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À SA MAÎTRESSE
ODE XVII (à Cassandre 1553)
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au soleil,
N’a point perdu, cette vesprée,
Les plis de sa robe pourprée
Et son teint au vostre pareil.
Las, voiés comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las, las, ses beautés laissé cheoir!
Ô vraiment maratre nature,
Puis qu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir.
Donc, si vous me croiés, mignonne:
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillés, cueillés vôtre jeunesse :
Comme à ceyte fleur, la vieillesse
Fera ternir vôtre beauté.
Pierre de Ronsard, Ode XVII (à Cassandre).
Déjà la nuit en son parc amassait
Déjà la nuit en son parc amassait
Un grand troupeau d'étoiles vagabondes,
Et, pour entrer aux cavernes profondes,
Fuyant le jour, ses noirs chevaux chassait ;
Déjà le ciel aux Indes rougissait,
Et l'aube encor de ses tresses tant blondes
Faisant grêler mille perlettes rondes,
De ses trésors les prés enrichissait :
Quand d'occident, comme une étoile vive,
Je vis sortir dessus ta verte rive,
O fleuve mien ! une nymphe en riant.
Alors, voyant cette nouvelle Aurore,
Le jour honteux d'un double teint colore
Et l'Angevin et l'indique orient.
Joachim du Bellay, L'Olive LXXXIII (1549)
Sonnet VIII « je vis, je meurs» de Louise Labé
Je vis, je meurs: je me brule et me noye.
J'ay chaut estreme en endurant froidure :
La vie m'est et trop molle et trop dure.
J'ay grans ennuis entremeslez de joye :
Tout à un coup je ris et je larmoye,
Et en plaisir maint grief tourment j'endure:
Mon bien s'en va, et à jamais il dure:
Tout en un coup je seiche et je verdoye.
Ainsi Amour inconstamment me meine:
Et quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me treuve hors de peine.
Puis quand je croy ma joye estre certeine,
Et estre au haut de mon desiré heur ,
Il me remet en mon premier malheur.