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SOMMAIRE
Conférence inaugurale : Paroles d'usagers A. Joisin…………………………………………………………………………………………………....1
Les travaux des équipes en collaboration avec le CNRD
Recueil Epidémiologique en Gériatrie des Actes Ressentis comme Douloureux et Stressants
(Etude REGARDS)
L’étude REGARDS a-t-elle modifié les pratiques ? : P.Cimerman…………………………………….....8
Table ronde : « L’après REGARDS »
E. Garrigue……………………………………………………………………………………………….14
S. Furtoss…………………………………………………………………………………………………17
D. Thorez………………………………………………………………………………………………....24
A.Papas…………..………………………………………………………………………………....…….28
Douleurs provoquées et populations vulnérables
Chez l'enfant autiste - A.Dubois…………………………………………………………………………32
Chez les adultes atteints de pathologie mentale - D.Saravane…………………………………………...42
Chez les patients handicapés - V.Joindreau……………………………………………………………...47
Chez les patients insuffisants respiratoires - M. d'Ussel-Jacqueminet…………………………..………56
Limites et sécurité de la sédation/analgésie
Etat des lieux et rappel des bases
M.Galinski……………………………………………………………………………………………….62
Jusqu'où aller chez l'adulte ? Cas cliniques
M-L. Viallard………………………………………………………………………………………….....69
Cas cliniques et arbre décisionnel chez l'enfant
B.Lombart…………………………………………………………………………………………….….74
Place de l'hypno-analgésie dans les douleurs provoquées
Hypno-analgésie : définition et contexte
E.Barbier…………………………………………………………………………………………………80
Table ronde : L'hypno-analgésie en pratique quotidienne
S.Roux, N.Debrabant………………………………………………………………………………….....86
E.Barbier…………………………………………………………………………………………………89
B.Barbarelli………………………………………………………………………………………………93
PROGRAMME
« Douleur provoquée par les soins : 7ème journée du CNRD » 12 octobre 2012
Centre des Congrès de la Villette, PARIS 19ème 8h30 à 9h00 - Accueil des participants
Introduction de la journée
9h00 - Discours des intervenants Monsieur le Ministre de la Santé ou son représentant Docteur Elisabeth Collin, représentante de la SFETD au Comité Scientifique Docteur Michèle Binhas, représentante de la SFAR au Comité Scientifique Docteur Daniel Annequin, président du Comité Scientifique du CNRD
Conférence inaugurale 9h30 - « Paroles d’Usagers » A. Joisin – UNAFAM
Les travaux des équipes en collaboration avec le CNRD Modérateurs : Dr. Patrice Rat, Evelyne Malaquin-Pavan
10h00 - Recueil Epidémiologique en Gériatrie des Actes Ressentis comme Douloureux
et Stressants (REGARDS) L’étude REGARDS a-t-elle modifié les pratiques ? P.Cimerman, CNRD, Paris (75) 10h15 - Table ronde : « L’après REGARDS »
E.Garrigue - EHPAD, Paris (75) S.Furtoss - SSR, La Verrière (78) D.Thorez - USLD, Paris (75)
A.Papas - Court Séjours, Paris (75)
11h00 à 11h30 - Pause, visite de stands
Douleurs provoquées et populations vulnérables Modérateurs : Dr. Michèle Binhas, Emmanuelle Guillemin
11h30 - « Chez l’enfant autiste »
A.Dubois, Brest (29) 11h45 - « Chez les adultes atteints de pathologies mentales »
Dr. D. Saravane, Neuilly sur Marne (93) 12h00 - « Chez les patients handicapés »
V. Joindreau-Gaudé, Boulogne Billancourt (92) 12h15 - « Chez les patients insuffisants respiratoires »
Dr. M. d’Ussel-Jacqueminet, Paris (75) 12h30 - Débat /Questions 13h00 à 14h15 - Pause déjeuner
Limites et sécurité de la sédation/analgésie. Modérateurs : Bruno Garrigue, Dr. Daniel Annequin .
14h15 - Etat des lieux et rappel des bases
Dr. M. Galinski, CNRD, Paris (75) 14h40 - « Jusqu’où aller chez l’adulte ? Cas clinique »
Pr. ML. Viallard, Paris (75) 15h00 - « Cas cliniques et arbre décisionnel chez l’enfant »
B. Lombart, Paris (75) 15h15 - Débat/ Questions 15h45 à 16h15 - Pause, visite de stands
Place de l’hypno-analgésie dans les douleurs provoquées Modérateurs : Dr. Jean-Pierre Ciebiera, Rémi Etienne
16h15 - « Hypno-analgésie : définition et contexte »
E. Barbier, Paris (75) 16h30 - « Table ronde : Utilisation de l’hypno-analgésie en pratique quotidienne
S. Roux, N. Debrabant, Villefranche sur Saône (69) E. Barbier, Paris (75) B. Barbarelli, Saint-Laurent du Var (06)
17h30 - Clôture de la journée
1
Paroles d’Usagers
André Joisin – Association UNAFAM1
1. INTRODUCTION
Lorsque j’ai été sollicité par le CNRD pour m’exprimer sur la douleur induite par les soins
chez les patients adultes psychotiques, j’ai longtemps hésité avant de donner ma réponse tant
je craignais que la passion ne l’emporte sur la raison.
Je me suis tout d’abord posé la question : la douleur induite par les soins, mais de quels soins
s’agit-il ? Des soins en intra ou en extrahospitalier ? De la douleur induite par les soins ou par
l’absence de soins ?
La situation du patient en psychiatrie est très différente de celle d’un patient en MCO2, en
raison de la nature et de la complexité de la pathologie, du comportement du malade face à la
douleur physique, du repliement sur lui même, et aussi de sa stigmatisation, du rejet par son
environnement, de l’isolement et… des clivages psychiatres-généralistes.
Pour tenter d’étayer mes propos, je me suis rapproché des patients, des familles, des
somaticiens, des psychiatres et des soignants des secteurs nord-est parisiens, afin de recueillir
leurs témoignages.
Nous verrons plus loin que, dans les faits, sur le terrain, notamment en extrahospitalier, le
quotidien du patient psychotique est loin d’être idyllique malgré les dispositions préconisées.
2. LE CONTEXTE EN SECTEUR PSYCHIATRIQUE DU 1/4 NORD-EST DE PARIS
� Arrondissements concernés : 9e, 10e, 18e, 19e et 20e
� Population desservie : 735 362 habitants soit 1/3 de la population parisienne
� Croissance démographique parisienne : + 4,2 % de 2004 à 2011
� Croissance de la population desservie par les secteurs psychiatriques de référence,
entre 1982 et 2011 : 9,30 % contre 2,6 en moyenne sur Paris
� Plus de 2/3 des patients n’ont pas de « médecin traitant » en sortie d’hôpital.
60 % d’entre eux ne se sentent pas malades, 18 % n’ont pas les moyens de payer, 18 %
ne connaissent pas de médecin généraliste.
� Population sous-médicalisée, en difficulté et vulnérable.
� 40 à 45% des patients sont sans logement
1 Union Nationale des Amis et Familles de malades psychiques 2 Médecine Chirurgie Obstétrique
2
� Population nettement défavorisée par rapport à l’indice de développement humain.
En 2011, on relevait :
� 188 130 pathologies mentales contre 193 027 en 2009
� 22 088 pathologies somatiques contre 11 862 en 2009
3. LES PATIENTS RELEVANT DU DISPOSITIF AMBULATOIRE
Quelle que soit la douleur de leur proche, les familles la partagent au quotidien, 7/7j, 24/24h.
La souffrance du patient est aussi la leur, qu’il soit à leur charge ou autonome. Elles ne sont
guère habituées à séquencer la douleur, qu’elle soit physique, psychique ou morale. C’est
avant tout un drame vécu en boucle.
Que peut faire le législateur contre la douleur induite par le non-soin, la stigmatisation,
l’humiliation, le rejet de l’entourage, les railleries, la maltraitance et dans les cas extrêmes, le
refus de soins de certains professionnels de santé à la limite de la non assistance à personne en
danger ?
Ces propos peuvent choquer, paraître excessifs. Quelques exemples s’imposent :
« Dans le hall d’accueil d’un organisme public de tutelle majeure, une jeune femme attend
son tour pour rencontrer sa curatrice. Soudain, elle émet des gémissements puis se traîne au
sol avec des cris de douleur, les mains sur l’abdomen. Le personnel, visiblement agacé par ce
remue-ménage, appelle le responsable du centre. Ce dernier accompagné d’un collègue
observe la scène en ricanant, caché derrière une porte entrebâillée. Il a fallu l’intervention
musclée d’un témoin pour que le vigile daigne appeler les pompiers».
« Une autre fois, un patient, probablement absorbé par ses chimères, se fait renversé par un
motard en traversant la chaussée. Bien que spectaculaire, cette collision ne provoque,
apparemment, aucune blessure. La victime gisant au sol, consciente, ne réagit pas, ne se
plaint pas. Les secours la transportent aux urgences les plus proches. La mère alertée la
rejoint deux heures plus tard et apprend que son transfert a été programmé vers l’unité de
soins psychiatriques de son secteur. Aucun soin ne lui a été prodigué entre temps. A son
arrivée en psychiatrie, on constate une plaie profonde au mollet sur une longueur de quinze
centimètres».
3
Un autre témoignage : « Une patiente polyhandicapée, souffrant d’une fracture du bras et
d’une plaie au cuir chevelu (à la suite d’une chute en unité de soins) est accompagnée par un
infirmier de secteur, vers une première clinique chirurgicale de proximité qui, face à une
patiente psychotique, refuse la prise en charge. Il en sera de même avec la seconde clinique.
La troisième, enfin, accepte de s’en occuper».
Dès qu’un patient est identifié ou étiqueté psychotique, il est souvent accueilli avec une
certaine appréhension, y compris par des professionnels de santé.
La douleur induite par les médicaments
Lorsqu’on interroge les patients sur la nature des douleurs induites par les médicaments, en
extrahospitaliers, les réponses sont souvent les mêmes :
� prise de poids,
� céphalées lors d’un changement de traitement,
� contractures musculaires,
� douleurs articulaires,
� problèmes bucco-dentaires dus aux psychotropes,
� problèmes gynécologiques …..
Ces problèmes font partie de leurs préoccupations quotidiennes. A noter que les problèmes
sexuels sont rarement avoués par les patients.
Le suivi somatique
Ainsi que nous le mentionnions précédemment, l’absence de médecin traitant, le manque
d’accompagnement, la méconnaissance de l’existence ou du mode de fonctionnement des
SAVS (Services d’Accompagnement à la Vie Sociale), l’insuffisance de visites à domicile, les
délais de rendez-vous trop longs avec les spécialistes, les problèmes d’attente en cabinet de
consultation font que, bien souvent, le patient abandonne. Des pathologies, bénignes à
l’origine, finissent par atteindre des proportions préoccupantes.
4. LA SITUATION EN INTRAHOSPITALIER
A contrario, en milieu hospitalier, nous avons noté une réelle prise de conscience des
professionnels de santé et une sensible amélioration en matière de prise charge globale de la
douleur. La reconnaissance du soulagement de la souffrance comme droit fondamental par la
Loi du 4 mars 2002 et l’insertion de la traçabilité de l'évaluation de la douleur en Pratique
4
Exigible Prioritaire (PEP12a), dans la procédure de certification V 2010, ont très certainement
contribué à accélérer le processus.
Les recommandations H.A.S3. – procédure de certification V 2010
Trois des 4 axes du programme national de lutte contre la douleur sont en principe actés pour
l’ensemble des établissements psychiatriques parisiens :
- l’amélioration de la prise en charge des douleurs des populations les plus vulnérables,
- l’amélioration de la formation pratique initiale et continue des professionnels de santé,
- la structuration de la filière de soins de la douleur, en particulier les douleurs
chroniques dites rebelles.
Les méthodes non médicamenteuses et préventives
Les protocoles sont mis à la disposition des équipes. Un seul axe tarde à se concrétiser dans
les services de patients adultes communicants. Je veux parler de l’utilisation des méthodes
non pharmaceutiques et préventives pour une prise en charge de qualité telles que :
La kinésithérapie, les techniques de relaxation, la sophrologie…
Néanmoins, des points sensibles, et non des moindres, subsistent dans la majorité des
hôpitaux psychiatriques.
La douleur induite par la contention et l’isolement thérapeutique
� Les causes de dysfonctionnements sont multiples
• Il existe d’importantes disparités en matière de recours à la contention physique et à
l’isolement, d’un établissement à l’autre et entre les différents services d’un même
établissement.
• Les recommandations de l’HAS sur ce sujet concernent principalement les personnes
âgées.
• En psychiatrie, il n’existe pas de procédure type pour les adultes communicants.
• Le manque de temps, le manque de moyens matériels et humains.
• Les pratiques abusives, les solutions de facilité ou à titre « punitif ».
• Les désaccords au sein des équipes.
• L’absence de chevauchement d’horaires entre deux équipes. Pas de passation de
consigne.
3 Haute Autorité de Santé
5
• L’insuffisance de personnel le week-end. Un personnel intérimaire peu motivé ou peu
compétent.
� Les conséquences
• Contention non maîtrisée : desserrement des liens, chocs contre des objets fixes,
déboîtement d'épaule, fractures,…
• Liens trop serrés : thromboses, phlébites, abrasions, ecchymoses,..
• Incontinence.
Le signalement des dysfonctionnements aux conséquences parfois dramatiques, reste toujours
très discret, voire inexistant. De plus, l’absence de RMM (revue de mortalité-morbidité) pour
les situations les plus graves prive la Cellule qualité de possibilité d’analyses systémiques lui
permettant de répondre aux critères de certification en matière de gestion du risque.
La douleur induite par les médicaments
En intrahospitalier, nous retrouvons les mêmes effets indésirables qu’en ambulatoire auxquels
viennent s'ajouter :
• Le surdosage de médicaments
• Les erreurs de médicaments :
- Erreurs de prescription
- Erreurs liées à la dispensation et au stockage
- Erreurs liées à l’administration de médicaments
Selon une enquête nationale sur les évènements indésirables graves liés aux soins observés
dans les établissements de santé :
- 60 000 à 130 000 EIG4/an sont en lien avec des médicaments
- 15 000 à 60 000 EIG liés aux médicaments sont considérés comme évitables
Mais la prise en charge de la douleur induite ne se traite pas essentiellement par la chimie ou à
coup de protocoles.
C’est aussi du bon sens, de l’attention, de l’écoute, de la sensibilité, de l’empathie. La
perception d’une douleur n’est pas du tout la même en fonction de l’ethnie, de l’histoire
4 Evénement Indésirables Graves
6
personnelle et familiale du patient. L’excellent film « Le corps en tête – Douleur et santé
mentale » réalisé en collaboration avec le Docteur SARAVANE5 en témoigne.
5. QUELQUES PROPOSITIONS D’AXES D’AMELIORATION
En ambulatoire
• Développer des structures de psychiatrie de liaison ville-hôpital
• Construire des outils de formation adaptés aux besoins des généralistes prenant en
charge des patients psychotiques
• Mettre en place une organisation permettant aux patients de bénéficier de prestations
d’accès aux soins, prises en charge par un réseau ou ses partenaires des hôpitaux
généraux (bilan, soins dentaires,…).
En intra hospitalier
• Une réflexion éthique sur la gestion des mesures de restriction de liberté, au niveau de
l’ensemble des établissements parisiens.
• Plus de visibilité sur le nombre et la durée des procédures d’isolement et de
contention.
• Préconiser, pour la psychiatrie, dans le cadre de la procédure de certification, la mise
en place d’une procédure de revue de mortalité-morbidité, pour tout évènement
indésirable grave.
• La mise en place d’une coordination entre la cellule de Gestion des risques et la
CRUQPC6 notamment à l’issue du traitement et de l’analyse des évènements
indésirables graves.
• Instaurer et développer une éducation thérapeutique des patients ciblée sur la
iatrogénie des neuroleptiques, la prévention des facteurs à risques spécifiques
identifiés en psychiatrie et la prévention et la prise en charge des co-morbidités.
6. CONCLUSION
Les plaintes et réclamations des familles ne sont que la résultante d’une souffrance partagée
au quotidien avec ceux qui leur sont chers. Elles peuvent paraître quelques fois démesurées,
virulentes, voire non fondées mais elles ne sont que la manifestation de leur profonde douleur.
5 Dr Djéa SARAVANE, Président de l’ANPSSSM (Association Nationale pour la Promotion des Soins Somatiques en Santé Mentale), EPS Ville-Evrard, www.anpsssm.com 6 Commission des Relations avec les Usagers et de la Qualité de la Prise en Charge
7
C’est pourquoi je tiens à rendre hommage à l’ensemble des professionnels de santé et, tout
particulièrement au personnel des équipes soignantes, ces femmes et ces hommes dont le
mérite est insuffisamment reconnu.
Ils sont les confidents des personnes vulnérables, en perte d’identité, paupérisées, rejetées par
la société. Ils sont à l’écoute de leurs souffrances, de leurs craintes, de leurs angoisses, de leur
désespoir. Bien que témoins de drames, tant en intra qu’en ambulatoire, le respect du secret
médical les contraint à la discrétion.
Ils travaillent dans des conditions parfois difficiles, faisant preuve d’une grande modestie et,
pour certains, d’abnégation au détriment de leur vie privée.
Il y a quelques années, en discutant à bâtons rompus avec une cadre supérieure de santé d’un
établissement public parisien, j’appris qu’elle souffrait de douleurs lombaires aiguës, suite à
un accident de travail, conséquence d’une situation de violence provoquée par un patient en
crise. Je lui fis remarqué qu’à sa place, j’aurai peut-être déjà demandé à changer d’affectation.
Sa réponse fut spontanée :
« Mais je les aime mes patients. Ils sont comme mes enfants, il faut avant tout les écouter. Ils
ont besoin de beaucoup d’affection. Ils sont en souffrance permanente».
Comme dans toute profession, on note parfois quelques dérives pouvant être dues, à la
fatigue, à la démotivation, au « ras le bol », à des tensions au sein des services qui, du fait
que les malades ne sont pas des produits de consommation mais des êtres humaines, prennent
une toute autre dimension.
Le système de santé mentale français n’est pas parfait mais les compétences existent. Il peut
être sensiblement amélioré. Il s’agit avant tout d’une volonté politique.
Si je devais m’adresser aux membres de la tutelle hospitalière, je leurs dirais : « Mesdames et
Messieurs les décideurs, de temps à autre, prenez le temps d’écouter ces femmes et ces
hommes qui, malgré des conditions de travail de plus en plus contraignantes, réalisent des
prouesses. Donnez leur plus de moyens et vous verrez qu’ils sont capables de faire des
miracles ».
Au nom des usagers que je représente, je vous adresse, à toutes et à tous, un GRAND
MERCI.
8
Etude REGARDS Recueil Epidémiologique en Gériatrie des Actes Ressentis comme Douloureux et
Stressants. L'étude REGARDS a t'- elle modifié les pratiques ? Patricia Cimerman, IDE/ARC, CNRD, Paris Introduction
De janvier à février 2010, ont été inclus dans l'étude REGARDS, 1 265 patients (résidants)
dans 28 structures (7 EHPAD7, 7 SSR8, 6 USLD9 et 8 UCS10). Sur 35 686 gestes évalués,
27 259 (76,4%) étaient des soins d’hygiène et de confort. Une analgésie spécifique avant le
geste était réalisée dans 0,9 % des cas.
L'évaluation de la douleur par le patient (ENp) avec une échelle numérique a été possible pour
25 % des gestes (8 883), par le soignant (ENs) pour 82% (29 207) et avec l'échelle l'Algoplus
pour 88% des gestes (31 344).
Ces principaux résultats ont été présentés et remis aux équipes participantes lors d'une réunion
spécifique fin novembre 2010. 64% (18) des 28 centres étaient présents à la remise des
résultats.
Il nous semblait intéressant de contacter les équipes participantes deux ans après le recueil de
données.
Objectif du projet :
Evaluer l'impact local de l'étude REGARDS sur la prise en charge de la douleur des personnes
âgées en institution dans les 28 centres ayant participé à l'étude.
Méthode :
Un entretien téléphonique, à l'aide d'un questionnaire spécifique, destiné à chaque médecin
et/ou cadre de santé référent de l'étude REGARDS a été réalisé (cf. questionnaire en annexe).
La durée moyenne de l'entretien était d'une quinzaine de minutes.
Résultats :
L'enquête téléphonique s'est déroulée de janvier à février 2012.
7 Etablissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes 8 Soins de Suite et de Réadaptation 9 Unité de Soin de longue durée 10 Unité de court séjour gériatrique
9
Les 28 centres ont été contactés, 23 centres sur les 28 ont répondu, soit un taux de réponse de
82% (6 EHPAD, 6 SSR, 5 USLD, 6 UCS).
Les 5 centres non répondants étaient 1 EHPAD, 1 USLD, 1 SSR, 2 UCS. Les raisons
principales de non réponse étaient liées au changement de coordonnateur médecin et/ou
infirmier, et/ou à des remaniements organisationnels. Au total, a été constaté le départ de 6
médecins coordonnateurs et 9 infirmières coordinatrices. Les résultats de l'étude ont été à
nouveau envoyés aux remplaçants des structures concernées.
Caractéristiques :
Les résultats spécifiques de l'étude par centre ont été restitués lors de réunion en équipe et au
CLUD.
Evaluation de la douleur
Dix-huit centres ont évoqué un retentissement sur l'évaluation de la douleur, avec en
majorité l'intégration de l'échelle Algoplus® dans les diagrammes de soins et/ou logiciels
informatiques et une démarche d'évaluation plus standardisée.
10
Mise en place de formations
Sur les 17 centres ayant organisé des formations, 9 concernaient l'évaluation de la
douleur (utilisation d'Algoplus®, Doloplus®), 5 la douleur du sujet âgé, 2 le MEOPA, et 1 le
toucher-massage.
Prescription d'antalgiques
Neuf centres ont poursuivi leurs habitudes de prescription, 11 centres ont modifié leur
pratiques en augmentant les prescriptions d'EMLA®, MEOPA, antalgiques de niveau III pour
les soins douloureux.
Utilisation de moyens non pharmacologiques
Trois centres ont poursuivi ce qu'ils faisaient auparavant et 8 ont amélioré l'utilisation
de moyens non médicamenteux, tels que balnéothérapie, TENS, réflexologie, physiopacks,
renforcement de travail en binôme (kiné, psychomotricien).
Rédaction de nouveaux protocoles ou modifications
Vingt et un pourcent (5) des répondants déclaraient avoir modifié leurs protocoles ou
en avoir élaboré de nouveaux, particulièrement sur les prescriptions de prémédication avant
les soins.
Réflexion spécifique autour de la douleur des soins
L'étude REGARDS a renforcé la réflexion autour de l'amélioration de la douleur liée
aux actes pour 74% (17) des centres. Les gestes et soins cités ont été les pansements
11
d'escarres et d'ulcères de jambe, les toilettes, les mobilisations et transferts (particulièrement
ceux du matin avec le 1er lever de la journée).
Mise en place d'un projet, d'un travail particulier suscité par l'étude
Soixante-dix pourcent (16) des centres ont déclaré que cette étude avait permis ou
renforcé la démarche d'évaluation des pratiques professionnelles et aidé à la réalisation de la
certification. Les thèmes cités ont été : EPP sur la toilette, EPP sur l'évaluation et la traçabilité
de la douleur, EPP et audit sur la douleur liée aux gestes.
Certains centres ont mis en place des formations sur l'utilisation du MEOPA.
Les résultats de l'étude restitués par centre ont permis des communications et posters lors de
congrès, séminaires, réunions du CLUD, la mise en place et l'utilisation standardisée de
l'échelle Algoplus® dans diverses structures.
Retentissement principal de l'étude sur les pratiques professionnelles
N (%) Prise de conscience, sensibilisation et remise en question des soignants par rapport à la douleur des personnes âgées Mise en place d'une évaluation systématique de la douleur Meilleure organisation et anticipation lors des soins Renforcement de la prise en charge de la douleur déjà existante Augmentation des prescriptions antalgiques
8 (35) 7 (31) 4 (17) 2 (9) 2 (9)
12
Conclusion :
La participation à l'étude REGARDS a été un élément dynamisant dans la démarche
d'amélioration de la prise en charge de la douleur des sujets âgés admis en institution.
L'investissement des équipes soignantes a été remarquable et a permis d'obtenir de
nombreuses données épidémiologiques sur la douleur provoquée par les soins chez cette
population vulnérable. Cette étude a permis à certains soignants de prendre conscience et
d'être mieux sensibilisés à la douleur liée aux actes quotidiens, souvent négligée.
Les résultats vont permettre la mise en place de stratégies de prise en charge adaptées à
chaque type de structure. Une des perspectives serait de refaire ce même travail dans les
années à venir afin d'évaluer l'évolution des pratiques et le retentissement sur la douleur des
patients.
Références :
- Cornu HP Douleur provoquée chez la personne âgée : données épidémiologiques in :
Douleur provoquée par les soins, 1ère journée du CNRD; 2006 ; accessible sur : www.cnrd.fr
- Donnadieu S. Douleurs induites par les soins chez les personnes âgées. Douleurs 2008 ;9
:22-27
- Galinski M, Cimerman P, Thibault P, Annequin D, Carbajal R. et le groupe "REGARDS".
Etude REGARDS Recueil épidémiologique en Gériatrie des Actes Ressentis comme
Douloureux et Stressants in : Douleur provoquée par les soins, 6ème Journée du CNRD;
2011; PARIS accessible sur : www.cnrd.fr.
- Rat P, E. Jouve, Pickering G, Donnarel L, Nguyen L, Michel M, Capriz F, Lefebvre-Chapiro
S, Gauquelin F, Bonin-Guillaume S. Validation of an acute pain-behavior scale for older
persons with inability to communicate verbally: Algoplus. Eur J Pain;2011;15(2):198e1-
198e10
- Galinski M, Cimerman P, Mery J-P, Mezouani A, Descombes S, Gibiot P, Maillet-Gouret
M-C, Carbajal R : Etude REGARDS, Résultats préliminaires in : Congrès SFETD; 2011;
Paris
- Ballard C, Smith J, Husebo B, Aarsland D, Corbett A. The role of pain treatment in
managing the behavioural and psychological symptoms of dementia (BPSD). Int J Palliat
Nurs. 2011 Sep;17(9):420, 422, 424.
- Husebo BS, Ballard C, Sandvik R, Nilsen OB, Aarsland D. Efficacy of treating pain to
reduce behavioural disturbances in residents of nursing homes with dementia: cluster
randomised clinical trial. BMJ. 2011 Jul 15;343:d4065. doi: 10.1136/bmj.d4065.
13
- Cimerman P, Chouillard L, Garo E., Lançon A, Quenet V, Monjot A, Herlin B, Roques D,
Champerneau C, Clément R, Papas A, Roy E, Martinez MP, Galinski M Échelle
ALGOPLUS® : Opinion des soignants, Étude REGARDS in : Congrès National Infirmier des
Soins à la personne âgée; 2012; Paris
- Cimerman P, Galinski M, Garrigue E, Cangini P, Thorez D, Monguen B, Jardez A, Mery J-
P, Mezouani A, Descombes S, Gibiot P, Maillet-Gouret M-C, Carbajal R Epidemiology of
painful and stressful procedures in the ederly : REGARDS Study, preliminary results in: IASP
14th World Congress on Pain; 2012; Milan
QUESTIONNAIRE SUR LE RETENTISSEMENT DE L'ETUDE REGARDS
Type de structure : � SSR � EHPAD � USLD � Court séjour
Coordonnateur médical ���� Coordonnateur paramédical ����
Départ des coordonnateurs depuis 2010 ? O / N
A assisté à la réunion de restitution des résultats O / N
* Présentation des résultats généraux de l’étude à l'équipe soignante? O/N
Si oui, par qui et quand :
o * Présentation des résultats spécifiques du centre à l'équipe soignante? O/N
Si oui, par qui et quand :
* Retentissement sur les pratiques professionnelles? O / N
Si oui, concerne :
1. L'évaluation de la douleur? O / N
Si oui, précisez
2. L'utilisation des moyens non pharmacologiques ? O / N
Si oui, précisez
3. Le changement des prescriptions d'antalgiques ? O / N
Si oui, précisez
4. La mise en place de formations O / N
Si oui, précisez
5. La rédaction de nouveaux protocoles ou modifications ? O / N
6. La réflexion autour de la douleur des soins? O / N
Si oui, lesquels?
7. La mise en place d'un travail, d'un projet sur un point particulier suscité par l’étude ? O / N
Si oui, précisez
8. Selon vous, quel est le retentissement majeur?
14
Apports dans la pratique quotidienne de l’étude REGARDS Dr Etienne Garrigue, médecin coordonnateur, Résidence MAPI les Amandiers, Paris.
Introduction
La résidence MAPI les Amandiers a une capacité d’accueil de 118 lits répartis sur 4 étages.
Elle fait partie du groupe MEDICA. La moyenne d’âge des résidents est de 85 ans, avec des
écarts allant de 51 ans à 104 lors de la réalisation de l’étude en février 2010 (GIR Moyen
Pondéré 720, Pathos Moyen Pondéré 192 validé). Une unité de vie protégée (UVP) de 16 lits
est située au 4ème étage.
L’équipe de soins est bien étayée avec :
- 4 AS et/ou AMP, 1 IDE pour les trois premiers étages,
- 2 AS et/ou AMP, 1 IDE en UVP,
- Animatrice, Ergothérapeute , Psychologue, Infirmière coordinatrice, Médecin
coordonnateur à temps plein.
100 % des résidents présents ont bénéficié de l’évaluation des gestes réputés comme
douloureux. Pour mémoire, l’étude REGARDS a été réalisée sur cinq jours, 24h/24, et deux
attachés de recherche clinique ont aidé les personnels à colliger les données, tout en
accompagnant la démarche d’évaluation systématique de la douleur lors de chaque geste
accompli.
En décembre 2009, une présentation de l’étude et une formation spécifique pour tous les
membres de l’équipe soignante avait eu lieu.
Cette étude a été vécue comme bien préparée, accompagnée et suivie par les personnels, les
résidents et les familles qui ont eu droit à un retour d’information spécifique lors de la
présentation des résultats.
Les bénéfices immédiats ont été la sensibilisation et la formation des personnels à l’évaluation
de la douleur, avec mise en pratique immédiate et soutenue des informations acquises.
L’accueil des résidents et des familles à ce projet s’est traduit par une adhésion immédiate de
toutes les personnes concernées.
La sensibilisation a consisté à mettre en évidence :
- qu’un geste de pratique quotidienne pouvait être douloureux,
- qu'il pouvait être évalué de manière objective, simple et répétée,
15
- qu'il pouvait donc être pris en charge de manière spécifique (médicamenteuse ou
non).
La proposition de l’étude et la présentation de l’échelle Algoplus® correspondait à une
demande de terrain en évaluation de la douleur, sachant que la résidence accueille 70 % de
résidents avec des troubles cognitifs.
Cette information a été diffusée auprès des médecins traitants. En conséquence immédiate,
cette échelle a été diffusée à l’ensemble du groupe MEDICA, et à disposition de toutes les
équipes (en milieu sanitaire et médico-social), en raison de sa facilité d’exécution, de sa
reproductibilité et de sa pertinence dans l’évaluation et la prise en charge de la douleur et des
troubles du comportement (symptôme d’appel, évaluation objective, bilan diagnostique, prise
en charge, suivi).
Une étude a été réalisée secondairement sur l’établissement, en unité de vie protégée (UVP)
sur le mode un jour donné, pour tous les résidents présents. L'évaluation de la douleur avec
l'échelle Algoplus® a été effectuée par les personnels soignants (AS, AMP, IDE) en
coordination avec le médecin coordonnateur (traitements associés, co-occurrences).
Cette première étude ne prenait en compte que la douleur sur un temps donné, faisant appel à
l’appréciation du soignant sur la journée, sans différenciation aiguë/ geste associé et au repos
sans stimulation.
Ce travail a été présenté lors de la réunion départementale à l’ARS intitulée ‘’Apport de
l’évaluation de la douleur en UVP et troubles du comportement’’, (en lien avec la gestion du
risque, programme Qualité et Efficience des soins en EHPAD ) le 23 mars 2011.
Une autre communication a eu lieu lors des journées de Bretonneau le premier décembre
2011, ouverte aux soignants en EHPAD, intitulée ’’Troubles du comportement et douleur’’,
en différenciant cette fois l’évaluation au repos et l’évaluation lors de la toilette, toujours en
UVP selon le même protocole.
Nous utilisons en pratique courante cette échelle depuis sa présentation lors de l’étude.
Enfin, une thèse de médecine est en cours sur l’évaluation de la douleur et sa prise en charge
en Unité de vie protégée (UVP), sur quatre sites différents en UVP, en appréciant les
difficultés de terrain que rencontrent les soignants, les formations qu’ils ont sur ce type
d’évaluation, et l’impact de la prise en charge de la douleur sur la prescription des
médicaments psychotropes dans les troubles du comportement.
16
L’importance de la formation des personnels, la culture de l’évaluation de la douleur et de sa
prise en charge sont deux conditions qui permettent ce type de réalisation, et qui sont
indispensables à la mise en pratique de ce type d’outil.
Fiche résidant Unité Protégée
Comportement :Opposition OCris O Déambulation OAgressivité O
GIR-Toilette totale O Aide partielle O-Repas aide totale O Aide partielle O Autonome O-Incontinence (U/F) O
Traitement :Neuroleptique OBenzodiazépine O Apparentés OAnti Alzheimer OHypnotique O
Co Occurrences :Diabète OParkinson OSoins escarres OAnticoagulants OAutre O
Synthèse :____________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________.
Fiches utilisées lors de l’étude Evaluation douleur en UVP, présentée en mars 2011 à l’ARS.
17
L'étude REGARDS a t-elle modifié les pratiques ? L’après REGARDS en SSR
Sophie Furstoss, cadre de santé
PRESENTATION DE L’ETABLISSEMENT
Le Centre Gériatrique "Denis Forestier" est un établissement de santé privé d’intérêt collectif
(ESPIC), agréé par le Ministère de la Santé pour 80 lits d'hospitalisation adultes (à partir de
50 ans) et 116 lits d'EHPAD.
L'Etablissement est situé sur la commune de La Verrière (Yvelines), sur le territoire de santé
78-1 (Sud-Yvelines) et accueille de préférence des patients de ce secteur (mutualistes MGEN
ou non mutualistes MGEN).
· Une Section EHPAD (116 lits) - répartie sur 2 sites, pour des hébergements définitifs ou
temporaires. Elle comprend 4 pavillons de 19 lits chacun (E1) et une unité de 40 lits (E2).
· Une Section hospitalière (80 lits) comprenant :
- Un service de Médecine (21 lits), qui accueille, pour de courtes durées, des patients porteurs
d'affections médicales aiguës ou subaiguës (cardiaques, pulmonaires, cancéreuses,
hématologiques, digestives).
- Une unité de Soins Palliatifs (10 lits) : Le Service, ouvert depuis le 01/09/1994, admet des
patients en fin de vie dont l'état de santé est altéré par l'évolution terminale d'une maladie
grave et invalidante et pour lesquels les traitements curatifs ne sont plus efficaces.
- Un service de Soins de Suite et de Réadaptation (49 lits) qui accueille des patients dont
l'état de santé nécessite une réadaptation après intervention de chirurgie générale ou
dans les suites immédiates d'affections médicales aiguës et une rééducation fonctionnelle
après intervention chirurgicale orthopédique, ou après un accident neurologique.
C’est au sein de ce service qu’a eu lieu l’étude « REGARDS » du 1er au 05 février 2010.
18
Résultats préliminaires de l’étude « REGARDS » au centre gériatrique Denis Forestier
Octobre 2010
PREAMBULE
Des études récentes ont montré que les personnes âgées sont souvent confrontées à la douleur,
que l’impact sur leur vie quotidienne augmente avec l’âge et qu’elle n’est soulagée que dans
la moitié des cas, voire moins pour les sujets âgés et déments.
Les douleurs liées aux soins sont largement présentes en gériatrie, pour tous les soins
(techniques ou d’hygiène) et surtout pour les soins longs et répétés.
⇒ La douleur semble sous estimée et sous évaluée
⇒ Souhait de participer à l’étude REGARDS (étude épidémiologique large)
OBJECTIFS
� Faire un état des lieux permettant de recenser tous les gestes douloureux,
potentiellement douloureux et stressants chez les personnes âgées de plus de 65 ans,
de façon quantitative et qualitative.
� Evaluer l’intensité douloureuse et la prise en charge analgésique des gestes.
� Déroulement au sein du SSR du Centre Gériatrique Denis Forestier (CGDF) : du 1er
au 5 février 2010, 24h/24, cahier d’observation pour chaque patient concernant chaque
geste.
RESULTATS
� Nous avons décidé de comparer les résultats CGDF et les résultats généraux des SSR
participants
� Au CGDF, 44 patients ont été inclus (moyenne inclusion des 7 SSR= 36).
� Sur 5 jours, 1 479 gestes ont été recensés (7 686 en SSR) soit en moyenne 30,9
gestes/patients (écart-type de 22,5)
=> Les résultats montrent une bonne exhaustivité du recueil
=> l’étude a permis l’implication et la motivation des équipes dans la prise en charge de la
douleur des patients âgés.
19
Patients très âgés= moyenne de 84,2 ansPopulation féminine= 75%Ancienneté CGDF = 1 mois < DMS des SSR ( 1 mois et demi) correction faite en mars 2011/ erreur informatique
0
50
100
150
200
250
NombrePatient
AGE pourcentagefemme
Ancienneté
SSR GEN SSR DF
MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss
Description des patients
GIR 1+2+3=56%
DEPENDANCE SSR
GENERAL
DEPENDANCE SSR
CGDF
GIR 1+2+3 = 34%
MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss
Type de gestes effectués
0
20
40
60
80
100
120
SHACP MTK TM autres Gestes Autres TA+ Ctes
SSR GEN SSR CGDF
SHACP: Soins hygiène, aide et confort
MTK: Mob, aide déplacements, kiné
TM autres : Transferts Mobilisations autres
TA+ Ctes: TA+ Constantes
MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss
Description des gestes effectués
0
5
10
15
20
25
30
35
NGP NMK NGA NSH
SSR GEN
SSR CGDF
NPG =NOMBRE DE GESTES PAR PATIENT
NMK = NOMBRE DE MOB,TRANSFERTS, ACTES MK PAR PATIENT
NGA =NOMBRE DE GESTES AUTRES PAR PATIENT
NSH = NOMBRE DE SOINS D’HYGIENE, AIDE ET CONFORT PAR PATIENT
Plus de gestes sur le CGDF, notamment mobilisations, prise TA et constantes, un peu plus de gestes techniques.
Moins de Soins d’hygiène, d’aide et de confort à la personne
MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss
Par patient
Description des traitements antalgiques
présents lors des soins
OUI
NON
MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss
OUI
NON
Par patient
Description des traitements
antalgiques présents lors des soins
MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss
⇒SSR Généraux davantage de TA de fond, traitements plus forts ( Niveau I = 56,6 %)
⇒ SSR CGDF légèrement moins de TA de fond, traitements Niveau I = 71,4%
20
Traitement Antalgique de fond par
geste et Analgésie pour le geste
⇒ SSR CGDF légèrement plus de TA de fond par gestes
⇒ SSR Généraux et CGDF ont des pourcentages très faibles d’analgésies pour les
gestes (< à 1,2%).
⇒ Sous estimation de la douleur pendant les soins ?
MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss
Evaluation douleur-Auto-évaluation
⇒Davantage d’auto-évaluation pour le CGDF en lien avec caractéristiques
population au moment du recueil
⇒ Valeur EN < pour les patients du CGDF mais restent 11,3% de patients douloureux
et surtout 1% de patients très douloureux +++
MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss
Evaluation douleur par le soignant
⇒ Bonne exhaustivité de l’évaluation par les soignants
⇒ Evaluation par les soignants < Evaluation par les patients : sous-estimation de la douleur par les soignants, notamment pour des gestes peu invasifs ?
MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss
Evaluation par algoplus
⇒ Très bonne exhaustivité des hétéro-évaluations sur le CGDF ( formation ++ des équipes en préambule à l’étude car non utilisée)
⇒ restent 4,1 % de patients avec Algoplus > 3 donc très douloureux
MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss
DISCUSSION
� Il est difficile d’interpréter des statistiques sur des recueils d’informations qui restent
subjectives (perception différente de la douleur suivant les individus, en fonction de
leur expérience, de leur histoire, de leur vécu d’expériences douloureuses).
� Il serait utile de connaître le moment exact de la journée où les gestes douloureux ont
été recensés.
CONCLUSION
� Cette étude a permis, sur une structure MGEN, de quantifier et décrire tous les gestes
et soins quotidiens effectués par les soignants chez des patients âgés de SSR.
(Population vulnérable – GIR < ou = 3 dans 66% des cas et auto évaluation impossible
dans 37,3% des cas).
21
� Ces premiers résultats montrent que de nombreux gestes sont effectués tous les jours
chez des personnes âgées, dont une grande partie est dyscommunicante. Les
personnels soignants ont été sensibilisés à la douleur et à la multiplicité des gestes.
� Une évaluation de la douleur est possible avec des outils adaptés. Les équipes doivent
être formées.
� 1% seulement des gestes effectués le sont avec une analgésie et 1% des gestes restent
très douloureux => il est nécessaire d’élaborer des stratégies de prise en charge
pluridisciplinaire de la douleur provoquée selon la nature du geste, la fragilité du
patient, etc.…
� Le CLUD du CGDF a orienté son travail dès les premiers résultats sur la stratégie à
adopter pour une prise en charge de ces douleurs induites par les soins.
� Les projets s’orientent sur les protocoles de prémédication des gestes les plus
douloureux bien que peu fréquents et sur des gestes moins douloureux mais répétés
(mobilisations, transferts, prise de TA).
IMPACT DANS LA PRATIQUE QUOTIDIENNE
Nous allons suivre les différentes réflexions et actions menées par le CLUD depuis les
résultats préliminaires :
Tout d’abord, une présentation des résultats de l’étude REGARDS a été faite au sein des
différents services de l’établissement. La réflexion s’est organisée ensuite autour des soins
douloureux avec la décision d’effectuer un audit concernant un geste répété et ressenti
douloureux dans l’étude REGARDS.
Un audit a donc été prévu en Octobre 2011 (1ère semaine) dont l’objectif était d’étudier la
faisabilité de l’utilisation de patch EMLA avant les prises de sang en SSR et médecine.
Il était prévu 5 jours d’étude pour tous les patients ayant une prise de sang. La pose de 2
patchs était confiée à l’équipe de nuit. La prise de sang devait être faite par l’IDE du matin
aux mêmes horaires que d’ordinaire mais un délai d’au moins 1 heure devait être respecté
entre la pose du patch et le prélèvement sanguin.
22
Il était prévu que soient analysées plusieurs données :
1. Horaire de la pose et horaire réel de la prise de sang
2. Nombre de patchs mis (normalement pas plus de 2)
3. Possibilité de faire la prise de sang au niveau des sites "patchés"
4. Evaluation de la douleur induite par la prise de sang
5. Evaluation de l’inconfort provoqué par un réveil plus matinal en raison de la mise en place
du patch : est-ce que le réveil pour la pose du patch vous a dérangé ? si oui, auriez-vous
préféré ne pas être réveillé et ne pas avoir de patch ? est-ce que cette démarche vous a
apporté quelque chose ?
6. Pour les patients non communicants, l’évaluation de la douleur avec ALGOPLUS
7. Evaluation économique à voir avec le pharmacien
Parallèlement à cet audit, le CLUD a préconisé une formation interne en 2012 sur la prise en
charge de la douleur, notamment en ce qui concerne son évaluation avec l’échelle Algoplus
car cette échelle paraissait moins utilisée (résultats Audit IPAQSS SSR).
Puis le CLUD a poursuivi sa réflexion sur la prévention de la douleur induite par les soins. Il
a été décidé de ne pas faire l’audit sur l’utilisation de l’EMLA® pour les prises de sang ; les
IDE présentes et cadres de service ont considéré qu’il était difficile sur le plan pratique de
poser chez nos patients âgés un patch ou des patchs d’EMLA® avant une prise de sang (en
particulier car ce patch ne serait pas posé par l’IDE réalisant le prélèvement).
D’où le retour à notre question récurrente : Quel soin choisir ?
La douleur induite par les transferts ? Faut-il rajouter une transmission ciblée dans chaque
dossier sur la douleur lors des transferts ? Quel traitement antalgique proposer pour ces
mobilisations ? Faut-il revoir les techniques de mobilisation et aides techniques, et
l’évaluation de la douleur lors de leur utilisation ?
Plusieurs axes de travail ont été proposés par le CLUD :
- Essayer de faire une enquête de pratique : quel patient est douloureux un jour donné ? Quel
patient est douloureux pendant les transferts et quelle prise en charge de cette douleur est
proposée ?
- Choisir un soin rarement réalisé mais douloureux : pose d’une sonde naso gastrique ou
d’une sonde urinaire par exemple.
23
Mme Cimerman du CNRD, présente au CLUD commun aux deux établissements du 08/02/12
a accompagné la réflexion sur les soins douloureux et proposé d’orienter les efforts sur les
douleurs induites par le nursing, les transferts, les pansements d’escarre par exemple.
Lors du dernier CLUD du mois de mai dernier, une présentation de la réflexion en cours sur
les soins douloureux à l’HGDF a été réalisée. Nous souhaitons concevoir un tableau
synthétique dans un premier temps sur les douleurs provoquées par les soins dans le cas de
certaines pathologies :
L’objectif est d’améliorer la prise en charge des douleurs liées à ces soins. Nous allons créer
un tableau synthétique (que l’on pourrait afficher dans les services auprès des différents
professionnels) reprenant les principales pathologies prises en charge dans l’établissement, les
douleurs induites par les soins dans le cadre de ces maladies et comment les prévenir.
05/05/2012 PK 38
Douleur liée aux soins
Ainsi, la démarche sera préventive et axée sur les douleurs spécifiques rencontrées dans le
cadre de ces pathologies.
24
« L’après-REGARDS » en USLD
Dr. Delphine Thorez, USLD, Chardon-Lagache, Paris (75)
Présentation de la structure :
L’hôpital Chardon Lagache est une structure de soin gériatrique, sécurisée et fermée qui
appartient au Groupe Hospitalier Sainte Perine- Rossini- Chardon Lagache, situé à Paris dans
le 16° arrondissement.
C’est une unité fonctionnelle à part entière dont l’orientation des soins n’est que psycho-
gériatrique. Nous accueillons donc uniquement des patients déments à un stade sévère avec
des symptômes comportementaux et psychologiques liés à la démence (SCPD) dits
« envahissants ».
Ces patients sont répartis sur 97 lits d’hospitalisation : 10 lits de Soins de suite et réadaptation
(SSR) et 87 lits de soins de Longue Durée (USLD).
Ces lits d’USLD sont répartis sur 5 unités d’hospitalisations réparties sur 3 niveaux : rez-de-
jardin, premier et deuxième étage, qui communiquent toutes entre elles et où les patients
circulent librement, 24 h sur 24.
Notre activité est en cours de restructuration avec la création de 30 lits d’Unité
d’Hébergement Renforcé (UHR) et de 10 lits d’Unité Cognitivo Comportementale (UCC).
L’existence de l’Equipe Mobile de Psycho Gériatrie (EMPG) complète notre champ d’activité
soignante en nous permettant de répondre aux demandes d’avis spécialisé des différents sites
du groupe. Nous intervenons donc en gériatrie aiguë, du SSR, en USLD et parfois sur l’unité
de soins palliatifs.
L’équipe qui prend en soin ces patients se compose d’un gériatre temps plein, d’un psychiatre
mi-temps, d’un psychologue temps plein, d’un cadre de santé, de rééducateurs
(ergothérapeute, psychomotriciennes), d’infirmières, d’aides soignantes, et d’aides médico-
psychologiques.
Les soignants sont tous formés à la spécificité de la prise en soin des patients déments,
déambulants, qui présentent des troubles de compréhension, des troubles du jugement, des
troubles phasiques, gnosiques, praxiques avec des troubles du comportement dits envahissants
(agitation, agressivité, désinhibition, hallucinations, délires …).
25
Déroulement de l’étude :
L’étude « REGARDS » n’a concerné que les patients hospitalisés en unité de soins de longue
durée. L’infirmière coordinatrice et le médecin coordinateur se sont chargés du travail de
formation des équipes de jour et de nuit, aux différents outils de l’étude. Par ailleurs, ce
binôme a dû s’attacher à trouver une organisation simple et sécurisée du recueil de données,
dans une structure de soin complètement ouverte (seuls accès refusés : la rue et les zones
soignantes), qui accueille des patients majoritairement déambulants.
Résultats :
Description de la population concernée par le recueil de données :
Nous avons inclus 78 patients, d’âge moyen 78 ans [66-100]. Ces patients étaient
majoritairement des femmes (70,5%). Deux tiers étaient en GIR 1 et un tiers en GIR 2. Les
trois quarts de nos patients ont été dits « fragiles » selon les critères définis par le protocole de
l’étude. L’évaluation de la douleur par auto-évaluation du patient n’a été possible que dans 1
cas sur 4.
Les patients qui recevaient un traitement antalgique de fond représentaient 43% de notre
population. Des antalgiques de paliers 1 et 3 étaient surtout administrés.
Nous avons recensé 6794 gestes pendant les cinq jours de recueil ; ces gestes étaient
majoritairement réalisés en journée (67%), par les aides-soignantes (91%).
Le nombre de gestes réalisés par patient au total, était en moyenne de 87,1 [0-120].
Ces gestes étaient très majoritairement (89,9%) des soins d’hygiène, d’aide et de confort à la
personne.
Lors d’un acte de soin, on retrouvait dans un peu plus de 50% des cas, entre 5 et 7 gestes
différents pour ce même acte de soin. Au maximum, une toilette pouvait se décomposer en 9
gestes à évaluer.
La durée moyenne de chaque geste était de 3,2 minutes [0-40].
26
L’auto-évaluation de la douleur de chaque geste :
L’évaluation de la douleur par le patient (ENp), n’a pu être réalisée que pour 0,6 % des gestes
de soin, soit pour 40 gestes sur les 6 794 réalisés. Deux de ces 40 gestes ont été évalués
douloureux (Enp≥4) selon l’évaluation du patient.
L’hétéro-évaluation de la douleur :
L’hétéro-évaluation des gestes de soin par le soignant avait été faite avec, d’une part, l’échelle
numérique et d’autre part l’Algoplus.
L’échelle numérique a été utilisée pour 93,7 % des gestes. Sa valeur moyenne était à 0,62
[0-9]. Les gestes étaient estimés douloureux dans 6 % des cas, très douloureux dans 0,5 % des
cas.
Les gestes réalisés au cours d’un soin de plaie ou pansement étaient ceux qui étaient évalués
par les soignants comme étant plus douloureux.
L’Algoplus a été faite pour 96,6 % des gestes. Sa valeur était dans 49 % des cas nulle. Sa
valeur moyenne était de 1,2.
Répercussions de l’étude REGARDS:
La mise en place de l’étude au sein de l’établissement avec les nombreux temps de formation
des soignants a permis de renforcer les liens entre les équipes, la qualité et la quantité des
transmissions, l’écoute et les échanges inter professionnels et inter équipes. Chaque soignant
s’est senti investi d’une nouvelle responsabilité, celle de réussir ce challenge, certes pour la
qualité des recueils de données, mais au-delà de ça, responsabilité vis-à-vis du patient qui
redevenait le centre de toutes les préoccupations du quotidien, au-delà des difficultés
professionnelles.
Nous avons décomposé tous les actes de soins en de multiples gestes de soin à évaluer, et
nous avons ainsi pu trouver « qu’une simple toilette » est la succession de 13 gestes de soins
potentiellement douloureux, angoissants ou stressants. Ce geste « anodin » de toilette, a pris
alors une toute autre importance.
Pendant l’étude, il y a eu une vigilance accrue lors des soins réalisés, les soignants observant
de très près le patient et se questionnant eux-mêmes lors de l’hétéro-évaluation. Nous avons
pu observer un regain de l’attention portée au patient, de réflexion sur celui-ci, d’échange
entre professionnels, de questionnement sur la qualité du soin et sur le confort du patient.
27
Par ailleurs, les liens entre les équipes étaient très forts, avec une entraide et une prise de
plaisir réelle dans la participation au recueil des données. Chacun s’est senti valorisé dans son
travail et dans le regard porté sur son travail.
A distance de l’étude, nous avons conservé l’usage quotidien de l’échelle Algoplus dans les
évaluations soignantes de nos patients. Les initiatives soignantes sont nombreuses, lors de
modifications de présentation du patient, de SCPD « inhabituels ». Les soignants ont
désormais l’initiative de mettre en place un recueil de l’Algoplus sur 3 jours pour que l’on
puisse discuter, lors de nos réunions soignantes, des orientations diagnostiques et
thérapeutiques à donner pour le confort du patient. L’outil a été adopté par l’ensemble des
équipes.
Cependant, il faut souligner les limites de cet outil chez nos patients très déments avec de gros
troubles du comportement. En effet, pour certains de nos patients, observés en dehors de tout
geste soignant, au repos, l’évaluation de l’Algoplus est déjà positive.
Il est donc essentiel de pouvoir utiliser des outils d’évaluation qui sont une aide au diagnostic
et à la thérapeutique ; mais seule une parfaite connaissance de la singularité du patient par le
soignant, permettra que la pertinence de cette évaluation soit réelle.
Comme le disent souvent les équipes depuis la fin de l’étude : « notre regard a changé », il est
vrai que le regard porté sur nos patients et les gestes que nous faisons pour eux, avec eux, ont
changé après l’étude.
28
Impact en pratique quotidienne de l'étude REGARDS Anne Papas, cadre de santé, Nathalie Nion, Cadre Paramédical de Pôle Groupe
Hospitalier Pitié Salpétrière-Charles Foix Pôle P.R.A.G.U.E.S.
Service de gériatrie aiguë du Pr Verny
1- Présentation de la structure
Le centre de court séjour de gériatrie du groupement hospitalier Pitié-Salpêtrière -
Charles Foix se situe sur le site de la Pitié-Salpêtrière. Il fait partie intégrante du pôle
PRAGUES qui comprend les unités de Pneumologie, de Réanimation, d’Anesthésie, de
Gériatrie, d’Urgences, d’Explorations fonctionnelles et du Sommeil.
Le service de court séjour gériatrique est un des principaux services d’aval du Service
d’Accueil des Urgences (SAU) avec plus de 90% des patients accueillis originaire du SAU. Il
propose aux personnes âgées de plus de 75 ans une offre de soins répondant à leurs besoins.
L’unité est constituée de vingt lits dédiés à la médecine gériatrique et de dix lits accueillant
des patients en pré ou post-opératoire quelque soit la spécialité chirurgicale.
L’équipe pluridisciplinaire est composée de médecins gériatres ayant également une
spécialité (neurologues, endocrinologue, médecine interne,…), de cadres de santé,
d’infirmiers, d’aides soignants, de kinésithérapeutes, d’ergothérapeutes, d’orthophonistes et
d’une assistante sociale.
2- Principaux résultats de l'étude REGARDS
Etude réalisée en février 2010
24 patients inclus pendant 5 jours
Moyenne d’âge : 85 ans ; 80% de femmes
95% de patients très fragiles capables de s’auto évaluer pour 80% d’entre eux
Gestes effectués : 868 gestes évalués
Tous les professionnels sont impliqués
76% des gestes réalisés de jour et 24% de nuit
44% sont des soins d’hygiène
24% sont des piqûres
2% des soins de plaies
29
Traitement antalgique préalable :
25% des patients n’ont aucun traitement de fond
62% avec un ou deux traitements de fonds
75% d’entre eux ont reçu au moins un traitement antalgique au cours des 5 derniers jours
Traitement antalgique au moment du geste :
23% avaient un antalgique de fond au moment du geste
Seulement 0,3% ont reçu une analgésie pour le geste
Les gestes réalisés par les soignants sont efficaces, ils durent en moyenne 6 minutes
Evaluation de la douleur :
2/3 des patients trouvent le geste douloureux entre 1 et 4 (EN)
¾ des soignants estiment le geste douloureux entre 1 et 3 (EN)
16% des patients évaluent leur douleur > à 4 alors que 14% des soignants l’évaluent > à 4
3% des patients évaluent leur douleur > à 8 alors que 1,2% des soignants l’évaluent > à 8
Classification des gestes douloureux : du plus douloureux au moins douloureux :
Pour les patients Pour les soignants
Mobilisations (46%) Mobilisations (33%)
Soins hygiène (21,5%) Soins de plaie, pansements,… (23,5%)
Soins de plaie, pansements,… (20%) Soins hygiène (17%)
Piqûres (9,5%) Piqûres (11,5%)
Les soignants comme les patients pensent que les mobilisations sont les gestes les plus
douloureux.
En revanche, la douleur engendrée par les soins d’hygiène est légèrement sous évaluée par les
soignants.
Evaluation par Algoplus :
78,5% des patients ont été évalués avec l’échelle Algoplus
19% d’entre eux sont douloureux (score > à 2) avec Algoplus soit un pourcentage un peu
supérieur à celui obtenu avec l’EN (15%).
30
Ces résultats soulignent la pertinence de l’utilisation de l’échelle Algoplus pour la prise en
charge de certains patients.
L’enquête d’opinion dans le service révèle que 80% des soignants interrogés souhaiteraient
utiliser cette échelle. Elle montre aussi que seulement 50% des soignants semblent satisfaits
de la prise en charge de la douleur dans le service (16,7% de non réponse).
3- Impact dans la pratique quotidienne
En juin 2012, les différentes enquêtes menées dans l’unité de gériatrie soulignent une
meilleure prise en charge de la douleur. Cette amélioration s’explique par plusieurs actions :
- L’étude du CNRD :
o Autre regard sur l’évaluation de la douleur de la personne âgée
o Interrogation des soignants sur l’impact des soins
o Participation à la journée du CLUD
- L’enquête douleur et l’audit annuels :
o Réflexion d’équipe sur l’exhaustivité des transmissions
o Amélioration des pratiques et de la traçabilité (évaluation et réévaluation plus
précise de la douleur, détails sur les actions mises en œuvre et leurs résultats)
- Ajustement de la prescription
o Interdoses
o Morphiniques per os
o MEOPA
o Augmentation du stock et de la diversité des stupéfiants disponibles
- Actions de formations
o sur la prise en charge de la douleur
o sur les transmissions ciblées
o remise de livres à chaque soignant sur la prise en charge de la douleur11
En juin 2012, l’équipe soignante utilise plusieurs échelles d’évaluation :
- L’auto-évaluation avec EN, EVS ou encore EVA
- L’hétéro-évaluation est faite avec certains des critères de l’échelle Algoplus. Ces
derniers sont évalués mais non quantifiés selon la règle de l’échelle.
11 Livres sur la douleur édités par les laboratoires UPSA
31
En conclusion :
Deux ans et demi après la réalisation de l’étude REGARDS, l’échelle Algoplus est
partiellement utilisée par les soignants. On peut expliquer ce phénomène par les raisons
suivantes :
- Complexité de l’outil
- Etude réalisée à une période de changement dans le service (fermeture des derniers lits
de SLD et ouverture de l’unité peri-opératoire ; arrivée d’une nouvelle équipe
d’encadrement).
- La plupart des infirmiers sont de jeunes diplômés dont la priorité est d’asseoir leurs
compétences avant d’adopter de nouveaux outils et de développer une expertise dans
la prise en charge de la douleur.
- Turn over important des IDE (seul 30% de l’effectif actuel était présent au moment de
l’étude REGARDS).
L’amélioration de la prise en charge de la douleur est un des thèmes prioritaires du service de
gériatrie et l’équipe d’encadrement mène un travail de fond. L’étude REGARDS et les actions
mises en œuvre au sein du groupe hospitalier favorisent cette dynamique.
32
Expression et évaluation de la douleur liée au soin chez des enfants avec autisme A. Dubois (MCU) 1, C. Rattaz (PhD) ², A. Baghdadli (PU-PH) ²
1 Université de Brest Occidentale, EPS EA 4686 ² CHRU de Montpellier, Centre de Ressources Autisme Languedoc-Roussillon, Epsylon
EA 4556
Introduction
Dans le domaine de la douleur, le terme de « vulnérable » est de plus en plus employé pour
décrire certaines populations ; tel est le cas des enfants avec autisme. L’utilisation de ce terme
concernant l’autisme a différentes origines. Il faut revenir tout d’abord sur la définition même
de ce trouble. L’autisme est un trouble envahissant du développement précoce qui se
caractérise par une perturbation des capacités de communication verbale et non-verbale, des
interactions sociales réciproques et par la présence d’intérêts restreints et de comportements
répétitifs et stéréotypés (CIM 10, 1993). Ce trouble est associé dans la majorité des cas à des
troubles du langage, à un retard mental qui limitent d’autant plus les capacités de
communication (Fombonne et al., 2003) et à des particularités sensorielles (Klintwall et al.,
2011). Il faut rappeler par ailleurs que les enfants avec autisme ont longtemps été décrits
comme peu voire insensibles à la douleur. Ce qui a eu par voie de conséquence une prise en
considération tardive de la douleur et l’absence aujourd’hui d’outil et de protocole de prise en
charge spécifique à cette population. Enfin, les enfants avec autisme présentent des troubles
associés (trouble musculo-squelettiques, gastro-intestinaux, malformations physiques,
mauvais état bucco-dentaires, épilepsie ; Gillberg et al., 1996) et des conduites à risques
(automutilations) pouvant être source de douleur, mais aussi comme tout autre enfant, doivent
subir des soins médicaux désagréables et faire face à des accidents de la vie courante à
l’origine de sensations douloureuses. Même si les travaux actuels ne montrent pas une
prévalence des expériences douloureuses plus importante que pour la population générale
(McGuire et al., 2010 ; Walsh et al., 2011), il semble que ces enfants soient plus
régulièrement confrontés à la douleur que des enfants tout-venant.
Si cette population est considérée comme vulnérable, c’est sans aucun doute car la
symptomatologie, la prise en compte tardive de la douleur par la communauté scientifique et
la prévalence des expériences douloureuses importante rendent difficile aujourd’hui le
repérage, l’évaluation et la prise en charge de la douleur chez ces enfants.
Actuellement, nous savons que les enfants avec autisme sont pourvus physiologiquement et
neurologiquement des mécanismes de la douleur, mais des interrogations persistent
concernant le fonctionnement de ces mécanismes, l’expression et l’évaluation de la douleur.
33
Concernant ces deux derniers points, des travaux de recherche ont été publiés mais restent
non-consensuels (Dubois et al, 2010). Tordjman et al. (2009), par exemple, ont étudié la
réactivité à la douleur d'enfants avec autisme comparée à un groupe d'enfants. Les résultats
montrent tout d'abord une réactivité comportementale à la douleur réduite chez les enfants
avec autisme que ce soit en situation de vie quotidienne (à domicile ou en institution) ou
durant un soin douloureux (ponction veineuse). Les auteurs notent par ailleurs la présence de
troubles du comportement (conduites auto- et hétéro-agressives, retrait autistique) en réaction
à une douleur. Quelques plaintes verbales ont été décrites mais sans localisation précise de la
zone douloureuse, ni retrait ou protection de la partie du corps concernée. Ils notent enfin la
présence de réponses neurovégétatives anormalement élevées (tachycardie, augmentation du
taux de noradrénaline). Pernon & Rattaz (2003) ont comparé les réactions faciales, motrices et
sonores d’enfants avec autisme lors d'un pincement léger de la main, à celles d’enfants
témoins. Ces auteurs montrent non seulement que les enfants avec autisme réagissent moins
au niveau facial qu'au niveau moteur et sonore, mais aussi qu’ils réagissent aux stimulations
tactiles non-douloureuses. Selon eux, l’expression faciale n’est vraisemblablement pas un
marqueur expressif de la douleur prédominant chez les enfants avec autisme. Enfin, Nader et
al. (2004), puis Messmer et al. (2008) ont publié des études allant quelque peu dans le sens
contraire des études précédentes. En effet, ces auteurs ont mis en évidence chez les enfants
avec autisme, l'expression de mimiques faciales de douleur similaires à celles d'enfants
témoins durant une stimulation douloureuse et la pertinence de ce mode d'expression pour
estimer l'intensité de la douleur dans cette population.
L’absence de données consensuelles concernant l’expression de la douleur peut expliquer
l’absence d’outil d’évaluation et de protocole de prise en charge de la douleur : comment
repérer et évaluer une douleur si l’on ne sait pas comment elle est exprimée et communiquée ?
L'objectif de l’étude présentée ici est d'étudier l'expression et l'évaluation de la douleur chez
des enfants avec autisme comparées à des enfants témoins de même niveau de développement
en situation standardisée de soin (ponction veineuse). Ce projet est financé dans le cadre d’un
PHRC inter-régional coordonné par le Pr Amaria Baghdadli (CHRU Montpellier- CRA
Languedoc-Roussillon).
34
Méthodologie
Echantillon
L'échantillon se compose de 35 enfants ayant reçu un diagnostic d'autisme avec retard mental
(quotient intellectuel < 70) âgés de 3 à 8 ans (moy. : 6,5 ans) et de 36 enfants sans trouble du
développement âgés de 18 mois à 7 ans (moy. : 4,5 ans).
Evaluation des caractéristiques cliniques des enfants avec autisme
• Le diagnostic d’autisme est établi suite à une évaluation pluridisciplinaire incluant
notamment la passation de l'Autism Diagnostic Interview - Revised (ADI-R) et de l'Autism
Diagnostic Observation Schedule (ADOS-G).
• L'évaluation du profil cognitif est réalisée à l’aide d’instruments psychométriques
classiquement utilisés chez l’enfant et adaptés au niveau de développement psychologique et
à l’âge de l’enfant : l’échelle de Brunet-Lézine Révisée, le K-ABC, la WPPSI-III.
• Les compétences socio-adaptatives sont évaluées au moyen de l’échelle des comportements
adaptatifs de Vineland qui permet d’évaluer quatre domaines socio-adaptatifs : la
communication, l'autonomie dans la vie quotidienne, la socialisation et la motricité.
Procédure
Recueil des réactions faciales, comportementales et physiologiques
Les enfants sont observés et filmés dès le début de la prise en charge par l'équipe soignante
(installation sur le lit ou fauteuil de soin) jusqu'à la fin du soin (pose du pansement et descente
du lit ou fauteuil de soin). Un capteur d'oxymètre de pouls est installé au doigt de l'enfant et
permet d'observer l'évolution du rythme cardiaque tout au long de la ponction.
Evaluation de la douleur : comparaison inter-observateurs
Une fois la ponction veineuse terminée, les parents et les personnels soignants ayant pratiqué
la ponction veineuse répondent à un questionnaire composé de deux parties :
- une évaluation de l'intensité de la douleur ressentie par l'enfant au moyen d'une
échelle visuelle analogique (de 0 = pas de douleur à 100 = douleur très intense) ;
- une évaluation de la nature des émotions exprimées par l'enfant et leur intensité,
également au moyen d'une échelle visuelle analogique (de 0 = faible intensité à 100 = forte
intensité). Quatre émotions sont proposées : la peur, la colère, la tristesse et la surprise.
Deux soignants sont présents lors de la ponction : le soignant qui réalise la piqûre (Soignant 1
– S1) et le soignant qui maintient l’enfant (Soignant 2 – S2). Les deux soignants réalisent les
évaluations de manière séparée.
35
Matériel et outils d'évaluation
• CFCS (Child Facial Coding System, Chambers & al, 1996)
Le CFCS permet d’évaluer les mimiques faciales des sujets au moyen de 13 actions faciales,
cotées en absence ou présence. Cet outil constitue une version abrégée du FACS (Facial
Action Coding System ; Ekman, Friesen, et Hager, 2002) validé pour décrire les expressions
émotionnelles chez des adultes ou des enfants (Kappesser & Williams, 2002 ; Simon et al,
2008). Le CFCS est centré sur la douleur. Il a été utilisé avec des enfants tout-venant (Breau
& al., 2001) et à une reprise avec des enfants avec autisme (Nader et al, 2004).
• GED-DI (Grille d'Evaluation Douleur - Déficience intellectuelle)
Le codage des réactions comportementales (cris, pleurs, réactions motrices, etc.) est effectué
au moyen de l'échelle GED-DI, outil qui a été validé pour l'étude de la douleur à la fois
chronique et aiguë chez des enfants porteurs d'un retard mental (Zabalia et al., 2011). La grille
comporte 27 items répartis dans six domaines : les expressions faciales, vocales, les activités,
le comportement social, les mouvements du corps et des jambes, et les signes physiologiques.
• Cotation des séquences vidéo
Les différentes réactions sont codées a posteriori par un psychologue expérimenté sur la base
de la vidéo réalisée au moment de la ponction veineuse. Cinq périodes de 10 secondes ont été
définies durant lesquelles la présence ou l'absence des 13 actions faciales du CFCS, des 27
items comportementaux et l'évolution des paramètres physiologiques sont codés toutes les
secondes :
T 1 : Pré-piqûre = 30 à 20 secondes avant la piqûre
T 2 : Piqûre 1 =10 premières secondes
T 3 : Piqûre 2 = 20 à 30 secondes après le début de la piqûre 1
T 4 : Piqûre 3 = 40 à 50 secondes après le début de la piqûre 1
T 5 : Post-piqûre = 20 à 30 secondes après la fin de la piqûre
Résultats
Expression faciale, comportementale et physiologique
• L’expression faciale a été analysée en faisant la moyenne des 13 actions faciales du
CFCS exprimées à chaque période dans les deux groupes d’enfants. Les résultats (figure 1)
36
montrent que dans les deux groupes, le nombre moyen d’expressions faciales augmente entre
le Temps 1 (avant la piqûre) et le Temps 2 (piqûre), puis diminue entre les Temps 3, 4
(piqûre) et 5 (après la piqûre). Pour le groupe autiste, cette variation est significative entre les
moments de la piqûre (T2, 3 et 4) et les deux périodes avant (T1) et après (T5) (p<.05) ; pour
le groupe témoin, la variation est significative entre le moment de la piqûre (T2), la suite du
soin (T3 et 4) et les deux périodes avant (T1) et après la piqûre (T5). Concernant la
comparaison des moyennes entre les deux groupes, les résultats ne montrent pas de
différences significatives.
Figure 1. Evolution des scores moyens au CFCS aux 5 temps.
• Les réactions comportementales ont été analysées en faisant la moyenne du nombre de
comportements exprimés à l’échelle GED-DI à chaque période dans les deux groupes.
L’analyse des comportements par domaines (expressions faciales, vocales, activités,
comportement social, mouvements du corps et des jambes, et signes physiologiques) montre
des différences significatives (p < .05) entre les deux groupes concernant :
- l’activité : le groupe autiste exprime en moyenne plus de comportements liés à
l’activité motrice que le groupe témoin tout au long du soin.
- les productions vocales : le groupe autiste exprime en moyenne plus de
comportements liés aux productions vocales à T1 et T5.
- le comportement social : le groupe autiste exprime en moyenne plus de
comportements liés au comportement social à T5.
• L’évolution du rythme cardiaque dans chaque groupe a été analysée en faisant la
moyenne du rythme cardiaque à chaque période. Les résultats ne montrent pas de différence
significative entre les groupes. Si l’on compare néanmoins la configuration de l’évolution de
rythme cardiaque entre les 2 groupes (figure 2), on constate que dans le groupe témoin,
37
l’augmentation se fait de manière progressive jusqu’au T4 puis diminue rapidement à T5
(après la piqûre), alors que pour les enfants du groupe autiste, l’augmentation du rythme
cardiaque se fait de manière rapide entre T2 (piqûre 1) et T3 (piqûre 2), puis reste élevé
(résultats non significatifs).
• Les données ont été analysées également au regard de la présence ou non d’un
anesthésique local (type pommade EMLA et /ou gaz MEOPA). Les résultats montrent tout
d’abord que le nombre d’enfants ayant bénéficié d’un anesthésique local est plus élevé dans le
groupe témoin que dans le groupe autiste. Par ailleurs, les résultats ne montrent pas d’effet
significatif de la présence d’un anesthésique local sur l’expression faciale, comportementale
et physiologique, quel que soit le groupe.
Tableau 1. Utilisation d’un anesthésique local (Emla, Meopa) selon le groupe
Groupe autisme
(N=35)
Groupe témoin
(N=36)
Emla 46% 67%
Meopa 7% 19%
Emla et/ou Meopa 49% 81%
Evaluation de la douleur et des émotions : comparaison inter-observateurs
Les scores attribués par les parents et les soignants au moyen d’une EVA allant de 0 à 100 ont
été moyennés par groupe. Les résultats montrent tout d’abord que quel que soit le groupe, les
soignants et les parents attribuent des scores de douleur plus faibles que des scores d’émotions
100
105
110
115
120
125
T1 T2 T3 T4 T5
Groupe autisme Groupe témoin
Figure 2. Evolution du rythme cardiaque (en moyenne) aux 5 temps de la ponction veineuse.
38
négatives (peur, colère, surprise) (figure 3).
Figure 3. Evaluations de la douleur et des émotions par les parents et les soignants
(intensité moyenne)
Concernant l’évaluation de la douleur, l’analyse de la concordance des évaluations montre
tout groupe confondu, une bonne concordance entre les soignants (.71 et .79), mais une
concordance médiocre ou modérée entre les soignants et les parents (de .40 à .52). Les parents
attribuant des scores plus élevés que les soignants.
Concernant l’évaluation des émotions, seule l’émotion de peur est évaluée de manière
importante dans les deux groupes. L’analyse de la concordance des évaluations montre que
pour le groupe témoin, il y a une bonne concordance entre les soignants (.75), et les parents et
le soignant 2 qui maintient l’enfant (.70). Alors que pour le groupe autiste, la concordance est
médiocre (.28 et .42). Les parents attribuant des scores plus élevés que les soignants.
Discussion
Concernant l’expression de la douleur au niveau facial, les résultats indiquent que
globalement et quantitativement il n’y a pas de différence entre l’expression de la douleur des
enfants avec autisme et celle des enfants sans trouble du développement. La ponction
veineuse entraîne une augmentation des mimiques faciales de douleur et du rythme cardiaque,
quel que soit le groupe. Les scores sont en moyenne moins élevés chez les enfants avec
autisme concernant les mimiques faciales mais les différences ne sont pas significatives.
Concernant les réactions comportementales, de manière globale il n’y a pas de différence
entre les enfants avec autisme et les enfants sans trouble du développement. En revanche,
l’analyse des comportements par domaine montre des différences significatives concernant les
productions vocales qui sont plus nombreuses chez les enfants avec autisme avant et après la
39
piqûre. Ces productions relèvent donc plus d’un état émotionnel négatif que d’une douleur.
Des différences apparaissent également concernant l’activité tout au long du soin et le
comportement social juste après la piqûre. Ces premiers résultats indiquent donc qu’au cours
d’un soin, globalement et quantitativement, les enfants avec autisme expriment la douleur de
manière identique à des enfants sans trouble du développement. Une analyse qualitative plus
fine et précise des comportements indique néanmoins des différences qui restent à préciser.
Au vue des données de la littérature, ces résultats rejoignent Nader et al. (2004) pour qui les
mimiques faciales sont un bon indicateur de l’intensité de la douleur au même titre que les
enfants tout-venant, et l’étude de Pernon & Rattaz (2003) qui montre que la réactivité motrice
et vocale permet de distinguer davantage les enfants avec autisme des enfants tout-venant que
la réactivité faciale.
Concernant l’évaluation, les parents et les soignants évaluent la situation de ponction
veineuse plus comme source d’émotions négatives (peur, colère, tristesse) que de douleur.
L’analyse de la concordance des évaluations montre néanmoins que les parents attribuent des
scores plus élevés que les soignants concernant la douleur et les émotions. Ces données
rejoignent les travaux effectués concernant les enfants sans trouble du développement qui
montrent l’absence de concordance inter-observateur entre les soignants et les parents
(Duignan & Dunn, 08 ; Rajasagaram et al., 09 ; Zhou et al., 08). Ces résultats révèlent des
différences dans le vécu de la situation entre les parents qui vivent cette situation comme
anxiogène pour leur enfant et sans doute pour eux-mêmes, et les soignants qui sont dans leur
pratique et qui peuvent peut-être avoir tendance à sous-évaluer la nature anxiogène de la
situation.
Enfin, concernant les pratiques de soins, cette étude montre que les techniques préconisées et
habituellement utilisées chez les enfants tout-venant (pommade anesthésiante, gaz
hallucinogène) ne sont pas systématiquement utilisées chez les enfants avec autisme (81%
pour les enfants du groupe témoin contre 49% chez les enfants avec autisme). Ce résultat peut
être lié aux difficultés que pose l’utilisation de ces techniques auprès d’enfants ayant un
trouble du développement. Par exemple, la pose d’une pommade anesthésiante demande
d’attendre que cette dernière agisse et de conserver un pansement, ce qui peut être délicat
pour des enfants avec autisme présentant des particularités sensorielles notamment sur le plan
tactile. Ces résultats, associé au fait que la situation est vécue comme anxiogène par les
enfants, montrent la nécessité de réfléchir à des protocoles de prise en charge en situation de
soins adaptés aux enfants avec autisme, et de manière plus générale aux enfants présentant des
troubles du développement.
40
Références
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Facial Action Coding System Revised Manual. Halifax : Dalhousie University.
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department patients: a replication. Int Emerg Nurs 2008;16(1):23-8.
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- Gillberg C, Coleman M. Autism and medical disorders: a review of the literature. Dev Med
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41
- Zhou H, Roberts P, Horgan L. Association between self-report pain ratings of child and
parent, child and nurse and parent and nurse dyads: meta-analysis. J Adv Nurs
2008;63(4):334-42.
42
Chez les adultes atteints de pathologies mentales. Comment évaluer ? Comment traiter ?
Dr Djéa SARAVANE Chef de service – Service des Spécialités
EPS Ville-Evrard 93332 Neuilly-sur-Marne cedex
La douleur est une expérience globale, individuelle et elle est subjective. Elle va avoir des
répercussions sur l’individu sous la forme d’émotions désagréables, des réponses cognitives et
des réactions comportementales. Elle nécessite une prise en charge multidisciplinaire.
Le soignant, bien souvent a accès à ce phénomène subjectif par le biais du discours du patient.
Mais ce discours reste pauvre ou parfois absent en pathologie mentale. Qu’en est-il de la
douleur, en particulier chez le schizophrène où la perception même de la douleur est altérée ?
Quel sens donner au délire du patient schizophrène en l’absence d’une plainte douloureuse
claire, face à l’apparente insensibilité à la douleur classiquement décrite ?
Les études insistent sur l’insensibilité à la douleur des patients schizophrènes, voire même
évoquent l’analgésie.
Hypothèses à cette apparente insensibilité
Les hypothèses invoquées sont multiples :
• Incidence des psychotropes sur la perception à la douleur
• Perte du sens de la douleur liée à l’évolution de la maladie mentale
• Liaison de l’halopéridol aux récepteurs endorphiniques
• Modification du taux d’opioïdes endogènes
• Dysrégulation du système glutaminergique de type NMDA, avec une diminution de
capacité de transmission des récepteurs, etc…
Une étude récente (Equipe de S. Marchand, Canada) montre que les patients schizophrènes
ressentent bien la douleur, ont des systèmes inhibiteurs normaux mais ne présentent pas de
sensibilisation, normalement induite par un stimulus nociceptif périphérique persistant et
répétitif. Cette absence de sensibilisation pourrait expliquer l’apparente hypoalgésie des
patients schizophrènes.
La douleur en santé mentale constitue un véritable défi pour les soignants, car l’expression et
l’évaluation de cette douleur sont complexes, avec un langage et un comportement qu’il faut
savoir décoder en l’absence d’outil d’évaluation spécifique. Ainsi, chez le schizophrène une
douleur avec un substratum anatomique peut être exprimée sous forme d’idées délirantes avec
43
parfois des thèmes de persécution. Le patient peut également avoir des hallucinations
cénesthésiques douloureuses qu’il intégrera dans le contexte de son délire.
Comment évaluer la douleur chez le patient atteint de pathologie mentale ?
Il n’existe pas d’échelle spécifique d’évaluation de la douleur en santé mentale.
Cette évaluation est difficile et comporte de très nombreux obstacles :
• La non-verbalisation de la douleur associée à des altérations, des perceptions et du
schéma corporel
• La sensation exprimée par le patient et non perçue par le soignant
• La non reconnaissance de la douleur par l’équipe soignante insuffisamment formée
dans ce domaine.
La démarche est clinique, tout en sachant observer et entendre le langage du patient. Une
attention particulière doit être prêtée aux changements d’attitudes et de comportement du
patient stabilisé par son traitement neuroleptique.
→ Les outils d’évaluation pour les patients communicants peuvent servir. Ce sont des outils
d’auto-évaluation :
� L’EVA (Echelle Visuelle Analogique) pose un problème de fiabilité et de
reproductibilité chez les patients schizophrènes et bipolaires.
On préconise à l’heure actuelle :
� L’EVS (Echelle Verbale Simple)
� Et l’échelle des 6 visages (Face Pain Scale) en cours de validation dans notre
population.
→ Pour les patients dyscommunicants, ce sont les outils d’hétéro-évaluation :
� Plusieurs échelles existent dans ce domaine : Doloplus 2, ECPA…, qui ont été testées
et n’ont pas donné satisfaction.
� En cours d’étude l’EDAAP (Echelle Douleur Adolescent Adulte Polyhandicapé)
semble intéressante. C’est une échelle qualitative d’évaluation comportementale de la
douleur. Cette échelle nécessite une évaluation par une équipe pluridisciplinaire et qui
sera adaptée à la pathologie des patients.
44
L’équipe soignante ne doit pas ignorer, voire occulter la douleur chez les patients atteints de
pathologie mentale. Que la douleur physique intervienne sur un terrain psychotique, ou
qu’elle retentisse sur le contexte affectif, dans tous les cas, l’intrication psyché-soma est la
règle.
La reconnaissance d’une douleur ne doit pas faire oublier un traitement antalgique et la
réévaluation.
Alors comment la traiter ?
Il faut bien choisir le type de traitement en fonction du mécanisme supposé de la douleur et
également réévaluer fréquemment le traitement si inefficace.
On peut et on doit proposer les moyens pharmacologiques et non pharmacologiques chez nos
patients.
→→→→ Le traitement pharmacologique
La stratégie basée sur l’efficacité antalgique comme l’a proposée l’OMS pour la douleur
cancéreuse, paraît la plus opérationnelle.
Nous retiendrons ici les précautions à prendre en cas de co-prescription des antalgiques avec
le traitement psychiatrique et on n’évoquera pas les effets secondaires connus des antalgiques.
� Les antalgiques périphériques
- Le paracétamol à la dose de 3 à 4 g/24 h chez l’adulte est bien toléré chez nos patients.
- Les Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens (AINS) : Il ne faut pas associer deux AINS
et une précaution particulière s’impose en cas de co-prescription avec les
thymorégulateurs, car elle entraîne une diminution de l’élimination rénale du lithium
avec risque de toxicité et coma.
� Les antalgiques opioïdes faibles
- La codéine : l’association au paracétamol est presque systématique. L’adjonction d’un
laxatif osmotique doit être préconisée en raison du ralentissement du transit intestinal
provoqué par la codéine.
45
- Le tramadol : seul ou en association avec le paracétamol, à utiliser avec prudence chez
les patients traités par des médicaments pouvant diminuer le seuil épileptogène.
� Les antalgiques opioïdes forts :
- La morphine est le produit de référence. Il faut privilégier la forme orale en santé
mentale.
- Il existe une réticence en santé mentale pour la prescription de morphiniques, en raison
des effets secondaires présumés : dépendance – addiction et dépression respiratoire.
- La voie transcutanée est également intéressante, le Fentanyl en patchs. Le patch
semble être un bon moyen d’analgésie chez les patients toxicomanes, en raison de
l’absence de pic plasmatique et de l’affinité du Fentanyl pour les récepteurs qui
minimisent les interférences d’un éventuel traitement de substitution.
� Les autres techniques antalgiques
Elles doivent être reconnues, car il existe un bénéfice important dans la prise en charge des
douleurs induites par les soins :
- L’anesthésie de contact : EMLA. Très intéressant en pédopsychiatrie et même en
psychiatrie adulte, pour les prélèvements sanguins.
- Le Mélange Equimolaire d’Oxygène et de Protoxyde d’Azote (MEOPA) est également
très utile en psychiatrie. La technique du MEOPA s’applique à toutes les douleurs
induites par les soins : prélèvements, soins d’escarres…et également dans les soins
dentaires, les soins gynécologiques, dermatologiques et pédicurie.
→→→→ Le traitement non pharmacologique
Toutes les techniques de l’approche psycho-corporelle sont bénéfiques pour nos patients :
l’approche cognitivo-comportementale, les relaxations, les massages, la kinésithérapie, les
stimulations thermiques, la musicothérapie etc… sont également très utiles dans l’éventail
thérapeutique.
Ces techniques doivent être systématiquement évoquées dans la prise en charge et bien
souvent permettent de limiter des interférences médicamenteuses chez les patients
polymédiqués.
46
Conclusion
La prise en charge de la douleur chez les patients atteints de pathologie mentale reste
d’actualité, et du domaine de la santé publique. L’écoute attentive de propos délirants
inhabituels, la survenue inopinée de changements d’habitudes devraient faire évoquer une
atteinte somatique douloureuse.
Ensemble, nous devons nous pencher sur cette approche. Souhaitons la reconnaissance d’une
souffrance qui se vit, s’exprime, mais n’est souvent pas entendue.
Références
- Dworkin RH. Pain insensitivity in schizophrenia: a neglected phenomenon and some implications Schiz Bull 1994;20 (2):235-248
- Fishbain D. Pain insensitivity in psychosis Annals of Emergency Medecine 1982;11:630-32 - Gieu R, samuellian JC, Coulouvrat H. Objective evaluation of pain perception in patients with schizophrenia Br J. Psychiatry 1994;164(2):253-255 - Greschwind N. Insensitivity to pain in psychotic patients N. Engl J Med 1977; 296:1480 - Marchand S et al De l’hypoalgésie à l’hyperalgésie ! La lettre de l’IUD 2008 ; n°28 - Potvin S, grignon S, Marchand S. Human evidence of supra-spinal modulation role of dopamine on pain perception Synapse 2009;63:390-402 - Saravane D, Peultier F. Les difficultés de l’évaluation de la douleur en santé mentale Soins Psychiatriques 2010;268: 20-2
- Saravane D, Peultier F. Les modalités de l’évaluation de la douleur en santé mentale Douleur et Analg. 2011; 24(3):132-137 - Saravane D. Historique de la douleur en santé mentale Douleur et Analg. 2011; 24(3):171-175 - Van Damme S, Crombez G, Eccleston C. Coping with pain: a motivational perspective Pain 2008;139:1-4 - Villemure C, Bushnell MC. Cognitive modulation of pain: how do attention and emotion influence pain processing? Pain 2002;95:195-9
47
Douleur et soins chez les patients handicapés Valérie Joindreau-Gaudé, Infirmière Ressource Douleur. Hôpital A. Paré, Boulogne (92)
Introduction
Dans de nombreuses circonstances, la douleur est un signal d’alarme utile, indiquant un
problème physique, une complication. Celle-ci devient inutile, si elle se chronicise ou se
répète. Des répercussions psychologiques peuvent survenir.
Les soins réalisés ont pour but le diagnostic, le bilan, le traitement d’une maladie, mais
également soigner (réfection de pansements, toilette…) .
Mais certains soins peuvent souvent induire des douleurs, qui sont généralement prévisibles,
aiguës, et à priori de durée limitée.
Les soins, qu’ils soient très techniques, ou qu’il s’agisse de gestes plus courants, sont souvent
protocolisés, mais ne prennent pas fréquemment la douleur en compte. Les soignants estiment
souvent que la brièveté de la douleur ne justifie pas sa prise en compte, ou la sous-estiment.
Même si cela est parfois vrai pour un soin isolé, la répétition d’un geste peut devenir difficile
à supporter pour le patient [1]
Les patients porteurs de handicap(s) sont une population particulièrement exposée et
vulnérable à la douleur des soins. Quelles que soient les causes du handicap (patients cérébro-
lésés, blessés médullaires, polytraumatisés, maladies dégénératives, pathologies musculo-
squelettiques), ils subissent un nombre important d’actes potentiellement douloureux, que ce
soit à domicile ou en hospitalisation. Même si dans certains cas il y a des déficits sensitifs
partiels ou complets, des douleurs peuvent malgré tout, être ressenties. Même les soins
d’hygiène et de vie se révèlent problématiques du fait du handicap. Car de courants quand on
est bien portant, ces soins de base deviennent pourvoyeurs de douleurs quand il s’agit de les
réaliser chez un patient handicapé. Ces patients doivent faire l’objet d’une attention
particulière dans l’évaluation, et la prise en charge de douleurs existantes et/ou induites, mais
également dans la prévention. En effet, il faut absolument prévenir par des actions et des soins
adaptés, l’apparition de pathologies potentiellement douloureuses, auxquelles sont
particulièrement exposés les patients handicapés. Il peut s’agir, par exemple, de prévention
d’apparition d’escarres, de soins visant à limiter les rétractions de membre(s) [2].
48
En mars 2011, le Haut Conseil de la Santé Publique a présenté l’évaluation du 3è plan
d’amélioration de la prise en charge de la douleur [3]. Il préconise l’élaboration d’un 4è plan
douleur avec un focus sur l’implémentation de bonnes pratiques professionnelles dans le
domaine des douleurs induites.
Protocoles et procédures
Une implication des différents acteurs de soins est nécessaire, pour intégrer la prise en charge
de la douleur dans les protocoles ou procédures de soins. Le CLUD de chaque établissement a
un rôle majeur dans la réflexion et la prise en compte de la douleur induite par les soins [4].
Pour y parvenir, il est obligatoire de faire une évaluation initiale des pratiques, permettant, par
exemple, de chiffrer l’intensité de la douleur (et les difficultés d’évaluation pour les patients
non communicants), de répertorier les soins douloureux et les difficultés rencontrées dans la
prise en charge de ces douleurs induites. Ensuite, des actions de formation peuvent être
nécessaires, mais également des modifications des procédures, et d’organisation de ces soins
(discutées avec les équipes). Cette démarche d’évaluation des pratiques, via le CLUD, fait
participer les différents acteurs de soins, et peut éviter des blocages à l’évolution des pratiques
de certains d’entres eux.
Les protocoles de soins validés proposés doivent être faisables, et applicables localement [5].
Il faut absolument tenir compte des possibilités tant techniques qu’humaines de chaque
service, pour que l’utilisation de ces protocoles se fasse dans les meilleures conditions
possibles pour les soignants, et évidemment améliorer les conditions du soin pour le patient.
L'évaluation de la douleur :
Plusieurs outils validés d’évaluation de la douleur sont à notre disposition. L’évaluation
permet de repérer et tracer la douleur, pour adapter les traitements antalgiques, et pouvoir,
notamment, améliorer les conditions du soin.
Des études montrent que bien souvent la douleur (quel que soit le contexte, et la cause), est
sous estimée par les soignants [6]. Divers processus tentent d’expliquer cette sous estimation,
mais il est important d’en être conscient, pour l’éviter.
L’évaluation n’est pas toujours facile à réaliser du fait des différentes composantes de la
douleur et de la nature du handicap. Le risque dans certains cas de déficits sensitifs partiels ou
complets (notamment chez blessés médullaires), est de conclure, à tort, que le patient ne peut
pas avoir mal. Certaines lésions ou maladies associées, peuvent engendrer chez ces patients
49
des « épines irritatives », qui vont, par exemple, accentuer leurs contractures ou leurs
problèmes de spasticité. Il est donc important que les soignants connaissent bien les
pathologies de ces patients, pour mieux repérer et évaluer leurs douleurs.
Depuis les années 1980, suite aux travaux de l’IASP (International Association for Study of
Pain), il est admis que la douleur est une expérience émotionnelle et sensorielle désagréable et
qu’il n’y a pas de parallélisme entre lésion et douleur [7]. Le diagnostic de douleur est fondé
sur la communication et l’observation car il repose sur le ressenti du patient. Dans le cas d’un
patient handicapé, cela peut poser des problèmes. Les soignants éprouvent beaucoup de
difficultés à évaluer les patients dyscommunicants, faute de formation et d’outils adaptés.
Il est recommandé d’utiliser l’auto-évaluation si cela est possible. Mais dans certains cas de
patients ayant des difficultés de communication, nous devons utiliser une échelle d’hétéro-
évaluation.
Les outils d’évaluation les plus utilisés sont :
- L’EVA (échelle visuelle analogique), échelle de référence, qui grâce à une réglette graduée,
permet au patient de situer sa douleur avec un curseur, entre pas de douleur (=0) et une
douleur maximale imaginable (=10) ; le dos de cette réglette étant graduée, le soignant peut
chiffrer l’intensité de la douleur au moment où la question est posée.
- L’EN (échelle numérique), est très fréquemment utilisée, le soignant demande de chiffrer la
douleur entre 0 et 10.
- L’EVS (échelle verbale simple), est une échelle de qualificatifs, le patient a le choix entre pas
de douleur (=0), douleur faible (=1) , douleur modérée (=2) , et douleur intense (=3).
Cette échelle d’auto-évaluation, bien que moins sensible que les deux précédentes, peut être
utile en cas d’incompréhension par le patient des deux échelles précédentes.
- L’échelle Algoplus® (http://www.cnrd.fr/IMG/pdf/ALGOPLUS.pdf) est une échelle
d’hétéro-évaluation validée chez le sujet âgé non communicant en urgence, mais transposable
(non validé) chez l’adulte non communicant . Les items sont le visage, le regard, les plaintes,
le corps, le comportement ; la réponse oui est cotée 1, ou non est cotée 0. Si le score est > 2
/5, le patient est douloureux et il faut instaurer ou modifier le traitement antalgique
(http://www.youtube.com/watch?v=ppHdjRi6p7s).
50
- L’échelle FLACC modifiée (http://www.cnrd.fr/IMG/pdf/FLACC-R.pdf) reprend les même 5
items que l’échelle FLACC d’origine, mais quelques précisions sont apportées pour repérer
les attitudes, mimiques pouvant être signe de douleur chez les enfants handicapés. Cette
échelle initialement prévue pour évaluer la douleur (de la naissance à 18 ans) est utilisable,
d’après le diagramme ci-dessous élaboré par le CLUD de l’hôpital R. Poincaré, en pédiatrie (à
partir de la naissance), mais également chez les adultes. Les 5 items sont le visage
(expressions), les jambes (positions et mouvements), l’activité (repos , mouvements), les cris
(fréquence, et dans quelles situations), et la consolabilité (selon les situations).
Le CLUD de l’hôpital Raymond Poincaré a élaboré et diffusé un diagramme d’échelles
d’évaluation. Ce diagramme aide les équipes à choisir une échelle adaptée aux besoins du
patient dans une situation donnée.
Intérêts de l’évaluation de la douleur :
• Identifier les patients douloureux, surtout pendant les soins, même en l’absence de
plaintes douloureuses, cela est vrai pour tous, mais il faut en être beaucoup
« conscient », lorsque l’on a en charge des patients porteurs de handicaps, car ils ne
peuvent peut être tout simplement pas l’exprimer, ou le faire différemment .
51
• Etablir une relation de confiance entre le soignant et le patient, en tentant de prendre en
compte la globalité de ce que le patient ressent tout au long du soin. Les explications sur
le déroulement du soin, sa nécessité, la prise en compte du ressenti douloureux,
permettent de limiter voire de supprimer les sensations douloureuses.
• Permettre la mise en œuvre d’un projet thérapeutique, grâce à des protocoles de prise en
charge de ces douleurs induites par les soins, ou le réajustement des traitements
antalgiques.
Les différents aspects de la prise en charge des soins douloureux :
Le relationnel :
Cet aspect de la prise en charge est essentiel, et relève directement du rôle propre infirmier.
Le contact est primordial, il faut rassurer, et installer confortablement le patient, ce qui permet
de diminuer le ressenti de la douleur (position antalgique, caler le dos, par exemple).
Des soins douloureux répétés peuvent générer une appréhension du soin, de l’anxiété, et une
majoration du vécu douloureux ; c’est pourquoi le soignant doit bien informer et expliquer le
soin, son objectif et son déroulement, et éventuellement solliciter la participation du patient.
Les soins courants de nursing reviennent très fréquemment et sont parfois difficiles pour des
patients handicapés, notamment lorsqu’ils ont d’importantes contractures, rendant difficile le
moindre changement de position ; car même si les douleurs sont ressenties différemment, il
faut tout le savoir-faire des soignants et la confiance des patients pour que ces gestes se
déroulent dans les meilleures conditions possibles.
La loi du 4 mars 2002, oblige tout soignant à délivrer au patient une information complète du
geste qui va être réalisé, y compris les soins dits de base (toilette, soins de bouche…)
L’information doit être adaptée aux capacités cognitives du patient, et délivrée à un moment
suffisamment proche du geste. C’est un moyen d’entrer en relation avec lui, de faire le point
sur son état douloureux. Il faut s’adresser au patient, à un moment où les deux sont
disponibles : le patient pour comprendre le soin et le soignant pour pouvoir répondre aux
questions.
Dans la prévention de la douleur induite, le soignant a un rôle éducatif en conseillant au
patient toutes les possibilités d’être plus confortable en accord avec son handicap (meilleure
position, détournement de l’attention, présence d’une personne ressource…) Informer
comporte des limites et des difficultés. Il faut prendre en compte la maîtrise de la langue, la
52
nature du handicap. Le fait de choisir des personnes référentes pour un patient permet de
limiter l’impact des difficultés et améliore la qualité de l’échange.
Plusieurs outils existent, favorisant la connaissance de l’autre. Ainsi, la Mission Handicap
AP-HP a mis en ligne une fiche de liaison quotidienne des adultes et enfants handicapés
dépendants. Cette fiche permet de mettre en place tous les moyens nécessaires à une bonne
prise en charge. L’item 12 de cette grille est consacré à la douleur et facilite grandement ce
travail (http://www.aphp.fr/wp-content/blogs.dir/20/files/2012/04/Fiche-
d%C3%A9valuation-dossier-de-liaison-handicap-AP-HP.pdf).
S’interroger sur la pertinence et sur l’organisation du soin, respecter son rythme, favoriser sa
récupération. Certains soins sont fait par « habitude » des soignants, à des heures régulières, et
pourraient dans certains cas (notamment si le patient est fatigué par la rééducation ou par une
autre cause), être différés, ou reportés, quand cela est possible.
La technique :
Le choix du matériel est primordial, par exemple, le choix d’un pansement adapté à la plaie,
mais qui ne collera pas à celle-ci, et donc fera beaucoup moins mal lors de son ablation au
pansement suivant. Il ne faut pas hésiter à utiliser toutes les ressources locales, et demander
l’avis d’experts sur certains soins (matériel de manutention, techniques psycho-corporelles,
pansements adaptés…). Lors des mobilisations et brancardages, très fréquents chez les
personnes handicapés, une utilisation optimale du matériel de transfert, ou les bonnes
techniques de manutention, peuvent permettre que ces gestes se déroulent dans de meilleures
conditions (pour le patient, mais également pour les soignants), et bien souvent avec des
douleurs moindres.
La formation accrue et continue du soignant réalisant le soin est d’un point de vue technique
important, mais aura également un impact au niveau relationnel avec le patient.
Il est parfois possible, en concertation avec l’équipe médicale, de modifier la fréquence d’un
soin difficile, malgré les précautions et traitements instaurés.
Les antalgiques :
La plupart du temps, les patients handicapés, ont des traitements antalgiques systématiques,
pour traiter différents types de douleurs, selon les cas.
Il peut s’agir de douleurs par excès de nociception, souvent de douleurs neuropathiques
(d’origines périphériques ou centrales), et parfois de douleurs mixtes.
53
D’autres antalgiques peuvent être ajoutés pour les soins douloureux, sur prescription, ou
selon des protocoles validés localement. Généralement, si cela est possible, la voie orale est
préférée (en tout cas dans un premier temps). Dans le cas de soins répétés et douloureux,
l’utilisation de pompes PCA (Patient Controlled Analgesia) se révèle utile. Mais son
utilisation est subordonnée à une compréhension de son utilisation et d’une adhésion du
patient.
Il faut absolument tenir compte des délais d’action des produits, en fonction de leur nature et
de leur voie d’administration, pour que leur efficacité soit maximale pendant le soin. Des
formations répétées sont souvent nécessaires pour rappeler les modalités d’administration
optimales des antalgiques. Des supports sous forme de mémo peuvent être mis à disposition
des soignants.
Les anesthésies locales :
Faites en général par un anesthésiste, la plupart du temps, pour des analgésies locorégionales.
Reprenons par exemple, le cas de la ponction lombaire, très peu de médecins font une
injection d’anesthésique local au point de ponction et pourtant, cela apporte un réel confort au
patient.
L’EMLA®, anesthésique local, (sous forme de crème ou de patch), sur prescription médicale
ou protocole de soins, est probablement sous-utilisé chez l’adulte en France. Il est utilisé
régulièrement pour les ponctions de sites implantables, mais trop rarement pour des
ponctions artérielles, et encore moins pour de « simples » ponctions veineuses.
En revanche, son utilisation est beaucoup plus systématisée en pédiatrie. En pratique il faut
anticiper , son efficacité est lié à son temps de pose, qui est au minimum d’une heure. Sa sous
utilisation est souvent due à un problème organisationnel, puisque ces soins sont rarement à
réaliser en urgence.
Le mélange équimolaire oxygène-protoxyde d’azote (MEOPA) :
Il est aussi beaucoup plus largement utilisé en pédiatrie. Mais son utilisation se développe
chez l’adulte. Il peut s’avérer dans bien des cas, très utile, puisque son utilisation est simple et
rapide (seulement 3 minutes d’administration avant de commencer le soin). Nous en
disposons dans les services de soins ou dans les consultations, sous forme de bouteille. Son
administration la plus fréquente se fait via un masque facial, relié à un kit de ventilation.
54
Il comporte peu de contre-indications (hypertension intracrânienne, pneumothorax). Il a une
action antalgique, mais également anxiolytique.
Chez de nombreux patients handicapés, les problèmes de spasticité sont fréquents, et peuvent
être aggravés par des stimuli nociceptifs sous-lésionnels (appelés « épines irritatives »), même
en cas de déficit sensitivo-moteur complet.[8] C’est pourquoi il est important de les traiter
grâce aux antalgiques, voire même avoir recours à l’analgésie loco-régionale, pour limiter ces
phénomènes de spasticité. [9]
Les moyens non médicamenteux :
Différents moyens physiques et psychologiques sont efficaces pour diminuer l’intensité des
douleurs induites. Pour les personnes présentant des handicaps, il est fréquent d’utiliser des
contentions (orthèses, corsets, attelles…). Elles doivent être faites sur mesure, correctement
mises afin de permettre un relâchement musculaire.
Un bon moyen d’éviter les douleurs induites, est de prévenir l’apparition de certaines causes,
notamment grâce à l’étape essentielle qu’est la prévention de lésions du revêtement cutané
aux points d’appui. La mobilisation douce et régulière est primordiale. La prévention relève
du rôle propre infirmier.
Les mobilisations se font en tenant compte des capacités locomotrices du patient. Il ne faut
pas hésiter à être plusieurs, afin de ne pas majorer les douleurs. Solliciter l’expertise du
kinésithérapeute ou de l'ergothérapeute permet d’aménager l’environnement immédiat du
patient, rendant la réalisation du soin plus aisé.
Depuis plusieurs années, les méthodes psycho-corporelles : hypnose, relaxation, toucher ont
enrichi considérablement l’arsenal thérapeutique de la prise en charge de la douleur. Elles
permettent à des degrés divers, de soulager la souffrance morale et de diminuer les troubles
psychologiques tels que l’anxiété, l’angoisse, le stress. Autant il existe très peu de limitations
d’utilisation de ces techniques, si ce n’est la compréhension du patient, autant leur application
dans une stratégie thérapeutique demande une réflexion, des formations, et un investissement
personnel.
Conclusion
C’est un droit de ne pas souffrir inutilement. Les progrès indéniables dans le domaine éthique,
technique de la prise en charge de la douleur ne doivent pas faire oublier, que trop souvent les
« petites » douleurs du quotidien sont banalisées, minorées, et sous estimées. Chez les patients
55
handicapés, très exposés aux douleurs, et ayant parfois des difficultés à les exprimer, il
apparaît que la formation des soignants et leur connaissance de pathologies spécifiques, peut
aider à mieux reconnaître et donc traiter les douleurs induites par les soins. Il appartient à
chaque professionnel de santé de refuser de faire mal. C’est au travers de l’analyse
quotidienne de sa pratique, qu’il donnera le meilleur soin tout au long de sa carrière. De
même, c’est en s’informant, en faisant valoir ses droits que le patient pourra être pleinement
acteur de son projet de soin et surtout de sa qualité. Comme souvent la personne handicapée
voit ses droits rognés, sa condition humaine dégradée, c’est à nous donneurs de soins de faire
en sorte qu’ils reçoivent le meilleur avec le minimum de douleurs possibles.
Références
[1] Brasseur L., Chast F., Lassaunière J-M., et al. Caractéristiques et prise en charge médicale des accès douloureux transitoires, Douleurs 2001;2(5): 226-227.
[2] Gourdin E., Pernes P . Présentation du film « Prévention de la douleur lors de la toilette et des mobilisations chez l’enfant et le jeune adulte polyhandicapés ». [3] Haut Conseil de la Santé Publique Evaluation du Plan d’amélioration de la prise en charge de la douleur 2006-2010, Mars 2011. Disponible sur : http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?ae=avisrapportsdomaine&clefr=211&menu=09 [4] Ministère de l’emploi et de la solidarité. Programme de lutte contre la douleur 2002-2005. Disponible sur : http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/programme_lutte_douleur_2002-05.pdf ] [5] Recommandations pour la pratique clinique 2005 : standards, options et recommandations pour la prise en charge des douleurs provoquées lors des ponctions lombaires, osseuses et sanguines chez l’adulte atteint de cancer. Mise à jour janvier 2005.
[6] Prkachin KM, Solomon PE, Ross J. Underestimation of pain by health-care providers: towards a model of the process of inferring pain in others. Can J Nurs Res 2007;39(2):88-106.
[7] IASP Subcommitee on taxonomy. Pain terms : a list with definition and notes on usage pain 1979;6:242-52. [8] Even-Schneider A., Chartier-Kastler E., Ruffion A.- Spécificités cliniques du blessé médullaire (escarres, HRA, spasticité)- Progrès en urologie 2007;17(3)454-456. [9] Conférence d’experts de la SFAR : Prise en charge d’un adulte présentant un traumatisme vertébro-médullaire. Texte court. 2003. Disponible sur : http://www.sfar.org/article/252/prise-en-charge-d-rsquo-un-blesse-adulte-presentant-un-traumatisme-vertebro-medullaire-ce-2003 [consulté le 6/09/2012]
56
Evaluation de la douleur chez des patients souffrant d’insuffisance respiratoire chronique. Enquête menée dans un service de
pneumologie avec unité d’assistance respiratoire à domicile
Marguerite d’Ussel-Jacqueminet (1), Nathalie Nion (2), Thomas Similowski (2),
Elisabeth Collin (3).
1 SAU, Hôpital Saint-Joseph, Paris; 2 Service de Pneumologie et Réanimation, Groupe
Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris; 3 Consultation d’Etude et Traitement de la douleur,
Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris
La prise en charge de la douleur des patients est une préoccupation constante des
services hospitaliers. Il a été montré qu’il n’y a pas d’amélioration des procédures sans
évaluation préalable des pratiques. Les patients souffrant d’insuffisance respiratoire
constituent une population fragile chez qui l’évaluation de la douleur a été peu étudiée. Afin
de mieux connaître la fréquence et les caractéristiques de la douleur dans cette population,
nous avons mené une enquête durant 5 jours auprès de patients hospitalisés en unité
d’assistance respiratoire à domicile, et dans la réanimation d’un service de pneumologie.
METHODE
o Durée d’évolution (chronique ?)
o Localisation
o Caractéristiques neuropathiques éventuelles par le questionnaire DN4
o Douleur induite par les soins :
• Catégorie de geste douloureux
• Intensité par EVS à 4 niveaux
• Traitement préventif éventuel
• Satisfaction des patients
Un questionnaire anonyme a été proposé à tous les patients. Il comprenait des données
générales (sexe, âge, antécédents, traitements en cours), l’intensité de la douleur au domicile
durant les huit derniers jours et au moment de l’enquête mesurée par l’échelle visuelle
numérique agrandie (EVNA) lorsque le patient était communicant, l’échelle BPS si le patient
était sédaté et ventilé, et l’échelle Algoplus si le patient était âgé non communicant, et les
caractéristiques de la douleur :
57
RESULTATS
o Population :
• 23 hommes / 17 femmes.
• Age: 56 ± 16 ans.
• 47,5 % avaient un traitement antalgique au moment de l’enquête.
• Causes de l’insuffisance respiratoire : 35% des patients souffraient d’une
sclérose latérale amyotrophique (SLA), 35% avaient une insuffisance
respiratoire chronique autre (bronchopneumopathie chronique obstructive
[BPCO], insuffisance médullaire…), et 30 % avaient une insuffisance
respiratoire aiguë (OAP, sepsis, embolie pulmonaire…).
o 72,5 % des patients se plaignaient d’avoir ressenti des douleurs au domicile dans les
huit derniers jours. L’intensité de cette douleur était modérée (5 en moyenne).
o Au moment de l’enquête, 19 patients étaient douloureux, soit 47,5% des patients
interrogés. L’intensité moyenne était de 5,39 sur l’EVNA. Cette douleur évoluait
depuis plus de 3 mois dans 89,5 % des cas, et avait des localisations multiples chez un
quart des patients.
Seuls 4 patients avaient un score DN4>3. Chez 3 patients douloureux, le score DN4
n’a pas pu être réalisé.
11 patients étaient satisfaits de la prise en charge de cette douleur.
o 82,5 % des patients se plaignaient d’avoir eu un geste douloureux au cours de
leur hospitalisation.
Le geste douloureux le plus fréquent (72,5 %) était la ponction vasculaire. Un
traitement préventif était donné dans un cas sur deux. L’intensité de la douleur était
modérée (EVS= 1,03 ± 0,4).
Le geste le plus douloureux (EVS=1,67 ±0,89) était la mobilisation (30 % des
patients) avec un traitement préventif dans 20 % des cas.
Les autres gestes douloureux étaient ceux nécessitant la mise en place d’une sonde
(urinaire, de fibroscopie, drains, redons…), les examens d’imagerie, ou les soins de
colostomie.
72 % des patients souhaitaient le même traitement préventif de la douleur en cas de
reproduction du geste.
58
Seuls 3 % des patients n’étaient pas satisfaits.
DISCUSSION
Les patients souffrant d’insuffisance respiratoire chronique sont de plus en plus
nombreux. Ainsi, la BPCO est actuellement dans les pays développés la 5ème cause de
morbi-mortablité2, et représentera selon les prévisions de l’OMS la 3ème cause de décès
en 20203.
Pourtant, rares sont les études portant sur l’évaluation de la douleur dans cette
population. L’une des explications possibles de la « sous-évaluation »4 de la douleur
peut être la priorité laissée à l’appréciation de la dyspnée, et de son évolution. On peut
imaginer également que les troubles de la communication rendent plus difficiles
l’évaluation de la douleur. Dans la SLA, les patients porteurs d’une atteinte bulbaire
sont perturbés dans leur élocution; il en est de même pour tous les patients assistés par
une machine de ventilation (VNI, trachéotomie…).
C’est pour cette raison que nous avons utilisé en première intention dans notre enquête
l’EVNA, échelle visuelle numérique agrandie, proposée comme échelle d’évaluation
des patients hospitalisés en unités de soins continus dans l’étude de Chanques1.
Il est en effet recommandé d’utiliser en première intention les échelles d’auto-
évaluation pour dépister la douleur, y compris dans les services de soins intensifs.
Or, de nombreux patients, très fatigués ou présentant des déficits moteurs, peinent à
comprendre l’utilisation de l’EVA et n’ont souvent pas la force de mobiliser eux-
même le curseur ; l’échelle numérique (agrandie pour parer aux éventuels déficits
visuels de ces patients), a donc été évaluée par l’équipe de Chanques à Montpellier.
Elle a alors été validée comme les autres échelles d’autoévaluation, et était surtout
l’échelle que les patients préféraient utiliser, et dont la faisabilité était la plus grande
selon les soignants.
Les patients que nous avons interrogés étaient hospitalisés d’une part dans une unité
d’assistance respiratoire à domicile, pour mise en place d’un ventilateur, ou surveillance de
son fonctionnement, et d’autre part dans l’unité de surveillance continue ou de réanimation du
même service de pneumologie. Les causes de l’insuffisance respiratoire, chronique ou aiguë,
59
étaient donc variées. Environ un tiers de ces patients présentaient une SLA, et un autre tiers
avait une autre cause d’insuffisance respiratoire chronique.
Bien que la population de notre enquête ne fût donc pas toujours hospitalisée en soins
continus, les pathologies chroniques dont ils souffraient et qui les amenaient à être appareillés
sur le plan respiratoire (SLA, insuffisance médullaire…) leur conféraient des caractéristiques
communes aux patients de réanimation, ce qui nous a poussés à utiliser l’EVNA de façon
large.
La SLA ou maladie de Charcot est une maladie neurodégénérative fréquente, dont la
prévalence est de 4 à 6/100 000 liée à une dégénérescence progressive des 2 neurones de la
voie motrice volontaire ; elle associe dans un ordre variable, et avec une aggravation
constante, une paralysie des membres et des muscles labioglosso-pharyngo-laryngés.
L’évolution naturelle aboutit au décès, avec une médiane de 40 mois et des extrêmes de 6
mois à 15 ans.
Dans la SLA, les douleurs sont rarement liées directement à la maladie, mais sont notées chez
un nombre important de patients. Les mécanismes ne sont pas encore étudiés. Les auteurs
s’intéressant au sujet notent que les différents types de douleur semblent liés à l’atteinte
« musculo-squelettique » favorisée par l’inactivité et les œdèmes articulaires, et aussi les
crampes ou autres douleurs spastiques5. La douleur devrait être considérée comme un aspect
essentiel de la prise en charge palliative des sujets atteints de cette pathologie évolutive5.
Une conférence de consensus datant de 2005 et organisée par l’HAS6 recommande d’évaluer
la douleur de ces patients SLA au moment du diagnostic de la maladie, sans apporter
davantage de précisions concernant le type de douleurs à rechercher, ni sur leur prise en
charge.
Chez les patients souffrant de BPCO, de la même manière, les études évaluant la douleur
restent rares. Les dernières recommandations pour la pratique clinique de 2009, émises par la
Société de Pneumologie de Langue Française7, n’évoquent pas même l’évaluation ou le
traitement de la douleur chez ces patients. Pourtant, un travail canadien récent compare les
caractéristiques de la douleur entre ce type de patients et la population générale, et rapporte
une fréquence de la douleur plus importante chez les BPCO (45 % des patients BPCO étaient
douloureux, contre 35 % des patients issus de la population générale), avec des localisations
spécifiques au niveau du cou et du tronc8. Ceci confirme les données apportées par la
littérature concernant les caractéristiques des patients BPCO9-11 (prévalence, localisations,
évolution).
60
L’une des explications possibles de la douleur chez les patients BPCO serait d’une part une
activation majorée des cytokines, entraînant un développement plus important de douleurs
inflammatoires8. D’autre part, les sensations de dyspnée et de douleur seraient localisées dans
des aires cérébrales communes12,13, proposant l’hypothèse d’un abaissement du seuil de
sensibilisation douloureuse chez les patients dyspnéiques au long cours8.
Nous retrouvons des chiffres similaires dans notre enquête, puisqu’ environ un patient sur
deux se déclare douloureux au moment de l’interrogatoire, et la plupart de ces patients
douloureux considéraient que ces douleurs étaient chroniques. La petite taille de notre
échantillon ne permet pas de conclure à propos de toute la population des insuffisants
respiratoires chroniques, mais donne des pistes de réflexion concernant la douleur de ces
patients.
Les patients souffrant d’insuffisance respiratoire chronique, comme tous les patients atteints
d’une pathologie chronique, sont soumis à de nombreux gestes diagnostiques, thérapeutiques,
plus ou moins invasifs et répétitifs. Or nous avons montré que ces patients se plaignaient de
nombreuses douleurs liées aux soins. 82,5 % des patients déclaraient ainsi avoir eu un geste
douloureux au cours de l’hospitalisation actuelle (qui était une hospitalisation de jour pour
une majorité d’entre eux).
Les ponctions artérielles sont fréquentes chez ces patients, et elles sont la plupart du temps
douloureuses. Dans un cas sur deux seulement, un traitement préventif était proposé au
patient. Or, ces gestes sont prévisibles, et on peut imaginer qu’un traitement préventif (type
patches d’EMLA ou hypno-analgésie) soit prescrit de manière systématique sans alourdir la
prise en charge.
Il est intéressant également de noter le caractère particulièrement douloureux des
mobilisations chez ces patients très souvent en perte d’autonomie, et qui doivent donc être
transportés en ambulance, ou soulevés par des soignants au moment des transferts.
A notre connaissance, aucune étude ne s’est intéressée à ce type de douleur « évitable » dans
cette population, et les résultats de cette enquête nécessitent d’être confirmés par des études
plus larges.
CONCLUSION
Les patients souffrant d’insuffisance respiratoire chronique sont de plus en plus
nombreux et sont plus souvent douloureux que la population générale. Notre enquête a pu
préciser les caractéristiques de ces douleurs : le plus souvent chroniques, d’intensité modérée,
61
et rarement neuropathiques. Ces patients se plaignent souvent de douleurs liées aux soins, qui
sont insuffisamment prévenues.
REFERENCES
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62
Limites et sécurité de la sédation/analgésie: état des lieux et rappel des bases.
Michel Galinski - CNRD – Hôpital Trousseau, Paris.
Introduction
Un certain nombre de soins, de gestes et d’actes sont source de douleurs intenses à sévères.
Certains d’entre eux peuvent efficacement être traités par une analgésie « standard » associant
plusieurs familles d’antalgiques combinés à des techniques non pharmacologiques, par
exemple. Cependant chez certains patients et/ou pour certains soins ces modalités s’avèrent
insuffisantes. Dans ces conditions le palier supplémentaire de prise en charge, ne pourrait être
qu’une sédation du patient pour l’aider à supporter le geste. Le soignant est alors confronté à
une situation dans laquelle il est amené à utiliser des médicaments jusqu’à présent réservés à
l’anesthésie utilisés par les anesthésistes. Lorsqu’il s’agit de gestes extrêmement brefs
(quelques minutes), parfois répétés quotidiennement, est-il réaliste de programmer cette
intervention au bloc opératoire avec toutes les lourdeurs organisationnelles qui y sont
associées ? Evidemment cette question concerne des situations très différentes, des gestes
répétés en hémato-oncologie chez l’enfant (ponction lombaire, ponction-biopsie de moelle)
ou chez les brûlés (pansement), des soins d’escarres ou d’ulcère chez des personnes âgées
aboutissant à une phobie du soin, jusqu’aux gestes de mobilisations de patients traumatisés en
urgence extrahospitalière.
Rappels: impact de la douleur aiguë
La douleur est-elle délétère ? Il n’y a pas d’étude actuellement démontrant le bénéfice d’une
analgésie efficace lors de la réalisation de gestes tels que décrits ci-dessus. Par contre,
plusieurs travaux ont maintenant bien démontré que la qualité de l’analgésie peropératoire
avait un impact majeur sur la morbi-mortalité des patients. Historiquement, Anand démontra
en 1987 dans une étude devenue célèbre que les prématurés opérés pour le traitement d’un
canal artériel perméable avaient plus de complications circulatoires et respiratoires ainsi que
des stigmates biologiques de souffrance tissulaire lorsqu’ils ne recevaient pas de morphinique
pendant l’opération [1]. Une méta-analyse récente a permis de comparer la morbidité et la
mortalité de patients selon qu’ils recevaient une analgésie peropératoire par voie systémique
ou par voie périmédullaire. A un mois, il avait été recensé 247 décès (sur 9 559 patients
63
inclus). L’analgésie périmédullaire était associée à un risque de mortalité inférieur de 30 % à
celui de l’analgésie systémique (OR= 0,7 [0,54 – 0,90]) [2]. Après un traumatisme thoracique
avec fractures de côtes et contusion pulmonaire, le risque de survenue d’une complication
infectieuse respiratoire et le nombre de jours avec respirateur mécanique était
significativement plus important lors d’une analgésie systémique que périmédullaire [3].
Par ailleurs, la douleur aiguë associée au geste peut modifier la perception des douleurs
ultérieures. C’est ce qu’ont démontré Taddio et al chez des enfants ayant eu une circoncision
avec ou sans anesthésie locale à la période néonatale [4]. Lors de la réalisation de la première
vaccination entre 4 et 6 mois, les enfants n’ayant pas eu d’anesthésie locale avaient des
stigmates douloureux significativement plus fréquents que ceux n’ayant pas eu de
circoncision, ce qui n’était pas le cas pour les nourrissons ayant eu une anesthésie locale.
L’enjeu : bénéfice-risque
Il est donc démontré que la douleur aiguë ou une analgésie insuffisante peut être associée à
des complications parfois graves. D’un autre côté, les molécules utilisées pour l’analgésie et
la sédation sont associées à des risques d’effets indésirables, certains pouvant être graves. Il
faut évaluer la balance bénéfice/risque (analgésie/réduction des complications liées à la
douleur/effets indésirables graves des antalgiques) de la prise en charge. Les modalités
antalgiques doivent être adaptées à la nature du geste et au contexte.
On peut définir deux grandes catégories de soin pouvant faire l’objet d’une Analgésie-
Sédation Procédurale (ASP).
Certains gestes sont douloureux mais tout à fait gérables avec des procédures antalgiques
standard. Cependant lorsque ces gestes sont répétés, ils deviennent insupportables, la prise en
charge habituelle devenant inefficace. Il y aurait un effet sensibilisant de la douleur [5]. Un
exemple de cette situation est représenté par l’onco-hématologie pédiatrique avec des enfants
ayant de façon récurrente des ponctions lombaires et des ponctions-biopsies médullaires. Il
existe une association forte entre le souvenir des ponctions lombaires antérieures et la détresse
lors des ponctions lombaires ultérieures [6]. Chen et al ont démontré qu’une plus grande
exagération dans le souvenir de l’enfant sur l’anxiété et la douleur (par rapport à son dire
initial) était associée à une plus grande détresse lors de la ponction lombaire suivante [6]. Les
enfants qui ont eu des soins dentaires douloureux ont plus de risque d’être anxieux lors des
soins dentaires futurs [7]. Il a été par ailleurs démontré que ce n’est pas le nombre
d’expériences douloureuses qui a un effet important mais la quantité de douleur accumulée.
En effet, il semble que les enfants ayant eu le plus d’expériences douloureuses étaient plus
64
anxieux et plus stressés que les enfants qui avaient eu des expériences essentiellement
positive ou neutre lors des gestes [8]. La répétition du geste nécessaire pour la prise en charge
de la maladie aboutit à une réelle phobie avec une impossibilité totale de réaliser le geste [6].
Certains gestes, bien que très brefs (quelques minutes), sont d’emblée associés à une douleur
sévère, insupportable. L’exemple caractéristique est la mobilisation de patient traumatisé en
médecine d’urgence. Une étude est en train de mesurer la douleur et les modalités
d’analgésie lors de la prise en charge de patients traumatisés, en médecine d’urgence
extrahospitalière (données non publiées). Quatre-vingt deux patients ont été inclus jusqu’à
présent (âge moyen de 41 ans (DS =24) et 72 % de mâles). Il s’agit essentiellement
d’accidents de la voie publique, de chutes de hauteurs variables et d’accidents sur des
chantiers. Les lésions enregistrées sont des fractures et/ou luxations dans 80% des cas et
94% des patients (77/82) étaient spontanément douloureux avec une douleur sévère dans
80% des cas (EVA/EN ≥ 6 ou EVS = 4). Quatre-vingt un patients ont eu au moins un geste
(mobilisation et mise en place dans la coquille au minimum). Parmi ceux-ci, 52% (42/81)
ont reçu un sédatif (propofol, kétamine ou midazolam) avec ou sans antalgique. Les autres
patients ont reçu une analgésie isolée (dont un morphinique pour 77% d’entre eux). Lors de
la mobilisation, 23 patients ont eu une douleur intense à sévère dont 19 n’avaient pas reçu de
sédatif. Au total, parmi les 42 patients ayant eu une sédation, 4 (9,5%) avaient ressenti une
douleur intense à sévère lors du geste. Parmi les 39 patients qui n’avaient pas eu de
sédation, 19 (49%) avaient ressenti une douleur intense à sévère lors du geste. La durée du
geste était de 3 minutes (Médiane). Ces résultats préliminaires semblent montrer l’intérêt
dans ce contexte de l’utilisation d’une sédation brève par rapport à une analgésie standard.
Quelle sédation ?
Le sédatif idéal devrait avoir une durée d’action correspondant à la durée du geste, avoir une
posologie connue et constante quel que soit le patient, préserver la ventilation et
l’hémodynamique, protéger les voies ariennes (réflexe de déglutition) et permettre un réveil
calme et agréable. Ce sédatif n’existe pas.
Actuellement, deux médicaments sont particulièrement utilisés dans ces indications, la
kétamine et le propofol.
Le propofol
Le Propofol est un médicament anesthésique. Son utilisation est délicate du fait de ses
effets hémodynamiques (hypotension), respiratoire (apnée) et de la perte de toute protection
65
des voies aériennes supérieures. Le taux d’effets indésirables dû au Propofol aux urgences
est de 5 % avec une hypoxémie dans 5 à 30 % des cas [9]. Ces avantages principaux sont
un délai d’action de 45 à 60 secondes et une durée d’action de 5 minutes [9,10, 11]. Ces
caractéristiques lui permettent d’être performant lors des gestes brefs mais très douloureux.
En médecine d’urgence, les doses initiales sont de l’ordre de 1 mg/kg (soit 2 à 3 fois moins
que pour une AG), avec éventuellement une titration à 0,5 mg/kg toutes les 3 minutes, en
fonction des besoins [6]. Mais ce médicament doit être utilisé avec un matériel de
réanimation disponible immédiatement, c’est-à-dire à portée de main du praticien et après
une période de préoxygénation. La balance risque/bénéfice doit être mesurée pour chaque
patient, particulièrement en ce qui concerne le risque d’inhalation. En effet, l’alternative
pourrait être une AG avec IOT (intubation oro-trachéale). Si ce médicament fait maintenant
partie de l’arsenal des urgentistes, il ne peut avoir d’indication en dehors de mains
entraînées et expertes (RFE SFAR SFMU 2010) sa marge de sécurité étant relativement
étroite.
La kétamine
Ce médicament a été synthétisé dans les années 60 et a été défini comme un anesthésique
dissociatif. Son utilisation a été limitée par ses effets psychodysleptiques avec hallucinations
et agitations lors du réveil. Cependant, ses avantages principaux sont le respect du tonus
sympathique et de la ventilation spontanée lors d’une anesthésie. A des doses relativement
faibles (de 0,5 à 1 mg/kg) la kétamine a des effets sédatifs permettant la réalisation de gestes
brefs mais très douloureux. Son délai d’action est inférieur à 1 minute par voie intraveineuse
et sa durée d’action de 5 à 10 minutes. La kétamine peut cependant compromettre la
ventilation dans 6% des cas, mais aucune conséquence grave n’a été rapportée [12-14].
Lors du réveil, des hallucinations et/ou une agitation surviennent dans 5 à 25 % des cas [13,
14, 16]. Le taux et l’intensité des effets indésirables augmentent avec la dose. La relation
entre la concentration plasmatique et les effets psychodysleptiques est linéaire entre 50 et
200 mg/ml [17]. Les effets indésirables doivent être connus, les contre-indications
respectées, ce médicament devant être utilisé par des personnels formés et avec un matériel
de réanimation disponible. Globalement, la revue de la littérature est plutôt rassurante.
Sédation analgésie en pratique.
Deux situations ont particulièrement été étudiées, les urgences et les gestes en onco-
hématologie. Concernant les urgences, la littérature maintenant riche sur ce sujet, la
66
compétence acquise par les urgentistes exerçant dans des conditions de sécurité identiques à
celle de l’anesthésie-réanimation et la reconnaissance officielle (RFE SFAR-SFMU 2010),
font que cette question de l’usage d’une sédation telle que nous l’entendons ne se pose pas
vraiment. L’urgentiste se trouve dans la même situation que l’anesthésiste devant effectuer
un geste très douloureux et bref. Il doit « simplement » mettre en balance le risque d’une
sédation en ventilation spontanée chez un patient a priori non à jeun et celui d’une anesthésie
générale avec une intubation oro-trachéale.
La seconde situation concerne des gestes programmés. Ce point est important car cela
permet d’optimiser la prise en charge en respectant les contre-indications, en organisant le
soin en fonction du patient, de mettre tous les paramètres de sécurité du côté du soin. Deux
études récentes ont bien décrit la faisabilité et la sécurité de la sédation dans cette situation.
La première a décrit l’utilisation de kétamine en onco-hématologie lors de 850 gestes
(ponction lombaire, myélogramme, biopsie osseuse) chez 125 enfants âgés de 2 à 16 ans,
entre 2001 et 2007. La dose moyenne de kétamine était de 0,5 à 3 mg/kg, associée à du
MEOPA [18]. Au total, les procédures ayant duré 15 minutes en moyenne, les enfants et les
parents étaient tous satisfaits, un seul réveil désagréable était noté et des vomissements
dans 5 % des cas (tous les enfants étaient à jeun avant le geste). Le second travail concernait
71 gestes chez 18 enfants dont l’âge médian était de 8,5 ans [19]. Le protocole comprenait
l’injection de 0,5 mg/kg de kétamine IVL, seule, à renouveler si nécessaire. Un patient a eu
des effets psychodysleptiques traités par midazolam. La majorité des gestes ont pu être fait
après un à deux bolii. Lors d’un geste il y a eu un épisode transitoire de désaturation et
aucune complication grave comme un laryngospasme.
Au total, il est clair que la nécessité faisant loi il faut se donner les moyens de prendre en
charge les patients quelle que soit la situation. Un refus de soin peut être délétère en termes
de prise en charge d’une maladie grave ou invalidante. Une douleur très intense chez un
traumatisé peut se payer en termes de chronicisation de la douleur. La réflexion doit se faire
à ce niveau. Des moyens existent, adaptés aux diverses situations mais nécessitent
évidemment une prise en compte des soignants, une organisation spécifique et sécurisée, et
donc formation et information. Car pour l’heure les protocoles possibles et validés restent
associés à des effets indésirables plus ou moins graves qu’il faut connaître et savoir prendre
en charge.
67
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69
Sédation-analgésie lors de soins douloureux au lit du patient
Jusqu’où aller ?
Marcel Louis Viallard, MD, PhD, EA 4569, Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, EMASP Necker-Enfants Malades, APHP, Paris
Certains soins sont particulièrement douloureux pour le patient. Une prise en compte de cette
douleur iatrogène permet dans nombre de cas un contrôle satisfaisant de cette douleur
provoquée tant pour le sujet lui-même que pour son entourage et les soignants.
L’antalgie peut recourir dans ces cas aussi bien à des médicaments qu’à des techniques
d’analgésie locorégionales ou non médicamenteuses.
Parfois, l’ensemble des techniques et approches antalgiques mobilisables ne permettent pas de
soulager le patient. Le recours à une sédation-analgésie peut dès lors être proposé.
La sédation-analgésie pour soins douloureux ou complexes.
La sédation est une pratique utilisée dans diverses spécialités médicales. En médecine
palliative, en phase terminale pour détresse, « la sédation est la recherche, par des moyens
médicamenteux, d’une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu’à la perte de
conscience. Son but est de diminuer ou de faire disparaître la perception d’une situation
vécue comme insupportable par le patient, alors que tous les moyens disponibles et adaptés à
cette situation ont pu lui être proposés et/ou mis en œuvre sans permettre d’obtenir le
soulagement escompté.» « La sédation est une diminution de la vigilance pouvant aller
jusqu’à la perte de conscience qui peut être appliquée de façon intermittente, transitoire ou
continue. » [1]. On a retenu la même définition chez l’enfant [2].
En réanimation et en anesthésie on parle notamment de sédation-analgésie de confort dont les
objectifs sont de soulager, par des moyens médicamenteux, en priorité la douleur et
d’améliorer la tolérance à l’environnement source « d’agressions physiques et/ou
psychologiques » [3].
Ces définitions insistent sur l’objectif de soulager le patient d’une perception soit d’une
douleur soit d’une situation vécue comme insupportable. Lors d’un soin ou une exploration
douloureuse ou complexe, quand le ressenti de la douleur, ou de la situation, souvent itérative,
70
dès lors que les techniques analgésiques bien menées n’ont pas permis de préserver le patient
de cette perception, l’objectif du prendre soin s’inscrit parfaitement dans la logique
d’indication d’une sédation-analgésie. L’analgésie permettant de contrôler du mieux que
possible la douleur physique et la sédation permet de diminuer ou mieux supprimer les
perceptions vécues comme insupportables par le patient.
On peut donc légitimement s’inscrire dans les recommandations de bonnes pratiques publiées
sur la sédation tant en médecine palliative qu’en anesthésie-réanimation.
Cependant si l’on applique à la lettre ces recommandations, on se trouve alors dans
l’obligation de respecter des conditions de qualification et d’environnement technique qui ne
sont pas toujours accessibles là où le geste douloureux doit ou peut être pratiqué.
Se pose alors la question, du jusqu’où aller ? Si l’on dépasse certaines limites, que l’on se
soustrait à certaines contraintes, comment ne pas aller trop loin et ne pas exposer le patient à
des risques déraisonnables et inacceptables dans une pratique médicale et soignante
moderne ?
Sur quels arguments rationnels peut-on se baser pour s’autoriser à déplacer les limites puisque
la littérature est totalement silencieuse sur le sujet ?
Avant toute chose, il nous semble impératif de bien préciser que l’on ne considère pas cette
« prise de risque exceptionnelle » raisonnable et acceptable comme un « blanc seing » qui
ouvrirait la porte à des pratiques anarchiques et libérées de toute contrainte de sécurité.
La pratique d’une sédation présente des risques de complications pouvant être sévères qu’il
faut connaître et savoir éviter et anticiper. Ses risques parfaitement identifiés sont
essentiellement ventilatoires et cardiovasculaires. Une pratique rigoureuse associée à une
parfaite connaissance de la pharmacologie des médicaments utilisables peuvent anticiper et
diminuer la prise de risque supplémentaire que la complexité spécifique de la situation peut
justifier.
Quelles limites de contrainte ?
La réalisation de certains soins ou pansements douloureux sous sédation ne peut pas toujours
s’effectuer dans un environnement spécifiquement dédié où les règles de sécurité
anesthésiques sont assurées. Pourtant il y a impérieuse nécessité de réaliser le geste
douloureux et de soulager le patient.
71
Les appareils de monitorage ne sont pas toujours accessibles. Pour la réanimation cardio-
respiratoire parfois seul un « chariot d’urgence » est disponible. La sécurité est facilitée par
ces appareillages et peut aussi être assurée par des moyens cliniques qu’il suffit de connaître
et maîtriser.
Les médicaments nécessaires comme la technique de sédation ne sont pas toujours bien
connus par les professionnels prenant en charge le patient. Un spécialiste rompu à la pratique
de la sédation n’est pas toujours disponible. L’association d’un produit fortement sédatif et
d’un antalgique opioïde puissant, souvent de mise, est encore mal connue de nombreux
professionnels. Cette association est assimilée parfois à une prescription de toute fin de vie,
pouvant rendre acceptable certaines prises de risque notamment dans le cadre du double effet
et du meilleur intérêt du patient [4, 5]. Or nous ne sommes ni en phase terminale, ni dans le
cadre d’une procédure d’anesthésie ou de réanimation. Le patient doit bénéficier du maximum
de qualité et de sécurité pour la réalisation de ce soin. Il doit tout aussi impérativement être
soulagé et bénéficier du pansement ou du geste pour s’améliorer ou guérir.
Il y a nécessité de réaliser le geste douloureux dans un cadre inhabituel, le plus souvent le lieu
au sein duquel il est hospitalisé. Les professionnels devant assurer ce geste sont le plus
souvent les plus qualifiés pour cela mais n’ont pas nécessairement les compétences adaptées
pour la réalisation de la sédation-analgésie. Le sujet connaît la détresse d’une douleur vécue
comme insupportable par lui, incontrôlable et peu atténuable lors de la réalisation de ce geste.
La sédation-analgésie est une nécessité à la fois médicale et humaine. Le dilemme est là !
Comment concilier cet impératif à la déclinaison d’une prise en charge « raisonnable » et la
plus proche possible des canons de sécurité et de bonnes pratiques ? Il faut donc aménager les
recommandations sans pour autant renoncer à l’idée d’une bonne pratique dans l’intérêt du
patient.
Lors de la mise en application de la décision de sédation-analgésie, la supervision d’un
médecin senior de l’équipe référente reste fortement recommandée. Cette disponibilité permet
de pouvoir assurer la titration parfaite au moment de l’induction, l’évaluation de la qualité de
la sédation-analgésie obtenue en conformité avec l’objectif défini dans le projet de soin
partagé [2]. Mais cela n’est pas toujours possible.
Jusqu’où aller pour réduire ces contraintes ?
Pour répondre logiquement et en toute sécurité à ces impossibles, on peut proposer quelques
éléments qui permettent de s’écarter, raisonnablement, des règles habituelles.
72
Le geste doit être anticipé de façon à mettre en place une organisation qui limite au maximum
le « sur-risque ». La procédure doit être vécue comme habituelle avec des règles aménagées.
Le patient doit avoir au moins une période de jeûne de 6 heures. On organisera le soin de
façon à le réaliser dans une période de la journée si possible qui n’ajoute pas à son inconfort.
Chaque professionnel impliqué dans la réalisation de la sédation-analgésie doit bénéficier
d’une formation spécifique (pharmacologie des médicaments utilisés, les effets délétères
possibles et la façon de les éviter et de les corriger sans risque, par exemple la manipulation
de l’antidote du midazolam, le Flumazenil (Anexate), capacité à assurer la liberté des voies
aériennes et une éventuelle assistance ventilatoire au ballon, échelle d’évaluation de la
sédation (Rudkin) et de la douleur… L’acquisition d’une expérience partagée est un objectif
qui doit rester permanent.
Toute prescription de l’induction, de la surveillance et de la levée d’une sédation-analgésie
doit être personnalisée, nominative, réévaluée systématiquement et notée dans le dossier.
Chacun doit aussi connaître parfaitement les lieux, tous les produits et matériels nécessaires
doivent être présents et vérifiés comme pour le chariot d’urgence.
Les modalités d’appel et d’intervention d’une équipe de recours doivent être prévues et
disponibles de façon évidente dans la pièce.
L’évaluation de la sédation analgésie se fait toutes les 15 minutes pendant la durée du geste
douloureux. La surveillance est essentiellement clinique. On appréciera pour adapter les
posologies :
o le degré de soulagement du patient, par une hétéroévaluation
o la profondeur de la sédation (échelle d’évaluation de Rudkin = 4 au
maximum) [6]
o les signes de surdosage et les effets secondaires.
La phase d’arrêt de la sédation-analgésie doit être accompagnée d’une analgésie la plus
complète possible dans un milieu rassurant et calme notamment débarrassé de tous les
matériels évoquant le geste lui-même si possible, s’il s’agit de sa chambre d’hospitalisation.
La surveillance reste adaptée jusqu’à la récupération par le patient d’une vigilance et d’un
confort satisfaisant.
Sédaté, le patient est dans un état de grande dépendance vis-à-vis d’autrui et dans un état de
grande vulnérabilité. Il doit recevoir une information loyale et rassurante sur la procédure
73
elle-même comme sur ses risques surajoutés ainsi que sur la façon dont on les anticipe et on
envisage de les atténuer, au mieux des circonstances exceptionnelles.
Pour conclure :
La réalisation d’une sédation-analgésie pour la réalisation d’un geste douloureux est une
procédure d’exception qui oblige à franchir les limites des recommandations habituelles de
bonnes pratiques. Franchir les limites ne signifie pas faire n’importe quoi ni s’affranchir de
toute limite, ni transgresser en toute liberté. Cela signifie simplement s’inscrire dans une
démarche raisonnable et responsable, dans le meilleur intérêt du patient. Des règles simples,
facilement adaptables à la réalité des possibilités des services confrontés à ce type de
situations peuvent permettre de s’affranchir dans un cadre bien défini et réaliste de contraintes
qui empêcheraient de proposer au patient une prise en charge adaptée et sécure.
Cela nécessite une anticipation et organisation qui, pour être stricte, n’en reste pas moins
simplifiée et garantit à tous des conditions de sécurité acceptables.
Références
1) Blanchet V, Viallard ML, Aubry R. Sédation en médecine palliative :
recommandations chez l’adulte et spécificités au domicile et en gériatrie. Med Pal.
2010; 9: 59-70
2) Viallard ML et al. Indication d’une sédation en phase terminale ou en fin de vie chez
l’enfant : propositions à partir d’une synthèse de la littérature. Med Pal. 2010;9:80-86.
3) Sauder P et al. Conférence de consensus commune (SFAR-SRLF) en réanimation
Sédation-analgésie en réanimation. Annales françaises d’anesthésie et de réanimation
2008;27 ;7-8: 541-55.
4) Fondras JC, Rameix S. Questions éthiques associées à la pratique de la sédation en
phase terminale. Med Pal. 2010;9;3:120-125
5) Carnevale F. Ethical Challenges in Pediatric Palliative Care Medicine. Med Pal 2012.
Sous presse.
6) Rudkin GE, Osborne GA, Finn BP et al. Intra-operative patient-controlled sedation.
Comparison of patient-controlled propofol with patient-controlled midazolam.
Anaesthesia 1992; 47: 376-81.
74
Cas clinique et arbre décisionnel chez l’enfant
Bénédicte Lombart Cadre de santé
Centre de la douleur et de la migraine de l’enfant et de l’adolescent
Hôpital A.Trousseau, Paris (75)
Celui qui a conseillé une action fait
plus de tort que celui qui l’exécute ;
car l’action n’eût pas été accomplie si
on ne l’avait pas conseillée.
Aristote, Rhétorique
Le travail infirmier au sein d’une unité mobile de lutte contre la douleur nous amène à gérer
des situations complexes de douleurs iatrogènes. Les choix antalgiques dépendent de
nombreux éléments qu’il faut systématiquement évaluer :
- moyens humains (effectifs, niveau de formation des médecins et des infirmières,…)
- lieu d’hospitalisation (unité d’hospitalisation conventionnelle ou Unité de Surveillance
Continue).
- particularités de l’enfant : âge, antécédents, détresse, douleur préexistante…
- présence des parents
- la nature du soins est évidemment essentielle: certains soins nécessitent d’emblée
une analgésie puissante voire une sédation profonde (brûlures étendues…)
Quelle démarche, pour quelles situations ?
Lorsque nous sommes appelés par les équipes pour les aider à gérer la douleur d’un soin,
nous avons au préalable à poser quelques questions :
- Quel est l’âge de l’enfant ? L’âge est un facteur prédictif important du déroulement
du soin car plus l’enfant est jeune et moins il est mesure de rationaliser ce qui lui
arrive. (En particulier les moins de 4 ans)
75
- De quel soin s’agit-il ? La description du soin doit être précise, les étapes de celui-ci
sont importantes car parfois c’est un moment particulier du soin qui est douloureux.
Par exemple dans le cas d’un pansement en faisant décrire la situation, il apparaît
parfois que c’est l’étape de l’ablation du pansement qui est la plus délicate alors que la
détersion de la plaie ne pose pas de souci. Dans ce cas les moyens physiques seront les
plus indiqués : imprégner (ou immerger quand c’est possible) le pansement soit d’eau
stérile soit de sérum physiologique un bon quart d’heure avant le début de la réfection
et/ou utiliser un matériel différent moins adhérant…
L’exemple de la réfection des plaies traitées par la VACuum thérapie est également
signifiant. L’aspiration, qui permet de faire le vide, doit être suspendue entre 30
minutes et une heure avant l’ablation de la mousse qui comble la plaie. Dans le cas
contraire, la mousse adhère aux parois et son ablation est beaucoup plus douloureuse.
-Quels sont les antalgiques prescrits ou reçus ? à quel dosage ? le délai
d’administration a t-il été respecté ? Il faudra s’assurer qu’a priori la posologie et le
niveau d’analgésie correspondent à l’intensité.
- Y a t-il eu des tentatives de distraction ? dans quelle atmosphère le soin s’est il
déroulé ? a t’on proposé un jeu ou une histoire pour disperser l’attention de l’enfant ?
Cette démarche est absolument complémentaire aux moyens médicamenteux pour la
réussite de l’analgésie.
- Y a t il eu du MEOPA ? Le masque a t il été accepté d’emblée ?
- Quelles ont été les réactions de l’enfant ? A t-il fallu le contenir ?
- Pourquoi ça ne marche pas ?
Il est primordial de laisser parler l’équipe, de faire décrire chronologiquement la situation. La
narration de l’événement permet de recueillir les impressions. Des phrases telles que : « pour
moi, c’est surtout de la peur », « il ne supporte plus les blouses blanches » « non le MEOPA,
hors de question ! Il a vomi la dernière fois… », nous donnent l’occasion de revenir sur
certains préjugés ou sur de mauvaises interprétations.
Toutes les situations de soins qui se « déroulent mal » ne sont pas systématiquement
synonymes de défaut d’analgésie. Les facteurs qui influencent les échecs lors de la réalisation
des soins sont intriqués, néanmoins il s’agit de mettre systématiquement en avant la question
de l’efficacité de l’analgésie avant de passer en revue les autres éléments qui pourraient
expliquer l’agitation et le refus du soin.
76
Les situations simples
Cas clinique : Simon
Simon a 5 ans, il doit être opéré d’une arthrodèse du rachis dans quelques semaines. Il est en
hôpital de jour pour réaliser le bilan pré opératoire complet en vue de cette intervention.
L’infirmière de l’hôpital de jour fait appel à nous car Simon est « inapprochable ». Petit
garçon souriant et rieur en dehors du soin, il panique dès que l’infirmière s’approche avec son
patch d’Emla®. Elle lui propose le MEOPA mais l’enfant est devenu inabordable. Elle décide
de stopper le soin et nous appelle.
Nous trouvons Simon blotti contre son papa, sa maman est présente également. Simon est
hospitalisé pour toute la journée, nous décidons de lui laisser le temps de « souffler ». Il est
environ midi et nous proposons aux parents de partir déjeuner à la cafétéria tranquillement. Il
n’y a aucune urgence à faire ce bilan. Nous donnons discrètement le patch d’Emla® au papa
en lui proposant de lui appliquer s’il perçoit que son fils est prêt.
A 14h le patch est posé depuis une heure. Simon est détendu. Nous proposons le masque au
doudou de Simon, puis au papa… Simon prendra le masque tout seul après quelques instant,
le bilan est réalisé dans le calme.
Dans cette situation le rôle de l’unité douleur est une simple médiation. En réalité l’IDE
avaient déjà eu les bons réflexes : suspendre le soin, se laisser du temps, repartir à zéro,
réessayer…
Les situations où l’arbre cache la forêt
Lili 4 ans
Appel d’un service de chirurgie
L’infirmière sollicite l’équipe mobile douleur pour un accompagnement du soin en
hypnoanalgésie pour une ablation d’agrafes sur une greffe de peau.
Cette équipe fait très régulièrement appel à l’équipe douleur pour compléter l’analgésie par
des techniques soit de distraction soit d’hypnoanalgésie. Des protocoles antalgiques sont
disponibles. Les soins connus pour leur intensité douloureuse font l’objet d’une procédure
spécifique avec une analgésie en morphine per os.
Nous évaluons : le niveau d’anxiété, les antécédents, le type d’analgésie prescrite, les
posologies et… le nombre d’agrafes !
77
Ce détail est particulièrement important car il s’avère que l’analgésie associant morphine
orale, MEOPA, accompagnement et distraction, fonctionne bien lorsque la durée de la
stimulation nociceptive est courte. L’expérience nous a montré qu’au delà de 20 agrafes le
soin devient difficile pour l’enfant et que les moyens antalgiques habituels sont dépassés. Il a
donc été décidé (sous forme de procédure) que l’ablation de plus de 20 agrafes nécessitait une
sédation profonde au bloc opératoire
Cette enfant avait plus de 60 agrafes…Pour différentes raisons (organisationnelles,
changement de personnel, changement d’internes…) la procédure usuelle n’avait pas été
respectée.
Il est important que la réponse de l’unité de lutte contre la douleur s’inscrive dans une
réflexion collective et n’entérine pas de mauvaises pratiques.
Les bons réflexes : recueil de données de la situation exhaustif, ne pas se précipiter, éviter de
pallier des dysfonctionnements : savoir refuser.
En effet une intervention « au pied levé » à la demande, sans identifier les
dysfonctionnements organisationnels qui conduisent à faire appel à l’unité douleur pour
pallier un défaut d’anticipation, ne permet pas aux équipes de rechercher une solution
pérenne.
Nous avons la responsabilité d’aider les structures à organiser la prise en charge. On constate
que bien souvent lorsque nous explicitons notre refus d’intervention ponctuelle pour les
raisons que nous venons d’évoquer, cela conduit à une prise de conscience de l’intérêt d’une
réorganisation.
Les pièges
Notre mission ne consiste pas à jouer le rôle de « pompiers de la douleur ». Néanmoins il est
très difficile de refuser d’intervenir pour tel ou tel cas particulier. Nous sommes confrontés à
un véritable dilemme : ne pas « rendre service » à tel ou tel enfant ou objecter un refus qui
sera utile pour déclencher une réorganisation efficace pour beaucoup d’autres enfants. Ces
difficultés doivent être évoquées en équipe pluridisciplinaire au sein du centre de lutte contre
la douleur afin de fixer une politique commune de fonctionnement.
Les risques avec l’hypnoanalgésie
Les sollicitations des équipes vis-à-vis de l’hypno-analgésie réclament une vigilance
particulière car celle-ci ne doit en aucun cas palier un défaut d’analgésie médicamenteuse.
Les personnes formées à l’hypnose qui interviennent pour accompagner un soin doivent
s’assurer avant d’accepter cet accompagnement que le niveau des antalgiques et l’intensité de
78
la douleur sont corrélés. C’est une des raisons pour lesquelles nous préconisons que ce soit les
soignants habitués aux techniques de soin et formés à la douleur qui assurent
l’accompagnement en hypno-analgésie.
L’exemple de la réduction de fracture sans anesthésie générale est emblématique.
L’intervention d’une personne formée à l’hypnose ne sera pas suffisante dans cette situation
de douleur très intense. Se lancer dans ce type de situation est voué à l’échec (analgésique) et
pire l’unité mobile de la douleur cautionnerait dans ce cas une mauvaise pratique.
Les situations « limites »
Chloé 7 ans
Appel pour la réalisation d’une ponction lombaire (PL) chez une enfant atteinte d’une
leucémie.
La dernière PL s’est très mal déroulée. L’enfant a du être maintenue pendant le soin. La PL
doit avoir lieu le jour même. L’équipe mobile douleur est sollicitée pour de l’hypnoanalgésie.
L’enfant est prémédiquée avec de l’Atarax. Elle a de la crème Emla. Dès notre arrivée
dans la chambre, la panique gagne l’enfant. Nous ne parvenons même pas à l’asseoir, nos
tentatives pour la faire respirer dans le masque afin d’inhaler le MEOPA échouent.
Après une première tentative pour l’asseoir nous ne parvenons même pas à lui enlever le
patch ni à lui faire accepter le masque de MEOPA.
Le soin ne peut pas être réalisé dans ces conditions. Cette situation nécessite une sédation plus
profonde. Le médecin de l’unité douleur est appelé pour renforcer la sédation : des bolus IV
de Kétamine à faible dose (0,5 mg/kg) ont été administrés.
Dans les cas où une sédation ne peut pas être réalisée dans de bonnes conditions, le soin doit
être reporté et planifié dans une structure adaptée à la surveillance requise par une sédation
plus profonde.
Une fois la situation ponctuelle réglée, une prise en charge plus globale est à envisager,
incluant l’intervention d’un psychologue pour aider l’enfant à formuler ses difficultés, celles-
ci dépassant bien souvent la situation de soin.
La réflexion collégiale autour d’un arbre décisionnel12 est indispensable pour anticiper les
situations à risque et mieux cibler notre réponse.
12 Exemple d’arbre décisionnel établi en collaboration avec le chirurgien responsable des consultations et son équipe (en page suivante).
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HYPNOANALGESIE : DEFINITION ET CONTEXTE Elisabeth Barbier, infirmière hypnothérapeute
Groupe Hospitalier Paris Saint Joseph, (75014 Paris)
I. COMMENT DÉFINIR L’HYPNOSE ?
� Plusieurs idées préconçues par rapport à l’hypnose
Dans l’esprit collectif l’hypnose serait :
• un procédé miraculeux ou magique, entouré de mystère, auquel on peut croire ou ne
pas croire � peur et fascination …
• associée au music-hall = amalgame entre la suggestion de spectacle (directe,
autoritaire) et l’hypnose thérapeutique utilisée en Psychothérapie et en Médecine
• dépendante de la personnalité de l’hypnotiseur vraisemblablement « tout-puissant ».
question autour du pouvoir ou du don ?
• une méthode de « manipulation » par la suggestion directe
peur que l’hypnotiseur nous fasse faire ou dire ce que l’on ne souhaite pas...
• un état de sommeil
• un état de perte de contrôle de ses pensées, de ses actes…
� Qu’est ce que l’hypnose ?
L’hypnose est un état naturel que chacun d’entre nous expérimente dans la vie courante et
durant lequel nous passons d’un état de conscience ordinaire à un état de conscience
particulier.
Les exemples de cette « transe spontanée » sont multiples comme l’absorption par un livre ou
un film, être « dans la lune », la conduite automatique…
L’hypnose est aussi un état provoqué par une personne grâce à des techniques apprises. On
parle alors de transe induite ou provoquée. Dans le domaine médical ou de la
psychosomatique elle est qualifiée d’hypnose médicale ou thérapeutique.
81
� Qu’est ce que l’hypnose médicale ou thérapeutique ?
L’hypnose médicale est à la fois :
• Un état modifié de conscience, différent de la veille et du sommeil caractérisé par une
dissociation psychique et une activation corticale.
• Une relation singulière au praticien qui recouvre des éléments intra-subjectifs et de
communication (empathie, confiance, suggestions, stratégies de langage…)
� Quelques définitions
L’hypnose n’est pas aisée à définir, voici plusieurs propositions :
* Une définition selon Jean Godin centrée sur le « lâcher prise » : « L’hypnose est un mode
de fonctionnement psychologique, dans lequel le sujet, grâce à l’intervention d’une autre
personne, parvient à faire abstraction de la réalité environnante, tout en restant en relation
avec l’accompagnateur. Ce mode de fonctionnement particulier est privilégié dans la mesure
où il fait apparaître des possibilités nouvelles : par exemple, des possibilités supplémentaires
d’action de l’esprit sur le corps ou de travail psychologique à un niveau inconscient ».
* Une définition du Dr Jean-Marc Benhaiem centrée sur la relation et la douleur,
« L’hypnose thérapeutique est une expérience relationnelle mettant en jeu des mécanismes
physiologiques et psychologiques permettant à l’individu de mieux vivre, d’atténuer ou de
supprimer une pathologie douloureuse aiguë ou chronique »
* Une définition récente13 : L’hypnose pourrait se définir de la façon suivante «Etat de
fonctionnement psychologique par lequel un sujet en relation avec un praticien, expérimente
un champ de conscience élargi »
II. L’HYPNOSE : UNE APPROCHE VALIDEE SCIENTIFIQUEMENT
Le développement de l’imagerie cérébrale et les recherches en neurosciences ont permis de
prouver depuis une dizaine d’années l’existence d’un état hypnotique. Celui-ci est défini
13 A.Bioy, C.Wood, I.Célestin-Lhopiteau, « L’aide-mémoire d’hypnose », p.7 ; Dunod, 2010
82
comme un état d’activation corticale caractéristique14, différent d’autres états de conscience
telle que la veille, le sommeil, la somnolence, etc.
Aujourd’hui l’état hypnotique est donc bien identifié et la question de savoir si l’on y croit ou
on n’y croit pas est obsolète. Par contre nous sommes libres d’adhérer ou non à la pratique de
l’hypnose.
Dans le domaine de la douleur aiguë nous savons que l’hypnose peut :
- Réduire ou stopper l’activité de certaines zones du cerveau normalement activées lors
de soins potentiellement douloureux
- Modifier la perception de l’intensité et du caractère désagréable d’une douleur
III. HYPNOSE MEDICALE, HYNOANALGESIE : COMMUNIQUER ET SOIGNER
AUTREMENT
Il existe deux modes d’utilisation de l’hypnose médicale :
- direct ou formel, il s’agit de la séance d’hypnose
- indirect ou informel, il s’agit de l’hypnose conversationnelle
La séance d’hypnose succède à une information donnée au patient sur son procédé et son
objectif et se réalise suivant « un protocole » usuel (Induction, dissociation, phase de travail,
retour).
L’hypnose conversationnelle consiste à se servir de principes de communication
couramment utilisés en hypnose (suggestions indirectes, images métaphoriques, confusion de
langage…) mais sans qu’il y ait eu au préalable de phase formelle où l’état hypnotique aura
été induit. Cette forme d’hypnose peut prendre place dans tout entretien avec un patient.
L’utilisation de ces principes va faire progressivement entrer le patient dans une « transe
légère », c’est-à-dire qu’il va commencer à percevoir autrement le monde. Si l’état
hypnotique n’est pas induit formellement, il va être suscité au cours de la conversation par
l’utilisation des procédés communicationnels.
14 Rainville P., Hofbauer R .K .,Buschnell M.C. et al. , « Hypnosis modulates activity in brainstructures
involved in the regulation of consciousness », Journal of Cognitive Neuroscience, 2002, 14:887-901.
83
L’hypnoanalgésie :
− C’est l’utilisation de l’hypnose formelle et informelle dans la prise en charge des
douleurs aiguës et chroniques.
− Elle s’utilise seule ou en association à un anesthésique local, à des antalgiques et ou
des anxiolytiques, au mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote.
Pour information : l’hypnosédation c’est l’utilisation de l’hypnoanalgésie associée à une
sédation consciente avec plus ou moins une anesthésie locale.
IV. CONTEXTE D’UTILISATION DE L’HYPNOANALGESIE
L’hypnoanalgésie requiert une formation solide dispensée à l’université ou bien dans des
écoles privées ayant pour éthique de former uniquement des professionnels de santé.
L’hypnopraticien se soit doit de l’utiliser dans des domaines et indications pour lesquels il
possède compétences et savoir-faire aussi bien à l’hôpital qu’en cabinet médical.
84
Les différentes indications de l’hypnose à l’hôpital
PRISE EN CHARGE DES PROBLEMES PSYCHOSOMATIQUES ET DES EFFETS SECONDAIRES
- Anxiété, claustrophobie (IRM, scanner), phobie des piqûres, - Nausées, bouffées de chaleur, - Tabagisme troubles du sommeil, dermatologie (psoriasis, eczéma), - Préparation à l’accouchement, aux interventions chirurgicales…
PRISE EN CHARGE DES DOULEURS AIGUËS
IATROGENES - Pose de chambres implantables
(+AL) - Soins de plaies douloureux,
pansements - Soins invasifs : pose de
perfusion, prélèvements sanguins, points
de suture, ponction lombaire - Réduction de fracture - Examens invasifs douloureux et/
ou anxiogènes: coloscopie, fibroscopies, biopsies…
- Certaines interventions chirurgicales sous HYPNOSEDATION
PRISE EN CHARGE DES DOULEURS CHRONIQUES
- Lombalgies, sciatalgies, migraines,
céphalées, douleurs neuropathiques - Consultation d’hypnothérapie
Complémentaire au traitement antalgique
HYPNOSE
85
V. OU SE FORMER ?
La liste suivante indique les écoles de formation accueillant uniquement des professionnels de
santé et qui sont toutes reconnues par différentes sociétés savantes d’hypnose (AFEHM15,
AFHyp16, CFHTB17, GEAMH18, Société française d’hypnose)
Formations adressées aux médecins et autres professionnels de santé (paramédicaux et
psychologues)
- Institut Français d’Hypnose (IFH) (Paris), site : http://www.hypnose.fr
- Hypnodissey (Villejuif), site : www.hypnodyssey.com
- Instituts Milton Erickson : ils sont reconnus par la Milton H. Erickson Foundation
(Paris, province, pays limitrophes francophones), liste sur le site :
http://www.cfhtb.org
- DU d’hypnose médicale de Bordeaux, site : http://www.u-bordeaux2.fr (priorité aux
médecins)
- DU d’hypnose médicale de Toulouse, site : http://atnhh.net/diplome.html
Formations réservées uniquement aux médecins
- DU d’hypnose médicale de la Pitié Salpêtrière, site http://www.hypnose-medicale.com
- DU d’hypnose clinique de l’université Paris XI, site : http://www.medecine.u-psud.fr
- DU d’hypnose médicale de Montpellier, site : http://offre-formation.univ-montp1.fr
Références
- Bellet P. L'hypnose. Paris: Odile Jacob; 2002. - Benhaim JM L’hypnose aujourd’hui. Paris: In Press; 2005. - Bioy A Découvrir l’hypnose. Inter Editions; 2007. - Bioy A, Celestin-Lhopiteau I, WOOD C. L’aide mémoire d’hypnose. Paris: Dunod; 2010. - Michaux D, Halfon Y, Wood, C. Manuel d’hypnose pour les professions de santé. PARIS:
Maloine ; 2007. - Melchior Th. Créer le réel. Paris: Seuil; 1998. - Michaux D. Hypnose et Douleur. Paris: Imago; 2004. - Rosen S. Ma Voix t'accompagnera Milton H. Erickson Raconte. Hommes et Groupes
éditeurs; 1986. - Salem G. Soigner par l’hypnose. Masson; 1999. - Virot C, Bernard F, Faymonville, M-E. Hypnose, douleurs aiguës et anesthésie. Rueil-
Malmaison: Arnette; 2010.
15 Association française pour l'étude de l'hypnose médicale 16 Association française d'hypnose 17 Confédération francophone d'hypnose et thérapies brèves 18 Groupement pour l'étude et les applications médicales de l'hypnose
86
L’hypnoanalgésie en pratique quotidienne
Sandrine Roux, Nicole Debrabant Hôpital Nord-Ouest, Villefranche-Sur-Saône (69)
Auxiliaire de puériculture et infirmière puéricultrice, nous travaillons à l’hôpital Nord-Ouest
de Villefranche-sur-Saône situé à 25 km de Lyon. Le service de pédiatrie regroupe 5 unités :
urgences, néonatalogie, nourrissons, grands enfants et notre service, l’hôpital de jour qui
comprend les consultations, les suites de soins, la chirurgie et la médecine ambulatoire.
Dans notre unité travaillent 4 infirmières, dont 3 puéricultrices et une auxiliaire de
puériculture. Le service est ouvert de 7h à 19h et accueille les enfants de tout âge pour des
consultations médicales spécialisées (12 médecins), des suites de soins d’urgences (injections
parentérales d’antibiotiques, pansements, brûlures…), la médecine ambulatoire (bilan de
croissance, d’allergies alimentaires ou médicamenteuses, bilan de diabète, transfusion,
prémédication pour les IRM, FGS…), chirurgie ambulatoire (posthectomie, hernies, ablation
de matériel, ORL, ongles incarnés…).
La majorité des soins que nous effectuons sont des soins programmés, ce qui nous a permis de
mettre en place un projet de service centré sur l’accueil de l’enfant, de sa famille et la prise en
charge de la douleur provoquée par les soins.
Cette démarche est une volonté des équipes médicales et paramédicales.
La prise en charge de la douleur débute dès la programmation du soin avec la prescription
d’Emla®, d’antalgiques à donner avant le soin à domicile, la distribution des petits
livrets «Sparadrap », associé à des explications.
Dans l’objectif d’une bonne prise en charge de la douleur, hormis les moyens
médicamenteux, nous utilisons des techniques de distraction et d’hypnoanalgésie.
Sous l’impulsion du Dr Langevin, pédiatre du service Grand enfants et présidente du CLUD,
une formation d’hypnoanalgésie a été dispensée par l’Institut Français d’Hypnose à 80 agents
des services de pédiatrie entre 2009 et 2012.
L’utilisation des techniques de distraction et d'hypnoanalgésie fait partie intégrante de nos
soins, nous les utilisons quotidiennement.
87
La distraction est devenue naturelle lors de tout soin provoquant une douleur ou une
appréhension, nous utilisons pour cela les bulles des savons, les chants, le kaléidoscope, les
marionnettes… et bien souvent les parents, en participant, deviennent acteurs du soin.
L’hypnoanalgésie peut être utilisée pour des ponctions veineuses mais est souvent réservée
aux soins les plus douloureux (pansements de brûlures, pansements de méchage) ou pour la
réalisation d’examens douloureux (cystographie, ponction sous scanner..) ou encore au cours
d’une consultation (migraine, algodystrophie…). Dans la majorité des cas, ces techniques sont
couplées à l’utilisation du MEOPA et associées si besoin à des antalgiques.
Parallèlement, à la demande de notre chirurgien pédiatrique, nous programmons des actes de
petite chirurgie sous hypnoanalgésie, MEOPA et anesthésie locale.
• Ongle incarné (4 ans)
• Nævus de l’avant-bras (14 ans)
• Reprise d’une cicatrice du cuir chevelu (10 ans)
• Ablation d’un doigt surnuméraire (3 ans)
• Corps étranger au niveau de la verge (5 ans)
• Ponction de lymphangiome abdominal (5 ans)
Ex : Ablation d’un hémangiome sternal chez un enfant de 5 ans. (Film)
Ces gestes sont réalisés dans un box de consultation, en présence des parents.
Une première prise de contact entre Nicole (l’auxiliaire de puériculture) et l’enfant et sa
famille est réalisée lors de la programmation du soin. L'hypnoanalgésie est présentée et
expliquée, l’enfant peut ainsi réfléchir au sujet qu’il souhaite aborder le jour de
l’intervention.
Ce jour-là, l’auxiliaire de puériculture et l’IDE se détachent pour ce geste, ce qui permet de
créer un contexte favorable dès l’accueil de l’enfant.
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De plus le chirurgien, qui adhère complètement à ces techniques, participe à la sérénité du
moment en communiquant silencieusement avec son personnel et seul la voix de Nicole
résonne dans la pièce.
De ce fait tout le monde se trouve apaisé par cette ambiance : enfant, parents et soignants.
Nous avons par ailleurs des retours très positifs des familles à travers leurs témoignages
écrits.
L’hypnoanalgésie nous permet donc de ne pas avoir recours à des hospitalisations en
ambulatoire et à des anesthésies plus lourdes, évitant ainsi le jeûne et permettant un rapide
retour à domicile.
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Utilisation de l'hypnose en pratique quotidienne
Elisabeth Barbier, Infirmière hypnothérapeute, Groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph
(GHPSJ), Paris 14e.
Présentation de la structure professionnelle
Le Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph est un hôpital privé à but non lucratif, participant au
service public hospitalier (PSPH).
Il est issu en 2006 de la fusion de trois hôpitaux du sud parisien fondés au 19ème siècle qui sont
Saint-Joseph, Notre-Dame de Bon-Secours et Saint-Michel auxquels s’ajoute le centre médico-
psycho-pédagogique et l’institut de formation en soins infirmiers (IFSI).
Le GHPSJ est administré et géré par la Fondation hôpital Saint-Joseph.
L’hôpital dispose de 534 lits d’hospitalisation conventionnelle (dont 44 pour la maternité) et de 76
lits d’hospitalisation ambulatoire.
Il pratique des tarifs conventionnés sans dépassement d’honoraires.
Vingt-cinq spécialités médicales et chirurgicales soignent dans un même lieu la majorité des
maladies. La complémentarité des équipes soignantes (médicales et chirurgicales) offre aux
patients une prise en charge globale et facilite le suivi de leur pathologie.
Dans cet établissement 33 professionnels sont formés à l’hypnoanalgésie (cf graphique 1) :
− 6 ont suivi une formation longue
− 27 ont suivi une formation courte de 7 jours
Par ailleurs, 3 professionnels sont en cours de formation et 2 sont formés à la sophrologie.
90
Graphique 1 : Professionnels formés à l’hynoanalgésie
11
20
2Médecins
Infirmères dont 5 IADE et 1 IDE expert
AS
Formation à l'hypnose suivie
J’ai suivi, de 2001 à 2003, une formation à la pratique de l'hypnoanalgésie et de
l'hypnosomatique à l’Institut Français d’Hypnose (IFH) à Paris, aujourd’hui domicilié dans le
10e arrondissement.
Cette formation est destinée aux médecins ainsi qu'aux différentes professions de la santé
sanctionnées par un diplôme d'état : sages-femmes, chirurgiens-dentistes, infirmières,
psychologues, psychomotriciens, kinésithérapeutes.
Elle apporte en 2 ans (soit 24 jours) des outils pratiques dans :
− L’optimisation de la relation thérapeute (soignant)/patient,
− Le traitement de la douleur aiguë et chronique,
− Le traitement de l'anxiété et du stress,
− Le traitement des troubles psychosomatiques.
Elle est validée par un diplôme de formation à l’hypnoanalgésie et à l’hypnosomatique
obtenu par la totale assiduité aux journées de formation et un retour régulier de sa pratique
clinique auprès des formateurs.
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Poste et missions
Je travaille au sein du GHPSJ depuis un an sur un poste transversal d’infirmière
hypnothérapeute, après une expérience d’environ 9 ans dans un centre de lutte contre le
cancer et je dépends du Département d’Anesthésie-Réanimation.
Mes missions sont diverses :
• Cliniques :
− Consultation d’hypnose médicale pour douleurs chroniques,
− Hypnoanalgésie dans les différents services (soins, examens douloureux..),
− Hypnosédation : endoscopie (coloscopies), bloc opératoire (résection de prostate au
laser, cure de hernie inguinale…).
• Pédagogiques :
− Formation interne d’hypnose conversationnelle pour l’ensemble des professionnels de
l’hôpital,
− Supervision et perfectionnement des personnels intra-hospitaliers formés à l’hypnose.
Utilisation de l'hypnoanalgésie dans les douleurs provoquées
Mon activité étant transversale, j’utilise l’hypnoanalgésie dans différents services
(réanimation polyvalente et post-opératoire, radiologie, médecine, chirurgie et oncologie…).
J’interviens généralement à la demande des équipes médico-soignantes et ne m’occupe pas de
la réalisation technique du geste ou du soin.
Les indications sont les suivantes :
− Soins de plaies douloureux et /ou anxiogènes
− Examens invasifs (ponction lombaire, biopsies et coloscopies pratiquées aussi sous
hypnosédation)
− Mobilisations douloureuses (toilette, kinésithérapie)
− Kinésithérapie respiratoire (dans le cadre d’une sternotomie)
Par ailleurs, je souhaite proposer au sein du GHPSJ la pratique de l’hypnoanalgésie en
association à l’anesthésie locale pour les poses de chambres implantables dont j’ai une
expérience de plusieurs années.
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Pour l’ensemble des indications citées précédemment, l’hypnoanalgésie permet de proposer
au patient une approche intégrant la globalité de l’individu et avec laquelle il peut se sentir
partenaire et acteur de ses soins.
CAS CLINIQUE : Soin de plaie douloureux
Mme E, 42 ans, trois enfants, traitée pour un cancer du sein par chirurgie, radiothérapie et
chimiothérapie est hospitalisée pour récidive locale sous-cutanée de la paroi thoracique droite
avec une plaie ulcéreuse, nécrotique, exsudative et douloureuse lors des soins quotidiens
Elle reçoit avant ses soins de plaie une pré-médication antalgique (Morphine® 10mg IV)
qu’elle tolère mal (nausées, sensations désagréables).
L’infirmière qui la prend en charge, ce jour-là, lui propose une séance d’hypnoanalgésie seule
(sans antalgique) avant et pendant le soin. Elle la sécurise en lui promettant d’arrêter le soin
s’il devient inconfortable à un moment ou à un autre et de recourir à l’antalgique
habituellement utilisé.
La patiente accepte malgré des réticences liées à une nature qu’elle qualifie de « speedée » qui
la fait douter de sa réceptivité à l’hypnose.
La séance est réalisée selon un schéma classique :
− Induction
− Dissociation et accompagnement en utilisant une image métaphore antalgique : « le
tissu protecteur »
− Retour à l’état de conscience ordinaire
Résultat :
• Très bonne gestion de la douleur (sensation de gêne ponctuelle)
• Absence d’effets secondaires
• Etonnement et satisfaction de Mme E de ce qu’elle vient de vivre dans son corps.
La technique sera renouvelée à sa demande une deuxième fois, après laquelle elle utilisera
l’autohypnose pour gérer des douleurs post-opératoires avec une utilisation réduite des
antalgiques prescrits.
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Utilisation de l'hypnose en pratique quotidienne
Brigitte Barbarelli, IDE Ressource Douleur, Clinique Arnault Tzanck,
St-Laurent-du-Var ( 06)
Infirmière depuis vingt-huit ans, cela fait treize ans que j'exerce comme infirmière référente
douleur à la clinique Arnault Tzanck de St-Laurent-du-Var ( 06).
La structure et sa politique de prise en charge de la douleur :
C'est une clinique médico chirurgicale privée à but non lucratif.
Elle emploie 550 salariés dont 360 médicaux et paramédicaux, pour une capacité
d'hospitalisation de 256 lits. L'activité est une activité de chirurgie générale et cardiaque, de
médecine, avec également une unité d'hémodialyse de 30 postes, un service de chirurgie
ambulatoire de 33 lits, et un service d'acceuil des urgences UPATOU.
Dès 1999, en application du premier plan de lutte contre la douleur (1998-2000), la direction a
choisi de créer un poste d'infirmière référente douleur (0,5 ETP), puis un deuxième en 2003
(0,75 ETP). Ces postes sont entièrement dédiés à l'amélioration de la prise en charge de la
douleur dans l'établissement. Ils complètent et coordonnent le travail de l'équipe du CLUDS.
Après 13 ans d'existence, la "culture douleur" proposée par le plan Kouchner est présente dans
l'établissement avec, entre autres :
- Des protocoles d'analgésie adaptés aux pratiques de la structure.
- En complément du suivi proposé par les équipes, pour les patients opérés, nous
réalisons ma collègue ou moi-même, une évaluation systématique à J1, avec une
adaptation du traitement antalgique, si nécessaire.
- Des évaluations approfondies ou bilan douleur, à la demande des médecins ou des
équipes, pour les douleurs chroniques et / ou rebelles.
- La naissance cette année d'une équipe douleur dans le service d'hémodialyse avec la
formation de 2 infirmières au DIU douleur et du temps dédié.
- De nombreuses enquêtes pour améliorer la prise en charge de la douleur, actuellement
le suivi de la douleur chez les patientes ayant bénéficié d'une embolisation pelvienne.
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- Et enfin, des formations sur le terrain et en externe.
Pour ce qui est de l'hypnose, plusieurs soignants, des médecins en particulier sont formés à
l'hypnose médicale. De nombreux infirmiers et aides-soignants ont reçu une formation
proposant des techniques de communication issues de l'hypnose, pour aborder différemment
le patient pendant le soin.
Pour ma part, après quelques années de pratique en tant qu'infirmière douleur, j’étais gênée
dans certaines situations quand les traitements et/ou la relation d'aide étaient insuffisants, où
le patient restait fixé dans et par son état douloureux. L'hypnose m'a paru être un outil adapté
pour explorer d'autres pistes.
Ma formation en hypnose Ericksonienne :
J'ai suivi une formation à l'Institut Milton H Erickson d'Avignon en Provence, en faisant le
choix d'un apprentissage en 4 modules (il en existe dix) répartis sur deux années (2007-2008).
Sur des sessions de 2 à 7 jours (116 heures au total).
Cet enseignement s'est déroulé de manière active, avec de nombreuses mises en situation, de
très nombreux exercices pratiques par petits groupes de trois "sujet, opérateur, observateur ".
Les modules choisis, dans l'ordre de mon apprentissage ont été :
- Techniques de métaphores, art du conte et imagination
- Initiation à l'hypnose Ericksonienne et aux thérapies brèves
- Analgésie, traitement de la douleur et hypnose
- Perfectionnement à l'hypnose Ericksonienne et aux thérapies brèves.
C'est une formation de base, elle se poursuit au jour le jour, au fur et à mesure des
expériences, des lectures, à mon rythme. Ma pratique est modeste et l'hypnose est pour moi
un outil parmis d'autres, même si cet enseignement a sérieusement modifié ma façon de
communiquer.
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Utilisation dans ma pratique :
- Au moment des entretiens d'évaluation, c'est l'hypnose conversationnelle que j'utilise, en
étant attentive au langage du patient, à ses images, surtout en l'observant (la règle des 3 "O"
de l'enseignement de M.H.Erickson, l'hypnose c'est : Observer, Observer et Observer encore
...) pour améliorer la relation thérapeutique, créer une situation propice au changement si
nécessaire.
L'évaluation de la douleur avec une échelle est, en elle-même, une situation hypnotique, elle
transforme quelque chose de flou, d'abstrait en quelque chose de concret et réel, dans le
moment présent. C'est une forme de dissociation.
Suivant les cas, pratiquée avec la conscience de ce phénomène, l'évaluation amène déjà un
certain soulagement.
- J'utilise souvent l'hypnose pour accompagner (attendre) l'effet d'une injection de morphine
(si la douleur est très forte) avec une suggestion sur l'effet escompté :
"Pour cette patiente souffrant d'un cancer colique métastasé, en attente des résultats de son
scanner. Après une injection de morphine pour une douleur dont elle dit qu'elle est "partout,
explosive , envahissante, insupportable".... je lui propose de l'aider en attendant l'action du
traitement... "l' attention est portée sur la respiration... et sur la douleur...... observer cette
douleur... lui donner une couleur... selon son choix... sur le rythme de la respiration qui
s'apaise... quelle couleur ?... et au fur à mesure qu'elle s'apaise... prendre un crayon, cerner
cette douleur, minutieusement en suivre les contours ..... la cerner, et au fur et à mesure que
la détente s'installe dans l'expiration... estomper le contour... Au bout d'une dizaine de
minutes, ça va déjà mieux, l'insupportable est passé... La patiente se sent d'attendre l'effet
complet du traitement, seule dans sa chambre.
A propos de la douleur provoquée par les soins :
L'hypnose est dans ce cas confortable à utiliser. Du fait de la programmation du soin, il existe
un temps pour faire connaissance avec le patient, et préparer l'évocation de sujets plaisants,
agréables.
En pratique j'interviens pour les pansements douloureux, quand les traitements
médicamenteux sont insuffisants, refusés ou mal tolérés. Et très souvent dans les cas où la
composante anxieuse est forte.
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Depuis deux ans nous avons la possibilté d'utiliser le MEOPA, au lit du patient. Dans la
mesure du possible, j'accompagne l'administration avec le conte d'une situation plaisante pour
le patient. L'effet du produit est accentué par les suggestions de confort, d'images et de
sensations agréables, le soin est mis à distance.
Avec ou sans MEOPA, les résultats sont en général satisfaisants pour le patient mais aussi
pour le soignant. Finalement tout le monde y trouve son "compte". C'est quand même plus
plaisant de mècher un pansement, dans l'imagerie des fonds marins, ou sur un marché coloré à
Bali ... Le calme et la détente qui en résultent, profitent à tout le monde et ressourcent tous les
acteurs du soin.
Je pense à Mme P. , atteinte d'un cancer de la vessie, métastasé avec envahissement des
racines sacrées, présentant des pics douloureux très forts. Les pansements de la cystostomie
s'avèrent excessivement douloureux malgré les morphiniques. Le MEOPA est prescrit au
décours du pansement, car la douleur est insupportable, Mme P est en pleurs. L'infirmière est
bouleversée... Pendant le soin, je parle à Mme P. de ses oliviers, des reflets argentés de leur
feuilles, des promenades sur les planches de sa campagne à St Vallier, dans le soleil ... elle
dira à la fin du soin... c'était comme une caresse... avec le sourire, et nous avec elle.
Ce sont toujours des expériences singulières, étonnantes, émouvantes.
En conclusion, l'apport de l"hypnose dans ma pratique d"infirmière référente douleur est très
satisfaisant, c'est une bonne clé pour débloquer certaines situations, d'une façon, rapide et
créative.
Dans la douleur provoquée par les soins, le patient tire profit de ce moment qui lui est
consacré, non seulement pendant le soin mais aussi après. En effet, cette expérience est la
sienne et il peut envisager de la reproduire à tout moment. Bien sûr il faut un entraînement
pour arriver à un résultat, mais savoir que cela est possible permet d'aborder plus calmement
les futurs soins.
Le propos de l'hypnose est le changement. Changement d'état de conscience, modification de
point de vue, autre façon de communiquer... C'est, il me semble une proposition intéressante...
à tous points de vue.