice liĂ© au refus opposĂ© par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de prendre en charge un arrĂȘt de travail. ConfrontĂ©e Ă  cette question, la cour administrative d’appel avait privilĂ©giĂ© un rai-sonnement globalisant en jugeant que, malgrĂ© l’absence de cause rĂ©elle et sĂ©rieuse, le contribuable ne pouvait prĂ©tendre Ă  ĂȘtre exo-nĂ©rĂ© d’impĂŽt sur le revenu au titre de ces indemnitĂ©s, au motif que celles-ci n’avaient pas pour unique objet d’indemniser le licenciement mais qu’elles portaient Ă©galement sur la rĂ©paration d’autres prĂ©judices.

Le Conseil d’État a censurĂ© cette lecture sous le timbre de l’erreur de droit. Il Ă©tait en effet illogique de priver du bĂ©nĂ©fice de l’exo-nĂ©ration les indemnitĂ©s relatives au licenciement au seul motif qu’elles avaient Ă©tĂ© versĂ©es en mĂȘme temps que d’autres sommes imposables. Cela aurait conduit Ă  pĂ©naliser le contribuable pour avoir privilĂ©giĂ©, avec son ancien employeur, un vĂ©hicule contrac-tuel unique. À l’inverse, la solution dĂ©fendue Ă  titre principal par le pourvoi ne pouvait pas davantage prospĂ©rer : pour des raisons symĂ©triques, il aurait Ă©tĂ© tout aussi inenvisageable de ne pas sou-mettre Ă  l’impĂŽt l’ensemble des indemnitĂ©s, par pur effet d’au-baine, au seul motif qu’une fraction d’entre elles correspondait Ă  des sommes exonĂ©rĂ©es. Le Conseil d’État a donc retenu une lec-ture mĂ©diane, en jugeant qu’« il appartient Ă  l’administration et, lorsqu’il est saisi, au juge de l’impĂŽt, au vu de l’instruction, de rechercher la qualification Ă  donner aux sommes objet de la tran-saction, en recherchant notamment si elles ont entendu couvrir, au-delĂ  des indemnitĂ©s accordĂ©es au titre du licenciement, la rĂ©paration de prĂ©judices distincts, afin de dĂ©terminer dans quelle proportion ces sommes sont susceptibles d’ĂȘtre exonĂ©rĂ©es ».

Cette solution nous semble implacable dans son principe. On remarquera d’ailleurs que dans le contentieux voisin du rĂ©gime social applicable aux indemnitĂ©s transactionnelles(103), le juge judiciaire, lorsque la transaction rĂšgle un litige mixte (rupture et exĂ©cution du contrat, crĂ©ances salariales, etc.), retient une ap-proche semblable. La cour d’appel de Versailles a ainsi jugĂ© qu’il appartenait dans pareil cas « au juge du contentieux de la sĂ©curitĂ© sociale, (
) de rechercher la qualification Ă  donner [aux sommes versĂ©es en application de la transaction] et de vĂ©rifier si indĂ©pen-damment de la qualification retenue par les parties la transaction comprend ou non des Ă©lĂ©ments de rĂ©munĂ©ration soumis Ă  coti-sation » (104). Pour autant, cette solution s’avĂ©rera probablement dĂ©licate Ă  manier dans ses implications. Aussi, en vue d’en Ă©clai-rer les consĂ©quences pratiques, deux prĂ©cisions nous semblent devoir ĂȘtre apportĂ©es.

(103) Pour un panorama, voir Le délicat exercice de la transaction en droit du travail, C. Ventejou, AJ contrat 2018 p. 158.

(104) CA Versailles 18-1-2018 no 15/03354.

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DOCTRINE 10/19 RJF

1193© Éditions Francis Lefebvre

En premier lieu, la solution retenue couvre uniquement les cas oĂč le protocole transactionnel laisse indubitablement Ă  voir que l’indemnitĂ© versĂ©e couvre aussi des prĂ©judices distincts. Il ne s’agit donc pas pour l’administration, et pour le juge Ă  sa suite, d’aller lire entre les lignes pour fragmenter l’indemnitĂ© versĂ©e lorsqu’une telle segmentation n’aurait pas Ă©tĂ© opĂ©rĂ©e par les par-ties elles-mĂȘmes.

En second lieu, lorsqu’il apparaĂźtra que l’employeur et le salariĂ© ont entendu couvrir des prĂ©judices distincts, l’administration et le juge seront alors confrontĂ©s Ă  la tĂąche Ă©pineuse consistant Ă  rĂ©-partir la somme totale entre les diffĂ©rents postes indemnitaires. En effet, la solution retenue n’est pas subordonnĂ©e Ă  la condition que les parties aient chiffrĂ©, dans le protocole, le montant allouĂ© Ă  chacun des prĂ©judices ; en l’espĂšce, ce n’était d’ailleurs pas le cas. À nos yeux, face Ă  cette difficultĂ© supplĂ©mentaire, le juge gagne-rait Ă  raisonner en deux temps. D’abord, il a Ă  se prononcer sur la cause rĂ©elle et sĂ©rieuse du licenciement. L’angle d’attaque doit, ensuite, varier selon la rĂ©ponse apportĂ©e Ă  la premiĂšre question. Si le juge aboutit Ă  la conclusion que le licenciement n’est pas dĂ©pourvu de cause rĂ©elle et sĂ©rieuse, il peut alors aisĂ©ment cal-culer la seule fraction exonĂ©rĂ©e en se dĂ©terminant par rapport aux diffĂ©rents plafonds lĂ©gaux prĂ©vus par l’article 80 duodecies, dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©s au dĂ©but de cette chronique. Si en revanche le licen-ciement est dĂ©pourvu d’une telle cause, il devient dĂ©licat pour le juge d’identifier la part indemnitaire associĂ©e puisque son mon-tant ne rĂ©sulte pas de l’application de la loi mais d’une nĂ©gocia-tion entre les parties. Dans cette hypothĂšse, il nous semble donc que le juge devrait plutĂŽt partir des indemnitĂ©s consacrĂ©es aux prĂ©judices distincts, en gĂ©nĂ©ral mieux Ă©valuables, en arrĂȘter le montant et soustraire celui-ci au total pour obtenir la fraction exonĂ©rĂ©e. Évidemment, le degrĂ© de prĂ©cision dans ce travail de

dĂ©coupage sera fonction de la qualitĂ© du dĂ©bat contradictoire
À notre sens d’ailleurs, tant que la mĂ©thodologie retenue par les juges du fond est bonne, le juge de cassation – conscient de la difficultĂ© d’une telle rĂ©partition – laissera cette question Ă  leur apprĂ©ciation souveraine(105).

⁂À rebours des intentions simplificatrices ciblĂ©es du lĂ©gislateur, la dĂ©cision du Conseil constitutionnel a privilĂ©giĂ© une cohĂ©rence d’ensemble, en alignant le traitement fiscal des indemnitĂ©s de licenciement sur un droit du travail oĂč, dĂ©sormais, « l’alternative licenciement-dĂ©mission a laissĂ© la place Ă  une logique de la plu-ralitĂ© » (106). Ce choix a complexifiĂ© la tĂąche du juge de l’impĂŽt, en en faisant un inhabituel juge du travail. Les dĂ©cisions commen-tĂ©es ont toutefois permis de dessiner les contours de son office, et de rĂ©vĂ©ler son souci de s’inscrire dans les pas de la jurispru-dence judiciaire. Ce faisant, le Conseil d’État apporte sa pierre Ă  l’ambition qui sous-tend les rĂ©formes successives du droit du travail engagĂ©es ces derniĂšres annĂ©es : assurer la prĂ©visibilitĂ© des dĂ©cisions de justice pour permettre aux acteurs Ă©conomiques, salariĂ©s comme employeurs, d’anticiper leurs droits et, par suite, de se dĂ©terminer en toute connaissance de cause.

(105) Par analogie, on remarquera que c’est ce degrĂ© de contrĂŽle qu’exercele Conseil d’État sur le montant de la provision allouĂ©e par le juge durĂ©fĂ©rĂ©-provision Ă  hauteur de la fraction de l’obligation lui paraissantnon sĂ©rieusement contestable (CE 6-12-2013 no 363290, ThĂ©venot : Lebon p. 309).

(106) La transaction en droit du travail, quelle place pour la liberté contrac-tuelle ?, C. Fourcade, Droit social 2007.166.