40
ET SI LA FRANCE AVAIT À LA FOIS DU PÉTROLE, DU GAZ ET DES IDÉES ... CONTRIBUTION AU DÉBAT SUR LES HYDROCARBURES DE SCHISTE

DU PÉTROLE, DU GAZ E T DES IDÉES · 2019. 4. 15. · Les ressources en gaz de schiste se situeraient proba-blement dans le sud-est de la France et la vallée du Rhône. Les chiffres

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

  • ET SI LA FRANCE AVAIT À LA FOIS DU PÉTROLE, DU GAZ ET DES IDÉES... CONTRIBUTION AU DÉBAT SUR LES HYDROCARBURES DE SCHISTE

  • EXPL

    OR

    ERPR

    OD

    UIR

    ER

    ESTI

    TUER

    0

    6

    7

    53

    57

    SOMMAIRE

    2 Hydrocarbures de schiste : carte d’identité

    1 EXPLORER4 Obtenir un permis de recherche

    6 Localiser les ressources potentielles : l’acquisition de données de terrain

    8 Évaluer la quantité d’hydrocarbures disponibles à l’exploitation

    10 Estimer le potentiel économique du gisement et les conditions de son exploitation

    11 Déclarer la commercialité du projet

    2 PRODUIRE12 Forer

    16 Stimuler

    22 Extraire

    27 Gérer à grande échelle et sur le long terme

    3 RESTITUER32 Réhabiliter les sites industriels

    34 Accompagner la reconversion économique des territoires

    36 Nos propositions pour rouvrir le débat

    III En savoir plus

    Années

  • 1

    ●L ’essor à grande échelle de ces dernières, nous le savons, prendra du temps avant qu’elles tiennent une place signifi cative dans le bouquet énergétique mondial. En atten-

    dant, c’est sur l’ensemble des énergies que nous devons compter pour répondre à une demande qui ne cesse de croître. À l’horizon 2035, la part des énergies fossiles devrait en eff et se situer autour de 75 % du mix énergé-tique mondial.

    Le pétrole, qui assure aujourd’hui plus de 90 % des besoins du transport, restera prépondérant dans ce secteur en l’absence d’une alternative aussi économique et effi cace. Le gaz naturel est lui aussi appelé à jouer un rôle déterminant dans le processus de transition éner-gétique qui s’engage : générant moitié moins de CO2 que le charbon, il apparaît comme une source indispensable pour la production mondiale d’électricité.

    Loin de signer la fi n des hydrocarbures, le début du XXIe siècle a connu une véritable révolution dont on ne mesure pas encore toute la portée. Abondants et bien répartis dans le monde, gaz et pétrole de schiste pour-raient venir doubler les ressources mondiales d’hydro-carbures et offrir une réponse d’envergure à la croissance de la demande en énergie. Le succès qu’ils connaissent actuellement aux États-Unis est sans appel  : création d’1,7 million d’emplois en quelques années, division par trois du prix du gaz, relocalisation de certaines industries sur le sol américain, indépen-dance énergétique et retour des États-Unis au premier rang mondial des producteurs de pétrole à l’horizon 2020… Le modèle américain témoigne de l’exceptionnel potentiel économique du développement des hydrocar-bures de schiste et de leur impact sur les équilibres énergétiques mondiaux.

    Rien ne permet aujourd’hui d’affi rmer que notre pays possède des ressources signifi catives de pétrole et de gaz. En Europe, plusieurs de nos voisins mènent actuel-lement des campagnes d’exploration pour connaître l’existence de possibles ressources d’hydrocarbures de schiste. En nous privant, en France, de cette connais-sance –  la fracturation hydraulique étant interdite depuis 2011 sur notre territoire –, nous renonçons à disposer d’un paramètre essentiel pour défi nir la poli-tique énergétique de notre pays.

    Afi n de débloquer cette situation, l’Ufi p propose de pro-gresser dans trois directions :

    ● permettre à l’industrie pétrolière et parapétrolière, au sein de laquelle la France compte des acteurs de rang mondial, de démontrer sa maîtrise de l’impact envi-ronnemental des technologies mises en œuvre ;

    ● poursuivre et développer la recherche pour améliorer les techniques existantes ;

    ● quantifi er les impacts socio-économiques aux plans régional et national, notamment sur les fi lières indus-trielles et sur l’emploi.

    Pour y parvenir, nous proposons de défi nir, avec toutes les parties prenantes, les conditions d’une expérimen-tation contrôlée qui permettra un débat informé et approfondi, préalable à toute évaluation.

    Ce document a pour objectif de rassembler les informa-tions factuelles disponibles sur les hydrocarbures de schiste. Il constitue la contribution initiale de l’Ufi p à un débat essentiel pour l’avenir de notre pays, débat auquel elle est évidemment prête à participer.

    Jean-Louis Schilansky, Président de l’Ufi p

    Février 2013

    Consommer moins pour assurer de façon pérenne le développement de nos économies est un enjeu majeur pour les décennies à venir. Trouver assez d’énergie l’est aussi. Nous ne pouvons, de ce fait, continuer d’opposer entre elles énergies fossiles et énergies renouvelables.

  • 2

    HYDROCARBURES DE SCHISTE : CARTE D’IDENTITÉ

    CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES

    Les hydrocarbures (gaz naturel et pétrole brut) se for-ment au  sein des  r oches-mèr es , issues de  la transformation de sédiments riches en matière orga-nique au fur et à mesure de leur enfouissement dans le sol. Sous l’eff et de la pression et de la température, la matière organique se décompose d’abord en pétrole puis, à une plus grande profondeur, en gaz. Le reste des sédiments se solidifi e.

    La majeure partie des hydrocarbures ainsi formés sont progressivement expulsés de la roche-mère et migrent vers la surface. Certains sont arrêtés lors de cette remontée par des roches imperméables et s’accumulent dans des réservoirs dits “conventionnels”.

    Les  hydrocarbures qui restent enfermés au  sein de la roche-mère, particulièrement compacte et peu

    perméable, sont appelés “hydrocarbures de roche-mère” ou, plus communément ,  “hydrocarbures de schiste”. Pour les exploiter, il faut recourir à des tech-niques d’extraction spécifi ques [voir pages 12 et 16].

    Formation typique de schiste.

    RESSOURCES MONDIALES

    Potentiellement présents dans tous les bassins sédi-mentaires, c’est-à-dire à  peu près par tout dans le monde, les hydrocarbures de schiste sont aujourd’hui essentiellement produits en  Amér ique du  Nord. Néanmoins, pour des  raisons d’accessibilité ou de rentabilité, tous les gisements techniquement récupé-

    rables ne sont pas exploitables. Afin de confirmer ou d’infi rmer ces estimations, des campagnes d’explo-ration in situ sont nécessaires [voir pages 4 sq.].

    LES RESSOURCES DE GAZ DE SCHISTETECHNIQUEMENT RÉCUPÉRABLESEN MILLIERS DE MILLIARDS DE MÈTRES CUBES

    Source : AIE, World Energy Outlook 2012

    30CANADA

    ET MEXIQUE25

    ÉTATS-UNIS

    16EUROPE

    36CHINE

    35AMÉRIQUE

    DU SUD

    30AFRIQUE

    11AUSTRALIE

  • 3

    RESSOURCES POTENTIELLES EN FRANCE

    La similitude géologique entre les bassins sédimentaires métropolitains et ceux du Texas ou du nord des États-Unis pourrait, selon l’Administration américaine de l’énergie (EIA), faire de la France le pays européen aux ressources en hydrocarbures de schiste les plus importantes, avec la Pologne(1). Là encore, ces potentiels ne restent que conjectures tant qu’une prospection ciblée du sous-sol français n’a pu être réalisée.

    Les ressources en gaz de schisteLes ressources en gaz de schiste se situeraient proba-blement dans le  sud-est de  la  France et  la  vallée du Rhône. Les chiffres avancés (5 100 milliards de m3

    selon l’EIA, soit plus de 20 fois le volume de gaz naturel extrait jusqu’ici du gisement de Lacq, et l’équivalent de 100 ans de consommation française actuelle) sont d’autant plus théoriques que le  sous-sol profond de cette vaste région a été peu exploré.

    Les ressources en pétrole de schisteDepuis les années 1950, plus de 2 000 forages d’ex-ploration-production d’hydrocarbures ont été réalisés dans le Bassin parisien. Les 10 000 km2 de cette région pourraient encore contenir jusqu’à  10 % de  la  consomma t ion f r anç aise de  pé t r o le sur trente ans(2).

    RESSOURCES MONDIALES RÉCUPÉRABLES DE PÉTROLE : 5 871 GB

    RESSOURCES RÉCUPÉRABLES DE PÉTROLE EUROPE OCDE : 116 GB

    Non conventionnel3 193 Gb

    Conventionnel 2 678 Gb

    46 %50 %

    4 %4 %% Non conventionnel25 Gb

    Conventionnel 91 Gb

    Source : AIE, World Energy Outlook 2012

    16 %

    78 %

    RESSOURCES MONDIALES RÉCUPÉRABLES DE GAZ NATUREL : 790 TM3

    RESSOURCES RÉCUPÉRABLES DE GAZ NATUREL EUROPE OCDE : 46 TM3

    * Les ressources en gaz non conventionnel dans les régions riches en gaz conventionnel sont souvent mal connues, en particulier en Eurasie et au Moyen-Orient, et pourraient par conséquent être bien plus importantes.

    (1 Gb = 1 milliard de barils)

    (1 Tm3 = 1 000 milliards de m3)

    Gaz conventionnel

    Gaz de schiste

    Autres gaz non conventionnels

    Pétrole conventionnel

    Pétrole de schiste

    Autres pétroles non conventionnels

    Non conventionnel*328 TM3

    Conventionnel462 TM3

    59 %25 %

    16 %

    Non conventionnel22 TM3

    Conventionnel 24 TM3

    52 %35 %

    13 %

    6 %6 %

    (1) Fin 2012, la Pologne était le pays européen le plus avancé dans la connais-sance de son sous-sol, avec des ressources récupérables en gaz non conventionnel désormais évaluées entre 0,35 à 0,77 Tm3 par l’Institut Polonais de Géologie (PIG). L’exploitation commerciale devrait y débuter en 2014.

    (2) L’Institut Français du Pétrole (IFP) estime le pétrole en place à environ 16 milliards de barils.

  • 4

    1 EXPLORER

    5 À 7 ANS D’ÉTUDES SONT NÉCESSAIRES POUR CONFIRMER LA PRÉSENCE D’UN GISEMENT POTENTIEL D’HYDROCARBURES ET DÉTERMINER S’IL PEUT ÊTRE OU NON EXPLOITÉ COMMERCIALEMENT.

    OBTENIR UN PERMIS DE RECHERCHE

    BIEN CHOISIR UN PERMIS : LES ÉTUDES PRÉLIMINAIRES

    Tout lancement d’une campagne de recherche d’hydrocarbures est précédé d’une phase d’étude géologique et géophysique permettant la délimitation de la zone à explorer.

    Concrètement, la compagnie rassemble toutes les données dispo-nibles dans le domaine public sur la zone suscitant son intérêt (données géologiques issues des échantillons de roche et des déblais d’anciens forages, données géophysiques, documents qui centralisent les études et informations sur les forages réalisés par le passé).

    L’ensemble de ces données nourrissent des logiciels d’analyse et de simulation qui permettent de se faire une première idée du potentiel du sous-sol de la zone, ainsi que des probabilités de découverte.

    La France dispose pour certaines régions d’un patrimoine de données très riche, constitué à partir des années 1950 par des compagnies longtemps actives sur le territoire.

  • 5

    1 EXPLORER

    OBTENIR UN PERMIS : LA RÉGLEMENTATION EN VIGUEUR

    Si les résultats de ces études préliminaires sont encourageants, la compagnie va demander l’octroi d’un permis d’exploration de cette zone ou, le cas échéant, s’associer à un opérateur déjà titulaire d’un permis.

    En Europe, c’est la directive 94/22 du 30 mai 1994 qui fixe les conditions d’octroi et d’exercice de l’autorisation de pros-pecter des hydrocarbures. En France, cette autorisation est régie par le code minier. C’est l’État, auquel le code civil accorde la propriété et les droits sur le sous-sol (indépendamment de la propriété du terrain de surface), qui a le pouvoir d’attribuer des  permis. Ces permis, exclusifs, ont une durée limitée de 3 à 5 ans pour une première période, renouvelable deux fois (moyennant une réduction de la superfi cie de 50 % puis de 25 %).

    Pour solliciter un permis, un dossier complet doit être fourni à l’administration centrale (avec mémoire technique de la zone, description du périmètre, de la durée et des travaux projetés, justifi cations des capacités techniques et fi nancières, notice d’impact environnemental).

    Après vérification de la recevabilité du dossier par le préfet du département, l’administration centrale publie la demande de permis dans les journaux offi ciels français et européen, ainsi que sur son site internet. S’ouvre alors une période de mise en concurrence de 90 jours, durant laquelle d’autres compa-gnies peuvent déposer une demande de permis sur la même zone. Les DREAL(1) et DRIEE(2) procèdent pendant ce temps à une première consultation des services administratifs locaux pour établir la liste des diff érentes contraintes (sites archéolo-giques, zones militaires, etc.).

    L’instruction du (des) dossier(s) peut durer 1 à 2 ans. Sont consultés notamment les DREAL, les services en charge des hydrocarbures, de l’eau, de l’archéologie préventive... En cas de réponse favorable, l’administration peut décider d’octroyer le permis à une ou plusieurs compagnies, auxquelles, le cas échéant, elle demande de s’associer.

    (1) Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement. (2) Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie.

    Si les fondements originels du code minier datent de 1810, lois et décrets les ont fait profondément évoluer tout au longdu XXe siècle, en fonction des préoccupations nouvelles : création des permis de recherche ; organisation précise du régimede l’exploitation ; limitation de la durée des concessions ; renforcement de la protection de l’environnement, du pouvoirde contrôle de l’administration, etc.

    À l’heure où les attentes de la société civile se multiplient en matière d’information et de concertation, une nouvelle adap-tation s’avère nécessaire. C’est tout le sens de la réforme annoncée en septembre 2012, qui a notamment pour objectifd’assurer la conformité du code minier à l’ensemble des principes constitutionnels de la Charte de l’environnement. La révi-sion des procédures qui accompagne cette réforme devrait permettre, en particulier, une participation des populationset des élus locaux plus en amont dans les projets.

    Le projet de loi portant cette réforme pourrait être présenté en conseil des ministres au printemps 2013.

    UNE RÉFORME ATTENDUE DU CODE MINIER

    LE CAS PARTICULIER DES PERMIS DE RECHERCHE D’HYDROCARBURES DE SCHISTE

    En interdisant sur le territoire français “l’exploration et l’ex-ploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique” – une situation sans précédent dans le monde –, la  loi n° 2011-835 du 13  juillet 2011 a conduit à  l ’abrogation de  tous les  permis exclusifs de recherche (préalablement délivrés par les pouvoirs publics selon les règles en vigueur) comportant des projets ayant

    explicitement recours à cette technique, ou réputés y avoir nécessairement recours.La fracturation hydraulique étant aujourd’hui la seule tech-nique éprouvée permettant d ’explorer ef f icacement la roche-mère et d’en extraire les hydrocarbures [voir page 16], l’exploration et la production de gaz et de pétrole de schiste sont de fait prohibées en France.

  • 6

    1 EXPLORER

    LOCALISER LES RESSOURCES POTENTIELLES : L’ACQUISITION DE DONNÉES DE TERRAIN

    Son permis de recherche obtenu, la compagnie peut lancer la phase d’exploration de terrain, qui dure au moins un an.

    ÉTUDIER DEPUIS LA SURFACE AVANT DE FORER

    Compte tenu du coût d’un forage d’exploration, il importe avant tout d’acquérir des données de surface pour justifi er l’utilité d’une telle opération dans la zone et, le cas échéant, en déter-miner le meilleur emplacement. Géologues et géophysiciens relèvent dans ce but, à l’échelle régionale puis locale, diverses données : échantillons de roche superfi cielle, images du sous-sol grâce à la sismique, données aériennes de gravimétrie(3), traces éventuelles d’hydrocarbures en surface...

    (3) Méthode géophysique qui permet de  caractériser la  structure géologique du sous-sol grâce à l’étude des variations spatiales du champ de pesanteur.

    > Dans le cas des hydrocarbures de schiste, l ’acquisition de données en surface s’effectue parfois dans des zones densément peuplées. Au  terme d’analyses plus ou moins longues, on élabore des premières hypothèses sur l’épaisseur et l’étendue de la roche-mère.

    Une fois prise la décision de forer, des équipes techniques évaluent, en coopération avec les autorités locales et les pro-priétaires de  terrains, les meilleurs sites candidats pour implanter le forage.

    Fin 2012, en Europe, le Danemark était à ce stade de l’explora-tion d’hydrocarbures de schiste.

    LES PRINCIPAUX GISEMENTS DE GAZ DE SCHISTE DÉBUT 2012

    NORVÈGE

    ROYAUME-UNI

    DANEMARK

    BELGIQUE

    PAYS-BAS

    FRANCE

    ESPAGNE

    ESTONIE

    LETTONIE

    LITUANIE

    PORTUGAL

    SUÈDE

    6500066 00661131 311311311113

    2 3422 3482 348888

    5 09445 0945 4

    292929999925 2229292929292

    1111 1881 181 181

    44244

    53535375355

    1 16011

    5665656555

    4814888811814818818 226POLOGNE

    ALLEMAGNE

    AUTRICHE

    SLOVÉNIEHONGRIE

    ROUMANIE

    BULGARIE

    TURQUIE

    UKRAINERÉP. TCHÈQUE

    Gisements

    Réserves estimées en milliards de m3

    Fracturation hydraulique interdite

    Forages d’exploration débutés

    Forages d’exploration suspendus ou abandonnés

    Permis d’exploration mais aucun test effectué

    Source : Ufi p

  • 7

    1 EXPLORER

    EXPLORER LE SOUS-SOL

    Seule l’exécution d’un forage permet de “découvrir”, à propre-ment parler, un réservoir de pétrole ou de gaz. En cas de succès, il faut encore forer plusieurs puits en divers endroits du gise-ment, afi n de mieux connaître sa taille et ses caractéristiques, en particulier son degré d’homogénéité.

    > Dans le cas des hydrocarbures de schiste, on fore en moyenne un à trois puits verticaux classiques [voir page 12] permettant d’atteindre la roche-mère et d’en prélever des échantillons (ou “carottes”). Ces puits d’exploration seront d’autant plus nombreux – et la phase d’exploration d’autant plus longue – que la roche-mère, dont la porosité et la perméabilité(4) sont déjà particulièrement faibles, sera hétérogène.

    Fin 2012, le Royaume-Uni et l’Allemagne étaient à ce stade de leur prospection. Seul le premier, avec trois puits forés, envi-sageait toutefois de poursuivre ses investigations ; d’où son choix de lever, en décembre 2012, le moratoire sur la fractura-tion hydraulique(5). La Suède, quant à elle, a mis fin à ses recherches après des résultats de forage décevants en 2009.

    (4) Il est important de disposer de ces éléments car on sait de la roche-mère que : moins elle est poreuse, plus ses pores (espaces entre les grains de la roche) sont petits et moins elle peut stocker d’hydrocarbures ; moins elle est perméable (c’est-à-dire plus elle est compacte), moins les pores sont connectés entre eux et moins les fl uides peuvent circuler dans la roche.

    (5) Après le déclenchement d’événements sismiques [voir page 20] de faible amplitude (+2 à 3 sur l’échelle de Richter) consécutifs aux premiers forages, le Royaume-Uni avait choisi de suspendre ses activités d’exploration. En décembre 2012, après avoir mené les études adéquates, le gouvernement britannique a fi nalement décidé de lever le moratoire sur la fracturation hydraulique et d’encourager la prospection de gaz de schiste.

    ∫ Un forage d’exploration peut coûter, en mer, 20 à 200 millions d’euros et à terre, 3 à 15 millions d’euros(selon des estimations récentes(1), le coût d’un tel forage en Europe se situerait dans le haut de cette fourchette).

    ∫ Il y a vingt ans, seul 1 forage d’exploration sur 7 aboutissait à la découverte d’un gisement exploitable.Aujourd’hui, grâce à l’amélioration des technologies, 1 forage sur 3 ou 4 aboutit à une telle découverte.

    ∫ À fi n 2012, près de 40 puits d’exploration d’hydrocarbures de schiste avaient été forés en Europe depuis le début des années 2000, lorsque la recherche de ces hydrocarbures y a débuté.

    ∫ Dans le Bassin parisien, quelque 800 forages ont traversé la roche-mère depuis les années 1950,permettant de mieux connaître cette roche et de déterminer la présence de pétrole en son sein.

    (1) Cf. l’estimation de Regeneris Consulting, bureau d’études économiques anglais [voir page 27].

    CHIFFRES CLÉS DE L’EXPLORATION

    La sismique (ou échographie du sous-sol) est une méthode de prospection qui permet de visualiser les structures géologiques en profondeur grâce à l’analyse des échos d’ondes sismiques. La sismique réfl exion utilise des camions vibreurs pour propager dans le sous-sol des ondes, qui sont réfl échies en partie à chaque limite de couche géologique et sont enregistrées par des capteurs.

  • 8

    1 EXPLORER

    Les activités d’exploration d’hydrocarbures sont rigoureusement encadrées en France et en Europe. Aux diverses régle-mentations européennes [voir page 22], s’ajoutent en France :

    ∫ le code minier, qui encadre l’octroi des titres mais également l’autorisation d’ouverture des travaux : tout sondage,ouvrage souterrain ou travail de fouille dépassant 10 mètres de profondeur, requiert une déclaration à l’autorité publiquecompétente. Travaux d’acquisition sismique, de forage d’exploration et de tests de production doivent ainsi faire l’objetd’une autorisation. Depuis le 1er juin 2012 (décrets n° 2011-2019 et 2011-2018), les travaux de forage d’exploration à plus de 100 mètres de profondeur sont soumis, en outre, à étude d’impact et enquête publique ;

    ∫ le Règlement général des industries extractives (RGIE), qui encadre la prévention des risques auxquels peuvent êtreconfrontés les travailleurs (il comporte en particulier des dispositions sur le bruit, l’électricité, le forage, les équipements de protection, etc.), ou encore les opérations de forage et l’architecture des puits assurant la protection des eauxsouterraines ;

    ∫ les dispositions du code de l’environnement relatives aux espaces naturels et protégés (Natura 2000, sites classés,forêts de protection, parcs naturels régionaux, réglementation des eaux et milieux aquatiques, etc.) ;

    ∫ le code de l’urbanisme et le code du patrimoine (législation sur l’archéologie préventive notamment) ;

    ∫ les réglementations techniques de droit commun (canalisation, équipements sous pression, matériels électriques, etc.),que doivent respecter les installations de forage ainsi que les équipements de surface.

    TRAVAUX D’EXPLORATION : LE CADRE RÉGLEMENTAIRE

    ÉVALUER LA QUANTITÉ D’HYDROCARBURES DISPONIBLES À L’EXPLOITATION

    LES TESTS DE PRODUCTION

    Si les dimensions et les caractéristiques géologiques du réser-voir étudié sont prometteuses, une  nouvelle phase est enclenchée pour évaluer, d’une part, la quantité d’hydrocar-bures présents dans le  gisement (ce  qu’on  appelle les “ressources”) et d’autre part, la quantité d’hydrocarbures récu-pérables en phase d’exploitation (qui constituent les “réserves” proprement dites).

    Cette phase d’appréciation, qui dure quelques semaines par puits, repose sur des tests de production réalisés en cours de  forage. Ils permettent de  recueillir en  fond de  puits des échantillons du gaz ou du pétrole à produire, afi n d’en ana-lyser les  caractér ist iques, et  d ’obser ver la  façon dont le gisement réagit (sa pression notamment) aux prélèvements eff ectués.

    > Dans le cas des hydrocarbures de schiste, les tests de pro-duction sont beaucoup plus longs et  sophist iqués car l’hétérogénéité et la faible perméabilité (donc productivité), par unité de volume, de la roche-mère peuvent nécessiter de mul-tiplier les techniques et les zones de test.

    On commence par des essais de fracturation hydraulique in situ sur au moins un ou deux puits verticaux, afi n d’étudier les micro-fissurations de la roche-mère dans les conditions de fond. Les puits forés lors de la phase précédente sont généralement réutilisés, mais il peut être utile de recourir à des forages sup-plémentaires pour mieux appréhender et délimiter la zone des réserves, ainsi que pour déterminer les techniques les plus appropriées à chaque zone de forage. En parallèle, si besoin, de nouvelles études sismiques sont réalisées.

  • 9

    1 EXPLORER

    Des tests de production sont ensuite eff ectués sur plusieurs semaines, le  temps d’étudier le comportement technique des puits verticaux ainsi que leur potentiel commercial.

    Si les résultats sont encourageants, on fore un nombre limité de puits exploratoires horizontaux [voir page 12] afi n de drainer une surface suffi sante de réservoir. Des tests de fracturation hydraulique sont réalisés à plusieurs niveaux de  la  roche-mère et la productivité des puits est suivie sur quelques semaines.

    Cette phase sert à cibler les zones les plus prometteuses (appelées sweet spots) des vastes bassins d’hydrocarbures de schiste : celles sur lesquelles concentrer, dans un souci de rationalisation, de limitation de l’impact environnemental et de durabilité, une éventuelle exploitation commerciale.

    Fin 2012, avec près d’une  trentaine de puits forés (dont trois horizontaux) et près de dix puits testés, la Pologne en était au début de cette phase d’appréciation.

    Communs pour la plupart à l’ensemble des projets de recherche d’hydrocarbures à terre (empreinte au sol, impact visuel,bruit, risque de pollution du sol), spécifi ques pour d’autres à la prospection d’hydrocarbures de schiste (incidences surles ressources en eau notamment), les impacts potentiels de cette phase sont strictement encadrés par la réglementationet font l’objet de procédures détaillées (appelées “bonnes pratiques”) au sein de l’industrie(1).

    Les sites de forage sont choisis en concertation avec le maire et les élus de la commune concernée, de manière à êtreéloignés des habitations et à éviter les zones sensibles. Une convention est signée avec le propriétaire du terrain et des réu-nions d’information sont menées auprès du voisinage (comme avant les travaux d’acquisition sismique). Une étude d’impactaura permis, au préalable, de prendre en compte l’ensemble des aspects liés à la biodiversité, aux conditions de sol, à l’hy-drographie et à la topographie.

    L’installation d’appareils de forage (ou rigs) compacts et de citernes verticales pour limiter l’empreinte au sol, l’utilisation judicieuse de la confi guration du terrain (relief et lisières de forêt par exemple) pour intégrer les équipements au paysage,la mise en place de murs antibruit dans les zones urbanisées, ou encore le recours à des unités mobiles de traitement pourrecycler l’eau utilisée [voir page 25], permettent de réduire au minimum les nuisances de voisinage pendant les travauxd’exploration.

    (1) Voir : www.ogp.org.uk/pubs/485.pdf

    TRAVAUX D’EXPLORATION : LES IMPACTS POTENTIELS

    Système mobile de traitement des eaux pour les phases d’exploration. Derrick de forage implanté sur un site américain.

  • 10

    1 EXPLORER

    ESTIMER LE POTENTIEL ÉCONOMIQUE DU GISEMENT ET LES CONDITIONS DE SON EXPLOITATION

    LES ÉTUDES DE DÉVELOPPEMENT

    Cette ultime étape du processus (1 à 2 ans) consiste à analyser les résultats des tests de production, les contraintes tech-niques et géologiques, le contexte économique, mais aussi les études environnementales et sociétales parallèlement conduites [voir encadré ci-dessous].

    Tous ces éléments vont orienter le plan de développement du gisement établi par les ingénieurs architectes de la compa-

    gnie, en particulier le nombre et  la fréquence des forages, la surface et  l ’emplacement des différentes installations, les techniques et équipements utilisés, les possibilités d’inté-gration du projet dans le tissu industriel ou agricole local, etc.

    Ce n’est qu’à l’issue de l’ensemble de ces analyses que la déci-sion pourra être prise par la compagnie et, le cas échéant, par ses partenaires, d’évoluer vers la phase d’exploitation.

    Lancées dès le début des travaux géologiques, les études d’impact environnemental, menées par des organismes reconnus,sont un élément important de la réussite d’un projet d’exploration-production d’hydrocarbures. Celui-ci, en eff et, évolueradans sa défi nition et sa réalisation techniques, de manière à prendre en compte les enjeux environnementaux soulevéstout au long du processus.

    L’industrie s’appuie en la matière sur un savoir-faire de plus en plus pointu et sur des méthodologies, développées parles ingénieurs en environnement, toujours plus poussées. Le dialogue avec les parties prenantes locales fait égalementpartie intégrante de cette démarche.

    La première étape consiste à établir, avant toute opération, l’état initial de la zone d’intérêt et de son environnement.Inventaire des aquifères (roches renfermant les nappes d’eau souterraines), caractérisation de la qualité de l’air, des milieux naturels et des équilibres biologiques, des activités agricoles et touristiques… Sur toutes ces thématiques, on marquegénéralement un point de référence (ou baseline), à partir duquel seront eff ectués les futurs suivis. Dans les eaux de sur-face, on mesure par exemple les niveaux initiaux de fer, de particules solides, de matière organique, de minéraux radioactifsou encore de méthane.

    La seconde étape consiste à analyser les eff ets directs et indirects des futurs travaux d’exploration et de production surl’environnement dans l’espace et le temps. La cartographie établie doit servir à anticiper la mise en place des technologiesnécessaires à : assurer la sécurité des opérations de forage et une étanchéité parfaite des puits ; protéger les terrains avoi-sinants d’une pollution éventuelle ; maintenir la qualité des paysages ; limiter les nuisances liées aux approvisionnementset aux travaux du chantier. Les résultats de ces études sont présentés aux autorités compétentes et aux parties prenantes,et leurs attentes et préoccupations sont prises en compte.

    LES ÉTUDES D’IMPACT ENVIRONNEMENTAL

  • 11

    1 EXPLORER

    DÉCLARER LA COMMERCIALITÉ DU PROJET

    Une fois le plan de développement fi nalisé et la décision prise d’exploiter le gisement, la compagnie déclare la commercialité du projet et dépose un dossier de demande de concession pour 50 ans maximum (renouvelable au maximum 25 ans).

    En Europe, c’est à nouveau la directive 94/22 du 30 mai 1994 qui fi xe les conditions d’octroi et d’exercice des autorisations d’exploiter des hydrocarbures.

    En France, ces procédures sont régies par le code minier. C’est l’État qui a le pouvoir d’accorder des concessions d’exploitation souterraine, distinctes de la propriété du terrain de surface ; en contrepartie, les communes, les départements concernés et lui-même perçoivent des redevances.

    Pour solliciter une concession, doit être communiqué aux admi-nistrations compétentes un dossier complet (avec mémoire technique de la zone ; plan de développement ; notice d’impact ; perspectives de production). Une nouvelle consultation des ser-vices et une nouvelle enquête publique doivent être menées.

    L’instruction du dossier dure en moyenne 2 à 3 ans. Pendant cette période, l’administration peut demander de revoir le plan de développement avant d’accorder la concession. Celle-ci n’est délivrée que si l’entreprise possède les capacités techniques et fi nancières et met en œuvre les meilleures pratiques pour mener à bien l’exploitation.

    Les conditions d’une mise en œuvre sûre et contrôlée de la phase d’exploration

    ∫ Des industriels reconnus et fi ables, ainsi que l’application par l’industrie et l’administration des réglementations qui encadrent les activités d’exploration d’hydrocarbures.

    ∫ Un état des lieux initial et des études sur l’ensemble des impacts environnementaux.∫ Une information complète sur les opérations envisagées et un dialogue régulier avec les autorités,

    les élus et la population locale.

    ∫ Une démarche de progrès continu intégrant les meilleures pratiques au sein de la profession et une Recherche & Développement active.

    EN RÉSUMÉ

  • 12

    PÉPÉPÉPÉPÉPÉTRTRTRTRTROLOLOLOLE E E EDEDEDEDEDE SSSSSCHCHCHCHCHCHISISISISISTETETETETETE

    ROROROROCHCHCHCC E-E-E-EE MÈMÈMÈMÈMÈRERERERE

    GAGAAGAGAZ Z Z ZZ DEDEDEDEDDE CCCCCCHAHAHAHAHARBRBRBRBONONNN

    GAZ CONVENTIONNEL

    3000

    3500

    4000

    2000

    2500

    1500

    1000

    500

    PÉTROLE CONVENTIONNEL HUILE LOURDE SABLE BITUMINEUX

    GAGAGAGAGAGAGAZZ Z Z ZZDEDEDEEDE SSSSSCHCHCHCHCHISISISISISISTETETETETETE

    UNE EXPLOITATION D’HYDROCARBURES DE SCHISTE PEUX DURER JUSQU’À 50 ANS ET IMPLIQUE TROIS PHASES D’OPÉRATIONS : LE FORAGE, LA STIMULATION ET L’EXTRACTION.

    2 PRODUIRE

    FORER

    COMMENT ÇA MARCHE ?

    Pour produire des hydrocarbures conventionnels, on  fore un puits (vertical, dévié, horizontal…) jusqu’au réservoir, per-mettant au pétrole ou au gaz de remonter naturellement à la surface par diff érence de pression.

    > Dans le cas des hydrocarbures de schiste, localisés de façon diff use dans une couche très étendue, un puits vertical clas-sique ne permet d’accéder qu’à un faible volume. Il faut donc forer un  puits vertical jusqu’à  la  roche-mère (sur 1  500 à 3 000 mètres de profondeur), puis horizontal dans cette même roche (sur 1 000 à 2 000 mètres de longueur), de manière à drainer un plus grand volume.

    Source : Total

    GAGAGAGAG ZZ ZZ Z DEDEDEDEEE RRRRRRÉSÉSÉSÉSÉSERERERERRVOVOVOVOVOIRIRIRIRIRI CCCCCOMOMOMOMPAPAPAPAPACTCTCTCTTCT

    SITUATION DES DIFFÉRENTS GISEMENTS D’HYDROCARBURES DANS LE SOUS-SOL

    0

  • 13

    2 PRODUIRE

    LE CADRE RÉGLEMENTAIRE

    À l’instar des forages d’exploration, les forages d’exploitation sont strictement réglementés en Europe et en France. Soumise à une demande d’autorisation de travaux, toute implantation d’un site de forage est précédée de procédures d’information et de consultation locales (enquête publique récemment réfor-mée par la loi Grenelle II).

    L’architecture du puits, en particulier, doit être conforme aux normes les  plus exigeantes définies par le  RGIE (décret du 22 mars 2000). Un contrôle qualité garantissant l’intégrité

    (étanchéité dans la durée) des tubages et de la cimentation est obligatoire après tout forage.

    Pour prévenir un déversement accidentel, et afin de protéger les eaux super f icielles et  les sols, la  législation impose un dispositif de rétention étanche autour des stockages de produits chimiques nécessaires à  la préparation des fluides de forage. Elle prévoit également un plan de gestion, d’évacuation et d’élimination des déchets et des effluents (un Bordereau de suivi des déchets industriels, ou BSDI, doit notamment être rempli).

    LES SOLUTIONS DE L’INDUSTRIE POUR LIMITER ET MAÎTRISER LES IMPACTS POTENTIELS

    Le forage horizontal est une technique connue et mise en œuvre par l’industrie pétrolière et gazière depuis plusieurs décennies. Ainsi, à Coulommes, premier champ pétrolier découvert dans le Bassin parisien, la société Petrorep l’utilise pour accroître la récupération des hydrocarbures.

    Comme pour toute installation industrielle, les opérateurs conduisent, avant chaque forage, des études de risques afi n d’identifier les contrôles et  les mesures nécessaires pour réduire tout risque lié à la santé, la sécurité, la sûreté ou encore l’environnement. Ils veillent également, en lien avec les ins-tances locales compétentes, à informer le voisinage.

    Les impacts visuels et sonoresChaque forage implique de mettre en place une tour de forage, appelée derrick (ou rig), qui peut mesurer 30 à 40 mètres de haut (à comparer avec un mât d’éolienne, qui mesure 50 à 80 mètres). Son impact visuel est provisoire puisqu’une fois la campagne de forage terminée, le derrick est retiré. Ne reste alors visible, en phase de production, que la partie non enterrée de la tête de puits (soit moins d’un mètre de haut).

    Comme pour tout chantier, les opérations de forage engendrent un  bruit et  un  trafic routier inhabituels durant quelques semaines. Des solutions existent pour limiter ces impacts : uti-lisation d’appareils de  forage nouvelle génération moins bruyants, installation de murs antibruit dans les zones sen-sibles, choix des itinéraires de camions en conséquence, etc.

    Appareil de forage automatique aux États-Unis.

  • 14

    2 PRODUIRE

    La préservation des nappes phréatiquesTous les puits profonds traversent des nappes phréatiques : c’est le cas des puits d’hydrocarbures de schiste comme des puits conventionnels de pétrole et de gaz, des puits géo-thermiques et même des puits d’eau.

    Depuis plus d’un siècle, les foreurs ont appris à traverser ces nappes sans les polluer : les puits sont conçus et construits de façon à isoler leur espace intérieur des formations géolo-giques qu’ils traversent. Pour cela, on emboîte des tubages d’acier de diamètres décroissants, que l’on cimente au fur et à mesure des diff érentes phases de forage. Afi n de garantir

    une protection maximale des aquifères de surface, au moins une à deux colonnes de tubage sont cimentées sur toute la hauteur de la nappe. Cette “barrière” d’étanchéité méca-nique est doublée d’une barrière de pression, avec l’utilisation d’un fluide à base d’eau douce durant les phases de forage en surface.

    S’il n’est pas réalisé dans les règles de l’art et selon les régle-mentations en vigueur, un puits peut connaître un défaut d’étanchéité, susceptible d’entraîner une  contamination des aquifères. C’est la principale cause des quelques rares cas de contamination accidentelle observés aux États-Unis.

    Préparation d’un site de forage avec pose d’une membrane de protection du sol (liner) contre le risque de déversement accidentel.

    LES BARRIÈRES D’ÉTANCHÉITÉ

    CimentCoffrage

    conducteuren acierColonne

    de surfaceen acier

    Colonnede production

    en acier

    Tubede production

    en acier

    Source : Total

  • 15

    2 PRODUIRE

    La gestion des fluides de forageLe forage d’un puits implique l’utilisation d’un fl uide, appelé “boue de forage”, qui a pour objectifs de remonter les débris de roche, de stabiliser l’intérieur du puits, de lubrifi er et refroidir le  trépan (outil de  forage), enfin, de contrôler la pression du liquide ou du gaz présent dans la formation. Cette boue, dont

    la composition varie en fonction de la profondeur ou encore de la nature de la roche forée, peut être soit à base d’eau, soit à base de produits de synthèse, auxquels on adjoint parfois des additifs naturels ou chimiques. Ces fl uides sont systémati-quement recyclés et réutilisés afin d’optimiser les volumes d’eau ou d’additifs nécessaires.

    Aujourd’hui, aux États-Unis, on fore en 3 à 4 semaines un puits à 2 500 mètres de profondeur,auxquels s’ajoutent 1 500 mètres de forage horizontal, soit en 2 fois moins de temps qu’il y a 7 ans, au début du développement des gaz de schiste.

    ∫ Sur un même site, on fore jusqu’à 10-15 puits. Avec les opérations de fracturation hydraulique, il s’agit de la phase d’activité la plus intense dans la vie d’une exploitation.

    ∫ Le diamètre d’un puits standard est celui d’un grand plat à tarte au niveau du sol, et d’une soucoupe à café au niveau du fond du gisement.

    ∫ Une “tête de puits” (équipement de sécurité qui permet la fermeture du puits) peut mesurer jusqu’à 2 mètres de hauteur. Elle est partiellement enfouie dans le sol.

    ∫ Les drains horizontaux (partie horizontale du puits) mesurent en moyenne 1 500 mètres.∫ Selon les estimations de l’OGP (International Association of Oil & Gas Producers), le forage d’un puits

    horizontal européen relativement profond devrait requérir, en fonction de la géologie du sous-sol, 2 500à 5 000 m3 d’eau (soit l’eau nécessaire pour fabriquer 1 hectare de neige à partir d’un canon à neige).

    CHIFFRES CLÉS DU FORAGE

  • 16

    2 PRODUIRE

    0 m

    Pu

    its

    de

    fo

    rag

    e

    Ga

    z d

    e h

    ou

    ille

    Ga

    z d

    e s

    ch

    iste

    L’appareil deforage est misen place pour3 à 4 mois afind’accéder augaz naturel.

    Nappe aquifère

    30 m

    -100 m

    -1000 m

    -2000 m

    -3000 m

    Tubage en acier :protection des

    nappes aquifèresLe fluide destimulationhydraulique

    Avertissement : tous les éléments de ce graphique sont représentés à échelle équivalente, à l’exception de la largeur du puits et des fissures, qui ont été agrandies dans un but pédagogique.

    L’eau rejetée etle gaz naturel

    Ciment

    -100 m

    -1000 m

    -2000 m

    -3000 m

    -4000 m

    0 m

    Tubagesen acier

    Le gaz produit dans le puits sert ensuite

    à chauffer des habitations et à produire de l’électricité. L’eau

    rejetée est traitée et recyclée.

    Perforateur(fait des trousdans la roche).

    Mélange d'eau, de sableet d’une faible quantitéde produits chimiques.

    Le gaz s’échappe de la roche par des fissures(remonte dans le puits).

    Gaz naturel

    Roche (schiste)

    3

    Roche (schiste)2

    Roche (schiste)1

    Micro-fissures artificiellesdans la roche.

    LE FOR AGE DU  GA Z DE  SCHIS T E

    © C

    opyr

    ight

    200

    3-20

    13 E

    xxon

    Mob

    il C

    orpo

    rati

    on.

    STIMULER

    COMMENT ÇA MARCHE ?

    Dans le cas des hydrocarbures de schiste, une fois le puits ver-tical puis horizontal foré, tubé, cimenté et le derrick retiré, on recourt à une technique de stimulation permettant aux hydrocarbures de circuler dans la roche et de rejoindre le puits : la “fracturation hydraulique”.

    Concrètement, il s’agit de créer un réseau de microfi ssures (ou de rouvrir les fi ssures existantes) dans la roche-mère sur quelques dizaines de mètres autour du puits. Pour ce faire, on injecte en fond de puits à haute pression un mélange d’eau et de sable (99,5 %), complété d’additifs chimiques (0,5 %). Une fois la fracturation réalisée, les fi ssures sont maintenues ouvertes par les grains de sable ; les hydrocarbures s’écoulent naturellement vers le tubage et sont produits dans les condi-tions habituelles [voir page 22].

    La fracturation hydraulique est une technique connue et mise en œuvre par l’industrie depuis plus de soixante ans en Amérique du Nord, et plus de trente ans en Europe, pour optimiser la pro-duction des gisements d’hydrocarbures conventionnels. C’est elle qui permet notamment d’exploiter, au Danemark et en Norvège, le pétrole enfermé dans des formations géologiques identiques à celles qui constituent les falaises de craie bordant la mer du Nord ou la Manche. Adaptée à la confi guration spéci-fique des gisements d’hydrocarbures de schiste, elle est également employée dans d’autres domaines tels que la géo-thermie ou les puits d’eau potable en zone granitique.

    Au fi l des années et de ses utilisations, cette technique a fait l’objet de nombreuses innovations, lui permettant de gagner en effi cacité et de limiter les consommations d’eau ainsi que d’additifs. Le multifracking, en particulier, permet désormais de fi ssurer la roche-mère de façon sélective, en se concentrant sur les zones les plus intéressantes autour du puits.

  • 17

    2 PRODUIRE

    LE CADRE RÉGLEMENTAIRE

    Outre les obligations qui incombent aux opérateurs relative-ment à la déclaration, la mise en place et le suivi des travaux miniers [voir pages 22 et 23], des réglementations spécifi ques encadrent potentiellement l’utilisation en France de la fractu-ration hydraulique (qui, rappelons-le, n’est pas autorisée sur le territoire pour l’exploration et la production d’hydrocarbures mais l’est pour la géothermie).

    Ainsi, les directives européennes sur l’eau et la biodiversité, les articles 6 et 8 du décret du 2 juin 2006 concernant l’inci-dence des travaux sur la ressource en eau, ou encore le Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), sont applicables sur les prélèvements d’eau, qui doivent faire l’objet d’une autorisation des autorités locales et d’une concertation entre les diff érents usagers.

    À  travers notamment REACH (Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals), la réglementation européenne sur les produits chimiques est tout aussi stricte, obli-geant les compagnies à enregistrer les compositions des fl uides qu’ils injectent et à mettre à disposition sur site des Fiches de données de sécurité (FDS) pour chaque produit utilisé. Le transport des produits chimiques doit par ailleurs satisfaire aux exigences de l’ECTA (European Chemical Transport Association). Seules les sociétés disposant des accréditations requises en termes de sécurité, de qualité et d’environnement (ISO 9001/2, MASE, ISO 14000) peuvent manipuler ces produits.

    ∫ La première application de la technique de la fracturation hydraulique a été enregistrée au Kansas en 1947. Depuis, plus d’1,2 million de puits ont été stimulés dans le monde au moyen de cette technique(1).

    ∫ Une opération de stimulation hydraulique dure 2 à 5 jours par puits, chaque injection du fl uidede fracturation étant en elle-même limitée à quelques heures.

    ∫ Pour chaque puits, 5 à 15 zones favorables de microfi ssures peuvent être stimulées isolément grâce à la technique du multifracking.

    ∫ Pour un puits à 5 phases de stimulation, il faut 1 500 à 2 000 tonnes de sable ; le sable injectédans les fl uides de stimulation (à hauteur de 9,5 %) permet de maintenir ouvertes des fi ssuresde 1 à 2 mm de diamètre.

    ∫ Selon les estimations de l’OGP, la stimulation d’un puits horizontal européen peut requérir, en fonction de la géologie du sous-sol, 7 500 à 15 000 m3 d’eau pour 5 à 15 fracturations(soit presque 1 000 fois moins que la quantité d’eau utilisée pour produire la même quantité d’énergiesous forme de biocarburant à partir de maïs).

    ∫ Lors d’un test de fracturation eff ectué sur un de ses puits verticaux du Bassin parisien (avant l’interdiction de cette technique par la loi française), Vermilion a injecté 782 m3 d’eau et en a récupéré 529 m3, soit un taux de récupération de 67 %.

    ∫ L’acheminement du sable et des produits chimiques nécessaires à la fracturation hydraulique requiertenviron 50 camions par puits ; une dizaine de camions sont mobilisés, par ailleurs, pour transporter sur le site les équipements de stimulation(2).

    (1) Rapport du Committee on the Environment, Public Health and Food Safety, avril 2012.(2) Cf. Conférence scientifi que et technique du GEP-AFTP, 13 septembre 2012.

    CHIFFRES CLÉS DE LA STIMULATION

  • 18

    2 PRODUIRE

    LES SOLUTIONS DE L’INDUSTRIE POUR LIMITER ET MAÎTRISER LES IMPACTS POTENTIELS

    Comme toute opération industrielle, la technique de la fractu-ration hydraulique doit être employée de manière responsable et respectueuse de  l’environnement. Il existe déjà au sein de l’industrie un corpus de “bonnes pratiques”, reprises par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans ses dix règles d’or édictées en mai 2012. L’expérience engrangée actuelle-ment aux États-Unis, au  Canada, en  Australie ou  encore en Pologne, est à cet égard riche d’enseignements. Le public, consulté au travers des procédures minières, peut vérifi er que ces bonnes pratiques sont appliquées par les industriels.

    La consommation d’eauLa production des hydrocarbures de schiste requiert générale-ment plus d’eau que celle d’un  gisement conventionnel. Si  les quantités requises ne sont importantes qu’au début de la vie des puits, et si elles restent plus faibles que les besoins en  eau d’autres secteurs (comme l ’acier, le  charbon ou le nucléaire)(1), elles nécessitent de disposer localement de res-sources suffi santes.

    Avant de forer un puits, une évaluation des ressources environ-nantes en eau est réalisée en fonction des critères suivants : volumes et qualité de l’eau requis par les opérations, disponibi-lité de la ressource à court et long termes, usages concurrents, proximité, moyens de transport disponibles, caractéristiques géologiques de la formation à fracturer. Après avoir sélectionné une source adéquate (en collaboration, généralement, avec les agences locales de l’eau), la compagnie fait une demande d’autorisation de prélèvement selon les règles en vigueur.

    Pour éviter d’entrer en concurrence avec d’autres usages prio-r itaires comme la  consommation humaine et  animale ou l’irrigation, il est possible d’utiliser de l’eau sans valeur pour les usagers, telle que : l’eau issue d’une fracturation précé-dente ; l’eau usée traitée(2)  ; l ’eau issue d’un aquifère salin profond, impropre à la consommation ; l’eau de pluie recueillie en période de fortes précipitations puis stockée ; l’eau de mer.

    (1) Cf. Natural Gas : Helping to Ensure Our Energy Future, présentation de Wood Mackenzie au Sénat américain le 17 juin 2011 : “Full life cycle water usage for shale gas used in CCGTs is less than half that of the full cycle water usage required to mine and burn coal in power stations.”

    (2) C ’est le sens du projet d’usine de  traitement d’eaux usées lancé par Shell à Groundbirch, au Canada, qui ser vira à  la  fois aux opérations pétrolières et à la municipalité de Dawson Creek.

    La réutilisation de l’eau produite pendant le forage puis pendant les premières opérations de stimulation est la forme privilégiée pour les nouveaux développements. Quant aux opérations ini-tiales sur un site, on peut commencer à prélever et stocker l’eau dès l’obtention des autorisations requises, en petites quantités et de façon régulière, afi n de minimiser l’impact des prélève-ments sur la ressource locale.

    L’impact des additifsBactéricides pour éviter l’activité bactérienne dans le puits ; anticorrosion pour préserver les parois métalliques du puits et les tubes de production ; gélifi ants pour faciliter le transport du sable dans les fi ssures ; surfactants pour faciliter l’évacua-tion de l’eau afin qu’elle soit récupérée et traitée avant son retour dans son milieu d’origine… Les produits chimiques utili-sés lors de la fracturation, dont le nombre et la proportion dépendent des  caractér istiques du  réser voir ainsi que des conditions de chaque puits, représentent en général 0,5 % du volume d’eau injecté.

    S’ils se retrouvent dans de nombreux produits de consomma-tion courante (détergents, cosmétiques, désinfectants, etc.), ils sont utilisés en nombre de plus en plus restreint (de l’ordre d’une dizaine) et en proportion de plus en plus réduite. En outre, l’industrie tend aujourd’hui à faire appel à des produits biodé-gradables et présents dans l’agroalimentaire : pour les gélifi ants, on utilise par exemple le saccharose ou la gomme de guar, que l’on trouve dans les sorbets et les sauces.

    Consciente des inquiétudes que ces produits suscitent chez les citoyens, l’industrie s’engage à la plus grande transparence sur la nature des composants utilisés. De nombreuses initia-tives, telles que le  site Fracfocus.org, permettent ainsi de rendre accessibles au public les  informations relatives à chaque puits.

  • 19

    2 PRODUIRE

    INGRÉDIENTS DU FLUIDE DE STIMULATION ET USAGES COMMUNS

    COMPOSANT OBJECTIF USAGE COMMUNAcide chlorhydrique ou muriatique

    Dissout les ciments minéraux et commence à produire des fi ssures dans la roche

    Détergents et nettoyants pour piscines

    Sodium Retarde la décomposition du gel polymère Sel de table

    Polyacrylamide Réduit la friction entre le fl uide et les tubages

    Traitement de l’eau, conditionnement des sols

    Éthylène glycol Empêche les dépôts dans les tuyaux Nettoyants ménagers, agents de dégivrage, peintures et produits de calfeutrage

    Borax Maintient une viscosité fl uide lorsque les températures augmentent

    Utilisé dans les détergents à lessive, savons pour les mains et cosmétiques

    Carbonate de potassium ou de sodium

    Préserve l’effi cacité des autres composants tels que les agents de réticulation

    Utilisé dans les lessives, savons, adoucisseurs d’eau et produits pour lave-vaisselle

    Glutaraldéhyde Élimine les bactéries, présentes dans l’eau, responsables de la formation de sous-produits corrosifs

    Désinfectant ; stérilisateur de matériel médical et dentaire

    Gomme de guar Épaissit l’eau afi n de fi xer le sable Agent épaississant utilisé dans les cosmétiques, produits de boulangerie et pâtisseries, crèmes glacées, dentifrices, sauces

    Acide citrique Empêche la précipitation d’oxydes métalliques

    Empêche la précipitation d’oxydes métalliques

    Alcool isopropylique Réduit la tension superfi cielle du fl uide de stimulation afi n de faciliter l’extraction du liquide du puits après stimulation

    Utilisé dans les nettoyants à vitres, nettoyants multi-surfaces, anti-transpirants, déodorants et produits de coloration des cheveux

    Source : ExxonMobil

    Les impacts en surfaceSi elles ne fonctionnent que quelques jours par puits, les pompes qui permettent d’injecter les fl uides de fracturation font du bruit. De nouvelles unités assurent toutefois des niveaux sonores réduits, que peut venir encore diminuer l’utilisation de caissons d’insonorisation autour des équipements les plus bruyants.

    Afi n de limiter le trafi c routier, il est possible d’acheminer l’eau nécessaire aux opérations par canalisations, plutôt que par camion. En phase de développement, une centrale de traite-ment et de distribution d’eau est alors installée au cœur de la zone exploitée, permettant d’alimenter les puits, de récu-pérer et de traiter les eaux de production.

    Avant toute intervention, les compagnies mènent une concerta-tion avec les services municipaux (pour fixer notamment les horaires d’opération et les itinéraires empruntés par les véhi-cules), ainsi que des réunions d’information auprès du voisinage.

    Tête de puits lors d’une opération de pompage du fl uide de stimulation hydraulique.

  • 20

    2 PRODUIRE

    Le risque d’une contamination des nappes phréatiques liée à la fracturation hydraulique

    La fracturation hydraulique est mise en œuvre au niveau de la partie horizontale du puits, autrement dit à une profondeurtelle (au moins 2 000 mètres) que le risque de contaminer les aquifères de surface (situés en général à moins de 250 mètresde profondeur) est quasi nul. Comme le rappelle le Parlement européen, sur plus d’un million de fracturations eff ectuéesdans le monde, “aucun cas” de contamination d’eau potable directement lié à l’emploi de cette technique n’a pu être démon-tré à ce jour(1). Les rares cas de contamination accidentelle observés aux États-Unis semblent provenir de défauts dansl’étanchéité des puits à l’endroit où ceux-ci traversent des aquifères.

    Dans les zones sensibles, la propagation des fi ssures créées par stimulation hydraulique peut être étroitement surveilléepar des outils de microsismique : un monitoring continu permet alors de contrôler en temps réel, en gérant la pressionde l’eau injectée, l’extension du réseau de fi ssures et de confi rmer leur confi nement.

    Reste le risque d’une contamination par un déversement accidentel en surface, propre à toute activité industrielle et prisen compte en amont de tout projet [voir page 24].

    Les “événements microsismiques”

    L’ouverture des fi ssures par fracturation hydraulique provoque, au niveau de la roche-mère, des secousses infi mes, qualifi éesd’“événements microsismiques”. Elles ne sont détectables que par les instruments de mesure les plus fi ns car leur magnitudeest extrêmement basse (autour de -1,5 en moyenne(2) sur l’échelle de Richter(3)). L’être humain ne pouvant percevoir une secousse qu’à partir de +3, les événements générés par la fracturation hydraulique sont considérés comme négligeablesen termes de risques pour le public, les infrastructures ou encore les ressources naturelles(4).

    Il est vrai que des secousses plus fortes (de l’ordre de +2,3, soit moins que les vibrations émises par le métro à Paris), ontété enregistrées par exemple en Grande-Bretagne. Des études ont démontré que ces phénomènes sont dus à la combinai-son inhabituelle de deux facteurs : la pression exercée sur la roche par l’injection d’eau, et la présence d’une zonenaturellement fracturée et sismiquement instable. Des études géologiques et géophysiques préalables (pour détecterla présence éventuelle de failles et positionner les puits en conséquence), ainsi que le suivi continu par monitoring du com-portement de la roche lors des opérations de fracturation, permettent d’éviter ces incidents par anticipation et, le caséchéant, par arrêt immédiat des opérations.

    La gestion de la radioactivité naturelle des terrains

    Les roches contiennent naturellement des traces de minéraux radioactifs. L’eau utilisée dans les processus d’explorationet de production d’hydrocarbures (tous types confondus) peut absorber une partie de cette radioactivité par contact avecces composés naturels (appelés NORM : Naturally Occurring Radioactive Materials), que l’on trouve également dans l’air,le sol, l’eau ou la nourriture à des taux très faibles. Leur niveau est suivi grâce à l’état zéro réalisé avant le début des opé-rations [voir page 10], puis à un protocole d’échantillonnage et des analyses régulières en laboratoire.

    S’il s’avérait que, durant les opérations de fracturation hydraulique, la présence de tels minéraux dépassait les seuils limite prévus par la réglementation, ils seraient séparés au cours du processus de traitement et envoyés, selon la réglementationen vigueur, dans un centre de stockage approprié.

    (1) Cf. le rapport Committee on the Environment, Public Health and Food Safetyd’avril 2012  : “No official or other reputable sources worldwide havedemonstrated any cases where hydraulic fracturing has led to contamina-tion of drinking water”. L’unique cas où la fracturation hydraulique enelle-même a été incriminée (à Pavillion, dans le Wyoming) constitue un casd’école d’un usage impropre de la technique, puisque l’opérateur a fracturéla roche bien trop près de la surface, à environ 600 mètres.

    (2) Cf. Addressing the Environmental Risks from Shale Gas Development, Mark Zoback, Saya Kitasei and Bradford Copithorne, Worldwatch Institute,Natural Gas and Sustainable Development Initiative, July 2010.

    (3) L’échelle de Richter est logarithmique, c’est-à-dire que le niveau 5 corres-pond à 10 fois plus de mouvement de sol et 32 fois plus d’énergie relâchée que le niveau 4. Il y a des millions de tremblements de terre dans le monde tous les ans, dont 100 000 environ peuvent être ressentis en surface (3 ou plus sur l’échelle de Richter).

    (4) Cf. une étude récente du Department of Environmental Conservation of New York State : “there is negligible increased risk to the public, infras-tructure, or natural resources from induced seismicity related to hydraulicfracturing. The microseisms created by hydraulic fracturing are too smallto be felt, or to cause damage at the ground surface or to nearby wells.”

    LE POINT SUR

  • 21

    2 PRODUIRE

    LES AMÉLIORATIONS ATTENDUES

    Engagés dans une démarche de progrès continu, les industriels ne cessent d’améliorer leurs techniques et procédures pour développer de façon responsable les hydrocarbures de schiste.

    En France, les pistes de recherche proposées par l’ANCRE (Alliance nationale de  coordination de  la  recherche pour l’énergie), dans son rapport de juillet 2012(3), ont un rôle à jouer pour l’avenir.

    Des additifs encore plus respectueux de l’environnementLa conception de nouveaux additifs biodégradables et issus de l’in-dustrie agroalimentaire est une voie privilégiée par l’industrie. L’utilisation, en remplacement de tout additif, de fl uides d’injection traités par rayonnement ultraviolet (d’ores et déjà brevetés), est également en cours de développement.

    Une optimisation des techniques de production par fracturation hydrauliquePour améliorer les techniques de production des hydrocar-bures de schiste, il faut pouvoir représenter par imagerie le

    comportement de la roche pendant et après la fracturation. Les outils de modélisation existants, en 2D, ne suffi sent pas à obtenir une connaissance fi ne de la propagation des fi s-sures ; c’est donc un outil en 3D adapté qu’il s’agit désormais de développer.

    L’autre voie d’amélioration est celle de la technique d’écoute microsismique, qui permet d’étudier la propagation des fractu-rations en “écoutant” les bruits émis par la roche, grâce à des capteurs ultrasensibles installés en surface ou dans les puits d’observation.

    Ainsi, on pourra tout à la fois : optimiser les volumes d’eau et les niveaux de pression, et donc améliorer l’efficacité de la fracturation ; augmenter la productivité de chaque puits et, partant, éloigner les  puits les  uns des  autres, réduisant de ce fait leur densité sur les sites de production.

    Sur ce sujet comme le précédent, l’ANCRE souligne “la nécessité de recourir à des expérimentations depuis l’échelle d’un échan-tillon jusqu’à celle d’un site afin de pouvoir disposer d’une modélisation validée en vraie grandeur”.

    (3) Programme de recherche sur l’exploitation des hydrocarbures de roches-mères.

    SUIVI DE LA PROPAGATION DES MICROFISSURES

    Schémas non réalisés à l’échelle.

  • 22

    2 PRODUIRE

    Une réduction des consommations d’eauLa poursuite de l’optimisation de la technique de la stimulation hydraulique, et notamment du multifracking , offre encore de larges perspectives de réduction des volumes d’eau utilisés.

    Le développement de technologies permettant un meilleur recy-clage de l’eau injectée est également essentiel [voir page 25].

    L’industrie travaille par ailleurs à mettre au point des “prop-pants” (matériaux destinés à maintenir les fi ssures ouvertes) innovants, à la fois plus légers et plus résistants que le sable, qui nécessiteraient pour leur transport moins d’eau et d’additifs que ce dernier.

    Le développement de technologies alternatives à la fracturation hydraulique constitue une autre piste de recherche. Les procé-dés thermiques et électriques d’exploitation des roches-mères sont toutefois des technologies de rupture, qui n’aboutiront éventuellement qu’à un très lointain horizon. Reste le dévelop-pement, à court et moyen terme, de techniques de fracturation sans apport d’eau, utilisant par exemple l’azote, le CO2 ou le pro-pane (avec les risques propres associés). Si elles devaient faire leurs preuves, ces techniques pourraient s’avérer intéressantes dans certains contextes particuliers.

    EXTRAIRE

    COMMENT ÇA MARCHE ?

    L’extraction (la production proprement dite) consiste à faire remonter vers la surface les hydrocarbures présents dans le sous-sol. Pour ce faire, la pression dans le puits doit être net-tement inférieure à celle des fl uides présents dans le réservoir :

    > si cette diff érence de pression existe naturellement et si elle est suffi samment importante, les hydrocarbures se dirigent vers le puits et remontent d’eux-mêmes à la surface ;

    > si la pression du gisement est insuffi sante, mais aussi pour augmenter la productivité des puits, on recourt à des procédés de récupération assistée (pompage, injection en fond de puits ou dans le réservoir de vapeur d’eau, d’azote, etc.), pour per-mettre au liquide de remonter plus facilement.

    Dans tous les cas, la pression diminue au fur et à mesure que le gisement se vide de ses hydrocarbures. En fi n d’exploitation, il faut systématiquement stimuler la production.

    Le gaz naturel ou  le pétrole récupéré étant rarement pur, il convient de le traiter avant de l’acheminer et de le fournir aux clients. On sépare d’abord l’eau puis on extrait les produits dits “dérivés” (condensats, propane, butane, hélium, sulfure d’hy-drogène ou encore CO2), qui sont pour certains commercialisés. La phase d’extraction induit, par conséquent, la mise en place d’une ou plusieurs unités de traitement de la production, ainsi que d’un réseau de transport.

    > Dans le cas des hydrocarbures de schiste, une fois la stimu-lation du puits réalisée, le pétrole ou le gaz naturel sont extraits de la même façon que pour un réservoir conventionnel. La pro-duction d’un puits est à son maximum au début de l’exploitation, puis elle décline rapidement ( jusqu’à 65 % la première année) avant d’atteindre un palier.

    LE CADRE RÉGLEMENTAIRE

    Trente-six textes réglementaires, dont huit directives, visant à protéger l’environnement sont applicables en Europe à l’ex-ploitation des hydrocarbures de schiste(4) : directives sur l’eau, la gestion des déchets miniers, la qualité de l’air ambiant, les nappes phréatiques, l’habitat et les oiseaux, Seveso II, EIA,

    (4) Cf. Rapport du Committee on the Environment, Public Health and Food Safety.

    REACH, BAT (Best Available Techniques), constitution du réseau Natura 2000…

    La réglementation française, qui s’organise autour du code minier, du RGIE ou encore des codes de l’urbanisme et de l’envi-ronnement, est tout aussi complète [voir page 8].

  • 23

    2 PRODUIRE

    INSTALLATIONS DE PRODUCTION

    Tête de puits et installation de déshydratation sur un site de production américain.

    Implantation de puits de production en clusters.

    Têtes de puits

    3 km

    1 à 2 km

    1 à 2 kmPuits horizontal

    Source : Total

    Comme pour les phases précédentes, les travaux de dévelop-pement sont soumis à une demande d’autorisation qui implique notamment : la communication du programme global des tra-vaux (et ses modifications d’une année sur l ’autre, le cas échéant) ; la réalisation d’une enquête publique (sur la base des études d’impact, d’incidences sur les ressources en eau et de dangers) ; un arrêté préfectoral encadrant les travaux (qui spécifie par exemple l’aménagement paysager requis) ; un rapport mensuel d’activité sur les puits et/ou les installa-tions de  surface ; un  bilan annuel des  mesures et  suivis de paramètres environnementaux (puits d’eau, rejets de décan-

    teur, émissions dans l’air, etc.) ; des rapports incidents ; la communication des résultats des travaux (avec enregistre-ments et résultats des contrôles) ; etc. En outre, les sites sont régulièrement visités par les administrations compétentes.

    De même que la protection des eaux superfi cielles et des sols [voir page 13], la gestion des effl uents est très réglementée : les fl uides doivent être évacués vers un centre de traitement spécialisé ou vers une station d’épuration suivant leurs carac-téristiques, en respectant la  législation en vigueur sur le transport des matières dangereuses.

  • 24

    2 PRODUIRE

    LES SOLUTIONS DE L’INDUSTRIE POUR LIMITER ET MAÎTRISER LES IMPACTS POTENTIELS

    L’emprise au solCette empreinte est minimisée par le travail initial d’apprécia-tion et de délinéation qui vise à se concentrer sur les sweet spots [voir page 9].

    Afin de limiter la place occupée par les puits, ceux-ci sont regroupés par 10 ou 15 en clusters. Ce principe d’implantation est utilisé pour les plateformes pétrolières en mer mais aussi à terre, pour exploiter en milieu sensible (comme dans le Bassin d’Arcachon par exemple). L’allongement des drains horizontaux a permis ces dernières années d’optimiser le dispositif, de manière à accroître les distances entre clusters. Par ailleurs, la production est traitée sur un site central, ce qui limite l’em-prise au sol et le trafi c associé à l’exploitation du gisement.

    Pour une meilleure intégration dans le paysage local, les cou-leurs de ces installations tendent à être uniformes et codifi ées. Haies arborées, palissades, murs de vraies ou fausses briques sont également utilisés selon le contexte, et les tuyauteries sont enterrées.

    Le tracé des voies d’accès, en outre, est optimisé sur la base du Schéma directeur routier départemental (SDRD). Si néces-saire, de nouvelles routes sont créées, avec un engagement d’entretien et de restitution. Chaque fois que cela est possible, le réseau ferré est utilisé pour accéder au site.

    Des sites de production aménagés suivant ces bonnes pra-tiques existent en Seine-et-Marne et en Aquitaine, s’intégrant au contexte paysager local.

    Les déversements de surfaceComme pour beaucoup d’activités, le risque d’une contamina-tion par un  déversement accidentel ou  une  défaillance de rétention en surface existe et nécessite d’être maîtrisé. Fluides de  forage, f luides et additifs de stimulation, eau de retour et de production, hydrocarbures extraits pourraient en eff et, en cas d’accident, causer une pollution du sol.

    Aussi, des zones étanches sont aménagées autour des équipe-ments à risque : une membrane de protection du sol (liner) est systématiquement installée sous les clusters et des cuvettes de rétention sont construites autour des stockages de produits.

    ∫ Les taux de récupération des hydrocarbures de schiste varient de 15 à 40 % pour le gaz et de 5 à 10 %pour le pétrole (contre 70 à 80 % en moyenne pour un gisement conventionnel de gaz et autour de 50 %pour un gisement conventionnel de pétrole).

    ∫ Une plateforme multi-puits (ou cluster) comprenant 10 à 15 puits s’étend sur 1 à 2 hectares(soit environ la superfi cie d’un stade de football ou d’un parking de supermarché). Pour bien drainer un gisement, on place en surface des clusters tous les 4 à 5 km en moyenne.

    ∫ 30 % des puits (ciblant les sweet spots) produisent en général 70 % d’un gisement d’hydrocarburesde schiste(1).

    ∫ Selon la géologie du réservoir, 30 à 70 % de l’eau utilisée lors de la fracturation hydraulique est récupérée lors des premières semaines après la mise en production du puits.

    ∫ En 18 mois, les producteurs du Marcellus Shale, aux États-Unis, ont fait passer le taux de recyclage de l’eau utilisée pour la production de 0 % à 90 %(2).

    (1) Cf. Conférence scientifi que et technique du GEP-AFTP, 13 septembre 2012.(2) Cf. Truthlandmovie.com.

    CHIFFRES CLÉS DE LA PRODUCTION

  • 25

    2 PRODUIRE

    Les émissions “fugitives” de méthaneDes émissions de méthane, constituant principal du gaz naturel, peuvent être générées par l’extraction des hydrocarbures de schiste. Ces émissions dites “fugitives”, parce que la source est diffuse donc difficile à contrôler, adviennent en général avant la mise en production, à l’achèvement du forage et lorsque les fl uides de stimulation injectés dans le puits refl uent vers la surface. Ils contiennent alors un peu de méthane, qu’il convient de récupérer par séparation.

    En phase d’extraction proprement dite, ces émissions ne sont pas plus importantes que pour une exploitation classique. Dans les installations de production récentes et en bon état, elles sont très limitées et peuvent être encore réduites grâce à des techniques dites de green completion (ou REC  : Reduced Emission Completion), qui consistent à capturer le gaz pour le commercialiser ou le réutiliser sur site.

    La gestion des fluides de productionQue ce soit l’eau utilisée lors de la fracturation hydraulique (dont la quasi-intégralité, appelée “eau de reflux”, ressort du puits lors des premières années de production), ou l’eau naturellement produite avec les  hydrocarbures (selon les régions du monde, trois à cinq barils d’eau sont produits pour un baril d’hydrocarbures liquides produit), il  importe de traiter ces effl uents, chargés de divers éléments (particules en suspension, composés inorganiques et organiques, sable, sédiments…) lors de leur séjour sous terre.

    Cette opération fait appel à des processus bien connus de l’in-dustrie pétrolière, qui bénéfi cie des technologies développées par les industriels du traitement de l’eau – un secteur dans lequel les entreprises françaises (telles que Veolia, Suez Environnement, SAUR ou encore SNF) ont un savoir-faire mon-dialement reconnu.

    Selon le contexte, les effl uents sont soit envoyés dans un centre de traitement approprié, soit recyclés sur site. L’eau traitée peut être réutilisée pour des opérations ultérieures de stimulation, ou encore mise à disposition des agriculteurs de la zone. La chaleur issue de ces effluents peut également constituer une nouvelle ressource énergétique(5).

    (5) À Parentis, dans les Landes, un producteur de tomates utilise ainsi la chaleur de  l ’eau associée à  la production des gisements de pétrole conventionnel de Vermilion pour chauff er ses serres. Un projet en partenariat avec une fi liale d’EDF devrait également bientôt permettre de transformer en énergie, par cogé-nération, le gaz associé excédentaire actuellement brûlé.

    Quant aux solides séparés des fl uides lors du traitement, ils sont gérés en fonction de leurs caractéristiques et de la régle-mentation en vigueur. Dans certains cas, il peut être nécessaire de les stocker dans un centre d’enfouissement agréé.

    Pour stocker les eaux et les fl uides produits en attente de trai-tement, les bacs de stockage et de décantation sont préférés aux bassins de rétention.

    LA GESTION DE L’EAU

    Recyclage

    Traitement

    Stockage

    Approvisionnement

    Transport

    Utilisation

    Stockage

    Les impacts en surfaceAfi n de limiter l’impact du trafi c routier qui n’a pu être évité, les plans de circulation sont choisis en concertation avec les autorités et les communautés locales. Par ailleurs, le trafi c de nuit est réduit au minimum dans les zones habitées. Selon la zone géographique, et afi n de réduire leur impact sur la faune, la flore et  le bétail, les compagnies peuvent être amenées à limiter leurs activités durant certaines périodes de l’année (celles de reproduction notamment).

    Source : OGP

  • 26

    2 PRODUIRE

    LES AMÉLIORATIONS ATTENDUES

    Un recyclage de l’eau plus performantDans ce domaine, les chercheurs de Total ont mis au point une technique prometteuse : l’ultrafi ltration par membranes céramiques. Ce procédé, déjà utilisé par les industriels de l’eau potable pour traiter les eaux de surface, permet de retenir toutes les particules en suspension dans l’eau et les bactéries, sans utilisation de produits chimiques. Il remplace avantageu-sement les  techniques classiques de  filtres à sable et de cartouches jetables, permettant d’atteindre des qualités de fi ltrations inégalées. Afi n de tester ce procédé appliqué à l’in-dustrie pétrolière, Total a conduit en 2010 le premier pilote mondial d’ultrafi ltration d’eaux de production.

    Une optimisation des procédés d’extractionLes recommandations de recherche de l’ANCRE portent, à cet égard, sur “l’amélioration de la modélisation des mécanismes de rétention et d’expulsion des hydrocarbures de roches-mères”, ainsi que “l’adaptation de la simulation de bassin pour disposer d’une prévision de la quantité et de la qualité des hydrocarbures restant piégés dans une roche-mère”. Là encore, la réalisation d’un site instrumenté est jugée “primordiale”.

    Le fi lm Gasland de Josh Fox, sorti en 2010, s’intéresse à des communautés touchées par l’exploitation de gaz de schistedaux États-Unis. L’image-choc du robinet d’eau s’enfl ammant au contact d’un briquet est devenue un best-seller du Web. r

    Ce documentaire est pourtant dénoncé par les autorités environnementales du Colorado, ainsi que par de nombreux experts,pour son parti pris dénué d’objectivité. L’image-choc concerne en réalité une région de marécages qui dégagent du méthanebiogénique, issu de la décomposition de matières organiques à faible profondeur (sous l’eff et de la présence de bactéries). Ces dégagements de gaz naturel, présents dans les rivières ou nappes phréatiques (ainsi en Pennsylvanie ou mêmeà Gabian, dans l’Hérault), ont été attribués à tort aux forages voisins, qui extraient un gaz dit thermogénique, situé beaucoupplus en profondeur et issu de la transformation de matières organiques ayant subi de fortes températures et pressions.Une simple analyse chimique a permis aux autorités gouvernementales d’établir la diff érence(1).

    Si la réalité de quelques cas de pollution, recensés par l’agence fédérale américaine de protection de l’environnement (EPA),ne fait aucun doute, ces cas ne sont pas liés à la fracturation hydraulique en elle-même mais à des défauts de cimentationdes puits. Ces accidents sont anciens et sont surtout le fait de petits opérateurs, sans grande expérience, désireux de tirerun revenu rapide des ressources du sous-sol. Les compagnies qui ont pris le relais aujourd’hui aux États-Unis sont plusexpérimentées et plus rigoureuses vis-à-vis de l’environnement. Elles sont aussi soumises à des réglementations strictes,ainsi qu’à des contrôles réguliers de la part de l’administration.

    (1) Voir : www.truthlanmovie.com et www.anga.us/critical-issues/the-truth-about-gasland.

    LA VÉRITÉ SUR GASLAND

  • 27

    2 PRODUIRE

    GÉRER À GRANDE ÉCHELLE ET SUR LE LONG TERME

    QUELLES RETOMBÉES POTENTIELLES POUR LES COLLECTIVITÉS LOCALES ET LE PAYS ?

    Une moindre dépendance énergétiqueSi  le potentiel des ressources françaises d’hydrocarbures de schiste était, ne serait-ce qu’en partie, confi rmé, leur mise en valeur pourrait contribuer à réduire notre forte dépendance énergétique. Ni la France ni l’Europe ne sauraient devenir auto-suff isants grâce à  ces  ressources, mais cela donnerait à la France une marge de manœuvre dans la maîtrise de ses approvisionnements, notamment vis-à-vis de la Russie, de la Norvège, des Pays-Bas et de l’Algérie.

    Un impact sur les prix de l’énergie ?S’il est difficile aujourd’hui, faute de connaître à  l ’avance le cours du gaz et le niveau des taxes, d’évaluer le coût de pro-duction et le prix de vente du gaz naturel en France à l’horizon 2020, une production domestique significative permettrait de renégocier à des tarifs plus avantageux certains de nos contrats long terme. Ce faisant, elle permettrait, sans atteindre la chute des prix que connaissent les États-Unis [voir encadré page 29], de stabiliser le prix du gaz et d’empêcher son aug-mentation. En conséquence, elle renforcerait la compétitivité de nos entreprises et contribuerait, comme c’est le cas outre-Atlantique, à  la ré-industrialisation du pays en soutenant la production de diverses fi lières.

    D’ores et déjà, la production mondiale de gaz de schiste béné-ficie à  l ’Europe, grâce à  la  diminution des  importations américaines de GNL (gaz naturel liquéfié) et à  la capacité de  production disponible qui en  résulte pour les  autres marchés.

    Des revenus potentiels significatifs pour l’État et les collectivités localesL’exploitation de ressources d’hydrocarbures de schiste pour-rait susciter pour l’État français et les collectivités locales des revenus non négligeables au titre des redevances des mines. C’est sans compter le chiffre d’affaires, et donc les impôts sur les sociétés, résultant d’une telle activité sur le territoire (alors que d’ordinaire, ce sont d’autres pays producteurs qui en bénéfi cient). En substituant les ressources trouvées aux importations, la balance commerciale de la France en serait également positivement aff ectée.

    Un potentiel de création d’emploisL’exploitation à grande échelle d’un gisement d’hydrocarbures de schiste représente un marché potentiel important pour de nombreux industriels : entreprises pétrolières, gazières et sous-traitants ; transporteurs, entreprises du BTP et du retraitement des eaux usées, etc. Elle permettrait l’implanta-tion (ou la réimplantation) en France de nouveaux investisseurs et entreprises de services parapétroliers, ainsi que le dévelop-pement d’un savoir-faire industriel exportable.

    Autant de retombées susceptibles de créer des emplois directs et indirects (induits par le développement d’une activité com-merciale, des besoins de formation, des services à la personne, ou encore de nouvelles industries intéressées par un approvi-sionnement en gaz de proximité). On évalue généralement les emplois indirects à 50 % des emplois directs générés.

    Une étude prospective réalisée par Regeneris Consulting pour Cuadrilla Resources (un énergéticien menant depuis 2010 une campagne d’exploration au Royaume-Uni, dans le Lancashire, qui renfermerait des ressources importantes de gaz de schiste), estime que l’exploitation de ce gisement pourrait générer autour de 5 000 emplois qualifi és.

  • 28

    2 PRODUIRE

    LES SOLUTIONS DE L’INDUSTRIE POUR LIMITER ET MAÎTRISER LES IMPACTS POTENTIELS

    L’impact sur la balance financière globale des collectivités localesL’aspect cumulatif des impacts, dans l’espace et le temps, d ’une  exploitation d ’hydrocarbures de  schiste suscite des inquiétudes légitimes quant à ses retombées sur le tou-risme et la valeur des propriétés foncières.

    Une exploitation d’hydrocarbures est pourtant parfaitement compatible avec des activités touristiques. À Parentis, dans les Landes, Vermilion exploite ainsi un gisement de pétrole conventionnel sous un lac – lac dans lequel, en haute saison, continuent de se baigner les habitants et  les vacanciers. D’une  façon similaire, l ’exploitation de  gaz à  Lacq, sous le vignoble de Jurançon, ne nuit pas à la production de vin et à l’attrait touristique de cette région.

    Une région concernée par une exploitation d’hydrocarbures de  schiste serait même une  destination de  choix pour

    des investisseurs et des chercheurs d’emploi. L’activité d’ex-traction étant diffuse, elle permettrait aussi à davantage de communes d’en bénéfi cier économiquement.

    L’impact durable sur le territoireL’exploitation d’hydrocarbures de schiste requiert davantage de puits qu’un gisement traditionnel, ce qui nécessite de mener des opérations de forage sur une période plus longue. Cette durée des activités est prise en compte par les études d’impact environnemental réalisées en amont des projets [voir page 10].

    Si l’exploitation d’hydrocarbu