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Douleur provoquée par les soins : 7ème journée du CNRD

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SOMMAIRE

Conférence inaugurale : Paroles d'usagers A. Joisin…………………………………………………………………………………………………....1

Les travaux des équipes en collaboration avec le CNRD

Recueil Epidémiologique en Gériatrie des Actes Ressentis comme Douloureux et Stressants

(Etude REGARDS)

L’étude REGARDS a-t-elle modifié les pratiques ? : P.Cimerman…………………………………….....8

Table ronde : « L’après REGARDS »

E. Garrigue……………………………………………………………………………………………….14

S. Furtoss…………………………………………………………………………………………………17

D. Thorez………………………………………………………………………………………………....24

A.Papas…………..………………………………………………………………………………....…….28

Douleurs provoquées et populations vulnérables

Chez l'enfant autiste - A.Dubois…………………………………………………………………………32

Chez les adultes atteints de pathologie mentale - D.Saravane…………………………………………...42

Chez les patients handicapés - V.Joindreau……………………………………………………………...47

Chez les patients insuffisants respiratoires - M. d'Ussel-Jacqueminet…………………………..………56

Limites et sécurité de la sédation/analgésie

Etat des lieux et rappel des bases

M.Galinski……………………………………………………………………………………………….62

Jusqu'où aller chez l'adulte ? Cas cliniques

M-L. Viallard………………………………………………………………………………………….....69

Cas cliniques et arbre décisionnel chez l'enfant

B.Lombart…………………………………………………………………………………………….….74

Place de l'hypno-analgésie dans les douleurs provoquées

Hypno-analgésie : définition et contexte

E.Barbier…………………………………………………………………………………………………80

Table ronde : L'hypno-analgésie en pratique quotidienne

S.Roux, N.Debrabant………………………………………………………………………………….....86

E.Barbier…………………………………………………………………………………………………89

B.Barbarelli………………………………………………………………………………………………93

PROGRAMME

« Douleur provoquée par les soins : 7ème journée du CNRD » 12 octobre 2012

Centre des Congrès de la Villette, PARIS 19ème 8h30 à 9h00 - Accueil des participants

Introduction de la journée

9h00 - Discours des intervenants Monsieur le Ministre de la Santé ou son représentant Docteur Elisabeth Collin, représentante de la SFETD au Comité Scientifique Docteur Michèle Binhas, représentante de la SFAR au Comité Scientifique Docteur Daniel Annequin, président du Comité Scientifique du CNRD

Conférence inaugurale 9h30 - « Paroles d’Usagers » A. Joisin – UNAFAM

Les travaux des équipes en collaboration avec le CNRD Modérateurs : Dr. Patrice Rat, Evelyne Malaquin-Pavan

10h00 - Recueil Epidémiologique en Gériatrie des Actes Ressentis comme Douloureux

et Stressants (REGARDS) L’étude REGARDS a-t-elle modifié les pratiques ? P.Cimerman, CNRD, Paris (75) 10h15 - Table ronde : « L’après REGARDS »

E.Garrigue - EHPAD, Paris (75) S.Furtoss - SSR, La Verrière (78) D.Thorez - USLD, Paris (75)

A.Papas - Court Séjours, Paris (75)

11h00 à 11h30 - Pause, visite de stands

Douleurs provoquées et populations vulnérables Modérateurs : Dr. Michèle Binhas, Emmanuelle Guillemin

11h30 - « Chez l’enfant autiste »

A.Dubois, Brest (29) 11h45 - « Chez les adultes atteints de pathologies mentales »

Dr. D. Saravane, Neuilly sur Marne (93) 12h00 - « Chez les patients handicapés »

V. Joindreau-Gaudé, Boulogne Billancourt (92) 12h15 - « Chez les patients insuffisants respiratoires »

Dr. M. d’Ussel-Jacqueminet, Paris (75) 12h30 - Débat /Questions 13h00 à 14h15 - Pause déjeuner

Limites et sécurité de la sédation/analgésie. Modérateurs : Bruno Garrigue, Dr. Daniel Annequin .

14h15 - Etat des lieux et rappel des bases

Dr. M. Galinski, CNRD, Paris (75) 14h40 - « Jusqu’où aller chez l’adulte ? Cas clinique »

Pr. ML. Viallard, Paris (75) 15h00 - « Cas cliniques et arbre décisionnel chez l’enfant »

B. Lombart, Paris (75) 15h15 - Débat/ Questions 15h45 à 16h15 - Pause, visite de stands

Place de l’hypno-analgésie dans les douleurs provoquées Modérateurs : Dr. Jean-Pierre Ciebiera, Rémi Etienne

16h15 - « Hypno-analgésie : définition et contexte »

E. Barbier, Paris (75) 16h30 - « Table ronde : Utilisation de l’hypno-analgésie en pratique quotidienne

S. Roux, N. Debrabant, Villefranche sur Saône (69) E. Barbier, Paris (75) B. Barbarelli, Saint-Laurent du Var (06)

17h30 - Clôture de la journée

1

Paroles d’Usagers

André Joisin – Association UNAFAM1

1. INTRODUCTION

Lorsque j’ai été sollicité par le CNRD pour m’exprimer sur la douleur induite par les soins

chez les patients adultes psychotiques, j’ai longtemps hésité avant de donner ma réponse tant

je craignais que la passion ne l’emporte sur la raison.

Je me suis tout d’abord posé la question : la douleur induite par les soins, mais de quels soins

s’agit-il ? Des soins en intra ou en extrahospitalier ? De la douleur induite par les soins ou par

l’absence de soins ?

La situation du patient en psychiatrie est très différente de celle d’un patient en MCO2, en

raison de la nature et de la complexité de la pathologie, du comportement du malade face à la

douleur physique, du repliement sur lui même, et aussi de sa stigmatisation, du rejet par son

environnement, de l’isolement et… des clivages psychiatres-généralistes.

Pour tenter d’étayer mes propos, je me suis rapproché des patients, des familles, des

somaticiens, des psychiatres et des soignants des secteurs nord-est parisiens, afin de recueillir

leurs témoignages.

Nous verrons plus loin que, dans les faits, sur le terrain, notamment en extrahospitalier, le

quotidien du patient psychotique est loin d’être idyllique malgré les dispositions préconisées.

2. LE CONTEXTE EN SECTEUR PSYCHIATRIQUE DU 1/4 NORD-EST DE PARIS

� Arrondissements concernés : 9e, 10e, 18e, 19e et 20e

� Population desservie : 735 362 habitants soit 1/3 de la population parisienne

� Croissance démographique parisienne : + 4,2 % de 2004 à 2011

� Croissance de la population desservie par les secteurs psychiatriques de référence,

entre 1982 et 2011 : 9,30 % contre 2,6 en moyenne sur Paris

� Plus de 2/3 des patients n’ont pas de « médecin traitant » en sortie d’hôpital.

60 % d’entre eux ne se sentent pas malades, 18 % n’ont pas les moyens de payer, 18 %

ne connaissent pas de médecin généraliste.

� Population sous-médicalisée, en difficulté et vulnérable.

� 40 à 45% des patients sont sans logement

1 Union Nationale des Amis et Familles de malades psychiques 2 Médecine Chirurgie Obstétrique

2

� Population nettement défavorisée par rapport à l’indice de développement humain.

En 2011, on relevait :

� 188 130 pathologies mentales contre 193 027 en 2009

� 22 088 pathologies somatiques contre 11 862 en 2009

3. LES PATIENTS RELEVANT DU DISPOSITIF AMBULATOIRE

Quelle que soit la douleur de leur proche, les familles la partagent au quotidien, 7/7j, 24/24h.

La souffrance du patient est aussi la leur, qu’il soit à leur charge ou autonome. Elles ne sont

guère habituées à séquencer la douleur, qu’elle soit physique, psychique ou morale. C’est

avant tout un drame vécu en boucle.

Que peut faire le législateur contre la douleur induite par le non-soin, la stigmatisation,

l’humiliation, le rejet de l’entourage, les railleries, la maltraitance et dans les cas extrêmes, le

refus de soins de certains professionnels de santé à la limite de la non assistance à personne en

danger ?

Ces propos peuvent choquer, paraître excessifs. Quelques exemples s’imposent :

« Dans le hall d’accueil d’un organisme public de tutelle majeure, une jeune femme attend

son tour pour rencontrer sa curatrice. Soudain, elle émet des gémissements puis se traîne au

sol avec des cris de douleur, les mains sur l’abdomen. Le personnel, visiblement agacé par ce

remue-ménage, appelle le responsable du centre. Ce dernier accompagné d’un collègue

observe la scène en ricanant, caché derrière une porte entrebâillée. Il a fallu l’intervention

musclée d’un témoin pour que le vigile daigne appeler les pompiers».

« Une autre fois, un patient, probablement absorbé par ses chimères, se fait renversé par un

motard en traversant la chaussée. Bien que spectaculaire, cette collision ne provoque,

apparemment, aucune blessure. La victime gisant au sol, consciente, ne réagit pas, ne se

plaint pas. Les secours la transportent aux urgences les plus proches. La mère alertée la

rejoint deux heures plus tard et apprend que son transfert a été programmé vers l’unité de

soins psychiatriques de son secteur. Aucun soin ne lui a été prodigué entre temps. A son

arrivée en psychiatrie, on constate une plaie profonde au mollet sur une longueur de quinze

centimètres».

3

Un autre témoignage : « Une patiente polyhandicapée, souffrant d’une fracture du bras et

d’une plaie au cuir chevelu (à la suite d’une chute en unité de soins) est accompagnée par un

infirmier de secteur, vers une première clinique chirurgicale de proximité qui, face à une

patiente psychotique, refuse la prise en charge. Il en sera de même avec la seconde clinique.

La troisième, enfin, accepte de s’en occuper».

Dès qu’un patient est identifié ou étiqueté psychotique, il est souvent accueilli avec une

certaine appréhension, y compris par des professionnels de santé.

La douleur induite par les médicaments

Lorsqu’on interroge les patients sur la nature des douleurs induites par les médicaments, en

extrahospitaliers, les réponses sont souvent les mêmes :

� prise de poids,

� céphalées lors d’un changement de traitement,

� contractures musculaires,

� douleurs articulaires,

� problèmes bucco-dentaires dus aux psychotropes,

� problèmes gynécologiques …..

Ces problèmes font partie de leurs préoccupations quotidiennes. A noter que les problèmes

sexuels sont rarement avoués par les patients.

Le suivi somatique

Ainsi que nous le mentionnions précédemment, l’absence de médecin traitant, le manque

d’accompagnement, la méconnaissance de l’existence ou du mode de fonctionnement des

SAVS (Services d’Accompagnement à la Vie Sociale), l’insuffisance de visites à domicile, les

délais de rendez-vous trop longs avec les spécialistes, les problèmes d’attente en cabinet de

consultation font que, bien souvent, le patient abandonne. Des pathologies, bénignes à

l’origine, finissent par atteindre des proportions préoccupantes.

4. LA SITUATION EN INTRAHOSPITALIER

A contrario, en milieu hospitalier, nous avons noté une réelle prise de conscience des

professionnels de santé et une sensible amélioration en matière de prise charge globale de la

douleur. La reconnaissance du soulagement de la souffrance comme droit fondamental par la

Loi du 4 mars 2002 et l’insertion de la traçabilité de l'évaluation de la douleur en Pratique

4

Exigible Prioritaire (PEP12a), dans la procédure de certification V 2010, ont très certainement

contribué à accélérer le processus.

Les recommandations H.A.S3. – procédure de certification V 2010

Trois des 4 axes du programme national de lutte contre la douleur sont en principe actés pour

l’ensemble des établissements psychiatriques parisiens :

- l’amélioration de la prise en charge des douleurs des populations les plus vulnérables,

- l’amélioration de la formation pratique initiale et continue des professionnels de santé,

- la structuration de la filière de soins de la douleur, en particulier les douleurs

chroniques dites rebelles.

Les méthodes non médicamenteuses et préventives

Les protocoles sont mis à la disposition des équipes. Un seul axe tarde à se concrétiser dans

les services de patients adultes communicants. Je veux parler de l’utilisation des méthodes

non pharmaceutiques et préventives pour une prise en charge de qualité telles que :

La kinésithérapie, les techniques de relaxation, la sophrologie…

Néanmoins, des points sensibles, et non des moindres, subsistent dans la majorité des

hôpitaux psychiatriques.

La douleur induite par la contention et l’isolement thérapeutique

� Les causes de dysfonctionnements sont multiples

• Il existe d’importantes disparités en matière de recours à la contention physique et à

l’isolement, d’un établissement à l’autre et entre les différents services d’un même

établissement.

• Les recommandations de l’HAS sur ce sujet concernent principalement les personnes

âgées.

• En psychiatrie, il n’existe pas de procédure type pour les adultes communicants.

• Le manque de temps, le manque de moyens matériels et humains.

• Les pratiques abusives, les solutions de facilité ou à titre « punitif ».

• Les désaccords au sein des équipes.

• L’absence de chevauchement d’horaires entre deux équipes. Pas de passation de

consigne.

3 Haute Autorité de Santé

5

• L’insuffisance de personnel le week-end. Un personnel intérimaire peu motivé ou peu

compétent.

� Les conséquences

• Contention non maîtrisée : desserrement des liens, chocs contre des objets fixes,

déboîtement d'épaule, fractures,…

• Liens trop serrés : thromboses, phlébites, abrasions, ecchymoses,..

• Incontinence.

Le signalement des dysfonctionnements aux conséquences parfois dramatiques, reste toujours

très discret, voire inexistant. De plus, l’absence de RMM (revue de mortalité-morbidité) pour

les situations les plus graves prive la Cellule qualité de possibilité d’analyses systémiques lui

permettant de répondre aux critères de certification en matière de gestion du risque.

La douleur induite par les médicaments

En intrahospitalier, nous retrouvons les mêmes effets indésirables qu’en ambulatoire auxquels

viennent s'ajouter :

• Le surdosage de médicaments

• Les erreurs de médicaments :

- Erreurs de prescription

- Erreurs liées à la dispensation et au stockage

- Erreurs liées à l’administration de médicaments

Selon une enquête nationale sur les évènements indésirables graves liés aux soins observés

dans les établissements de santé :

- 60 000 à 130 000 EIG4/an sont en lien avec des médicaments

- 15 000 à 60 000 EIG liés aux médicaments sont considérés comme évitables

Mais la prise en charge de la douleur induite ne se traite pas essentiellement par la chimie ou à

coup de protocoles.

C’est aussi du bon sens, de l’attention, de l’écoute, de la sensibilité, de l’empathie. La

perception d’une douleur n’est pas du tout la même en fonction de l’ethnie, de l’histoire

4 Evénement Indésirables Graves

6

personnelle et familiale du patient. L’excellent film « Le corps en tête – Douleur et santé

mentale » réalisé en collaboration avec le Docteur SARAVANE5 en témoigne.

5. QUELQUES PROPOSITIONS D’AXES D’AMELIORATION

En ambulatoire

• Développer des structures de psychiatrie de liaison ville-hôpital

• Construire des outils de formation adaptés aux besoins des généralistes prenant en

charge des patients psychotiques

• Mettre en place une organisation permettant aux patients de bénéficier de prestations

d’accès aux soins, prises en charge par un réseau ou ses partenaires des hôpitaux

généraux (bilan, soins dentaires,…).

En intra hospitalier

• Une réflexion éthique sur la gestion des mesures de restriction de liberté, au niveau de

l’ensemble des établissements parisiens.

• Plus de visibilité sur le nombre et la durée des procédures d’isolement et de

contention.

• Préconiser, pour la psychiatrie, dans le cadre de la procédure de certification, la mise

en place d’une procédure de revue de mortalité-morbidité, pour tout évènement

indésirable grave.

• La mise en place d’une coordination entre la cellule de Gestion des risques et la

CRUQPC6 notamment à l’issue du traitement et de l’analyse des évènements

indésirables graves.

• Instaurer et développer une éducation thérapeutique des patients ciblée sur la

iatrogénie des neuroleptiques, la prévention des facteurs à risques spécifiques

identifiés en psychiatrie et la prévention et la prise en charge des co-morbidités.

6. CONCLUSION

Les plaintes et réclamations des familles ne sont que la résultante d’une souffrance partagée

au quotidien avec ceux qui leur sont chers. Elles peuvent paraître quelques fois démesurées,

virulentes, voire non fondées mais elles ne sont que la manifestation de leur profonde douleur.

5 Dr Djéa SARAVANE, Président de l’ANPSSSM (Association Nationale pour la Promotion des Soins Somatiques en Santé Mentale), EPS Ville-Evrard, www.anpsssm.com 6 Commission des Relations avec les Usagers et de la Qualité de la Prise en Charge

7

C’est pourquoi je tiens à rendre hommage à l’ensemble des professionnels de santé et, tout

particulièrement au personnel des équipes soignantes, ces femmes et ces hommes dont le

mérite est insuffisamment reconnu.

Ils sont les confidents des personnes vulnérables, en perte d’identité, paupérisées, rejetées par

la société. Ils sont à l’écoute de leurs souffrances, de leurs craintes, de leurs angoisses, de leur

désespoir. Bien que témoins de drames, tant en intra qu’en ambulatoire, le respect du secret

médical les contraint à la discrétion.

Ils travaillent dans des conditions parfois difficiles, faisant preuve d’une grande modestie et,

pour certains, d’abnégation au détriment de leur vie privée.

Il y a quelques années, en discutant à bâtons rompus avec une cadre supérieure de santé d’un

établissement public parisien, j’appris qu’elle souffrait de douleurs lombaires aiguës, suite à

un accident de travail, conséquence d’une situation de violence provoquée par un patient en

crise. Je lui fis remarqué qu’à sa place, j’aurai peut-être déjà demandé à changer d’affectation.

Sa réponse fut spontanée :

« Mais je les aime mes patients. Ils sont comme mes enfants, il faut avant tout les écouter. Ils

ont besoin de beaucoup d’affection. Ils sont en souffrance permanente».

Comme dans toute profession, on note parfois quelques dérives pouvant être dues, à la

fatigue, à la démotivation, au « ras le bol », à des tensions au sein des services qui, du fait

que les malades ne sont pas des produits de consommation mais des êtres humaines, prennent

une toute autre dimension.

Le système de santé mentale français n’est pas parfait mais les compétences existent. Il peut

être sensiblement amélioré. Il s’agit avant tout d’une volonté politique.

Si je devais m’adresser aux membres de la tutelle hospitalière, je leurs dirais : « Mesdames et

Messieurs les décideurs, de temps à autre, prenez le temps d’écouter ces femmes et ces

hommes qui, malgré des conditions de travail de plus en plus contraignantes, réalisent des

prouesses. Donnez leur plus de moyens et vous verrez qu’ils sont capables de faire des

miracles ».

Au nom des usagers que je représente, je vous adresse, à toutes et à tous, un GRAND

MERCI.

8

Etude REGARDS Recueil Epidémiologique en Gériatrie des Actes Ressentis comme Douloureux et

Stressants. L'étude REGARDS a t'- elle modifié les pratiques ? Patricia Cimerman, IDE/ARC, CNRD, Paris Introduction

De janvier à février 2010, ont été inclus dans l'étude REGARDS, 1 265 patients (résidants)

dans 28 structures (7 EHPAD7, 7 SSR8, 6 USLD9 et 8 UCS10). Sur 35 686 gestes évalués,

27 259 (76,4%) étaient des soins d’hygiène et de confort. Une analgésie spécifique avant le

geste était réalisée dans 0,9 % des cas.

L'évaluation de la douleur par le patient (ENp) avec une échelle numérique a été possible pour

25 % des gestes (8 883), par le soignant (ENs) pour 82% (29 207) et avec l'échelle l'Algoplus

pour 88% des gestes (31 344).

Ces principaux résultats ont été présentés et remis aux équipes participantes lors d'une réunion

spécifique fin novembre 2010. 64% (18) des 28 centres étaient présents à la remise des

résultats.

Il nous semblait intéressant de contacter les équipes participantes deux ans après le recueil de

données.

Objectif du projet :

Evaluer l'impact local de l'étude REGARDS sur la prise en charge de la douleur des personnes

âgées en institution dans les 28 centres ayant participé à l'étude.

Méthode :

Un entretien téléphonique, à l'aide d'un questionnaire spécifique, destiné à chaque médecin

et/ou cadre de santé référent de l'étude REGARDS a été réalisé (cf. questionnaire en annexe).

La durée moyenne de l'entretien était d'une quinzaine de minutes.

Résultats :

L'enquête téléphonique s'est déroulée de janvier à février 2012.

7 Etablissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes 8 Soins de Suite et de Réadaptation 9 Unité de Soin de longue durée 10 Unité de court séjour gériatrique

9

Les 28 centres ont été contactés, 23 centres sur les 28 ont répondu, soit un taux de réponse de

82% (6 EHPAD, 6 SSR, 5 USLD, 6 UCS).

Les 5 centres non répondants étaient 1 EHPAD, 1 USLD, 1 SSR, 2 UCS. Les raisons

principales de non réponse étaient liées au changement de coordonnateur médecin et/ou

infirmier, et/ou à des remaniements organisationnels. Au total, a été constaté le départ de 6

médecins coordonnateurs et 9 infirmières coordinatrices. Les résultats de l'étude ont été à

nouveau envoyés aux remplaçants des structures concernées.

Caractéristiques :

Les résultats spécifiques de l'étude par centre ont été restitués lors de réunion en équipe et au

CLUD.

Evaluation de la douleur

Dix-huit centres ont évoqué un retentissement sur l'évaluation de la douleur, avec en

majorité l'intégration de l'échelle Algoplus® dans les diagrammes de soins et/ou logiciels

informatiques et une démarche d'évaluation plus standardisée.

10

Mise en place de formations

Sur les 17 centres ayant organisé des formations, 9 concernaient l'évaluation de la

douleur (utilisation d'Algoplus®, Doloplus®), 5 la douleur du sujet âgé, 2 le MEOPA, et 1 le

toucher-massage.

Prescription d'antalgiques

Neuf centres ont poursuivi leurs habitudes de prescription, 11 centres ont modifié leur

pratiques en augmentant les prescriptions d'EMLA®, MEOPA, antalgiques de niveau III pour

les soins douloureux.

Utilisation de moyens non pharmacologiques

Trois centres ont poursuivi ce qu'ils faisaient auparavant et 8 ont amélioré l'utilisation

de moyens non médicamenteux, tels que balnéothérapie, TENS, réflexologie, physiopacks,

renforcement de travail en binôme (kiné, psychomotricien).

Rédaction de nouveaux protocoles ou modifications

Vingt et un pourcent (5) des répondants déclaraient avoir modifié leurs protocoles ou

en avoir élaboré de nouveaux, particulièrement sur les prescriptions de prémédication avant

les soins.

Réflexion spécifique autour de la douleur des soins

L'étude REGARDS a renforcé la réflexion autour de l'amélioration de la douleur liée

aux actes pour 74% (17) des centres. Les gestes et soins cités ont été les pansements

11

d'escarres et d'ulcères de jambe, les toilettes, les mobilisations et transferts (particulièrement

ceux du matin avec le 1er lever de la journée).

Mise en place d'un projet, d'un travail particulier suscité par l'étude

Soixante-dix pourcent (16) des centres ont déclaré que cette étude avait permis ou

renforcé la démarche d'évaluation des pratiques professionnelles et aidé à la réalisation de la

certification. Les thèmes cités ont été : EPP sur la toilette, EPP sur l'évaluation et la traçabilité

de la douleur, EPP et audit sur la douleur liée aux gestes.

Certains centres ont mis en place des formations sur l'utilisation du MEOPA.

Les résultats de l'étude restitués par centre ont permis des communications et posters lors de

congrès, séminaires, réunions du CLUD, la mise en place et l'utilisation standardisée de

l'échelle Algoplus® dans diverses structures.

Retentissement principal de l'étude sur les pratiques professionnelles

N (%) Prise de conscience, sensibilisation et remise en question des soignants par rapport à la douleur des personnes âgées Mise en place d'une évaluation systématique de la douleur Meilleure organisation et anticipation lors des soins Renforcement de la prise en charge de la douleur déjà existante Augmentation des prescriptions antalgiques

8 (35) 7 (31) 4 (17) 2 (9) 2 (9)

12

Conclusion :

La participation à l'étude REGARDS a été un élément dynamisant dans la démarche

d'amélioration de la prise en charge de la douleur des sujets âgés admis en institution.

L'investissement des équipes soignantes a été remarquable et a permis d'obtenir de

nombreuses données épidémiologiques sur la douleur provoquée par les soins chez cette

population vulnérable. Cette étude a permis à certains soignants de prendre conscience et

d'être mieux sensibilisés à la douleur liée aux actes quotidiens, souvent négligée.

Les résultats vont permettre la mise en place de stratégies de prise en charge adaptées à

chaque type de structure. Une des perspectives serait de refaire ce même travail dans les

années à venir afin d'évaluer l'évolution des pratiques et le retentissement sur la douleur des

patients.

Références :

- Cornu HP Douleur provoquée chez la personne âgée : données épidémiologiques in :

Douleur provoquée par les soins, 1ère journée du CNRD; 2006 ; accessible sur : www.cnrd.fr

- Donnadieu S. Douleurs induites par les soins chez les personnes âgées. Douleurs 2008 ;9

:22-27

- Galinski M, Cimerman P, Thibault P, Annequin D, Carbajal R. et le groupe "REGARDS".

Etude REGARDS Recueil épidémiologique en Gériatrie des Actes Ressentis comme

Douloureux et Stressants in : Douleur provoquée par les soins, 6ème Journée du CNRD;

2011; PARIS accessible sur : www.cnrd.fr.

- Rat P, E. Jouve, Pickering G, Donnarel L, Nguyen L, Michel M, Capriz F, Lefebvre-Chapiro

S, Gauquelin F, Bonin-Guillaume S. Validation of an acute pain-behavior scale for older

persons with inability to communicate verbally: Algoplus. Eur J Pain;2011;15(2):198e1-

198e10

- Galinski M, Cimerman P, Mery J-P, Mezouani A, Descombes S, Gibiot P, Maillet-Gouret

M-C, Carbajal R : Etude REGARDS, Résultats préliminaires in : Congrès SFETD; 2011;

Paris

- Ballard C, Smith J, Husebo B, Aarsland D, Corbett A. The role of pain treatment in

managing the behavioural and psychological symptoms of dementia (BPSD). Int J Palliat

Nurs. 2011 Sep;17(9):420, 422, 424.

- Husebo BS, Ballard C, Sandvik R, Nilsen OB, Aarsland D. Efficacy of treating pain to

reduce behavioural disturbances in residents of nursing homes with dementia: cluster

randomised clinical trial. BMJ. 2011 Jul 15;343:d4065. doi: 10.1136/bmj.d4065.

13

- Cimerman P, Chouillard L, Garo E., Lançon A, Quenet V, Monjot A, Herlin B, Roques D,

Champerneau C, Clément R, Papas A, Roy E, Martinez MP, Galinski M Échelle

ALGOPLUS® : Opinion des soignants, Étude REGARDS in : Congrès National Infirmier des

Soins à la personne âgée; 2012; Paris

- Cimerman P, Galinski M, Garrigue E, Cangini P, Thorez D, Monguen B, Jardez A, Mery J-

P, Mezouani A, Descombes S, Gibiot P, Maillet-Gouret M-C, Carbajal R Epidemiology of

painful and stressful procedures in the ederly : REGARDS Study, preliminary results in: IASP

14th World Congress on Pain; 2012; Milan

QUESTIONNAIRE SUR LE RETENTISSEMENT DE L'ETUDE REGARDS

Type de structure : � SSR � EHPAD � USLD � Court séjour

Coordonnateur médical ���� Coordonnateur paramédical ����

Départ des coordonnateurs depuis 2010 ? O / N

A assisté à la réunion de restitution des résultats O / N

* Présentation des résultats généraux de l’étude à l'équipe soignante? O/N

Si oui, par qui et quand :

o * Présentation des résultats spécifiques du centre à l'équipe soignante? O/N

Si oui, par qui et quand :

* Retentissement sur les pratiques professionnelles? O / N

Si oui, concerne :

1. L'évaluation de la douleur? O / N

Si oui, précisez

2. L'utilisation des moyens non pharmacologiques ? O / N

Si oui, précisez

3. Le changement des prescriptions d'antalgiques ? O / N

Si oui, précisez

4. La mise en place de formations O / N

Si oui, précisez

5. La rédaction de nouveaux protocoles ou modifications ? O / N

6. La réflexion autour de la douleur des soins? O / N

Si oui, lesquels?

7. La mise en place d'un travail, d'un projet sur un point particulier suscité par l’étude ? O / N

Si oui, précisez

8. Selon vous, quel est le retentissement majeur?

14

Apports dans la pratique quotidienne de l’étude REGARDS Dr Etienne Garrigue, médecin coordonnateur, Résidence MAPI les Amandiers, Paris.

Introduction

La résidence MAPI les Amandiers a une capacité d’accueil de 118 lits répartis sur 4 étages.

Elle fait partie du groupe MEDICA. La moyenne d’âge des résidents est de 85 ans, avec des

écarts allant de 51 ans à 104 lors de la réalisation de l’étude en février 2010 (GIR Moyen

Pondéré 720, Pathos Moyen Pondéré 192 validé). Une unité de vie protégée (UVP) de 16 lits

est située au 4ème étage.

L’équipe de soins est bien étayée avec :

- 4 AS et/ou AMP, 1 IDE pour les trois premiers étages,

- 2 AS et/ou AMP, 1 IDE en UVP,

- Animatrice, Ergothérapeute , Psychologue, Infirmière coordinatrice, Médecin

coordonnateur à temps plein.

100 % des résidents présents ont bénéficié de l’évaluation des gestes réputés comme

douloureux. Pour mémoire, l’étude REGARDS a été réalisée sur cinq jours, 24h/24, et deux

attachés de recherche clinique ont aidé les personnels à colliger les données, tout en

accompagnant la démarche d’évaluation systématique de la douleur lors de chaque geste

accompli.

En décembre 2009, une présentation de l’étude et une formation spécifique pour tous les

membres de l’équipe soignante avait eu lieu.

Cette étude a été vécue comme bien préparée, accompagnée et suivie par les personnels, les

résidents et les familles qui ont eu droit à un retour d’information spécifique lors de la

présentation des résultats.

Les bénéfices immédiats ont été la sensibilisation et la formation des personnels à l’évaluation

de la douleur, avec mise en pratique immédiate et soutenue des informations acquises.

L’accueil des résidents et des familles à ce projet s’est traduit par une adhésion immédiate de

toutes les personnes concernées.

La sensibilisation a consisté à mettre en évidence :

- qu’un geste de pratique quotidienne pouvait être douloureux,

- qu'il pouvait être évalué de manière objective, simple et répétée,

15

- qu'il pouvait donc être pris en charge de manière spécifique (médicamenteuse ou

non).

La proposition de l’étude et la présentation de l’échelle Algoplus® correspondait à une

demande de terrain en évaluation de la douleur, sachant que la résidence accueille 70 % de

résidents avec des troubles cognitifs.

Cette information a été diffusée auprès des médecins traitants. En conséquence immédiate,

cette échelle a été diffusée à l’ensemble du groupe MEDICA, et à disposition de toutes les

équipes (en milieu sanitaire et médico-social), en raison de sa facilité d’exécution, de sa

reproductibilité et de sa pertinence dans l’évaluation et la prise en charge de la douleur et des

troubles du comportement (symptôme d’appel, évaluation objective, bilan diagnostique, prise

en charge, suivi).

Une étude a été réalisée secondairement sur l’établissement, en unité de vie protégée (UVP)

sur le mode un jour donné, pour tous les résidents présents. L'évaluation de la douleur avec

l'échelle Algoplus® a été effectuée par les personnels soignants (AS, AMP, IDE) en

coordination avec le médecin coordonnateur (traitements associés, co-occurrences).

Cette première étude ne prenait en compte que la douleur sur un temps donné, faisant appel à

l’appréciation du soignant sur la journée, sans différenciation aiguë/ geste associé et au repos

sans stimulation.

Ce travail a été présenté lors de la réunion départementale à l’ARS intitulée ‘’Apport de

l’évaluation de la douleur en UVP et troubles du comportement’’, (en lien avec la gestion du

risque, programme Qualité et Efficience des soins en EHPAD ) le 23 mars 2011.

Une autre communication a eu lieu lors des journées de Bretonneau le premier décembre

2011, ouverte aux soignants en EHPAD, intitulée ’’Troubles du comportement et douleur’’,

en différenciant cette fois l’évaluation au repos et l’évaluation lors de la toilette, toujours en

UVP selon le même protocole.

Nous utilisons en pratique courante cette échelle depuis sa présentation lors de l’étude.

Enfin, une thèse de médecine est en cours sur l’évaluation de la douleur et sa prise en charge

en Unité de vie protégée (UVP), sur quatre sites différents en UVP, en appréciant les

difficultés de terrain que rencontrent les soignants, les formations qu’ils ont sur ce type

d’évaluation, et l’impact de la prise en charge de la douleur sur la prescription des

médicaments psychotropes dans les troubles du comportement.

16

L’importance de la formation des personnels, la culture de l’évaluation de la douleur et de sa

prise en charge sont deux conditions qui permettent ce type de réalisation, et qui sont

indispensables à la mise en pratique de ce type d’outil.

Fiche résidant Unité Protégée

Comportement :Opposition OCris O Déambulation OAgressivité O

GIR-Toilette totale O Aide partielle O-Repas aide totale O Aide partielle O Autonome O-Incontinence (U/F) O

Traitement :Neuroleptique OBenzodiazépine O Apparentés OAnti Alzheimer OHypnotique O

Co Occurrences :Diabète OParkinson OSoins escarres OAnticoagulants OAutre O

Synthèse :____________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________.

Fiches utilisées lors de l’étude Evaluation douleur en UVP, présentée en mars 2011 à l’ARS.

17

L'étude REGARDS a t-elle modifié les pratiques ? L’après REGARDS en SSR

Sophie Furstoss, cadre de santé

PRESENTATION DE L’ETABLISSEMENT

Le Centre Gériatrique "Denis Forestier" est un établissement de santé privé d’intérêt collectif

(ESPIC), agréé par le Ministère de la Santé pour 80 lits d'hospitalisation adultes (à partir de

50 ans) et 116 lits d'EHPAD.

L'Etablissement est situé sur la commune de La Verrière (Yvelines), sur le territoire de santé

78-1 (Sud-Yvelines) et accueille de préférence des patients de ce secteur (mutualistes MGEN

ou non mutualistes MGEN).

· Une Section EHPAD (116 lits) - répartie sur 2 sites, pour des hébergements définitifs ou

temporaires. Elle comprend 4 pavillons de 19 lits chacun (E1) et une unité de 40 lits (E2).

· Une Section hospitalière (80 lits) comprenant :

- Un service de Médecine (21 lits), qui accueille, pour de courtes durées, des patients porteurs

d'affections médicales aiguës ou subaiguës (cardiaques, pulmonaires, cancéreuses,

hématologiques, digestives).

- Une unité de Soins Palliatifs (10 lits) : Le Service, ouvert depuis le 01/09/1994, admet des

patients en fin de vie dont l'état de santé est altéré par l'évolution terminale d'une maladie

grave et invalidante et pour lesquels les traitements curatifs ne sont plus efficaces.

- Un service de Soins de Suite et de Réadaptation (49 lits) qui accueille des patients dont

l'état de santé nécessite une réadaptation après intervention de chirurgie générale ou

dans les suites immédiates d'affections médicales aiguës et une rééducation fonctionnelle

après intervention chirurgicale orthopédique, ou après un accident neurologique.

C’est au sein de ce service qu’a eu lieu l’étude « REGARDS » du 1er au 05 février 2010.

18

Résultats préliminaires de l’étude « REGARDS » au centre gériatrique Denis Forestier

Octobre 2010

PREAMBULE

Des études récentes ont montré que les personnes âgées sont souvent confrontées à la douleur,

que l’impact sur leur vie quotidienne augmente avec l’âge et qu’elle n’est soulagée que dans

la moitié des cas, voire moins pour les sujets âgés et déments.

Les douleurs liées aux soins sont largement présentes en gériatrie, pour tous les soins

(techniques ou d’hygiène) et surtout pour les soins longs et répétés.

⇒ La douleur semble sous estimée et sous évaluée

⇒ Souhait de participer à l’étude REGARDS (étude épidémiologique large)

OBJECTIFS

� Faire un état des lieux permettant de recenser tous les gestes douloureux,

potentiellement douloureux et stressants chez les personnes âgées de plus de 65 ans,

de façon quantitative et qualitative.

� Evaluer l’intensité douloureuse et la prise en charge analgésique des gestes.

� Déroulement au sein du SSR du Centre Gériatrique Denis Forestier (CGDF) : du 1er

au 5 février 2010, 24h/24, cahier d’observation pour chaque patient concernant chaque

geste.

RESULTATS

� Nous avons décidé de comparer les résultats CGDF et les résultats généraux des SSR

participants

� Au CGDF, 44 patients ont été inclus (moyenne inclusion des 7 SSR= 36).

� Sur 5 jours, 1 479 gestes ont été recensés (7 686 en SSR) soit en moyenne 30,9

gestes/patients (écart-type de 22,5)

=> Les résultats montrent une bonne exhaustivité du recueil

=> l’étude a permis l’implication et la motivation des équipes dans la prise en charge de la

douleur des patients âgés.

19

Patients très âgés= moyenne de 84,2 ansPopulation féminine= 75%Ancienneté CGDF = 1 mois < DMS des SSR ( 1 mois et demi) correction faite en mars 2011/ erreur informatique

0

50

100

150

200

250

NombrePatient

AGE pourcentagefemme

Ancienneté

SSR GEN SSR DF

MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss

Description des patients

GIR 1+2+3=56%

DEPENDANCE SSR

GENERAL

DEPENDANCE SSR

CGDF

GIR 1+2+3 = 34%

MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss

Type de gestes effectués

0

20

40

60

80

100

120

SHACP MTK TM autres Gestes Autres TA+ Ctes

SSR GEN SSR CGDF

SHACP: Soins hygiène, aide et confort

MTK: Mob, aide déplacements, kiné

TM autres : Transferts Mobilisations autres

TA+ Ctes: TA+ Constantes

MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss

Description des gestes effectués

0

5

10

15

20

25

30

35

NGP NMK NGA NSH

SSR GEN

SSR CGDF

NPG =NOMBRE DE GESTES PAR PATIENT

NMK = NOMBRE DE MOB,TRANSFERTS, ACTES MK PAR PATIENT

NGA =NOMBRE DE GESTES AUTRES PAR PATIENT

NSH = NOMBRE DE SOINS D’HYGIENE, AIDE ET CONFORT PAR PATIENT

Plus de gestes sur le CGDF, notamment mobilisations, prise TA et constantes, un peu plus de gestes techniques.

Moins de Soins d’hygiène, d’aide et de confort à la personne

MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss

Par patient

Description des traitements antalgiques

présents lors des soins

OUI

NON

MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss

OUI

NON

Par patient

Description des traitements

antalgiques présents lors des soins

MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss

⇒SSR Généraux davantage de TA de fond, traitements plus forts ( Niveau I = 56,6 %)

⇒ SSR CGDF légèrement moins de TA de fond, traitements Niveau I = 71,4%

20

Traitement Antalgique de fond par

geste et Analgésie pour le geste

⇒ SSR CGDF légèrement plus de TA de fond par gestes

⇒ SSR Généraux et CGDF ont des pourcentages très faibles d’analgésies pour les

gestes (< à 1,2%).

⇒ Sous estimation de la douleur pendant les soins ?

MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss

Evaluation douleur-Auto-évaluation

⇒Davantage d’auto-évaluation pour le CGDF en lien avec caractéristiques

population au moment du recueil

⇒ Valeur EN < pour les patients du CGDF mais restent 11,3% de patients douloureux

et surtout 1% de patients très douloureux +++

MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss

Evaluation douleur par le soignant

⇒ Bonne exhaustivité de l’évaluation par les soignants

⇒ Evaluation par les soignants < Evaluation par les patients : sous-estimation de la douleur par les soignants, notamment pour des gestes peu invasifs ?

MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss

Evaluation par algoplus

⇒ Très bonne exhaustivité des hétéro-évaluations sur le CGDF ( formation ++ des équipes en préambule à l’étude car non utilisée)

⇒ restent 4,1 % de patients avec Algoplus > 3 donc très douloureux

MGEN - Journée Référents Douleur - 10 février 2011 - S. Furstoss

DISCUSSION

� Il est difficile d’interpréter des statistiques sur des recueils d’informations qui restent

subjectives (perception différente de la douleur suivant les individus, en fonction de

leur expérience, de leur histoire, de leur vécu d’expériences douloureuses).

� Il serait utile de connaître le moment exact de la journée où les gestes douloureux ont

été recensés.

CONCLUSION

� Cette étude a permis, sur une structure MGEN, de quantifier et décrire tous les gestes

et soins quotidiens effectués par les soignants chez des patients âgés de SSR.

(Population vulnérable – GIR < ou = 3 dans 66% des cas et auto évaluation impossible

dans 37,3% des cas).

21

� Ces premiers résultats montrent que de nombreux gestes sont effectués tous les jours

chez des personnes âgées, dont une grande partie est dyscommunicante. Les

personnels soignants ont été sensibilisés à la douleur et à la multiplicité des gestes.

� Une évaluation de la douleur est possible avec des outils adaptés. Les équipes doivent

être formées.

� 1% seulement des gestes effectués le sont avec une analgésie et 1% des gestes restent

très douloureux => il est nécessaire d’élaborer des stratégies de prise en charge

pluridisciplinaire de la douleur provoquée selon la nature du geste, la fragilité du

patient, etc.…

� Le CLUD du CGDF a orienté son travail dès les premiers résultats sur la stratégie à

adopter pour une prise en charge de ces douleurs induites par les soins.

� Les projets s’orientent sur les protocoles de prémédication des gestes les plus

douloureux bien que peu fréquents et sur des gestes moins douloureux mais répétés

(mobilisations, transferts, prise de TA).

IMPACT DANS LA PRATIQUE QUOTIDIENNE

Nous allons suivre les différentes réflexions et actions menées par le CLUD depuis les

résultats préliminaires :

Tout d’abord, une présentation des résultats de l’étude REGARDS a été faite au sein des

différents services de l’établissement. La réflexion s’est organisée ensuite autour des soins

douloureux avec la décision d’effectuer un audit concernant un geste répété et ressenti

douloureux dans l’étude REGARDS.

Un audit a donc été prévu en Octobre 2011 (1ère semaine) dont l’objectif était d’étudier la

faisabilité de l’utilisation de patch EMLA avant les prises de sang en SSR et médecine.

Il était prévu 5 jours d’étude pour tous les patients ayant une prise de sang. La pose de 2

patchs était confiée à l’équipe de nuit. La prise de sang devait être faite par l’IDE du matin

aux mêmes horaires que d’ordinaire mais un délai d’au moins 1 heure devait être respecté

entre la pose du patch et le prélèvement sanguin.

22

Il était prévu que soient analysées plusieurs données :

1. Horaire de la pose et horaire réel de la prise de sang

2. Nombre de patchs mis (normalement pas plus de 2)

3. Possibilité de faire la prise de sang au niveau des sites "patchés"

4. Evaluation de la douleur induite par la prise de sang

5. Evaluation de l’inconfort provoqué par un réveil plus matinal en raison de la mise en place

du patch : est-ce que le réveil pour la pose du patch vous a dérangé ? si oui, auriez-vous

préféré ne pas être réveillé et ne pas avoir de patch ? est-ce que cette démarche vous a

apporté quelque chose ?

6. Pour les patients non communicants, l’évaluation de la douleur avec ALGOPLUS

7. Evaluation économique à voir avec le pharmacien

Parallèlement à cet audit, le CLUD a préconisé une formation interne en 2012 sur la prise en

charge de la douleur, notamment en ce qui concerne son évaluation avec l’échelle Algoplus

car cette échelle paraissait moins utilisée (résultats Audit IPAQSS SSR).

Puis le CLUD a poursuivi sa réflexion sur la prévention de la douleur induite par les soins. Il

a été décidé de ne pas faire l’audit sur l’utilisation de l’EMLA® pour les prises de sang ; les

IDE présentes et cadres de service ont considéré qu’il était difficile sur le plan pratique de

poser chez nos patients âgés un patch ou des patchs d’EMLA® avant une prise de sang (en

particulier car ce patch ne serait pas posé par l’IDE réalisant le prélèvement).

D’où le retour à notre question récurrente : Quel soin choisir ?

La douleur induite par les transferts ? Faut-il rajouter une transmission ciblée dans chaque

dossier sur la douleur lors des transferts ? Quel traitement antalgique proposer pour ces

mobilisations ? Faut-il revoir les techniques de mobilisation et aides techniques, et

l’évaluation de la douleur lors de leur utilisation ?

Plusieurs axes de travail ont été proposés par le CLUD :

- Essayer de faire une enquête de pratique : quel patient est douloureux un jour donné ? Quel

patient est douloureux pendant les transferts et quelle prise en charge de cette douleur est

proposée ?

- Choisir un soin rarement réalisé mais douloureux : pose d’une sonde naso gastrique ou

d’une sonde urinaire par exemple.

23

Mme Cimerman du CNRD, présente au CLUD commun aux deux établissements du 08/02/12

a accompagné la réflexion sur les soins douloureux et proposé d’orienter les efforts sur les

douleurs induites par le nursing, les transferts, les pansements d’escarre par exemple.

Lors du dernier CLUD du mois de mai dernier, une présentation de la réflexion en cours sur

les soins douloureux à l’HGDF a été réalisée. Nous souhaitons concevoir un tableau

synthétique dans un premier temps sur les douleurs provoquées par les soins dans le cas de

certaines pathologies :

L’objectif est d’améliorer la prise en charge des douleurs liées à ces soins. Nous allons créer

un tableau synthétique (que l’on pourrait afficher dans les services auprès des différents

professionnels) reprenant les principales pathologies prises en charge dans l’établissement, les

douleurs induites par les soins dans le cadre de ces maladies et comment les prévenir.

05/05/2012 PK 38

Douleur liée aux soins

Ainsi, la démarche sera préventive et axée sur les douleurs spécifiques rencontrées dans le

cadre de ces pathologies.

24

« L’après-REGARDS » en USLD

Dr. Delphine Thorez, USLD, Chardon-Lagache, Paris (75)

Présentation de la structure :

L’hôpital Chardon Lagache est une structure de soin gériatrique, sécurisée et fermée qui

appartient au Groupe Hospitalier Sainte Perine- Rossini- Chardon Lagache, situé à Paris dans

le 16° arrondissement.

C’est une unité fonctionnelle à part entière dont l’orientation des soins n’est que psycho-

gériatrique. Nous accueillons donc uniquement des patients déments à un stade sévère avec

des symptômes comportementaux et psychologiques liés à la démence (SCPD) dits

« envahissants ».

Ces patients sont répartis sur 97 lits d’hospitalisation : 10 lits de Soins de suite et réadaptation

(SSR) et 87 lits de soins de Longue Durée (USLD).

Ces lits d’USLD sont répartis sur 5 unités d’hospitalisations réparties sur 3 niveaux : rez-de-

jardin, premier et deuxième étage, qui communiquent toutes entre elles et où les patients

circulent librement, 24 h sur 24.

Notre activité est en cours de restructuration avec la création de 30 lits d’Unité

d’Hébergement Renforcé (UHR) et de 10 lits d’Unité Cognitivo Comportementale (UCC).

L’existence de l’Equipe Mobile de Psycho Gériatrie (EMPG) complète notre champ d’activité

soignante en nous permettant de répondre aux demandes d’avis spécialisé des différents sites

du groupe. Nous intervenons donc en gériatrie aiguë, du SSR, en USLD et parfois sur l’unité

de soins palliatifs.

L’équipe qui prend en soin ces patients se compose d’un gériatre temps plein, d’un psychiatre

mi-temps, d’un psychologue temps plein, d’un cadre de santé, de rééducateurs

(ergothérapeute, psychomotriciennes), d’infirmières, d’aides soignantes, et d’aides médico-

psychologiques.

Les soignants sont tous formés à la spécificité de la prise en soin des patients déments,

déambulants, qui présentent des troubles de compréhension, des troubles du jugement, des

troubles phasiques, gnosiques, praxiques avec des troubles du comportement dits envahissants

(agitation, agressivité, désinhibition, hallucinations, délires …).

25

Déroulement de l’étude :

L’étude « REGARDS » n’a concerné que les patients hospitalisés en unité de soins de longue

durée. L’infirmière coordinatrice et le médecin coordinateur se sont chargés du travail de

formation des équipes de jour et de nuit, aux différents outils de l’étude. Par ailleurs, ce

binôme a dû s’attacher à trouver une organisation simple et sécurisée du recueil de données,

dans une structure de soin complètement ouverte (seuls accès refusés : la rue et les zones

soignantes), qui accueille des patients majoritairement déambulants.

Résultats :

Description de la population concernée par le recueil de données :

Nous avons inclus 78 patients, d’âge moyen 78 ans [66-100]. Ces patients étaient

majoritairement des femmes (70,5%). Deux tiers étaient en GIR 1 et un tiers en GIR 2. Les

trois quarts de nos patients ont été dits « fragiles » selon les critères définis par le protocole de

l’étude. L’évaluation de la douleur par auto-évaluation du patient n’a été possible que dans 1

cas sur 4.

Les patients qui recevaient un traitement antalgique de fond représentaient 43% de notre

population. Des antalgiques de paliers 1 et 3 étaient surtout administrés.

Nous avons recensé 6794 gestes pendant les cinq jours de recueil ; ces gestes étaient

majoritairement réalisés en journée (67%), par les aides-soignantes (91%).

Le nombre de gestes réalisés par patient au total, était en moyenne de 87,1 [0-120].

Ces gestes étaient très majoritairement (89,9%) des soins d’hygiène, d’aide et de confort à la

personne.

Lors d’un acte de soin, on retrouvait dans un peu plus de 50% des cas, entre 5 et 7 gestes

différents pour ce même acte de soin. Au maximum, une toilette pouvait se décomposer en 9

gestes à évaluer.

La durée moyenne de chaque geste était de 3,2 minutes [0-40].

26

L’auto-évaluation de la douleur de chaque geste :

L’évaluation de la douleur par le patient (ENp), n’a pu être réalisée que pour 0,6 % des gestes

de soin, soit pour 40 gestes sur les 6 794 réalisés. Deux de ces 40 gestes ont été évalués

douloureux (Enp≥4) selon l’évaluation du patient.

L’hétéro-évaluation de la douleur :

L’hétéro-évaluation des gestes de soin par le soignant avait été faite avec, d’une part, l’échelle

numérique et d’autre part l’Algoplus.

L’échelle numérique a été utilisée pour 93,7 % des gestes. Sa valeur moyenne était à 0,62

[0-9]. Les gestes étaient estimés douloureux dans 6 % des cas, très douloureux dans 0,5 % des

cas.

Les gestes réalisés au cours d’un soin de plaie ou pansement étaient ceux qui étaient évalués

par les soignants comme étant plus douloureux.

L’Algoplus a été faite pour 96,6 % des gestes. Sa valeur était dans 49 % des cas nulle. Sa

valeur moyenne était de 1,2.

Répercussions de l’étude REGARDS:

La mise en place de l’étude au sein de l’établissement avec les nombreux temps de formation

des soignants a permis de renforcer les liens entre les équipes, la qualité et la quantité des

transmissions, l’écoute et les échanges inter professionnels et inter équipes. Chaque soignant

s’est senti investi d’une nouvelle responsabilité, celle de réussir ce challenge, certes pour la

qualité des recueils de données, mais au-delà de ça, responsabilité vis-à-vis du patient qui

redevenait le centre de toutes les préoccupations du quotidien, au-delà des difficultés

professionnelles.

Nous avons décomposé tous les actes de soins en de multiples gestes de soin à évaluer, et

nous avons ainsi pu trouver « qu’une simple toilette » est la succession de 13 gestes de soins

potentiellement douloureux, angoissants ou stressants. Ce geste « anodin » de toilette, a pris

alors une toute autre importance.

Pendant l’étude, il y a eu une vigilance accrue lors des soins réalisés, les soignants observant

de très près le patient et se questionnant eux-mêmes lors de l’hétéro-évaluation. Nous avons

pu observer un regain de l’attention portée au patient, de réflexion sur celui-ci, d’échange

entre professionnels, de questionnement sur la qualité du soin et sur le confort du patient.

27

Par ailleurs, les liens entre les équipes étaient très forts, avec une entraide et une prise de

plaisir réelle dans la participation au recueil des données. Chacun s’est senti valorisé dans son

travail et dans le regard porté sur son travail.

A distance de l’étude, nous avons conservé l’usage quotidien de l’échelle Algoplus dans les

évaluations soignantes de nos patients. Les initiatives soignantes sont nombreuses, lors de

modifications de présentation du patient, de SCPD « inhabituels ». Les soignants ont

désormais l’initiative de mettre en place un recueil de l’Algoplus sur 3 jours pour que l’on

puisse discuter, lors de nos réunions soignantes, des orientations diagnostiques et

thérapeutiques à donner pour le confort du patient. L’outil a été adopté par l’ensemble des

équipes.

Cependant, il faut souligner les limites de cet outil chez nos patients très déments avec de gros

troubles du comportement. En effet, pour certains de nos patients, observés en dehors de tout

geste soignant, au repos, l’évaluation de l’Algoplus est déjà positive.

Il est donc essentiel de pouvoir utiliser des outils d’évaluation qui sont une aide au diagnostic

et à la thérapeutique ; mais seule une parfaite connaissance de la singularité du patient par le

soignant, permettra que la pertinence de cette évaluation soit réelle.

Comme le disent souvent les équipes depuis la fin de l’étude : « notre regard a changé », il est

vrai que le regard porté sur nos patients et les gestes que nous faisons pour eux, avec eux, ont

changé après l’étude.

28

Impact en pratique quotidienne de l'étude REGARDS Anne Papas, cadre de santé, Nathalie Nion, Cadre Paramédical de Pôle Groupe

Hospitalier Pitié Salpétrière-Charles Foix Pôle P.R.A.G.U.E.S.

Service de gériatrie aiguë du Pr Verny

1- Présentation de la structure

Le centre de court séjour de gériatrie du groupement hospitalier Pitié-Salpêtrière -

Charles Foix se situe sur le site de la Pitié-Salpêtrière. Il fait partie intégrante du pôle

PRAGUES qui comprend les unités de Pneumologie, de Réanimation, d’Anesthésie, de

Gériatrie, d’Urgences, d’Explorations fonctionnelles et du Sommeil.

Le service de court séjour gériatrique est un des principaux services d’aval du Service

d’Accueil des Urgences (SAU) avec plus de 90% des patients accueillis originaire du SAU. Il

propose aux personnes âgées de plus de 75 ans une offre de soins répondant à leurs besoins.

L’unité est constituée de vingt lits dédiés à la médecine gériatrique et de dix lits accueillant

des patients en pré ou post-opératoire quelque soit la spécialité chirurgicale.

L’équipe pluridisciplinaire est composée de médecins gériatres ayant également une

spécialité (neurologues, endocrinologue, médecine interne,…), de cadres de santé,

d’infirmiers, d’aides soignants, de kinésithérapeutes, d’ergothérapeutes, d’orthophonistes et

d’une assistante sociale.

2- Principaux résultats de l'étude REGARDS

Etude réalisée en février 2010

24 patients inclus pendant 5 jours

Moyenne d’âge : 85 ans ; 80% de femmes

95% de patients très fragiles capables de s’auto évaluer pour 80% d’entre eux

Gestes effectués : 868 gestes évalués

Tous les professionnels sont impliqués

76% des gestes réalisés de jour et 24% de nuit

44% sont des soins d’hygiène

24% sont des piqûres

2% des soins de plaies

29

Traitement antalgique préalable :

25% des patients n’ont aucun traitement de fond

62% avec un ou deux traitements de fonds

75% d’entre eux ont reçu au moins un traitement antalgique au cours des 5 derniers jours

Traitement antalgique au moment du geste :

23% avaient un antalgique de fond au moment du geste

Seulement 0,3% ont reçu une analgésie pour le geste

Les gestes réalisés par les soignants sont efficaces, ils durent en moyenne 6 minutes

Evaluation de la douleur :

2/3 des patients trouvent le geste douloureux entre 1 et 4 (EN)

¾ des soignants estiment le geste douloureux entre 1 et 3 (EN)

16% des patients évaluent leur douleur > à 4 alors que 14% des soignants l’évaluent > à 4

3% des patients évaluent leur douleur > à 8 alors que 1,2% des soignants l’évaluent > à 8

Classification des gestes douloureux : du plus douloureux au moins douloureux :

Pour les patients Pour les soignants

Mobilisations (46%) Mobilisations (33%)

Soins hygiène (21,5%) Soins de plaie, pansements,… (23,5%)

Soins de plaie, pansements,… (20%) Soins hygiène (17%)

Piqûres (9,5%) Piqûres (11,5%)

Les soignants comme les patients pensent que les mobilisations sont les gestes les plus

douloureux.

En revanche, la douleur engendrée par les soins d’hygiène est légèrement sous évaluée par les

soignants.

Evaluation par Algoplus :

78,5% des patients ont été évalués avec l’échelle Algoplus

19% d’entre eux sont douloureux (score > à 2) avec Algoplus soit un pourcentage un peu

supérieur à celui obtenu avec l’EN (15%).

30

Ces résultats soulignent la pertinence de l’utilisation de l’échelle Algoplus pour la prise en

charge de certains patients.

L’enquête d’opinion dans le service révèle que 80% des soignants interrogés souhaiteraient

utiliser cette échelle. Elle montre aussi que seulement 50% des soignants semblent satisfaits

de la prise en charge de la douleur dans le service (16,7% de non réponse).

3- Impact dans la pratique quotidienne

En juin 2012, les différentes enquêtes menées dans l’unité de gériatrie soulignent une

meilleure prise en charge de la douleur. Cette amélioration s’explique par plusieurs actions :

- L’étude du CNRD :

o Autre regard sur l’évaluation de la douleur de la personne âgée

o Interrogation des soignants sur l’impact des soins

o Participation à la journée du CLUD

- L’enquête douleur et l’audit annuels :

o Réflexion d’équipe sur l’exhaustivité des transmissions

o Amélioration des pratiques et de la traçabilité (évaluation et réévaluation plus

précise de la douleur, détails sur les actions mises en œuvre et leurs résultats)

- Ajustement de la prescription

o Interdoses

o Morphiniques per os

o MEOPA

o Augmentation du stock et de la diversité des stupéfiants disponibles

- Actions de formations

o sur la prise en charge de la douleur

o sur les transmissions ciblées

o remise de livres à chaque soignant sur la prise en charge de la douleur11

En juin 2012, l’équipe soignante utilise plusieurs échelles d’évaluation :

- L’auto-évaluation avec EN, EVS ou encore EVA

- L’hétéro-évaluation est faite avec certains des critères de l’échelle Algoplus. Ces

derniers sont évalués mais non quantifiés selon la règle de l’échelle.

11 Livres sur la douleur édités par les laboratoires UPSA

31

En conclusion :

Deux ans et demi après la réalisation de l’étude REGARDS, l’échelle Algoplus est

partiellement utilisée par les soignants. On peut expliquer ce phénomène par les raisons

suivantes :

- Complexité de l’outil

- Etude réalisée à une période de changement dans le service (fermeture des derniers lits

de SLD et ouverture de l’unité peri-opératoire ; arrivée d’une nouvelle équipe

d’encadrement).

- La plupart des infirmiers sont de jeunes diplômés dont la priorité est d’asseoir leurs

compétences avant d’adopter de nouveaux outils et de développer une expertise dans

la prise en charge de la douleur.

- Turn over important des IDE (seul 30% de l’effectif actuel était présent au moment de

l’étude REGARDS).

L’amélioration de la prise en charge de la douleur est un des thèmes prioritaires du service de

gériatrie et l’équipe d’encadrement mène un travail de fond. L’étude REGARDS et les actions

mises en œuvre au sein du groupe hospitalier favorisent cette dynamique.

32

Expression et évaluation de la douleur liée au soin chez des enfants avec autisme A. Dubois (MCU) 1, C. Rattaz (PhD) ², A. Baghdadli (PU-PH) ²

1 Université de Brest Occidentale, EPS EA 4686 ² CHRU de Montpellier, Centre de Ressources Autisme Languedoc-Roussillon, Epsylon

EA 4556

Introduction

Dans le domaine de la douleur, le terme de « vulnérable » est de plus en plus employé pour

décrire certaines populations ; tel est le cas des enfants avec autisme. L’utilisation de ce terme

concernant l’autisme a différentes origines. Il faut revenir tout d’abord sur la définition même

de ce trouble. L’autisme est un trouble envahissant du développement précoce qui se

caractérise par une perturbation des capacités de communication verbale et non-verbale, des

interactions sociales réciproques et par la présence d’intérêts restreints et de comportements

répétitifs et stéréotypés (CIM 10, 1993). Ce trouble est associé dans la majorité des cas à des

troubles du langage, à un retard mental qui limitent d’autant plus les capacités de

communication (Fombonne et al., 2003) et à des particularités sensorielles (Klintwall et al.,

2011). Il faut rappeler par ailleurs que les enfants avec autisme ont longtemps été décrits

comme peu voire insensibles à la douleur. Ce qui a eu par voie de conséquence une prise en

considération tardive de la douleur et l’absence aujourd’hui d’outil et de protocole de prise en

charge spécifique à cette population. Enfin, les enfants avec autisme présentent des troubles

associés (trouble musculo-squelettiques, gastro-intestinaux, malformations physiques,

mauvais état bucco-dentaires, épilepsie ; Gillberg et al., 1996) et des conduites à risques

(automutilations) pouvant être source de douleur, mais aussi comme tout autre enfant, doivent

subir des soins médicaux désagréables et faire face à des accidents de la vie courante à

l’origine de sensations douloureuses. Même si les travaux actuels ne montrent pas une

prévalence des expériences douloureuses plus importante que pour la population générale

(McGuire et al., 2010 ; Walsh et al., 2011), il semble que ces enfants soient plus

régulièrement confrontés à la douleur que des enfants tout-venant.

Si cette population est considérée comme vulnérable, c’est sans aucun doute car la

symptomatologie, la prise en compte tardive de la douleur par la communauté scientifique et

la prévalence des expériences douloureuses importante rendent difficile aujourd’hui le

repérage, l’évaluation et la prise en charge de la douleur chez ces enfants.

Actuellement, nous savons que les enfants avec autisme sont pourvus physiologiquement et

neurologiquement des mécanismes de la douleur, mais des interrogations persistent

concernant le fonctionnement de ces mécanismes, l’expression et l’évaluation de la douleur.

33

Concernant ces deux derniers points, des travaux de recherche ont été publiés mais restent

non-consensuels (Dubois et al, 2010). Tordjman et al. (2009), par exemple, ont étudié la

réactivité à la douleur d'enfants avec autisme comparée à un groupe d'enfants. Les résultats

montrent tout d'abord une réactivité comportementale à la douleur réduite chez les enfants

avec autisme que ce soit en situation de vie quotidienne (à domicile ou en institution) ou

durant un soin douloureux (ponction veineuse). Les auteurs notent par ailleurs la présence de

troubles du comportement (conduites auto- et hétéro-agressives, retrait autistique) en réaction

à une douleur. Quelques plaintes verbales ont été décrites mais sans localisation précise de la

zone douloureuse, ni retrait ou protection de la partie du corps concernée. Ils notent enfin la

présence de réponses neurovégétatives anormalement élevées (tachycardie, augmentation du

taux de noradrénaline). Pernon & Rattaz (2003) ont comparé les réactions faciales, motrices et

sonores d’enfants avec autisme lors d'un pincement léger de la main, à celles d’enfants

témoins. Ces auteurs montrent non seulement que les enfants avec autisme réagissent moins

au niveau facial qu'au niveau moteur et sonore, mais aussi qu’ils réagissent aux stimulations

tactiles non-douloureuses. Selon eux, l’expression faciale n’est vraisemblablement pas un

marqueur expressif de la douleur prédominant chez les enfants avec autisme. Enfin, Nader et

al. (2004), puis Messmer et al. (2008) ont publié des études allant quelque peu dans le sens

contraire des études précédentes. En effet, ces auteurs ont mis en évidence chez les enfants

avec autisme, l'expression de mimiques faciales de douleur similaires à celles d'enfants

témoins durant une stimulation douloureuse et la pertinence de ce mode d'expression pour

estimer l'intensité de la douleur dans cette population.

L’absence de données consensuelles concernant l’expression de la douleur peut expliquer

l’absence d’outil d’évaluation et de protocole de prise en charge de la douleur : comment

repérer et évaluer une douleur si l’on ne sait pas comment elle est exprimée et communiquée ?

L'objectif de l’étude présentée ici est d'étudier l'expression et l'évaluation de la douleur chez

des enfants avec autisme comparées à des enfants témoins de même niveau de développement

en situation standardisée de soin (ponction veineuse). Ce projet est financé dans le cadre d’un

PHRC inter-régional coordonné par le Pr Amaria Baghdadli (CHRU Montpellier- CRA

Languedoc-Roussillon).

34

Méthodologie

Echantillon

L'échantillon se compose de 35 enfants ayant reçu un diagnostic d'autisme avec retard mental

(quotient intellectuel < 70) âgés de 3 à 8 ans (moy. : 6,5 ans) et de 36 enfants sans trouble du

développement âgés de 18 mois à 7 ans (moy. : 4,5 ans).

Evaluation des caractéristiques cliniques des enfants avec autisme

• Le diagnostic d’autisme est établi suite à une évaluation pluridisciplinaire incluant

notamment la passation de l'Autism Diagnostic Interview - Revised (ADI-R) et de l'Autism

Diagnostic Observation Schedule (ADOS-G).

• L'évaluation du profil cognitif est réalisée à l’aide d’instruments psychométriques

classiquement utilisés chez l’enfant et adaptés au niveau de développement psychologique et

à l’âge de l’enfant : l’échelle de Brunet-Lézine Révisée, le K-ABC, la WPPSI-III.

• Les compétences socio-adaptatives sont évaluées au moyen de l’échelle des comportements

adaptatifs de Vineland qui permet d’évaluer quatre domaines socio-adaptatifs : la

communication, l'autonomie dans la vie quotidienne, la socialisation et la motricité.

Procédure

Recueil des réactions faciales, comportementales et physiologiques

Les enfants sont observés et filmés dès le début de la prise en charge par l'équipe soignante

(installation sur le lit ou fauteuil de soin) jusqu'à la fin du soin (pose du pansement et descente

du lit ou fauteuil de soin). Un capteur d'oxymètre de pouls est installé au doigt de l'enfant et

permet d'observer l'évolution du rythme cardiaque tout au long de la ponction.

Evaluation de la douleur : comparaison inter-observateurs

Une fois la ponction veineuse terminée, les parents et les personnels soignants ayant pratiqué

la ponction veineuse répondent à un questionnaire composé de deux parties :

- une évaluation de l'intensité de la douleur ressentie par l'enfant au moyen d'une

échelle visuelle analogique (de 0 = pas de douleur à 100 = douleur très intense) ;

- une évaluation de la nature des émotions exprimées par l'enfant et leur intensité,

également au moyen d'une échelle visuelle analogique (de 0 = faible intensité à 100 = forte

intensité). Quatre émotions sont proposées : la peur, la colère, la tristesse et la surprise.

Deux soignants sont présents lors de la ponction : le soignant qui réalise la piqûre (Soignant 1

– S1) et le soignant qui maintient l’enfant (Soignant 2 – S2). Les deux soignants réalisent les

évaluations de manière séparée.

35

Matériel et outils d'évaluation

• CFCS (Child Facial Coding System, Chambers & al, 1996)

Le CFCS permet d’évaluer les mimiques faciales des sujets au moyen de 13 actions faciales,

cotées en absence ou présence. Cet outil constitue une version abrégée du FACS (Facial

Action Coding System ; Ekman, Friesen, et Hager, 2002) validé pour décrire les expressions

émotionnelles chez des adultes ou des enfants (Kappesser & Williams, 2002 ; Simon et al,

2008). Le CFCS est centré sur la douleur. Il a été utilisé avec des enfants tout-venant (Breau

& al., 2001) et à une reprise avec des enfants avec autisme (Nader et al, 2004).

• GED-DI (Grille d'Evaluation Douleur - Déficience intellectuelle)

Le codage des réactions comportementales (cris, pleurs, réactions motrices, etc.) est effectué

au moyen de l'échelle GED-DI, outil qui a été validé pour l'étude de la douleur à la fois

chronique et aiguë chez des enfants porteurs d'un retard mental (Zabalia et al., 2011). La grille

comporte 27 items répartis dans six domaines : les expressions faciales, vocales, les activités,

le comportement social, les mouvements du corps et des jambes, et les signes physiologiques.

• Cotation des séquences vidéo

Les différentes réactions sont codées a posteriori par un psychologue expérimenté sur la base

de la vidéo réalisée au moment de la ponction veineuse. Cinq périodes de 10 secondes ont été

définies durant lesquelles la présence ou l'absence des 13 actions faciales du CFCS, des 27

items comportementaux et l'évolution des paramètres physiologiques sont codés toutes les

secondes :

T 1 : Pré-piqûre = 30 à 20 secondes avant la piqûre

T 2 : Piqûre 1 =10 premières secondes

T 3 : Piqûre 2 = 20 à 30 secondes après le début de la piqûre 1

T 4 : Piqûre 3 = 40 à 50 secondes après le début de la piqûre 1

T 5 : Post-piqûre = 20 à 30 secondes après la fin de la piqûre

Résultats

Expression faciale, comportementale et physiologique

• L’expression faciale a été analysée en faisant la moyenne des 13 actions faciales du

CFCS exprimées à chaque période dans les deux groupes d’enfants. Les résultats (figure 1)

36

montrent que dans les deux groupes, le nombre moyen d’expressions faciales augmente entre

le Temps 1 (avant la piqûre) et le Temps 2 (piqûre), puis diminue entre les Temps 3, 4

(piqûre) et 5 (après la piqûre). Pour le groupe autiste, cette variation est significative entre les

moments de la piqûre (T2, 3 et 4) et les deux périodes avant (T1) et après (T5) (p<.05) ; pour

le groupe témoin, la variation est significative entre le moment de la piqûre (T2), la suite du

soin (T3 et 4) et les deux périodes avant (T1) et après la piqûre (T5). Concernant la

comparaison des moyennes entre les deux groupes, les résultats ne montrent pas de

différences significatives.

Figure 1. Evolution des scores moyens au CFCS aux 5 temps.

• Les réactions comportementales ont été analysées en faisant la moyenne du nombre de

comportements exprimés à l’échelle GED-DI à chaque période dans les deux groupes.

L’analyse des comportements par domaines (expressions faciales, vocales, activités,

comportement social, mouvements du corps et des jambes, et signes physiologiques) montre

des différences significatives (p < .05) entre les deux groupes concernant :

- l’activité : le groupe autiste exprime en moyenne plus de comportements liés à

l’activité motrice que le groupe témoin tout au long du soin.

- les productions vocales : le groupe autiste exprime en moyenne plus de

comportements liés aux productions vocales à T1 et T5.

- le comportement social : le groupe autiste exprime en moyenne plus de

comportements liés au comportement social à T5.

• L’évolution du rythme cardiaque dans chaque groupe a été analysée en faisant la

moyenne du rythme cardiaque à chaque période. Les résultats ne montrent pas de différence

significative entre les groupes. Si l’on compare néanmoins la configuration de l’évolution de

rythme cardiaque entre les 2 groupes (figure 2), on constate que dans le groupe témoin,

37

l’augmentation se fait de manière progressive jusqu’au T4 puis diminue rapidement à T5

(après la piqûre), alors que pour les enfants du groupe autiste, l’augmentation du rythme

cardiaque se fait de manière rapide entre T2 (piqûre 1) et T3 (piqûre 2), puis reste élevé

(résultats non significatifs).

• Les données ont été analysées également au regard de la présence ou non d’un

anesthésique local (type pommade EMLA et /ou gaz MEOPA). Les résultats montrent tout

d’abord que le nombre d’enfants ayant bénéficié d’un anesthésique local est plus élevé dans le

groupe témoin que dans le groupe autiste. Par ailleurs, les résultats ne montrent pas d’effet

significatif de la présence d’un anesthésique local sur l’expression faciale, comportementale

et physiologique, quel que soit le groupe.

Tableau 1. Utilisation d’un anesthésique local (Emla, Meopa) selon le groupe

Groupe autisme

(N=35)

Groupe témoin

(N=36)

Emla 46% 67%

Meopa 7% 19%

Emla et/ou Meopa 49% 81%

Evaluation de la douleur et des émotions : comparaison inter-observateurs

Les scores attribués par les parents et les soignants au moyen d’une EVA allant de 0 à 100 ont

été moyennés par groupe. Les résultats montrent tout d’abord que quel que soit le groupe, les

soignants et les parents attribuent des scores de douleur plus faibles que des scores d’émotions

100

105

110

115

120

125

T1 T2 T3 T4 T5

Groupe autisme Groupe témoin

Figure 2. Evolution du rythme cardiaque (en moyenne) aux 5 temps de la ponction veineuse.

38

négatives (peur, colère, surprise) (figure 3).

Figure 3. Evaluations de la douleur et des émotions par les parents et les soignants

(intensité moyenne)

Concernant l’évaluation de la douleur, l’analyse de la concordance des évaluations montre

tout groupe confondu, une bonne concordance entre les soignants (.71 et .79), mais une

concordance médiocre ou modérée entre les soignants et les parents (de .40 à .52). Les parents

attribuant des scores plus élevés que les soignants.

Concernant l’évaluation des émotions, seule l’émotion de peur est évaluée de manière

importante dans les deux groupes. L’analyse de la concordance des évaluations montre que

pour le groupe témoin, il y a une bonne concordance entre les soignants (.75), et les parents et

le soignant 2 qui maintient l’enfant (.70). Alors que pour le groupe autiste, la concordance est

médiocre (.28 et .42). Les parents attribuant des scores plus élevés que les soignants.

Discussion

Concernant l’expression de la douleur au niveau facial, les résultats indiquent que

globalement et quantitativement il n’y a pas de différence entre l’expression de la douleur des

enfants avec autisme et celle des enfants sans trouble du développement. La ponction

veineuse entraîne une augmentation des mimiques faciales de douleur et du rythme cardiaque,

quel que soit le groupe. Les scores sont en moyenne moins élevés chez les enfants avec

autisme concernant les mimiques faciales mais les différences ne sont pas significatives.

Concernant les réactions comportementales, de manière globale il n’y a pas de différence

entre les enfants avec autisme et les enfants sans trouble du développement. En revanche,

l’analyse des comportements par domaine montre des différences significatives concernant les

productions vocales qui sont plus nombreuses chez les enfants avec autisme avant et après la

39

piqûre. Ces productions relèvent donc plus d’un état émotionnel négatif que d’une douleur.

Des différences apparaissent également concernant l’activité tout au long du soin et le

comportement social juste après la piqûre. Ces premiers résultats indiquent donc qu’au cours

d’un soin, globalement et quantitativement, les enfants avec autisme expriment la douleur de

manière identique à des enfants sans trouble du développement. Une analyse qualitative plus

fine et précise des comportements indique néanmoins des différences qui restent à préciser.

Au vue des données de la littérature, ces résultats rejoignent Nader et al. (2004) pour qui les

mimiques faciales sont un bon indicateur de l’intensité de la douleur au même titre que les

enfants tout-venant, et l’étude de Pernon & Rattaz (2003) qui montre que la réactivité motrice

et vocale permet de distinguer davantage les enfants avec autisme des enfants tout-venant que

la réactivité faciale.

Concernant l’évaluation, les parents et les soignants évaluent la situation de ponction

veineuse plus comme source d’émotions négatives (peur, colère, tristesse) que de douleur.

L’analyse de la concordance des évaluations montre néanmoins que les parents attribuent des

scores plus élevés que les soignants concernant la douleur et les émotions. Ces données

rejoignent les travaux effectués concernant les enfants sans trouble du développement qui

montrent l’absence de concordance inter-observateur entre les soignants et les parents

(Duignan & Dunn, 08 ; Rajasagaram et al., 09 ; Zhou et al., 08). Ces résultats révèlent des

différences dans le vécu de la situation entre les parents qui vivent cette situation comme

anxiogène pour leur enfant et sans doute pour eux-mêmes, et les soignants qui sont dans leur

pratique et qui peuvent peut-être avoir tendance à sous-évaluer la nature anxiogène de la

situation.

Enfin, concernant les pratiques de soins, cette étude montre que les techniques préconisées et

habituellement utilisées chez les enfants tout-venant (pommade anesthésiante, gaz

hallucinogène) ne sont pas systématiquement utilisées chez les enfants avec autisme (81%

pour les enfants du groupe témoin contre 49% chez les enfants avec autisme). Ce résultat peut

être lié aux difficultés que pose l’utilisation de ces techniques auprès d’enfants ayant un

trouble du développement. Par exemple, la pose d’une pommade anesthésiante demande

d’attendre que cette dernière agisse et de conserver un pansement, ce qui peut être délicat

pour des enfants avec autisme présentant des particularités sensorielles notamment sur le plan

tactile. Ces résultats, associé au fait que la situation est vécue comme anxiogène par les

enfants, montrent la nécessité de réfléchir à des protocoles de prise en charge en situation de

soins adaptés aux enfants avec autisme, et de manière plus générale aux enfants présentant des

troubles du développement.

40

Références

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Facial Action Coding System Revised Manual. Halifax : Dalhousie University.

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department patients: a replication. Int Emerg Nurs 2008;16(1):23-8.

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- Gillberg C, Coleman M. Autism and medical disorders: a review of the literature. Dev Med

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41

- Zhou H, Roberts P, Horgan L. Association between self-report pain ratings of child and

parent, child and nurse and parent and nurse dyads: meta-analysis. J Adv Nurs

2008;63(4):334-42.

42

Chez les adultes atteints de pathologies mentales. Comment évaluer ? Comment traiter ?

Dr Djéa SARAVANE Chef de service – Service des Spécialités

EPS Ville-Evrard 93332 Neuilly-sur-Marne cedex

La douleur est une expérience globale, individuelle et elle est subjective. Elle va avoir des

répercussions sur l’individu sous la forme d’émotions désagréables, des réponses cognitives et

des réactions comportementales. Elle nécessite une prise en charge multidisciplinaire.

Le soignant, bien souvent a accès à ce phénomène subjectif par le biais du discours du patient.

Mais ce discours reste pauvre ou parfois absent en pathologie mentale. Qu’en est-il de la

douleur, en particulier chez le schizophrène où la perception même de la douleur est altérée ?

Quel sens donner au délire du patient schizophrène en l’absence d’une plainte douloureuse

claire, face à l’apparente insensibilité à la douleur classiquement décrite ?

Les études insistent sur l’insensibilité à la douleur des patients schizophrènes, voire même

évoquent l’analgésie.

Hypothèses à cette apparente insensibilité

Les hypothèses invoquées sont multiples :

• Incidence des psychotropes sur la perception à la douleur

• Perte du sens de la douleur liée à l’évolution de la maladie mentale

• Liaison de l’halopéridol aux récepteurs endorphiniques

• Modification du taux d’opioïdes endogènes

• Dysrégulation du système glutaminergique de type NMDA, avec une diminution de

capacité de transmission des récepteurs, etc…

Une étude récente (Equipe de S. Marchand, Canada) montre que les patients schizophrènes

ressentent bien la douleur, ont des systèmes inhibiteurs normaux mais ne présentent pas de

sensibilisation, normalement induite par un stimulus nociceptif périphérique persistant et

répétitif. Cette absence de sensibilisation pourrait expliquer l’apparente hypoalgésie des

patients schizophrènes.

La douleur en santé mentale constitue un véritable défi pour les soignants, car l’expression et

l’évaluation de cette douleur sont complexes, avec un langage et un comportement qu’il faut

savoir décoder en l’absence d’outil d’évaluation spécifique. Ainsi, chez le schizophrène une

douleur avec un substratum anatomique peut être exprimée sous forme d’idées délirantes avec

43

parfois des thèmes de persécution. Le patient peut également avoir des hallucinations

cénesthésiques douloureuses qu’il intégrera dans le contexte de son délire.

Comment évaluer la douleur chez le patient atteint de pathologie mentale ?

Il n’existe pas d’échelle spécifique d’évaluation de la douleur en santé mentale.

Cette évaluation est difficile et comporte de très nombreux obstacles :

• La non-verbalisation de la douleur associée à des altérations, des perceptions et du

schéma corporel

• La sensation exprimée par le patient et non perçue par le soignant

• La non reconnaissance de la douleur par l’équipe soignante insuffisamment formée

dans ce domaine.

La démarche est clinique, tout en sachant observer et entendre le langage du patient. Une

attention particulière doit être prêtée aux changements d’attitudes et de comportement du

patient stabilisé par son traitement neuroleptique.

→ Les outils d’évaluation pour les patients communicants peuvent servir. Ce sont des outils

d’auto-évaluation :

� L’EVA (Echelle Visuelle Analogique) pose un problème de fiabilité et de

reproductibilité chez les patients schizophrènes et bipolaires.

On préconise à l’heure actuelle :

� L’EVS (Echelle Verbale Simple)

� Et l’échelle des 6 visages (Face Pain Scale) en cours de validation dans notre

population.

→ Pour les patients dyscommunicants, ce sont les outils d’hétéro-évaluation :

� Plusieurs échelles existent dans ce domaine : Doloplus 2, ECPA…, qui ont été testées

et n’ont pas donné satisfaction.

� En cours d’étude l’EDAAP (Echelle Douleur Adolescent Adulte Polyhandicapé)

semble intéressante. C’est une échelle qualitative d’évaluation comportementale de la

douleur. Cette échelle nécessite une évaluation par une équipe pluridisciplinaire et qui

sera adaptée à la pathologie des patients.

44

L’équipe soignante ne doit pas ignorer, voire occulter la douleur chez les patients atteints de

pathologie mentale. Que la douleur physique intervienne sur un terrain psychotique, ou

qu’elle retentisse sur le contexte affectif, dans tous les cas, l’intrication psyché-soma est la

règle.

La reconnaissance d’une douleur ne doit pas faire oublier un traitement antalgique et la

réévaluation.

Alors comment la traiter ?

Il faut bien choisir le type de traitement en fonction du mécanisme supposé de la douleur et

également réévaluer fréquemment le traitement si inefficace.

On peut et on doit proposer les moyens pharmacologiques et non pharmacologiques chez nos

patients.

→→→→ Le traitement pharmacologique

La stratégie basée sur l’efficacité antalgique comme l’a proposée l’OMS pour la douleur

cancéreuse, paraît la plus opérationnelle.

Nous retiendrons ici les précautions à prendre en cas de co-prescription des antalgiques avec

le traitement psychiatrique et on n’évoquera pas les effets secondaires connus des antalgiques.

� Les antalgiques périphériques

- Le paracétamol à la dose de 3 à 4 g/24 h chez l’adulte est bien toléré chez nos patients.

- Les Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens (AINS) : Il ne faut pas associer deux AINS

et une précaution particulière s’impose en cas de co-prescription avec les

thymorégulateurs, car elle entraîne une diminution de l’élimination rénale du lithium

avec risque de toxicité et coma.

� Les antalgiques opioïdes faibles

- La codéine : l’association au paracétamol est presque systématique. L’adjonction d’un

laxatif osmotique doit être préconisée en raison du ralentissement du transit intestinal

provoqué par la codéine.

45

- Le tramadol : seul ou en association avec le paracétamol, à utiliser avec prudence chez

les patients traités par des médicaments pouvant diminuer le seuil épileptogène.

� Les antalgiques opioïdes forts :

- La morphine est le produit de référence. Il faut privilégier la forme orale en santé

mentale.

- Il existe une réticence en santé mentale pour la prescription de morphiniques, en raison

des effets secondaires présumés : dépendance – addiction et dépression respiratoire.

- La voie transcutanée est également intéressante, le Fentanyl en patchs. Le patch

semble être un bon moyen d’analgésie chez les patients toxicomanes, en raison de

l’absence de pic plasmatique et de l’affinité du Fentanyl pour les récepteurs qui

minimisent les interférences d’un éventuel traitement de substitution.

� Les autres techniques antalgiques

Elles doivent être reconnues, car il existe un bénéfice important dans la prise en charge des

douleurs induites par les soins :

- L’anesthésie de contact : EMLA. Très intéressant en pédopsychiatrie et même en

psychiatrie adulte, pour les prélèvements sanguins.

- Le Mélange Equimolaire d’Oxygène et de Protoxyde d’Azote (MEOPA) est également

très utile en psychiatrie. La technique du MEOPA s’applique à toutes les douleurs

induites par les soins : prélèvements, soins d’escarres…et également dans les soins

dentaires, les soins gynécologiques, dermatologiques et pédicurie.

→→→→ Le traitement non pharmacologique

Toutes les techniques de l’approche psycho-corporelle sont bénéfiques pour nos patients :

l’approche cognitivo-comportementale, les relaxations, les massages, la kinésithérapie, les

stimulations thermiques, la musicothérapie etc… sont également très utiles dans l’éventail

thérapeutique.

Ces techniques doivent être systématiquement évoquées dans la prise en charge et bien

souvent permettent de limiter des interférences médicamenteuses chez les patients

polymédiqués.

46

Conclusion

La prise en charge de la douleur chez les patients atteints de pathologie mentale reste

d’actualité, et du domaine de la santé publique. L’écoute attentive de propos délirants

inhabituels, la survenue inopinée de changements d’habitudes devraient faire évoquer une

atteinte somatique douloureuse.

Ensemble, nous devons nous pencher sur cette approche. Souhaitons la reconnaissance d’une

souffrance qui se vit, s’exprime, mais n’est souvent pas entendue.

Références

- Dworkin RH. Pain insensitivity in schizophrenia: a neglected phenomenon and some implications Schiz Bull 1994;20 (2):235-248

- Fishbain D. Pain insensitivity in psychosis Annals of Emergency Medecine 1982;11:630-32 - Gieu R, samuellian JC, Coulouvrat H. Objective evaluation of pain perception in patients with schizophrenia Br J. Psychiatry 1994;164(2):253-255 - Greschwind N. Insensitivity to pain in psychotic patients N. Engl J Med 1977; 296:1480 - Marchand S et al De l’hypoalgésie à l’hyperalgésie ! La lettre de l’IUD 2008 ; n°28 - Potvin S, grignon S, Marchand S. Human evidence of supra-spinal modulation role of dopamine on pain perception Synapse 2009;63:390-402 - Saravane D, Peultier F. Les difficultés de l’évaluation de la douleur en santé mentale Soins Psychiatriques 2010;268: 20-2

- Saravane D, Peultier F. Les modalités de l’évaluation de la douleur en santé mentale Douleur et Analg. 2011; 24(3):132-137 - Saravane D. Historique de la douleur en santé mentale Douleur et Analg. 2011; 24(3):171-175 - Van Damme S, Crombez G, Eccleston C. Coping with pain: a motivational perspective Pain 2008;139:1-4 - Villemure C, Bushnell MC. Cognitive modulation of pain: how do attention and emotion influence pain processing? Pain 2002;95:195-9

47

Douleur et soins chez les patients handicapés Valérie Joindreau-Gaudé, Infirmière Ressource Douleur. Hôpital A. Paré, Boulogne (92)

Introduction

Dans de nombreuses circonstances, la douleur est un signal d’alarme utile, indiquant un

problème physique, une complication. Celle-ci devient inutile, si elle se chronicise ou se

répète. Des répercussions psychologiques peuvent survenir.

Les soins réalisés ont pour but le diagnostic, le bilan, le traitement d’une maladie, mais

également soigner (réfection de pansements, toilette…) .

Mais certains soins peuvent souvent induire des douleurs, qui sont généralement prévisibles,

aiguës, et à priori de durée limitée.

Les soins, qu’ils soient très techniques, ou qu’il s’agisse de gestes plus courants, sont souvent

protocolisés, mais ne prennent pas fréquemment la douleur en compte. Les soignants estiment

souvent que la brièveté de la douleur ne justifie pas sa prise en compte, ou la sous-estiment.

Même si cela est parfois vrai pour un soin isolé, la répétition d’un geste peut devenir difficile

à supporter pour le patient [1]

Les patients porteurs de handicap(s) sont une population particulièrement exposée et

vulnérable à la douleur des soins. Quelles que soient les causes du handicap (patients cérébro-

lésés, blessés médullaires, polytraumatisés, maladies dégénératives, pathologies musculo-

squelettiques), ils subissent un nombre important d’actes potentiellement douloureux, que ce

soit à domicile ou en hospitalisation. Même si dans certains cas il y a des déficits sensitifs

partiels ou complets, des douleurs peuvent malgré tout, être ressenties. Même les soins

d’hygiène et de vie se révèlent problématiques du fait du handicap. Car de courants quand on

est bien portant, ces soins de base deviennent pourvoyeurs de douleurs quand il s’agit de les

réaliser chez un patient handicapé. Ces patients doivent faire l’objet d’une attention

particulière dans l’évaluation, et la prise en charge de douleurs existantes et/ou induites, mais

également dans la prévention. En effet, il faut absolument prévenir par des actions et des soins

adaptés, l’apparition de pathologies potentiellement douloureuses, auxquelles sont

particulièrement exposés les patients handicapés. Il peut s’agir, par exemple, de prévention

d’apparition d’escarres, de soins visant à limiter les rétractions de membre(s) [2].

48

En mars 2011, le Haut Conseil de la Santé Publique a présenté l’évaluation du 3è plan

d’amélioration de la prise en charge de la douleur [3]. Il préconise l’élaboration d’un 4è plan

douleur avec un focus sur l’implémentation de bonnes pratiques professionnelles dans le

domaine des douleurs induites.

Protocoles et procédures

Une implication des différents acteurs de soins est nécessaire, pour intégrer la prise en charge

de la douleur dans les protocoles ou procédures de soins. Le CLUD de chaque établissement a

un rôle majeur dans la réflexion et la prise en compte de la douleur induite par les soins [4].

Pour y parvenir, il est obligatoire de faire une évaluation initiale des pratiques, permettant, par

exemple, de chiffrer l’intensité de la douleur (et les difficultés d’évaluation pour les patients

non communicants), de répertorier les soins douloureux et les difficultés rencontrées dans la

prise en charge de ces douleurs induites. Ensuite, des actions de formation peuvent être

nécessaires, mais également des modifications des procédures, et d’organisation de ces soins

(discutées avec les équipes). Cette démarche d’évaluation des pratiques, via le CLUD, fait

participer les différents acteurs de soins, et peut éviter des blocages à l’évolution des pratiques

de certains d’entres eux.

Les protocoles de soins validés proposés doivent être faisables, et applicables localement [5].

Il faut absolument tenir compte des possibilités tant techniques qu’humaines de chaque

service, pour que l’utilisation de ces protocoles se fasse dans les meilleures conditions

possibles pour les soignants, et évidemment améliorer les conditions du soin pour le patient.

L'évaluation de la douleur :

Plusieurs outils validés d’évaluation de la douleur sont à notre disposition. L’évaluation

permet de repérer et tracer la douleur, pour adapter les traitements antalgiques, et pouvoir,

notamment, améliorer les conditions du soin.

Des études montrent que bien souvent la douleur (quel que soit le contexte, et la cause), est

sous estimée par les soignants [6]. Divers processus tentent d’expliquer cette sous estimation,

mais il est important d’en être conscient, pour l’éviter.

L’évaluation n’est pas toujours facile à réaliser du fait des différentes composantes de la

douleur et de la nature du handicap. Le risque dans certains cas de déficits sensitifs partiels ou

complets (notamment chez blessés médullaires), est de conclure, à tort, que le patient ne peut

pas avoir mal. Certaines lésions ou maladies associées, peuvent engendrer chez ces patients

49

des « épines irritatives », qui vont, par exemple, accentuer leurs contractures ou leurs

problèmes de spasticité. Il est donc important que les soignants connaissent bien les

pathologies de ces patients, pour mieux repérer et évaluer leurs douleurs.

Depuis les années 1980, suite aux travaux de l’IASP (International Association for Study of

Pain), il est admis que la douleur est une expérience émotionnelle et sensorielle désagréable et

qu’il n’y a pas de parallélisme entre lésion et douleur [7]. Le diagnostic de douleur est fondé

sur la communication et l’observation car il repose sur le ressenti du patient. Dans le cas d’un

patient handicapé, cela peut poser des problèmes. Les soignants éprouvent beaucoup de

difficultés à évaluer les patients dyscommunicants, faute de formation et d’outils adaptés.

Il est recommandé d’utiliser l’auto-évaluation si cela est possible. Mais dans certains cas de

patients ayant des difficultés de communication, nous devons utiliser une échelle d’hétéro-

évaluation.

Les outils d’évaluation les plus utilisés sont :

- L’EVA (échelle visuelle analogique), échelle de référence, qui grâce à une réglette graduée,

permet au patient de situer sa douleur avec un curseur, entre pas de douleur (=0) et une

douleur maximale imaginable (=10) ; le dos de cette réglette étant graduée, le soignant peut

chiffrer l’intensité de la douleur au moment où la question est posée.

- L’EN (échelle numérique), est très fréquemment utilisée, le soignant demande de chiffrer la

douleur entre 0 et 10.

- L’EVS (échelle verbale simple), est une échelle de qualificatifs, le patient a le choix entre pas

de douleur (=0), douleur faible (=1) , douleur modérée (=2) , et douleur intense (=3).

Cette échelle d’auto-évaluation, bien que moins sensible que les deux précédentes, peut être

utile en cas d’incompréhension par le patient des deux échelles précédentes.

- L’échelle Algoplus® (http://www.cnrd.fr/IMG/pdf/ALGOPLUS.pdf) est une échelle

d’hétéro-évaluation validée chez le sujet âgé non communicant en urgence, mais transposable

(non validé) chez l’adulte non communicant . Les items sont le visage, le regard, les plaintes,

le corps, le comportement ; la réponse oui est cotée 1, ou non est cotée 0. Si le score est > 2

/5, le patient est douloureux et il faut instaurer ou modifier le traitement antalgique

(http://www.youtube.com/watch?v=ppHdjRi6p7s).

50

- L’échelle FLACC modifiée (http://www.cnrd.fr/IMG/pdf/FLACC-R.pdf) reprend les même 5

items que l’échelle FLACC d’origine, mais quelques précisions sont apportées pour repérer

les attitudes, mimiques pouvant être signe de douleur chez les enfants handicapés. Cette

échelle initialement prévue pour évaluer la douleur (de la naissance à 18 ans) est utilisable,

d’après le diagramme ci-dessous élaboré par le CLUD de l’hôpital R. Poincaré, en pédiatrie (à

partir de la naissance), mais également chez les adultes. Les 5 items sont le visage

(expressions), les jambes (positions et mouvements), l’activité (repos , mouvements), les cris

(fréquence, et dans quelles situations), et la consolabilité (selon les situations).

Le CLUD de l’hôpital Raymond Poincaré a élaboré et diffusé un diagramme d’échelles

d’évaluation. Ce diagramme aide les équipes à choisir une échelle adaptée aux besoins du

patient dans une situation donnée.

Intérêts de l’évaluation de la douleur :

• Identifier les patients douloureux, surtout pendant les soins, même en l’absence de

plaintes douloureuses, cela est vrai pour tous, mais il faut en être beaucoup

« conscient », lorsque l’on a en charge des patients porteurs de handicaps, car ils ne

peuvent peut être tout simplement pas l’exprimer, ou le faire différemment .

51

• Etablir une relation de confiance entre le soignant et le patient, en tentant de prendre en

compte la globalité de ce que le patient ressent tout au long du soin. Les explications sur

le déroulement du soin, sa nécessité, la prise en compte du ressenti douloureux,

permettent de limiter voire de supprimer les sensations douloureuses.

• Permettre la mise en œuvre d’un projet thérapeutique, grâce à des protocoles de prise en

charge de ces douleurs induites par les soins, ou le réajustement des traitements

antalgiques.

Les différents aspects de la prise en charge des soins douloureux :

Le relationnel :

Cet aspect de la prise en charge est essentiel, et relève directement du rôle propre infirmier.

Le contact est primordial, il faut rassurer, et installer confortablement le patient, ce qui permet

de diminuer le ressenti de la douleur (position antalgique, caler le dos, par exemple).

Des soins douloureux répétés peuvent générer une appréhension du soin, de l’anxiété, et une

majoration du vécu douloureux ; c’est pourquoi le soignant doit bien informer et expliquer le

soin, son objectif et son déroulement, et éventuellement solliciter la participation du patient.

Les soins courants de nursing reviennent très fréquemment et sont parfois difficiles pour des

patients handicapés, notamment lorsqu’ils ont d’importantes contractures, rendant difficile le

moindre changement de position ; car même si les douleurs sont ressenties différemment, il

faut tout le savoir-faire des soignants et la confiance des patients pour que ces gestes se

déroulent dans les meilleures conditions possibles.

La loi du 4 mars 2002, oblige tout soignant à délivrer au patient une information complète du

geste qui va être réalisé, y compris les soins dits de base (toilette, soins de bouche…)

L’information doit être adaptée aux capacités cognitives du patient, et délivrée à un moment

suffisamment proche du geste. C’est un moyen d’entrer en relation avec lui, de faire le point

sur son état douloureux. Il faut s’adresser au patient, à un moment où les deux sont

disponibles : le patient pour comprendre le soin et le soignant pour pouvoir répondre aux

questions.

Dans la prévention de la douleur induite, le soignant a un rôle éducatif en conseillant au

patient toutes les possibilités d’être plus confortable en accord avec son handicap (meilleure

position, détournement de l’attention, présence d’une personne ressource…) Informer

comporte des limites et des difficultés. Il faut prendre en compte la maîtrise de la langue, la

52

nature du handicap. Le fait de choisir des personnes référentes pour un patient permet de

limiter l’impact des difficultés et améliore la qualité de l’échange.

Plusieurs outils existent, favorisant la connaissance de l’autre. Ainsi, la Mission Handicap

AP-HP a mis en ligne une fiche de liaison quotidienne des adultes et enfants handicapés

dépendants. Cette fiche permet de mettre en place tous les moyens nécessaires à une bonne

prise en charge. L’item 12 de cette grille est consacré à la douleur et facilite grandement ce

travail (http://www.aphp.fr/wp-content/blogs.dir/20/files/2012/04/Fiche-

d%C3%A9valuation-dossier-de-liaison-handicap-AP-HP.pdf).

S’interroger sur la pertinence et sur l’organisation du soin, respecter son rythme, favoriser sa

récupération. Certains soins sont fait par « habitude » des soignants, à des heures régulières, et

pourraient dans certains cas (notamment si le patient est fatigué par la rééducation ou par une

autre cause), être différés, ou reportés, quand cela est possible.

La technique :

Le choix du matériel est primordial, par exemple, le choix d’un pansement adapté à la plaie,

mais qui ne collera pas à celle-ci, et donc fera beaucoup moins mal lors de son ablation au

pansement suivant. Il ne faut pas hésiter à utiliser toutes les ressources locales, et demander

l’avis d’experts sur certains soins (matériel de manutention, techniques psycho-corporelles,

pansements adaptés…). Lors des mobilisations et brancardages, très fréquents chez les

personnes handicapés, une utilisation optimale du matériel de transfert, ou les bonnes

techniques de manutention, peuvent permettre que ces gestes se déroulent dans de meilleures

conditions (pour le patient, mais également pour les soignants), et bien souvent avec des

douleurs moindres.

La formation accrue et continue du soignant réalisant le soin est d’un point de vue technique

important, mais aura également un impact au niveau relationnel avec le patient.

Il est parfois possible, en concertation avec l’équipe médicale, de modifier la fréquence d’un

soin difficile, malgré les précautions et traitements instaurés.

Les antalgiques :

La plupart du temps, les patients handicapés, ont des traitements antalgiques systématiques,

pour traiter différents types de douleurs, selon les cas.

Il peut s’agir de douleurs par excès de nociception, souvent de douleurs neuropathiques

(d’origines périphériques ou centrales), et parfois de douleurs mixtes.

53

D’autres antalgiques peuvent être ajoutés pour les soins douloureux, sur prescription, ou

selon des protocoles validés localement. Généralement, si cela est possible, la voie orale est

préférée (en tout cas dans un premier temps). Dans le cas de soins répétés et douloureux,

l’utilisation de pompes PCA (Patient Controlled Analgesia) se révèle utile. Mais son

utilisation est subordonnée à une compréhension de son utilisation et d’une adhésion du

patient.

Il faut absolument tenir compte des délais d’action des produits, en fonction de leur nature et

de leur voie d’administration, pour que leur efficacité soit maximale pendant le soin. Des

formations répétées sont souvent nécessaires pour rappeler les modalités d’administration

optimales des antalgiques. Des supports sous forme de mémo peuvent être mis à disposition

des soignants.

Les anesthésies locales :

Faites en général par un anesthésiste, la plupart du temps, pour des analgésies locorégionales.

Reprenons par exemple, le cas de la ponction lombaire, très peu de médecins font une

injection d’anesthésique local au point de ponction et pourtant, cela apporte un réel confort au

patient.

L’EMLA®, anesthésique local, (sous forme de crème ou de patch), sur prescription médicale

ou protocole de soins, est probablement sous-utilisé chez l’adulte en France. Il est utilisé

régulièrement pour les ponctions de sites implantables, mais trop rarement pour des

ponctions artérielles, et encore moins pour de « simples » ponctions veineuses.

En revanche, son utilisation est beaucoup plus systématisée en pédiatrie. En pratique il faut

anticiper , son efficacité est lié à son temps de pose, qui est au minimum d’une heure. Sa sous

utilisation est souvent due à un problème organisationnel, puisque ces soins sont rarement à

réaliser en urgence.

Le mélange équimolaire oxygène-protoxyde d’azote (MEOPA) :

Il est aussi beaucoup plus largement utilisé en pédiatrie. Mais son utilisation se développe

chez l’adulte. Il peut s’avérer dans bien des cas, très utile, puisque son utilisation est simple et

rapide (seulement 3 minutes d’administration avant de commencer le soin). Nous en

disposons dans les services de soins ou dans les consultations, sous forme de bouteille. Son

administration la plus fréquente se fait via un masque facial, relié à un kit de ventilation.

54

Il comporte peu de contre-indications (hypertension intracrânienne, pneumothorax). Il a une

action antalgique, mais également anxiolytique.

Chez de nombreux patients handicapés, les problèmes de spasticité sont fréquents, et peuvent

être aggravés par des stimuli nociceptifs sous-lésionnels (appelés « épines irritatives »), même

en cas de déficit sensitivo-moteur complet.[8] C’est pourquoi il est important de les traiter

grâce aux antalgiques, voire même avoir recours à l’analgésie loco-régionale, pour limiter ces

phénomènes de spasticité. [9]

Les moyens non médicamenteux :

Différents moyens physiques et psychologiques sont efficaces pour diminuer l’intensité des

douleurs induites. Pour les personnes présentant des handicaps, il est fréquent d’utiliser des

contentions (orthèses, corsets, attelles…). Elles doivent être faites sur mesure, correctement

mises afin de permettre un relâchement musculaire.

Un bon moyen d’éviter les douleurs induites, est de prévenir l’apparition de certaines causes,

notamment grâce à l’étape essentielle qu’est la prévention de lésions du revêtement cutané

aux points d’appui. La mobilisation douce et régulière est primordiale. La prévention relève

du rôle propre infirmier.

Les mobilisations se font en tenant compte des capacités locomotrices du patient. Il ne faut

pas hésiter à être plusieurs, afin de ne pas majorer les douleurs. Solliciter l’expertise du

kinésithérapeute ou de l'ergothérapeute permet d’aménager l’environnement immédiat du

patient, rendant la réalisation du soin plus aisé.

Depuis plusieurs années, les méthodes psycho-corporelles : hypnose, relaxation, toucher ont

enrichi considérablement l’arsenal thérapeutique de la prise en charge de la douleur. Elles

permettent à des degrés divers, de soulager la souffrance morale et de diminuer les troubles

psychologiques tels que l’anxiété, l’angoisse, le stress. Autant il existe très peu de limitations

d’utilisation de ces techniques, si ce n’est la compréhension du patient, autant leur application

dans une stratégie thérapeutique demande une réflexion, des formations, et un investissement

personnel.

Conclusion

C’est un droit de ne pas souffrir inutilement. Les progrès indéniables dans le domaine éthique,

technique de la prise en charge de la douleur ne doivent pas faire oublier, que trop souvent les

« petites » douleurs du quotidien sont banalisées, minorées, et sous estimées. Chez les patients

55

handicapés, très exposés aux douleurs, et ayant parfois des difficultés à les exprimer, il

apparaît que la formation des soignants et leur connaissance de pathologies spécifiques, peut

aider à mieux reconnaître et donc traiter les douleurs induites par les soins. Il appartient à

chaque professionnel de santé de refuser de faire mal. C’est au travers de l’analyse

quotidienne de sa pratique, qu’il donnera le meilleur soin tout au long de sa carrière. De

même, c’est en s’informant, en faisant valoir ses droits que le patient pourra être pleinement

acteur de son projet de soin et surtout de sa qualité. Comme souvent la personne handicapée

voit ses droits rognés, sa condition humaine dégradée, c’est à nous donneurs de soins de faire

en sorte qu’ils reçoivent le meilleur avec le minimum de douleurs possibles.

Références

[1] Brasseur L., Chast F., Lassaunière J-M., et al. Caractéristiques et prise en charge médicale des accès douloureux transitoires, Douleurs 2001;2(5): 226-227.

[2] Gourdin E., Pernes P . Présentation du film « Prévention de la douleur lors de la toilette et des mobilisations chez l’enfant et le jeune adulte polyhandicapés ». [3] Haut Conseil de la Santé Publique Evaluation du Plan d’amélioration de la prise en charge de la douleur 2006-2010, Mars 2011. Disponible sur : http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?ae=avisrapportsdomaine&clefr=211&menu=09 [4] Ministère de l’emploi et de la solidarité. Programme de lutte contre la douleur 2002-2005. Disponible sur : http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/programme_lutte_douleur_2002-05.pdf ] [5] Recommandations pour la pratique clinique 2005 : standards, options et recommandations pour la prise en charge des douleurs provoquées lors des ponctions lombaires, osseuses et sanguines chez l’adulte atteint de cancer. Mise à jour janvier 2005.

[6] Prkachin KM, Solomon PE, Ross J. Underestimation of pain by health-care providers: towards a model of the process of inferring pain in others. Can J Nurs Res 2007;39(2):88-106.

[7] IASP Subcommitee on taxonomy. Pain terms : a list with definition and notes on usage pain 1979;6:242-52. [8] Even-Schneider A., Chartier-Kastler E., Ruffion A.- Spécificités cliniques du blessé médullaire (escarres, HRA, spasticité)- Progrès en urologie 2007;17(3)454-456. [9] Conférence d’experts de la SFAR : Prise en charge d’un adulte présentant un traumatisme vertébro-médullaire. Texte court. 2003. Disponible sur : http://www.sfar.org/article/252/prise-en-charge-d-rsquo-un-blesse-adulte-presentant-un-traumatisme-vertebro-medullaire-ce-2003 [consulté le 6/09/2012]

56

Evaluation de la douleur chez des patients souffrant d’insuffisance respiratoire chronique. Enquête menée dans un service de

pneumologie avec unité d’assistance respiratoire à domicile

Marguerite d’Ussel-Jacqueminet (1), Nathalie Nion (2), Thomas Similowski (2),

Elisabeth Collin (3).

1 SAU, Hôpital Saint-Joseph, Paris; 2 Service de Pneumologie et Réanimation, Groupe

Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris; 3 Consultation d’Etude et Traitement de la douleur,

Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris

La prise en charge de la douleur des patients est une préoccupation constante des

services hospitaliers. Il a été montré qu’il n’y a pas d’amélioration des procédures sans

évaluation préalable des pratiques. Les patients souffrant d’insuffisance respiratoire

constituent une population fragile chez qui l’évaluation de la douleur a été peu étudiée. Afin

de mieux connaître la fréquence et les caractéristiques de la douleur dans cette population,

nous avons mené une enquête durant 5 jours auprès de patients hospitalisés en unité

d’assistance respiratoire à domicile, et dans la réanimation d’un service de pneumologie.

METHODE

o Durée d’évolution (chronique ?)

o Localisation

o Caractéristiques neuropathiques éventuelles par le questionnaire DN4

o Douleur induite par les soins :

• Catégorie de geste douloureux

• Intensité par EVS à 4 niveaux

• Traitement préventif éventuel

• Satisfaction des patients

Un questionnaire anonyme a été proposé à tous les patients. Il comprenait des données

générales (sexe, âge, antécédents, traitements en cours), l’intensité de la douleur au domicile

durant les huit derniers jours et au moment de l’enquête mesurée par l’échelle visuelle

numérique agrandie (EVNA) lorsque le patient était communicant, l’échelle BPS si le patient

était sédaté et ventilé, et l’échelle Algoplus si le patient était âgé non communicant, et les

caractéristiques de la douleur :

57

RESULTATS

o Population :

• 23 hommes / 17 femmes.

• Age: 56 ± 16 ans.

• 47,5 % avaient un traitement antalgique au moment de l’enquête.

• Causes de l’insuffisance respiratoire : 35% des patients souffraient d’une

sclérose latérale amyotrophique (SLA), 35% avaient une insuffisance

respiratoire chronique autre (bronchopneumopathie chronique obstructive

[BPCO], insuffisance médullaire…), et 30 % avaient une insuffisance

respiratoire aiguë (OAP, sepsis, embolie pulmonaire…).

o 72,5 % des patients se plaignaient d’avoir ressenti des douleurs au domicile dans les

huit derniers jours. L’intensité de cette douleur était modérée (5 en moyenne).

o Au moment de l’enquête, 19 patients étaient douloureux, soit 47,5% des patients

interrogés. L’intensité moyenne était de 5,39 sur l’EVNA. Cette douleur évoluait

depuis plus de 3 mois dans 89,5 % des cas, et avait des localisations multiples chez un

quart des patients.

Seuls 4 patients avaient un score DN4>3. Chez 3 patients douloureux, le score DN4

n’a pas pu être réalisé.

11 patients étaient satisfaits de la prise en charge de cette douleur.

o 82,5 % des patients se plaignaient d’avoir eu un geste douloureux au cours de

leur hospitalisation.

Le geste douloureux le plus fréquent (72,5 %) était la ponction vasculaire. Un

traitement préventif était donné dans un cas sur deux. L’intensité de la douleur était

modérée (EVS= 1,03 ± 0,4).

Le geste le plus douloureux (EVS=1,67 ±0,89) était la mobilisation (30 % des

patients) avec un traitement préventif dans 20 % des cas.

Les autres gestes douloureux étaient ceux nécessitant la mise en place d’une sonde

(urinaire, de fibroscopie, drains, redons…), les examens d’imagerie, ou les soins de

colostomie.

72 % des patients souhaitaient le même traitement préventif de la douleur en cas de

reproduction du geste.

58

Seuls 3 % des patients n’étaient pas satisfaits.

DISCUSSION

Les patients souffrant d’insuffisance respiratoire chronique sont de plus en plus

nombreux. Ainsi, la BPCO est actuellement dans les pays développés la 5ème cause de

morbi-mortablité2, et représentera selon les prévisions de l’OMS la 3ème cause de décès

en 20203.

Pourtant, rares sont les études portant sur l’évaluation de la douleur dans cette

population. L’une des explications possibles de la « sous-évaluation »4 de la douleur

peut être la priorité laissée à l’appréciation de la dyspnée, et de son évolution. On peut

imaginer également que les troubles de la communication rendent plus difficiles

l’évaluation de la douleur. Dans la SLA, les patients porteurs d’une atteinte bulbaire

sont perturbés dans leur élocution; il en est de même pour tous les patients assistés par

une machine de ventilation (VNI, trachéotomie…).

C’est pour cette raison que nous avons utilisé en première intention dans notre enquête

l’EVNA, échelle visuelle numérique agrandie, proposée comme échelle d’évaluation

des patients hospitalisés en unités de soins continus dans l’étude de Chanques1.

Il est en effet recommandé d’utiliser en première intention les échelles d’auto-

évaluation pour dépister la douleur, y compris dans les services de soins intensifs.

Or, de nombreux patients, très fatigués ou présentant des déficits moteurs, peinent à

comprendre l’utilisation de l’EVA et n’ont souvent pas la force de mobiliser eux-

même le curseur ; l’échelle numérique (agrandie pour parer aux éventuels déficits

visuels de ces patients), a donc été évaluée par l’équipe de Chanques à Montpellier.

Elle a alors été validée comme les autres échelles d’autoévaluation, et était surtout

l’échelle que les patients préféraient utiliser, et dont la faisabilité était la plus grande

selon les soignants.

Les patients que nous avons interrogés étaient hospitalisés d’une part dans une unité

d’assistance respiratoire à domicile, pour mise en place d’un ventilateur, ou surveillance de

son fonctionnement, et d’autre part dans l’unité de surveillance continue ou de réanimation du

même service de pneumologie. Les causes de l’insuffisance respiratoire, chronique ou aiguë,

59

étaient donc variées. Environ un tiers de ces patients présentaient une SLA, et un autre tiers

avait une autre cause d’insuffisance respiratoire chronique.

Bien que la population de notre enquête ne fût donc pas toujours hospitalisée en soins

continus, les pathologies chroniques dont ils souffraient et qui les amenaient à être appareillés

sur le plan respiratoire (SLA, insuffisance médullaire…) leur conféraient des caractéristiques

communes aux patients de réanimation, ce qui nous a poussés à utiliser l’EVNA de façon

large.

La SLA ou maladie de Charcot est une maladie neurodégénérative fréquente, dont la

prévalence est de 4 à 6/100 000 liée à une dégénérescence progressive des 2 neurones de la

voie motrice volontaire ; elle associe dans un ordre variable, et avec une aggravation

constante, une paralysie des membres et des muscles labioglosso-pharyngo-laryngés.

L’évolution naturelle aboutit au décès, avec une médiane de 40 mois et des extrêmes de 6

mois à 15 ans.

Dans la SLA, les douleurs sont rarement liées directement à la maladie, mais sont notées chez

un nombre important de patients. Les mécanismes ne sont pas encore étudiés. Les auteurs

s’intéressant au sujet notent que les différents types de douleur semblent liés à l’atteinte

« musculo-squelettique » favorisée par l’inactivité et les œdèmes articulaires, et aussi les

crampes ou autres douleurs spastiques5. La douleur devrait être considérée comme un aspect

essentiel de la prise en charge palliative des sujets atteints de cette pathologie évolutive5.

Une conférence de consensus datant de 2005 et organisée par l’HAS6 recommande d’évaluer

la douleur de ces patients SLA au moment du diagnostic de la maladie, sans apporter

davantage de précisions concernant le type de douleurs à rechercher, ni sur leur prise en

charge.

Chez les patients souffrant de BPCO, de la même manière, les études évaluant la douleur

restent rares. Les dernières recommandations pour la pratique clinique de 2009, émises par la

Société de Pneumologie de Langue Française7, n’évoquent pas même l’évaluation ou le

traitement de la douleur chez ces patients. Pourtant, un travail canadien récent compare les

caractéristiques de la douleur entre ce type de patients et la population générale, et rapporte

une fréquence de la douleur plus importante chez les BPCO (45 % des patients BPCO étaient

douloureux, contre 35 % des patients issus de la population générale), avec des localisations

spécifiques au niveau du cou et du tronc8. Ceci confirme les données apportées par la

littérature concernant les caractéristiques des patients BPCO9-11 (prévalence, localisations,

évolution).

60

L’une des explications possibles de la douleur chez les patients BPCO serait d’une part une

activation majorée des cytokines, entraînant un développement plus important de douleurs

inflammatoires8. D’autre part, les sensations de dyspnée et de douleur seraient localisées dans

des aires cérébrales communes12,13, proposant l’hypothèse d’un abaissement du seuil de

sensibilisation douloureuse chez les patients dyspnéiques au long cours8.

Nous retrouvons des chiffres similaires dans notre enquête, puisqu’ environ un patient sur

deux se déclare douloureux au moment de l’interrogatoire, et la plupart de ces patients

douloureux considéraient que ces douleurs étaient chroniques. La petite taille de notre

échantillon ne permet pas de conclure à propos de toute la population des insuffisants

respiratoires chroniques, mais donne des pistes de réflexion concernant la douleur de ces

patients.

Les patients souffrant d’insuffisance respiratoire chronique, comme tous les patients atteints

d’une pathologie chronique, sont soumis à de nombreux gestes diagnostiques, thérapeutiques,

plus ou moins invasifs et répétitifs. Or nous avons montré que ces patients se plaignaient de

nombreuses douleurs liées aux soins. 82,5 % des patients déclaraient ainsi avoir eu un geste

douloureux au cours de l’hospitalisation actuelle (qui était une hospitalisation de jour pour

une majorité d’entre eux).

Les ponctions artérielles sont fréquentes chez ces patients, et elles sont la plupart du temps

douloureuses. Dans un cas sur deux seulement, un traitement préventif était proposé au

patient. Or, ces gestes sont prévisibles, et on peut imaginer qu’un traitement préventif (type

patches d’EMLA ou hypno-analgésie) soit prescrit de manière systématique sans alourdir la

prise en charge.

Il est intéressant également de noter le caractère particulièrement douloureux des

mobilisations chez ces patients très souvent en perte d’autonomie, et qui doivent donc être

transportés en ambulance, ou soulevés par des soignants au moment des transferts.

A notre connaissance, aucune étude ne s’est intéressée à ce type de douleur « évitable » dans

cette population, et les résultats de cette enquête nécessitent d’être confirmés par des études

plus larges.

CONCLUSION

Les patients souffrant d’insuffisance respiratoire chronique sont de plus en plus

nombreux et sont plus souvent douloureux que la population générale. Notre enquête a pu

préciser les caractéristiques de ces douleurs : le plus souvent chroniques, d’intensité modérée,

61

et rarement neuropathiques. Ces patients se plaignent souvent de douleurs liées aux soins, qui

sont insuffisamment prévenues.

REFERENCES

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62

Limites et sécurité de la sédation/analgésie: état des lieux et rappel des bases.

Michel Galinski - CNRD – Hôpital Trousseau, Paris.

Introduction

Un certain nombre de soins, de gestes et d’actes sont source de douleurs intenses à sévères.

Certains d’entre eux peuvent efficacement être traités par une analgésie « standard » associant

plusieurs familles d’antalgiques combinés à des techniques non pharmacologiques, par

exemple. Cependant chez certains patients et/ou pour certains soins ces modalités s’avèrent

insuffisantes. Dans ces conditions le palier supplémentaire de prise en charge, ne pourrait être

qu’une sédation du patient pour l’aider à supporter le geste. Le soignant est alors confronté à

une situation dans laquelle il est amené à utiliser des médicaments jusqu’à présent réservés à

l’anesthésie utilisés par les anesthésistes. Lorsqu’il s’agit de gestes extrêmement brefs

(quelques minutes), parfois répétés quotidiennement, est-il réaliste de programmer cette

intervention au bloc opératoire avec toutes les lourdeurs organisationnelles qui y sont

associées ? Evidemment cette question concerne des situations très différentes, des gestes

répétés en hémato-oncologie chez l’enfant (ponction lombaire, ponction-biopsie de moelle)

ou chez les brûlés (pansement), des soins d’escarres ou d’ulcère chez des personnes âgées

aboutissant à une phobie du soin, jusqu’aux gestes de mobilisations de patients traumatisés en

urgence extrahospitalière.

Rappels: impact de la douleur aiguë

La douleur est-elle délétère ? Il n’y a pas d’étude actuellement démontrant le bénéfice d’une

analgésie efficace lors de la réalisation de gestes tels que décrits ci-dessus. Par contre,

plusieurs travaux ont maintenant bien démontré que la qualité de l’analgésie peropératoire

avait un impact majeur sur la morbi-mortalité des patients. Historiquement, Anand démontra

en 1987 dans une étude devenue célèbre que les prématurés opérés pour le traitement d’un

canal artériel perméable avaient plus de complications circulatoires et respiratoires ainsi que

des stigmates biologiques de souffrance tissulaire lorsqu’ils ne recevaient pas de morphinique

pendant l’opération [1]. Une méta-analyse récente a permis de comparer la morbidité et la

mortalité de patients selon qu’ils recevaient une analgésie peropératoire par voie systémique

ou par voie périmédullaire. A un mois, il avait été recensé 247 décès (sur 9 559 patients

63

inclus). L’analgésie périmédullaire était associée à un risque de mortalité inférieur de 30 % à

celui de l’analgésie systémique (OR= 0,7 [0,54 – 0,90]) [2]. Après un traumatisme thoracique

avec fractures de côtes et contusion pulmonaire, le risque de survenue d’une complication

infectieuse respiratoire et le nombre de jours avec respirateur mécanique était

significativement plus important lors d’une analgésie systémique que périmédullaire [3].

Par ailleurs, la douleur aiguë associée au geste peut modifier la perception des douleurs

ultérieures. C’est ce qu’ont démontré Taddio et al chez des enfants ayant eu une circoncision

avec ou sans anesthésie locale à la période néonatale [4]. Lors de la réalisation de la première

vaccination entre 4 et 6 mois, les enfants n’ayant pas eu d’anesthésie locale avaient des

stigmates douloureux significativement plus fréquents que ceux n’ayant pas eu de

circoncision, ce qui n’était pas le cas pour les nourrissons ayant eu une anesthésie locale.

L’enjeu : bénéfice-risque

Il est donc démontré que la douleur aiguë ou une analgésie insuffisante peut être associée à

des complications parfois graves. D’un autre côté, les molécules utilisées pour l’analgésie et

la sédation sont associées à des risques d’effets indésirables, certains pouvant être graves. Il

faut évaluer la balance bénéfice/risque (analgésie/réduction des complications liées à la

douleur/effets indésirables graves des antalgiques) de la prise en charge. Les modalités

antalgiques doivent être adaptées à la nature du geste et au contexte.

On peut définir deux grandes catégories de soin pouvant faire l’objet d’une Analgésie-

Sédation Procédurale (ASP).

Certains gestes sont douloureux mais tout à fait gérables avec des procédures antalgiques

standard. Cependant lorsque ces gestes sont répétés, ils deviennent insupportables, la prise en

charge habituelle devenant inefficace. Il y aurait un effet sensibilisant de la douleur [5]. Un

exemple de cette situation est représenté par l’onco-hématologie pédiatrique avec des enfants

ayant de façon récurrente des ponctions lombaires et des ponctions-biopsies médullaires. Il

existe une association forte entre le souvenir des ponctions lombaires antérieures et la détresse

lors des ponctions lombaires ultérieures [6]. Chen et al ont démontré qu’une plus grande

exagération dans le souvenir de l’enfant sur l’anxiété et la douleur (par rapport à son dire

initial) était associée à une plus grande détresse lors de la ponction lombaire suivante [6]. Les

enfants qui ont eu des soins dentaires douloureux ont plus de risque d’être anxieux lors des

soins dentaires futurs [7]. Il a été par ailleurs démontré que ce n’est pas le nombre

d’expériences douloureuses qui a un effet important mais la quantité de douleur accumulée.

En effet, il semble que les enfants ayant eu le plus d’expériences douloureuses étaient plus

64

anxieux et plus stressés que les enfants qui avaient eu des expériences essentiellement

positive ou neutre lors des gestes [8]. La répétition du geste nécessaire pour la prise en charge

de la maladie aboutit à une réelle phobie avec une impossibilité totale de réaliser le geste [6].

Certains gestes, bien que très brefs (quelques minutes), sont d’emblée associés à une douleur

sévère, insupportable. L’exemple caractéristique est la mobilisation de patient traumatisé en

médecine d’urgence. Une étude est en train de mesurer la douleur et les modalités

d’analgésie lors de la prise en charge de patients traumatisés, en médecine d’urgence

extrahospitalière (données non publiées). Quatre-vingt deux patients ont été inclus jusqu’à

présent (âge moyen de 41 ans (DS =24) et 72 % de mâles). Il s’agit essentiellement

d’accidents de la voie publique, de chutes de hauteurs variables et d’accidents sur des

chantiers. Les lésions enregistrées sont des fractures et/ou luxations dans 80% des cas et

94% des patients (77/82) étaient spontanément douloureux avec une douleur sévère dans

80% des cas (EVA/EN ≥ 6 ou EVS = 4). Quatre-vingt un patients ont eu au moins un geste

(mobilisation et mise en place dans la coquille au minimum). Parmi ceux-ci, 52% (42/81)

ont reçu un sédatif (propofol, kétamine ou midazolam) avec ou sans antalgique. Les autres

patients ont reçu une analgésie isolée (dont un morphinique pour 77% d’entre eux). Lors de

la mobilisation, 23 patients ont eu une douleur intense à sévère dont 19 n’avaient pas reçu de

sédatif. Au total, parmi les 42 patients ayant eu une sédation, 4 (9,5%) avaient ressenti une

douleur intense à sévère lors du geste. Parmi les 39 patients qui n’avaient pas eu de

sédation, 19 (49%) avaient ressenti une douleur intense à sévère lors du geste. La durée du

geste était de 3 minutes (Médiane). Ces résultats préliminaires semblent montrer l’intérêt

dans ce contexte de l’utilisation d’une sédation brève par rapport à une analgésie standard.

Quelle sédation ?

Le sédatif idéal devrait avoir une durée d’action correspondant à la durée du geste, avoir une

posologie connue et constante quel que soit le patient, préserver la ventilation et

l’hémodynamique, protéger les voies ariennes (réflexe de déglutition) et permettre un réveil

calme et agréable. Ce sédatif n’existe pas.

Actuellement, deux médicaments sont particulièrement utilisés dans ces indications, la

kétamine et le propofol.

Le propofol

Le Propofol est un médicament anesthésique. Son utilisation est délicate du fait de ses

effets hémodynamiques (hypotension), respiratoire (apnée) et de la perte de toute protection

65

des voies aériennes supérieures. Le taux d’effets indésirables dû au Propofol aux urgences

est de 5 % avec une hypoxémie dans 5 à 30 % des cas [9]. Ces avantages principaux sont

un délai d’action de 45 à 60 secondes et une durée d’action de 5 minutes [9,10, 11]. Ces

caractéristiques lui permettent d’être performant lors des gestes brefs mais très douloureux.

En médecine d’urgence, les doses initiales sont de l’ordre de 1 mg/kg (soit 2 à 3 fois moins

que pour une AG), avec éventuellement une titration à 0,5 mg/kg toutes les 3 minutes, en

fonction des besoins [6]. Mais ce médicament doit être utilisé avec un matériel de

réanimation disponible immédiatement, c’est-à-dire à portée de main du praticien et après

une période de préoxygénation. La balance risque/bénéfice doit être mesurée pour chaque

patient, particulièrement en ce qui concerne le risque d’inhalation. En effet, l’alternative

pourrait être une AG avec IOT (intubation oro-trachéale). Si ce médicament fait maintenant

partie de l’arsenal des urgentistes, il ne peut avoir d’indication en dehors de mains

entraînées et expertes (RFE SFAR SFMU 2010) sa marge de sécurité étant relativement

étroite.

La kétamine

Ce médicament a été synthétisé dans les années 60 et a été défini comme un anesthésique

dissociatif. Son utilisation a été limitée par ses effets psychodysleptiques avec hallucinations

et agitations lors du réveil. Cependant, ses avantages principaux sont le respect du tonus

sympathique et de la ventilation spontanée lors d’une anesthésie. A des doses relativement

faibles (de 0,5 à 1 mg/kg) la kétamine a des effets sédatifs permettant la réalisation de gestes

brefs mais très douloureux. Son délai d’action est inférieur à 1 minute par voie intraveineuse

et sa durée d’action de 5 à 10 minutes. La kétamine peut cependant compromettre la

ventilation dans 6% des cas, mais aucune conséquence grave n’a été rapportée [12-14].

Lors du réveil, des hallucinations et/ou une agitation surviennent dans 5 à 25 % des cas [13,

14, 16]. Le taux et l’intensité des effets indésirables augmentent avec la dose. La relation

entre la concentration plasmatique et les effets psychodysleptiques est linéaire entre 50 et

200 mg/ml [17]. Les effets indésirables doivent être connus, les contre-indications

respectées, ce médicament devant être utilisé par des personnels formés et avec un matériel

de réanimation disponible. Globalement, la revue de la littérature est plutôt rassurante.

Sédation analgésie en pratique.

Deux situations ont particulièrement été étudiées, les urgences et les gestes en onco-

hématologie. Concernant les urgences, la littérature maintenant riche sur ce sujet, la

66

compétence acquise par les urgentistes exerçant dans des conditions de sécurité identiques à

celle de l’anesthésie-réanimation et la reconnaissance officielle (RFE SFAR-SFMU 2010),

font que cette question de l’usage d’une sédation telle que nous l’entendons ne se pose pas

vraiment. L’urgentiste se trouve dans la même situation que l’anesthésiste devant effectuer

un geste très douloureux et bref. Il doit « simplement » mettre en balance le risque d’une

sédation en ventilation spontanée chez un patient a priori non à jeun et celui d’une anesthésie

générale avec une intubation oro-trachéale.

La seconde situation concerne des gestes programmés. Ce point est important car cela

permet d’optimiser la prise en charge en respectant les contre-indications, en organisant le

soin en fonction du patient, de mettre tous les paramètres de sécurité du côté du soin. Deux

études récentes ont bien décrit la faisabilité et la sécurité de la sédation dans cette situation.

La première a décrit l’utilisation de kétamine en onco-hématologie lors de 850 gestes

(ponction lombaire, myélogramme, biopsie osseuse) chez 125 enfants âgés de 2 à 16 ans,

entre 2001 et 2007. La dose moyenne de kétamine était de 0,5 à 3 mg/kg, associée à du

MEOPA [18]. Au total, les procédures ayant duré 15 minutes en moyenne, les enfants et les

parents étaient tous satisfaits, un seul réveil désagréable était noté et des vomissements

dans 5 % des cas (tous les enfants étaient à jeun avant le geste). Le second travail concernait

71 gestes chez 18 enfants dont l’âge médian était de 8,5 ans [19]. Le protocole comprenait

l’injection de 0,5 mg/kg de kétamine IVL, seule, à renouveler si nécessaire. Un patient a eu

des effets psychodysleptiques traités par midazolam. La majorité des gestes ont pu être fait

après un à deux bolii. Lors d’un geste il y a eu un épisode transitoire de désaturation et

aucune complication grave comme un laryngospasme.

Au total, il est clair que la nécessité faisant loi il faut se donner les moyens de prendre en

charge les patients quelle que soit la situation. Un refus de soin peut être délétère en termes

de prise en charge d’une maladie grave ou invalidante. Une douleur très intense chez un

traumatisé peut se payer en termes de chronicisation de la douleur. La réflexion doit se faire

à ce niveau. Des moyens existent, adaptés aux diverses situations mais nécessitent

évidemment une prise en compte des soignants, une organisation spécifique et sécurisée, et

donc formation et information. Car pour l’heure les protocoles possibles et validés restent

associés à des effets indésirables plus ou moins graves qu’il faut connaître et savoir prendre

en charge.

67

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69

Sédation-analgésie lors de soins douloureux au lit du patient

Jusqu’où aller ?

Marcel Louis Viallard, MD, PhD, EA 4569, Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, EMASP Necker-Enfants Malades, APHP, Paris

Certains soins sont particulièrement douloureux pour le patient. Une prise en compte de cette

douleur iatrogène permet dans nombre de cas un contrôle satisfaisant de cette douleur

provoquée tant pour le sujet lui-même que pour son entourage et les soignants.

L’antalgie peut recourir dans ces cas aussi bien à des médicaments qu’à des techniques

d’analgésie locorégionales ou non médicamenteuses.

Parfois, l’ensemble des techniques et approches antalgiques mobilisables ne permettent pas de

soulager le patient. Le recours à une sédation-analgésie peut dès lors être proposé.

La sédation-analgésie pour soins douloureux ou complexes.

La sédation est une pratique utilisée dans diverses spécialités médicales. En médecine

palliative, en phase terminale pour détresse, « la sédation est la recherche, par des moyens

médicamenteux, d’une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu’à la perte de

conscience. Son but est de diminuer ou de faire disparaître la perception d’une situation

vécue comme insupportable par le patient, alors que tous les moyens disponibles et adaptés à

cette situation ont pu lui être proposés et/ou mis en œuvre sans permettre d’obtenir le

soulagement escompté.» « La sédation est une diminution de la vigilance pouvant aller

jusqu’à la perte de conscience qui peut être appliquée de façon intermittente, transitoire ou

continue. » [1]. On a retenu la même définition chez l’enfant [2].

En réanimation et en anesthésie on parle notamment de sédation-analgésie de confort dont les

objectifs sont de soulager, par des moyens médicamenteux, en priorité la douleur et

d’améliorer la tolérance à l’environnement source « d’agressions physiques et/ou

psychologiques » [3].

Ces définitions insistent sur l’objectif de soulager le patient d’une perception soit d’une

douleur soit d’une situation vécue comme insupportable. Lors d’un soin ou une exploration

douloureuse ou complexe, quand le ressenti de la douleur, ou de la situation, souvent itérative,

70

dès lors que les techniques analgésiques bien menées n’ont pas permis de préserver le patient

de cette perception, l’objectif du prendre soin s’inscrit parfaitement dans la logique

d’indication d’une sédation-analgésie. L’analgésie permettant de contrôler du mieux que

possible la douleur physique et la sédation permet de diminuer ou mieux supprimer les

perceptions vécues comme insupportables par le patient.

On peut donc légitimement s’inscrire dans les recommandations de bonnes pratiques publiées

sur la sédation tant en médecine palliative qu’en anesthésie-réanimation.

Cependant si l’on applique à la lettre ces recommandations, on se trouve alors dans

l’obligation de respecter des conditions de qualification et d’environnement technique qui ne

sont pas toujours accessibles là où le geste douloureux doit ou peut être pratiqué.

Se pose alors la question, du jusqu’où aller ? Si l’on dépasse certaines limites, que l’on se

soustrait à certaines contraintes, comment ne pas aller trop loin et ne pas exposer le patient à

des risques déraisonnables et inacceptables dans une pratique médicale et soignante

moderne ?

Sur quels arguments rationnels peut-on se baser pour s’autoriser à déplacer les limites puisque

la littérature est totalement silencieuse sur le sujet ?

Avant toute chose, il nous semble impératif de bien préciser que l’on ne considère pas cette

« prise de risque exceptionnelle » raisonnable et acceptable comme un « blanc seing » qui

ouvrirait la porte à des pratiques anarchiques et libérées de toute contrainte de sécurité.

La pratique d’une sédation présente des risques de complications pouvant être sévères qu’il

faut connaître et savoir éviter et anticiper. Ses risques parfaitement identifiés sont

essentiellement ventilatoires et cardiovasculaires. Une pratique rigoureuse associée à une

parfaite connaissance de la pharmacologie des médicaments utilisables peuvent anticiper et

diminuer la prise de risque supplémentaire que la complexité spécifique de la situation peut

justifier.

Quelles limites de contrainte ?

La réalisation de certains soins ou pansements douloureux sous sédation ne peut pas toujours

s’effectuer dans un environnement spécifiquement dédié où les règles de sécurité

anesthésiques sont assurées. Pourtant il y a impérieuse nécessité de réaliser le geste

douloureux et de soulager le patient.

71

Les appareils de monitorage ne sont pas toujours accessibles. Pour la réanimation cardio-

respiratoire parfois seul un « chariot d’urgence » est disponible. La sécurité est facilitée par

ces appareillages et peut aussi être assurée par des moyens cliniques qu’il suffit de connaître

et maîtriser.

Les médicaments nécessaires comme la technique de sédation ne sont pas toujours bien

connus par les professionnels prenant en charge le patient. Un spécialiste rompu à la pratique

de la sédation n’est pas toujours disponible. L’association d’un produit fortement sédatif et

d’un antalgique opioïde puissant, souvent de mise, est encore mal connue de nombreux

professionnels. Cette association est assimilée parfois à une prescription de toute fin de vie,

pouvant rendre acceptable certaines prises de risque notamment dans le cadre du double effet

et du meilleur intérêt du patient [4, 5]. Or nous ne sommes ni en phase terminale, ni dans le

cadre d’une procédure d’anesthésie ou de réanimation. Le patient doit bénéficier du maximum

de qualité et de sécurité pour la réalisation de ce soin. Il doit tout aussi impérativement être

soulagé et bénéficier du pansement ou du geste pour s’améliorer ou guérir.

Il y a nécessité de réaliser le geste douloureux dans un cadre inhabituel, le plus souvent le lieu

au sein duquel il est hospitalisé. Les professionnels devant assurer ce geste sont le plus

souvent les plus qualifiés pour cela mais n’ont pas nécessairement les compétences adaptées

pour la réalisation de la sédation-analgésie. Le sujet connaît la détresse d’une douleur vécue

comme insupportable par lui, incontrôlable et peu atténuable lors de la réalisation de ce geste.

La sédation-analgésie est une nécessité à la fois médicale et humaine. Le dilemme est là !

Comment concilier cet impératif à la déclinaison d’une prise en charge « raisonnable » et la

plus proche possible des canons de sécurité et de bonnes pratiques ? Il faut donc aménager les

recommandations sans pour autant renoncer à l’idée d’une bonne pratique dans l’intérêt du

patient.

Lors de la mise en application de la décision de sédation-analgésie, la supervision d’un

médecin senior de l’équipe référente reste fortement recommandée. Cette disponibilité permet

de pouvoir assurer la titration parfaite au moment de l’induction, l’évaluation de la qualité de

la sédation-analgésie obtenue en conformité avec l’objectif défini dans le projet de soin

partagé [2]. Mais cela n’est pas toujours possible.

Jusqu’où aller pour réduire ces contraintes ?

Pour répondre logiquement et en toute sécurité à ces impossibles, on peut proposer quelques

éléments qui permettent de s’écarter, raisonnablement, des règles habituelles.

72

Le geste doit être anticipé de façon à mettre en place une organisation qui limite au maximum

le « sur-risque ». La procédure doit être vécue comme habituelle avec des règles aménagées.

Le patient doit avoir au moins une période de jeûne de 6 heures. On organisera le soin de

façon à le réaliser dans une période de la journée si possible qui n’ajoute pas à son inconfort.

Chaque professionnel impliqué dans la réalisation de la sédation-analgésie doit bénéficier

d’une formation spécifique (pharmacologie des médicaments utilisés, les effets délétères

possibles et la façon de les éviter et de les corriger sans risque, par exemple la manipulation

de l’antidote du midazolam, le Flumazenil (Anexate), capacité à assurer la liberté des voies

aériennes et une éventuelle assistance ventilatoire au ballon, échelle d’évaluation de la

sédation (Rudkin) et de la douleur… L’acquisition d’une expérience partagée est un objectif

qui doit rester permanent.

Toute prescription de l’induction, de la surveillance et de la levée d’une sédation-analgésie

doit être personnalisée, nominative, réévaluée systématiquement et notée dans le dossier.

Chacun doit aussi connaître parfaitement les lieux, tous les produits et matériels nécessaires

doivent être présents et vérifiés comme pour le chariot d’urgence.

Les modalités d’appel et d’intervention d’une équipe de recours doivent être prévues et

disponibles de façon évidente dans la pièce.

L’évaluation de la sédation analgésie se fait toutes les 15 minutes pendant la durée du geste

douloureux. La surveillance est essentiellement clinique. On appréciera pour adapter les

posologies :

o le degré de soulagement du patient, par une hétéroévaluation

o la profondeur de la sédation (échelle d’évaluation de Rudkin = 4 au

maximum) [6]

o les signes de surdosage et les effets secondaires.

La phase d’arrêt de la sédation-analgésie doit être accompagnée d’une analgésie la plus

complète possible dans un milieu rassurant et calme notamment débarrassé de tous les

matériels évoquant le geste lui-même si possible, s’il s’agit de sa chambre d’hospitalisation.

La surveillance reste adaptée jusqu’à la récupération par le patient d’une vigilance et d’un

confort satisfaisant.

Sédaté, le patient est dans un état de grande dépendance vis-à-vis d’autrui et dans un état de

grande vulnérabilité. Il doit recevoir une information loyale et rassurante sur la procédure

73

elle-même comme sur ses risques surajoutés ainsi que sur la façon dont on les anticipe et on

envisage de les atténuer, au mieux des circonstances exceptionnelles.

Pour conclure :

La réalisation d’une sédation-analgésie pour la réalisation d’un geste douloureux est une

procédure d’exception qui oblige à franchir les limites des recommandations habituelles de

bonnes pratiques. Franchir les limites ne signifie pas faire n’importe quoi ni s’affranchir de

toute limite, ni transgresser en toute liberté. Cela signifie simplement s’inscrire dans une

démarche raisonnable et responsable, dans le meilleur intérêt du patient. Des règles simples,

facilement adaptables à la réalité des possibilités des services confrontés à ce type de

situations peuvent permettre de s’affranchir dans un cadre bien défini et réaliste de contraintes

qui empêcheraient de proposer au patient une prise en charge adaptée et sécure.

Cela nécessite une anticipation et organisation qui, pour être stricte, n’en reste pas moins

simplifiée et garantit à tous des conditions de sécurité acceptables.

Références

1) Blanchet V, Viallard ML, Aubry R. Sédation en médecine palliative :

recommandations chez l’adulte et spécificités au domicile et en gériatrie. Med Pal.

2010; 9: 59-70

2) Viallard ML et al. Indication d’une sédation en phase terminale ou en fin de vie chez

l’enfant : propositions à partir d’une synthèse de la littérature. Med Pal. 2010;9:80-86.

3) Sauder P et al. Conférence de consensus commune (SFAR-SRLF) en réanimation

Sédation-analgésie en réanimation. Annales françaises d’anesthésie et de réanimation

2008;27 ;7-8: 541-55.

4) Fondras JC, Rameix S. Questions éthiques associées à la pratique de la sédation en

phase terminale. Med Pal. 2010;9;3:120-125

5) Carnevale F. Ethical Challenges in Pediatric Palliative Care Medicine. Med Pal 2012.

Sous presse.

6) Rudkin GE, Osborne GA, Finn BP et al. Intra-operative patient-controlled sedation.

Comparison of patient-controlled propofol with patient-controlled midazolam.

Anaesthesia 1992; 47: 376-81.

74

Cas clinique et arbre décisionnel chez l’enfant

Bénédicte Lombart Cadre de santé

Centre de la douleur et de la migraine de l’enfant et de l’adolescent

Hôpital A.Trousseau, Paris (75)

Celui qui a conseillé une action fait

plus de tort que celui qui l’exécute ;

car l’action n’eût pas été accomplie si

on ne l’avait pas conseillée.

Aristote, Rhétorique

Le travail infirmier au sein d’une unité mobile de lutte contre la douleur nous amène à gérer

des situations complexes de douleurs iatrogènes. Les choix antalgiques dépendent de

nombreux éléments qu’il faut systématiquement évaluer :

- moyens humains (effectifs, niveau de formation des médecins et des infirmières,…)

- lieu d’hospitalisation (unité d’hospitalisation conventionnelle ou Unité de Surveillance

Continue).

- particularités de l’enfant : âge, antécédents, détresse, douleur préexistante…

- présence des parents

- la nature du soins est évidemment essentielle: certains soins nécessitent d’emblée

une analgésie puissante voire une sédation profonde (brûlures étendues…)

Quelle démarche, pour quelles situations ?

Lorsque nous sommes appelés par les équipes pour les aider à gérer la douleur d’un soin,

nous avons au préalable à poser quelques questions :

- Quel est l’âge de l’enfant ? L’âge est un facteur prédictif important du déroulement

du soin car plus l’enfant est jeune et moins il est mesure de rationaliser ce qui lui

arrive. (En particulier les moins de 4 ans)

75

- De quel soin s’agit-il ? La description du soin doit être précise, les étapes de celui-ci

sont importantes car parfois c’est un moment particulier du soin qui est douloureux.

Par exemple dans le cas d’un pansement en faisant décrire la situation, il apparaît

parfois que c’est l’étape de l’ablation du pansement qui est la plus délicate alors que la

détersion de la plaie ne pose pas de souci. Dans ce cas les moyens physiques seront les

plus indiqués : imprégner (ou immerger quand c’est possible) le pansement soit d’eau

stérile soit de sérum physiologique un bon quart d’heure avant le début de la réfection

et/ou utiliser un matériel différent moins adhérant…

L’exemple de la réfection des plaies traitées par la VACuum thérapie est également

signifiant. L’aspiration, qui permet de faire le vide, doit être suspendue entre 30

minutes et une heure avant l’ablation de la mousse qui comble la plaie. Dans le cas

contraire, la mousse adhère aux parois et son ablation est beaucoup plus douloureuse.

-Quels sont les antalgiques prescrits ou reçus ? à quel dosage ? le délai

d’administration a t-il été respecté ? Il faudra s’assurer qu’a priori la posologie et le

niveau d’analgésie correspondent à l’intensité.

- Y a t-il eu des tentatives de distraction ? dans quelle atmosphère le soin s’est il

déroulé ? a t’on proposé un jeu ou une histoire pour disperser l’attention de l’enfant ?

Cette démarche est absolument complémentaire aux moyens médicamenteux pour la

réussite de l’analgésie.

- Y a t il eu du MEOPA ? Le masque a t il été accepté d’emblée ?

- Quelles ont été les réactions de l’enfant ? A t-il fallu le contenir ?

- Pourquoi ça ne marche pas ?

Il est primordial de laisser parler l’équipe, de faire décrire chronologiquement la situation. La

narration de l’événement permet de recueillir les impressions. Des phrases telles que : « pour

moi, c’est surtout de la peur », « il ne supporte plus les blouses blanches » « non le MEOPA,

hors de question ! Il a vomi la dernière fois… », nous donnent l’occasion de revenir sur

certains préjugés ou sur de mauvaises interprétations.

Toutes les situations de soins qui se « déroulent mal » ne sont pas systématiquement

synonymes de défaut d’analgésie. Les facteurs qui influencent les échecs lors de la réalisation

des soins sont intriqués, néanmoins il s’agit de mettre systématiquement en avant la question

de l’efficacité de l’analgésie avant de passer en revue les autres éléments qui pourraient

expliquer l’agitation et le refus du soin.

76

Les situations simples

Cas clinique : Simon

Simon a 5 ans, il doit être opéré d’une arthrodèse du rachis dans quelques semaines. Il est en

hôpital de jour pour réaliser le bilan pré opératoire complet en vue de cette intervention.

L’infirmière de l’hôpital de jour fait appel à nous car Simon est « inapprochable ». Petit

garçon souriant et rieur en dehors du soin, il panique dès que l’infirmière s’approche avec son

patch d’Emla®. Elle lui propose le MEOPA mais l’enfant est devenu inabordable. Elle décide

de stopper le soin et nous appelle.

Nous trouvons Simon blotti contre son papa, sa maman est présente également. Simon est

hospitalisé pour toute la journée, nous décidons de lui laisser le temps de « souffler ». Il est

environ midi et nous proposons aux parents de partir déjeuner à la cafétéria tranquillement. Il

n’y a aucune urgence à faire ce bilan. Nous donnons discrètement le patch d’Emla® au papa

en lui proposant de lui appliquer s’il perçoit que son fils est prêt.

A 14h le patch est posé depuis une heure. Simon est détendu. Nous proposons le masque au

doudou de Simon, puis au papa… Simon prendra le masque tout seul après quelques instant,

le bilan est réalisé dans le calme.

Dans cette situation le rôle de l’unité douleur est une simple médiation. En réalité l’IDE

avaient déjà eu les bons réflexes : suspendre le soin, se laisser du temps, repartir à zéro,

réessayer…

Les situations où l’arbre cache la forêt

Lili 4 ans

Appel d’un service de chirurgie

L’infirmière sollicite l’équipe mobile douleur pour un accompagnement du soin en

hypnoanalgésie pour une ablation d’agrafes sur une greffe de peau.

Cette équipe fait très régulièrement appel à l’équipe douleur pour compléter l’analgésie par

des techniques soit de distraction soit d’hypnoanalgésie. Des protocoles antalgiques sont

disponibles. Les soins connus pour leur intensité douloureuse font l’objet d’une procédure

spécifique avec une analgésie en morphine per os.

Nous évaluons : le niveau d’anxiété, les antécédents, le type d’analgésie prescrite, les

posologies et… le nombre d’agrafes !

77

Ce détail est particulièrement important car il s’avère que l’analgésie associant morphine

orale, MEOPA, accompagnement et distraction, fonctionne bien lorsque la durée de la

stimulation nociceptive est courte. L’expérience nous a montré qu’au delà de 20 agrafes le

soin devient difficile pour l’enfant et que les moyens antalgiques habituels sont dépassés. Il a

donc été décidé (sous forme de procédure) que l’ablation de plus de 20 agrafes nécessitait une

sédation profonde au bloc opératoire

Cette enfant avait plus de 60 agrafes…Pour différentes raisons (organisationnelles,

changement de personnel, changement d’internes…) la procédure usuelle n’avait pas été

respectée.

Il est important que la réponse de l’unité de lutte contre la douleur s’inscrive dans une

réflexion collective et n’entérine pas de mauvaises pratiques.

Les bons réflexes : recueil de données de la situation exhaustif, ne pas se précipiter, éviter de

pallier des dysfonctionnements : savoir refuser.

En effet une intervention « au pied levé » à la demande, sans identifier les

dysfonctionnements organisationnels qui conduisent à faire appel à l’unité douleur pour

pallier un défaut d’anticipation, ne permet pas aux équipes de rechercher une solution

pérenne.

Nous avons la responsabilité d’aider les structures à organiser la prise en charge. On constate

que bien souvent lorsque nous explicitons notre refus d’intervention ponctuelle pour les

raisons que nous venons d’évoquer, cela conduit à une prise de conscience de l’intérêt d’une

réorganisation.

Les pièges

Notre mission ne consiste pas à jouer le rôle de « pompiers de la douleur ». Néanmoins il est

très difficile de refuser d’intervenir pour tel ou tel cas particulier. Nous sommes confrontés à

un véritable dilemme : ne pas « rendre service » à tel ou tel enfant ou objecter un refus qui

sera utile pour déclencher une réorganisation efficace pour beaucoup d’autres enfants. Ces

difficultés doivent être évoquées en équipe pluridisciplinaire au sein du centre de lutte contre

la douleur afin de fixer une politique commune de fonctionnement.

Les risques avec l’hypnoanalgésie

Les sollicitations des équipes vis-à-vis de l’hypno-analgésie réclament une vigilance

particulière car celle-ci ne doit en aucun cas palier un défaut d’analgésie médicamenteuse.

Les personnes formées à l’hypnose qui interviennent pour accompagner un soin doivent

s’assurer avant d’accepter cet accompagnement que le niveau des antalgiques et l’intensité de

78

la douleur sont corrélés. C’est une des raisons pour lesquelles nous préconisons que ce soit les

soignants habitués aux techniques de soin et formés à la douleur qui assurent

l’accompagnement en hypno-analgésie.

L’exemple de la réduction de fracture sans anesthésie générale est emblématique.

L’intervention d’une personne formée à l’hypnose ne sera pas suffisante dans cette situation

de douleur très intense. Se lancer dans ce type de situation est voué à l’échec (analgésique) et

pire l’unité mobile de la douleur cautionnerait dans ce cas une mauvaise pratique.

Les situations « limites »

Chloé 7 ans

Appel pour la réalisation d’une ponction lombaire (PL) chez une enfant atteinte d’une

leucémie.

La dernière PL s’est très mal déroulée. L’enfant a du être maintenue pendant le soin. La PL

doit avoir lieu le jour même. L’équipe mobile douleur est sollicitée pour de l’hypnoanalgésie.

L’enfant est prémédiquée avec de l’Atarax. Elle a de la crème Emla. Dès notre arrivée

dans la chambre, la panique gagne l’enfant. Nous ne parvenons même pas à l’asseoir, nos

tentatives pour la faire respirer dans le masque afin d’inhaler le MEOPA échouent.

Après une première tentative pour l’asseoir nous ne parvenons même pas à lui enlever le

patch ni à lui faire accepter le masque de MEOPA.

Le soin ne peut pas être réalisé dans ces conditions. Cette situation nécessite une sédation plus

profonde. Le médecin de l’unité douleur est appelé pour renforcer la sédation : des bolus IV

de Kétamine à faible dose (0,5 mg/kg) ont été administrés.

Dans les cas où une sédation ne peut pas être réalisée dans de bonnes conditions, le soin doit

être reporté et planifié dans une structure adaptée à la surveillance requise par une sédation

plus profonde.

Une fois la situation ponctuelle réglée, une prise en charge plus globale est à envisager,

incluant l’intervention d’un psychologue pour aider l’enfant à formuler ses difficultés, celles-

ci dépassant bien souvent la situation de soin.

La réflexion collégiale autour d’un arbre décisionnel12 est indispensable pour anticiper les

situations à risque et mieux cibler notre réponse.

12 Exemple d’arbre décisionnel établi en collaboration avec le chirurgien responsable des consultations et son équipe (en page suivante).

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HYPNOANALGESIE : DEFINITION ET CONTEXTE Elisabeth Barbier, infirmière hypnothérapeute

Groupe Hospitalier Paris Saint Joseph, (75014 Paris)

I. COMMENT DÉFINIR L’HYPNOSE ?

� Plusieurs idées préconçues par rapport à l’hypnose

Dans l’esprit collectif l’hypnose serait :

• un procédé miraculeux ou magique, entouré de mystère, auquel on peut croire ou ne

pas croire � peur et fascination …

• associée au music-hall = amalgame entre la suggestion de spectacle (directe,

autoritaire) et l’hypnose thérapeutique utilisée en Psychothérapie et en Médecine

• dépendante de la personnalité de l’hypnotiseur vraisemblablement « tout-puissant ».

question autour du pouvoir ou du don ?

• une méthode de « manipulation » par la suggestion directe

peur que l’hypnotiseur nous fasse faire ou dire ce que l’on ne souhaite pas...

• un état de sommeil

• un état de perte de contrôle de ses pensées, de ses actes…

� Qu’est ce que l’hypnose ?

L’hypnose est un état naturel que chacun d’entre nous expérimente dans la vie courante et

durant lequel nous passons d’un état de conscience ordinaire à un état de conscience

particulier.

Les exemples de cette « transe spontanée » sont multiples comme l’absorption par un livre ou

un film, être « dans la lune », la conduite automatique…

L’hypnose est aussi un état provoqué par une personne grâce à des techniques apprises. On

parle alors de transe induite ou provoquée. Dans le domaine médical ou de la

psychosomatique elle est qualifiée d’hypnose médicale ou thérapeutique.

81

� Qu’est ce que l’hypnose médicale ou thérapeutique ?

L’hypnose médicale est à la fois :

• Un état modifié de conscience, différent de la veille et du sommeil caractérisé par une

dissociation psychique et une activation corticale.

• Une relation singulière au praticien qui recouvre des éléments intra-subjectifs et de

communication (empathie, confiance, suggestions, stratégies de langage…)

� Quelques définitions

L’hypnose n’est pas aisée à définir, voici plusieurs propositions :

* Une définition selon Jean Godin centrée sur le « lâcher prise » : « L’hypnose est un mode

de fonctionnement psychologique, dans lequel le sujet, grâce à l’intervention d’une autre

personne, parvient à faire abstraction de la réalité environnante, tout en restant en relation

avec l’accompagnateur. Ce mode de fonctionnement particulier est privilégié dans la mesure

où il fait apparaître des possibilités nouvelles : par exemple, des possibilités supplémentaires

d’action de l’esprit sur le corps ou de travail psychologique à un niveau inconscient ».

* Une définition du Dr Jean-Marc Benhaiem centrée sur la relation et la douleur,

« L’hypnose thérapeutique est une expérience relationnelle mettant en jeu des mécanismes

physiologiques et psychologiques permettant à l’individu de mieux vivre, d’atténuer ou de

supprimer une pathologie douloureuse aiguë ou chronique »

* Une définition récente13 : L’hypnose pourrait se définir de la façon suivante «Etat de

fonctionnement psychologique par lequel un sujet en relation avec un praticien, expérimente

un champ de conscience élargi »

II. L’HYPNOSE : UNE APPROCHE VALIDEE SCIENTIFIQUEMENT

Le développement de l’imagerie cérébrale et les recherches en neurosciences ont permis de

prouver depuis une dizaine d’années l’existence d’un état hypnotique. Celui-ci est défini

13 A.Bioy, C.Wood, I.Célestin-Lhopiteau, « L’aide-mémoire d’hypnose », p.7 ; Dunod, 2010

82

comme un état d’activation corticale caractéristique14, différent d’autres états de conscience

telle que la veille, le sommeil, la somnolence, etc.

Aujourd’hui l’état hypnotique est donc bien identifié et la question de savoir si l’on y croit ou

on n’y croit pas est obsolète. Par contre nous sommes libres d’adhérer ou non à la pratique de

l’hypnose.

Dans le domaine de la douleur aiguë nous savons que l’hypnose peut :

- Réduire ou stopper l’activité de certaines zones du cerveau normalement activées lors

de soins potentiellement douloureux

- Modifier la perception de l’intensité et du caractère désagréable d’une douleur

III. HYPNOSE MEDICALE, HYNOANALGESIE : COMMUNIQUER ET SOIGNER

AUTREMENT

Il existe deux modes d’utilisation de l’hypnose médicale :

- direct ou formel, il s’agit de la séance d’hypnose

- indirect ou informel, il s’agit de l’hypnose conversationnelle

La séance d’hypnose succède à une information donnée au patient sur son procédé et son

objectif et se réalise suivant « un protocole » usuel (Induction, dissociation, phase de travail,

retour).

L’hypnose conversationnelle consiste à se servir de principes de communication

couramment utilisés en hypnose (suggestions indirectes, images métaphoriques, confusion de

langage…) mais sans qu’il y ait eu au préalable de phase formelle où l’état hypnotique aura

été induit. Cette forme d’hypnose peut prendre place dans tout entretien avec un patient.

L’utilisation de ces principes va faire progressivement entrer le patient dans une « transe

légère », c’est-à-dire qu’il va commencer à percevoir autrement le monde. Si l’état

hypnotique n’est pas induit formellement, il va être suscité au cours de la conversation par

l’utilisation des procédés communicationnels.

14 Rainville P., Hofbauer R .K .,Buschnell M.C. et al. , « Hypnosis modulates activity in brainstructures

involved in the regulation of consciousness », Journal of Cognitive Neuroscience, 2002, 14:887-901.

83

L’hypnoanalgésie :

− C’est l’utilisation de l’hypnose formelle et informelle dans la prise en charge des

douleurs aiguës et chroniques.

− Elle s’utilise seule ou en association à un anesthésique local, à des antalgiques et ou

des anxiolytiques, au mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote.

Pour information : l’hypnosédation c’est l’utilisation de l’hypnoanalgésie associée à une

sédation consciente avec plus ou moins une anesthésie locale.

IV. CONTEXTE D’UTILISATION DE L’HYPNOANALGESIE

L’hypnoanalgésie requiert une formation solide dispensée à l’université ou bien dans des

écoles privées ayant pour éthique de former uniquement des professionnels de santé.

L’hypnopraticien se soit doit de l’utiliser dans des domaines et indications pour lesquels il

possède compétences et savoir-faire aussi bien à l’hôpital qu’en cabinet médical.

84

Les différentes indications de l’hypnose à l’hôpital

PRISE EN CHARGE DES PROBLEMES PSYCHOSOMATIQUES ET DES EFFETS SECONDAIRES

- Anxiété, claustrophobie (IRM, scanner), phobie des piqûres, - Nausées, bouffées de chaleur, - Tabagisme troubles du sommeil, dermatologie (psoriasis, eczéma), - Préparation à l’accouchement, aux interventions chirurgicales…

PRISE EN CHARGE DES DOULEURS AIGUËS

IATROGENES - Pose de chambres implantables

(+AL) - Soins de plaies douloureux,

pansements - Soins invasifs : pose de

perfusion, prélèvements sanguins, points

de suture, ponction lombaire - Réduction de fracture - Examens invasifs douloureux et/

ou anxiogènes: coloscopie, fibroscopies, biopsies…

- Certaines interventions chirurgicales sous HYPNOSEDATION

PRISE EN CHARGE DES DOULEURS CHRONIQUES

- Lombalgies, sciatalgies, migraines,

céphalées, douleurs neuropathiques - Consultation d’hypnothérapie

Complémentaire au traitement antalgique

HYPNOSE

85

V. OU SE FORMER ?

La liste suivante indique les écoles de formation accueillant uniquement des professionnels de

santé et qui sont toutes reconnues par différentes sociétés savantes d’hypnose (AFEHM15,

AFHyp16, CFHTB17, GEAMH18, Société française d’hypnose)

Formations adressées aux médecins et autres professionnels de santé (paramédicaux et

psychologues)

- Institut Français d’Hypnose (IFH) (Paris), site : http://www.hypnose.fr

- Hypnodissey (Villejuif), site : www.hypnodyssey.com

- Instituts Milton Erickson : ils sont reconnus par la Milton H. Erickson Foundation

(Paris, province, pays limitrophes francophones), liste sur le site :

http://www.cfhtb.org

- DU d’hypnose médicale de Bordeaux, site : http://www.u-bordeaux2.fr (priorité aux

médecins)

- DU d’hypnose médicale de Toulouse, site : http://atnhh.net/diplome.html

Formations réservées uniquement aux médecins

- DU d’hypnose médicale de la Pitié Salpêtrière, site http://www.hypnose-medicale.com

- DU d’hypnose clinique de l’université Paris XI, site : http://www.medecine.u-psud.fr

- DU d’hypnose médicale de Montpellier, site : http://offre-formation.univ-montp1.fr

Références

- Bellet P. L'hypnose. Paris: Odile Jacob; 2002. - Benhaim JM L’hypnose aujourd’hui. Paris: In Press; 2005. - Bioy A Découvrir l’hypnose. Inter Editions; 2007. - Bioy A, Celestin-Lhopiteau I, WOOD C. L’aide mémoire d’hypnose. Paris: Dunod; 2010. - Michaux D, Halfon Y, Wood, C. Manuel d’hypnose pour les professions de santé. PARIS:

Maloine ; 2007. - Melchior Th. Créer le réel. Paris: Seuil; 1998. - Michaux D. Hypnose et Douleur. Paris: Imago; 2004. - Rosen S. Ma Voix t'accompagnera Milton H. Erickson Raconte. Hommes et Groupes

éditeurs; 1986. - Salem G. Soigner par l’hypnose. Masson; 1999. - Virot C, Bernard F, Faymonville, M-E. Hypnose, douleurs aiguës et anesthésie. Rueil-

Malmaison: Arnette; 2010.

15 Association française pour l'étude de l'hypnose médicale 16 Association française d'hypnose 17 Confédération francophone d'hypnose et thérapies brèves 18 Groupement pour l'étude et les applications médicales de l'hypnose

86

L’hypnoanalgésie en pratique quotidienne

Sandrine Roux, Nicole Debrabant Hôpital Nord-Ouest, Villefranche-Sur-Saône (69)

Auxiliaire de puériculture et infirmière puéricultrice, nous travaillons à l’hôpital Nord-Ouest

de Villefranche-sur-Saône situé à 25 km de Lyon. Le service de pédiatrie regroupe 5 unités :

urgences, néonatalogie, nourrissons, grands enfants et notre service, l’hôpital de jour qui

comprend les consultations, les suites de soins, la chirurgie et la médecine ambulatoire.

Dans notre unité travaillent 4 infirmières, dont 3 puéricultrices et une auxiliaire de

puériculture. Le service est ouvert de 7h à 19h et accueille les enfants de tout âge pour des

consultations médicales spécialisées (12 médecins), des suites de soins d’urgences (injections

parentérales d’antibiotiques, pansements, brûlures…), la médecine ambulatoire (bilan de

croissance, d’allergies alimentaires ou médicamenteuses, bilan de diabète, transfusion,

prémédication pour les IRM, FGS…), chirurgie ambulatoire (posthectomie, hernies, ablation

de matériel, ORL, ongles incarnés…).

La majorité des soins que nous effectuons sont des soins programmés, ce qui nous a permis de

mettre en place un projet de service centré sur l’accueil de l’enfant, de sa famille et la prise en

charge de la douleur provoquée par les soins.

Cette démarche est une volonté des équipes médicales et paramédicales.

La prise en charge de la douleur débute dès la programmation du soin avec la prescription

d’Emla®, d’antalgiques à donner avant le soin à domicile, la distribution des petits

livrets «Sparadrap », associé à des explications.

Dans l’objectif d’une bonne prise en charge de la douleur, hormis les moyens

médicamenteux, nous utilisons des techniques de distraction et d’hypnoanalgésie.

Sous l’impulsion du Dr Langevin, pédiatre du service Grand enfants et présidente du CLUD,

une formation d’hypnoanalgésie a été dispensée par l’Institut Français d’Hypnose à 80 agents

des services de pédiatrie entre 2009 et 2012.

L’utilisation des techniques de distraction et d'hypnoanalgésie fait partie intégrante de nos

soins, nous les utilisons quotidiennement.

87

La distraction est devenue naturelle lors de tout soin provoquant une douleur ou une

appréhension, nous utilisons pour cela les bulles des savons, les chants, le kaléidoscope, les

marionnettes… et bien souvent les parents, en participant, deviennent acteurs du soin.

L’hypnoanalgésie peut être utilisée pour des ponctions veineuses mais est souvent réservée

aux soins les plus douloureux (pansements de brûlures, pansements de méchage) ou pour la

réalisation d’examens douloureux (cystographie, ponction sous scanner..) ou encore au cours

d’une consultation (migraine, algodystrophie…). Dans la majorité des cas, ces techniques sont

couplées à l’utilisation du MEOPA et associées si besoin à des antalgiques.

Parallèlement, à la demande de notre chirurgien pédiatrique, nous programmons des actes de

petite chirurgie sous hypnoanalgésie, MEOPA et anesthésie locale.

• Ongle incarné (4 ans)

• Nævus de l’avant-bras (14 ans)

• Reprise d’une cicatrice du cuir chevelu (10 ans)

• Ablation d’un doigt surnuméraire (3 ans)

• Corps étranger au niveau de la verge (5 ans)

• Ponction de lymphangiome abdominal (5 ans)

Ex : Ablation d’un hémangiome sternal chez un enfant de 5 ans. (Film)

Ces gestes sont réalisés dans un box de consultation, en présence des parents.

Une première prise de contact entre Nicole (l’auxiliaire de puériculture) et l’enfant et sa

famille est réalisée lors de la programmation du soin. L'hypnoanalgésie est présentée et

expliquée, l’enfant peut ainsi réfléchir au sujet qu’il souhaite aborder le jour de

l’intervention.

Ce jour-là, l’auxiliaire de puériculture et l’IDE se détachent pour ce geste, ce qui permet de

créer un contexte favorable dès l’accueil de l’enfant.

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De plus le chirurgien, qui adhère complètement à ces techniques, participe à la sérénité du

moment en communiquant silencieusement avec son personnel et seul la voix de Nicole

résonne dans la pièce.

De ce fait tout le monde se trouve apaisé par cette ambiance : enfant, parents et soignants.

Nous avons par ailleurs des retours très positifs des familles à travers leurs témoignages

écrits.

L’hypnoanalgésie nous permet donc de ne pas avoir recours à des hospitalisations en

ambulatoire et à des anesthésies plus lourdes, évitant ainsi le jeûne et permettant un rapide

retour à domicile.

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Utilisation de l'hypnose en pratique quotidienne

Elisabeth Barbier, Infirmière hypnothérapeute, Groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph

(GHPSJ), Paris 14e.

Présentation de la structure professionnelle

Le Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph est un hôpital privé à but non lucratif, participant au

service public hospitalier (PSPH).

Il est issu en 2006 de la fusion de trois hôpitaux du sud parisien fondés au 19ème siècle qui sont

Saint-Joseph, Notre-Dame de Bon-Secours et Saint-Michel auxquels s’ajoute le centre médico-

psycho-pédagogique et l’institut de formation en soins infirmiers (IFSI).

Le GHPSJ est administré et géré par la Fondation hôpital Saint-Joseph.

L’hôpital dispose de 534 lits d’hospitalisation conventionnelle (dont 44 pour la maternité) et de 76

lits d’hospitalisation ambulatoire.

Il pratique des tarifs conventionnés sans dépassement d’honoraires.

Vingt-cinq spécialités médicales et chirurgicales soignent dans un même lieu la majorité des

maladies. La complémentarité des équipes soignantes (médicales et chirurgicales) offre aux

patients une prise en charge globale et facilite le suivi de leur pathologie.

Dans cet établissement 33 professionnels sont formés à l’hypnoanalgésie (cf graphique 1) :

− 6 ont suivi une formation longue

− 27 ont suivi une formation courte de 7 jours

Par ailleurs, 3 professionnels sont en cours de formation et 2 sont formés à la sophrologie.

90

Graphique 1 : Professionnels formés à l’hynoanalgésie

11

20

2Médecins

Infirmères dont 5 IADE et 1 IDE expert

AS

Formation à l'hypnose suivie

J’ai suivi, de 2001 à 2003, une formation à la pratique de l'hypnoanalgésie et de

l'hypnosomatique à l’Institut Français d’Hypnose (IFH) à Paris, aujourd’hui domicilié dans le

10e arrondissement.

Cette formation est destinée aux médecins ainsi qu'aux différentes professions de la santé

sanctionnées par un diplôme d'état : sages-femmes, chirurgiens-dentistes, infirmières,

psychologues, psychomotriciens, kinésithérapeutes.

Elle apporte en 2 ans (soit 24 jours) des outils pratiques dans :

− L’optimisation de la relation thérapeute (soignant)/patient,

− Le traitement de la douleur aiguë et chronique,

− Le traitement de l'anxiété et du stress,

− Le traitement des troubles psychosomatiques.

Elle est validée par un diplôme de formation à l’hypnoanalgésie et à l’hypnosomatique

obtenu par la totale assiduité aux journées de formation et un retour régulier de sa pratique

clinique auprès des formateurs.

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Poste et missions

Je travaille au sein du GHPSJ depuis un an sur un poste transversal d’infirmière

hypnothérapeute, après une expérience d’environ 9 ans dans un centre de lutte contre le

cancer et je dépends du Département d’Anesthésie-Réanimation.

Mes missions sont diverses :

• Cliniques :

− Consultation d’hypnose médicale pour douleurs chroniques,

− Hypnoanalgésie dans les différents services (soins, examens douloureux..),

− Hypnosédation : endoscopie (coloscopies), bloc opératoire (résection de prostate au

laser, cure de hernie inguinale…).

• Pédagogiques :

− Formation interne d’hypnose conversationnelle pour l’ensemble des professionnels de

l’hôpital,

− Supervision et perfectionnement des personnels intra-hospitaliers formés à l’hypnose.

Utilisation de l'hypnoanalgésie dans les douleurs provoquées

Mon activité étant transversale, j’utilise l’hypnoanalgésie dans différents services

(réanimation polyvalente et post-opératoire, radiologie, médecine, chirurgie et oncologie…).

J’interviens généralement à la demande des équipes médico-soignantes et ne m’occupe pas de

la réalisation technique du geste ou du soin.

Les indications sont les suivantes :

− Soins de plaies douloureux et /ou anxiogènes

− Examens invasifs (ponction lombaire, biopsies et coloscopies pratiquées aussi sous

hypnosédation)

− Mobilisations douloureuses (toilette, kinésithérapie)

− Kinésithérapie respiratoire (dans le cadre d’une sternotomie)

Par ailleurs, je souhaite proposer au sein du GHPSJ la pratique de l’hypnoanalgésie en

association à l’anesthésie locale pour les poses de chambres implantables dont j’ai une

expérience de plusieurs années.

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Pour l’ensemble des indications citées précédemment, l’hypnoanalgésie permet de proposer

au patient une approche intégrant la globalité de l’individu et avec laquelle il peut se sentir

partenaire et acteur de ses soins.

CAS CLINIQUE : Soin de plaie douloureux

Mme E, 42 ans, trois enfants, traitée pour un cancer du sein par chirurgie, radiothérapie et

chimiothérapie est hospitalisée pour récidive locale sous-cutanée de la paroi thoracique droite

avec une plaie ulcéreuse, nécrotique, exsudative et douloureuse lors des soins quotidiens

Elle reçoit avant ses soins de plaie une pré-médication antalgique (Morphine® 10mg IV)

qu’elle tolère mal (nausées, sensations désagréables).

L’infirmière qui la prend en charge, ce jour-là, lui propose une séance d’hypnoanalgésie seule

(sans antalgique) avant et pendant le soin. Elle la sécurise en lui promettant d’arrêter le soin

s’il devient inconfortable à un moment ou à un autre et de recourir à l’antalgique

habituellement utilisé.

La patiente accepte malgré des réticences liées à une nature qu’elle qualifie de « speedée » qui

la fait douter de sa réceptivité à l’hypnose.

La séance est réalisée selon un schéma classique :

− Induction

− Dissociation et accompagnement en utilisant une image métaphore antalgique : « le

tissu protecteur »

− Retour à l’état de conscience ordinaire

Résultat :

• Très bonne gestion de la douleur (sensation de gêne ponctuelle)

• Absence d’effets secondaires

• Etonnement et satisfaction de Mme E de ce qu’elle vient de vivre dans son corps.

La technique sera renouvelée à sa demande une deuxième fois, après laquelle elle utilisera

l’autohypnose pour gérer des douleurs post-opératoires avec une utilisation réduite des

antalgiques prescrits.

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Utilisation de l'hypnose en pratique quotidienne

Brigitte Barbarelli, IDE Ressource Douleur, Clinique Arnault Tzanck,

St-Laurent-du-Var ( 06)

Infirmière depuis vingt-huit ans, cela fait treize ans que j'exerce comme infirmière référente

douleur à la clinique Arnault Tzanck de St-Laurent-du-Var ( 06).

La structure et sa politique de prise en charge de la douleur :

C'est une clinique médico chirurgicale privée à but non lucratif.

Elle emploie 550 salariés dont 360 médicaux et paramédicaux, pour une capacité

d'hospitalisation de 256 lits. L'activité est une activité de chirurgie générale et cardiaque, de

médecine, avec également une unité d'hémodialyse de 30 postes, un service de chirurgie

ambulatoire de 33 lits, et un service d'acceuil des urgences UPATOU.

Dès 1999, en application du premier plan de lutte contre la douleur (1998-2000), la direction a

choisi de créer un poste d'infirmière référente douleur (0,5 ETP), puis un deuxième en 2003

(0,75 ETP). Ces postes sont entièrement dédiés à l'amélioration de la prise en charge de la

douleur dans l'établissement. Ils complètent et coordonnent le travail de l'équipe du CLUDS.

Après 13 ans d'existence, la "culture douleur" proposée par le plan Kouchner est présente dans

l'établissement avec, entre autres :

- Des protocoles d'analgésie adaptés aux pratiques de la structure.

- En complément du suivi proposé par les équipes, pour les patients opérés, nous

réalisons ma collègue ou moi-même, une évaluation systématique à J1, avec une

adaptation du traitement antalgique, si nécessaire.

- Des évaluations approfondies ou bilan douleur, à la demande des médecins ou des

équipes, pour les douleurs chroniques et / ou rebelles.

- La naissance cette année d'une équipe douleur dans le service d'hémodialyse avec la

formation de 2 infirmières au DIU douleur et du temps dédié.

- De nombreuses enquêtes pour améliorer la prise en charge de la douleur, actuellement

le suivi de la douleur chez les patientes ayant bénéficié d'une embolisation pelvienne.

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- Et enfin, des formations sur le terrain et en externe.

Pour ce qui est de l'hypnose, plusieurs soignants, des médecins en particulier sont formés à

l'hypnose médicale. De nombreux infirmiers et aides-soignants ont reçu une formation

proposant des techniques de communication issues de l'hypnose, pour aborder différemment

le patient pendant le soin.

Pour ma part, après quelques années de pratique en tant qu'infirmière douleur, j’étais gênée

dans certaines situations quand les traitements et/ou la relation d'aide étaient insuffisants, où

le patient restait fixé dans et par son état douloureux. L'hypnose m'a paru être un outil adapté

pour explorer d'autres pistes.

Ma formation en hypnose Ericksonienne :

J'ai suivi une formation à l'Institut Milton H Erickson d'Avignon en Provence, en faisant le

choix d'un apprentissage en 4 modules (il en existe dix) répartis sur deux années (2007-2008).

Sur des sessions de 2 à 7 jours (116 heures au total).

Cet enseignement s'est déroulé de manière active, avec de nombreuses mises en situation, de

très nombreux exercices pratiques par petits groupes de trois "sujet, opérateur, observateur ".

Les modules choisis, dans l'ordre de mon apprentissage ont été :

- Techniques de métaphores, art du conte et imagination

- Initiation à l'hypnose Ericksonienne et aux thérapies brèves

- Analgésie, traitement de la douleur et hypnose

- Perfectionnement à l'hypnose Ericksonienne et aux thérapies brèves.

C'est une formation de base, elle se poursuit au jour le jour, au fur et à mesure des

expériences, des lectures, à mon rythme. Ma pratique est modeste et l'hypnose est pour moi

un outil parmis d'autres, même si cet enseignement a sérieusement modifié ma façon de

communiquer.

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Utilisation dans ma pratique :

- Au moment des entretiens d'évaluation, c'est l'hypnose conversationnelle que j'utilise, en

étant attentive au langage du patient, à ses images, surtout en l'observant (la règle des 3 "O"

de l'enseignement de M.H.Erickson, l'hypnose c'est : Observer, Observer et Observer encore

...) pour améliorer la relation thérapeutique, créer une situation propice au changement si

nécessaire.

L'évaluation de la douleur avec une échelle est, en elle-même, une situation hypnotique, elle

transforme quelque chose de flou, d'abstrait en quelque chose de concret et réel, dans le

moment présent. C'est une forme de dissociation.

Suivant les cas, pratiquée avec la conscience de ce phénomène, l'évaluation amène déjà un

certain soulagement.

- J'utilise souvent l'hypnose pour accompagner (attendre) l'effet d'une injection de morphine

(si la douleur est très forte) avec une suggestion sur l'effet escompté :

"Pour cette patiente souffrant d'un cancer colique métastasé, en attente des résultats de son

scanner. Après une injection de morphine pour une douleur dont elle dit qu'elle est "partout,

explosive , envahissante, insupportable".... je lui propose de l'aider en attendant l'action du

traitement... "l' attention est portée sur la respiration... et sur la douleur...... observer cette

douleur... lui donner une couleur... selon son choix... sur le rythme de la respiration qui

s'apaise... quelle couleur ?... et au fur à mesure qu'elle s'apaise... prendre un crayon, cerner

cette douleur, minutieusement en suivre les contours ..... la cerner, et au fur et à mesure que

la détente s'installe dans l'expiration... estomper le contour... Au bout d'une dizaine de

minutes, ça va déjà mieux, l'insupportable est passé... La patiente se sent d'attendre l'effet

complet du traitement, seule dans sa chambre.

A propos de la douleur provoquée par les soins :

L'hypnose est dans ce cas confortable à utiliser. Du fait de la programmation du soin, il existe

un temps pour faire connaissance avec le patient, et préparer l'évocation de sujets plaisants,

agréables.

En pratique j'interviens pour les pansements douloureux, quand les traitements

médicamenteux sont insuffisants, refusés ou mal tolérés. Et très souvent dans les cas où la

composante anxieuse est forte.

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Depuis deux ans nous avons la possibilté d'utiliser le MEOPA, au lit du patient. Dans la

mesure du possible, j'accompagne l'administration avec le conte d'une situation plaisante pour

le patient. L'effet du produit est accentué par les suggestions de confort, d'images et de

sensations agréables, le soin est mis à distance.

Avec ou sans MEOPA, les résultats sont en général satisfaisants pour le patient mais aussi

pour le soignant. Finalement tout le monde y trouve son "compte". C'est quand même plus

plaisant de mècher un pansement, dans l'imagerie des fonds marins, ou sur un marché coloré à

Bali ... Le calme et la détente qui en résultent, profitent à tout le monde et ressourcent tous les

acteurs du soin.

Je pense à Mme P. , atteinte d'un cancer de la vessie, métastasé avec envahissement des

racines sacrées, présentant des pics douloureux très forts. Les pansements de la cystostomie

s'avèrent excessivement douloureux malgré les morphiniques. Le MEOPA est prescrit au

décours du pansement, car la douleur est insupportable, Mme P est en pleurs. L'infirmière est

bouleversée... Pendant le soin, je parle à Mme P. de ses oliviers, des reflets argentés de leur

feuilles, des promenades sur les planches de sa campagne à St Vallier, dans le soleil ... elle

dira à la fin du soin... c'était comme une caresse... avec le sourire, et nous avec elle.

Ce sont toujours des expériences singulières, étonnantes, émouvantes.

En conclusion, l'apport de l"hypnose dans ma pratique d"infirmière référente douleur est très

satisfaisant, c'est une bonne clé pour débloquer certaines situations, d'une façon, rapide et

créative.

Dans la douleur provoquée par les soins, le patient tire profit de ce moment qui lui est

consacré, non seulement pendant le soin mais aussi après. En effet, cette expérience est la

sienne et il peut envisager de la reproduire à tout moment. Bien sûr il faut un entraînement

pour arriver à un résultat, mais savoir que cela est possible permet d'aborder plus calmement

les futurs soins.

Le propos de l'hypnose est le changement. Changement d'état de conscience, modification de

point de vue, autre façon de communiquer... C'est, il me semble une proposition intéressante...

à tous points de vue.