Dynamique de la politique sociale en Côte d'Ivoire

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La Côte d’Ivoire est un pays stratégique dans le dispositif ouest-africain. Elle occupe une position déterminante dans l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) qui constitue pour elle l’extension naturelle de son marché intérieur. Dans cet espace économique et monétaire, elle occupe une position centrale en tant que pôle de diffusion, mais les inflexions observées dans sa dynamique économique et politique de ces dix dernières années et le taux élevé de l’accroissement naturel de sa population justifient qu’elle fasse l’objet d.une étude de cas en ce qui concerne la politique sociale qui y est menée.

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Dynamique de la politique sociale en Cte dIvoireFrancis Akinds

Politique sociale et dveloppement Document du programme no. 8 juillet 2001

Institut de recherche des Nations Unies pour le dveloppement social

Ce Document du programme de lInstitut de recherche des Nations Unies pour le dveloppement social (UNRISD) a t produit avec le soutien de la Direction du dveloppement et de la coopration du Gouvernement suisse. LUNRISD remercie galement les principaux donateurs son budget gnralle Danemark, la Finlande, le Mexique, la Norvge, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Sude et la Suissedu soutien quils apportent ses activits. Copyright UNRISD. De courts extraits de cette publication pourront tre reproduits, sans altration et sans autorisation, sous condition que leur source soit mentionne. Toute demande dautorisation de reproduction ou de traduction, devra tre adresse lUNRISD, Palais des Nations, 1211 Genve 10, Suisse. Les appellations employes dans la prsente publication et la prsentation des donnes qui y figurent nimpliquent de la part de lUNRISD aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorits, ni quant au trac de leurs frontires ou limites. La responsabilit des opinions exprimes est celle de lauteur, et leur publication ne reflte pas ncessairement le point de vue de lUNRISD. ISSN 10208208

Table des matiresAcronymes et abrviations Summary/Rsum/ResumenSummary Rsum Resumen

ii iiiiii v viii

Introduction 2. Economie politique de lajustement structurel en Cte dIvoireI. Les inflexions dans la politique conomique ivoirienne II. Impacts de la crise III. Les rponses des mnages face la crise IV. Conclusion partielle

1 23 5 6 8

3. Les marges de manuvre de lEtat ivoirien dans la mise en uvre dune politique de dveloppement socialI. Dynamique et porte des politiques de sant et dducation la veille du Sommet de Copenhague II. Le tournant du Sommet social de Copenhague III. Le suivi de laprs-Sommet: Les dfis relever dans la dfinition dune politique sociale raliste IV. Conclusion partielle

89 17 22 23

4. Dynamique des politiques sociales post-Copenhague et implication des acteurs non gouvernementaux dans les programmes envisagsI. Au-del de la rigueur budgtaire: Lmergence du programme de dveloppement sanitaire II. Politiques publiques et tat de la pauvret en Cte dIvoire III. Le Programme national de lutte contre la pauvret (PLCP) IV. LInitiative PPTE et la structuration des politiques sociales en Cte divoire V. Limplication des acteurs non gouvernementaux et institutionnels dans le dveloppement des politiques sociales VI. Conclusion partielle

2424 26 27 29 34 38

5. Difficults rencontres et limites dans la mise en uvre des mesures de dveloppement socialI. Les conflits de mthodes dapproche des agences des Nations Unies et des institutions de Bretton Woods II. Un projet de partenariat avec une mythique socit civile III. La dficience de la sphre dintermdiation communale dans une approche de proximit des programmes daction

3939 41 43

6. Conclusions gnrales Bibliographie Documents du programme de lUNRISD Politique sociale et dveloppement EncadrQuelques indicateurs dmographiques socio-culturels et socio-conomiques

45 47 53

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TableauxTableau 1: Priorits budgtaires et macro-conomiques des dpenses sociales Tableau 2: Structure des dpenses publiques globales dducation (en %) Tableau 3: Structure des dpenses publiques globales de sant (en %) Tableau 4: Montants (en millions de dollars US) et ratios de laide extrieure 11 11 12 21

Acronymes et abrviationsAFVP AID-Afrique APD BAD BNETD CASM CAFOP CIRES CNAL DCPE FIDI FMI FNUAP GIDISCI HIPC INS IRD MENFB MST OMS ONG ONU ORSTOM PACOM PAM PAS PEV PIB PLCP PNB PNDS PNEF PNLS PNUD PPTE PRCG PVRH SSB SSP UEMOA UNESCO UNICEF UNRISD WWF Association franaise des volontaires du progrs Association internationale pour la dmocratie en Afrique Aide publique au dveloppement Banque africaine de dveloppement Bureau national des tudes techniques et pour le dveloppement Centre dassistance socio-mdicale Centre danimation et de formation pdagogique Centre ivoirien de recherche conomique et sociale Comit national dalphabtisation Document cadre de politique conomique Fonds ivoirien de dveloppement et dinvestissement Fonds montaire international Fonds des Nations Unies pour la population Groupement interdisciplinaire en sciences sociales heavily indebted poor countries Institut national de statistique Institut de recherche pour le dveloppement Ministre de lducation nationale et de la formation de base maladie sexuellement transmissible Organisation mondiale de la sant Organisation non gouvernementale Organisation des Nations Unies Institut franais de recherche pour le dveloppement en coopration Programme dappui aux communes Programme alimentaire mondial programme dajustement structurel Programme largi de vaccination produit intrieur brut Programme national de lutte contre la pauvret produit national brut Plan national de dveloppement de la sant Plan national de dveloppement de lducation et de la formation Programme national de lutte contre le SIDA Programme des Nations Unies pour le dveloppement pays pauvres trs endetts Projet dappui au renforcement des capacits de gestion Programme de valorisation des ressources humaines secteurs sociaux de base soins de sant primaire Union conomique et montaire ouest-africaine Organisation des Nations Unies pour lducation, la science et la culture Fonds des Nations Unies pour lenfance Institut de recherche des Nations Unies pour le dveloppement social World Wide Fund For Nature

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Summary/Rsum/ResumenSummary Cte dIvoire is a country of strategic importance in West Africa. It is a key member of the WestAfrican Economic and Monetary Union (WAEMU), which constitutes a natural extension of its internal market and within which the country serves as a crucial distribution centre. For nearly 20 years, structural adjustment programmes in Cte dIvoire, as in most other African countries, have required restrictive public policies and left little room for manoeuvre in terms of true social policy. Other characteristics of the past decade, including a high rate of population growth, and shifting economic and political dynamics, raise a number of issues for study in relation to the way social policy is being managed. The participation of Cte dIvoire in the 1995 World Summit for Social Development, despite its difficult economic situation at the time, indicated the countrys commitment to social development through economic growth. Five years after the Social Summit, this paper aims to take stock of the commitments made in Copenhagen, as well as their concrete implementation in Cte dIvoire. It begins by considering social issues in the country from a historical perspective, in light of the fairly recent end of authoritarian rule (10 years ago). How is Cte dIvoire using the weakening of the Washington consensus to redefine social policy? What can be considered social policies in the country today, how effective are such policies, and what are their limits? How have Social Summit recommendations affected the Ivorian way of addressing social issues? Has the public sector become more effective in its implementation of social policies? What are the main political, economic and institutional factors that determine the success or failure, and sustainability, of social policies? Have national and international development agencies, civil society organizations and research institutions with an interest in social development issues internalized the commitments made by the government of Cte dIvoire during the Social Summit? The paper aims to address such questions in four ways. First, it suggests that the origins of the social question in Cte dIvoire are strongly linked to political regulation. At the beginning of the 1990s, the Ivorian economy faced the consequences of its success during the preceding decades. Public sector crisis required the government to accept implementation of reforms, which had high social costs. Households and individuals responded to the crisis by developing coping strategies, yet these did not prevent a decline in individual livelihoods and social cohesion. Such negative impacts of the restrictive economic policies under structural adjustment lend support to arguments in favour of using social policies as a political tool for social integration. This political undertaking is strongly linked to state capacity, not only to generate economic growth, but also to manage the implementation social policy within the twists and turns of successive economic reform programmes. According to the author, such an undertaking requires, from the Ivorian state, a political culture of the social. Yet this culture is currently absent in Cte dIvoire. Second, the paper evaluates the states room for manoeuvre at the time it adhered to the recommendations of the Social Summit. Following independence, strong economic growth

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allowed the implementation of a range of socially motivated initiatives, yet these were often poorly planned. In fact, social programmes were important to the social and political control sought by the Ivorian state. Many such programmes were severely restricted or discontinued under the budgetary discipline imposed by structural adjustment programmes. Through its participation in the Social Summit and its adherence to the 20/20 Initiative, the Ivorian state seemed to be indicating its acceptance of the goal of rectifying the social effects of structural adjustment. Yet such a positive reading may not be entirely accurate. Indeed, only short-term attention was devoted to the recommendations of the Social Summit: the commitment to the Highly Indebted Poor Country Initiative (HIPC) has gained prominence, overshadowing the 20/20 Initiative to such an extent that the goals outlined by the United Nations were not translated into concrete methodologies or guidelines for defining social policies. Mobilization around Summit ideals was thus weak, perhaps reflecting the omnipresence of the state and the near absence of non-governmental actors in the process in Cte dIvoire. The Social Summit recommendations had a modest influence on pressures favouring social policy issues. Furthermore, the 20/20 Initiative, intended as an advocacy tool for attracting official development assistance and for political dialogue, had very little influence on decisions regarding human development. In fact, the Ivorian state has attempted to manage social policy without explicit reference to the Social Summit recommendations. Nevertheless, certain commitments made during the Summit match conditions related to the HPIC Initiative, which governs Ivorian social policy. For example, eligibility for the HPIC Initiative has obliged the government to grant considerably greater attention to basic social sectors such as health and education. Third, the paper considers contradictions in the way the Ivorian public administration has gone about setting up internalization mechanisms for social policies, and the extent to which institutional and non-governmental actors are involved in this dynamic. Without explicitly referring to the Social Summit recommendations, social policies as they have been developed since 1996and culminating in the ambitious National Programme for the Fight against Povertyput Cte dIvoire among the lead countries, in spite of dysfunctions noted during programme implementation. The originality of the Ivorian experience derives from its commitment to pursue economic reform policies while simultaneously adopting social measures for combating poverty. This approach made Cte dIvoire eligible for the HIPC Initiative, and its participation requires reinforcement of its commitments in favour of social programmesbut without really increasing the administrative capacity to manage them. Moreover, the public sector jealously defends its privilegesand in spite of proven lack of capacity, it has yet to show any political will to really involve non-governmental actors in defining or implementing social policies. Fourth, the paper seeks to show that after the Social Summit, the translation into policy of the commitments made in Copenhagen and under the 20/20 Initiative was inadequate. The social development project is taking shape within a matrix of priority actions and measures for the fight against poverty. Because of the burden of external debt, social policy has been inspired

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by the potential benefits to be derived from the HIPC Initiative. Thus a plan of action in favour of social development has been combined with the management of economic constraints. Through the economic opportunity offered by the HIPC Initiative, the prospect of debt relief prevails over social development. The possibility of benefiting from the HIPC Initiative has led the government of Cte dIvoire to choose constrained social development, weakening its use as a tool for dialogue as foreseen by the 20/20 Initiative. Social policy has evolved within the framework of terms defined in the 19982000 Policy Framework Paper (PFP), and has faced difficulties concerning both planning and implementation. And one can fear that such social policy under constraint will run out of steam after the 2001 deadline. Francis Akinds is a Professor of Economic Sociology at the University of Bouak, and an Associate Researcher at the Research Institute for Development, Cte dIvoire.

Rsum La Cte dIvoire est un pays stratgique dans le dispositif ouest-africain. Elle occupe uneposition dterminante dans lUnion Economique et Montaire Ouest-Africaine (UEMOA) qui constitue pour elle lextension naturelle de son march intrieur. Dans cet espace conomique et montaire, elle occupe une position centrale en tant que ple de diffusion, mais les inflexions observes dans sa dynamique conomique et politique de ces dix dernires annes et le taux lev de laccroissement naturel de sa population justifient quelle fasse lobjet dune tude de cas en ce qui concerne la politique sociale qui y est mene. Depuis prs de deux dcennies, lconomie ivoirienne est sous ajustement comme le sont la plupart des conomies des pays africains. On sait dexprience que les contraintes lies la mise en uvre de telles politiques publiques toujours restrictives laissent fort peu de marge de manuvre la mise en place dune vritable politique sociale. Malgr la situation conomique difficile dans laquelle elle se trouvait, en participant au Sommet social de Copenhague la Cte dIvoire sest engage dans une voie de rconciliation des contraires en se fixant comme objectif de raliser le dveloppement social par lamlioration du taux de croissance de son conomie. Cinq annes aprs cet engagement, on pourrait sinterroger sur la ralit de cet engagement ainsi que sur les modalits de sa concrtisation: historiquement, comment sest pose la question sociale dans ce pays qui nest sorti de la logique du parti unique quil y a seulement dix ans? Quels interstices des successifs consensus de Washington ce pays exploite-t-il dans la dfinition de ce qui y tient lieu de politique sociale? Quest-ce qui peut y tre considr aujourdhui comme politique sociale et quelles en sont les performances et les limites? Quelle place tiennent les recommandations du Sommet social de Copenhague dans la faon ivoirienne daborder les questions sociales? Les services publics sont-ils devenus plus performants en matire de politiques sociales? Quels sont les principaux facteurs politiques, conomiques et institutionnels qui participent la russite ou lchec de politiques sociales durables? Quelle part les organismes nationaux et internationaux de dveloppement, les ONG, les associations,

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les organismes de recherche intresss de prs ou de loin la question du dveloppement social, prennent-ils dans linternalisation des engagements pris au cours du Sommet social par lEtat ivoirien? Les rponses ces questions tiennent dans notre dveloppement en quatre points. Dans le premier point, partir des impacts de la crise conomique de ces 30 dernires annes, nous avons tent de dgager les origines de la question sociale fortement lie la rgulation politique. Il sest avr quau dbut des annes 90, lconomie ivoirienne a subi les contrecoups de son succs des dcennies prcdentes. Elle a d faire face des difficults de finances publiques qui lont amene consentir des rformes dont les cots sociaux sont importants. Face aux incertitudes quimplique cette situation de crise conomique, les mnages et les individus ont dvelopp des stratgies de rsistance qui nont pas pour autant empch la baisse de la qualit de vie et laltration des liens sociaux. Le cumul de ces impacts ngatifs des politiques conomiques sur les conditions de vie justifie la mise en place dune politique sociale en tant quoutil politique dintgration sociale. Or, celle-ci reste une entreprise politique fortement lie aux capacits de ltat, non seulement gnrer une croissance conomique mais aussi ngocier la mise en uvre de cette politique sociale dans les mandres des programmes successifs de rforme conomique. Une telle entreprise exige de ltat ivoirien une culture politique du social pour linstant quasiment absente parce quil ne sest pas encore dfait de la logique du contrle politique par les actions sociales. Dans le second point, nous avons accord une attention particulire la marge de manuvre dont disposait ltat en adhrant aux recommandations du Sommet social de Copenhague. Aprs les indpendances, les forts taux de croissance qua connu lconomie ivoirienne avaient permis ltat de dvelopper de multiples actions sociales, lesquelles avaient la caractristique dtre peu ou presque pas planifies. Ces actions taient galement des instruments politiques dont la finalit est de permettre un contrle et un quadrillage socio-politique suivant loptique tutlaire et tentaculaire de ltat. Ces actions en faveur du social nont pas chapp aux injonctions de rigueur budgtaire quimposaient les programmes dajustement structurel. Au risque de donner limpression de se satisfaire des apparences, travers sa participation au Sommet et son adhsion lInitiative 20/20, ltat ivoirien a offert les signes dune volont de corriger les effets sociaux des ajustements successifs par le renforcement des mesures sociales suivant la philosophie de lInitiative 20/20. Cependant, la lecture positive que lon peut faire de cet intrt conjoncturel port aux recommandations du Sommet social sera par la suite nuance avec les engagements en faveur de lInitiative PPTE (pays pauvres trs endetts). Celle-ci a pris le pas sur lInitiative 20/20 pour finir par lclipser, tel point que le schma mthodologique propos par les agences des Nations Unies na jamais pu constituer une balise dans la dfinition des politiques sociales. Aussi, la mobilisation sociale autour des enjeux de ce Sommet aura-t-elle t trs faible, compte tenu de lomniprsence de ltat et de la quasi-absence des acteurs non gouvernementaux. En dfinitive, les recommandations du Sommet social nont eu quune influence modeste dans linternalisation des pressions en faveur dune politique du social en

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Cte dIvoire. Linstrument de dialogue politique et de plaidoyer pour la mobilisation de lAide publique au dveloppement quest cense tre lInitiative 20/20, aura eu peu dinfluence sur les dcisions en matire de dveloppement humain. Ltat ivoirien tente de mener une politique sociale sans rfrence explicite aux recommandations du Sommet social. Nanmoins, certains engagements pris au Sommet se recoupent avec les conditionnalits de lInitiative PPTE qui rgentent de faon plus consquente la politique sociale ivoirienne. Lligibilit lInitiative PPTE impose au gouvernement ivoirien daccorder une attention sensiblement accrue aux secteurs sociaux de base (sant et ducation). Dans le troisime point, nous lucidons les contradictions de ladministration publique ivoirienne dans la mise en place de mcanismes dinternalisation de politique sociale ainsi que le degr dimplication des acteurs institutionnels et non gouvernementaux dans cette dynamique. Sans faire rfrence de faon explicite aux recommandations du Sommet social, les politiques sociales telles quelles se sont dveloppes depuis les annes 1996, et culminant dans lambitieux Programme national de lutte contre la pauvret, inscrivent la Cte dIvoire parmi les payspilotes malgr les dysfonctionnements nots dans lexcution des programmes. Loriginalit de lexprience ivoirienne tient dans son engagement poursuivre des politiques de rforme conomique en mme temps quelle adopte des mesures sociales de lutte contre la pauvret, ce qui lui a valu dtre ligible au concours de lInitiative PPTE. Sa participation concours la contraint un renforcement de ses engagements en faveur du social mais sans accrotre rellement les capacits des administrations publiques une meilleure gestion du social. De surcrot, lEtat, travers ses administrations, reste encore jaloux de ses prrogatives. Malgr son incapacit avre tout faire, il noffre pas encore les signaux dune volont politique dimpliquer rellement les acteurs non gouvernementaux, ni dans la dmarche de dfinition dune politique sociale, ni dans sa mise en uvre. Dans le quatrime et dernier point nous montrons que, aprs le Sommet social, la traduction politique des engagements pris Copenhague na plus respect les schmas proposs dans le cadre de lInitiative 20/20. Le projet de dveloppement social prend forme plutt dans un plan daction de lutte contre la pauvret contenu dans une matrice des actions et mesures prioritaires de lutte contre la pauvret. Compte tenu de la situation de lourd endettement dans laquelle se trouve la Cte dIvoire, elle a plutt opt pour une politique sociale inspire par la perspective du bnfice de lInitiative PPTE, en couplant ainsi la mise en uvre dun plan daction en faveur du dveloppement social avec la gestion des contraintes conomiques. A travers lopportunit conomique quoffre lInitiative PPTE, la perspective de la rduction de la dette prime le dveloppement social. En ngociant la possibilit du bnfice de lInitiative PPTE, la Cte dIvoire a fait une option de dveloppement social sous contrainte qui lloigne quelque peu de loutil de dialogue que constitue lInitiative 20/20 et des schmas mthodologiques quelle propose. La politique sociale volue dans le cadre des modalits dfinies dans le Document cadre de politique conomique et financire pour 19982000, mais avec des difficults de planification dans lexcution des programmes, et lon peut craindre un essoufflement de cette politique sociale sous contrainte aprs lchance 2001.

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Francis Akinds est Professeur de sociologie conomique lUniversit de Bouak, et Chercheur associ lInstitut de recherche pour le dveloppement, Cte dIvoire.

Resumen Cte dIvoire es un pas estratgico en el mecanismo de Africa occidental. Ocupa una posicindeterminante en la UEMOA, que constituye para el pas la extensin natural de su mercado nacional. En este espacio econmico y monetario, ocupa una posicin central como polo de difusin. Pero las inflexiones observadas en su dinmica econmica y en las polticas de los ltimos diez aos, as como la elevada tasa de crecimiento de su poblacin, justifica que sea objeto de un estudio de casos en lo concerniente a la poltica social aplicada en el pas. Despus de casi dos decenios, la economa de la Cte dIvoire experimenta un proceso de ajuste, como la mayora de las economas de los pases africanos. Sabemos por experiencia que las tensiones asociadas a la aplicacin de dichas polticas pblicas, siempre restrictivas, apenas dejan un margen de accin para el establecimiento de una autntica poltica social. Pese a su difcil situacin econmica, al participar en la Cumbre Mundial de Copenhague, Cte dIvoire se compromete intentar conciliar los polos opuestos, fijndose como objetivo la consecucin del desarrollo social mediante la mejora de la tasa de crecimiento de su economa. Cinco aos despus de este compromiso, cabra preguntarse por la realidad del mismo y por las modalidades de su concretizacin. Histricamente cmo se plantea la cuestin social en este pas, que no sali de la lgica del partido nico hasta apenas hace diez aos? Qu intervalos de los acuerdos de Washington aprovecha este pas en la definicin de lo que pretende ser una poltica social? A qu puede llamarse poltica social en Cte dIvoire y cules son los resultados y lmites de la misma? Qu lugar ocupan las recomendaciones de la Cumbre Social de Copenhague en el modo de abordar las cuestiones sociales en Cte dIvoire? Ha mejorado la eficacia de los servicios pblicos en materia de polticas sociales? Qu servicios pblicos han mejorado su eficacia en materia de polticas sociales? Cules son los principales factores polticos, econmicos e institucionales que contribuyen al xito o al fracaso de polticas sociales duraderas? Qu papel desempean las organizaciones nacionales e internacionales de desarrollo, las ONG, y las asociaciones y los organismos de investigacin interesados en mayor o menor grado por la cuestin del desarrollo social en la integracin de los compromisos adoptados por Cte dIvoire durante la Cumbre Social? Las respuestas a estas preguntas se desarrollan en cuatro puntos. En el primer punto, a partir de las consecuencias de la crisis econmica de estos treinta ltimos aos, hemos tratado de dilucidar los orgenes de la cuestin social, fuertemente asociada a la reglamentacin poltica. Se ha comprobado que, al principio de los aos 90, la economa del pas sufri las consecuencias del xito que haba experimentado en los decenios precedentes. Tuvo que enfrentarse a problemas de finanzas pblicas que han conducido al pas a permitir reformas

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de importantes costos sociales. Ante la incertidumbre que conlleva esta situacin de crisis econmica, los hogares y las personas han desarrollado estrategias de resistencia, que sin embargo no han impedido que baje el nivel de vida ni que se modifiquen los vnculos sociales. La acumulacin de los efectos negativos de las polticas econmicas en las condiciones de vida justifica el establecimiento de una poltica social como instrumento poltico de integracin social. Ahora bien, sta sigue siendo una empresa poltica fuertemente vinculada a las capacidades del Estado, no solamente de generar un crecimiento econmico, sino tambin de negociar la aplicacin de dicha poltica social a los rodeos de los sucesivos programas de reforma econmica. Tal empresa exige al Estado de Cte dIvoire una cultura poltica del mbito social, prcticamente inexistente en estos momentos, porque an no se ha deshecho de la lgica del control poltico por las acciones sociales. En el segundo punto nos hemos centrado particularmente en los mrgenes de accin de que dispona el Estado al adherirse a las recomendaciones de la Cumbre Social de Copenhague. Tras las independencias, las elevadas tasas de crecimiento experimentadas por la economa de Cte dIvoire haban permitido al Estado emprender numerosas acciones sociales, caracterizadas por su falta de planificacin o planificacin insuficiente. Estas acciones eran igualmente instrumentos polticos encaminados a permitir un control y una estructuracin sociopoltica, conforme a los deseos de omnipresencia y control del Estado. Estas acciones a favor de la poltica social se han visto igualmente afectadas por las rdenes de rigor presupuestario impuestas por los programas de ajuste estructural. A riesgo de dar la impresin de contentarse con las apariencias, al participar en la Cumbre y apoyar la Iniciativa 20/20, Cte dIvoire ha demostrado su voluntad de corregir las consecuencias sociales de los ajustes sucesivos mediante el refuerzo de las medidas sociales segn la filosofa de la Iniciativa 20/20. Sin embargo, la lectura positiva que puede hacerse de este inters coyuntural llevado a las recomendaciones de la Cumbre Social se matizar a continuacin con los compromisos a favor de la perspectiva HPIC. Esta ha ganado la mano a la Iniciativa 20/20, acabando por eclipsarla hasta el punto de que el esquema metodolgico propuesto por las organizaciones de las Naciones Unidas nunca ha podido constituir un punto de referencia para la definicin de las polticas sociales. Asimismo, la movilizacin social en torno a los intereses en juego de esta Cumbre habr sido muy dbil, considerando la omnipresencia del Estado y la casi ausencia de actores no gubernamentales. En definitiva, las recomendaciones de la Cumbre Social slo han influido modestamente en la integracin de las presiones a favor de una poltica social en Cte dIvoire. El instrumento de dilogo poltico y de promocin de la movilizacin de la Asistencia Pblica al Desarrollo, considerada como Iniciativa 20/20, apenas habr influido en las decisiones adoptadas en materia de desarrollo humano. Cte dIvoire intenta llevar una poltica social sin hacer referencia explcita a las recomendaciones de la Cumbre Mundial. Sin embargo, determinados compromisos adoptados en la Cumbre se recortan con las condiciones de la Iniciativa HPIC que rigen de un modo ms consecuente la poltica social del pas. La elegibilidad de la Iniciativa HPIC obliga al gobierno de Cte dIvoire a prestar mucha ms atencin a los sectores sociales fundamentales (salud y educacin).

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En el tercer punto dilucidamos las contradicciones de la administracin pblica de Cte dIvoire en lo concerniente al establecimiento de mecanismos de integracin de la poltica social, as como el grado de implicacin en esta dinmica de los actores institucionales y no gubernamentales. Sin referirse explcitamente a las recomendaciones de la Cumbre Social, las polticas sociales, tal como se elaboran desde los aos 90 y culminando en el ambicioso Programa Nacional de Lucha contra la Pobreza, convierten a Cte dIvoire en uno de los pases pilotos, a pesar de las disfunciones observadas en la ejecucin de los programas. La originalidad de la experiencia de Cte dIvoire pretende, en su compromiso, seguir polticas de reformas econmicas, adoptando al mismo tiempo medidas sociales para combatir la pobreza, lo que le ha valido su admisin para participar en la Iniciativa para la reduccin de la deuda de los pases pobres muy endeudados (PPTE). Su participacin le obliga a reforzar sus compromisos a favor de la poltica social, pero sin mejorar realmente las capacidades de las administraciones pblicas de gestionar de un modo ms adecuado la poltica social. Adems, el Estado, a travs de sus administraciones, sigue estando celoso de sus prerrogativas. Aunque se ha demostrado su incapacidad de control absoluto, no muestra una voluntad poltica de implicar realmente a los actores no gubernamentales, ni en las gestiones encaminadas a la definicin de una poltica social, ni en la aplicacin de la misma. En el cuarto y ltimo punto, mostramos que, despus de la Cumbre Social, no se han respetado los esquemas propuestos en el marco de la Iniciativa 20/20 al llevarse al mbito de la poltica los compromisos adoptados en Copenhague. El proyecto de desarrollo social adquiere forma ms bien en un plan de accin de lucha contra la pobreza contenido en una matriz de acciones y medidas prioritarias de lucha contra la pobreza. Considerando la grave situacin de endeudamiento que atraviesa Cte dIvoire, se ha optado ms bien por una poltica social inspirada en la perspectiva de los posibles beneficios que pueda reportar la Iniciativa HIPC, acoplando la aplicacin de un plan de accin a favor del desarrollo social a la gestin de las limitaciones econmicas. A travs de la oportunidad econmica que ofrece la iniciativa HIPC, la perspectiva de la reduccin de la deuda tiene primaca sobre el desarrollo social. Al negociar los posibles beneficios de la Iniciativa HIPC, en Cte dIvoire se ha optado por un desarrollo social bajo presin, algo alejado del instrumento del dilogo social que constituye la Iniciativa 20/20, as como de los esquemas metodolgicos propuestos en la misma. La poltica social evoluciona en el marco de las modalidades definidas en el Documento sobre parmetros de poltica econmica y financiera para 1998-2000, pero con dificultades de planificacin en la ejecucin de programas. Y puede temerse que la presin ahogue esta poltica social tras el plazo de 2001. Francis Akinds es Profesor de Sociologa Econmica en la Universidad de Bouak e Investigador en el Instituto de Investigacin para el Desarrollo, Cte dIvoire.

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IntroductionEn raison de limportance de la dette contracte par la plupart des pays du Sud, les conomies de ces pays ont t mises sous ajustement. En 1987, travers la publication dune synthse sur les effets sociaux des politiques dajustement structurel, le Fonds des Nations Unies pour lenfance (UNICEF) alertait lopinion publique internationale sur la ncessit de prendre en compte la dimension sociale de ces ajustements; dautant plus que labsence de politiques sociales dans les programmes dajustement structurel (PAS) influait sur les groupes les plus vulnrables que constituent les femmes et les enfants (Cornia et Joly, 1984). Aussi lUNICEF recommandait-il que les PAS soient assortis de mesures sociales daccompagnement. Le ton tait donn pour la prise en considration du social dans les politiques publiques. Malgr ce cri dalarme la pauvret endmique gagnait du terrain: 1,3 milliard dhommes travers le monde vivaient dans le dnuement extrme (Banque mondiale, 1990). Pour amorcer la rflexion sur ce sous-dveloppement endmique lOrganisation des Nations Unies (ONU) a organis Copenhague (Danemark) un sommet sur le dveloppement social en 1995. La communaut internationale engageait alors un dbat autour du progrs social travers trois objectifs fondamentaux: (i) rduire la pauvret, (ii) crer des emplois, et (iii) favoriser lintgration sociale de millions dexclus. Il sagissait, dans le cadre de ce forum, de sensibiliser les dcideurs et les acteurs du dveloppement aux cots sociaux et aux effets pervers des politiques dajustement imposes aux conomies en crise. Pour y remdier, dans la dclaration finale de la Confrence, dix objectifs taient dfinis qui dbouchaient sur des programmes daction. Cinq ans aprs ce Sommet, la prsente tude a pour objectif de dresser, pour la Cte dIvoire, un bilan sommaire du degr dinternalisation des recommandations auxquelles elle a explicitement adhr. Il sagira, plus spcifiquement, travers un tat des lieux des actions entreprises, dapprcier lengagement des autorits ivoiriennes et des autres acteurs en matire de politique sociale. Lessentiel des rsultats de cette tude sera expos en quatre points:1. A partir des impacts de la crise conomique de ces 30 dernires annes nous dgagerons les origines de la question sociale. 2. Nous accorderons dans le cours de cette analyse une attention particulire aux marges de manuvre dont disposait lEtat en adhrant aux recommandations du Sommet social de Copenhague. 3. Ensuite, nous essaierons dclaircir les contradictions de ladministration publique ivoirienne dans la mise en place de mcanismes dinternalisation de politique sociale ainsi que le degr dimplication des acteurs institutionnels et non gouvernementaux dans cette dynamique. 4. Enfin, nous porterons un regard critique sur les politiques sociales telles quelles sont envisages en Cte dIvoire et les difficults rencontres dans leur mise en uvre.

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SOCIALE ET DEVELOPPEMENT

Quelques indicateurs dmographiques socio-culturels et socio-conomiquesPopulation (millions) 6,8 en 1975 14, 3 en 1998 20,0 en 2015 (b) 32,1 en 1975 45,3 en 1998 55,7 en 2015 (b) 45,7 en 1998 (c) franc CFA (1 dollar US = 700 francs CFA en dcembre 2000) 0,420 en 2000 (154me sur 174 pays) (b) 1,3 en 19751995 4,1 en 19901998 (b) 10,2 milliards de dollars US en 1998 756,6 en 1992 798,3 en 1998 (b) soit: 8,8 en 1992 et 7,8 en 1998 du PNB (b) 45,4 en 19701975 (b) 46,7 en 19952000 (b) 5,1 (c) 240 en 1980 (b) 150 en 1996 (b) 160 en 1970 98 en 1998 (b) 600 (b) 0,10 en 1996(b) 41 % en 1998 (b) hommes 52,8 % (b) femmes 35,7 % (b) 17 en 1980 54 en 1995 (a) 20 en 1980 72 en 1995 (a)

Population urbaine (% du total)

Densit (habitants/km) Unit montaire Indicateur du dveloppement humain (IDH) Taux de croissance annuelle moyen (%) Produit national brut (PNB) Dette extrieure (en millions de dollars) Esprance de vie la naissance(annes) Indice de fcondit base (ISF) 19952000 Taux de mortalit des enfants de moins de 5 ans (pour 1 000) Mortalit infantile (pour 1 000) Mortalit maternelle (pour 100 000 naissances vivantes) Nombre de mdecins (pour 1 000 habitants) Taux brut de scolarisation combin (du primaire au suprieur) Taux danalphabtisme des adultes gs de 15 ans et plus en 1998 (b) Accs aux services dassainissement (% de la population) Accs leau potable (% de la population)

Sources: (a) Banque Mondiale, 1999; (b) PNUD, 2000; (c) Cordellier et Didiot, 2000.

2. Economie politique de lajustement structurel en Cte dIvoireLa Cte dIvoire stend sur une superficie de 322 450 km. Sa population totale est estime 14 300 000 habitants en 1998, avec une densit moyenne de 45,7 habitants au km en 1998. Sa rapide croissance dmographique sexplique la fois par son taux lev daccroissement naturel (3,5 % par an), sa fcondit leve (5,7 enfants par femme en ge de procrer), la baisse du taux de mortalit et enfin, limportance du taux de prsence dimmigrs (34 % selon le recensement de 1998) dans la population totale. A cela, il faut ajouter lextrme jeunesse de la population, le bas niveau de lesprance de vie sur la base 19952000 (46,7 ans) et la forte propension

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lurbanisation (51,6 %). Ces donnes socio-dmographiques justifient amplement une politique de dveloppement social dans lesprit des pistes vaguement suggres au Sommet de Copenhague. Le coup dEtat du 24 dcembre 1999 a mis fin dans ce pays 38 ans de lhgmonie dun parti, le Parti dmocratique de Cte dIvoire-Rassemblement dmocratique africain (PDCI-RDA), sur la vie politique nationale. Dj, le complexe politico-conomique qui offrait les apparences dune telle stabilit politique se trouvait rong depuis 1990 par le retour au multipartisme intervenu dans la foule de la vague de dmocratisation des annes 90. Cette dynamique politique sest dploye, au plan macro-conomique, en deux phases: 18 annes (19601978) de croissance conomique continue et 20 annes de croissance en dents de scie (19791999). Au total, 38 ans dune conomie politique singulire qui, travers ses performances et ses contreperformances, se prte bien une lecture sociologique des ractions diverses des agents conomiques (les mnages et lEtat, notamment) la dtrioration du niveau de vie. Lvolution de lconomie ivoirienne illustre en effet assez bien en quoi la rupture dans les modalits de rgulation politique et le dveloppement de la crise ont accentu les ingalits. Elle permet galement didentifier les mcanismes sociaux dautorgulation dvelopps par les mnages face la crise ainsi que les limites des politiques publiques de lutte contre la pauvret. Au plan conomique, la Cte dIvoire apparat comme tant lun des pays ouest-africains au potentiel et au dynamisme significatifs et elle occupe une position centrale au sein de lUnion Economique et Montaire Ouest-Africaine (UEMOA). Elle a cependant connu une dcennie 80 difficile, au cours de laquelle ses indicateurs macro-conomiques et sociaux ont montr des signes dessoufflement. Cette situation a fait basculer le pays de la catgorie des pays revenus intermdiaires vers celle des pays les moins avancs. En somme, lconomie ivoirienne a connu des inflexions aux effets variables dans le temps et dans lespace.

I. Les inflexions dans la politique conomique ivoirienne Lconomie ivoirienne a connu trois phases dans son volution: La premire phase va de 1960 1980. Cest la priode dite du miracle ivoirien, caractrise par la disponibilit financire et le faste des investissements (Faur, 1982:2160). Les chocs extrieurs vont relever la fragilit de cette croissance conomique dont les racines se trouvent dans les dsquilibres des finances publiques (Diomand, 1997:109112). La seconde phase est la priode allant de 1981 1993. Cest le temps qualifi de mirage ivoirien. Lconomie ivoirienne sombre dans une profonde rcession partir de 1980 et atteint son point le plus bas en mai 1987. LEtat, bout de souffle, suspend unilatralement le remboursement de sa dette extrieure. Pour faire face ces dsquilibres conomiques, le Gouvernement ivoirien adopte des programmes dajustement structurel, et ce, avec laide de la Banque mondiale et du Fonds montaire international (FMI). Le premier PAS intervient en 1981, le deuxime en 1983 et le troisime, enfin, en 1986. De 1987 1988, lampleur des dsquilibres conduit lEtat signer un accord avec le FMI en vue de mettre en uvre un programme de stabilisation financire entre juillet 1989 et dcembre 1990 dont lobjectif est (i) de raliser un solde primaire positif dau moins 5 % en 1993, (ii) de couvrir une part croissante du service de la dette extrieure afin (iii) de rtablir les relations geles entre la Cte dIvoire et ses cranciers, et enfin de rsorber progressivement les arrirs de paiement intrieur

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accumuls entre 1987 et 1989 (Barry, 1991:30). Ce plan daction vise galement lacclration des privatisations, lassouplissement de lenvironnement juridique et administratif des entreprises ainsi que la libralisation des prix. Il prvoit aussi des rformes structurelles dans lagriculture, lentreprise, lindustrie et les finances publiques. Les conditionnalits dont taient assortis ces programmes ont eu comme effet une nette amlioration de ltat des finances publiques. Lexercice 1990 sest sold par un dficit global de 234,3 milliards de francs CFA contre 477,3 milliards de francs CFA en 1989, soit 16,2 % du PIB (Barry, 1991:31). Le secteur primaire a enregistr une croissance de 2,1 % en 1990. Le secteur manufacturier a galement connu une progression grce la demande intrieure et la pousse de la demande extrieure, en particulier celle des pays de la sousrgion. Le taux dinvestissement a presque doubl en quatre ans, passant de moins de 8 % du PIB en 1993 environ 15 % en 1997. La balance commerciale a aussi connu une nette amlioration. Son solde est pass denviron 200 milliards de francs CFA en 1993 prs de 820 milliards en 1997. La troisime phase de la dynamique de lconomie ivoirienne, marque par la dvaluation du franc CFA, intervient en janvier 1994 dans les pays de la zone franc comme un autre instrument du Washington consensus. Elle a permis la Cte dIvoire de retrouver un taux de croissance et de rduire de faon importante le dficit public global qui est pass de 353,9 milliards de francs CFA en 1993 122,3 milliards en 1997, soit de 12 % 2 % du PIB. En termes rels, le secteur primaire a enregistr une croissance de +0,5 % en 1994 (0,4 % en 1993). En 1995 et 1996, il crot respectivement de +10 % et +13,7 %. Linvestissement priv qui reprsentait 53 % des investissements globaux en 1993 est pass prs de 70 % en 1997 et 1 272 entreprises ont t cres en Cte dIvoire en 1996 contre seulement 292 en 1993. De faon gnrale, lemploi a augment de prs de 7 % en 1997, renforant la tendance la hausse de 1 % partir de 1995.

La consommation des mnages, aprs avoir subi les contrecoups de la dvaluation (9,5 % en 1994), sest releve +9,4 % en 1995 pour se stabiliser +2,9 % en 1996. Depuis 1994, les salaires ont enregistr trois augmentations. Pour les plus bas salaires, laugmentation cumule a t de 51,3 %, contre 11,3 % pour les salaires les plus levs dans le secteur public. Quant au secteur priv, la hausse cumule a t de 54 % pour les plus bas salaires, et de 10,2 % pour les salaires les plus levs. Lpargne intrieure sest amliore considrablement passant de 9,4 % du PIB en 1993 environ 22 % en 1996. Lpargne nationale est passe de 2,6 % du PIB en 1993 +17,2 % en 1994 et +13,6 % en 1996. Linflation qui tait forte au dpart (32,2 % en 1994) a t relativement bien matrise. Elle est tombe 7,7 % en 1995 et 3,5 % en 1996. Quant aux finances publiques, le solde primaire qui tait dficitaire avant la dvaluation (95 milliards de francs CFA en 1993) est redevenu excdentaire; il avoisine 191 milliards de francs CFA en 1996. Lanne 1997, par contre, a t nouveau une priode difficile pour la Cte dIvoire en raison dune baisse de vigilance dans la matrise des dpenses publiques. La situation des finances publiques sest alors dgrade. Les recettes tant plus faibles que prvues et les dpenses marques par une forte augmentation, une tension de trsorerie est apparue. En ce qui concerne lanne 1998, les premires estimations paraissent modestes. La production industrielle a enregistr une hausse de 15 % contre 12 % en 1997. Le budget de 1999 porte la marque dune svrit accrue du FMI aprs les drapages budgtaires observs en 1997. Au total, la rcession conomique globale et les difficults persistantes de gestion, malgr des efforts notables, continuent de laisser leur empreinte sur la dynamique de lconomie

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ivoirienne, toujours sous ajustement. Cet ajustement demeure une contrainte dont lun des effets majeurs est la dtrioration des conditions de vie dune frange importante de la population.

II. Impacts de la crise La crise conomique que la Cte dIvoire a connue partir des annes 80 a eu des consquencesdiverses et diversement apprcies. Ces consquences sont la fois conomiques, sociales et politiques. 1. Impacts sociaux La crise a eu des effets considrables sur le niveau de vie des populations. En effet, les mesures conomiques daustrit ont affect aussi bien la politique sociale volontariste de lEtat que le niveau de vie des populations. Par rapport ce qui pouvait tenir lieu de politique sociale, lon peut distinguer, de faon approximative, deux phases: la premire va de lindpendance (1960) jusqu lanne 1980, cest la priode des investissements tous azimuts et de la quasi-gratuit de laccs aux tablissements publics de soins de sant et dducation; mais, au dbut des annes 80, date dentre dans la seconde phase, la courbe de croissance sinverse, entranant une nette progression de la pauvret avec des effets variables sur lemploi, les revenus et la consommation alimentaire par exemple.

a) Lemploi Lemploi qui avait cru de 4,1 % par an de 1975 1980 reste inchang. Par contre, dans le secteurmoderne urbain, la Cte dIvoire est passe dune situation proche du plein emploi en 1980 un taux de chmage de 20 % avec, dans le secteur public, le blocage des salaires, la limitation du recrutement, et la liquidation dun certain nombre dentreprises; do le licenciement de 10 000 personnes dans le secteur public et de 30 000 dans le secteur priv de 1980 1985 (Alpha, 1993:42).

b) Baisse des revenus et de la consommation alimentaire Cest surtout dans le secteur public que les effets de la baisse des salaires rels ont t ressentisalors que dans le milieu rural, le revenu est rest stable. Sur la priode 19821985 le pouvoir dachat des fonctionnaires sest rduit de 16 %. La hausse gnralise des prix a contribu dgrader les conditions de vie des mnages, augmenter les tarifs des services publics et les prix des produits de base ainsi que ceux des protines animales.

c) Laffaiblissement des solidarits traditionnelles Les effets de la crise se traduisent galement au plan social par un affaiblissement dessolidarits traditionnelles qui fonctionnaient comme des filets de scurit sociale. Lclatement des structures communautaires et lincapacit de lEtat assurer le lien social par le maintien de laccs aux besoins et services sociaux de base ont contraint un mode de vie individuel amput de ses bases collectives. Les indicateurs de cette individualisation marginalisante sont: (i) la remise en cause des possibilits de scolarisation prolonge, (ii) la difficult dintervention dun parent pour avoir accs un travail rmunr, (iii) la multiplication des mnages direction fminine en raison du report de la nuptialit et (iv) des risques accrus de chmage qui

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frappent surtout la population masculine. La monte de la dlinquance et de la criminalit dans les villes constitue galement lun des effets de cette dcomposition sociale. Face aux multiples incertitudes et aux privations absolues ou relatives (Mahieu, 1995:118141) lies la situation de crise, la socit ragit par des initiatives diverses. 2. Impacts politiques La crise conomique aura t rvlatrice de la crise de la rgulation politique centralise en Cte dIvoire. Le refus des prlvements sur les salaires en 1990 a entran dimportants troubles sociaux lchelle nationale (Akinds, 1996a:79). Ainsi, se sont progressivement dvelopps au sein de la socit ivoirienne un front de contestation important et un mouvement dmancipation rcuprs par les partis dopposition (Marie, 1998:63111).

III. Les rponses des mnages face la crise Les populations ont dvelopp des stratgies de rsistance quon pourrait classer en deuxcatgories: (i) celles qui permettent de rapprocher les revenus du cot croissant de la vie, et (ii) celles par lesquelles elles tentent de rapprocher leurs besoins de leurs ressources relles. Nous analyserons surtout ces stratgies par rapport aux comportements alimentaires, pour deux raisons: lalimentation participe pour plus de 30 % la hausse de lindice des prix, cest pourquoi les mnages pauvres lui consacrent prs de 55 % de leur budget. Cette importance de lalimentation au niveau micro-conomique justifie le choix des pratiques alimentaires comme analyseur des comportements des mnages face la vulnrabilit quinduit la crise. 1. Les stratgies dlvation du pouvoir dachat jusquau niveau des dpenses incompressibles

a) Lajustement du budget alimentaire Les effets inflationnistes de la dvaluation ont contraint les mnages une augmentation de lapart du budget alimentaire. La faible augmentation du revenu (10 20 %) suite la dvaluation nayant pu permettre de suivre le rythme de linflation, on peut en dduire la dtrioration des conditions alimentaires, surtout chez les pauvres. Lorsque lon descend dans lchelle des revenus, une autre stratgie consiste modifier la structure des dpenses par une rduction de la part du budget affecte aux autres postes de dpense, la diffrence conomise tant rinjecte dans lalimentation. Selon nos enqutes de 1997 (Akinds, 1998), Abidjan et Bouak, 76 % des mnages ont opt pour ce type dajustement.

b) Des actions sur le revenu et des innovations dans les modalits dapprovisionnement Pour amliorer leur capacit daccs la nourriture, les mnages tentent galement daccrotreleurs revenus de faon licite ou illicite. Chez les employs du secteur priv et les petits producteurs du secteur informel, les stratgies de rsistance lrosion du revenu passent galement par le rallongement du temps de travail. Les actions sur le pouvoir dachat incluent la pluri-activit qui consiste en une diversification des sources de revenus par lexercice dactivits parallles ainsi que par la mise au travail des enfants. La crise favorise galement le dveloppement de la petite corruption dans les administrations publiques. La constitution de groupes dachat de produits alimentaires et le fractionnement de lapprovisionnement autrefois mensuel ou bi-mensuel en achats quotidiens comptent parmi les stratgies dployes. Dans les

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catgories moyennes dune ville comme Abidjan, la recherche des marchs pratiquant les prix les plus comptitifs est de plus en plus frquente. Pour les nantis, linvestissement dans limmobilier est devenu lune des stratgies damlioration du pouvoir dachat. Une stratgie ultime dans la classe moyenne et dans les milieux populaires lorsque le chef de mnage a puis la gamme des possibles est de multiplier les partenaires, mais dans un objectif prcis: tirer bnfice de ce partenariat amoureux multiple pour subventionner son autorit paternelle domestique financirement menace. Cest le PADOM ou ce quil est convenu dappeler dans les milieux populaires, le Programme dajustement domestique. Ces stratgies, dont la finalit est de rapprocher le niveau de revenu des besoins en terme de pouvoir dachat de biens alimentaires, se conjuguent avec des formes diverses et varies dajustement des habitudes et modes de consommation aux revenus des mnages ou des consommateurs pris individuellement. 2. Les stratgies dajustement des habitudes de consommation aux ressources limites Sous la forme dajustement des habitudes, les rponses des mnages sont de deux ordres: ils rationalisent laccs lalimentation des membres de la famille et jouent sur la qualit des repas et les dpenses alimentaires.

a) La rationalisation de laccs aux produits de la marmite Les enqutes nationales mettent de plus en plus laccent sur une tendance des chefs de mnage une rationalisation de laccs lalimentation en fonction du statut des commensaux. Limportance sociologique de cette forme de rponse dans la majorit des mnages et dans plusieurs pays explique la place que nous lui accordons dans notre analyse. Nos travaux (Akinds, 1999) montrent galement qu cause de la pression sur les revenus, la tendance exclure les membres des mnages qui ne sinscrivent pas dans les cercles concentriques les plus serrs du systme de parent se renforce, et ce, pour rduire le nombre de bouches nourrir. De fait, Abidjan, les mnages sont passs de 6,6 4,4 membres (quivalent-adulte) entre 1995 et 1997, et Bouak, 7,1 membres contre 9,2 en 1995. Il y a donc une prise de conscience du cot lev, sur le plan alimentaire, dune famille nombreuse en milieu urbain. Plusieurs autres formes dvolutions tendancielles ont t observes dans les rponses des mnages, qui vont de la modification de la structure des repas au recours lalimentation extrieure. Ceci fait apparatre limportance grandissante des femmes dans lconomie urbaine et dans lconomie des mnages, qui va de pair avec laffaiblissement des positions masculines d la crise du salariat (Le Pape, 1997). On assiste de plus en plus la conversion masculine tardive des activits jusque-l peu valorises.

b) La baisse de prtention dans les pratiques de consommation courante On relve galement une baisse de prtention collective dans les pratiques de consommation.Ceci justifie chez bon nombre de citadins lintrt pour les woro-woro, espce de taxi-ville dont le fonctionnement sest, pendant longtemps, inscrit dans une logique informelle (Aloko NGuessan et Aka, 1996:4164). Cette option de transport collectif, plus pratique et plus rapide

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que les moyens de transport en commun et moins coteux que les taxis de course individuelle, sinscrit dans les pratiques urbaines de gestion collective et individuelle de la crise. Notons cependant que le champ des stratgies possibles nest pas lastique. La dbrouille a ses limites que justifient les conflits dobjectifs qui caractrisent certaines des options.

IV. Conclusion partielle Au dbut des annes 90, lconomie ivoirienne a subi les contrecoups de son succs desdcennies prcdentes. Elle a, de ce fait, travers une profonde crise et a d faire face des rformes dont les cots sociaux sont importants. Face aux incertitudes quimplique cette situation de crise conomique, les mnages et les individus ont dvelopp des stratgies de rsistance qui nont pas pour autant empch la baisse de la qualit de vie et laltration des liens sociaux. Le cumul de ces impacts ngatifs des politiques conomiques sur les conditions de vie justifie la mise en place dune politique sociale en tant quoutil politique dintgration sociale. Or celle-ci reste une entreprise politique fortement lie aux capacits de lEtat, non seulement gnrer une croissance conomique mais aussi ngocier la mise en uvre dune politique sociale dans les mandres des programmes successifs de rforme conomique. Une telle entreprise, apparemment contradictoire, exige de lEtat ivoirien une culture politique que nous nous proposons dinterroger dans le point suivant. En participant au Sommet social de Copenhague, le Gouvernement ivoirien tait dj confront aux contraintes des plans dajustement. En adhrant la Dclaration et au Programme daction de Copenhague, de quelles marges de manuvre disposait-il dans la mise en uvre des plans dactions? Avant daborder les mcanismes dinternalisation du Programme daction de Copenhague, nous analyserons travers les rformes sectorielles dans les secteurs ducation et sant ce qui tenait lieu de politique sociale ainsi que lmergence de la question de la pauvret induite par les PAS.

3. Les marges de manuvre de lEtat ivoirien dans la mise en uvre dune politique de dveloppement socialLes deux secteurs cls que sont la sant et lducation nont gure t fondamentalement repenss aprs les indpendances. Ils taient particulirement concerns par les programmes dajustement dont certains aspects taient favorables lamlioration de lquit dans laccs aux services publics de sant et dducation. La problmatique de la pauvret mergeait timidement et les mcanismes de sa rsorption devenaient progressivement une priorit politique. Ajouts lamlioration du taux de croissance conomique, les plans daction de Copenhague suggrs trouvaient l un contexte politique favorable au dveloppement dune politique sociale.

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I. Dynamique et porte des politiques de sant et dducation la veille du Sommet de Copenhague1. De lhritage colonial aux politiques nationales de sant et dducation

a) Le secteur de la sant Le secteur sant est un legs colonial qui a du mal sajuster. La mission civilisatrice contenuedans la politique coloniale de sant publique tait indissociable de sa fonction conomique de maintien dune force de travail oprationnelle (Fassin, 1997). Entre 1893 et 1957, en mettant en place une infrastructure sanitaire minimale de base, en vulgarisant lhygine collective et la prophylaxie des grandes endmies, ladministration coloniale stait donn les moyens et les structures pour atteindre ses fins. En somme, durant la priode coloniale, la France a men une politique sanitaire remarquablement constante en Cte dIvoire, quels que soient les gouvernements en place. La Cte dIvoire, qui obtint son indpendance en 1960, a hrit des structures coloniales sans en avoir rorient lesprit et les fonctions. A partir des annes 60, les gouvernements ivoiriens successifs ouvrent plusieurs institutions de formation (Facult de mdecine, Institut national de sant publique, etc.). Dans les annes 70, linfrastructure hospitalire se consolide par la construction de nouveaux hpitaux et la cration de la Facult de pharmacie. En outre, le financement du secteur tait presque encore exclusivement la charge de lEtat. Les interventions des bailleurs de fonds taient limites et la population commenait participer au financement des quipements sociaux (construction de centres de sant ruraux et de logements pour le personnel soignant). La dcennie 1980 fut marque par la rorganisation administrative du Ministre de la sant, ladoption des rsolutions dAlma Ata sur les soins de sant primaires (SSP) en 1983 et lexpansion rapide du secteur priv. Pendant cette priode, les ralisations sanitaires publiques seront plutt timides cause de la rcession conomique. Les soins de sant primaires ont t renforcs par les aides de financement. La prise de conscience de lpidmie du SIDA est matrialise par la cration dun comit national de lutte en 1987. Cependant, la situation dinsuffisance du systme sanitaire et social, due aux effets de la crise, va amener le gouvernement mettre en uvre un plan dajustement du secteur des ressources humaines dnomm Programme de valorisation des ressources humaines (PVRH) couvrant la priode de 1991 1994. Le PVRH, adopt sous la pression de la Banque mondiale, avait pour objectif de renforcer les capacits de gestion des administrations charges des ressources humaines, daccorder une priorit la satisfaction des besoins essentiels du plus grand nombre par laccroissement des moyens, en faveur surtout de lducation de base.

b) Le secteur de lducation De la priode coloniale la phase post-indpendance, le secteur de lducation a pratiquementsuivi le mme schma que celui de la sant la seule diffrence quaprs 1960, et de faon presque constante, 40 % du budget gnral de fonctionnement des diffrents gouvernements a t consacr lducation. Malgr cet effort, le systme reste fragile et prouve des difficults se transformer pour devenir un vritable moteur de dveloppement.

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Dans une tude relative au dveloppement de lducation en Cte dIvoire, Any-Gbayr (1994) souligne que lvolution du systme aprs les indpendances peut tre analyse en trois dcennies, la troisime tant fortement marque par la prsence des bailleurs de fonds dans la redfinition de la politique de lducation. La dcennie 19601970: Elle est marque par un accroissement des structures (infrastructures scolaires et universitaires) et une formation accrue (bourses dtudes, conventions dassistances techniques, etc.) des cadres et des agents dans tous les secteurs du dveloppement national. La dcennie 19711980: Cest la priode de la dmultiplication des structures daccueil de lducation nationale. Elle concide avec le premier plan quinquennal 19711975. Ainsi, un vaste programme de construction et dquipements scolaires est amorc avec lappui de la Banque mondiale et des cooprations bilatrales et multilatrales. Appuy par lUNESCO, le gouvernement met en route dans lenseignement primaire son projet de tlvision ducative La dcennie 19811990: Elle est marque par la prsence des bailleurs de fonds par le biais de diffrents PAS. Ainsi, un troisime projet est mis en uvre durant cette priode (19801985) dont le cot global est de 18 milliards de francs CFA, dont 28 % accords par la Banque mondiale, 23 % par la Banque africaine de dveloppement (BAD) et 49 % pris sur le budget ivoirien. Il a permis de financer la ralisation de quatre centres danimation et de formation pdagogique (CAFOP) et quatre lyces professionnels. Durant cette dcennie, les difficults conomiques ont entran la baisse des recettes dexportation, ce qui provoquera lannulation dun quatrime volet du projet.

Le bilan des trois premires dcennies est mitig. Les difficults de trsorerie publique ont remis en cause les projets de sant et dducation tels quils avaient t envisags. La priode 19811990 aura t celle du doute et des remises en cause, du fait principalement de la mvente des matires premires (caf et cacao surtout) et de la crise conomique et financire qui en a rsult et qui a entran un ralentissement de lactivit conomique nationale. Le PNB par habitant est pass de $1 300 en 1980 $690 en 1991, soit une baisse de 4,6 % par an. Les premiers chmeurs diplms de lenseignement suprieur sont apparus partir de 1980, avec le ralentissement des recrutements dans la fonction publique et les fermetures dentreprises pour cause de faillite. En consquence, les services publics de sant sillustraient par leur inefficacit dans loffre de soins en raison du manque de mdicaments de base et dquipements de base. Les hpitaux dans les centres urbains staient transforms en mouroirs. Dans le milieu rural, les populations devaient parcourir plusieurs dizaines de kilomtres pour esprer bnficier des prestations dun infirmier. Dans le secteur ducatif, les structures dinstruction publique se caractrisaient galement par un manque dquipements pdagogiques de base. La demande de scolarisation dpassait de loin les capacits de loffre. Il en a rsult une surcharge des classes et une baisse de la qualit de lenseignement tous les niveaux. De surcrot, on relevait une inadquation entre la formation et les demandes du march de lemploi qui stait dailleurs rtrci. Cest dans ce contexte socio-politique et conomique qua t initi le PVRH.

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2. Le PVRH comme modalit de rationalisation de lallocation des ressources dans les secteurs sant et ducation Les difficults poursuivre dans la logique des trois premires dcennies inspiraient le Programme de valorisation des ressources humaines qui apparat comme une rponse corrective des erreurs de gestion des priodes antrieures. La dimension sociale du PVRH consistait essentiellement favoriser un accs plus quitable aux services sociaux de base en corrigeant la vision parcellaire des dcennies prcdentes par la mise en relation de plusieurs secteurs sociaux (emploi, sant, ducation). Ce programme avait essentiellement pour objectifs prioritaires (i) de rtablir lquilibre entre les exigences financires des ajustements et celles des ressources humaines, finalits du dveloppement, (ii) daccrotre lefficacit des services dducation, (iii) de rduire les cots unitaires salariaux et non salariaux, (iv) de dvelopper une politique de recrutement en fonction des besoins, et (v) de rationaliser lutilisation des capacits existantes. Lanalyse des dpenses sociales faite dans le cadre dune tude finance par lUNICEF permet dune part, dapprcier le positionnement des dpenses sociales dans les priorits macroconomiques et dautre part, de mesurer lvolution du rapport des dpenses sociales au PIB.Tableau 1: Priorits budgtaires et macro-conomiques des dpenses sociales19801985 Dpenses budgtaires en % du PIB Dpenses sociales en % du PIB Dpenses publiques de sant en % du PIB Dpenses publiques dducation en % du PIB Dpenses sociales/dpenses budgtaires (%) Dpenses de sant/dpenses budgtaires (%) Dpenses ducation/dpenses budgtaires (%)Source: UNICEF, 1998.

19861993 25,6 10,7 1,8 7,2 42,3 5,8 20,9

19941996 19,9 8,1 1,7 5,5 40,6 6,3 19,7

29,2 11,9 1,4 8,0 41,0 3,9 23,6

La mme analyse des dpenses sociales offre des indicateurs dapprciation des effets du PVRH sur la priode 19921996.Tableau 2: Structure des dpenses publiques globales dducation (en %)1990 Dpenses salariales Dpenses de fonctionnement non salariales Dpenses dinvestissementSource: UNICEF, 1998.

1991 72,0 26,8 1,2

1992 67,5 24,9 9,4

1993 68,1 24,4 7,5

1994 64,9 25,9 9,2

1995 62,3 29,4 8,3

1996 58,7 34,1 7,2

71,7 26,9 1,4

Lvolution des dpenses indique une relative matrise des dpenses salariales partir de 1992 et une nette amlioration des dpenses dinvestissement. Lallocation des ressources pour lacquisition de biens et services a connu une volution positive, passant de 26,8 % 34,1 % en 1996.

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Par ailleurs, par rapport aux trois catgories de dpenses (salariales, non salariales, et investissement), lanalyse de la part des dpenses dans les cycles denseignement primaire et secondaire et suprieur renseigne sur lallocation initiale des ressources budgtaires par le gouvernement.Tableau 3: Structure des dpenses publiques globales de sant (en %)1992 Dpenses salariales Dpenses de fonctionnement non salariales Dpenses dinvestissementSource: UNICEF, 1998.

1993 60,0 25,0 15,0

1994 50,3 22,7 27,0

1995 40,6 24,0 35,4

1996 36,5 29,3 34,2

58,3 21,0 20,7

Les dpenses salariales se sont fortement rduites, passant de 58,3 % en 1992 36,5 % des dpenses publiques du secteur en 1996 tandis que celles non salariales relatives aux investissements et au fonctionnement ont progress, passant respectivement de 20,7 % et 21 % 34,2 % et 29,3 %. Cette baisse relative des dpenses salariales sexplique essentiellement, tout comme dans le secteur ducatif, par le gel des recrutements, la mise la retraite des agents ayant atteint 30 ans de service la fonction publique et du blocage indiciaire des avancements ainsi que par laccroissement considrable des investissements. Aussi la nouvelle orientation de la politique de sant contenue dans le PVRH accorde-t-elle dsormais une importance accrue la disponibilit des mdicaments et de vaccins dans les formations sanitaires. Ceci explique laffectation de prs de 91 % des dpenses de mdicaments et de vaccins lapprovisionnement des structures de sant de base. Cependant, cette nouvelle politique de mise disposition des mdicaments, qui se veut plus quitable, semble avoir soigneusement lud un dbat pourtant ncessaire: celui de la collusion entre le corps mdical hospitalier et les intrts pharmaceutiques sur la question de la prescription qui cote cher lEtat. Dans le cadre du renforcement des structures doffre de soins de base, notons galement les importants travaux de rhabilitation des formations sanitaires rurales et les nouvelles constructions qui, depuis 1994, alourdissent le chapitre des dpenses dinvestissement au profit du niveau primaire. A cet effet, un indicateur des effets du PVRH en faveur dune amlioration qualitative et quantitative des potentialits doffre des services de sant de base reste le ratio dpenses de fonctionnement/dpenses dinvestissement. Ce ratio est pass, au niveau primaire de 11,3 3,3 entre 1992 et 1996. Dautres indicateurs offrent des signes de progrs dans ltablissement des priorits dinvestissement. 3. mergence de la problmatique de la pauvret en Cte dIvoire Dans le cercle des bailleurs de fonds, la sensibilisation des organismes des Nations Unies (UNICEF, Programme des Nations Unies pour le dveloppementPNUD) la croissance de la pauvret comme consquence de la prolongation des mesures dajustement structurel a port ses fruits. Vers la fin des annes 80, Washington, la Banque mondiale se dote dune cellule Dimensions sociales de lajustement, pour donner une lgitimit son Programme daction (BAD et al., 1990). Cette cellule a sollicit, parmi les organismes qui ont effectu des critiques sur les consquences sociales des PAS, le parrainage conjoint dinstitutions comme la BAD, le

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Bureau Rgional pour lAfrique du PNUD, la Banque mondiale ainsi que lappui de plusieurs bailleurs de fonds bilatraux et multilatraux. Une premire tentative de mesure de la pauvret allant bien plus loin que les tudes classiques sur les indicateurs de niveau de vie des mnages (Enqutes budget-consommation de 1979EBC 79, Enqutes permanentes auprs des mnagesEPAM 19851989, enqutes niveau de vie des mnages menes en 1995) a t faite par Kanbur (1990). Cette tude a t une premire valuation quantitative de la pauvret en Cte dIvoire. On connat dsormais la nature et la proportion des catgories sociales frappes par la pauvret aussi bien travers laccs lducation, aux soins de sant, au logement qu travers la qualit de vie des mnages, leur tat nutritionnel ainsi que les possibilits qui leur sont offertes daccder aux biens. Cest au milieu des annes 90 que la Banque mondiale apporte lappui financier ncessaire deux tudes dcisives de caractrisation de la pauvret en Cte dIvoire. La premire est une tude quantitative mene par lInstitut national de statistique (INS) sur Le profil de pauvret en Cte dIvoire partir dun seuil de pauvret. Elle avait pour but dvaluer lvolution de la pauvret entre 1985 et 1995 et les conditions dexistence des couches les plus dfavorises (INS, 1995a:2). La seconde, qualitative, se proposait, toujours dans le cadre des connaissances sur les conditions de vie des mnages et des individus les plus vulnrables, dapporter un clairage plutt sociologique sur la pauvret, travers les perceptions quen ont les populations aussi bien dans les quartiers des villes quen milieu rural (INS, 1995b). La Banque mondiale a propos ces rapports au gouvernement comme miroir des effets sociopolitiques de son volontarisme.1 Ces rapports taient censs donner un cadre danalyse de limpact des diffrentes mesures conomiques, financires et sociales au niveau des mnages travers les donnes de base quils comportaient, notamment sur le niveau et les conditions sanitaires, dducation, de logement, de dpenses, de travail et dactivits, et de transport. Face aux rsultats de ces tudes, la premire raction de lEtat fut la dngation. LEtat ivoirien semblait percevoir travers ces donnes une remise en cause de sa politique sociale contrarie par les plans dajustement. Lattitude des pouvoirs publics tait symptomatique de la gouvernementalit dun Etat fort menac dans sa lgitimit socio-politique par les conclusions de telles tudes auxquelles seront probablement associes des conditionnalits qui lui renvoient une image dforme de sa puissance. Pour lEtat ivoirien, reconnatre lexistence de poches de pauvret croissante, ctait implicitement avouer lchec de ses initiatives volontaristes en matire sociale, ce quil ne pouvait admettre dans un pays que les indicateurs macro-conomiques situaient parmi les ttes du peloton conomique sur le continent africain.

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Il faut entendre par volontarisme un mode de gestion centralis et autoritaire qui consiste pour un Etat dcider sans consultation de ce qui est bon pour les populations et lexcuter avec ou sans planification, sur fonds propres ou laide demprunts extrieurs.

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Lacceptation de ces conclusions impliquait donc ladoption de mesures conomiques susceptibles dimposer des sacrifices supplmentaires aux populations souffrant dj dune conomie dgrade. Les mcontentements qui pouvaient en rsulter taient des sources potentielles de violences sociales que lEtat voulait viter tout prix. Ces deux arguments justifiaient les rticences de lEtat face la problmatique de la pauvret telle quelle tait aborde par les bailleurs de fonds. Pour vaincre ces rticences, dimportants mcanismes de lobbying ont t dploys par le PNUD et la Banque mondiale dans lobjectif de sensibiliser et de convaincre le gouvernement ivoirien que la croissance de la pauvret ntait pas une particularit ivoirienne, et que la reconnaissance de cet tat de fait ne signifiait pas la ngation des efforts financiers consentis par le Gouvernement ivoirien en faveur du social. Ce travail de sensibilisation a port ses fruits et a fortement contribu lever les rticences des pouvoirs publics. Or ces rticences constituaient une contrainte majeure grer avant desprer mettre en uvre un programme consquent de lutte contre lextension du flau de la pauvret. Cette sensibilisation a favoris une adhsion progressive qui a t dcisive dans la mise en uvre dune approche de lutte contre la pauvret se voulant plus positive. La reconnaissance politique de la pauvret a favoris, au-del dune valuation quantitative, une prise en compte de toutes les dimensions du phnomne. 4. La pauvret comme effet induit dune conjugaison de facteurs Selon une tude mene par le Bureau national des tudes techniques et pour le dveloppement (BNETD, 1995), la pauvret se caractrise par une combinaison de plusieurs indicateurs: Economiques: lincapacit pouvoir satisfaire aux besoins essentiels (scolarisation des enfants, soins mdicaux et hospitaliers, alimentation et logement convenables). En milieu rural, la pauvret est lie la production ralise, surtout en cas de mauvaise rcolte. Sociologiques: dpendance, perte de dignit, absence de pouvoir et exclusion. Les pauvres sont exclus de leur communaut. Ils ne bnficient plus du rseau dentraide ni de lassistance familiale. Psychologiques: le pauvre se sent impuissant face ladversit, incapable de se crer des opportunits pour faire face aux problmes. Il se laisse gagner par la fatalit et ne peut rsoudre ses problmes quavec laide dautrui.

Nombreux sont les vnements qui peuvent faire basculer une famille dans la pauvret: la maladie, la perte demploi, lexclusion des associations ou du rseau de solidarit familiale, le manque daccs au foncier rural et urbain, le manque de moyens pour exploiter la terre, le manque de main-duvre dans les mnages ayant peu denfants ou dans des mnages ayant une forte proportion de personnes ges ou de jeunes enfants charge (Boizo, 1997: 38). La monte du chmage, la baisse des revenus et les compressions ont provoqu lappauvrissement net dune frange importante de la population.

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La prise en compte de ces aspects multidimensionnels de la pauvret a permis den mesurer plus largement ltendue. Leffort dvaluation sest poursuivi dans le temps et travers le dernier rapport de lINS sur le profil de pauvret. Dsormais, on connat mieux, dans le temps comme dans lespace, comment volue la pauvret. En Cte dIvoire, les contraintes des ajustements successifs nont pas compltement entam le volontarisme tatique en matire de politique sociale. Certains points contenus dans les recommandations du Sommet, notamment laccs lemploi comme stratgie de lutte contre la pauvret avaient dj t envisags par lEtat qui, depuis 1994, a mis en place les fonds sociaux. 5. Les fonds sociaux en tant que modalit de lutte contre la pauvret Crs par dcret n 94134 du 30 mars 1994 et financs sur fonds propres, les fonds sociaux sont des prts consentis par lEtat aux chmeurs, aux femmes, aux dscolariss et aux jeunes diplms ivoiriens sur la base de la viabilit dun projet prsent. Le bnficiaire doit faire un apport personnel en espces ou en nature de 5 % du cot total du projet. Les fonds sociaux suivants ont t mis en place par lEtat ivoirien: Le Fonds national de la jeunesse (FNJ) accorde des prts de 5 millions de francs CFA aux jeunes dscolariss ou non scolariss. Le Fonds de diversification agricole et de promotion des exportations (FDAPE) consent des prts dun montant de 5 10 millions de francs CFA et sadresse aux exploitants de cultures vivrires. Le Fonds dinstallation et dappui aux initiatives des jeunes agriculteurs (FIAIJA) accorde des prts dun montant de 5 10 millions de francs CFA et sert financer les activits agro-pastorales. Le Fonds dinsertion et de rinsertion des jeunes diplms et des dflats des secteurs publics et privs (FIJDRD) accorde aux chmeurs et aux jeunes diplms sans emplois, regroups ou non en association ou en socit et inscrits lAgence dtudes et de promotion de lemploi (AGEPE) des prts dun montant de 8 15 millions de francs CFA. Le Fonds Femme et dveloppement (FNFD) finance les activits des femmes. Le montant des prts varie entre 2 et 3 millions de francs CFA. Le Fonds de cration artistique et culturelle (FIAC) concerne le monde des arts et consent des prts de 1 20 millions de francs CFA.

Les autres programmes et projets initis par lEtat sont orients principalement vers les secteurs agro-pastoraux. Ce sont: Le Fonds dinsertion de la jeunesse de la CONFEJES (FIJ), Le programme de cration de micro entreprises, Le projet Opration commerants ivoiriens modernes (OCIM), Le programme dappui aux jeunes exploitants agricoles dans les zones de savane, Le programme de dveloppement de lhvaculture et de la culture du palmier huile dans la moyenne valle de la Como, La contribution du projet de dveloppement rural intgr de la rgion forestire ouest (BAD-Ouest) la promotion des jeunes exploitants agricoles, La contribution du projet Nord-Est la promotion des jeunes exploitants agricoles,

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Le programme de dveloppement des coopratives forestires, La contribution des projets levage BAD II la promotion des jeunes exploitants agricoles, Le programme dexploitation cl en main, Le programme de plantation de la canne sucre villageoise, Le programme de production de semences et plants pour la campagne 1998, Le programme pilote de petits projets en milieu rural, Le Fonds de promotion des petites et moyennes entreprises agricoles (FPPMEA), Le programme dinsertion des jeunes ruraux.

Au total, 5 989 promoteurs dont 2 581 hommes, 3 195 femmes et 213 groupements coopratifs ont bnfici de ces fonds. Par type dactivits finances 14 % des fonds sont alls dans le secteur production agricole et animale, 8 % dans la production des biens durables/biens dquipement, 6 % dans la production artisanale/semi-industrielle de produits alimentaires, 18 % dans la commercialisation des produits alimentaires/restauration diverse et 55 % dans la catgorie autres commerces; 15 % des prts consentis se situent en-dessous de 800 000 francs CFA et 85 % au-dessus de 800 000 francs CFA (Ceprass et al., 1999:34). Si dans la plupart des pays qui les ont expriments les fonds sociaux sont conus avec une autonomie considrable lgard des administrations, en Cte dIvoire, lexprience des fonds sociaux repose sur une triple tutelle administrative: (i) tutelle technique et administrative assume par le ministre technique de chaque fonds, (ii) tutelle financire assume par la Caisse autonome damortissement, (iii) tutelle politique assume par la Coordination nationale des fonds sociaux auprs de la Primature. De cette lourdeur administrative dcoulent les consquences suivantes: lenteur et loignement du terrain des procdures dinstruction des dossiers, absence de coordination de laction des structures gouvernementales et prives responsables de la gestion et de lencadrement des fonds sociaux, lenteur et irrgularit des procdures de dcaissement des prts consentis, et inexistence dun systme dinformation pour la gestion rendant difficile le suivi de la demande et le contrle des prts consentis. Lvaluation des performances de cet instrument de politique sociale rvle galement le manque de transparence et de matrise dans la gestion des cots administratifs, la non-conduite effective et linefficacit dune politique dencadrement et de suivi des promoteurs reste extrmement faible, et lchec de la politique de recouvrement des crdits; toutes choses qui compromettent le renouvellement des fonds sociaux. Sagissant de la matrise des cots administratifs et de la politique dencadrement des promoteurs, si des dispositions rglementaires et institutionnelles existent, des dfaillances considrables ont t constates dans leur application. Ainsi on enregistre les rsultats suivants: les cots administratifs oscillent entre 13 % et 24 % de la valeur cumule des dcaissements (19941997); ce qui est particulirement lev compar aux charges administratives des fonds dinvestissement social qui varient entre 8 et 13 % dans les pays dAmrique Latine; le taux moyen des recouvrements nest que de 9,5 % et aucune procdure de recouvrement na t entreprise alors quil existe un dispositif dalerte par palier en cas de non-paiement des chances par le promoteur.

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Ltude conclut donc une inadquation du ciblage, cest--dire que ceux qui ont bnfici des fonds sociaux ntaient pas ceux qui en avaient vraiment besoin. En dautres termes, si le principe qui rgit lesprit de la mise en place des fonds tait louable, le projet a connu une drive au cours de son excution. Tout se passe comme si les fonds sociaux participaient plutt une amlioration des conditions de vie de la classe moyenne (Ceprass, 1999:123). Le Gouvernement ivoirien a particip au Sommet social de Copenhague en valorisant notamment cet effort de ciblage, au mme titre que les actions entreprises dans le cadre du PVRH.

II. Le tournant du Sommet social de Copenhague En Cte dIvoire, le Sommet social a mobilis de faon ingale les acteurs gouvernementaux etnon gouvernementaux. 1. Prparation et participation du Gouvernement ivoirien au Sommet social de Copenhague En prlude au Sommet, la Cte dIvoire, reprsente par le Ministre de la sant publique ayant en charge les affaires sociales, a particip une runion prparatoire qui sest tenue Dakar en fvrier 1995. Etaient galement prsents cette runion des reprsentants des pays de lAfrique de lOuest et du Centre. La prparation du Sommet a fait lobjet de la production dun Document de travail (Ministre des affaires trangres, 1995) indiquant les efforts consentis par le gouvernement dans les secteurs de lducation, de lagriculture et des ressources animales, de la sant publique et des affaires sociales, de la construction et de lurbanisme, de lemploi et de la fonction publique, de la famille et de la promotion de la femme et situant en mme temps (i) les perspectives conomiques moyen terme 19951997, (ii) les effets des PAS sur le dveloppement social et (iii) les rsultats attendus des fonds sociaux mis en place au profit des populations. A lanalyse, ce document de travail est symptomatique du dficit de rflexion structurante sur la programmation du dveloppement social. Outre le Premier Ministre de lpoque, M. Kablan Duncan, la dlgation ivoirienne se composait du Ministre des affaires trangres, du Directeur central du Ministre des affaires trangres, du Reprsentant de la Mission de la Cte dIvoire auprs de lONU, de lAmbassadeur en poste Copenhague, dun reprsentant du Ministre de lemploi et de la fonction publique (en loccurrence le Directeur de lemploi et de la rglementation du travail), dun conseiller technique du Ministre de la famille et de la promotion de la femme, du Directeur de cabinet du Ministre de la sant publique et des affaires sociales et de la responsable aux affaires sociales. Hormis la dlgation du Ministre de la sant publique et des affaires sociales dont lOrganisation mondiale de la sant (OMS) avait financ la participation au Sommet, les autres membres de la dlgation ivoirienne ont t pris en charge par lEtat ivoirien. Quant au suivi et la vulgarisation des engagements pris au cours du Sommet social de Copenhague, linstitution qui a t mise en place, le Comit prparatoire interministriel de la session extraordinaire de lONU sur le dveloppement social, na pris fonction que trois ans

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aprs, cest dire en 1998. A loccasion de la prparation des travaux du sommet de Genve en juin 2000, ce comit a pris part aux travaux prparatoires de mai 1999 New York. La conjugaison de ces facteurs laisse douter des capacits institutionnelles des administrations locales poursuivre la rflexion indispensable linternalisation et au suivi des recommandations du Sommet. Labsence de mobilisation des administrations et des services techniques ivoiriens cet effet peut tre galement impute dabord au manque dinformation et de communication sur lintrt et le bien fond sur ce Sommet, et ensuite la faiblesse de la masse critique disponible au sein de ces administrations. 2. Degr dimplication des ONG ivoiriennes dans la prparation du Sommet social et niveau de participation Les organisations non gouvernementales (ONG) ivoiriennes nont pas t prsentes dans le processus de prparation du Sommet. En nombre, leur participation au Sommet est insignifiante. Seule la prsidente de lAssociation internationale pour la dmocratie en Afrique (AID-Afrique), une ONG internationale dont lobjectif est la dfense et la promotion de la dmocratie et des droits humains, a particip au Sommet social de Copenhague. Aprs le Sommet, lAID-Afrique aurait men en Cte dIvoire diverses activits de restitution parmi lesquelles: la publication dun communiqu de presse la mi-mars 1995 pour rendre compte des travaux effectus lors de la tenue et le suivi du Sommet, en mettant laccent sur la ncessit dadopter lInitiative 20/20; la rdaction dun rapport de mission quelle a adress au Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et au PNUD; la tenue de confrence-dbats, notamment celle organise la demande de lAssociation internationale des femmes de Cte dIvoire (AIF-Cte dIvoire), et qui a vu la participation des pouses des ministres et ambassadeurs le 7 fvrier 1996 lHtel Ivoire. Le thme de cette confrence tait Le rle des ONG dans le suivi des recommandations du Sommet mondial sur le dveloppement social de Copenhague au Danemark en mars 1995.

En matire de suivi des engagements pris au Sommet, lONG AID-Afrique reconnat manquer dune assise populaire sur le terrain local ainsi que de relais pour traduire de faon plus constante et durable les recommandations du Sommet. Cette faible participation des ONG ivoiriennes au Sommet ne peut tre impute au problme de financement. Seules deux ONG locales ont entendu parler de ce Sommet sans rien savoir des objectifs, ni des recommandations qui en sont issues. La faible visibilit du mouvement associatif formel que nous signalions tantt, sexplique par le pouvoir encore structurant de lEtat qui contrle trs fortement lespace socio-politique ivoirien. Malgr louverture du champ politique des annes 90, on note une politisation encore importante de la vie sociale. LEtat conserve une forte tendance au contrle social, ce qui ne

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favorise gure une transformation plus rapide de la socit tout court en socit civile2 capable dexiger mieux dEtat et plus de participation. En Cte dIvoire, les quelques ONG locales qui existent manquent de spcialisation. Leurs actions sont concentres sur Abidjan ou dans une moindre mesure sur quelques villes de lintrieur et elles agissent trs peu en direction des populations rurales. Les cotisations de leurs membres sont trs limites et leur survie dpend des financements des organismes de coopration qui les transforment trs vite en bureaux dtudes en leur faisant perdre leur vocation non lucrative. De plus leur coordinateurs mnent plusieurs activits la fois, de telle faon quils ne sont efficaces nulle part. 3. LInitiative 20/20 et les difficults de son internalisation en Cte dIvoire LInitiative 20/20 a pour but de