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www.lemonde.fr 57 e ANNÉE – Nº 17573 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE COLOMBANI JEUDI 26 JUILLET 2001 POINT DE VUE Rendre l’Europe aux Européens par Romano Prodi Du pantalon considéré comme une « valeur fondamentale » International................ 2 France-Société ............. 5 Régions ........................... 7 Horizons ......................... 8 Entreprises ................... 10 Tableau de bord .......... 11 Aujourd’hui .................. 14 Météorologie ............... 18 Jeux ................................ 18 Carnet............................ 19 Abonnements .............. 19 Culture .......................... 20 Guide culturel .............. 22 Radio-Télévision ......... 23 MORATOIRE, interdiction, expé- rimentations strictement limitées, rien n’y fait : les OGM gagnent du terrain en France. Dix-neuf des cent douze échantillons de semences de colza, de soja et de maïs conven- tionnels examinés par l’Agence fran- çaise de sécurité sanitaire des ali- ments (Afssa) comportaient des tra- ces d’OGM. Pour le maïs, 41 % des prélèvements étaient positifs. Et des résidus de soja transgénique ont même été découverts dans des semences de maïs conventionnelles. Les échantillons avaient été remis à l’Afssa par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. L’Afssa souligne que, selon la Cham- bre syndicale des entreprises semen- cières, ce pourcentage tombe à 7 % pour le maïs. Elle se refuse à toute extrapolation qui laisserait penser que des dizaines, voire des centai- nes de milliers d’hectares de maïs conventionnel seraient touchés, sur les trois millions d’hectares de maïs français. L’agence retient deux pistes d’explication : l’importation de semences impures et la « conta- mination » naturelle par les champs où sont pratiquées des expérimenta- tions de cultures transgéniques. Elle affirme que rien ne permet de parler d’un « risque pour la santé publique, notamment compte tenu des faibles teneurs observées dans les lots concernés ». La Commisson européenne a adopté une directive destinée à réglementer la mise sur le marché de produits alimentaires ou d’en- grais provenant d’OGM, et à établir un système d’étiquetage et d’identifi- cation de ces produits. Lire page 5 et notre éditorial page 9 Les OGM gagnent du terrain en France b Le colza, le soja et surtout le maïs traditionnels sont colonisés par des semences transgéniques b Selon l’Agence de sécurité des aliments, cette lente dissémination ne présente pas de danger pour la santé b Bruxelles veut améliorer la traçabilité des organismes génétiquement modifiés ROUEN de notre correspondant Un technicien de l’usine Sagem de Saint- Etienne-du-Rouvray, dans la banlieue de Rouen, a saisi le tribunal des prud’hommes pour demander sa réintégration après un licencie- ment. Objet du litige : un bermuda. Plus précisément, « l’opposition forte et persistante à l’application d’une consigne simple : le port d’un pantalon par les hommes sur les lieux de travail ». « Préparateur méthode », Cédric Monribot, vingt-neuf ans, passionné de la carte SIM que l’on place sur les décodeurs numériques de télévision, était employé en contrat à durée indé- terminée depuis août 2000, après des années d’intérim. Titulaire d’un DUT de génie électri- que obtenu après une reprise d’études, Cédric est un tenace, adepte du principe : « Au travail, il faut être bien dans sa tête et bien dans son corps. » Comme beaucoup, il avait ressenti avec un plai- sir immense les premiers vrais rayons de soleil de la fin du printemps. Cela se passait le 21 mai. Il se rend à son travail dans une élégante culotte cour- te, avec ceinture, chemise légère et chaussures basses. Il raconte : « A midi, je déjeune avec mon chef. A 16 heures, la direction me fait savoir qu’elle souhaite vivement que je mette un pantalon. Je tombe des nues. J’étais correctement habillé. » Cédric n’est pas totalement naïf. Il sait que, dans cette entreprise de 450 salariés, les rela- tions humaines n’ont rien à voir avec l’ambian- ce high-tech d’une start-up californienne. La blouse blanche en coton, modèle années 1960, est de rigueur pour limiter les effets de l’électri- cité statique. Dans les ateliers non climatisés, elle « tient chaud l’hiver », mais devient vite insupportable lorsque la température grimpe, comme en mai. Il faisait 27 degrés dans l’usine. Cédric ne cède pas, alimente les conversations, embarrasse sa hiérarchie, et se défend : « Je n’ai rien vu dans le règlement m’interdisant le bermuda, d’autant que les femmes le portent. J’estime avoir les mêmes droits. » Les contacts directs avec les clients de Sagem sont rares, le plus souvent téléphoniques. D’ailleurs, préci- se-t-il, « j’ai toujours un pantalon dans mes affaires ». Pour deux raisons : lorsque le temps se couvre, et s’il a rendez-vous avec son direc- teur. Ce qui a fini par se produire avec, à la clé, malgré le soutien d’une centaine de salariés qui ont signé un appel de la CFDT, de FO et de la CSL, le licenciement, le 22 juin. « Nous ne pouvons tolérer qu’un technicien de votre niveau, non seulement refuse d’appliquer une consigne que tous les autres salariés respec- tent, mais également marque publiquement à cette occasion son refus d’adhésion aux valeurs fondamentales de notre société », écrit le chef du personnel dans la lettre le congédiant. Des valeurs qui ne lui ont pas été précisées, mais que le directeur de l’établissement, Olivier Rou- vière, a suggérées sous forme de questions : « Est-ce que vous revendiquez l’égalité hommes- femmes pour le port de la jupe, les congés paren- taux et le voile islamique ? » Cédric Monribot se réfère plutôt à son bilan professionnel au sein de la Sagem. « Mon travail est à l’image de l’en- treprise, sinon vous ne m’auriez pas fait gravir un échelon en trois mois, alors que certains atten- dent des années. » En décembre 2000, Cédric avait été confirmé dans son poste et gratifié d’une augmentation. La direction de l’entre- prise se refuse à tout commentaire. Etienne Banzet FESTIVALS Bill T. Jones, prince d’Avignon a QUI PROTÈGE les anciens chefs politique et militaire serbes de la guerre de Bosnie, Radovan Karadzic et Ratko Mladic, inculpés de « génocide », « crimes contre l’humanité » et « crimes de guerre » par le Tribunal pénal inter- national pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) ? Se cachent-ils en Républi- que serbe de Bosnie ou à Belgrade même ? Seront-ils livrés au TPIY ? Autant de questions à nouveau soulevées depuis que l’ancien prési- dent Slobodan Milosevic a été transféré à La Haye par les nouvel- les autorités de la République fédé- rale. L’enquête de notre envoyé spécial à Belgrade, Rémi Ourdan. Lire page 2 Plans sociaux massifs NORTON SIMON MUSEUM VACANCES ACTIVES Le Jura à VTT Débat sur l’euthanasie L ES dirigeants politiques de toute l’Europe sont confrontés aujourd’hui à un étrange paradoxe. D’une part, les citoyens attendent de nous que nous trouvions des solutions aux grands problèmes aux- quels nos sociétés sont confrontées. D’autre part, ils sont de plus en plus méfiants vis-à-vis des institutions et de la politique, ou, tout simple- ment, ne s’y intéressent pas. Cela vaut pour toutes les entités politi- ques, et spécialement pour les insti- tutions européennes, parce qu’elles sont perçues comme très éloignées des préoccupations quotidiennes des citoyens. Le système politique de l’Union est extrêmement complexe et diffi- cile à comprendre pour l’homme de la rue. Tout aussi important, les gens ont l’impression que leur voix n’est pas entendue, ou qu’ils n’ont pas les moyens de se faire entendre. S’il en fallait une preuve supplémen- taire, la faible participation aux élec- tions du Parlement européen et cel- le au récent référendum irlandais en ont fourni la démonstration. Je crois le moment venu de s’attaquer à ce problème avec détermination et de manière concertée. La Commission européenne aura adopté, mercredi 25 juillet, un Livre blanc sur la réfor- me de la gouvernance européenne, qui vise à rendre le fonctionnement de l’Union plus transparent, plus simple et plus démocratique. Un large débat sur l’avenir de l’Union s’est déjà engagé, en prépa- ration des changements institution- nels qui seront décidés en 2004. Les propositions que la Commis- sion fait aujourd’hui ouvrent la voie à ce débat. En vue de restau- rer la confiance de nos citoyens, nous devons montrer dès mainte- nant que nous sommes bien plus conscients des attentes du grand public, de la société civile, des régions et des collectivités locales. Lire la suite page 9 Romano Prodi est président de la Commission européenne. PEINTURE L’atelier du maître 4. Renoir J.-F. MARIN/EDITING Le chorégraphe américain scelle ses retrouvailles avec un Festival dont il est devenu l’un des enfants chéris. Il présen- te, dans la Cour d’honneur du Palais des papes, un spectacle créé en 2000 à Bolo- gne, You walk ?, question qui reflète les interrogations d’un artiste tourmenté au milieu de sa vie. p. 20 à 22 COLETTE MASSON/ENGUÉRAND A la recherche de Karadzic et Mladic f www.lemonde.fr/restructurations 3:HJKLOH=UU\ZUV:?k@h@c@g@k; M 0147 - 726 - 7,50 F - 1,14 E BERNARD KOUCHNER A l’automne 1873, Pierre-Auguste Renoir déménage son atelier de la rue Notre-Dame-des-Champs, sur la rive gauche, à la rue Saint-Georges, sur la rive droite, non loin du quartier de la Nouvelle Athènes où s’élabore l’art nou- veau. Là, il peint le jour. Le soir, son ate- lier se transforme en rendez-vous des amis. On y parle très peu de peinture, même si de jeunes artistes s’y presse- ront pour poser les prémisses de l’impressionnisme. p. 8 Pour partir à la découverte des vallées et crêtes du Jura, le vélo tout-terrain (VTT) s’impose. Des étapes quotidiennes d’une cinquantaine de kilomètres, ou moins, permettent de sillonner combes et pla- teaux sur les pistes de la Grande Traver- sée du Jura, l’un des plus beaux parcours balisés de France. Première de quatre invi- tations au voyage pour les adeptes de vacances actives. p. 16 et 17 f www.lemonde.fr/balkans f www.lemonde.fr/festivals a 40 000 licenciements dans l’industrie ont été annoncés au cours de la seule journée de mardi a L’américain Lucent veut réduire ses effectifs de moitié a L’allemand Siemens prépare un nouveau plan de restructuration a Marks & Spencer négocie la reprise de ses magasins français Lire page 10 DANS UN entretien à un journal néerlandais, M. Kouchner déclare qu’il a pratiqué l’euthanasie « à plu- sieurs reprises », comme médecin, au Liban et au Vietnam. « Il s’agis- sait de soins palliatifs en temps de guerre », précise-t-il, affirmant qu’il n’a pas utilisé le mot « euthanasie ». Lire page 6 Allemagne, 3 DM ; Antilles-Guyane, 10 F; Autriche, 25 ATS ; Belgique, 48 FB ; Canada, 2,50 $ CAN ; Côte d'Ivoi- re, 900 F CFA ; Danemark, 15 KRD ; Espagne, 250 PTA ; Gabon, 900 F CFA ; Grande-Bretagne, 1 £ ; Grèce, 500 DR ; Irlande, 1,40 £ ; Italie, 3000 L ; Luxembourg, 46 FL ; Maroc, 10 DH ; Norvège, 14 KRN ; Pays-Bas, 3,30 FL ; Portugal CON., 300 PTE ; Réunion, 10 F ; Sénégal, 900 F CFA ; Suède, 16 KRS ; Suisse, 2,20 FS ; Tunisie, 1,4 Din ; USA (NY), 2 $ ; USA (others), 2,50 $. f www.lemonde.fr/ue

e ANNÉE – Nº 17573 – 7,50 F - 1,14 EURO … · 2018. 3. 26. · place Momcilo Grubac (Opposi-tion démocratique de Serbie) à la justice. M. Pesic a dit vouloir met-tre en chantier

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  • www.lemonde.fr57e ANNÉE – Nº 17573 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE -- FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE COLOMBANIJEUDI 26 JUILLET 2001

    POINT DE VUE

    Rendre l’Europeaux Européenspar Romano Prodi

    Du pantalon considéré comme une « valeur fondamentale »

    International................ 2France-Société ............. 5Régions ........................... 7Horizons ......................... 8Entreprises ................... 10Tableau de bord .......... 11Aujourd’hui .................. 14

    Météorologie ............... 18Jeux ................................ 18Carnet............................ 19Abonnements .............. 19Culture .......................... 20Guide culturel .............. 22Radio-Télévision ......... 23

    MORATOIRE, interdiction, expé-rimentations strictement limitées,rien n’y fait : les OGM gagnent duterrain en France. Dix-neuf des centdouze échantillons de semences decolza, de soja et de maïs conven-

    tionnels examinés par l’Agence fran-çaise de sécurité sanitaire des ali-ments (Afssa) comportaient des tra-ces d’OGM. Pour le maïs, 41 % desprélèvements étaient positifs. Et desrésidus de soja transgénique ont

    même été découverts dans dessemences de maïs conventionnelles.Les échantillons avaient été remis àl’Afssa par la direction générale dela concurrence, de la consommationet de la répression des fraudes.

    L’Afssa souligne que, selon la Cham-bre syndicale des entreprises semen-cières, ce pourcentage tombe à 7 %pour le maïs. Elle se refuse à touteextrapolation qui laisserait penserque des dizaines, voire des centai-nes de milliers d’hectares de maïsconventionnel seraient touchés, surles trois millions d’hectares de maïsfrançais. L’agence retient deuxpistes d’explication : l’importationde semences impures et la « conta-mination » naturelle par les champsoù sont pratiquées des expérimenta-tions de cultures transgéniques. Elleaffirme que rien ne permet de parlerd’un « risque pour la santé publique,notamment compte tenu des faiblesteneurs observées dans les lotsconcernés ».

    La Commisson européenne aadopté une directive destinée àréglementer la mise sur le marchéde produits alimentaires ou d’en-grais provenant d’OGM, et à établirun système d’étiquetage et d’identifi-cation de ces produits.

    Lire page 5et notre éditorial page 9

    Les OGM gagnent du terrain en Franceb Le colza, le soja et surtout le maïs traditionnels sont colonisés par des semences transgéniquesb Selon l’Agence de sécurité des aliments, cette lente dissémination ne présente pas de dangerpour la santé b Bruxelles veut améliorer la traçabilité des organismes génétiquement modifiés

    ROUENde notre correspondant

    Un technicien de l’usine Sagem de Saint-Etienne-du-Rouvray, dans la banlieue deRouen, a saisi le tribunal des prud’hommes pourdemander sa réintégration après un licencie-ment. Objet du litige : un bermuda. Plusprécisément, « l’opposition forte et persistante àl’application d’une consigne simple : le port d’unpantalon par les hommes sur les lieux de travail ».

    « Préparateur méthode », Cédric Monribot,vingt-neuf ans, passionné de la carte SIM quel’on place sur les décodeurs numériques detélévision, était employé en contrat à durée indé-terminée depuis août 2000, après des annéesd’intérim. Titulaire d’un DUT de génie électri-que obtenu après une reprise d’études, Cédricest un tenace, adepte du principe : « Au travail, ilfaut être bien dans sa tête et bien dans son corps. »

    Comme beaucoup, il avait ressenti avec un plai-sir immense les premiers vrais rayons de soleil dela fin du printemps. Cela se passait le 21 mai. Il serend à son travail dans une élégante culotte cour-te, avec ceinture, chemise légère et chaussuresbasses. Il raconte : « A midi, je déjeune avec mon

    chef. A 16 heures, la direction me fait savoir qu’ellesouhaite vivement que je mette un pantalon. Jetombe des nues. J’étais correctement habillé. »

    Cédric n’est pas totalement naïf. Il sait que,dans cette entreprise de 450 salariés, les rela-tions humaines n’ont rien à voir avec l’ambian-ce high-tech d’une start-up californienne. Lablouse blanche en coton, modèle années 1960,est de rigueur pour limiter les effets de l’électri-cité statique. Dans les ateliers non climatisés,elle « tient chaud l’hiver », mais devient viteinsupportable lorsque la température grimpe,comme en mai. Il faisait 27 degrés dans l’usine.Cédric ne cède pas, alimente les conversations,embarrasse sa hiérarchie, et se défend : « Jen’ai rien vu dans le règlement m’interdisant lebermuda, d’autant que les femmes le portent.J’estime avoir les mêmes droits. » Les contactsdirects avec les clients de Sagem sont rares, leplus souvent téléphoniques. D’ailleurs, préci-se-t-il, « j’ai toujours un pantalon dans mesaffaires ». Pour deux raisons : lorsque le tempsse couvre, et s’il a rendez-vous avec son direc-teur. Ce qui a fini par se produire avec, à la clé,malgré le soutien d’une centaine de salariés

    qui ont signé un appel de la CFDT, de FO et dela CSL, le licenciement, le 22 juin.

    « Nous ne pouvons tolérer qu’un technicien devotre niveau, non seulement refuse d’appliquerune consigne que tous les autres salariés respec-tent, mais également marque publiquement àcette occasion son refus d’adhésion aux valeursfondamentales de notre société », écrit le chefdu personnel dans la lettre le congédiant. Desvaleurs qui ne lui ont pas été précisées, maisque le directeur de l’établissement, Olivier Rou-vière, a suggérées sous forme de questions :« Est-ce que vous revendiquez l’égalité hommes-femmes pour le port de la jupe, les congés paren-taux et le voile islamique ? » Cédric Monribot seréfère plutôt à son bilan professionnel au seinde la Sagem. « Mon travail est à l’image de l’en-treprise, sinon vous ne m’auriez pas fait gravir unéchelon en trois mois, alors que certains atten-dent des années. » En décembre 2000, Cédricavait été confirmé dans son poste et gratifiéd’une augmentation. La direction de l’entre-prise se refuse à tout commentaire.

    Etienne Banzet

    FESTIVALS

    Bill T. Jones,prince d’Avignon

    a QUI PROTÈGE les ancienschefs politique et militaireserbes de la guerre de Bosnie,Radovan Karadzic et Ratko Mladic,inculpés de « génocide », « crimescontre l’humanité » et « crimes deguerre » par le Tribunal pénal inter-national pour l’ex-Yougoslavie(TPIY) ? Se cachent-ils en Républi-que serbe de Bosnie ou à Belgrademême ? Seront-ils livrés au TPIY ?Autant de questions à nouveausoulevées depuis que l’ancien prési-dent Slobodan Milosevic a ététransféré à La Haye par les nouvel-les autorités de la République fédé-rale. L’enquête de notre envoyéspécial à Belgrade, Rémi Ourdan.

    Lire page 2

    Plans sociauxmassifs

    NO

    RT

    ON

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    VACANCES ACTIVES

    Le Juraà VTT

    Débat surl’euthanasie

    LES dirigeants politiques detoute l’Europe sontconfrontés aujourd’hui àun étrange paradoxe.D’une part, les citoyens attendentde nous que nous trouvions dessolutions aux grands problèmes aux-quels nos sociétés sont confrontées.D’autre part, ils sont de plus en plusméfiants vis-à-vis des institutions etde la politique, ou, tout simple-ment, ne s’y intéressent pas. Celavaut pour toutes les entités politi-ques, et spécialement pour les insti-tutions européennes, parce qu’ellessont perçues comme très éloignéesdes préoccupations quotidiennesdes citoyens.

    Le système politique de l’Unionest extrêmement complexe et diffi-cile à comprendre pour l’homme dela rue. Tout aussi important, lesgens ont l’impression que leur voixn’est pas entendue, ou qu’ils n’ontpas les moyens de se faire entendre.S’il en fallait une preuve supplémen-taire, la faible participation aux élec-tions du Parlement européen et cel-le au récent référendum irlandais enont fourni la démonstration. Je crois

    le moment venu de s’attaquer à ceproblème avec détermination et demanière concertée. La Commissioneuropéenne aura adopté, mercredi25 juillet, un Livre blanc sur la réfor-me de la gouvernance européenne,qui vise à rendre le fonctionnementde l’Union plus transparent, plussimple et plus démocratique.

    Un large débat sur l’avenir del’Union s’est déjà engagé, en prépa-ration des changements institution-nels qui seront décidés en 2004.Les propositions que la Commis-sion fait aujourd’hui ouvrent lavoie à ce débat. En vue de restau-rer la confiance de nos citoyens,nous devons montrer dès mainte-nant que nous sommes bien plusconscients des attentes du grandpublic, de la société civile, desrégions et des collectivités locales.

    Lire la suite page 9

    Romano Prodi est présidentde la Commission européenne.

    PEINTURE

    L’atelierdu maître4. Renoir

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    Le chorégraphe américain scelle sesretrouvailles avec un Festival dont il estdevenu l’un des enfants chéris. Il présen-te, dans la Cour d’honneur du Palais despapes, un spectacle créé en 2000 à Bolo-gne, You walk ?, question qui reflète lesinterrogations d’un artiste tourmenté aumilieu de sa vie. p. 20 à 22

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    3:HJKLOH=UU\ZUV:?k@h@c@g@k;M 0147 - 726 - 7,50 F - 1,14 E

    BERNARD KOUCHNER

    A l’automne 1873, Pierre-AugusteRenoir déménage son atelier de la rueNotre-Dame-des-Champs, sur la rivegauche, à la rue Saint-Georges, sur larive droite, non loin du quartier de laNouvelle Athènes où s’élabore l’art nou-veau. Là, il peint le jour. Le soir, son ate-lier se transforme en rendez-vous desamis. On y parle très peu de peinture,même si de jeunes artistes s’y presse-ront pour poser les prémisses del’impressionnisme. p. 8

    Pour partir à la découverte des vallées etcrêtes du Jura, le vélo tout-terrain (VTT)s’impose. Des étapes quotidiennes d’unecinquantaine de kilomètres, ou moins,permettent de sillonner combes et pla-teaux sur les pistes de la Grande Traver-sée du Jura, l’un des plus beaux parcoursbalisés de France. Première de quatre invi-tations au voyage pour les adeptes devacances actives. p. 16 et 17f www.lemonde.fr/balkans

    f www.lemonde.fr/festivals

    a 40 000 licenciementsdans l’industrieont été annoncésau cours de la seulejournée de mardi

    a L’américain Lucentveut réduireses effectifs de moitié

    a L’allemand Siemensprépare un nouveauplan de restructuration

    a Marks & Spencernégocie la reprise deses magasins français Lire page 10

    DANS UN entretien à un journalnéerlandais, M. Kouchner déclarequ’il a pratiqué l’euthanasie « à plu-sieurs reprises », comme médecin,au Liban et au Vietnam. « Il s’agis-sait de soins palliatifs en temps deguerre », précise-t-il, affirmant qu’iln’a pas utilisé le mot « euthanasie ».

    Lire page 6

    Allemagne, 3 DM ; Antilles-Guyane, 10 F ; Autriche,25 ATS ; Belgique, 48 FB ; Canada, 2,50 $ CAN ; Côte d'Ivoi-re, 900 F CFA ; Danemark, 15 KRD ; Espagne, 250 PTA ;Gabon, 900 F CFA ; Grande-Bretagne, 1 £ ; Grèce, 500 DR ;Irlande, 1,40 £ ; Italie, 3000 L ; Luxembourg, 46 FL ; Maroc,10 DH ; Norvège, 14 KRN ; Pays-Bas, 3,30 FL ; PortugalCON., 300 PTE ; Réunion, 10 F ; Sénégal, 900 F CFA ;Suède, 16 KRS ; Suisse, 2,20 FS ; Tunisie, 1,4 Din ; USA(NY), 2 $ ; USA (others), 2,50 $.

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  • Le premier ministre yougoslavedésigné, le Monténégrin DragisaPesic, a présenté, mardi 24 juillet,son gouvernement et son pro-gramme devant le Parlementfédéral réuni à Belgrade. Le nou-veau cabinet est composé d’unnombre égal (cinq) de représen-tants de Serbie et du Monténé-gro, les deux républiques formantdepuis 1992 la République fédéra-le de Yougoslavie (RFY). MiroljubLabus a été reconduit dans sesfonctions de vice-premier minis-tre chargé des relations économi-ques avec l’étranger. Goran Svila-novic, Zoran Zivkovic et Slobo-dan Krapovic ont également con-servé, respectivement, les porte-feuilles des affaires étrangères,de l’intérieur et de la défense. LeMonténégrin Savo Markovic rem-place Momcilo Grubac (Opposi-tion démocratique de Serbie) à lajustice. M. Pesic a dit vouloir met-tre en chantier la « rédactiond’une plate-forme sur la redéfini-tion des relations » entre la Serbieet le Monténégro au sein d’uneRFY dont la pérennité est à placer« au-dessus de tout autre dossierpolitique ». – (AFP.)

    Le nouveaugouvernement fédéralyougoslave

    BELGRADEde notre envoyé spécial

    Les Serbes, soulagés que Slobodan Milosevic ait dis-paru de la scène et encore peu désireux de connaître lavérité sur les crimes qu’il a ordonnés, se passionnentpour un aspect plus anecdotique du feuilleton politico-judiciaire : l’histoire d’amour.

    Car, nul ne peut l’ignorer, « Slobo » et « Mira » sontamoureux, près de cinquante ans après leur rencontresur les bancs de l’école. A peine rentrée à Belgrade,après avoir rencontré à la prison de Scheveningen, prèsde La Haye, son époux accusé de « crimes contre l’huma-nité » par le Tribunal pénal international pour l’ex-You-goslavie (TPIY), Mirjana Markovic s’est exclamée : « Ilest toujours beau ! » La principale inspiratrice d’unedécennie de dictature et de guerres avait l’air canailleet l’œil pétillant.

    Tenant une conférence de presse au siège de son par-ti politique, la Gauche yougoslave (JUL), mardi24 juillet, Mira Markovic a dit avoir trouvé son mari« en bon état ». « Sa santé est meilleure qu’à Belgrade,a-t-elle confié. Son état d’esprit est supérieur, commed’habitude ! Il avait l’air beau quand il était ici, mais ilétait malade. Maintenant il a l’air beau et moins mala-de. » En lisant leurs journaux le lendemain, les Belgra-dois se sont esclaffés.

    Mira Markovic a confirmé les conditions de ses deuxvisites de six heures à la prison de l’ONU. Les époux sesont rencontrés au parloir, où ils étaient séparés par uneépaisse vitre, et leurs conversations ont eu lieu en présen-ce de deux gardiens qui prenaient des notes. SlobodanMilosevic est soumis à un strict régime d’isolement. Il nerencontre pas ses codétenus et reste dans sa cellule,lumière allumée, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, lemoindre de ses gestes étant suivi par une caméra de

    vidéo-surveillance. Un incident a perturbé la rencontre.« Mon microphone ne fonctionnait pas, alors il ne m’enten-dait pas bien, a raconté Mira Markovic. Le sien fonction-nait, je pouvais l’entendre. » « C’est un scandale ! s’empor-te un ami de l’ex-première dame de Serbie. Au TPIY, tem-ple de l’ONU, des soi-disant droits de l’homme et de la tech-nologie, un micro ne fonctionne pas bien ? De qui semoque-t-on ? » Mira Markovic est plus philosophe : « Jevais demander un nouveau visa. J’ai besoin de le voir ! Peuimporte les conditions de nos rencontres. »

    « UN CERVEAU MALADE »L’épouse de Milosevic n’a pas donné d’informations

    sur la stratégie de l’accusé, indiquant qu’il refusait tou-jours de prendre un avocat mais que « des avocats lui ser-viront de conseillers pour préparer sa propre défense ». Onignore donc quelle attitude adoptera l’ex-maître de Bel-grade lors de sa prochaine comparution, le 27 août,devant ce tribunal qu’il considère « illégal ».

    Interrogée sur les charniers de Kosovars albanais quele gouvernement de Belgrade découvre en Serbie, ellehausse le ton, critiquant ceux qui révèlent l’existencedes fosses communes, enquêtent sur les crimes deguerre et diffusent à la télévision les exhumations decadavres. C’est « une idée morbide née d’un cerveaumalade, (qui) va à l’encontre des intérêts de notre peuple.Je ne vois pas l’intérêt de rendre publics ces charniers,sauf pour que le peuple s’auto-incrimine de crimes qu’iln’a pas commis et de violences pour lesquelles il est inno-cent ». A propos des crimes eux-mêmes, elle n’a pas pré-cisé qui était coupable.

    R. O.

    BELGRADE et SARAJEVOde notre envoyé spécial

    A chaque évolution politique enBosnie-Herzégovine et en Serbie,tous les regards se tournent versles célèbres fugitifs, Radovan Ka-radzic et Ratko Mladic, inculpés de« génocide, crimes contre l’huma-nité » et de « crimes de guerre »par le Tribunal pénal internationalpour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Oùse cachent-ils ? En République ser-be, l’entité serbe de Bosnie ? EnSerbie ? Au cœur de Belgrade, lacapitale ? Qui les protège ? Vont-ils être arrêtés ? Vont-ils se livrerd’eux-mêmes à la justice del’ONU ? Autant de questions quise posent à nouveau après l’extra-dition de Slobodan Milosevic versLa Haye par le gouvernement deBelgrade.

    Radovan Karadzic et Ratko Mla-dic, chefs politiques et militairesserbes durant la guerre bosniaque(1992-1995), inculpés pour le siègede Sarajevo et les tueries de Srebre-nica, bénéficient de la protectionde puissants réseaux serbes, selondiverses sources occidentales, ser-bes et bosniaques. Radovan Karad-zic serait aidé dans sa fuite par sonParti démocratique serbe (SDS),l’Eglise orthodoxe et la police de laRépublique serbe. Tandis que legénéral Ratko Mladic serait pro-tégé par les services spéciaux desarmées de Belgrade et de BanjaLuka en Bosnie.

    Il semble que Karadzic et Mladicaient accès à tous les territoires ser-bes, de chaque côté des frontiè-res : en Serbie, au Monténégro eten Bosnie, en dépit des affirma-tions de Belgrade, qui cherche àredorer son blason sur la scène

    internationale. Radovan Karadzica notamment séjourné en Serbiedurant l’hiver 2000-2001, aumoment des fêtes orthodoxes, etaurait même rendu visite à son filsSasa à Belgrade. Ratko Mladic,dont la maison belgradoise, ironiedu sort, voisine celle de Sasa Ka-radzic, vivrait, pour sa part, tou-jours très souvent en Serbie,même s’il se fait plus discretdepuis janvier et l’accession à latête du gouvernement serbe de

    Zoran Djindjic. Le général a été vuen début d’année dans un cimetiè-re de Belgrade, se recueillant sur latombe de sa fille Ana, et en juindans un restaurant de poissons ducentre-ville, le sélect Bevenda.

    Cette relative liberté de mouve-ment qu’ont les deux hommesn’empêche toutefois pas qu’ilsvivent la plupart du temps cachés,protégés par une unité de gardesdu corps. Radovan Karadzic auraitainsi diverses résidences dans les

    régions de Pale, Foca et Trebinje,dans le sud de la République serbe(RS). Ratko Mladic continuerait àséjourner parfois dans un chaletdu complexe militaire de Han Pije-sak, dans l’est de la RS, qui fut sonquartier général durant la guerre.Là, en Bosnie-Herzégovine, ilssont susceptibles d’être arrêtés parla Stabilization Force (SFOR) del’OTAN. C’est pourquoi ils dormi-raient rarement deux nuits consé-cutives au même endroit, sachant

    que les commandos occidentauxne lancent aucune opération sansavoir effectué des repérages extrê-mement précis.

    Les deux fugitifs continuent detraverser les frontières. La ques-tion est de savoir si les gouverne-ments de Belgrade, Podgorica(Monténégro) et Banja Lukaapprouvent ces voyages effectuéspar les deux hommes. Nul ne lesait, ou ne paraît vouloir le savoir.Ce qui est certain est qu’au mini-

    mum ils ferment les yeux sur lesprotections accordées aux fugitifspar certaines unités militaires, poli-cières ou paramilitaires. Dans lecas de Banja Luka, le SDS, mem-bre de la coalition au pouvoir enRépublique serbe, participeraitmême au financement des résiden-ces et de l’escorte de Karadzic.

    A Belgrade, par ailleurs, un jeutrouble est joué par le présidentVojislav Kostunica. Démocrate,pro-occidental, ce dernier n’enreste pas moins un nationaliste tra-ditionnel, très proche de l’Eglise etde l’armée, allié du SDS de Karad-zic en République serbe. Il a davan-tage critiqué Slobodan Milosevicpour avoir abandonné la « GrandeSerbie » que pour avoir tenté de labâtir par la purification ethnique.

    IMAGES POSITIVESNul ne peut accuser M. Kostu-

    nica de protéger directement lesdeux hommes. En revanche, cer-tains diplomates sont persuadésqu’il encourage par ses déclara-tions nationalistes et anti-TPIYl’Eglise, l’armée et le SDS à réglereux-mêmes le problème. Car unedifférence flagrante existe entre leduo Karadzic-Mladic et Milosevic.Tandis que ce dernier avait à la finde son règne l’image négative d’un« communiste » et d’un « dicta-teur » coupable du malheur desSerbes, les premiers sont toujoursperçus comme des héros ayantdéfendu la « Grande Serbie »contre le monde entier et, finale-ment, contre Belgrade.

    Et tout particulièrement RatkoMladic. Le général arrive en têtede tous les sondages de popularitéen Serbie. Quant à Radovan Karad-

    zic, perçu à la fin de la guerre com-me un chef mafieux sans scrupuleaprès qu’il eut pillé la Républiqueserbe en compagnie de son amiMomcilo Krajisnik (incarcéré àLa Haye), il a retrouvé dans sa fui-te une image positive. En hésitantà l’arrêter durant cinq ans, l’OTANa renforcé sa popularité.

    Les deux hommes sont désor-

    mais vus comme ces héros tchet-niks de la seconde guerre mon-diale qui se sont joués de la policede Tito durant dix ans, jusqu’aumilieu des années 1950, dans lesmontagnes et les forêts de Bosnieet du Monténégro. « A Belgrade,aucun gouvernement ne prendra lerisque d’arrêter Karadzic et Mladic.Même si la population est trop amor-phe pour réagir, le président ou lepremier ministre qui prendrait cettedécision sait qu’il signerait son arrêtde mort. Milosevic, c’était l’anti-héros. Karadzic et Mladic, ce sontles héros suprêmes, les intoucha-bles », confirme un conseiller deZoran Djindjic.

    L’OTAN a toujours pour mandatd’arrêter les suspects du TPIY s’ilssont sur le sol bosniaque, en l’oc-currence en République serbe. Desofficiers occidentaux affirmentsoit qu’ils ne parviennent pas à leslocaliser plus d’un ou deux joursconsécutifs, soit que les deux hom-mes sont trop bien protégés. Etqu’aucun pays, notamment lesEtats-Unis, n’est prêt à risquer lavie de ses soldats dans une opéra-tion à haut risque. « La vérité estque les Américains s’opposent à unearrestation non pas à cause des ris-ques encourus par les commandos,parce que Britanniques ou Françaisseraient prêts à mener l’opérationsans eux, mais parce qu’ils crai-gnent d’affronter ensuite des repré-sailles, des attentats, confie un offi-cier européen. Karadzic et Mladicsont, aux yeux de l’OTAN commeaux yeux de la police de Belgrade,protégés par leur statut de hérosgrand-serbes. »

    Rémy Ourdan

    Slobodan Milosevic « est toujours beau ! », dit son épouse

    Les mystérieuses protections assurées aux chefs serbes lors du drame bosniaqueRadovan Karadzic et Ratko Mladic, anciens responsables politiques et militaires inculpés de « génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre »

    par le tribunal de La Haye, jouissent d’une relative liberté de mouvement dans la Yougoslavie débarrassée de Slobodan Milosevic

    Radovan Karadzic bénéficierait, selon les informations recueilliespar Le Monde, de la protection de l’Eglise orthodoxe, ou au moins decertains réseaux de l’Eglise. Habillé en prêtre, il circulerait de monas-tère en monastère, notamment en Bosnie et au Monténégro, à tra-vers des sentiers de montagne où il suffit d’une poignée de deutsche-marks pour qu’un douanier ou un garde forestier ferme les yeux. Qui,de la police serbe ou de l’OTAN, pourrait violer un lieu sacré ? Per-sonne. L’homme peut dormir tranquille. Et il sait que l’OTAN neprend guère le risque d’arrêter un criminel de guerre lorsqu’il sedéplace, l’escorte étant beaucoup plus nerveuse et les risques d’accro-chages plus élevés.

    Ratko Mladic, pour sa part, traverserait souvent la rivière Drina,qui sépare la Bosnie et la Serbie, en bateau, durant la nuit, pour seréfugier dans des villages de Serbie occidentale. – (Corresp.)

    « Génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre »

    f www.lemonde.fr/macedoine

    AFP

    Nouvelle flambée de violence en Macédoine, qui incrimine les Occidentaux

    Karadzic habillé en prêtre

    RADOVAN KARADZIC RATKO MLADIC

    Le Parlement de la RepublikaSrpska (RS), l’entité serbe de Bos-nie, s’apprête à débattre d’un pro-jet de loi sur la coopération entrela RS et le Tribunal pénal interna-tional (TPI) de La Haye. Le débatdevait débuter dès mardi24 juillet mais a été retardé aprèsdes tentatives de l’oppositionpour obtenir le retrait du projetde l’ordre du jour. Le Parlementa finalement décidé de mainte-nir le projet de loi sur le TPI à l’or-dre du jour, mais de nombreusesautres questions devaient êtredébattues avant cette loi.

    Selon le TPI, la RS est désor-mais la seule partie de l’anciennefédération yougoslave où, fauted’une telle loi, les suspectsrecherchés pour crimes contrel’humanité ou crimes de guerrepeuvent se réfugier impuné-ment. Selon un document obte-nu par l’Agence France-Presse, leprojet de loi, dont les détails nesont pas publics, définit les condi-tions d’arrestation et de trans-fèrement à La Haye de tels sus-pects sur requête du TPI. – (AFP.)

    f www.lemonde.fr/milosevic

    BALKANS Après le transfère-ment de Slobodan Milosevic au Tribu-nal pénal international pour l’ex-You-goslavie (TPIY), tous les regards setournent désormais vers deux autres

    fugitifs, Radovan Karadzic et RatkoMladic, inculpés pour le siège de Sara-jevo et les tueries de Srebrenicaentre 1992 et 1995. b LES DEUX HOM-MES continuent de passer les frontiè-

    res et de bénéficier de la protectionde certains réseaux de l’Eglise. Crimi-nels de guerre, ils sont toujours consi-dérés comme « des héros » ayantdéfendu « la grande Serbie ». b MIR-

    JANA MARKOVIC, épouse de Slobo-dan Milosevic, a rencontré à deuxreprises l’ancien président de la Fédé-ration emprisonné à La Haye enattente de sa prochaine comparution

    le 27 août devant le TPIY. b EN MACÉ-DOINE, une vague de violences meten péril le cessez-le-feu intervenu le5 juillet entre la guérilla albanaise del’UCK et l’armée gouvernementale.

    a Le Tribunal pénal internationalpour l’ex-Yougoslavie (TPIY) ainculpé conjointement à deuxreprises Radovan Karadzic (né en1945 à Savnik, au Monténégro) etRatko Mladic (né en 1943 à Kalino-vik, en Bosnie), qui étaient leschefs politique et militaire de la« République serbe de Bosnie » pen-dant la guerre de Bosnie(1992-1995). Les deux actes d’accu-sation retiennent les qualificationsde « génocide, crimes contre l’huma-nité, crimes de guerre ». Le pre-mier, émis le 25 juillet 1995, portesur les responsabilités des deuxhommes dans la politique de purifi-cation ethnique menée en Bosniecontre les populations musulmaneet croate, et le siège de Sarajevo.Le texte impute notamment auxdeux hommes les camps d’interne-

    ment, les pilonnages de groupesde civils, les destructions d’égliseset de mosquées, les tirs de snipersà Sarajevo, la prise en otage de sol-dats de l’ONU, etc. Le second acted’accusation, du 16 novembre1995, porte sur les exactions com-mises à Srebrenica, lors de saconquête par les forces serbes enjuillet 1995. Ratko Mladic a com-mandé personnellement la dépor-tation des femmes et des enfantsmusulmans de l’enclave et l’exécu-tion de tous les hommes qui n’ontpas réussi à fuir, soit environ 7 000.L’accord de paix de Dayton, denovembre 1995, interdisant auxinculpés du TPIY d’accéder à au-cune fonction publique, a mis unterme à la carrière de RadovanKaradzic et de Ratko Mladic enRépublique serbe de Bosnie.

    La Republika Srpskaet le TPI

    UNE NOUVELLE vague de vio-lence a enflammé, mardi 24 juillet,la ville de Tetovo, dans le nord-ouest de la Macédoine, en dépitdes appels au respect du cessez-le-feu lancés par plusieurs dirigeantsoccidentaux, dont le président desEtats-Unis, George W. Bush.

    Peuplée en majorité d’Albanais,Tetovo sombrait mardi soir « dansune vraie guerre », selon le témoi-gnage du correspondant de l’AgenceFrance-Presse sur place. « Cela tirede partout, on entend des détonationsdans toute la ville, de puissantes déto-nations, tout l’arsenal militaire estentré en scène », rapportait ZoranAndonov. Selon des sources gouver-nementales, les « intenses combats »en cours en fin de journée étaient

    dus aux « tentatives des terroristespour s’emparer de la ville ».

    D’après l’armée macédonienne,les premiers tirs seraient partis despositions tenues par la guérilla alba-naise dans deux villages situésau-dessus de la ville. Une casernede l’armée macédonienne, qui avaitdéjà été touchée la veille par des tirsde mortiers, a été de nouveau, mar-di soir, la cible des tirs de la guérillaalbanaise, de même qu’un barragede la police macédonienne, et desdétonations pouvaient être enten-dues à 200 mètres du centre de la vil-le. Une grande partie de la popula-tion a quitté Tetovo pour se mettreà l’abri dans des zones plus sûres.Tous les magasins ont fermé leursportes.

    Le gouvernement macédoniens’est livré, d’autre part, à une violen-te charge à l’encontre de l’OTAN,lui reprochant de ne pas désignerles rebelles de l’UCK (Armée de libé-ration nationale) comme responsa-bles de la rupture du cessez-le-feuqui avait été conclu le 5 juillet. Legouvernement de Skopje a de nou-veau accusé l’OTAN de soutenir lesrebelles albanais et de vouloir fairede la Macédoine « un protectoratinternational contrôlé » par l’Allian-ce atlantique. « La Macédoine n’estpas seulement en guerre contrel’UCK, mais est confrontée à une plusgrande menace, le soutien de certainspays occidentaux à des formationsparamilitaires », a déclaré le porte-parole du gouvernement, Antonio

    Milososki, lors d’une conférence depresse. Coïncidence ou non, deuxpoints de passage entre le Kosovoet la Macédoine ont été fermés dansl’après-midi. La mesure s’applique« à tout le trafic des véhicules del’OTAN, de la KFOR (force de main-tien de la paix au Kosovo) et de tou-tes les autres organisations internatio-nales », selon un haut fonctionnaireà la frontière.

    MANIFESTATIONLe porte-parole du gouverne-

    ment s’est dit très « déçu » que« l’Union européenne, l’OSCE (Orga-nisation pour la sécurité et la coo-pération en Europe), l’OTAN, quiont l’obligation d’observer le cessez-le-feu », n’aient pas désigné les

    rebelles albanais comme lesauteurs de la rupture de la trêve.Mardi soir, quelques centaines depersonnes ont manifesté dans lacapitale, avec des slogans hostilesaux Occidentaux.

    Le président américain, GeorgeW. Bush, lors d’une brève visite, mar-di au Kosovo, avait lancé un appel enfaveur d’une cessation des hostilitéset d’une solution négociée. « LesEtats-Unis s’élèveront devant tous ceuxqui utilisent ou soutiennent la violencecontre la démocratie et l’Etat dedroit », a-t-il notamment déclaré,ajoutant que le Kosovo ne « devaitpas être un sanctuaire pour des person-nes qui sont à l’origine d’insurrectionsailleurs », c’est-à-dire la guérilla del’UCK. La France a aussi invité « les

    parties à cesser toute violence ». Lesecrétaire général de l’OTAN, Geor-ge Robertson, a appelé l’UCK à reve-nir aux positions qu’elle avait sur leterrain le 5 juillet, ce que deman-dait Skopje depuis la veille. Lesrebelles albanais « doivent montrerqu’ils respectent la sécurité de lapopulation civile, mettre fin à l’intimi-dation et aux enlèvements, et suppri-mer les barrages routiers sur la routeJazince-Tetovo », a-t-il déclaré.Pour redonner leur chance auxefforts de paix, l’émissaire del’OTAN dans les Balkans, PieterFeith, a rencontré dans la journéeau Kosovo le représentant politiquede l’UCK, Ali Ahmeti. – (AFP.)

    I N T E R N A T I O N A L2

    LE MONDE / JEUDI 26 JUILLET 2001

  • LE MONDE / JEUDI 26 JUILLET 2001 / 3

    Paris-Berlin et Madrid préparentun hélicoptère de combat polyvalent

    La marine de défense australienne passe un accord avec l’US NavyLe groupe allemand STN Atlas Elektronik, écarté du projet, s’apprête à demander des dédommagements

    PÉKINcorrespondance

    La Chine vient de renouer avecla « diplomatie des otages ». Atrois jours du premier voyage enChine du secrétaire d’Etat améri-cain Colin Powell, deux universitai-res sino-américains, accusés d’es-pionnage au profit de Taïwan, ontété condamnés, mardi 24 juillet, àune peine de dix ans de prison. Lasociologue Gao Zhan, trente-neufans, d’origine chinoise, qui ensei-gne à l’université américaine deWashington, avait été arrêtée le5 février. Qin Guangguang, unautre intellectuel sino-américain,enseignant à l’université de Chica-go et de Stanford, avait été arrêtéen décembre dernier. Tous deuxsont accusés « d’avoir collecté desinformations pour le compte d’agen-ces de renseignements de Taïwan,menaçant gravement la sécuriténationale ».

    Voilà dix jours, Li Shaomin, unautre universitaire travaillant auxEtats-Unis, également accuséd’être un agent de Taïwan, avaitété condamné à l’expulsion. Mer-credi matin, à Hanoï, Colin Powell

    a pu se déclarer « très heureux » :quelques heures avant qu’il ne ren-contre son homologue chinoisdans la capitale vietnamienne enmarge du forum régional des paysd’Asie du Sud-Est (Asean), la mesu-re a été concrétisée et le chercheura été placé dans un avion en partan-ce pour les Etats-Unis.

    TRIPLE AVANTAGEDeux autres intellectuels sino-

    américains sont encore détenus enChine depuis le début de l’année.Cette série de procès s’inscrit dansle climat tumultueux des relationssino-américaines. La diplomatiechinoise renoue avec une tactiquequ’elle avait largement employéeavant l’assouplissement sino-améri-cain à la fin de la période Clinton.Les prisonniers concernés étaientalors des dissidents chinois, qui pur-geaient de lourdes peines (dix-neufans en prison pour Wei Jingsheng)et furent envoyés aux Etats-Unispour « raisons de santé ».

    Cette pratique présentait un tri-ple avantage, aux yeux du pouvoirchinois : elle permettait d’utiliserles dissidents comme monnaie

    d’échange dans les négociationsdiplomatiques, d’améliorer l’imagede la Chine en envoyant ces prison-niers politiques « pour raison médi-cale » aux Etats-Unis, au lieu de lesmaintenir en prison et enfin dedébarrasser le territoire de ces agi-tateurs d’idées, qui, une fois enexil, perdent de leur influence surle continent chinois.

    Désormais, il ne s’agit plus de dis-sidents, mais de sino-américains,titulaires d’un permis de résidenceaux Etats-Unis ou naturalisés, accu-sés d’espionnage au profit deTaïwan. Ces accusations ne sontpas déterminées au hasard. Lesautorités chinoises, qui préfèrenthabituellement traiter les ques-tions d’espionnage avec discrétion,jouent sur le même registre que lesAméricains, qui l’an dernieravaient accusé le sino-américainWen Ho Lee, travaillant au labora-toire de Los Alamos, d’espionnageau profit de Pékin. Il s’agit par rap-port à l’opinion chinoise de laverl’affront de l’an passé et de mettreen garde les sino-américains con-tre toute tentation de travaillerpour le renseignement étranger.

    Accuser ces prisonniers de tra-vailler pour Taïwan est égalementune manière très chinoise d’atta-que indirecte qui permet d’attein-dre deux cibles. Les Etats-Unis sesont déclarés « consternés », à l’an-nonce des sanctions contre GaoZhan. La balle est maintenant dansle camp des diplomates, qui vonts’efforcer de relancer le dialoguesino-américain, mal amorcé depuisl’arrivée de George W. Bush àWashington et envenimé lors del’affaire de l’avion espion en avril.

    La visite de Colin Powell samedia pour objectif d’aplanir les sujetsd’achoppement avant le voyageofficiel du président Bush, attendufin octobre à Shanghaï. Avec désor-mais l’espoir chez les diplomatesaméricains que Gao Zhan soitexpulsée « pour raisons de santé »vers les Etats-Unis. Une perspecti-ve qui, espère Pékin, devrait mettreles négociateurs américains dansde bonnes dispositions pour quel-ques concessions…

    Caroline Puel

    BUCARESTde notre correspondant

    La soirée du premier ministrefrançais, Lionel Jospin, en visite offi-cielle à Bucarest pour deux jours, àl’ambassade de France, lundi23 juillet, n’avait rien d’exception-nel : beaucoup de ministres,des PDG d’entreprises françaisesinstallées en Roumanie, une foulede journalistes, un discours, et leshymnes des deux pays joués au cou-cher du soleil. Puis, soudain, le pre-mier ministre se retrouva face àface avec un jeune Français quiavait tout d’un clown et qui lui ten-dit un nez rouge. « Ça sert àquoi ? », s’inquiéta poliment le pre-mier ministre. « Je vous l’expliqueraidemain », lui répondit-il.

    Le lendemain, Lionel Jospin s’estrendu au rendez-vous prévu avecdes associations françaises qui mili-tent pour la protection de l’enfant :Handicap International, Médecinsdu monde, Equilibre et Parada.Miloud, clown de son métier, expli-qua au premier ministre à quoi çasert, un nez rouge. Plus précisé-ment, « Un nez rouge contre l’indiffé-rence », nom de code d’un program-me destiné à rendre la vie vivableaux enfants de la rue à Bucarest.

    Miloud, âgé de vingt-neuf ans, apassé les neuf dernières années par-mi les enfants errants de Bucarest.Avec eux, il a partagé la rue, leségouts où ils dorment, la misère, etl’espoir d’un jour meilleur. Certes,leur nombre a baissé, depuis la chu-te de Ceausescu, en décem-bre 1989, quand ils avaient investipar milliers la capitale roumaine.Mais selon les associations, ilsseraient encore un millier, âgés dequatre à dix-huit ans, qui squattentl’enfer des canalisations de Buca-rest.

    En 1995, le clown Miloud a créél’association Parada et organisé destournées avec ses petits copainsorphelins, aussi bien à Bucarestqu’en France, en Italie ou en Améri-que latine. « C’est la première foisque je vois un premier ministre quiprend le temps de voir des associa-tions comme la nôtre pour nous dire“Apprenez-moi des choses” », s’ex-clame-t-il.

    La visite de Lionel Jospin en Rou-manie se voulait plus qu’une bonneoccasion pour les affaires. Le règle-ment du problème des enfantsabandonnés – il y en aurait environ90 000 dans le pays – est la premiè-re condition imposée par la Com-

    mission européenne à l’entrée de laRoumanie dans l’Union européen-ne. Lundi dernier, la France a signéavec la Roumanie un accord pourla protection de l’enfant qui prévoitprincipalement la formation de cin-quante-trois spécialistes pour lesenfants handicapés, ainsi qu’unvolet de coopération juridiqueentre les deux pays. Néanmoins, lebudget prévu, de 3 millions defrancs, n’est qu’une goutte d’eaudans l’océan.

    Le premier ministre roumain, lesocialiste Adrian Nastase, sembledécidé à prendre en compte les exi-gences européennes. Tout récem-ment, il a interdit les adoptionsinternationales, une mesure qui asuscité un vif débat dans le pays.« Il était temps, explique RichardTrigano, expert français affecté parla Commission européenne auministère roumain du travail. LaRoumanie avait un système qui trans-formait officiellement l’enfant enune valeur marchande. Sans parlerdes réseaux de pédophilie ou de ven-tes d’organes. Il fallait tout arrêter etcréer un nouveau cadre juridique. »

    Mirel Bran

    Washington fait preuve d’un intérêt appuyé pour l’AsieTOKYO

    de notre correspondantLa première tournée asiatique du secrétaire

    d’Etat américain, Colin Powell, qui est arrivé,mardi 24 juillet, dans la capitale vietnamiennepour y rencontrer les ministres des affairesétrangères asiatiques dans le cadre du forum del’Asean (Association des nations d’Asie du Sud-Est, élargie aux autres pays de la région, plusl’Union européenne et les Etats-Unis), confir-me la volonté de l’administration Bush d’accor-der plus d’attention que les démocrates à cettepartie du monde.

    Le forum de l’Asean, qui se tient dans la fouléede la réunion annuelle des ministres des affairesétrangères des dix pays membres de cette organi-sation (Bruneï, Birmanie, Cambodge, Indonésie,Laos, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlan-de, Vietnam), est consacré aux questions de sécu-rité régionale auxquelles la nouvelle administra-tion américaine, qui ambitionne de redessiner lacarte de l’Asie autour de ses alliés en renforçantleurs liens, afin de contenir la montée en puissan-ce de la Chine, attache une importance particuliè-re. Les espoirs d’une reprise à Hanoï d’un dialo-gue à haut niveau entre Américains et Coréensdu Nord ont cependant été déçus par l’annoncede Pyongyang qu’en raison d’un « calendrier tropchargé » son ministre des affaires étrangères nepourrait s’y rendre.

    La tournée asiatique de Colin Powell, vétérande la guerre du Vietnam, qui retourne dans cepays pour la première fois depuis la chute deSaïgon en 1975, a commencé par Tokyo : liéaux Etats-Unis par un pacte de sécurité, leJapon accueille sur son territoire la majeure par-tie (47 000 hommes) des forces américaines sta-tionnées en Asie. La visite du secrétaire d’Etataméricain, qui se poursuivra par Pékin, Séoul etCanberra, vise surtout à expliquer les inten-tions de la nouvelle politique asiatique améri-caine. Déjà en mai le secrétaire d’Etat adjoint,Richard L. Armitage, s’était rendu à Tokyo,Séoul et New Delhi.

    LE JAPON, PARTENAIRE PRIVILÉGIÉA Tokyo, au cours des entretiens avec le pre-

    mier ministre, Junichiro Koizumi, M. Powell aété discret sur les ambitions américaines dans larégion et les responsabilités accrues en matièrede sécurité régionale que Washington souhaitevoir assumer par le Japon. Le moment n’étaitguère opportun : une série d’incidents plus oumoins graves imputés à des GI à Okinawa, oùest stationné le plus gros des troupes américai-nes, a attisé l’hostilité à leur présence. Trois sol-dats viennent d’être arrêtés : deux pour vandalis-me, le troisième a été inculpé pour viol. Sansenvisager une modification du statut régissantla présence des troupes américaines au Japon,

    souhaitée par Tokyo, M. Powell a assuré le pre-mier ministre du souci de Washington de rendrela présence militaire américaine à Okinawa unpeu moins pesante en déplaçant à Guam, ouailleurs, des exercices d’entraînement. Mais il ainsisté sur le caractère vital des bases et de l’al-liance nippo-américaine pour la sécurité régiona-le : « Les Etats Unis doivent rester ici comme mani-festation tangible » de leur volonté d’être une for-ce stabilisatrice en Asie, a déclaré M. Powell.

    A la veille des élections sénatoriales du29 juillet, cruciales pour M. Koizumi, les Japonaissouhaitaient éviter les sujets épineux (tels que larévision des dispositions constitutionnelles empê-chant le Japon de faire partie d’un système dedéfense collective ou sa participation au projetde bouclier antimissile auquel la presse est en par-tie hostile). Colin Powell a réaffirmé, en revan-che, le « soutien plein et entier » de Washingtonaux réformes annoncées par le premier ministre.

    Plus symbolique que substantielle par soncontenu, la visite du secrétaire d’Etat américainà Tokyo, première étape de sa tournée asiati-que, visait surtout à montrer que pour l’admi-nistration Bush le Japon est le partenaire etallié privilégié des Etats-Unis dans la région,alors que les démocrates avaient tendu à ledédaigner au profit de la Chine.

    Philippe Pons

    Lionel Jospin s’occupedes enfants roumains

    Le règlement du problème des jeunesdes rues est la première condition posée

    par Bruxelles pour l’adhésion à l’Union européenne

    En Roumanie, Napoléon III estun héros : il reste le vainqueur dela guerre de Crimée, qui, en 1859,a permis l’union de fait, puis dedroit, de la Moldavie et de laValachie. Mardi, lors d’une confé-rence-débat devant un parterrede personnalités, une Roumaine,pensant plaire à Lionel Jospin,lui a annoncé l’érection d’une sta-tue de l’empereur français àBucarest. « Je ne voudrais pas quevous croyiez que Napoléon III estmon héros politique », a réponduM. Jospin. « Je connais la partqu’il a jouée dans l’union des prin-cipautés roumaines », a-t-il ajou-té. « Mais c’est aussi une des riches-ses de l’Europe : des héros positifspeuvent être ailleurs des hérosnégatifs. » Et inversement, s’estamusé M. Jospin, en expliquantqu’il préférait « 1848 à 1851 », larévolution au coup d’Etat.

    SYDNEYde notre correspondant

    L’Australie s’est rapprochéeencore un peu plus des Etats-Unisen décidant, lundi 9 juillet, de reti-rer son appel d’offres concernantle remplacement du système decombat de ses six sous-marins Col-lins pour lui préférer un accord decollaboration avec l’US Navy.

    La signature discrète de cettealliance entre Canberra et Wash-ington n’a pas étonné outre mesu-re la plupart des industriels de ladéfense présents aux antipodes.« Le système de combat d’originede ces sous-marins ainsi que leursarmements étaient déjà de fabrica-tion américaine », souligne Gil-bert Dangleterre, le représentanten Australie et dans le Pacifiqued’EADS, le groupe aéronautiqueet spatial européen.

    « L’accord avec la marine améri-caine marque donc une continuité.Mais le gouvernement n’auraitjamais dû lancer un appel d’offres.C’est cela qui fait mauvais genreaujourd’hui », ajoute-t-il. Les avissont unanimes sur ce dossier.« Ce processus a vraiment été plu-tôt brouillon », juge Ron Huisken,du Centre d’études stratégiqueset de défense de l’université natio-nale australienne à Canberra.

    Le groupe allemand de défen-se, STN Atlas Elektronik, dontl’offre avait été préférée à cellede l’américain Raytheon par lacommission d’enquête officiellechargée d’étudier les différentessoumissions, s’apprêterait, selon

    le quotidien The Australian, àdemander au gouvernement aus-tralien 59 millions d’euros dedédommagements pour avoir étéécarté de ce projet de 235 mil-lions d’euros.

    Cette affaire serait un nouveaurebondissement dans le véritable

    « feuilleton » des sous-marinsaustraliens. Ces submersibles,construits en Australie selon desplans suédois pour un coût de3 milliards d’euros, ont connu demultiples problèmes depuis leurlivraison au milieu des années 90.Trop bruyants et donc facilementrepérables, ces navires ont déjàété modifiés à trois reprises.Leurs coques ont notamment étéredessinées et leurs hélices ontété remplacées.

    « Les Etats-Unis ont beaucoupaidé la marine australienne dans

    ce projet, remarque Ron Huisken.Les Américains sont très fiers deleurs avancées technologiques dansle domaine des sous-marins militai-res. Cela représente un peu les"joyaux de la couronne" de leurarmée. Mais en leur fournissantson savoir-faire et ses équipements,l’US Navy s’est inquiétée que legroupe de défense qui remporteraitle contrat du nouveau système decombat puisse regarder de tropprès leurs matériels. » Elle s’estdonc assurée d’écarter les grou-pes privés étrangers. Le gouverne-ment australien, par l’intermédiai-re de son ministre de l’industrie,Nick Minchin, affirme toutefoisque sa décision « n’a pas été priseen réponse à une menace des Etats-Unis ».

    Les analystes se demandentaujourd’hui si l’accord passéentre Canberra et Washingtonmarque la fin de la politique d’in-dépendance de l’Australie enmatière de défense, une stratégiemise en place en 1976 par le gou-vernement de Malcolm Fraser.

    « Je ne pense pas que les chancesdes industriels européens de rem-porter des contrats face à leursconcurrents américains aient dimi-nué, tempère Gilbert Dangleterre.Nous pensons ainsi toujours pou-voir gagner d’ici la fin de l’année lecontrat de renouvellement des héli-coptères de combat de l’armée aus-tralienne », dont le montant estde 700 millions d’euros. Le Tigredu groupe franco-allemand Euro-copter est aujourd’hui en concur-

    rence avec l’Apache et le Cobrades américains Boeing et Bell.

    D’autres gros projets d’achatsde matériels militaires, recomman-dés par le Livre blanc sur la défen-se publié l’an dernier, sont dansles cartons. Canberra souhaitenotamment remplacer ses troisfrégates antiaériennes et sessoixante-dix avions F-18 et F-111.Dassault, avec son Rafale, etEADS, avec son Eurofighter,auront à faire face à une rudeconcurrence américaine qui va ali-gner ses F-18EF, ses F-16 block Cet ses futurs F-22 et JSF pour rem-porter ce contrat de plus de 7 mil-liards d’euros. Un appel d’offresdevrait être prochainement lancépar le gouvernement. Le rempor-ter ne serait de toute manière pasforcément synonyme d’une victoi-re commerciale…

    Frédéric Thérin

    Dans le climat tumultueux des relations sino-américaines, Pékin continue de souffler le chaudet le froid. Trois jours avant l’arrivée du secrétai-

    re d’Etat Colin Powell, dans le cadre d’une ampletournée asiatique, deux universitaires sino-amé-ricains ont été condamnés à dix ans de prison

    pour espionnage. Mais un autre chercheur d’ori-gine chinoise, arrêté sous la même accusation, aété, lui, expulsé vers les Etats-Unis.

    f www.lemonde.fr/chineusa

    Les analystesse demandentaujourd'huisi cet accord marquela fin de la politiqued'indépendancede l'Australie enmatière de défense

    La Chine condamne deux chercheurssino-américains à dix ans de prison pour espionnage

    A trois jours de la visite de Colin Powell, Pékin semble renouer avec la « diplomatie des otages »

    L’ALLEMAGNE et la France, d’uncôté, et l’Espagne, de l’autre, étu-dient la possibilité d’aménager leprogramme Tigre d’un hélicoptèrede combat, qui leur serait commun,pour tenir compte, selon l’état-major de l’armée de terre française,de « la disparition d’une menace blin-dée majeure » en Europe. La dissolu-tion du pacte de Varsovie et, avecelle, l’élimination du risque spécifi-que qu’ont pu représenter les blin-dés de l’ex-URSS durant la guerrefroide contraignent les pays à réexa-miner de fond en comble lesmoyens alloués jusqu’alors à ladéfense antichar.

    Dans les années 1980, l’Allema-gne et la France ont conçu le projetd’un hélicoptère, baptisé Tigre etconfié au groupe Eurocopter, quicomprend deux versions : HAC(hélicoptère antichar) et HAP (héli-coptère appui-protection), destinéeà la lutte contre des hélicoptères.Les deux pays ont prévu de com-mander 430 « machines », toutesversions confondues, à l’hori-zon 2015, avec de premières livrai-sons dès 2003.

    Aujourd’hui, selon l’état-majorfrançais, l’évolution stratégique enEurope ne justifie plus la mise enservice de deux hélicoptères, « dontl’un exclusivement dédié au combatantichar ». Cette menace a disparu,explique le général Henri Mares-caux, major général de l’armée deterre, et les forces sont désormaisorganisées en unités « projetables »et capables, par leur équipement,au besoin un hélicoptère multirôle,

    de remplir « tout le spectre des mis-sions » qui leur seraient confiées.

    C’est ce qui explique que la Franceet l’Allemagne discutent, en cemoment, de l’éventualité d’alignerun hélicoptère de combat polyvalentd’ores et déjà baptisé Tigre HAD(hélicoptère d’appui- destruction).Dans sa configuration de base, ceTigre devrait disposer d’un systèmed’armes complet, avec un canon de30, des paniers de roquettes, des mis-siles antichars Hot (dans un premiertemps) et des missiles air-air Mistral.Ce qui suppose qu’Eurocopter appor-te au Tigre actuel des modificationstechniques ayant trait notamment àses dispositifs de détection de ciblesterrestres ou aériennes et aux perfor-mances des postes de tir embarqués.

    L’Espagne sera associée à laréflexion franco-allemande. Madrida, en effet, lancé un appel d’offrespour l’acquisition de vingt à quaran-te hélicoptères de combat polyva-lents. Sur ce marché, comme en Aus-tralie (lire ci-contre), le Tigre est enconcurrence avec des hélicoptèresaméricains et italiens. Les états-majors allemand, français et espa-gnol discutent sur le fait de pouvoirparvenir, ou non, à une définitionconjointe des besoins opérationnels,y compris en matière de formationdes pilotes. C’est à l’été 2000 queFrançais et Allemands avaient eu àdécider de lancer cette coopération,bilatérale au départ, qui pourraitêtre étendue à l’Espagne si Madridachetait des Tigre.

    Jacques Isnard

    Du bon usagede Napoléon III

    I N T E R N A T I O N A L

    f www.lemonde.fr/ue

  • 4 / LE MONDE / JEUDI 26 JUILLET 2001

    En Algérie, raids punitifs et violences se multiplient contre des femmes sans époux accusées de « prostitution »

    « Que venez-vous dire oudemander aux autorités françai-ses ?

    Après les réunions importantesqui viennent d’avoir lieu auxniveaux européen et du G 8, le prési-dent [Hosni] Moubarak a jugé utilede me dépêcher à Paris avec un mes-sage pour le président Chirac. Dansla conjoncture actuelle au Proche-Orient, il est important que l’Egypteet la France se concertent pour voirce qui peut être fait, comment sor-tir de l’impasse dans laquelle la poli-tique de M. Sharon [le premierministre israélien] conduit la région.

    – Les déclarations de bonnesintentions sont nombreuses,mais rien de concret n’est faitpour que les choses bougent…

    – Il ne faut pas négliger le poidsde la parole. Je vous donne un exem-ple : l’administration américaine nevoulait pas, à ses débuts, se mêlerdu problème du Proche-Orient. Il afallu l’insistance d’autres parties,notamment celle du président Mou-barak, pour la convaincre de s’y inté-resser. L’attitude de cette mêmeadministration était, disons, plusproche des positions israéliennesque de celles d’autres pays, notam-ment arabes. Aujourd’hui, les Etats-Unis acceptent l’idée de la présenced’observateurs. Quels que soient lanationalité ou le mandat de cesobservateurs et malgré les condi-tions posées à leur envoi par le G 8,c’est le signe d’une évolution certai-ne de la position américaine ; et cet-te évolution résulte du fait qu’avecd’autres nous avons tenté et nousavons partiellement réussi à influen-cer l’attitude des Etats-Unis.

    » Il est important de parler, derappeler les résolutions de l’ONU,de convaincre l’opinion publiqueinternationale. En soutenant le peu-ple palestinien dans sa révolte con-tre une occupation injuste, enessayant de mieux faire compren-

    dre au monde ce qu’est la politiqueisraélienne, nous pouvons faire bou-ger les choses. Même en Israël,nous assistons à la renaissance du“camp de la paix”, que le gouverne-ment avait réussi à convaincred’une imposture en faisant endos-ser aux Palestiniens la responsabili-té de l’échec de Camp David et enles désignant comme des terroris-tes. Il est enfin important que l’Occi-dent comprenne que la perpétua-tion de la situation actuelle risquede nuire à ses intérêts, aux nôtres età ceux des Israéliens.

    – M. Moubarak a affirmé quela paix ne pouvait pas êtreconclue avec M. Sharon…

    – La sévérité du président Mouba-rak tient au fait qu’à plusieurs repri-ses M. Sharon lui a fait des promes-ses qu’il n’a pas tenues.

    – Quelles sortes de promes-ses ?

    – Lors de leur premier contact,M. Sharon a affirmé qu’il avait unplan de paix qu’il dévoilerait dansun délai de quelques semaines.Mais nous n’avons jamais vu deplan de paix, uniquement des plansde guerre, des assassinats program-més, des destructions de maisons,des crédits votés pour de nouvellescolonies et des propos inaccepta-

    bles sur les Palestiniens, sur M. Ara-fat, sur l’Egypte aussi. Les promes-ses ont été répétées, par lui-même,par d’autres en son nom, par despersonnes prétendument prochesde lui, mais n’ont jamais été tenues.La conclusion logique à laquelle leprésident Moubarak est arrivé estque M. Sharon est un homme aveclequel on ne peut faire la paix. Il fau-drait qu’il change de peau, ou alorsque le peuple israélien comprenneque sa politique mènera à uneimpasse contraire à ses propresintérêts ; car je suis convaincu que

    le peuple israélien, comme le peu-ple palestinien, veut la paix.

    – S’il n’y a rien à espérer deM. Sharon, à quoi servent le rap-port Mitchell, le plan Tenet, lesexhortations des Européens oudu G 8 ?

    – Il y a toujours une chance derédemption. Et puis, si M. Sharonest cerné par des positions claires, ilpeut être forcé de changer de politi-que. Pour nous, il ne s’agit pas dedésespérer ad vitam aeternam, maisde dire que sa politique ne peutmener à la paix, que nous n’allonspas nous laisser mener en bateau,que nous savons exactement quel-les sont ses intentions, mais quecela ne nous empêche pas d’espérer

    une solution pacifique conforme àla légalité internationale. Tous lesefforts que vous avez évoqués sonttrès importants pour servir decontrepoids, si je puis dire, à desintentions nettement négatives.

    – Ne pensez-vous pas qu’unepetite dose de coercition estnécessaire ?

    – Quand on parle de coercition, ily a un pays auquel on pense immé-diatement : ce sont les Etats-Unis.J’ai des raisons de croire que leurpatience avec M. Sharon touchepresque à sa fin. Je crois savoir que,dans leurs contacts avec lui, derniè-rement, ils ont eu une attitude plusferme qu’elle ne l’était il y a quel-ques jours ou quelques semaines,que la liberté de manœuvre dont ilsemblait bénéficier n’est plus aussigrande. Les Américains lui ont don-né une grande latitude, le droit dedécider par exemple quand com-mencent et quand finissent lesfameux sept jours [de « calme abso-lu » exigés par M. Sharon pour met-tre en œuvre le plan Mitchell], quisont une pure invention et dont onse demande pourquoi ils seraientsept, et non huit ou quatre parexemple. Ce sont les sept jours lesplus longs de l’Histoire !

    » Il est clair maintenant que lesAméricains ont l’intention de bou-ger. Je n’en tirerai pas pour autantde conclusions ; on a déjà vu cela[dans le passé], on a assisté à desélans qui n’ont pas abouti, à uneexaspération qui ne s’est pas tradui-te en action politique, mais il fautcontinuer à espérer. Je crois aussique la réunion du G 8 a révélé auxEtats-Unis l’insatisfaction desautres participants – notammentl’Europe – quant au laxisme dont abénéficié le gouvernement deM. Sharon. »

    Propos recueillis parMouna Naïm

    L’AUTORITÉ palestinienne a ren-forcé, mardi 24 juillet, son disposi-tif de sécurité dans la bande deGaza après les affrontements quiont eu lieu, la veille, entre factionspalestiniennes, les premiers dugenre depuis le début de l’Intifada.Une vingtaine de Palestiniensarmés, dont des membres du Fatahdu président Yasser Arafat et duMouvement de la résistance islami-que (Hamas), groupés au sein desComités de résistance populaire,ont en effet lancé des pierres, lundisoir, contre le domicile du chef desrenseignements militaires, MoussaArafat, avant d’échanger des tirsavec ses gardes du corps. Il n’y apas eu de blessé. Sous couvertd’anonymat, un haut responsablepalestinien a accusé le Hamas devouloir faire de la « provocationpolitique » pour « tester l’autorité »des dirigeants palestiniens. Ces der-niers ne toléreront ni un « gouver-

    nement dans le gouvernement », ni« la pagaille dans les territoires »,a-t-il ajouté. Huit Palestiniens ontété arrêtés après ces incidents, eux-mêmes consécutifs à l’interpella-tion de militants par la policedimanche.

    M. SOLANA EN TOURNÉE« Accuser le Hamas est inaccepta-

    ble car il s’agit de manifestationsspontanées » pour protester contrela répression, a déclaré à l’AFP unresponsable de la formation isla-miste, Ismaïl Hania. Il a réaffirméla devise que son mouvement a fai-te sienne dès le début du soulève-ment : pas de luttes intestines inter-palestiniennes et unité des rangsface à Israël. Mais un responsabledes Comités de résistance populai-re a déclaré à Reuters, sous couvertd’anonymat, que les membres desComités continueraient à résister àl’Autorité palestinienne, qui a déci-

    dé, d’après lui, de les démanteler.Par ailleurs, les « Brigades des mar-tyrs d’Al-Aqsa », dépendant duFatah de M. Arafat, ont revendi-qué la responsabilité du meurtred’un jeune Israélien dont le corps aété découvert, mardi, près de laville autonome palestinienne deRamallah, en Cisjordanie et remisà l’armée israélienne. Le chef d’état-major israélien, Shaoul Mofaz, aaccusé l’Autorité palestinienned’être devenue une « autorité terro-riste ». Ces accusations sont « inap-propriées » et relèvent de « la provo-cation », a rétorqué Nabil AbouRoudeina, conseiller de M. Arafat.

    Toujours en Cisjordanie, des jetsde pierres contre des voitures ontprovoqué un accident au coursduquel une Israélienne a été tuéeet un chauffeur de taxi palestinienblessé. La police israélienne n’a pasété en mesure de dire si les lan-ceurs de pierres étaient des Palesti-

    niens ou des colons. Un enfantpalestinien de dix ans a par ailleursété blessé à Rafah, dans la bandede Gaza, lors d’un bombardementisraélien.

    Sur le plan diplomatique, le pre-mier ministre israélien, Ariel Sha-ron, a réitéré, lors d’un entretienavec Javier Solana, le haut repré-sentant de l’Union européennepour la politique étrangère et lasécurité, son exigence d’« un arrêtabsolu de la violence, du terrorismeet de l’incitation » à la violence,comme préalable à l’applicationdes recommandations de la com-mission Mitchell pour l’apaise-ment. Avant de se rendre en Israël,M. Solana avait effectué des visiteséclairs en Syrie et au Liban. Il étaitattendu mercredi à Ramallah pourun entretien avec le président Ara-fat. – (AFP, Reuters.)

    « L’Occident doitcomprendre quela perpétuation dela situation actuellerisque de nuire à sesintérêts, aux nôtres età ceux des Israéliens »

    COLOMBO. L’aéroport international de Colombo (Sri Lanka) devaitrouvrir, mercredi 25 juillet, plus de 24 heures après une sanglante atta-que des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) qui a fait20 morts – 13 guérilleros et 7 militaires – et détruit ou endommagé13 appareils, civils et militaires. Quelques heures après cette attaque,l’armée de l’air sri-lankaise a bombardé des camps du LTTE au nord-est de l’île. Selon les premières informations, l’attaque aurait été perpé-trée par un commando de 15 à 20 membres des « Tigres noirs », l’uni-té suicide d’élite du LTTE. Ceux-ci auraient pénétré sur la base de Katu-nayake, qui jouxte l’aéroport civil, portant des uniformes de l’armée.Aucun touriste étranger n’a été blessé dans l’attaque, mais quelque4 000 personnes étaient bloquées dans l’île, mardi, en raison de l’atten-tat. A Washington, le département d’Etat a conseillé aux ressortissantsaméricains de reporter les voyages non indispensables au Sri Lanka.

    Une militante de l’ETA tuée par sapropre bombe dans le sud de l’EspagneMADRID. Une militante présumée de l’organisation séparatiste bas-que ETA, Olaia Castresana, a été tuée, mardi 24 juillet, en manipulantune bombe à son domicile, à Torrevieja, station balnéaire du sud-estde l’Espagne, indique le ministère de l’intérieur. L’explosion a blessésept personnes dont quatre enfants. Un deuxième militant présumé del’ETA a pris la fuite au moment du drame. Les explosifs utilisésferaient partie d’un stock volé à Grenoble, dans le sud-est de la Fran-ce, au mois de mars 2000. A Bruxelles, d’autre part, le ministère de l’in-térieur a ouvert une enquête après les révélations du journal basqueDeia selon lesquelles les dirigeants de l’ETA se seraient réunis en Belgi-que pour discuter de la stratégie future de leur mouvement. Repre-nant les propos du ministre basque de l’intérieur, Javier Balza, le jour-nal affirmait que l’ETA, divisée, avait opté lors de cette réunion pour lapoursuite de la lutte armée. La Belgique tente pourtant de se défairede sa réputation de mansuétude à l’égard des séparatistes basques.

    DÉPÊCHESa CROATIE : le général Rahim Ademi, suspecté de crimes de guerreet réclamé par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie(TPIY), s’est rendu « volontairement » à La Haye mercredi 25 juillet.« Je me sens complètement innocent. Je n’ai ordonné aucun crime durantla guerre patriotique [contre les forces serbes, de 1991 à 1995] », a décla-ré le général, visiblement ému, à l’aéroport. Bien que l’acte d’inculpa-tion n’ait pas été rendu public, le général est soupçonné de crimes com-mis contre des civils serbes lors d’une opération pour reconquérir lapoche de Medak, près de Gospic, en septembre 1993. – (AFP.)a ÉTATS-UNIS : la Caroline du Nord devrait être le dix-huitièmeEtat à abolir la peine de mort pour les attardés mentaux. Mardi24 juillet, les deux chambres législatives de l’Etat ont en effet approuvécette mesure à une large majorité. Le projet est désormais entre lesmains du gouverneur Mike Easley, démocrate, qui peut seul le mettreen application. La Caroline du Nord viendrait s’ajouter aux dix-septEtats et au gouvernement fédéral qui bannissent déjà la peine de mortpour les attardés mentaux. – (AP.)a INDE/PAKISTAN : les très violentes pluies de mousson qui se sontabattues sur l’est de l’Inde et le nord-ouest du Pakistan ont fait près de300 morts ces derniers jours, des inondations et glissements de terrainravageant des villages entiers. En Inde, dans l’Etat d’Orissa, plus de neufmillions de personnes ont été touchées par les inondations. – (Corresp.)a INDONÉSIE : l’ex-président Abdurrahman Wahid, destitué lundi,devait quitter le palais présidentiel jeudi, selon des membres de sonentourage, et se rendre aux Etats-Unis pour des soins médicaux.M. Wahid, 60 ans, sera traité à l’hôpital John Hopkins de Baltimore. –(AFP.)a IRAN/AZERBAÏDJAN : les incidents se multiplient entre Téhéranet Bakou à propos de l’exploitation des richesses de la mer Caspienne.Mardi 24 juillet, la radio iranienne a affirmé qu’un avion de l’armée del’air avait repoussé un « navire de guerre » de la République d’Azerbaïd-jan « qui s’était approché récemment des eaux territoriales iraniennes ».La veille, Bakou avait indiqué qu’un navire de guerre iranien était entrédans les eaux territoriales de l’Azerbaïdjan pour éloigner, sous la mena-ce, un bateau effectuant des recherches pour la compagnie pétrolièreBritish Petroleum. L’Iran avait protesté, samedi, officiellement, contrede récents contrats entre l’Azerbaïdjan et des firmes principalementoccidentales pour l’exploitation pétrolière en mer Caspienne. – (AFP.)a MAROC : le roi Mohammed VI confirme, dans un entretienpublié mardi 24 juillet par le quotidien arabe Achark al-Aoussat, basé àLondres, que les élections générales se tiendront comme prévu en 2002dans le royaume chérifien. Le souverain marocain met ainsi fin auxrumeurs selon lesquelles le gouvernement Youssoufi souhaiteraitreporter le vote afin de réformer le système électoral. – (Reuters.)a TUNISIE : le militant des droits de l’homme et médecin MoncefMarzouki annonce qu’il crée un nouveau parti politique, le Congrèspour la République (CPR), dont l’objectif principal est l’instauration dela démocratie en Tunisie. Cette initiative survient alors que la base duRassemblement constitutionnel démocratique (RCD, au pouvoir)invite le président Ben Ali à briguer un quatrième mandat présidentiel,ce que lui interdit la Constitution dans ses termes actuels. Par ailleurs,le ministère tunisien de la justice a nié mardi que la journaliste SihemBensédrine soit maltraitée en détention, répondant ainsi à Reporterssans frontières (RSF) et aux avocats de la journaliste, selon lesquels elleest victime de fouilles corporelles humiliantes de la part de ses gardes.

    f www.lemonde.fr/algerie

    f www.lemonde.fr/israel-palestiniens

    Pour la première fois depuis le début de l’Intifa-da, fin septembre 2000, des échanges de tirsentre Palestiniens ont eu lieu dans la soirée du

    lundi 23 juillet, à Gaza, après l’arrestation d’unepoignée de militants. Par ailleurs, le ministreégyptien des affaires étrangères, Ahmad Maher,

    en visite à Paris, a été reçu mardi soir par leprésident Jacques Chirac avant un entretienmercredi avec Hubert Védrine.

    ALGERcorrespondance

    Trois femmes seules ont été atta-quées par un groupe d’hommes,dans la nuit du lundi 23 au mardi 24juillet à Tebessa, ville du nord-estalgérien, située à la frontière tuni-sienne. Il s’agit de la troisième expé-dition punitive menée contre desfemmes célibataires, soupçonnéespar leur voisinage de prostitution.Selon le journal El Watan, huit jeu-nes gens, chômeurs pour la plu-part, mineurs pour trois d’entreeux, ont fracturé la porte d’entréed’une maison du quartier d’Ezza-houni et mis le feu, mardi, à 1 heu-re. Les occupantes ont dû trouverrefuge au commissariat de police, à100 mètres de là. Les agresseursont été arrêtés et ont affirmé auxpoliciers qu’ils avaient agi dans unsouci « anti-débauche. »

    Il y a huit jours, une opération dumême genre s’était déjà produitedans la ville de Tebessa. Le 17juillet, les habitants du quartier deBab Zouatine avaient dévasté le

    quartier de Oued Zaarour, connupour être un lieu de prostitution.Ce jour-là, un groupe d’habitantsavait décidé d’investir le quartierde Oued Zaarour déserté par lesintéressées, sans doute prévenuesà temps de ce qui se tramait contreelles. Faute de trouver leursproies, les « justiciers » se sontrabattus sur leurs pauvres bara-ques et ont saccagé leurs maigresbiens.

    VIOLS COLLECTIFSC’est le 14 juillet, à Hassi Mes-

    saoud, la grande cité sahariennesituée à 1000 kilomètres au sudd’Alger, que les raids punitifs con-tre les femmes seules ont commen-cé dans le pays. L’eldorado quereprésente cette localité pétrolières’est transformé en cauchemarpour une vingtaine de femmesvenues de l’ouest de l’Algériegagner durement leur vie. Une nuitde frayeur, de violences et de violscollectifs dans le quartier d’El-Haï-cha qui, dorénavant, porte bien son

    nom : « la Bête » et, accessoire-ment, la brute…

    Trois cents hommes de quinze àtrente ans sont montés ce soir-là àl’assaut de garages et de baraqueschèrement loués par ces femmesseules et « sans hommes », le plussouvent employées comme fem-mes de ménage. Certaines des victi-mes ont reconnu, parmi leursassaillants, qui ont fait preuved’une brutalité extrême, les logeursà qui elles versent chaque moisquelque 8000 dinars (près de750 francs) pour un cabanon. Ellesont raconté plus tard qu’en menantleur raid, les assaillants hurlaientdes « Allah Akbar ! » (« Dieu estgrand ! ») ponctués de slogans telsque : « Sortez de notre pays ! HassiMessaoud est à nous ! Nos enfantschôment alors que vous travaillez ! »

    Dix-sept de ces femmes ont étérouées de coups, portés à l’aide degourdins, avant d’être jetées nues àla rue. L’une a même failli êtreenterrée vive dans un cimetière etn’a eu la vie sauve que grâce à l’in-

    tervention de policiers qui pas-saient par là. Mais le pire a été réser-vé à trois jeunes filles, originairesde Tiaret, qui ont été victimes d’unviol collectif. Les témoignagesrecueillis sont éloquents : « On m’atraînée sur une terrasse et là, soixan-te personnes m’ont violée », relatel’une d’elles. « Celui qui m’a violéeest un homme de l’âge de mon père.Quand j’ai voulu résister, les autresm’ont rouée de coups », racontel’autre.

    GENS « ORDINAIRES »Au lendemain du drame, toutes

    ces femmes ont été évacuées et ins-tallées dans une maison de jeunesdu centre d’Hassi Messaoud, soushaute surveillance, par « souci deprotection » disent les autorités.D’autres femmes esseulées les yont rejointes. Elles sont à présentquatre-vingts, accompagnées devingt-cinq enfants, à attendre dansce lieu, surnommé par la pressealgérienne « camp de la honte » etque visitent, jour après jour, journa-

    listes et organisations non-gouver-nementales (ONG).

    Profondément choquées, sou-vent prostrées, ces femmes s’indi-gnent qu’on les qualifie de prosti-tuées et le disent à chaque person-ne rencontrée. Trente-neuf hom-mes ont été arrêtés et placés sousmandat de dépôt. Selon un commu-niqué du parquet général d’Ouar-gla (Est), ils sont poursuivis pour« vol qualifié, viol, coups et blessuresvolontaires avec arme blanche,attroupement non armé troublantl’ordre public, violation de domicile,attentat à la pudeur avec violence etdestruction des biens d’autrui ». Plu-sieurs sont en fuite. Quant aux fem-mes, trois d’entre elles sont encorehospitalisées.

    Ces affaires provoquent un chocen Algérie, secouée ces derniersjours par une nouvelle vague demassacres attribués aux islamistesarmés. Ces derniers sont-ils à l’origi-ne des raids punitifs contre les fem-mes d’Hassi Messaoud et de Tebes-sa ? Certains journaux francopho-

    nes algériens ont laissé entendreque oui, et donné pour preuve lefait que, dans ses prêches, un imamd’Hassi Messaoud a récemmmentstigmatisé la dissolution desmœurs de la société algérienne. Ilsera cependant difficile aux autori-tés judiciaires d’établir une relationde cause à effet. Parce que la prosti-tution ne cesse de croître en Algé-rie, en parallèle à la misère, ce phé-nomène est souvent évoqué dansles prêches des mosquées. Person-ne n’y voit cependant une incita-tion au lynchage.

    Le problème de la violence con-tre les femmes est en tout cas trèssérieux en Algérie et tristementbanal. Selon plusieurs témoigna-ges, les auteurs des deux raids puni-tifs étaient des gens « ordinaires »,souvent même les voisins des victi-mes. Sur ces femmes seules, ils ontpu exercer à leur tour la « hogra »(l’injustice) dont ils sont eux aussiles victimes.

    Des incidents armés ont opposé la policepalestinienne à des militants radicaux à Gaza

    Les échanges de tirs n’ont pas fait de blessé. Ils ont été suivis de plusieurs arrestations

    Ahmad Maher, ministre égyptien des affaires étrangères

    « La patience des Etats-Unis à l’égard de M. Sharon semble toucher à sa fin »

    AHMAD MAHER

    Sri Lanka : l’aéroport de Colombodevait rouvrir mercredi

    I N T E R N A T I O N A L

  • LA FRANCE sera-t-elle bientôtmise devant le fait accompli sur lesorganismes génétiquement modi-fiés (OGM) ? Pendant que les spé-cialistes chicanent sur leurs avanta-ges et leurs inconvénients, la lentedissémination des semences sepoursuit dans les campagnes.L’Agence française de sécurité sani-taire des aliments (Afssa) a rendu,lundi 23 juillet, un avis qui vientconfirmer une lente propagation,malgré l’instauration d’un moratoi-re en 1997. « La présence d’OGM àl’état de trace dans des semences oudes récoltes conventionnelles paraîtêtre actuellement une réalité », affir-ment les experts. Ce constat« enchantera » les associationsenvironnementalistes, commeGreenpeace, qui le crie depuis desannées.

    Interrogée sur les conséquencessanitaires liées à la présence fortui-te de semences OGM en faible pro-portion dans des semences conven-tionnelles, l’agence s’est montréerassurante sur ce point. « La proba-bilité d’effet toxique ou allergéniqueapparaît comme extrêmement fai-ble », estime l’expertise. « A ce sta-de, aucun élément porté à notre con-naissance ne suggère de risque pourla santé publique, notamment comp-te tenu des faibles teneurs observéesdans les lots concernés », conclut-elle.

    Mais la conquête transgéniqueest évidente. Dix-neuf des cent

    douze échantillons de semences decolza, de soja et de maïs, officielle-ment conventionnels, qui ont étésoumis à l’Afssa par la Directiongénérale de la concurrence, de laconsommation et de la répressiondes fraudes (DGCCRF) compor-taient un signal, le « promo-teur 35S », caractérisant la présen-ce d’OGM, parfois dans des valeursn’excédant pas 0,1 %. Pour le maïs,41 % des prélèvements étaient

    « pollués ». Des résidus de sojaOGM ont même été identifiés danscertaines semences de maïs con-ventionnelles, indice d’un éton-nant brassage. La justice, indiquemercredi 25 juillet un communiquédu gouvernement, a d’ailleurs étésaisie sur un certain nombre de cescas de présence fortuite, afin d’endéterminer l’origine.

    Prudemment, l’agence met sastatistique en regard d’une autre,

    établie par la chambre syndicaledes entreprises semencières, qui, àl’issue d’autocontrôles menés lorsde la campagne 2000-2001, situe à7 % la proportion de lots de maïsconventionnels où se trouvent destraces d’OGM. La différence estnotable. « Il peut, en conséquence,être estimé que la fréquence actuellede présence fortuite d’OGM dansdes semences conventionnelles demaïs se situe entre ces deux valeurs :41 % et 7 % », résume diplomati-quement l’avis.

    Appliqués aux trois millionsd’hectares actuellement emblavésen maïs sur le territoire national,ces deux pourcentages pourraientcependant laisser suggérer que descentaines de milliers d’hectares deculture nationale comportentaujourd’hui des fragments transgé-niques. L’agence se refuse à cetteextrapolation. Mais plusieurs affai-res récentes corroborent l’idée quel’extension transgénique n’est plusmaîtrisée. Durant l’année 2000, leministère de l’agriculture a ainsi dûordonner l’arrachage de culturesde soja, de colza et de maïs coloni-sés par les OGM à l’insu des agricul-teurs et, affirme-t-il, des multina-tionales qui fournissaient lessemences.

    Pour expliquer cette présencefortuite mais insistante, l’agenceévoque comme une des pistes l’im-portation de semences impures.Aux Etats-Unis, les cultures trans-

    géniques couvrent 68 % des surfa-ces cultivées et la traçabilité estdevenue pratiquement impossible,même pour les produits destinés àl’exportation. Mais l’Europe n’estpas épargnée par cette confusion.Plusieurs variétés de maïs transgé-nique sont autorisées à la commer-cialisation dans l’Union. Leurculture ne couvre, pour l’heure,

    que 34 hectares en France, les agri-culteurs se montrant réticents àleur usage. Mais elle est plus déve-loppée dans d’autres Etats mem-bres, et le commerce intraeuro-péen a pu hâter la propagation.

    L’avis évoque également l’hypo-thèse d’expérimentations sur le solfrançais qui auraient contaminéleur environnement. « Les disposi-tifs d’encadrement des essais (distan-ce d’isolement, barrières végétalespour piéger le pollen) ne sont pasconçus comme des isolements repro-ductifs stricts ; les OGM disséminésdans ces essais peuvent donc condui-re à des fécondations de parcellesvoisines de l’ordre de 0,1 % », expli-que l’avis, endossant les récentesconclusions de la Commission dugénie biomoléculaire.

    Les opposants craignent que lescultures OGM, aujourd’hui dissémi-nées dans la nature, ne gagnentpeu à peu du terrain au contact desplants conventionnels, par sélec-tion naturelle. Les plus virulentsprônent l’éradication : en juillet,après que le ministère de l’agricul-ture a rendu publique la localisa-tion des cultures transgéniques surle territoire, un groupe a saccagédes lieux d’expérimentation OGM,à Beaumont-sur-Lèze (Haute-Garonne) et à Guyancourt (Yveli-nes), cette dernière action ayant

    été revendiquée par un groupe sebaptisant Les Ravageurs. Desinformations judiciaires sontactuellement ouvertes.

    Dénonçant ces destructions, lessemenciers retiennent néanmoinsla pollinisation comme principaleresponsable de la dissémination.« Le problème de la présence fortui-te est inhérent au fait qu’il y a des

    cultures OGM aujourd’hui un peupartout dans le monde, estime Phi-lippe Gracien, directeur général duGroupement national interprofes-sionnel des semences. Les réalitésde la biologie font qu’on ne peut pasgarantir le niveau zéro. La profes-sion réclame depuis trois ans qu’unseuil réaliste de présence fortuite soitprécisé. »

    Le 3 juillet, la Commission dugénie biomoléculaire avait renduun avis concluant également que« la présence d’OGM dans dessemences ou récoltes conventionnel-les est une réalité techniquementincontournable », estimant cepen-dant que cette présence ne consti-tuait pas un danger sanitaire ouenvironnemental.

    L’Afssa, elle, appelle de ses vœux« une analyse à grande échelle, avecun échantillonnage rigoureux, pourdéterminer le degré de généralité duphénomène » de présence fortuite.Et de conclure : « S’il se confirmaitque des OGM étaient présents àl’état de trace dans une proportionimportante des semences, des étudesdevraient être entreprises pour enpréciser les origines, évaluer les ris-ques possibles et prendre en comptecette donnée pour définir des seuilsdans ce nouveau contexte. »

    Benoît Hopquin

    ORLÉANSde notre correspondant régional

    C’est une révolte inattendue des maires quise produit depuis plusieurs semaines dans ledépartement de la Sarthe. Vingt-trois commu-nes ont soit émis des délibérations, soit pris desarrêtés municipaux pour interdire les essais decultures transgéniques ou la consommationd’aliments contenant des OGM dans les canti-nes scolaires. Spay, dans l’agglomération man-celle, compte 2 300 habitants et une petite dizai-ne d’agriculteurs. Annie Quinot, adjointe à l’en-vironnement, qui est aussi militante de Terredes hommes, est formelle : « Les OGM n’appor-tent rien, sinon des risques. » La fronde a gagnéles élus de tous bords. « Les cultures OGM, jen’en veux pas. Dans quelques années, on nousdira que c’est dangereux ! », affirme PatrickReboussin, maire DL d’Arçonnais.

    C’est un collectif local, Stop-OGM, fort de sei-ze associations, syndicats et partis politiques,où l’on retrouve Les Verts, le Mouvement écolo-giste indépendant (MEI) d’Antoine Waechter,

    France Nature Environnement (FNE) et la Con-fédération paysanne, qui est à l’origine de cemouvement d’humeur. « Du point de vue sani-taire, on ne sait pas trop s’il y a danger ou pas.Les études sont insuffisantes. C’est du bricolagebiologique qui est fait. 80 % à 90 % des gênes del’ADN sont appelés “gênes poubelles” : c’est lenom que leur donnent les scientifiques ; ils nesavent pas encore quelle est leur raison d’être »,estime Thierry Pradier, des Verts, membre ducollectif. Stop-OGM a écrit aux maires dudépartement, en leur soumettant un modèle dedélibération et d’arrêté. L’objectif était de pro-voquer le débat. Le collectif a largement réussi.

    DÉSACCORD PRÉFECTORALOfficiellement, dans la Sarthe, il n’y a plus

    d’essais expérimentaux depuis deux ans.« C’est donc un arrêté de prévention que nousavons pris. Nous avons voulu marquer le coup »,déclare Annie Quinot. « Dans les communes oùles arrêtés ont été pris, il est évident que les agro-chimistes n’iront plus démarcher les agricul-

    teurs », ajoute Thierry Pradier. L’agriculturelocale essaie de développer des produits locauxde qualité, comme le « poulet de Loué » ou le« porc sarthois ». « Un grand nombre d’agricul-teurs ont intérêt à ce qu’il n’y ait pas d’OGM,compte tenu de ces labels. Notre action est bienperçue par le monde agricole, même chez cer-tains à la FDSEA », précise encore Thierry Pra-dier.

    La réaction n’a pas tardé à la préfecture, quia avisé le président de l’association des mairesdu département du « caractère illégal » de cet-te avalanche d’arrêtés. C’est le ministère del’agriculture qui délivre les autorisations de cul-tures d’OGM. « Un maire ne peut pas prendreun arrêté de portée générale et absolue », a affir-mé Gérard Clerissi, directeur du cabinet du pré-fet. Un maire ne peut intervenir que par sespouvoirs de police, « si la sécurité ou la salubritépubliques sont menacées », rappelle-t-on à lapréfecture.

    Régis Guyotat

    La croisade de vingt-trois communes de la Sarthe

    Les pouvoirs publics constatent la colonisation des cultures par les OGMUn avis de l’Agence française de la sécurité sanitaire des aliments révèle la présence croissante d’organismes génétiquement modifiés

    dans les semences traditionnelles, notamment de maïs. Le gouvernement souhaite ouvrir largement le débat avec les experts et les consommateurs

    Bruxelles veut reprendre la commercialisation en protégeant les consommateurs

    Selon l’entourage de François Patriat, secrétaire d’Etat aux PME, aucommerce, à l’artisanat et à la consommation (qui est chargé de laquestion des OGM au sein du gouvernement), les contrôles des pou-voirs publics de la campagne 2000-2001 font apparaître « des améliora-tions » du processus d’autocontrôle des producteurs d’OGM. Ces auto-contrôles devront assurer que les produits interdits en France ne semêlent ni aux OGM autorisés ni aux cultures conventionnelles. Onajoute que « les contrôles administratifs vont se renforcer ».

    Le gouvernement va, en outre, demander aux semenciers de com-muniquer aux services administratifs et aux laboratoires agréés leursoutils d’analyse. Selon un communiqué du gouvernement, mercredi25 juillet, un groupe de travail composé d’experts, de représentantsdes administrations et d’associations de consommateurs va travaillerà l’élaboration d’une charte « de la transparence des essais d’OGM ».Un forum sera ouvert sur internet (www.agriculture.gouv.fr).

    Aventis est condamnée à indemniserles victimes du maïs Starlink

    Le gouvernement veut une charte de transparence

    BRUXELLESde notre bureau européen

    Dans le débat hautement sensi-ble sur les organismes génétique-ment modifiés (OGM), la Commis-sion européenne a repris l’initiati-ve, mercredi 25 juillet. Elle a adoptéune proposition de directive desti-née à la fois à réglementer la misesur le marché de produits alimen-taires et d’engrais provenantd’OGM, et à établir un système fia-ble pour identifier et étiqueter cesproduits.

    Il s’agit, pour la Commission, desortir de l’incertitude qui prévautdepuis trois ans. En effet,entre 1991 et 1998, 18 OGM ont étéautorisés en Europe à la suite d’unedécision communautaire, et 14demandes sont en cours d’examen.En octobre 1998, les Quinze avaientappliqué un moratoire de fait auxautorisations de licence pour desproduits à OGM, dans l’attente dela révision de la directive commu-nautaire de 1990 régissant les plan-tes génétiquement modifiées. Et le15 juillet 2000, ils avaient prolongéce moratoire, tenant compte dumalaise croissant des opinionspubliques lié au phénomène de la« malbouffe » et aux crises de lavache folle et de la fièvre aphteuse.

    Mais la Commission de Bruxellesn’a jamais cessé de considérer qu’ilest souhaitable de reprendre lesautorisations de licence pour desproduits OGM, estimant qu’il s’agit

    d’un secte