Droitcommercial Tds 2010

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  • Facult de droit

    Licence 2

    Droit des affaires 1

    Cours de M. Alexandre Duval-Stalla

    2010/2011

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    Madame, Mademoiselle, Monsieur, Les travaux-dirigs doivent vous permettent de complter et dapprofondir certains aspects du cours et surtout dacqurir des mthodes de travail. Au long de vos tudes et de votre vie professionnelle, vous retrouverez les notions juridiques tudies et vous vous servirez des raisonnements acquis notamment au cours de ce semestre. Il est donc important de prparer les sances de travaux-dirigs avec intrt et srieux. Plus prcisment, travailler une sance ncessite, dans un premier temps, une rvision du cours (la partie du cours devant faire lobjet dune rvision est indique dans chaque fiche). Cest seulement, lorsque vous aurez vrifi que le contenu du cours est compris et assimil que vous pourrez, dans un second temps, aborder les documents proposs. La lecture des documents doit tre active : vos capacits de comprhension, danalyse et de dduction doivent tre mobilises. Sil peut tre intressant de discuter de tel ou tel point avec un autre tudiant (la dialectique joue un rle important en droit), le travail est avant tout un travail personnel. Par ailleurs, ce travail doit imprativement tre fait par crit (sauf les lectures). La personne responsable de votre groupe de travaux-dirigs est susceptible de vous le demander chaque sance. Et, dans lhypothse, videmment exceptionnelle, o vous nauriez pas pu effectuer votre travail, vous devez informer votre charg de travaux-dirigs, ds le dbut de la sance, sous peine dtre sanctionn par un zro. Le droit repose sur le raisonnement et largumentation. Il est donc essentiel que les rponses que vous apportez (lors de la rsolution dexercices, de cas pratique, ) soient motives et que votre raisonnement apparaisse clairement. En trois mots, il vous est demand de faire preuve de rflexion, de clart et de rigueur. Futurs avocats, magistrats, juristes dentreprise, vous serez rapidement appels prendre la parole en public. Les travaux-dirigs sont un cadre o vous pouvez (et devez) apprendre vous exprimer devant dautres personnes. Comme leur nom lindique, les travaux-dirigs ne sont pas un second cours, mais des sances o une personne est charge de diriger vos travaux, cest--dire dapporter des lments de corrections et dventuelles prcisions et explications. Vous laurez compris, votre participation lors de la sance de travaux-dirigs doit ncessairement tre active et constructive. Je vous invite maintenant dcouvrir par vous-mmes, et avec laide de la personne responsable de votre groupe de travaux-dirigs, une matire, parfois droutante, mais toujours utile et intressante.

    Alexandre Duval-Stalla

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    Quelques conseils pour la prparation des travaux-dirigs 1) Le cours, la jurisprudence et la doctrine insres dans les fiches forment un tout cohrent. Chacun de ces lments doit permettre de mieux comprendre, dapprofondir lautre. Pour profiter pleinement du travail effectu, il est ncessaire de respecter un certain ordre dans la prparation du T.D. :

    dabord, la comprhension de lensemble du cours : chaque point particulier tudi par la suite le sera la lumire de lensemble de la matire expose dans le cours ;

    ensuite, ltude des documents : la jurisprudence et la doctrine sont l pour illustrer et approfondir certains points du cours ; et

    enfin seulement, les exercices. Leur rsolution sera grandement facilite par le travail pralable.

    Travailler chaque sance rgulirement facilite lapprentissage avant les examens. 2) Si vous prouvez des difficults pour la mthodologie du cas pratique, de la dissertation ou du commentaire, il faut en tenir compte ds le dbut des travaux-dirigs. La mthodologie relve en principe de la premire anne, nanmoins cest un point sur lequel il faut essayer de progresser pendant toutes ses tudes, cela vous sera profitable tout au long de votre carrire de juriste. Pour cela, il existe de nombreux ouvrages de mthodologie que vous pourrez trouver en bibliothque. Choisissez celui qui semble le mieux vous convenir. 3) Vous aurez le droit au code (sans aucune annotation personnelle) lors des examens. Il faut donc vous familiariser avec lutilisation du code avant lexamen. Prenez lhabitude de le consulter lors de la prparation du T.D. Bilan du 1er semestre de droit des affaires Il est bon, la fin du semestre, de faire le point sur lapprentissage dun enseignement. En effet, les notes ne sont quun reflet de ce qui a t vcu. Ce bilan est un exercice qui doit vous permettre dtre pleinement acteur de votre parcours universitaire. Voici quelques pistes pour vous aider : 1) Ai-je eu du got travailler cette matire ? Quest-ce qui ma plu ? Quest-ce qui ma dplu ? Pourquoi ? 2) Ai-je prouv des difficults dans lapprentissage de cette matire ? De quel ordre (mthodologie, apprentissage du cours, comprhension, ) ? 3) Quels moyens puis-je prendre pour essayer de rsoudre ces difficults (meilleure gestion du temps, autre organisation dans mon travail, rappels de mthodologie, ) ? 4) Concernant les mthodes de travail, quai-je appris au cours de ce semestre ? Quels progrs ai-je encore faire ? 5) Quels fruits, quels enseignements puis-je retirer de ce bilan pour lensemble de mes tudes ? Nhsitez pas partager ce bilan avec votre charg de travaux-dirigs ou avec le professeur damphi. Ils pourront peut-tre vous aider.

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    PLAN DES SEANCES DE TRAVAUX-DIRIGES

    THEMES DES FICHES

    Fiche 1 : Introduction au droit commercial Fiche 2 : Les actes de commerce Fiche 3 : La notion de commerant Fiche 4 : Le statut du commerant Fiche 5 : Lencadrement de lactivit commerciale Fiche 6 : Le rgime des actes de commerce Fiche 7 : La notion de fonds de commerce Fiche 8 : Les oprations portant sur le fonds de commerce Fiche 9 : Le bail commercial

    A NOTER : Sauf modification :

    une interrogation aura lieu lors de la cinquime sance de travaux-dirigs. Pour cette interrogation, il sera ncessaire de rviser tout ce qui aura t vu prcdemment dans le cadre du cours et des T.D. Les notes de cette interrogation seront rendues au cours de la 7me sance.

    une sance la fin du semestre est rserve un galop dessai . En principe, lensemble des groupes de travaux-dirigs seront rassembls pour cet examen. L encore, ncessit de rviser tout ce qui aura t vu avant le galop dessai. Les notes du galop dessai seront rendues lors de la dernire sance de travaux-dirigs.

    Ces informations sont destines vous permettre de vous organiser dans votre travail.

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    FICHE N1 INTRODUCTION AU DROIT COMMERCIAL

    I / Rvision du cours Introduction du cours. II / Exercices A / Dfinitions du droit commercial Document 1 : Remarques pour servir une dfinition du droit commercial par P. Didier, Dalloz 1962, chron. p.221. A partir de ltude du Professeur Paul Didier (doc. 1), vous rpondrez aux questions suivantes :

    Le droit commercial constitue-t-il un systme ? Quels sont les critres susceptibles de dfinir le droit commercial ?

    B / Les sources du droit Approfondissement : Les usages La notion dusage.

    Document 2 : Cass. Com., 13 mai 2003, Dalloz 2004.414, note J.-M. Bahans et M. Menjucq : La reconnaissance dun usage commercial comme rgle de droit ( propos du courtage en vins en Bordelais).

    A partir de la note sous arrt de Mrs Bahans et Menjucq, vous prciserez la distinction entre usage de fait et usage de droit. Le champ dapplication de lusage commercial

    Document 3 : Cass. Com., 10 janvier 1995, Dalloz 1995.229, note Ch. Gavalda. Linvalidation par les tribunaux de lusage contraire la loi.

    Exemple dusage commercial

    Document 4 : Cass. Com., 21 avril 1980, Bull. civ. IV, n158 : La solidarit. La lex mercatoria

    Document 5 : Cass. Civ. 1re, 22 octobre 1991, Bull. civ., I, n275, p.182. Pour chacune des dcisions de la fiche, vous prsenterez clairement la question de droit et la rponse qui y est apporte par la juridiction saisie. Pour larrt rendu par la chambre commerciale le 21 avril 1980 (doc. 4) vous : dfinirez la solidarit prciserez si la solidarit en droit commercial est un usage praeter legem,

    contra legem ou secundum legem. A quel besoin de la vie des affaires la conscration de cet usage rpond-elle ?

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    III / Documents Document 1 : Remarques pour servir une dfinition du droit commercial par P. Didier, Dalloz 1962, chron. p.221.

    La dfinition du droit commercial est un problme qui reste pos. Priodiquement, des auteurs sy essaient. Hier, la doctrine se partageait entre lide de circulation et celle de spculation, celle-l soutenue par Thaller et celle-ci esquisse par Lyon-Caen et Renault. Aujourdhui, cest entre un systme dit objectif et un systme aussitt qualifi de subjectif par opposition au prcdent, que linterprte hsite. Le doyen Ripert stait fait le champion de cette seconde conception, combattu, jusque dans les Mlanges qui lui furent offerts, par le doyen Hamel qui voyait dans le droit commercial le droit commun des affaires. Un peu en marge, Escarra proposait la notion dentreprise comme critre du droit commercial. Et un auteur, dans un brillant essai, dploya une dialectique qui fut juge marxiste, pour dmontrer en somme que le droit commercial tait lun des aspects juridiques du capitalisme moderne (1).

    Assurment, cette grande diversit de thories et lclat de leurs auteurs manifestent lintrt

    tenace que la doctrine porte au problme. Mais, le nombre mme des thses soutenues prouve quaucune na t vritablement accepte par la commune opinion des juristes et que toutes, aprs un temps de succs, ont connu le sort quelles avaient dabord inflig leurs devancires. Nous voudrions, dans cette chronique, non point certes proposer une nouvelle thorie ou une nouvelle dfinition aprs tant dautres, illustres, mais poser le problme, rappeler les opinions actuellement en circulation, indiquer en quoi elles ont chou rendre compte de la ralit et tenter de dire pourquoi, notre sens, elles y ont chou.

    Lnonc du problme est connu et il est simple. Il existe dans le droit positif franais un ordre juridique partiel, appel droit commercial, qui rgit peu prs les mmes actes que le droit civil (par exemple les contrats de vente, de socit, de gage, ou les voies dexcution), mais les soumet des rgles qui diffrent, plus ou moins, de celles formant le droit priv commun. Quel est le critre de la comptence lgislative de cet ordre juridique commercial ? De mme, il existe dans le droit positif franais des juridictions exceptionnelles, appeles tribunaux de commerce, qui connaissent de procs analogues ceux soumis aux juridictions civiles ordinaires ; mais, les tribunaux de commerce sont organiss selon des principes et fonctionnent selon une procdure qui ne sont point ceux des tribunaux civils de grande instance. Quel est le critre de comptence juridictionnelle de ces tribunaux dexception?

    Un premier point parat acquis. Les juridictions commerciales sont apparues dans le mme temps que le droit commercial ; elles sont charges de lappliquer et rciproquement celui-ci est souvent n de leur jurisprudence : lopinion commune admet sans discussion - et nous admettrons avec elle - que les critres de comptence lgislative et juridictionnelle, distincts lanalyse, concident dans les faits et que les deux problmes noncs ci-dessus peuvent tre traits ensemble dune manire indivise. Mais, les difficults commencent aussitt quil sagit dune part de dterminer, dautre part de dfinir ces critres de comptence lgislative et juridictionnelle. La doctrine hsite pour savoir si le droit commercial est le droit des actes de commerce ou celui des commerants et, ce premier choix fait, elle demeure incertaine sur le sens exact quil faut attacher aux mots dacte de commerce ou de commerant. Car le code de commerce est ambigu et cette ambigut a t exploite de manire divergente par la jurisprudence et par la doctrine.

    Une lecture ingnue du code donnerait penser tout dabord... que celui-ci a retenu non pas un mais deux critres de la comptence lgislative et juridictionnelle : selon les cas, la nature de lacte en cause ou la qualit de son auteur. Ainsi, larticle 109 du code de commerce1 vise explicitement un acte, larticle 437 une personne. De mme la comptence juridictionnelle se dtermine en considration soit de la nature de lacte litigieux (art. 631, al. 3) soit de la qualit des personnes parties au litige (art. 631 - I). Mais il ny a l quune apparence, dit-on, et les deux critres aperus nen forment quun. En effet, dans le code de commerce, il existe, entre ces deux critres, une relation de subordination : lune des notions est seule originaire, lautre nest que drive. Plus prcisment, lune se dfinirait par lautre et cest la notion mre quil importe seule disoler. Malheureusement, ici les choses se compliquent car lanalyse du code ne permet pas de discerner avec certitude quelle est la

    1 Actuellement, article L. 110-3 du Code de commerce.

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    notion mre, quelle est la notion drive. Certaines dispositions semblent faire de la notion dacte de commerce celle do se dduit lautre. Ainsi, le code donne larticle 6322 une liste des actes de commerce et dispose par ailleurs que les commerants sont ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle (art. 1). Du rapprochement de ces deux textes il rsulte que le critre de comptence est constitu par la nature de lacte en cause et que cette nature se dfinit mcaniquement par rfrence la liste lgale considre comme limitative, sinon comme dinterprtation stricte. Hlas ! ce schma ne rend pas compte de toutes les dispositions du code. Il en est dautres qui sinspirent dun modle apparemment contradictoire. Ainsi, dans les articles 631, al.

    1er, 632, in fine, 638, al. 1er, cest la notion dacte de commerce qui apparat comme subordonne celle de commerant. Il est vrai que pour tre complet, ce systme dexposition devrait comporter au dpart une liste des commerants ou des activits commerciales, liste qui occuperait dans cette deuxime construction la position tenue dans la premire par la liste des actes de commerce qui figure larticle 632. Or cette liste manque au code de commerce et la deuxime mthode dexposition ne se dveloppe pas jusqu son terme. Il reste cependant quelle explique seule nombre de dispositions du code et que linterprte ne peut la ngliger.

    Et pourtant, cest prcisment un choix que la doctrine a voulu faire entre les deux systmes lgislatifs et elle sest aussitt divise. Une conception dite objective estime que la construction rationnelle du droit commercial devrait se fonder sur la liste des actes de commerce, do se dduirait ensuite la notion de commerant, cependant quune conception dite subjective part dune liste des professions commerciales pour dfinir ensuite lacte de commerce comme celui fait par le commerant pour les besoins de son activit. Et comme le code de commerce utilise tour tour ces deux procds ainsi quon la dit, lune et lautre thorie y puisent des arguments mais y rencontrent des objections et toutes deux saccordent finalement reconnatre que la matire est remplie dincohrences et dobscurits. La querelle mthodologique se nourrit dailleurs darrire-penses politiques. La thorie subjective, qui maintient ferme la distinction du droit civil et du droit commercial, rve de restituer ce dernier la forme dun droit corporatif ou professionnel, qui fut la sienne, semble-t-il, sous la Monarchie. La thorie objective, au contraire, fidle aux intentions du lgislateur rvolutionnaire, veut ouvrir tous ce droit devenu le droit des affaires et travaille finalement raliser son profit lunit du droit priv.

    Plus empirique, plus raliste aussi et finalement plus hardie, la jurisprudence sest refuse tout choix explicite. Mais sur deux points essentiels, elle a innov ou, du moins, elle a su dvelopper avec habilet certaines ides bauches par le code. Dune part, elle a jug que des actes ne figurant pas dans la liste de larticle 632 pourraient tre considrs comme des actes de commerce si leur auteur tait commerant et avait agi dans lintrt de son activit professionnelle. Dautre part et rciproquement, elle a estim que des actes inscrits larticle 632 pourraient tre cependant traits comme des actes civils si leur auteur les avait fait accidentellement et sans avoir lordinaire le comportement dun vritable commerant. Double innovation connue sous le nom de thorie de laccessoire et qui apporte lensemble du problme des lumires dont la doctrine na peut-tre pas su profiter compltement.

    Telles sont les sources, avec leurs incertitudes, et ce sont ces sources quil nous faut analyser pour en tirer quelques remarques que nous voudrions faire servir la dtermination et la dfinition des critres de la comptence lgislative et juridictionnelle du droit commercial et des juridictions consulaires.

    Donc, deux conceptions sopposent en doctrine et leurs divergences portent sur deux points. La thorie objective enseigne que le caractre commercial dun acte rside dans sa nature intrinsque ou, si lon prfre, quun contrat isol peut tre qualifi dacte de commerce raison du particularisme de ses lments constitutifs. Au contraire, cest dans les conditions extrinsques de leur conclusion et plus prcisment dans le fait que certains actes, unis dautres, sont les lments dune activit qui les intgre mais les dpasse, que la thorie subjective trouve la raison des diffrences de rgime qui sparent les actes civils et les actes de commerce, dont elle affirme, au contraire, lidentit intrinsque. A quoi il faut ajouter que la thorie objective conteste au droit commercial le caractre de droit professionnel que la thorie subjective lui reconnat.

    2 Actuellement, article L. 110-3 du Code de commerce.

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    A) Cest, notre sens, limmense mrite de la thorie subjective et du doyen Ripert que davoir tabli solidement cette ide quil nexiste point dactes de commerce par nature, mais seulement des actes de commerce par accessoire et davoir affirm que les actes juridiques reoivent leur qualification de leur appartenance un ensemble dactes ou, mieux, une activit. Et, cest la grande faiblesse de la thorie objective de navoir pas compris quune variation dans le nombre des contrats avait une incidence directe sur leur qualification ou, encore, que lactivit est une ralit dun autre ordre que les actes qui la constituent. En vrit, les mmes actes juridiques sont qualifis dactes civils ou commerciaux selon quils sont isols ou intgrs une activit et ce nest pas dans leur texte, mais dans leur contexte, que se trouve la raison des diffrences de leur qualification. Ce contexte, cest prcisment lactivit commerciale qui consiste au minimum dans la rptition dun mme acte, le plus souvent dans un ensemble dactes varis et complmentaires et toujours dans une multiplicit sinon qualitative du moins quantitative. Cette notion dactivit commerciale, par rapport laquelle se dfinit

    dj le commerant (art. 1er c. com.), est aussi le vritable support de la notion dacte de commerce.

    Aux arguments avancs par le doyen Ripert, quil nous soit permis den ajouter quelques autres. La thorie objective entend sappuyer sur le code de commerce et plus particulirement sur son article 632. Or, lexpression dacte de commerce, dans cet article, est incertaine. Elle dsigne parfois un acte juridique au sens technique et prcis du terme : ainsi lorsque larticle 632 parle de courtage, de change ou de lettre de change. Mais les hypothses o le mot dacte est pris dans son sens troit sont lexception. Dans la majorit des cas, le mot est entendu comme synonyme dactivit. Cela est clair chaque fois quil est question dentreprise, mais cela demeure vrai mme dans dautres cas. Ainsi, lachat pour revendre nest certainement pas un acte juridique au sens technique du terme : il est la somme de deux actes successifs, lachat dune part et la vente dautre part, cest--dire quil constitue un commencement dactivit, dautant plus quentre lachat et la vente peuvent intervenir dautres contrats ncessaires la transformation de la chose. De mme, les oprations de banque sanalysent pour la plupart, soit en un dpt soit en un prt. Mais il ny a opration de banque que si ces deux actes juridiques sont lis entre eux et si le montant du dpt est utilis pour lacte de prt. Et comme tous les conomistes enseignent quune telle utilisation du dpt nest possible que dans la mesure o le nombre de ceux-ci est lev, il en rsulte trs directement que les oprations de banque impliquent

    une activit (Comp. la dfinition contenue dans lart. 1er de la loi du 13 juin 1941). A quoi lon pourrait ajouter, bien sr, tous les articles du code qui se rattachent directement la construction subjective et les rserves que lincertitude des textes fait peser sur leur autorit. Mais laissons l ces querelles dexgte. La jurisprudence dite de laccessoire - qui nest pas une jurisprudence accessoire - traduit cette ide quil ny a dacte de commerce ou dacte civil qu raison de lactivit commerciale ou civile de leur auteur. Car la jurisprudence de laccessoire ne juge pas, comme on a tendance le dire quelquefois, que les actes sont civils ou commerciaux parce quils sont faits par des commerants ou par des non commerants. Elle affirme avec beaucoup plus dexactitude que la qualification dun acte dpend de lactivit laquelle il sintgre, tout comme la qualit dune personne dpend de lactivit laquelle elle se livre (2). Aujourdhui cette ide commence tre reue dans la doctrine. Cest elle qui inspire Escarra son critre tir de lentreprise. Un texte en fait foi : La notion vritable, celle qui la toujours emport traditionnellement, cest la notion de profession, celle laquelle mme les rdacteurs du code nont pu renoncer. Cette notion beaucoup plus large que celle dacte de commerce, se caractrise par lexistence de faits extrieurs attestant quun individu accomplit des actes de commerce, non pas titre accidentel mais dune manire habituelle et concerte, professionnelle, mthodiquement agence. Et rcemment M. Houin crivait : En ralit, la commercialit est lie la rptition de lacte et lactivit professionnelle de lauteur de cet acte ; les diffrents actes numrs par larticle 632 du code de commerce ne sont commerciaux que sils sont faits habituellement par un professionnel ; la chose est certaine pour les entreprises, mais elle lest aussi pour lachat pour revendre ou pour les oprations de banque, de change ou de courtage ; seule la signature dun effet de commerce peut tre un acte de commerce isol, mais larticle 632 le dit expressment en prcisant que cest un acte de commerce pour toute personne. De mme M. Rodire crit : Dans la conception objective, ces actes devraient conserver leur caractre commercial mme sils taient faits par un non commerant. Telle nest pas la solution. Et lminent auteur ajoute : Dune part, certains de ces actes qualifis dentreprises ou dtablissements par la loi supposent quils sont faits titre professionnel par des commerants. Dautre part ceux pour lesquels cette condition nest pas exige... ne sont pratiquement jamais considrs comme actes de commerce quand ils sont faits titre isol par un non commerant (3). Cette convergence de la loi, de la jurisprudence et de la doctrine se comprend aisment. Les diffrences de rgime tablies entre lacte de commerce et lacte civil, entre le commerant et celui qui ne lest pas, correspondent exactement aux diffrences qui sparent lactivit de lacte isol. Par exemple, la preuve crite requise pour un acte civil, cest--dire un acte isol,

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    devient trop lourde lorsque les contrats sont appels se multiplier. Et les prcautions probatoires qui se justifient lorsque les parties sont inexpertes, nayant point lhabitude de passer des actes juridiques, deviennent inutiles lorsque ces mmes parties font mtier de contracter. Le doyen Hamel caractrisait lesprit du droit commercial par le dsir de rapidit et le besoin de scurit. Mais le dsir de rapidit nat du nombre des actes accomplir et le besoin de scurit des risques de la rapidit.

    B) Est-ce l donner son adhsion la conception dite subjective ? A notre avis non. Tout dabord parce que cette conception est mal nomme et na pris son titre que pour mieux sopposer la conception dite objective. Or, si le propre de la prtendue conception subjective est de substituer la notion dactivit commerciale celle dacte de commerce, cette thorie mrite le qualificatif dobjective autant et peut-tre mme plus que ne le mritait la thorie quelle combat. Et surtout, il y a dans la thorie du doyen Hamel, une ide politique qui nous parat extrmement forte : cest que la plupart des personnes sont de nos jours gagnes la vie des affaires, que le droit commercial pntre aujourdhui dans toutes les activits conomiques des pays civiliss et quil nest donc pas et ne doit pas devenir un droit professionnel.

    Le doyen Ripert prtendait le contraire : Du moment que lon admet lexistence dun droit commercial distinct du droit civil, crivait-il, on est ncessairement conduit donner ce droit le caractre dun droit professionnel (4). Laffirmation est quivoque car elle na pas le mme sens ni la mme porte selon que lon donne du droit professionnel une dfinition matrielle ou formelle. Si lon retient une dfinition matrielle de la profession, laffirmation prcite signifie simplement que le droit commercial rgit les seules personnes qui se livrent une activit commerciale dune manire un peu suivie, par opposition celles qui font un prtendu acte de commerce dune manire accidentelle ou occasionnelle. Au contraire, si lon prend la notion de profession dans son sens formel, le droit commercial devient en outre un droit corporatif rserv aux seuls membres de professions dfinies et juridiquement structures. Corrlativement, le droit civil apparat comme le rgime propre aux professions civiles et la dualit actuelle de notre droit priv se trouve fortifie par la dualit des types dorganisation professionnelle. La premire de ces deux propositions nous parat exacte comme nous lavons dit plus haut et nous convenons volontiers que le droit commercial est un droit professionnel au sens matriel du terme. Mais cest la seconde proposition qui traduit la pense profonde du doyen Ripert et cette seconde proposition, qui nest pas toujours trs bien distingue de la premire et fait son chemin la faveur de lquivoque ainsi entretenue, nous parat fort contestable, car elle ne correspond ni notre droit positif (5) ni surtout au mouvement gnral de lHistoire. La Rvolution, en supprimant les corporations, a bris le lien qui unissait peut-tre, sous lAncienne Monarchie, le droit commercial au corporatisme et, de nos jours, le divorce est all saggravant, malgr un certain renouveau de lorganisation professionnelle. Car le droit commercial na cess dtendre son empire. Alors quil contenait seulement autrefois les rgles de la profession de commerant et des oprations que les commerants taient seuls pratiquer, il a conquis un rle prpondrant et tend rduire par son expansion lapplication des rgles gnrales du droit civil... Il est aujourdhui le droit de toutes les relations conomiques. Il a impos son esprit et sa technique au droit civil. On a pu dire que le droit civil se commercialise et quil faut dsormais avoir la conception dun droit nouveau qui a t dnomm droit des affaires ou droit conomique. Cest le doyen Ripert lui-mme qui a crit ces lignes magistrales dans sa prface au Rpertoire de droit commercial dont il assurait, avec M. Verg, la direction. Mais, sil en est bien ainsi, il y aurait manifestement plus dinconvnients que davantages fermer la frontire qui spare le droit civil du droit commercial. A linstar des lgislations trangres, cest lunit du droit priv plus qu sa division quil nous faut travailler et pour cela il importe que le droit commercial ne devienne pas un droit professionnel au sens que le doyen Ripert donne ce mot. Ctait lide du doyen Hamel et, nous semble-t-il, la vrit de la thorie objective.

    Nous avons fait un long dtour pour rsoudre le problme de la dtermination du critre de comptence. Ce dtour nous a montr que les notions de commerant et dacte de commerce ntaient pas en relation de subordination, comme laffirmait la doctrine unanime sans dailleurs pouvoir prciser le sens de cette subordination. Ces deux notions nous sont apparues places sur un mme plan et subordonnes, lune et lautre, une mme troisime notion qui est celle dactivit commerciale. Ds lors le droit commercial peut tre considr indiffremment comme le droit des commerants et comme celui des actes de commerce et lon comprend que le code ait eu recours, selon les besoins, lun ou lautre critre, comme nous lavons signal plus haut. Il a retenu la notion de commerant quand la rgle dicte concerne lensemble de lactivit, ainsi des rgles de faillite, car la personne du commerant est le support de cette activit avec laquelle elle se confond pour partie. Au contraire, il a fait appel la notion dacte lorsque la rgle, ainsi des rgles de preuve, concerne telle ou

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    telle manifestation juridique concrte. Et il a utilis indiffremment lun ou lautre critre, ainsi dans larticle 631, lorsquil ny avait aucune raison particulire de choisir.

    Reste alors dfinir les concepts de commerant et dacte de commerce et, pour commencer, celui dactivit commerciale do les deux prcdents drivent.

    Une question se lve aussitt. Tenter de dfinir le critre de comptence, cest admettre

    implicitement que les actes de commerce obissent une ide densemble et forment un systme cohrent. Car, sil en tait autrement, toute tentative de dfinition serait vaine et il faudrait bien se contenter dune liste par hypothse arbitraire. Or, ce systme cohrent existe-t-il ? La doctrine dans son ensemble en doute. Le doyen Ripert crit : Le domaine du droit commercial est dlimit dune faon arbitraire. Il ne saurait en tre autrement. Le droit commercial nest que la runion des exceptions apportes aux rgles du droit civil dans lintrt du commerce. Il est compos de pices distinctes... La doctrine fait appel des ides abstraites ; et comme elle propose de reconnatre les commerants aux actes quils font, elle a cherch dans tous les actes de commerce soit une ide de spculation soit une ide de circulation. Mais ce sont l des notions conomiques. Comment peut-on trouver la conception commune doprations si diffrentes que celles qui sont faites par des marchands dtaillants, des banquiers ou des transporteurs ? Aucune ide gnrale ne couvre la vaste tendue des oprations commerciales. Il existe des oprations commerciales trs varies mais pour lesquelles il ny a pas de notion commune. Les articles 632 et 6333 en donnent une numration qui est fort mal prsente et fort incomplte. Lusage est dun plus grand secours ; encore que parfois il soit lui-mme indcis. (6) Une ide analogue se trouve chez Lyon-Caen et Renault. (Il y a) des actes qui, peu diffrents les uns des autres au fond, sont considrs par la loi les uns comme des actes de commerce, les autres comme des actes civils ; la distinction ne sexplique que par lutilit plus grande quil y avait aux yeux du lgislateur soumettre les premiers aux rgles du droit commercial (7). Au contraire, Thaller, qui seul se pose la question clairement, y rpond par laffirmative. Il le fait dailleurs en des termes remarquables car il admet la fois lexistence dune structure logique sous-jacente et quelle demeure inconsciente tous et mme au lgislateur qui lofficialise. On a essay de rattacher les actes multiples runis dans cet article (art. 632) une notion systmatique... Quand il serait vrai que le lgislateur a t exempt de cette pense et que lnumration lgale ne procde daucune ide gnrale dont ses rdacteurs aient t conscients, il reste nanmoins exact, lanalyse, que tous les actes noncs dans la loi se plient (une) notion et quils en remplissent entirement le cadre (8).

    Cette dernire affirmation nous parat, au dpart, la seule acceptable et cela pour trois raisons au moins. En premier lieu, amputons par la pense larticle 632 de la moiti de son contenu, par exemple de toutes les oprations de banque et de bourse qui seraient dclares de droit civil. Chacun sent bien que la physionomie gnrale du droit commercial serait bouleverse. Supposons une opration inverse et quun contrat du droit civil, par exemple le contrat de donation, soit ajout larticle 632 : ici encore nous sentons confusment quune telle dcision serait difficilement acceptable. Autrement dit, nous voyons bien que larticle 632 ne peut pas tre modifi arbitrairement et, sil en est ainsi, cest quil nest pas arbitraire lui-mme, au moins dans son principe. Les activits commerciales constituent donc un systme, mais dont nous avons si peu conscience que nous en venons douter de son existence. Cest ce que Thaller disait, en dautres termes. En second lieu, si larticle 632 tait arbitraire, il resterait encore expliquer cet arbitraire. Car larticle 632 nest pas n de la fantaisie dun homme : il est loeuvre du temps. Lyon-Caen fait allusion lutilit quil y avait aux yeux du lgislateur soumettre tel ou tel acte, aux rgles du droit commercial. Mais ce nest pas le lgislateur qui a dcid ces choses, cest lusage, comme dirait le doyen Ripert, ou plutt la raison de lusage, car par lui-mme lusage manifeste et impose mais ne justifie pas. Enfin, - considration gnrale - la science na progress que parce que des hommes ont pari en faveur de la rationalit de lobjet tudi. Et il serait curieux que la raison ne se retrouve pas dans des constructions qui sont ses oeuvres, alors quelle se meut laise dans les phnomnes de la nature, qui lui sont extrieurs. Sil faut parier, cest le pari de Thaller quil est fcond dengager. La chose est si vraie que les auteurs, dans leur majorit, ont multipli les tentatives, mme sans y croire tout fait, pour prsenter un systme o toutes les activits commerciales viendraient sordonner naturellement et do les activits non commerciales se trouveraient rejetes tout aussi naturellement. Trois tentatives mritent un examen particulier.

    a) la dfinition du droit commercial tire de lide de circulation : Elle est loeuvre de Thaller dont lexpos, que nous suivrons pas pas, nous parat se dcomposer en trois tapes. Thaller

    3 Aujourdhui article L. 110-2 c. com.

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    commence par crire : En droit comme en conomie politique, le commerce consiste dans la circulation des produits, de largent, des titres fiduciaires. Le droit commercial est la branche du droit qui gouverne cette circulation. Chez le producteur le produit nest pas encore dans le commerce. Chez le consommateur il ny est plus. Entre ces deux hommes stablit toute une filire dactes. Ces actes constituent le commerce. Notons ici que Thaller avance le mot de circulation mais ne le dfinit point ? Il est vrai que ce mot peut paratre suffisamment explicite par lui-mme. Ne chicanons donc pas, dautant plus que si Thaller ne prcise pas le sens quil donne au mot de circulation, il laisse trs clairement apercevoir le rle quil lui attribue. Pour Thaller, le critre de circulation traduit lide que le commerce se dfinit par la nature des tches qui le constituent. Dans lensemble des oprations par lesquelles lhomme impose sa volont la nature et la soumet ses besoins, Thaller isole celles qui consistent dans le transport matriel et le transfert juridique de la proprit de produits finis et, cette premire tape du raisonnement, prend le mot de commerce comme synonyme de distribution ou, si lon prfre, de commerce par opposition lindustrie.

    Ici Thaller se heurte une difficult : cest que prcisment le commerce au sens juridique du terme inclut lindustrie, et cela cause quelque gne lauteur. On est de prime abord surpris, crit-il, de voir le commerce comprendre lindustrie dans son champ lgal dapplication : les conomistes opposent plutt entre elles ces deux formes dactivit. Mais cette gne avoue, Thaller sempresse de surmonter lobstacle. Le dsaccord entre le droit et lconomique politique nexiste qu la surface. Dabord quoique la nature du service rendu la socit ne soit pas identique chez celui qui change le produit et chez celui qui le faonne cela ne les empche pas tous deux de recourir au crdit. On remarquera aussitt que cette premire raison, si elle tait seule retenue, fausserait le systme de Thaller. En effet ce systme repose sur la considration de la nature des tches effectuer et pas du tout sur la manire dont ces tches sont accomplies. Justifier lintgration de lindustrie dans le commerce par la considration du recours au crdit, cest videmment changer de critre en cours de raisonnement. Mais Thaller poursuit : Puis lindustriel ou le manufacturier a deux rles. Cette fonction nest pas la mme lorsquon le suppose en rapport avec le march du produit sur lequel son industrie sexerce, ou bien avec le personnel de main-doeuvre quil emploie. Au premier point de vue (le seul qui nous intresse ici) il concourt faire parvenir le produit sa destination dernire : cest une fonction de commerce non seulement parce que la loi le dit mais parce quil est logique de le dcider ainsi. Ce deuxime argument nest pas ngligeable ; mais il aurait besoin dtre prcis. Car sil suffit un producteur pour devenir commerant de faire parvenir ses produits leur destination dernire, on ne voit pas de producteurs qui ne mritent dtre appels commerants. Or Thaller nignore pas que les professions agricoles sont des professions civiles.

    Aussi, et cest la troisime tape de son raisonnement, tente-t-il de justifier leur exclusion du monde commercial. La vente cesse dtre un acte de commerce, crit-il, lorsquelle na pas besoin dun achat comme premire partie. Il y a des personnes qui vendent des produits sans avoir les acheter. Elles coulent alors des produits de leur propre fonds. Lopration demeure civile. Il en est ainsi des exploitations agricoles. Le cultivateur, propritaire ou fermier, qui vend ses rcoltes, ses bls, ses produits dindustrie marachre, naccomplit pas un acte de commerce, il nest pas commerant

    (art. 638, al. 1er) . On pourrait objecter tout dabord quun agriculteur achte des semences et des engrais, tout comme un industriel achte des matires premires et que la description des faits prsente par Thaller est inexacte. Mais surtout, on observera que Thaller ne propose, en fait, aucune explication de lexclusion des agriculteurs du monde du commerce ou plutt lexplication consiste dans la rfrence larticle 638. Cette dmarche est surprenante de la part dun auteur qui a commenc par affirmer que la liste des actes de commerce formait un tout cohrent : sabriter derrire la lettre des textes aprs avoir admis que ces textes tiraient leur autorit de la nature mme des choses est assurment laveu dun chec. Thaller a commenc par donner une dfinition trop troite du commerce, dfinition qui excluait lindustrie ; puis il lui a substitu une dfinition trop large qui inclut lagriculture : la vrit finalement lui a chapp (9).

    b) la dfinition tire de lide de spculation. Elle a t propose par Lyon-Caen et Renault : Dune faon gnrale, crivent-ils, au point de vue de nos lois, le commerce est lensemble des oprations ayant pour but de raliser des bnfices en spculant sur la transformation des matires premires ou des produits manufacturs, sur leur transport ou sur leur change. Le droit commercial est lensemble des rgles juridiques applicables ces oprations, les actes de commerce, et aux personnes qui font profession de sy livrer, les commerants. Le critre propos par Lyon-Caen diffre profondment de celui suggr par Thaller. Ce dernier dfinissait les oprations commerciales daprs leur fonction conomique. Au contraire Lyon-Caen les caractrise par lesprit dans lequel leur auteur

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    les accomplit. Le critre de Thaller est conomique, celui de Lyon-Caen est psychologique. Cest notre sens une faiblesse car la psychologie des hommes est incertaine et offre un fondement peu solide une construction aussi complexe que celle du droit commercial. Mais laissons parler Lyon-Caen. En effet, il crit un peu plus loin : On a souvent essay dindiquer les caractres distinctifs communs tous les actes de commerce. On a dit que ce qui caractrise ces actes, cest quils sont des actes de spculation, cest--dire ayant pour but la ralisation dun bnfice en argent. Ce but se rencontre il est vrai dans presque tous les actes de commerce. Mais il ny a pas l un lment essentiel se trouvant seulement dans les actes de commerce et se trouvant mme dans tous les actes de commerce. Dun ct, il y a de nombreux actes nayant rien de commercial qui impliquent une spculation. Ainsi le fermier, en prenant bail un fonds rural, spcule en ce sens quil se propose de raliser des bnfices grce la diffrence entre ce quil est oblig de dbourser pour le fermage et pour les frais dexploitation, et ce quil retirera de la vente des produits de la terre. Il est pourtant certain quil ne fait acte de commerce ni en louant la ferme ni en vendant les rcoltes. Dun autre ct, si presque tous les actes de commerce sont des actes de spculation, il en est qui nont pas pour but la ralisation dun bnfice ; tels sont la souscription et lendossement dune lettre de change. Est-il utile dentreprendre la critique dune thorie qui reconnat elle-mme, avec de si bons arguments, son mal-fond ? (10)

    c) La dfinition tire de lide dentreprise. Elle est luvre dEscarra. Le souci de cet auteur est de dterminer un critre juridique de la commercialit, par opposition aux critres conomique ou psychologique des auteurs prcdents. Ce critre serait pour Escarra la notion dentreprise, quil emprunte larticle 632 du code de commerce et dfinit en somme comme la rptition professionnelle dactes de commerce, reposant sur une organisation prtablie. Escarra nindique pas les raisons qui lont conduit cette conclusion ; mais la dmarche est claire. Escarra veut faire entendre quil ny a dacte de commerce que l o se rencontre une rptition de certains actes juridiques. Lide dorganisation prtablie qui parat dabord comme une rserve destine exclure du droit commercial les activits de petite importance et qui, sous cette forme, ne trouverait aucun fondement dans notre droit positif, nous semble plutt destine renforcer lexigence dune rptition sans y apporter rellement dlment nouveau. Sur lide elle-mme nous nous trouvons pleinement daccord avec Escarra, comme nous lavons dit plus haut. Mais, si cette ide nous a paru ncessaire la dtermination du critre de comptence, elle laisse sans solution le problme de dfinition qui nous occupe ici. En effet, il ny a dacte de commerce que par la rptition ; mais cette rptition nest pas la rptition de nimporte quoi et toutes les entreprises humaines ne sont pas des entreprises commerciales. Il importe donc de dfinir avec prcision les lments constitutifs des activits commerciales. De surcrot, lactivit commerciale consiste-t-elle seulement en une somme dactes ? Or, sur ces deux points, Escarra est muet. Il parle bien de rptition dactes de commerce. Mais nous tournons dans un cercle vicieux, car les actes de commerce se dfinissent par leur rptition qui est prcisment la rptition dactes de commerce et le critre tir de la notion dentreprise est donc un critre, comme lcrivait Escarra, dont linsuffisance nchappe pas (11).

    Nous lavons dit aussitt : la dfinition du droit commercial est un problme qui reste pos et les trois opinions que nous venons de rapporter se retrouvent toutes dans une commune incapacit de le rsoudre. Une ide - et parfois un simple mot - sont avancs sans que nous soyons toujours informs de la dmarche intellectuelle qui y a conduit. Laccent est mis sur une fonction conomique ou sur un lment psychologique, voire sur une institution encore organiser, comme au hasard. Un scepticisme vrai nuance les prises de position et lauteur ne parat pas croire lui-mme ses propres affirmations. Tout se passe comme sil considrait que le problme est extrieur aux proccupations du juriste technicien ou que, la jurisprudence se tirant daffaire tant bien que mal, il suffisait dincriminer lincohrence du code et de passer.

    Il est utile notre sens, de chercher les raisons de ces dfaillances et nous croyons les trouver principalement dans la mthode utilise, qui prtend dfinir le droit commercial par rapport lui-mme, sans rfrence aucune aux autres parties de notre ordre positif. Or, le droit dit commercial nest pas tel en soi. Si on le distingue par exemple du droit civil ou, plus exactement, si les relations commerciales constituent une catgorie particulire des relations humaines, cest moins raison de leurs proprits intrinsques que de lensemble des diffrences qui les opposent aux autres relations ou, dune manire plus rigoureuse, leurs proprits communes sont constitues par lensemble de ces diffrences dont le systme constitue prcisment la dfinition des relations commerciales.

    A notre sens, cest par la mthode comparative que ce systme pourrait tre tabli. Ainsi, par exemple, on comparerait, en les opposant, les relations commerciales et celles qui unissent, disons : un mdecin et son client, relations qui sont de droit civil. Par quoi se distinguent ces deux catgories de

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    rapports ? Risquons une hypothse. Lindustriel et le commerant changent des choses considres comme quivalentes et le vendeur reoit, en contrepartie de la chose livre, un prix qui reprsente la valeur de la marchandise vendue. Au contraire, dans le contrat mdical, le service rendu son client par le mdecin est jug inapprciable en argent : la somme verse par le client prend le nom dhonoraires et elle est moins un prix que lexpression de la gratitude du client. Dune certaine faon, lacte mdical nest pas un change mais la succession de deux libralits (12). Au contraire, on dira que les actes de commerce consistent ordinairement en changes et, dans la trs grande majorit des cas, en changes montaires. Mais ce caractre ne suffit pas dfinir les actes commerciaux, car il se retrouve, par exemple, dans les rapports qui unissent son client lartisan mme non commerant. Il faut donc analyser ce nouveau couple doppositions. Est-ce parce que lartisan civil, dont la condition est proche de celle du salari, est sous la dpendance du matre de louvrage quil chappe lempire du droit commercial ? Si tels taient les faits, les relations commerciales apparatraient constitues par les seuls changes galitaires. Il faudrait alors opposer lagriculteur et le commerant, qui procdent lun et lautre des changes galitaires mais ne sont pas soumis au mme statut. Et ainsi, de comparaison en comparaison, verrait-on sans doute se prciser peu peu la dfinition des activits commerciales en mme temps que se dessinerait la structure juridique de notre conomie, avec son secteur capitaliste qui correspond peu prs au secteur commercial des juristes, et des secteurs que lon qualifie les uns de prcapitalistes et les autres danti-capitalistes faute de mots meilleurs. Mais, une telle recherche outrepasse, sans doute, le cadre dune simple chronique et assurment lobjet que nous avons assign celle-ci. Paul Didier, Professeur la Facult de droit et des sciences conomiques de Lyon.

    (1) Thaller, Trait de droit commercial, 8e d., revue par Percerou, 1931 ; Lyon-Caen et Renault,

    Manuel de droit commercial, 15e d. revue par Amiaud, 1928 ; Ripert, Trait lm. de droit

    commercial, 4e d. revue par Durand et Roblot, 1959 ; Hamel et Lagarde, Trait de droit

    commercial, 1re d., 1954 ; Hamel Droit civil et droit commercial en 1950 Le droit priv

    franais au milieu du XXe sicle, p. 261 ; G. Lyon-Caen, Contribution la recherche dune dfinition du droit commercial, Rev. trim. dr. com. 1949. 577 ; Escarra, Cours de droit

    commercial, 1952, Suppl. 1er oct. 1953. (2) Req. 21 mars 1892, D. P. 92. 1. 228 ; S. 93. 1. 229 : Attendu, en droit, qualors mme quune

    convention naurait pas, par sa nature propre, un caractre commercial, il suffit quelle se rattache lexploitation dun commerce et en soit laccessoire ou le moyen pour quelle affecte le caractre commercial et que les contestations auxquelles elle donne lieu soient de la comptence des tribunaux de commerce. Req. 29 janv. 1883, D. P. 83. 1. 314 ; S. 85. 1. 482 : Quen droit, lors mme que lobligation na pas par sa nature propre un caractre commercial, il suffit quelle se rattache un commerce et en soit laccessoire pour quelle affecte le caractre commercial.

    (3) Escarra, op. cit., n 91 ; Houin, Les grands arrts de la jurisprudence commerciale, p. 23 ;

    Julliot de la Morandire, Rodire, Houin, Droit commercial, 2e d., n 22. - V. Giverdon Le droit commercial, droit des commerants, J. C. P. 1949. I. 770.

    (4) Ripert, op. cit., n 9. (5) Comme illustration de cette ide que le droit commercial peut tre le droit des commerants

    sans tre pour autant un droit professionnel ou rappellera la jurisprudence qui qualifie de commerant le spculateur en bourse. Ripert crit (n 126) : Celui qui gre ses capitaux afin den recueillir les revenus est dit sans profession. Cette gestion comporte des actes de nature commerciale, ventes et achats de valeurs, souscriptions dactions, dpts de fonds en banque, et, si la fortune est considrable, elle peut suffire occuper lactivit dun homme. On ne doit pas pour autant dclarer cette personne commerante et les tribunaux se trompent quand ils le font. A notre sens, cette jurisprudence manifeste que le droit commercial nest pas un droit professionnel. Lopinion ici critique nous parat du mme ordre que celle qui confond Eglise et Religion.

    (6) Ripert, op. cit., n 13, in fine, et n 134. (7) Lyon-Caen et Renault, op. cit., n 20. (8) Thaller, op. cit., n 14. (9) Thaller, op. cit., n 14, ns 6 et 7, 27 et 19.

    (10) Lyon-Caen et Renault, op. cit., nos 3 et 20.

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    (11) Escarra, op. cit., nos 91 et s. - V. la thse dsormais classique de M. M. Despax, LEntreprise et le Droit, L. G. D. J. 1956. 4.

    (12) La distinction entre lhonoraire et le salaire rappelle au malade quil ny a pas dordinaire, pleine et entire quivalence entre le service reu et largent dont il honore le mdecin. Le recouvrement de la sant et, plus forte raison, la prolongation de la vie, au prix quelquefois de risques trs srieux courus par le mdecin expos la contagion, ne sauraient tre mis en balance avec quelques pices de monnaie. Aussi le client doit-il la vrit et se doit-il lui-mme, dabord de ne pas marchander cette juste rtribution qui est la premire manire dhonorer le mdecin ; ensuite, de ne pas se croire, aprs compensation pcuniaire, absolument quitte envers le mdecin ; il doit avoir conscience de demeurer encore son oblig en quelque mesure en lhonorant. P. Legendre, La vie du mdecin, p. 383, cit par P. Durand, La politique contemporaine de la scurit sociale, n 199, p. 445. Comp. pour les avocats : Les avocats de jadis disaient : Lhonoraire est le tribut spontan de la reconnaissance du client. Ils refusaient de considrer leurs conseils, leur dvouement et leur loquence comme une marchandise dont largent peut tre la contrepartie. Noble conception assurment. Elle sinspirait des pratiques du patronage et de la clientle en honneur dans lancienne Rome... En rsum, comme la fort bien dit le tribunal de la Seine, en se rfrant, il le dclare, aux constitutions les plus anciennes de lordre, les honoraires taient un prsent par lequel les clients, qui prouvaient de la reconnaissance pour leur avocat reconnaissaient en effet les peines que celui-ci avaient prises. Payen et Duveau, Les rgles de la profession davocat et les usages du barreau de Paris, Pedone, n 439, p. 382.

    Document 2 : Cass. Com., 13 mai 2003. LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : - Attendu, selon larrt dfr (Bordeaux, 18 septembre 2000), que la socit dExploitation bureau de courtage dAquitaine, en sa qualit de courtier (le courtier), a propos un lot de vin la socit Chteaux en Bordeaux (lacheteur) et que cette offre a t confirme par un bordereau de courtage ; quultrieurement lacheteur a dnonc le contrat de vente et que le courtier a demand le rglement de sa commission puis assign cette fin lacheteur ; que la cour dappel a accueilli la demande ;

    Attendu que lacheteur reproche larrt davoir ainsi statu alors, selon le moyen : - 1 / que lusage conventionnel est suppltif de la volont des parties ; quil sapplique, ds lors, que si la convention des parties ne la pas exclu ; que le libell du bordereau que le courtier a mis, comporte, ct dun emplacement rserv la signature du courtier, un emplacement pour la signature du vendeur et un emplacement pour la signature de lacqureur ; quen sabstenant de rechercher si cette circonstance ntait pas propre exclure lusage quelle vise et quelle applique, la cour dappel a priv sa dcision de base lgale sous le rapport des articles 1134 et 1135 du code civil ; - 2 / que dans ses conclusions dappel, lacheteur faisait valoir, sous lintitul sur lapplication de lusage allgu au cas despce , que, le libell du bordereau que lui a adress le courtier comportant, ct de lemplacement rserv la signature du courtier, un emplacement rserv la signature du vendeur et un emplacement rserv la signature de lacqureur, la seule signature du courtier navait pas pu rendre la vente parfaite ; quen ne sexpliquant pas sur ce moyen, la cour dappel a priv sa dcision de motifs ;

    Mais attendu quaprs avoir relev que le courtier a pour fonction de mettre en rapport un ngociant-acheteur avec un producteur de vins pour ngocier la rcolte de ce dernier et quil agit en mandataire de lune et lautre parties, ce dont il rsulte que lacheteur comme le courtier taient des professionnels exerant dans le mme secteur dactivit, larrt retient que ltablissement et lenvoi, par le courtier au vendeur et lacheteur de la lettre de confirmation sans quil y ait de leur part un accord formel quivalait suivant lusage ancien et constant en Bordelais, une vente parfaite, sauf protestation dans un trs bref dlai fix par les usages loyaux et constants de la profession 48 heures de la rception de cette

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    lettre dont lenvoi est la charge du courtier ; que la cour dappel a lgalement justifi sa dcision ; que le moyen nest fond en aucune de ses branches ;

    Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne la socit Chteaux en Bordeaux aux dpens ; Vu larticle 700 du nouveau code de procdure civile, rejette sa demande ;

    Ainsi fait et jug par la Cour de cassation, Chambre commerciale, financire et

    conomique, et prononc par le prsident en son audience publique du treize mai deux mille trois. La reconnaissance dun usage commercial comme rgle de droit ( propos du courtage en vins en Bordelais), Recueil Dalloz 2004, Jurisprudence p. 414, par Jean-Marc Bahans Docteur en droit, greffier associ du Tribunal de commerce de Bordeaux, charg denseignement lUniversit Montesquieu-Bordeaux 4 et par Michel Menjucq Professeur lUniversit Paris 1 (Panthon-Sorbonne)

    Mercatorum stilus et consuetudo praevalere debent jure communi (1). Cest un arrt remarquable deux gards que la Chambre commerciale de la Cour de cassation vient de rendre le 13 mai 2003. Remarquable par lenseignement que lon peut en tirer quant la force obligatoire des usages commerciaux. Plus prcisment, cet arrt contribue reconnatre lexistence dune catgorie spciale dusages que lon peut qualifier dusages de droit par opposition aux autres usages qualifis dusages conventionnels ou dusages de fait. Remarquable aussi sur le plan pratique pour la scurit juridique quil vient apporter la pratique des ventes de vins sur la place de Bordeaux en renforant la valeur des bordereaux dresss par les courtiers en vins.

    Les faits et la procdure sont, en lespce, relativement simples. Le litige oppose un courtier en vins et un ngociant au sujet du paiement de la commission du courtier. Pour sopposer au paiement du courtier, le ngociant soutient que le contrat de vente en cause nest pas parfait, faute dacceptation expresse de sa part. Le courtier avait servi dintermdiaire entre un producteur et un ngociant, et avait tabli un bordereau (ou lettre de confirmation) confirmant les termes de leur accord(2). Ce bordereau, sign du courtier, avait t notifi par ce dernier aux parties, qui navaient pas protest dans le bref dlai de quarante-huit heures rception de ce bordereau. En application dun usage local, le contrat de vente pouvait donc tre considr comme parfait. Le ngociant dnona nanmoins la vente, dix jours aprs la rception de ce bordereau, ne sestimant pas contractuellement li(3). La cour dappel donna tort au ngociant, estimant que le courtier agit comme mandataire de lune et de lautre des parties lorsquil rdige le bordereau et que, en vertu de lusage local, la vente doit tre considre comme parfaite en labsence de protestation dans les quarante-huit heures de la rception de ce document contractuel. La Cour de cassation, relevant que lacheteur et le courtier exercent dans le mme secteur dactivit, rejette le pourvoi en se fondant sur lusage dont lexistence avait t constate par la cour dappel, celle-ci ayant ce titre lgalement justifi sa dcision .

    Par cette formulation, qui implique un contrle de la Cour de cassation, cet arrt confirme la

    valeur de lusage commercial en cause en tant quusage de droit (I). Il apporte aussi des prcisions utiles sur la mission du courtier en vins, dont le rle est mieux dfini (II). I - La valeur dun usage de droit confirme

    Limportance de la place des usages en droit commercial est souligne par la doctrine de faon sculaire(4). Historiquement, lon sait que le droit commercial a t un droit essentiellement coutumier(5). Aujourdhui, la multiplication des sources du droit, limportance du droit crit et la globalisation des changes attnuent limportance des usages(6). Ceux-ci nont toutefois pas disparu, la prsente affaire en portant tmoignage. Celle-ci est particulirement remarquable dans la mesure o elle permet de prciser les conditions dans lesquelles un usage peut tre qualifi de rgle de droit. Pour quitter le champ du simple fait et devenir une rgle de droit, lusage doit correspondre une pratique commerciale admise comme telle par les professionnels concerns. Lexistence dune place o agissent des professions commerciales, regroupes en syndicats ou en corporations, favorise la reconnaissance de la force des usages qui y sont pratiqus(7). Or cela correspond prcisment aux circonstances de la prsente espce dfre lexamen de la Haute cour. Le commerce du vin est un commerce de place, en ce sens que les vins de Bordeaux sont vendus Bordeaux ou que les vins de Bourgogne sont vendus

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    en Bourgogne(8). Bien sr, il sagit l du commerce en gros, intervenant en amont entre le producteur et le ngociant, le commerce de dtail tant, lui, assur, en aval, aux chelons national et international, par les diffrents rseaux de distribution. Les transactions interviennent entre des professions bien prcises : viticulteurs, ngociants et courtiers, dotes de syndicats professionnels et regroupes en interprofessions(9). Les circonstances sont donc favorables la reconnaissance dusages pouvant tre qualifis de rgles de droit.

    La distinction entre usages de fait et usages de droit nest pas parfaitement tablie en doctrine et en jurisprudence. La doctrine est relativement hsitante lgard de la terminologie et du rgime juridique des usages commerciaux. Lhsitation la plus nette concerne avant tout la terminologie(10). Cette hsitation est en partie due aux difficults que le juriste rencontre catgoriser les rgles issues de lautorgulation des acteurs conomiques(11). Les termes dusages de fait, dusages conventionnels, dusages de droit, dusages caractre impratif et de coutumes commerciales sont notamment employs(12). Cette diversit terminologique correspond galement une certaine hsitation quant la dtermination du rgime juridique des diffrents usages. A notre sens, la distinction la plus claire est celle qui est faite entre usages de fait et usages de droit(13). Lusage est toujours une pratique couramment admise dans un milieu commercial, mais cette pratique nest pas ncessairement reconnue comme une rgle par le milieu considr(14). Ces usages, que lon peut qualifier dusages de fait ou usages conventionnels, nacquirent de caractre obligatoire quen tant incorpors expressment ou au moins tacitement dans une convention. En revanche, certains usages sont des vritables rgles de droit et nont pas besoin dtre incorpors une convention pour exister comme tels et possder une force obligatoire pour les professionnels concerns. La valeur de ces usages est, en principe, celle dune loi suppltive sappliquant de droit aux conventions, moins davoir t expressment carte(15). Ces usages peuvent droger des lois ayant elles-mmes une valeur suppltive mais ne peuvent, en revanche, droger une loi imprative(16). Certains usages ont pu toutefois simposer contra legem en vertu du principe selon lequel la loi spciale droge la loi gnrale (lex specialia generalibus derogant). Ainsi, des usages de droit commerciaux ont pu droger des dispositions du code civil(17). Il faut souligner quen principe, en vertu de lart. 1134 c. civ., affirmant le primat de la convention des parties, les dispositions du contrat peuvent expressment droger un usage, mme sil sagit dun usage ayant valeur de rgle de droit (par exemple, la rgle de la solidarit pour les actes de commerce ou lanatocisme dans le compte courant). Il nen va diffremment que si une loi imprative reprend un usage ou y renvoie. Cest donc ces seuls usages que devrait tre rserve la qualification dusages impratifs.

    En lespce, lusage doit tre qualifi de rgle de droit non imprative, et cest ce qui ressort des arrts de la cour dappel et de la Cour de cassation. Lusage en cause est prcisment le suivant. Lorsquun producteur et un ngociant dcident de traiter leur transaction par lintermdiaire dun courtier en vins, celui-ci va dresser, au terme de la ngociation, un bordereau ou une lettre de confirmation contenant les clauses du contrat. Le courtier signe lui-mme ce document et le notifie aux parties. A dfaut de contestation des termes du bordereau dans les quarante-huit heures de sa rception, le contrat est considr comme parfait. Ici, la socit de ngoce a prtendu pouvoir refuser le march dix jours aprs la rception du bordereau, mais ne pouvait pas prouver que les parties avaient expressment cart lusage en cause. La cour dappel lui donna donc tort en se fondant sur cet usage local, qualifi de loyal et de constant. Il faut souligner quil sagit, pour la jurisprudence de la Cour dappel de Bordeaux, dune position constante(18). Lon doit galement prciser que les bordereaux dresss par les courtiers figuraient expressment dans les modes de preuve admis par lancien art. 109 c. com. La loi du 12 juill. 1980 a choisi de substituer lnumration des modes de preuve que comportait lart. 109 une disposition gnrale admettant la preuve par tous moyens en droit commercial(19). Or lancien art. 109 prcisait que le bordereau admis comme preuve devait tre dment sign par les parties . Lon sait que cette prcision ne figurait pas dans le projet initial du code de commerce de 1807 et navait t ajoute qu la demande des tribunaux de commerce en raison des fraudes qui taient lgion au sortir de la Rvolution(20). Par la suite, lordre revenant dans lconomie, les courtiers, notamment Bordeaux en matire viticole, ont continu dans bien des cas signer seuls leurs bordereaux comme cela se faisait par le pass dans toute la France. Le caractre ancien et constant de lusage est donc, en lespce, fermement tabli.

    La Cour de cassation retient trois critres permettant de considrer lusage comme rgle de droit : son application des professionnels exerant dans le mme secteur dactivit (le viticulteur, le ngociant et le courtier), le caractre ancien et constant de celui-ci et sa localisation sur une

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    place commerciale ou un march prcis, celui des vins de Bordeaux en lespce. Ces critres ne sont pas en soi trs novateurs et correspondent ceux classiquement retenus en doctrine(21).

    Ce qui est nettement plus novateur, cest lutilisation par la Cour de cassation de la formule selon laquelle la cour dappel a lgalement justifi sa dcision . La Haute cour ne sest pas retranche derrire le pouvoir souverain dapprciation des juges du fond. Or, classiquement, la Cour de cassation nexerce pas de contrle de lapplication ou de la violation des usages, sauf lorsquils sont incorpors dans la loi ou lorsque celle-ci y renvoie(22), ce que la doctrine dplorait sagissant des usages de droit(23). Lemploi dans le prsent arrt de la formule prcite implique que la Cour de cassation procde un contrle de lapplication de cet usage de droit au cas despce. Cette position de la Haute cour est importante et doit tre salue comme une confirmation dune volution dj entreprise(24). Lusage de droit, en dehors de toute incorporation ou de tout renvoi exprs fait par une loi, accde ainsi au rang de norme dont lapplication est contrle par la Cour suprme. II - La mission du courtier en vins prcise () (1) Casaregis cit par C. Lyon-Caen et L. Renault, in Trait de droit commercial, t. 1er, LGDJ,

    1921, n 82 bis : Les clauses et les coutumes des marchands doivent prvaloir sur le droit commun.

    (2) Cf. J.-M. Bahans et M. Menjucq, Droit du march vitivinicole, Fret, 2003, n 452 s., p. 231 s., sur ces bordereaux dresss par les courtiers.

    (3) Ces faits sont prciss par larrt de la cour dappel : CA Bordeaux, 1re ch., sect. A, 18 sept. 2000, n 97/01540, cit in J.-M. Bahans et M. Menjucq, op. cit., n 455, note 1027, p. 233.

    (4) Cf., notamment, C. Lyon-Caen et L. Renault, op. cit., n 77 s. (5) Le consuetudo mercatorum : cf. C. Lyon-Caen et L. Renault, op. cit., n 78. (6) Cf. G. Ripert et R. Roblot, Trait de droit commercial, t. 1er, vol. 1er, par L. Vogel, 18e d.,

    LGDJ, 2001, n 39, p. 28. (7) Cf. M.-M. Salah, Rp. com. Dalloz, v Usages commerciaux, n 3, p. 2. (8) Cf. J.-M. Bahans et M. Menjucq, op. cit., n 52, p. 40. (9) Cf. J.-M. Bahans et M. Menjucq, op. cit., n 27 s., p. 28 s. (10) Cf., sur ce flottement, M.-M. Salah, art. prc., n 7, p. 2. (11) Cf. J.-M. Bahans, Thorie gnrale de lacte juridique et droit conomique, t. 1er, thse,

    Bordeaux, 1998, Anrt, n 170 s. (12) Cf., notamment, G. Ripert et R. Roblot, op. cit., n 39 s., p. 28 s. ; Y. Guyon, Droit des affaires,

    11e d., t. 1er, Economica, n 30 s., p. 26 s. (13) Cf., notamment, J. Escarra, De la valeur de lusage en droit commercial, Ann. dr. com. 1910, p.

    97 ; V., aussi, F. Gny, Mthodes dinterprtation et sources en droit priv positif, t. 1er, Sirey, 1re d., 1914, p. 376 s. ; C. Lyon-Caen et L. Renault, op. cit., n 77.

    (14) Cf. M.-M. Salah, art. prc., n 11 s. (15) Cf., notamment, M.-M. Salah, art. prc., n 73 s. (16) Cf., notamment, M.-M. Salah, art. prc., n 60 s. (17) Par exemple, la solidarit prsume contre les termes de lart. 1202 c. civ. et lanatocisme

    contre la rgle de lart. 1154 du mme code. (18) Outre larrt CA Bordeaux du 18 sept. 2000, prc., dfr lexamen de la Cour de cassation,

    on peut citer : CA Bordeaux, 1re ch., sect. A, 26 nov. 2002, n 01/03124 ; 2e ch., 30 sept. 1993, n 92000694 ; 1re ch., sect. A, 10 sept. 1992, n 3872/91 ; TGI Bordeaux, ord. rf., 26 juin 1991, n 06/91 ; T. com. Bordeaux, ord. rf., 18 sept. 1997, n 97R00836. - Cf. J.-M. Bahans et M. Menjucq, op. cit., n 455, p. 233.

    (19) Devenu art. L. 110-3 c. com. Cf. J.-M. Bahans et M. Menjucq, op. cit., n 454, p. 232. (20) Pour lhistoire, cf. C. Lyon-Caen et L. Renault, Trait de droit commercial, 5e d., t. 3, LGDJ,

    1923, n 60 et 61. (21) Cf. Y. Guyon, op. cit., n 30, p. 26. (22) Cf. M.-N. Jobard-Bachellier et X. Bachellier, La technique de cassation, 5e d., Dalloz, 2003,

    p. 77. (23) Ripert et Roblot, op. cit., n 44. Cf., dj, C. Lyon-Caen et L. Renault, Trait de droit

    commercial, t. 3, op. cit., n 85, p. 97. (24) Cass. com., 29 avr. 1997, Bull. civ. IV, n 111 ; D. 1997, Jur. p. 459, note Y. Serra ; JCP 1997, I,

    n 4068, chron. G. Viney ; 14 oct. 1981, D. 1982, Jur. p. 301, note M. Vasseur.

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    Document 3 : Cass. Com., 10 janvier 1995. LA COUR : - Attendu, selon larrt critiqu (CA Paris, 20 sept. 1991), que le Crdit du Nord a cltur le compte courant de la St Invitance laquelle il avait consenti un dcouvert pendant plusieurs annes ; quun litige est n entre les parties au sujet des conditions de la cessation de ce concours bancaire, des modalits de la fixation du taux des intrts, de la capitalisation trimestrielle de ceux-ci, de lapplication de dates de valeur diffrentes des dates dinscription en compte et de la dure de lanne prise en considration pour le calcul de la dette dintrts ; quaprs avoir statu au fond sur certaines demandes, la cour dappel a dsign un expert et dit que celui-ci devrait calculer, partir du solde du compte de la St Invitance au 10 sept. 1985, les dcouverts successifs jusqu la clture du compte en se conformant aux usages bancaires relatifs, notamment, la capitalisation trimestrielle des intrts, lanne bancaire de trois cent soixante jours et la pratique des jours de valeur ;

    Sur le premier moyen pris en sa premire branche : - Vu lart. 1131 c. civ. ; - Attendu que, pour rejeter la prtention de la St Invitance faisant valoir que son obligation de payer des intrts tait partiellement dnue de cause, dans la mesure o les sommes prises en considration pour le calcul de ceux-ci taient augmentes, sans fondement, par lapplication de dates de valeur, larrt retient que la pratique des jours de valeur nest prohibe par aucune disposition lgale ou rglementaire, quelle est dun usage constant et gnralis, qui se fonde sur le fait quune remise au crdit, comme une inscription au dbit, ncessite un certain dlai pour lencaissement et le dcaissement ; - Attendu quen statuant ainsi, alors que les oprations litigieuses, autres que les remises de chques en vue de leur encaissement, nimpliquaient pas que, mme pour le calcul des intrts, les dates de crdit ou de dbit soient diffres ou avances, la cour dappel a viol le texte susvis ;

    Et sur le second moyen : - Vu lart. 1er du dcret du 4 sept. 1985 relatif au calcul du taux effectif global ; - Attendu que, pour dcider que lexpert quil dsignait devrait tenir compte de lusage bancaire relatif lanne de trois cent soixante jours pour calculer, partir du solde du compte de la St Invitance au 10 sept. 1985, les dcouverts successifs jusqu la clture du compte, larrt retient que le calcul des intrts doit tre fait sur trois cent soixante jours et non trois cent soixante-cinq jours, lanne bancaire ntant que de trois cent soixante jours, conformment un usage qui trouve son origine en Lombardie, au Moyen Age, en raison de son caractre pratique en ce que le chiffre de trois cent soixante, la diffrence de celui de trois cent soixante-cinq, est divisible par 12, 6, 4 et 2, ce qui correspond au mois, deux mois, au trimestre et au semestre, et que cet usage a dailleurs trouv son expression lgislative dans la loi du 18 frimaire an III, selon laquelle lintrt annuel des capitaux sera compt par an et pour trois cent soixante jours ;

    Attendu quen statuant ainsi, alors quil rsulte du texte susvis que le taux annuel de

    lintrt doit tre dtermin par rfrence lanne civile, laquelle comporte trois cent soixante-cinq ou trois cent soixante-six jours, la cour dappel a viol ce texte ; Par ces motifs, et sans quil y ait lieu de statuer sur les deuxime et troisime branches du premier moyen, casse et annule, mais seulement en ce quil a dcid que lexpert quil dsignait devrait se conformer aux usages bancaires relatifs lanne bancaire de trois cent soixante jours et la pratique des jours de valeur, [...] renvoie devant la Cour dappel de Versailles. Document 4 : Cass. Com., 21 avril 1980, Bull. civ., IV, n158 (2me moyen) SUR LE DEUXIEME MOYEN : ATTENDU QUIL EST AU SURPLUS REPROCHE A LARRET DAVOIR CONDAMNE SOLIDAIREMENT LES SOCIETES COPHARMEST ET JENN AU PAIEMENT DU SOLDE DU PRIX ALORS, SELON LE POURVOI, QUE LA

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    SOLIDARITE NE SE PRESUME PAS ; QUIL FAUT QUELLE SOIT EXPRESSEMENT STIPULEE OU QUELLE AIT LIEU EN VERTU DUNE DISPOSITION DE LA LOI ; QUEN CONDAMNANT LES DEUX SOCIETES SOLIDAIREMENT SANS RELEVER, NI QUE LA SOLIDARITE RESULTAIT DE LA CONVENTION DES PARTIES, NI QUELLE ETAIT PREVUE PAR LA LOI, LA COUR DAPPEL, DONT LATTENTION AVAIT ETE ATTIREE SUR LA DIFFICULTE PAR DES CONCLUSIONS PRECISES, A PRIVE SA DECISION DE BASE LEGALE AU REGARD DE LARTICLE 1202 DU CODE CIVIL ; MAIS ATTENDU, QUAYANT RETENU QUE LA SOCIETE COPHARMEST AVAIT PERSONNELLEMENT PROMIS LE PAIEMENT DES FOURNITURES COMMANDEES, ET FAIT RESSORTIR QUELLE SE TROUVAIT AINSI TENUE COMMERCIALEMENT ENVERS LA SOCIETE PIERRON DE LA MEME DETTE QUE LA SOCIETE JENN, LA COUR DAPPEL, QUI A REPONDU AUX CONCLUSIONS DONT ELLE ETAIT SAISIE A JUSTIFIE DE LA SORTE LA CONDAMNATION SOLIDAIRE QUELLE A PRONONCEE SANS ENFREINDRE LES DISPOSITIONS DE LARTICLE 1202 DU CODE CIVIL QUI NE SONT PAS APPLICABLES EN MATIERE COMMERCIALE ; QUE LE MOYEN EST DES LORS SANS FONDEMENT ; SUR LE TROISIEME MOYEN : ATTENDU QUIL EST ENFIN FAIT GRIEF A LA COUR DAPPEL DAVOIR CONDAMNE LA SOCIETE COPHARMEST A GARANTIR LA SOCIETE JENN DE LA CONDAMNATION CONTRE ELLE PRONONCEE AUX MOTIFS QUIL RESULTAIT DUNE LETTRE DU 7 MARS 1975 DE LA SOCIETE JENN A LA SOCIETE COPHARMEST ET DUNE LETTRE DU 3 MAI 1975 DE LA SECONDE A LA PREMIERE QUE LES ACHATS DE TEXTILE ANTERIEURS A MARS 1975 DEVAIENT ETRE FACTURES AU NOM DE LA SOCIETE COPHARMEST ET QUE LACHAT LITIGIEUX AVAIT EU LIEU AVANT CE MOIS, ALORS, SELON LE POURVOI, QUE LA SOCIETE PIERRON NA JAMAIS SOUTENU DANS SES CONCLUSIONS DAPPEL QUUN ACCORD RESULTAIT DE LECHANGE DES DEUX LETTRES VISEES PAR LA COUR DAPPEL ET QUE, SUIVANT CET ACCORD, LES MARCHANDISES ACHETEES AVANT LE 7 MARS 1975 SERAIENT A LA CHARGE DE LAUTRE SOCIETE ; QUEN STATUANT COMME ELLE LA FAIT, LA COUR DAPPEL A DENATURE LES TERMES DU LITIGE QUI LUI ETAIT SOUMIS ET VIOLE LARTICLE 1134 DU CODE CIVIL ; MAIS ATTENDU QUE, DANS SES CONCLUSIONS DAPPEL, LA SOCIETE JENN INDIQUAIT " QUE, SELON LETTRE MANUSCRITE... DU 3 MAI 1975, COPHARMEST PRECISAIT : EN DATE DU 7 MARS 1975, VOUS AVEZ PRIS LENGAGEMENT, VIS-A-VIS DE NOTRE SOCIETE, QUE TOUS VOS NOUVEAUX ACHATS SERAIENT FACTURES A VOTRE NOM " ET LA SOCIETE PIERRON QUE " LA SOCIETE JENN PRODUIT UNE LETTRE DU 3 MAI 1975 DE LA SOCIETE COPHARMEST DE LAQUELLE IL RESSORT QUIL ETAIT CONVENU ENTRE LES DEUX SOCIETES QUE LES ACHATS FAITS AVANT LE 7 MARS 1975... DEVAIENT ETRE FACTURES AU NOM DE COPHARMEST " ; QUIL SENSUIT QUE LA COUR DAPPEL NA PROCEDE A AUCUNE DENATURATION DES TERMES DU LITIGE ; QUE LE MOYEN EST SANS FONDEMENT ; PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE LARRET RENDU LE 24 MAI 1978 PAR LA COUR DAPPEL DE LYON. Document 5 : Cass. Civ. 1re, 22 octobre 1991, Bull. civ., I, n182 Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

    Attendu que la socit amricaine Primary Coal sest engage livrer, pendant 3 ans, la socit espagnole Valenciana de Cementos Portland certaines quantits de charbon un prix fixer de 6 mois en 6 mois ; que la clause compromissoire insre au contrat ayant t mise en oeuvre par la socit Primary, lacte de mission stipulait dans son article VIII, quoutre le rglement darbitrage de la chambre de commerce internationale, les rgles de procdure seront celles du nouveau Code de procdure civile en matire darbitrage international et, dans son article IX, que le droit applicable nayant pas t indiqu par les

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    parties, sera dtermin par une sentence partielle ; que larbitre a dcid que le litige serait rgl selon les seuls usages du commerce international, autrement dnomms " lex mercatoria ", comme tant le droit le plus appropri ;

    Attendu que la socit Valenciana reproche larrt attaqu (Paris, 13 juillet 1989)

    davoir rejet son recours en annulation contre cette sentence et davoir viol les articles 1496, 1502, 3, et 1504 du nouveau Code de procdure civile alors, dune part, que larbitre ne sest pas conform sa mission qui tait de statuer, dfaut de choix des parties, selon la loi dsigne par la rgle de conflit quil jugeait approprie ; alors, dautre part, que larbitre a fait de mme en dcidant, que le litige serait rgi par les seuls usages du commerce international lexclusion de toute loi tatique ; alors, enfin, que larbitre na pas indiqu la rgle de conflit applique, ni fourni aucun lment justifiant le rattachement aux seuls usages prcits ; Mais attendu quen se rfrant " lensemble des rgles du commerce international dgages par la pratique et ayant reu la sanction des jurisprudences nationales ", larbitre a statu en droit ainsi quil en avait lobligation conformment lacte de mission ; que ds lors, il nappartenait pas la cour dappel, saisie du recours en annulation ouvert par les articles 1504 et 1502, 3, du nouveau Code de procdure civile, de contrler les conditions de dtermination et de mise en oeuvre par larbitre de la rgle de droit retenue ; Do il suit que le moyen ne peut tre accueilli en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

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    FICHE N2 LES ACTES DE COMMERCE

    I / Rvision du cours Les actes de commerce (premire partie, chapitre I) II / Exercices 1) Travail partir de la jurisprudence : Pour chacune des dcisions de la fiche, vous prsenterez la question de droit et la rponse qui y est apporte par la juridiction saisie. 2) Cas pratiques : 1) M. Jean Tarand est un jeune et talentueux chef dentreprise. Il y a quatre ans, il a mont une entreprise de services informatiques. Il a pour cela cr une socit responsabilit limite (SARL) dont il est le grant majoritaire. Afin de dvelopper lactivit de lentreprise, la socit responsabilit limite a embauch deux ingnieurs en 2006. En fvrier 2007, la SARL a contract un emprunt de 20 000 euros auprs de la banque Votre argent pour acheter deux nouveaux logiciels. M. Tarand sest port caution de cette dette. Le 6 avril 2007, la SARL a mis une lettre de change dun montant de 5.000 euros. Ces 5.000 euros correspondent une crance de M. Huit, client de la SARL. 2) Mademoiselle Blanche Ussel est une jeune cratrice de bijoux. Cette activit, qui tait dabord un passe-temps pour occuper ses soires, est devenue son activit professionnelle. Le 7 novembre 2006, Blanche a achet des pierres semi-prcieuses qui seront ensuite serties dans les bijoux crs. Ses bijoux remportant un vif succs, Blanche a dcid de les commercialiser elle-mme. A cette fin, le 4 septembre 2007, elle a acquis un fonds de commerce dans le Marais, Paris. Veuillez prciser pour chacun des actes mentionns sil sagit dun acte de commerce (par la forme, par nature, par accessoire) ou dun acte civil. Les rponses doivent tre juridiquement motives. 3) Plan de dissertation. Vous tablirez un plan de dissertation partir du sujet suivant : Les activits commerciales par nature . Lintroduction, les chapeaux et transitions doivent tre entirement rdigs. Le contenu des I, II, A, B doit tre clairement prsent. III / Documents Un critre de la commercialit : la spculation

    Document 1 : Cass. Com., 17 mars 1981, Dalloz 1983.23, note R. Paisant. Acte de commerce et activit commerciale

    Document 2 : Cass. Com., 4 dcembre 1968, Dalloz 1969.200. Acte de commerce par accessoire : les oprations sur fonds de commerce

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    Document 3 : Cass. Com., 15 novembre 2005, Bull. civ. IV, n244, p.242.

    DOCUMENTS Document 1 : Cass. Com., 17 mars 1981, Dalloz 1983.23, note R. Paisant LA COUR. - Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : - Attendu quil rsulte des nonciations de larrt attaqu (Paris, 9 mai 1979) que lInstitut musulman de la mosque de

    Paris (lInstitut musulman), cr sous la forme dune association rgie par la loi du 1er juill. 1901, dispose dun magasin qui permet aux musulmans de se procurer de la viande prpare conformment aux prceptes de la loi coranique ; que pour son approvisionnement lInstitut sest adress Lahoucine qui exerce la profession de boucher ; que ce dernier, se disant crancier dune somme importante pour livraisons effectues du 10 oct. 1970 au 23 nov. 1971, fit assigner lInstitut musulman et Boubakeur, recteur de cet institut, en paiement de cette somme ; - Attendu quil est fait grief larrt davoir dclar une association dbitrice de son fournisseur en se fondant sur les livres de commerce produits par ce dernier, alors que, selon le pourvoi, dune part, faute davoir recherch si lassociation tirait un profit quelconque de ses oprations, la cour dappel na pas lgalement caractris une activit commerciale et na pas mis la Cour de cassation en mesure dexercer son contrle, et alors que, dautre part, le bnfice de lart. 1329 c. civ. ne saurait tre oppos quaux personnes physiques ou morales ayant le statut de commerant et non aux personnes civiles faisant accessoirement des actes de commerce :

    Mais attendu que la cour dappel ayant constat que lInstitut musulman et son recteur ont exploit directement un tablissement but lucratif et fait ainsi de faon habituelle des actes de commerce, a pu en dduire quen raison de cette activit lInstitut musulman et son recteur pouvaient se voir opposer les livres de commerce de Lahoucine : que le moyen nest pas fond;

    Par ces motifs, rejette. A propos dune question relative la preuve. la Cour de cassation statue sur la question incertaine de savoir si une association peut tre commerant. Robert Plaisant, Professeur la Facult de droit et des sciences conomiques du Mans.

    La Cour de cassation statue sur la question incertaine de savoir si une association peut tre commerant. LInstitut musulman de la Mosque de Paris est une association ayant un objet religieux et dsintress. Elle exploite une boucherie qui procure aux musulmans de la viande prpare selon la loi coranique. La difficult apparat alors : cette boucherie est exploite comme un tablissement but lucratif et de faon habituelle. La Cour de cassation ne qualifie pas lassociation de commerant en termes formels, mais applique lart. 12 c. com. selon lequel les livres de commerce peuvent tre admis par le juge pour faire preuve entre commerants, la qualification est implicite mais claire.

    La solution jurisprudentielle selon laquelle les actes de commerce passs par une association de manire occasionnelle sont considrs comme civils par accessoire (Com. 13 mai 1970. D. 1970.644, note X. L. - Rp. civ. Dalloz, v Association. n 47 ; 24 nov. 1958, Bull. civ. III, n 400. p. 339 ; Jurisel. Socits, fasc. 175, n 154) est carte parce que lactivit est habituelle.

    Exercer une activit lucrative, raliser des bnfices, nest pas interdit aux

    associations la condition que ceux-ci ne soient pas distribus aux socitaires. Sil en est ainsi, lassociation devient une socit (Rennes, 30 mai 1978, Rev. trim. dr. com. 1979.490, note Alfandari, confirmant Trib. com. Rennes. 31 janv. 1978. Rev. soc. 1978.778, note Plaisant. - V. aussi Com. 8 juill. 1969, J.C.P. 1970.II.16155 bis, note J. A. ; Rev. trim. dr. com.

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    1970.349, note Jauffret ; Trib. civ. Seine, 13 dc. 1956, J.C.P. 1957.II.9754, note B. D.). Nulle comme association, cette collectivit na pas la personnalit morale ce titre. Ntant pas immatricule au registre du commerce comme socit, elle na pas plus la personnalit morale comme telle. Il sagit dune socit cre de fait, laquelle le Code civil (art. 1873) applique les dispositions des art. 1871 et s. relatifs aux socits en participation. Selon lart. 1872-1, Si les participants agissent en qualit dassocis au vu et su des tiers, chacun deux est tenu lgard de ceux-ci des obligations nes des actes accomplis en cette qualit par lune des autres, avec solidarit, si la socit est commerciale, sans solidarit dans les autres cas. Il y aurait donc obligation solidaire des membres de lassociation (socitaires), ce qui est svre, car ceux-ci nont jamais envisag ce risque. Quant aux biens, selon le mme article, alina 4, ils sont soumis aux rgles de lindivision (art. 815 et s., de plus, le cas chant art. 1873-1 et s., concernant les conventions relatives lexercice des droits indivis). Le principe tant pos, des difficults dapplication graves et nombreuses sont invitables, en droit civil ou commercial, de plus en droit fiscal, ne serait-ce que pour rgulariser la situation qui sest tablie de la sorte.

    En lespce, lInstitut musulman reste fidle sa vocation, ne rpartit pas les bnfices raliss entre ses membres, et garde sa qualification dassociation.

    La Cour de cassation admettait quune association peut faire des actes de commerce (Com. 24 nov. 1958. Bull. civ. III, n 400, p. 339 ; Besanon, 8 janv. 1969. Gaz. Pal. 1969.1.304 ; D. 1969. Somm. 101 : Rev. trim. dr. com. 1969.978, maintenu par Com. 13 mai 1970, D. 1970.644, note X. L. ; Rev. trim. dr. com. 1971.278, obs. Jauffret ; 9 dc. 1965. J.C.P. 1967.II.15093, note Delpech : 8 juill. 1969. J.C.P. 1970.II.16155 bis, note J. A.).

    Elle admet dsormais, semble-t-il, que par la rptition de ces aides devenus

    habituels, une association peut avoir la qualit de commerant, ce qui tait discutable auparavant, la jurisprudence tant trs limite (Trib. civ. Seine, 2 nov. 1933, Rev. trim. dr. civ. 1933.174 ; 26 oct. 1934. D.II. 1935.31 ; 13 dc. 1956, J.C.P. 1957.II.9754 : V. lexcellente chronique de Mlle Simon. La commercialit de lassociation du 1er juillet 1901, D. 1977. Chron., p. 153). Les deux solutions sont lies en bonne logique ; sont commerants selon le

    Code de commerce article 1er, ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle.

    Reconnatre la qualit de commerant aux associations nous parat logique, mais

    donne naissance de nouvelles difficults (V. la note trs complte de M. Guyon sous Reims, 19 fvr. 1980. J.C.P. 1981.11.19496). Seuls quelques exemples peuvent tre donns. Une telle association doit-elle tre immatricule au registre du commerce, ce qui serait souhaitable ? M. Guyon se prononce pour la ngative ; cette opinion est conforme aux termes limitatifs du dcret n 67-237 du 23 mars 1967 : le registre... a pour objet de recevoir ... limmatriculation des personnes physiques ayant la qualit de commerants et celles des socits et autres personnes morales assujetties limmatriculation. De plus, lassociation ayant la personnalit morale selon la loi du 1er juill. 1901, limmatriculation au registre du commerce ne peut jouer aucun rle, contrairement ce quil en est pour les socits.

    Bnficie-t-elle du statut des baux commerciaux ? Ainsi jug par la cour de Lyon le 1er mars 1972 (D. 1972. Somm. 73 ; Gaz. Pal. 1972.1.417). M. Guyon approuve cet arrt ; cependant le dcret n 53-960 du 30 sept. 1953 lie ce bnfice limmatriculation, soit au registre du commerce, soit au registre des mtiers.

    Nous pensons donc que la Cour de cassation par son arrt du 17 mars 1981 dcide

    juste titre quune association peut avoir la qualit de commerant. Cette rgle tant admise, le statut des associations nest pas clairci. Une rforme, du reste fort dlicate, de la loi du 1er juill. 1901, serait ncessaire.

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    Document 2 : Cass. Com., 4 dcembre 1968 LA COUR : - Sur le moyen unique : - Vu lart. 1er c. com. ; - Attendu que dame Miele, pouse Freudenrich,