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e aux t C Aïe ! Ça fait mal

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Cela fait quelques temps que vous bouillonnez, convain-cuE de l’injustice du système dette et de l’impérative né-

cessité de s’en débarrasser ! Mais voi-là... vous aimeriez bien transmettre aux autres cette conviction que le monde ne tourne pas rond et que ce n’est pas une fatalité. C’est décidé  : vous évoquerez dimanche prochain la question de la dette grecque lors du traditionnel repas familial (vous attaquez fort…).

Le jour J arrive, vous êtes remontéE à bloc ! D’un verbe indigné vous pro-posez à l’auditoire une toute autre analyse de la situation grecque et affirmez avec conviction l’illégitimité des prêts accordés par les Institu-tions européennes. Mais c’était sans compter l’oncle Lulu... qui vous ré-torque : « Oui, mais effacer la dette grecque, c’est faire payer le contri-buable belge ! ».

Aïe ! Ça fait mal... Toujours persuadéE que tout cela est dégueulasse, vous ne vous découra-gez pas et remettez le couvert dès le lendemain matin, au travail, lors de la pause-café. Vous expliquez l’aber-ration que représente le système de financement des États européens, l’endettement qu’il provoque et qui est répercuté sur les plus modestes. Vos collègues semblent intéresséEs, mais certainEs demeurent dubita-ti-f-VE-s et vous répondent  qu’elles et ils ne comprennent pas vraiment… « Pourquoi les gouvernements pren-draient des décisions qui vont contre leurs intérêts ? ».

Ouille, moment de solitude...

Au CADTM, on sait trop bien ce que c’est d’être flippéE, voire découra-géE, par toutes ces questions sur les-quelles on sèche. Du coup, inspiréEs par nos meilleurEs piqueurs et pi-

S’armer face auxquestions qui piquent

Avec le soutien de

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queuses (notre famille, nos potes, le pizzaiolo d’en face, les gens que l’on rencontre en animation), nous avons organisé plusieurs sessions d’élabo-rations collectives d’éléments de ré-ponse à ces piques (qu’elles soient d’ordre technique ou plus «  poli-tique »). La dernière de ces sessions, qui a eu lieu les 11 et 12 avril 2015, a engendré la brochure que vous te-nez entre les mains. Il a bien sûr fallu faire des choix, et nous avons retenu 12 questions pour les traiter correc-tement en un week-end.

D’autres sont encore sur le grill...

Préalablement préparée par unE participantE, chaque question a pu être « traitée » lors de différents ate-liers collectifs tout au long du week-end. Leur contenu ne reflète donc pas nécessairement la position du CADTM mais bien les échanges et ré-sultats collectifs de ce week-end.

Notons que ce petit livret a été pensé comme une boîte à outils et non comme un argumentaire clé en mains  ! Libre à vous d’y piocher, retravailler, réadapter certains élé-ments pour affûter vos démonstra-tions.

En espérant qu’à la prochaine ques-tion sur laquelle on vous pique-ra, vous pourrez dire «  même pas mal ! ».

Un gros big up à toutes celles et tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ce petit livret épineux ! Avec un re-merciement tout particulier à  : Alice, Aline, Anouk, Benoît, Cécile, Christine, Emilie, Gilles, Jérémie, Layla, Mahité, Manon, Mariella, Maud, Najla, Noé-mie, Oualid, Pierre et Renaud.

Les militantEs du CADTM Liège.

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Préface ... p. 2

1. Qui décide au FMI, à la Banque mondiale et à la BCE ? ... p. 6

2. Que fait le FMI de l’argent des intérêts qu’il perçoit ? ... p. 10

3. Quelles différences il y a-t-il entre une dette odieuse, insoutenable, illégale, illégitime ? ... p. 12

4. Ce sont des gouvernements élus démocra-tiquement qui se sont endettés en notre nom. Comment remettre leurs engage-ments en cause ? ... p. 14

5. L’Islande a refusé de payer pour les dettes de la banque privée Icesave et a poursuivi en justice des responsables de la débâcle financière. Est-ce un exemple d’alternative ? ... p. 16

6. À Chypre on a instauré un contrôle des mouvements de capitaux et fait payer les déposantEs pour assumer les dettes de plusieurs banques. Est-ce un exemple d’alternative ? ... p. 18

Tables desmatières

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7. Quelles sont les options pour assumer les pertes d’une banque ? ... p. 20

8. Comment éviter de se ré-endetter après une annulation ? ... p. 22

9. « La crise, c’est bon pour la planète ! » ... p. 24

10. « Annuler la dette de la Grèce coûtera 1.000 euros à chaque contribuable belge qui a payé pour sauver les GrecQUEs » ... p. 26

11. Sortir ou pas de l’euro ? Telle est la question ... p. 28

12. Les agences de notation, késako ? Sont-elles fiables et légitimes pour évaluer les entités publiques (ou privées) ? ... p. 30

13. Comment est-ce possible que les diri-geantEs prennent de telles décisions ? ... p. 32

Bonus : Dette au Sud ... p. 34 Dette de la Belgique ... p. 38 Dette de la Grèce ... p. 42

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Qui décide au FMI,

à la Banque mondiale

et à la BCE ?

Le FMI compte deux organes décisionnels,

le Conseil des gouverneurs et le Conseil d’administration dirigé par un directeur ou une directrice géné-ralE.

Il dispose aussi de deux organes consultatifs  : le Comité monétaire et financier international (CMFI) et le Comité du développement. Le Conseil des gouverneurs

C’est l’assemblée générale, l’  «  or-gane suprême ». Il est composé d’un gouverneur et d’un gouverneur sup-pléant par État membre.

Il se réunit une fois par an, à l’occasion de l’assemblée annuelle commune du FMI et de la Banque mondiale.

Les voix sont réparties en fonction des quotes-parts des membres. Au-trement dit, plus les États versent de l’argent, plus ils ont de droits de vote ! MAIS ces quotes-parts sont dé-cidées par les statuts du FMI. Un État (la Chine, par exemple) ne peut pas décider d’augmenter sa contribution au FMI pour augmenter ses droits de vote. Les décisions les plus impor-tantes (prêts, budget, changements de la charte, répartition des droits de vote, etc.) nécessitent de réunir 85% des voix. Les États-Unis disposant de 16,73 % des votes1, ils jouissent dès lors d’un droit de veto de fait. De plus, un vote de consensus des 10 pays les plus riches suffit à atteindre une majorité absolue (57,99 %). À l’in-verse, une union de TOUS les pays dits « en développement » ne suffit pas.

1 Avril 2016

droit de vote effectif poids de la population du pays rapporté à la population mondiale

Chine Inde Etats-Unis

Russie Japon FranceArabie

Saoudite

Belgique

Suisse

Luxembourg

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Le Conseil d’administration (CA)

Il s’occupe de la gestion quotidienne de l’Institution. Il est composé de 24 administrateurs et administratrices censéEs repré-senter la totalité des pays membres. Dans les faits, les 8 pays ayant les plus grandes quotes-parts ont droit à leur propre administrateur tandis que tous les autres pays sont repré-sentés en groupes par une seule per-sonne. Cette personne est presque toujours issue du pays le plus riche du groupe. Par exemple, si l’Alle-magne, la France ou le Royaume-Uni ont chacun leur propre représen-tantE, l’administrateur ou l’admi-nistratrice espagnolE représente à la fois l’Espagne et les pays d’Amé-rique centrale... Le CA adopte normalement ses déci-sions au consensus mais il arrive qu’il procède à des votes. Dans ce cas, les États-Unis sont de nouveau les seuls à disposer d’un droit de veto.

Le directeur ou la directrice généralE

Actuellement, la directrice générale, Christine Lagarde, est assistée de 4 directeurs généraux adjoints (en 2014, ils étaient états-unien, chinois, japonais et anglais). Depuis la créa-tion du FMI et de la Banque mon-diale, le premier a toujours été dirigé par unE EuropéenNE et le second par unE États-unienNE. Cette personne dirige les services du FMI et préside le Conseil d’adminis-tration. Elle est également nommée et révocable par celui-ci.

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Si le FMI et la Banque mondiale sont des organisations sœurs, elles dif-fèrent néanmoins par leur compo-sition  : le FMI est une organisation intergouvernementale alors que la BM est un regroupement de 5 orga-nisations intergouvernementales dont la plus importante est la BIRD (Banque internationale pour la re-construction et le développement). Les autres organisations sont l’AID (Association internationale de déve-loppement), la SFI (Société financière internationale), l’AMGI (Agence mul-tilatérale de garantie des investis-sements) et le fameux tribunal arbi-traire du CIRDI (Centre international pour le règlement des différends re-latifs aux investissements). Le Groupe de la BM est organisé exactement de la même manière et selon la même logique que le FMI  : avec un Conseil des gouverneurs (identique à celui du FMI), unE pré-sidentE États-unienNE (Jim Yong Kim actuellement) et un CA dont les ad-ministrateurs et administratrices re-présentent des groupes, sauf pour

les 8 pays les plus riches qui ont leur propre représentantE (États-Unis, Japon, Chine, Allemagne, Royaume-Uni, France, Arabie Saoudite et Rus-sie). Les États-Unis y ont également un droit de veto tacite avec 16,66 % des voix1. Notons toutefois que la composition de ces groupes dif-fère quelque peu de celle du FMI. Rq  : La Banque mondiale est égale-ment conseillée par le FMI. Toutes deux ont été créées en 1944 et ont leur siège à Washington (la légende veut qu’un tunnel ait été creusé pour connecter les deux bâtiments). La première est censée favoriser le « développement et la lutte contre la pauvreté », tandis que le second est censé favoriser «  la stabilité finan-cière et aider les pays en difficulté ».

La BCE (Banque Centrale Euro-péenne, créée en 1998 et basée à Francfort) œuvre activement dans l’intérêt des plus grandes banques privées, et en faveur de l’austérité pour le reste de la population depuis le début de la crise en Europe. Son

1 Mars 2016

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rôle est censé être celui de « mainte-nir la stabilité des prix » (combattre l’inflation).

Les décisions prises en son sein le sont de manière totalement opaque. Ces critiques sont valables pour le FMI et la BM (qui décide réellement et dans l’intérêt de qui ?)2.

La BCE est composée de 3 instances : Le Directoire Il s’occupe de la gestion quotidienne de l’Institution.Il est composé de 6 membres (le président de la BCE, le vice-président et 4 autres «  spécia-listes reconnuEs ») qui sont désignéEs par les chefs d’État ou de gouverne-ment des pays de la zone euro pour un mandat de 8 ans. Ils et elles sont censéEs représenter les intérêts de l’ensemble des pays de la zone euro. Le Conseil des gouverneurs Il définit la politique monétaire de la zone euro et fixe les taux d’intérêt auxquels les banques commerciales vont pouvoir emprunter à la BCE.

Il comprend les 6 membres du Di-rectoire et les gouverneurs des 19

2 La décision, controversée en son sein même, du FMI de reporter la restructuration de la dette grecque de 2010 à 2012 - afin de ne pas mettre en difficulté les propriétaires des plus grandes banques européennes - en est un des plus récents exemples.

banques centrales de la zone euro. Celles-ci sont les actionnaires de la BCE. Le Conseil général Il contribue aux travaux de consul-tation et de coordination de la BCE et assiste les nouveaux pays qui sou-haitent adopter l’euro.

Il est composé du président et du vice-président de la BCE, ainsi que des gouverneurs des banques centrales nationales des 28  États membres de l’Union européenne.

L’exemple du rôle ambigu de Mario Draghi

Mario Draghi est président de la BCE depuis 2011. Auparavant, il a exercé diverses fonctions au sein de la BM et de la Banque centrale d’Italie. Il était vice-président de la branche européenne de Goldman Sachs et s’y occupait de la gestion des dettes souveraines lorsque la banque participa aux manipulations des comptes publics de la Grèce. Son siège au « groupe des 30 », un lobby de grandes banques internationales privées (telle que JPMorgan Chase, UBS, Banco Santander et... Goldman Sachs) pose également un sérieux problème en termes de conflits d’in-térêts...

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Que fait le FMI de l’argent des intérêts

qu’il perçoit ?

De son système de quote-part, où chaque État (le FMI compte 187 États membres) contribue au fonds finan-cier du FMI, ce qui constitue une manne très importante (300 mil-liards $). Du recours à des emprunts sup-plémentaires envers les grandes puissances économiques (+/- 50 mil-liards $). Des intérêts dont on parle ici (à tra-vers des prêts ou des produits finan-ciers complexes), souvent usuraires pour des pays en crise1. Par ailleurs, le FMI est le 3ème plus grand détenteur d’or au monde puisque des pays ont payé leur coti-sation via ce métal précieux. Ces ré-

1 Le FMI applique un taux d’in-térêt effectif de 3,6 % sur ses prêts à la Grèce. Ceci est beaucoup plus que le taux de 0,9 % dont l’institution a actuel-lement besoin pour couvrir ses frais.

serves n’interviennent pas dans les prêts du FMI mais elles lui confèrent une stabilité et stature essentielles sur la scène internationale.

Sur l’ensemble des prêts qu’il a oc-troyés à des pays en «  crise de la dette » entre 2010 et 2014, le FMI a réalisé un bénéfice total de 8,4 mil-liards €. Plus d’un quart vient de la Grèce (2,5 milliards €).

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1) Accroître sa capacité de créditPour prêter encore plus et, ainsi, étendre encore davantage son acti-vité néfaste.

2) Couvrir ses fraisOu assurer le fonctionnement oné-reux de son organisation. Il s’agit no-tamment de couvrir les frais :

• de ses 2  700 hauts fonction-naires ;

• des cadres dirigeantEs (salaires, avantages et prises en charge), parmi lesquels la directrice Christine Lagarde, dont le salaire en 2012 s’élevait à 381 000 € sur l’année (net d’impôt !).

3) Spéculer et investir dans des pro-duits dérivés... bien que ces pratiques aient été une des causes majeures de la crise financière de 2008.

4) Couvrir les pertes dues aux allè-gements de dette (initiatives PPTE, IADM, etc.) et aux défauts de paie-mentEn 2014, le fonds destiné à couvrir ces « pertes » totalisait 19 milliards €.

En somme…

Le FMI utilise les recettes tirées des intérêts que paient des pays en crise pour renforcer sa propre action et le système au service duquel il tra-vaille… qui sont à la source des crises qui frappent les pays !

Le plus vicieux avec les prêts du FMI ce ne sont pas tant les taux d’inté-rêts, mais bien les conditionnalités qui y sont systématiquement as-sociées. Il s’agit des plans d’ajuste-ment structurel (au Sud) et des plans d’austérité (au Nord). Conditionna-lités qui, à leur tour, ont pour effet d’augmenter l’endettement des pays sous son joug.

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Quelles différences y a-t-il entre

une dette odieuse, insoutenable,

illégale, illégitime ?

Une dette illé-gale est une dette contractée en vio-lation des procé-dures légales en vigueur (comme le contournement

des parlements)  ; une dette mar-quée par une faute grave du créan-cier (comme le recours à la corrup-tion) ou encore une dette assortie de conditions violant le droit natio-nal (du pays débiteur ou créancier) et/ou international.

Le concept de dette odieuse renvoie à la doc-trine du même nom formulée par Alexander Sack en 1927. Selon cette doctrine de droit international, «  Si un pouvoir des-potique contracte une dette pour fortifier son régime et réprimer sa population […], il s’agit d’une dette odieuse attribuée au pouvoir qui l’a contractée. Elle tombe par consé-quent avec la chute de ce régime. ». Nombreuses sont les dettes contrac-tées par des régimes reconnus

Toutes les dettes publiques ne se valent pas. Faisons le point sur 5 catégories de dettes : illégale, odieuse, illégitime, insoutenable et légitime.

comme non démocratiques (la Tuni-sie de Ben Ali et l’Égypte de Mouba-rak, pour ne citer que des exemples récents) qui devraient donc être an-nulées. La notion de dette odieuse a depuis été élargie pour inclure prêt accompagné de conditions qui violent les droits sociaux, écono-miques, culturels, civils ou politiques des populations (comme c’est le cas des prêts effectués par la Troïka à la Grèce).

Ces notions de dette illégales et odieuses, même si elles permettent déjà de remettre en cause de nom-breuses dettes au Sud comme au Nord, sont moins larges que le concept de dette illégitime qui concerne toute dette contractée au préjudice de l’intérêt général mais dans l’intérêt d’une minorité déjà pri-vilégiée (le « 1% » de la population). Soulignons que cette notion est uti-lisée dans des documents de l’ONU, des résolutions parlementaires et des autorités publiques (gouverne-ments et municipalités). La défini-

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tion de ce qui est, ou non, légitime est bien sûr le fruit de rapports de force. Citons, parmi de très nom-breux exemples possibles, les taux d’intérêts usuriers (mais légaux) que la Belgique a payés aux créanciers durant les années 1990. À qui cela profite-t-il, si ce n’est à ces derniers ? De très nombreux «  grands projets inutiles et imposés », le plus souvent néfastes à l’environnement et aux populations locales, sont également à ranger dans cette catégorie, tout comme les nouvelles dettes contrac-tées pour sauver les banques sans qu’aucune condition sérieuse n’ait été posée.

Une dette insoute-nable est, selon la vision limitée du FMI, une dette trop élevée que pour être correc-tement remboursée

par l’endetté. Nous retiendrons la définition élargie, et plus politique, d’une dette dont le paiement est incompatible avec le respect des droits fondamentaux de la popula-tion. Son paiement devra être sus-pendu pour permettre à l’État d’as-sumer ses obligations en matière de droits humains. Rappelons qu’il existe en droit international une pri-mauté des droits humains sur les droits des créanciers, qui est notam-ment consacrée par l’article 103 de la Charte des Nations-unies1.1 « En cas de conflit entre les

Enfin, une dette légi-time serait une dette contractée dans l’in-térêt général et repo-sant sur le principe d’égalité entre débi-teur et créancier.

Ces catégories ne s’excluent pas les unes les autres. La majorité de la dette grecque, cas emblématique, est illégale, insoutenable, odieuse et illégitime.

Une dette légale peut bien sûr être illégitime (ex  : les prêts de la Nor-vège à 5 pays du Sud, conditionnés à l’achat de bateaux norvégiens qui ne correspondaient pas à l’intérêt des populations des États débiteurs et répudiés en 2005). Une dette illé-gale peut être légitime (ex : le budget voté en négatif à Liverpool, dans l’in-térêt de la population, en 1984), tout comme une dette insoutenable peut être légale (ex  : les garanties d’État sur les dettes de la banque Dexia, qui représentent 10 % du PIB), etc.

obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières pré-vaudront ».

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Ce sont des gouvernements élus

démocratiquement qui se sont

endettés en notre nom.

Comment remettre leurs engagements en cause ?

Il nous suffirait d’abord de prendre exemple sur nos gouvernements. Eux-mêmes remettent régulière-ment en cause des engagements pris par des gouvernements antérieurs, voire leurs propres engagements

(ex: la sortie du nucléaire, les primes sur le photovoltaïque, etc.).

Ensuite, c’est un signe de bonne santé démo-cratique que

d’avoir une population qui ques-tionne les politiques menées par les autorités. Comment ne pas contes-ter des décisions gouvernementales qui enfreignent clairement des prin-cipes fondamentaux de la Constitu-tion, du droit national, des droits de l’Homme, du droit européen et du droit international en général ?

Et au-delà de la loi, il est également de notre devoir de contester des décisions gouvernementales, certes légales, mais que nous identifions

comme illégitimes. Par exemple, si les suffragettes s’étaient limitées à la loi, elles n’auraient jamais obtenu le droit de vote pour les femmes.

Il en va de même pour la dette pu-blique. Ce n’est pas parce qu’elle est légale que nous devons admettre qu’elle est légitime. Didier Reynders estimera certainement que les sau-vetages bancaires inconditionnels de 2008 sont légitimes, ce n’est pas notre cas et nous devons forcer le débat.

Une idée pourrait être de se rassem-bler en un lobby citoyen qui aurait la tâche de « vérifier » la légitimité démocratique des décisions prises par le gouvernement en place par rapport à ses engagements ET au respect des droits fondamentaux ET à l’intérêt général.

On peut bien sûr aller plus loin et se demander si un gouvernement qui ne « représente » qu’une partie mino-ritaire de la population (si on prend en compte la population qui n’a pas le droit de vote + l’abstention + tous

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les votes nuls ou blancs) est bien lé-gitime. En tout cas, on doit se poser la question du contrôle du pouvoir. Il faut aller contre cette idée commu-nément admise, selon laquelle, une fois le gouvernement élu, c’est « tant pis... Il faudra faire avec pendant 4 ans ». On sait que ce sont les mouve-ments sociaux qui font l’histoire, et non les élections. Pour casser le mo-nopole médiatique, qui impose l’idée selon laquelle nous n’avons aucun pouvoir, il est également nécessaire d’envisager l’élaboration d’un espace médiatique d’éducation populaire.

Car on ne peut nier que les soulè-vements populaires sont possibles (Révoltes arabes, Bosnie-Herzégo-vine, Rojava, Burkina Faso, etc.). Il nous paraît, dès lors, important d’uti-liser sans relâche les moyens à notre disposition, de la pétition à la grève (la vraie), en passant par les manifes-tations ou les recours en justice. Ci-tons également comme exemples :

• L’adhésion à un autre système économique où la spéculation ne prime pas sur l’économie réelle (ex: la monnaie locale du « Valeureux » à Liège).

• La participation à des mouve-ments de grève et de blocus afin de faire entendre notre ferme opposition à certaines décisions ou projets (ex: TTIP, mouvement Blockupy, manifestations des sans papiers, etc.).

• Comme le Parlement vote une confiance au gouvernement et que nous voulons remettre en cause cette confiance, il faudrait penser à une pression populaire sur les parlementaires.

• On pourrait décider d’introduire des changements constitution-nels, d’utiliser (plus) l’outil du ré-férendum, du tirage au sort, etc.

• L’instauration d’une démocratie directe.

En conclusion, nous pensons que la démocratie doit passer par un contrôle populaire des décisions prises par les acteurs censés nous représenter, de l’entreprise au par-lement.

Nous pensons également qu’un changement de système écono-mique est nécessaire, et qu’il remet-tra en cause les modes de fonction-nement et politiques antérieurs.

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L’Islande a refusé de payer pour

les dettes de la banque privée Icesave

et a poursuivi en justice des responsables

de la débâcle financière.

Est-ce un exemple d’alternative ?

À partir de 1999, les trois plus grandes banques islandaises sont privatisées  : Glitnir (aujourd’hui Is-landsbanki), Landsbanki et Kaupthing. Entre 2006 et 2008, Icesave (filiale de Landsbanki) propose des comptes d’épargne aux taux avantageux à destination de clientEs du Royaume-Uni et des Pays-Bas. En 2000, la taille des banques ne représentait qu’une fois le PIB du pays, en 2008 elle pèse dix fois le PIB.

Suite à la crise des subprimes de 2008, les trois grandes banques font faillite. Le gouvernement islandais adopte en urgence une loi restrei-gnant les sorties de capitaux, recapi-talise les banques et rembourse les déposantEs islandaisEs à l’aide d’un prêt contracté au FMI de 2,1 mil-liards $. Il se montre incapable d’as-surer le « sauvetage » de la banque Icesave pour un montant de 3,9 mil-liards $ (son PIB est de 9 milliards $). Les agences de notation font alors pression sur le pays ainsi que les Pays-Bas et le Royaume-Uni (ce der-nier le placera même sur sa liste des États terroristes).

Fin 2009, le Parlement islandais vote le paiement aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Mais sous la pres-sion populaire, le Président Gríms-son s’en remet à un référendum avant de signer. 93 % des islandaisEs s’opposent au paiement. Le FMI fait pression sur le gouvernement et me-nace de ne pas verser les dernières tranches du prêt accordé (coup clas-sique de cette Institution).

L’année suivante, le Parlement is-landais approuve un nouvel accord de remboursement sous de meil-leures conditions. Soumis au réfé-rendum, il est à nouveau rejeté par la population. La Commission euro-péenne porte dès lors plainte contre l’Islande devant la Cour de justice de l’Association européenne de libre-échange (AELE). Le tribunal donne raison à l’Islande.

Entre 2009 et 2013, trois anciens di-rigeants de la banque sont condam-nés à des peines de prison. Le gou-vernement islandais avait annoncé vouloir juger les responsables de la crise, mais seul l’ex-Premier Ministre

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fut jugé (et in-nocenté).

Parallèlement à cela, l’Islande porte, dès 2009, sa candidature à l’entrée dans

l’Union européenne. Elle la retire en mars 2015 (avec le gouvernement du « Parti de l’Indépendance » ramené au pouvoir), arguant des désaccords concernant les eaux territoriales et les quotas de pêche. Il n’est pas impossible cependant que l’affaire Icesave ait également découragé les IslandaisEs d’adopter les législations européennes et la monnaie unique (qui auraient rendu illégal un tel trai-tement de la crise). Le pays envisage d’ailleurs de rendre la création mo-nétaire publique.

Aujourd’hui, si l’on peut avancer que la reprise économique a été plus fa-cile en Islande que dans la plupart

des autres pays européens, la situa-tion sociale s’en retrouve néanmoins dégradée et le gouvernement de centre-droite mène une politique néo-libérale et de privatisations. Le pays a remboursé le FMI sans bron-cher.

On ne peut donc dire que le cas is-landais soit exemplaire et repré-sentatif d’une gestion idéale dans l’histoire de la crise bancaire. Néan-moins, il fait figure d’exception dans un contexte où la plupart des pays ont assumé sur leurs fonds propres les dettes des banques privées sans broncher...

Plus d’infos : «  Europe L’Islande prend son destin en main » de Fran-çois Remand et Xavier Dupret, juin 2014, http://www.revue-democratie.be/index.php/international/union-europeenne/1072-europe-l-islande-prend-son-destin-en-main

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À Chypre, on a instauré un contrôle des mouvements de capitaux

et fait payer les déposantEs pour assumer

les dettes de plusieurs banques.

Est-ce un exemple d’alternative ?

Les banques Laïki et Bank of Cyprus représentaient, en 2012, 80 % du sec-teur bancaire chypriote. Secteur dé-mesuré pour cette petite île d’un mil-lion d’habitantEs (750 % du PIB). Ces deux banques détenaient énormé-ment de titres de la dette publique grecque et, à l’inverse des autres grandes banques européennes (ou de la BCE), elles n’ont pas été épar-gnées lors de la restructuration de cette dette menée par la Troïka.

Le 19 mars 2013, la Troïka prêtait 10 milliards € à Chypre afin qu’elle conti-nue à rembourser sa dette publique et qu’elle recapitalise ses banques. Comme toujours avec le FMI, ce prêt était accompagné de conditionnali-tés  : une vague austéritaire inédite ET une taxe exceptionnelle sur l’en-semble des dépôts de la population. Cette taxe – pensée en collabora-tion avec le gouvernement d’alors – devait s’appliquer y compris aux comptes de moins de 100.000 € et ce, malgré la législation européenne de 2010 qui fixait à ce montant la ga-rantie des dépôts.

Sous la pression populaire, le Parle-ment rejeta le plan. Deux jours plus tard, la BCE menace de ne plus four-nir les banques chypriotes en liqui-dités d’urgence. Le 25 mars, un nou-vel accord voit le jour et les comptes supérieurs à 100.000 € sont saisis à hauteur d’entre 30 % et 40 %. Les faillites s’enchaînent, bien que le but affirmé soit de «  relancer l’écono-mie » et d’assainir les comptes.

Pour la première fois en Europe de-puis 1985 un gouvernement ferme donc ses banques et applique un contrôle strict des mouvements de capitaux.

Mais comment et dans l’intérêt de qui ? Les plus petits actionnaires et créanciers (pas la BCE) ont assumé des pertes. Concernant les dépo-santEs, le gouvernement d’alors a, volontairement, laissé passer une di-zaine de jours entre l’annonce de ces mesures et leur application1. Cela

1 En Islande, c’est en une nuit que la mesure a été prise, en même temps que la nationalisation des trois principales banques.

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a permis aux déposantEs les plus riches – dont les oligarques russes et riches britanniques – de sortir leurs euros (entre 4 et 6 milliards) du pays.

L’exemple de Chypre montre qu’on peut tout à fait utiliser le bail-in (voire la fiche suivante) et établir un contrôle strict des mouvements de capitaux, élément fondamental dans la gestion d’une crise bancaire et ce, en accord avec le droit euro-péen2, mais pas de cette manière.

2 L’article 65 §1B du traité de l’UE autorise ses États membres à prévoir « des procédures de déclaration des mouvements de capitaux » pour « des motifs liés à l’ordre public ou à la sécurité publique ».

À la place de cette saignée, on aurait pu socialiser les banques pour arrê-ter l’hémorragie et faire assumer les pertes par les plus gros actionnaires, les plus gros créanciers (dont la BCE) et les titulaires de comptes supé-rieurs à 250.000 € (de manière for-tement progressive), par exemple. Cette alternative nécessiterait en ef-fet une fermeture des banques et un contrôle strict des mouvements de capitaux.

Source et plus de détails : « Retour à Chypre (Euroland)... » de Xavier Du-pret, juin 2013, http://www.agora-vox.fr/actualites/economie/article/retour-a-chypre-euroland-136770.

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Quelles sont les options pour assumer les pertes d’une banque ?

Depuis le début de la crise dite des subprimes, la plupart des sauve-tages bancaires se sont faits sans condition et avec de l’argent public (bail-out, pour « renflouement exté-rieur »).

Selon la réglementation européenne actuelle :

Les actionnaires (les propriétaires de la banque) sont ceux et celles qui doivent assumer les pertes en pre-mier lieu. Mais le capital engagé par ces actionnaires ne peut générale-ment pas suffire car il est très faible face aux risques pris (plus ou moins 5  % du bilan total de la banque1). Il faut envisager d’aller chercher l’argent dans leurs patrimoines pour assumer les pertes (comme dans les autres entreprises où les proprié-taires qui ont pris des risques les as-sument).

1 Pour plus de détails sur le fait que les banques soient des « colosses aux pieds d’argile » (elles sont immenses alors qu’elle ont dans la réalité peu de fonds propres pour assumer des pertes), lire le livre d’Eric Toussaint, Ban-cocratie, Aden, 2014 ou le guide d’anima-tion de l’outil pédagogique « Comment fonctionnent les banques ? » développé par Aline Fares, http://cadtm.org/L-Outil-Comment-fonctionnent-les

Viennent ensuite les créanciers (les investisseurs qui ont prêté à la banque), qui sont souvent d’autres institutions financières. Il s’agit du bail-in (pour «  renflouement in-terne »). Cela a par exemple eu lieu en Autriche en 2014. Dans certains cas, en raison de l’interconnexion des banques et des montants en jeu, cela peut entraîner un « effet domino ».

Viennent seu-lement en-suite les dé-posantEs (et leurs comptes c o u r a n t s , leurs comptes épargne ou leurs dépôts à terme)  : les montants excédant 100.000 € peuvent être mis à contri-bution. Cela a été fait à Chypre en 2013 (voir la fiche numéro 6).

Tant qu’on ne change pas fonda-mentalement les activités et la taille des banques – ce qui passera par une socialisation de celles-ci – ces mesures ne suffiront pas et les fail-lites seront tout juste reportées.

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Comment éviter dese ré-endetter après une annulation ?

Tout d’abord, posons-nous la question  : est-ce vraiment un problème de s’endetter si cela ne profite pas à une mino-

rité privilégiée et que la dette n’est pas utilisée comme un outil de do-mination ?

Il n’y a pas de raison de ne jamais vouloir s’endetter, au contraire, cela peut servir l’investissement (dans la transition écologique par exemple) si cela se fait sans condition (il faut éviter le recours au FMI, à la Banque mondiale, aux banques privées etc.), sans usure, taux d’intérêts variables, etc. On peut aussi essayer de mettre en place de réelles «  intégrations régionales  » où les régions (com-munes, provinces, pays...) s’aident et se financent mutuellement (pas comme la banque des BRICS, par exemple, mais plutôt sur le modèle de la Banque du Sud qui n’a malheu-reusement toujours pas vu le jour).

Ensuite, il existe de nombreuses autres pistes pour éviter de s’endet-ter énormément :

• On peut augmenter les re-cettes  en modifiant l’imposition actuelle et faire en sorte que les ménages les plus riches et les plus grandes entreprises paient davantage d’impôts.

• On peut diminuer – voire sup-primer – les dépenses inutiles ou néfastes (comme la corrup-tion, les grands projets inutiles et imposés, la publicité ou en-core l’armement).

• On peut aussi modifier son éco-nomie pour, notamment, dimi-nuer le besoin d’importations. Il s’agit bien entendu d’une ques-tion très différente en fonction du pays/de l’économie dans la-quelle on se trouve.

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Pour éviter de retomber dans le piège du surendettement, on peut aussi :

• Interdire la socialisation de dettes d’entreprises privées (comme l’Équateur l’a inscrit dans sa Constitution).

• Plafonner le service de la dette (c’est-à-dire le remboursement annuel des intérêts et du capital) à une partie maximale du bud-get annuel ou des exportations annuelles. Par exemple, il avait été décidé après la seconde guerre mondiale que les rem-boursements de l’Allemagne ne pourraient dépasser 5% de ses revenus d’exportation.

Enfin, il faudrait un audit citoyen permanent, une sorte de contrôle populaire des comptes publics et de leur utilisation.

En définitive, la dette ne peut pas être pensée en dehors du modèle économique et politique en place. Elle est actuellement utilisée comme outil de domination et en fait partie. Pour sortir du « système dette » (et de toute dette illégitime, publique comme privée) il faut supprimer ce qui la produit : le profit, c’est-à-dire l’accaparement par dépossession, inhérent au système de production et de financement capitaliste.

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« La crise, c’est bon

pour la planète ! »

CertainEs pensent que la crise en-traînant chute du PIB (décroissance forcée), de la production et de la consommation, l’écologie ne peut que mieux s’en porter. C’est oublier (ou nier) la différence entre une crise gérée par le pouvoir en place ou par le peuple dans son intérêt.

Nous avons toujours été en crise. Au moins depuis les dites 30 «  glo-rieuses », qui l’ont principalement été grâce à l’exploitation des ressources des pays du Sud par le biais des colo-nies et de la dette. Or, cela fait long-temps que la capacité de régénéres-cence de la planète est dépassée par notre mode de production.

Si « on est en crise », les plus riches sont de plus en plus riches et leur ca-pacité de sur-consommer augmente sans cesse.

Non, la crise n’est pas bonne pour la planète car :

Les préoccu-pations des

politicienNEs sont principalement d’ordre économique, comme favo-riser la relance de la croissance et promettre des baisses de chômage, plutôt que de profiter de cette crise du système capitaliste pour refon-der les bases de notre société1.

On pourrait penser que puisque la crise et sa «  gestion  » par l’austéri-té réduisent le pouvoir d’achat de la majorité de la population, et donc sa consommation, cela va diminuer la pression sur les ressources na-turelles. C’est oublier que le capita-lisme est un système de surproduc-tion basé sur le gaspillage, même (surtout ?) en temps de crise.

De plus, produire à moindre coût (pour récupérer des marges de pro-fit) implique que le respect de l’en-vironnement (et du droit des tra-vailleur-se-s) soit détruit : vente du patrimoine naturel, coupes dans les 1 Nicolas Sarkozy au Salon de l’Agriculture en 2010 : « L’environne-ment, ça commence à bien faire ! ».

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budgets de lutte contre l’incendie ou de formation à l’agroécologie, priva-tisation des semences, etc2.

Comme il est indéniable qu’une conscience écologique a largement émergé au sein de la population, le greenwashing sévit. Il s’agit d’exploi-ter et de vendre plus, en «  verdis-sant  » ses activités ou ses produits à la marge, sans ne rien changer fondamentalement à la structure de production et à ses conséquences écologiques réelles. Allier croissance et écologie est un oxymore3.

Quelle est la part de la population qui peut se permettre de transpo-ser cette préoccupation dans ses actes quotidiens  ? La pauvreté en-traîne la nécessité de comporte-ments «  non-écolos  » (par exemple se chauffer en brûlant du bois – ou pire). Néanmoins, les cultures popu-laires ont toujours moins d’impact écologique que les plus riches et une grande partie de la solution est à trouver là4.

2 Lire à ce sujet, tous les exemples concrets donnés dans l’article de Roxanne Mitralias « Austérité et des-truction de la nature : l’exemple grec », http://cadtm.org/Austerite-et-destruc-tion-de-la3 Le mythe de la technologie (par exemple) qui résoudrait les problèmes environnementaux n’a pas de sens si l’ « Occident » ne revoit pas ses besoins, sa production et sa consommation à la baisse.4 Lire, entre autres, « Écologie et

Oui, la crise est une opportu-nité pour l’éco-logie

En chinois, le mot crise (Wei Ji) signifie dan-

ger (Wei) et opportunité (Ji). Une crise est toujours une opportunité pour changer de modèle, et tendre vers un système socialement juste et écologiquement soutenable.

• De nombreuses résistances éco-logiques (contre la mine d’or à Thessaloniki, par exemple) naissent en temps de crise.

• La crise pousse à imaginer et à mettre en place d’autres sys-tèmes de production et de consommation.

• Elle est une opportunité de pen-ser, et mettre en place, la sociali-sation des communs (eau, terres, énergies, transports, etc.).

L’écologie n’est pas un luxe qu’on pourrait se permettre en temps de « non-crise », c’est tout simplement la chose qui nous permet de vivre.

cultures populaires » de Paul Ariès.

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« Annuler la dette de la Grèce coûtera 1.000 euros à chaque contribuable belge »

Tout d’abord, rappelons que – comme l’a montré la Com-mission d’audit de la dette pu-blique en Grèce

– au moins 90 % de l’argent des pré-tendus plans de « sauvetage » euro-péens ne sont même pas passés par la Grèce et ont directement atterri sur les comptes des banques alle-mandes, françaises, etc. L’argent des citoyenNEs européenNEs n’a pas été utilisé pour sauver la Grèce, mais une quinzaine de grandes banques privées qui avaient spéculé sur la dette grecque.

La Belgique est en effet engagée à hauteur de +/- 10 milliards € dans ces plans de «  sauvetage  », que la Grèce rembourse. Il s’agit d’un prêt bilatéral de 1,9 milliards € (pour le-quel elle touche des intérêts chaque année), de garanties de 5 milliards € offertes au Fond européen de stabi-lité financière (FESF1) et de 2,2 mil-

1 Société anonyme ne répon-dant pas au droit européen, basée au Luxembourg, qui émet de la dette sur les marchés pour « prêter » aux pays en dif-ficulté (ou plutôt à leur secteur bancaire).

liards € de titres grecs détenus par la BCE (qui les a rachetés à bas prix sur les marchés financiers).

Certes, un calcul rapide et sans au-cune nuance amène les médias à nous conter que nous perdrions touTEs 1.000 € si la Grèce faisait dé-faut sur sa dette publique. C’est ou-blier un peu facilement que :

- La Belgique a profité de ces « prêts » (qui sont illégaux et illégi-times) puisqu’elle a touché des inté-rêts dessus. Or, les intérêts, n’est-ce pas soi-disant le prix du risque ?- Il faudrait que la Grèce fasse dé-faut à 100 % sur sa dette publique, et ne rembourse rien à la Belgique, au FESF et à la BCE. Ce qui ne risque pas d’arriver.

- Ces prêts et garanties sont déjà intégrés dans notre dette publique comme le veulent les critères d’Eu-rostat. Une telle annulation n’aug-menterait donc pas notre dette.

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- Le remboursement du capital n’étant prévu qu’à partir de 2028, et les États se finançant par « roule-ment » de leur dette (ils empruntent pour rembourser le capital arrivé à échéance), le budget belge ne senti-rait une différence (en cas d’annula-tion totale de la dette grecque) que sur les intérêts perçus chaque an-née. Soit quelques 20 millions d’eu-ros, c’est-à-dire 2€ par Belge...

- La BCE pourrait tout à fait effacer la dette grecque techniquement et économiquement, c’est politique-ment que cela lui pose problème.

- TouTEs les contribuables ne se valent pas. En Belgique, il y a des millionnaires et des milliardaires, et puis il y a le reste, les 90 %. Une perte éventuelle pourrait tout à fait être assumée par les 10 % les plus riches, responsables de la crise actuelle.

- Une taxe exceptionnelle (a mini-ma) sur les banques qui ont spéculé sur la dette grecque pourrait égale-ment compenser cette « perte ».

Développement plus complet  : http://cadtm.org/Non-les-Belges-ne-perdront-pas

Origines illégitimes et illégales de la dette grecque : http://cadtm.org/Rapport-preliminaire-de-la

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Sortir ou ne passortir de l’euro ?Telle est la question.

Deux constats sont certainement lar-gement partagés : (1) En principe, on fait d’abord une union socio-économique et puis une monnaie commune, pas l’inverse. (2) La question de la sortie ou non de l’euro divise la gauche radicale en ce moment.

D’un côté, l’euro est vu comme un symbole ET un instrument de domi-nation et de compétition, dont il faut absolument se libérer. D’un autre côté, il est considéré soit comme utile (une monnaie forte face aux autres économies), soit comme né-cessaire (sans l’euro, ce sera pire).

Sans revenir sur le fait que les Ins-titutions européennes violent sans cesse leurs propres lois, soulignons que leurs traités ne prévoient pas de modalités spécifiques pour la sortie de la zone euro (contrairement à la sortie de l’Union, prévue par l’article 50 du traité de Lisbonne). D’un point de vue légal, l’une n’entraîne pas l’autre. D’un point de vue légal, en-core, l’expulsion d’un pays de la zone euro par les autres membres n’est pas possible, mais dans les faits, ils peuvent bien sûr faire pression sur lui (via la BCE, entre autres).

D’un côté, on souligne qu’une sortie de l’euro entraînerait une forte dé-valuation de la nouvelle monnaie et une fuite de capitaux. De l’autre, on (Frédéric Lordon, par exemple) dit que ces effets s’éteindront après une année et que plus on attend, pire ce sera. De plus, plusieurs scénarios de sortie de l’euro et alternatives sont mis en avant : - sortir de l’euro à plusieurs (voire se doter d’une monnaie commune al-ternative1) ; - négocier cette sortie / dévaluation avec l’Europe pour en limiter les ef-fets négatifs ; - appliquer une réforme monétaire redistributive2 ;

1 Comme le projet du Sucre entre plusieurs pays d’Amérique Latine (qui n’a pas encore vu le jour).2 Par exemple : pour les per-sonnes possédant moins de 200.000€, 1€ s’échangerait contre 1 NM (nouvelle monnaie). Pour les personnes possédant entre 200.000€ et 250.000€, 1€ s’échan-gerait contre 0,7 NM, etc. jusqu’aux personnes possédant plus de 1 million € qui recevraient 0,1 NM pour 1€.

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- utiliser une monnaie complémen-taire à l’euro pour les échanges in-ternes (comme en Équateur où de nombreux paiements quotidiens – dont les factures et certains salaires – se font sans utiliser le dollar, la monnaie officielle)

- last but not least, demander l’avis à la population...

Position du CADTM :

La sortie de l’euro n’est pas LA solu-tion (avant l’euro, il y avait des pro-blèmes, et le capitalisme était là) et elle ne doit pas être présentée comme un préalable à toute poli-tique.

Le préalable, c’est l’arrêt de l’aus-térité. Pour cela, il faut remettre en cause la dette illégitime. Si ces politiques peuvent être mises en place, tout en restant dans le cadre européen (Europe et/ou euro), et que cela permet un changement de rapport de forces pour en chan-ger profondément l’orientation et le fonctionnement, tant mieux. Si ces politiques ne peuvent pas être mises en place sans une rupture avec l’Europe et/ou l’euro (c’est ce que tend à montrer l’actualité grecque), alors il faut faire rupture.

Mais cette rupture ne doit pas se limiter à la sortie de l’euro. Pour empêcher le «  ce sera pire après  » et empêcher l’hémorragie, il faut un moratoire sur le paiement de la dette, un contrôle strict des mouve-ments de capitaux et la socialisation des banques.

Pour aller plus loin :- Frédéric Lordon : « Pour une autre Europe, faut-il sortir de l’euro ? » (vi-déo), Mediapart, septembre 2015, https://www.mediapart.fr/journal/france/030915/frederic-lordon-pour-une-autre-europe-faut-il-sor-tir-de-leuro- Costas Lapavitsas : « La voie de la sagesse est celle de la sortie de l’eu-ro et du progrès social », juillet 2015, https://blogs.mediapart.fr/edition/que-vive-la-grece/article/200715/costas-lapavitsas-la-voie-de-la-sa-gesse-est-celle-de-la-sortie-de-leuro-et-du-prog- Eric Toussaint  : «  Grèce, pourquoi la capitulation ? Une autre voie est possible » (vidéo), août 2015, http://cadtm.org/Grece-pourquoi-la-capi-tulation-Une

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Les agences de notation, késako ?

Sont-elles fiables et légitimes pour évaluer les entités publiques (ou privées) ?

Elles existent depuis plus d’un siècle, mais c’est surtout depuis la financia-risation de l’économie et le déclen-chement de la crise de la dette au Mexique en 1982 que les agences de notation se sont imposées durable-ment sur l’échiquier mondial.

Elles se définissent comme des or-ganismes privés et « indépendants », spécialisés dans l’analyse de la solva-bilité et de la crédibilité d’une entité ayant contracté une dette (privée ou publique). Cette dette peut prendre la forme d’emprunts bancaires ou d’obligations, de billets de trésorerie ou de tout type d’instruments finan-ciers portant intérêts. Meilleure est la note accordée par ces agences, plus bas seront les taux d’intérêt à payer par l’émetteur.

On peut décrire leur rôle à travers trois activités principales :

• La notation financière.• L’information et le conseil.• La participation à la création de

produits structurés.

Le marché des agences de notation se concentre en trois entités, The big three, qui contrôlent à elles seules

94% du marché. À savoir : Standard & Poors (40%), Moody’s Investors Service (40%) et Fitch Ratings (14%).

Ces agences comportent plusieurs imperfections qui entravent l’ana-lyse et véhiculent une conception er-ronée des chiffres. Notamment :• leurs rapports peuvent être ba-

sés sur des informations erro-nées.

• elles partent du principe que tout le monde est honnête.

• elles sont payées par les orga-nismes notés1 (conflit d’intérêts).

• elles prétendent être objectives.• elles réagissent de manière trop

rapide.

Les décisions des agences et les conséquences de celles-ci sur l’éco-nomie des pays concernés ont un impact considérable sur la vie de milliards de personnes... Elles usent d’ailleurs régulièrement de cette in-fluence. Ce n’est pas un hasard si les mesures d’austérité, au Nord

1 Jusqu’aux années 1970 elles étaient payées par les acheteurs poten-tiels. Depuis la libéralisation financière, la situation s’est inversée : ce sont les émetteurs d’obligations qui les rému-nèrent pour qu’elles les évaluent...

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comme au Sud, sont prises en partie à cause du diktat de ces agences.

Elles se révèlent pourtant inca-pables (ou indisposées) d’anticiper les crises et les risques qu’elles sont pourtant censées noter. La crise de 1929 n’était qu’un début révélateur de cette inefficacité et ce constat s’est confirmé encore une fois pen-dant la crise financière de 2008, où Lehman Brothers était notée AAA (la meilleure note possible) deux jours avant son effondrement (idem pour Enron en 2001).

En juin 2013, l’Union européenne a déclaré avoir instauré des règles plus strictes à l’égard des agences de notation2. Ces mesures, bien que louables sur le principe, restent inca-pables de contenir leur capacité de nuisance.

Des mesures unilatérales et radi-cales peuvent libérer les entités pu-bliques de la mainmise de la finance, à l’instar de celle prise récemment par la mairie de Madrid qui a décidé de ne plus renouveler ses contrats avec Standard & Poors et Fitch, consi-dérant ces agences de notation comme inutiles et leur ingérence comme illégitime.

2 Voir : http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-555_fr.htm

Les dégâts causés par ces orga-nismes nécessitent une remise en cause radicale de ceux-ci. Non seu-lement un État ne peut être évalué comme une entreprise, mais sur-tout il ne peut recevoir d’évalua-tion, de quelque type que ce soit, par des institutions privées dont les critères cachent des intérêts par-ticuliers. Les agences de notation devraient faire l’objet de poursuites judiciaires et être démises. L’évalua-tion des risques est une mission qui devrait incomber à des organismes publics.

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Comment est-ce possible que les dirigeantEs prennent de telles décisions ?

Tous les gouvernements de la pla-nète – ou presque – ont largement adopté une politique néolibérale. Partout, les partis au pouvoir – de gauche à droite – appliquent les mêmes recettes  : austérité et contre-réformes, pour exploiter au maximum le travail et la nature, au profit des détenteurs et détentrices de capitaux.

Tout d’abord, une partie d’entre-eux/ elles est vrai-s e m b l a b l e -ment convain-cue d’agir ainsi pour une ges-tion saine de la

collectivité. Naïve ou ignorante, elle ne connaît pas d’autres manières de faire. L’école, formidable instrument d’uniformisation des pensées et ga-rante du système, lui a toujours mar-telé les mêmes thèses et qu’ «  il n’y a pas d’alternative ». Concernant les finances publiques, le calcul paraît simple  : on diminue toutes les dé-penses – ou presque – et le budget finira bien par revenir à l’équilibre. Et « si l’austérité ne fonctionne pas, c’est que nous n’allons pas assez loin  », qu’on n’applique pas assez

bien les recettes (que ce soit dans les pays du tiers monde depuis plus de trente ans ou en Europe depuis 2009). La Grèce, meilleure élève de l’UE dans l’application des mesures d’austérité, nous prouve par sa si-tuation économique et humanitaire désastreuse que cet aveuglement idéologique coûte cher.

Bien évidemment, cette politique profite à certainEs : les banques sont sans cesse recapitalisées et sauvées de toutes leurs spéculations (sur la dette, entre autres) et les multina-tionales bénéficient du démantè-lement des conquêtes sociales. Or, les connivences d’intérêts entre pa-tronNEs et éluEs sont fréquentes  ! Ils/elles se connaissent bien, ont fait les mêmes écoles et forment une même classe sociale1. Ainsi, le pre-mier secrétaire du Parti socialiste fréquente bien plus de PDG que d’ouvriers et ouvrières. Beaucoup passent des affaires aux postes po-litiques et vice et versa.

1 Lire, à ce sujet, La violence des riches de Monique et Michel Pin-çon-Charlot.

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Ajoutons que les multinationales (dont les banques privées) ne lé-sinent pas sur les moyens pour influencer les décisions politiques. Championnes du lobbying2, elles font en sorte que les lois préservent leurs intérêts. L’hypocrisie atteint son paroxysme quand les textes de loi sont écrits par l’industrie elle-même3. On comprend alors que le pouvoir ne réside pas (uniquement) dans les Parlements. L’éluE, serait-il/elle de bonne foi, voit ainsi sa marge de manœuvre se réduire.

Le système de démocratie repré-sentative est également à mettre en cause. Nous ne pouvons nous étendre ici, mais soulignons ne se-rait-ce que le fait que le cycle électo-ral ne permet pas de se soucier des politiques – au sens noble du terme – à long terme.

2 Voir, entre autres, tout le travail de Corporate Europe Observatory (CEO) : http://corporateeurope.org/ 3 Citons, s’il en faut, l’exemple, d’un projet de règlement relatif aux émissions sonores des véhicules sur lequel les parlementaires européenNEs se sont prononcéEs en 2012. Affaiblis-sant drastiquement les normes au bon plaisir de l’industrie automobile, le texte émanait directement des bureaux de Porsche AG. Source : http://www.iew.be/spip.php?article4982

Enfin, si nos d i r i g e a n t E s prennent de telles déci-sions, c’est aussi (surtout)

parce que nous les laissons faire !

Nous avons beau représenter 99 % de la population, nous sommes iso-léEs. Car dans la pensée dominante, véhiculée par les médias, l’ennemiE est la personne qui refuse l’intégra-tion au système, marginale, chô-meuse, sans-papier... Cette cible est tellement plus atteignable, que nos véritables oppresseurs qui ne sont atteignables que lorsqu’on s’orga-nise.

L’histoire nous a montré, et continue de nous montrer, que les prétenduEs dirigeantEs ne prennent des déci-sions dans l’intérêt de l’ensemble de la population que lorsque celle-ci ne lui laisse pas d’autre choix.

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BONUS

DETTE DU SUD

Dette coloniale  : les colons qui avaient emprunté de l’argent pour financer l’exploitation des pays du Sud leur ont légué (illégalement) ces dettes à l’heure de leurs «  indépen-dances ».Rq : Depuis, les pays du Sud ont rem-boursé plus de 100 fois cette dette initiale, et elle a pourtant été multi-pliée par 30.

Dette commerciale : ils ont été inci-tés à s’endetter auprès des banques européennes qui cherchaient à écouler leurs liquidités.

Dette bilatérale : les pays riches leur ont prêté à condition qu’ils utilisent l’argent pour acheter leurs propres marchandises (c’est ce qu’on appelle « l’aide liée »).

Dette multilatérale : les IFIs (institu-tions financières internationales) – Banque mondiale en tête – leur ont multiplié les prêts pour les influen-cer et empêcher la « contagion com-muniste ».

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Soutien à des dictatures et détournement d’argent (la fortune des despotes correspond aujourd’hui à 14 fois la dette de leurs pays).

Financement d’ « éléphants blancs » : mégaprojets très coûteux et inutiles pour la population.

Achat de matériel militaire, financement de la répression, etc.

Après que les prix des matières premières aient chuté sur les marchés internationaux et que les taux d’intérêts aient explosé sous l’impulsion de la FED (banque centrale américaine), la crise de la dette s’est installée dans les années 1980.

Le FMI intervient alors pour fournir des « prêts de secours  » aux pays en difficulté, à chaque fois sous deux conditions : continuer à rembourser la dette et appliquer des mesures néolibérales (les fameux « plans d’ajustement structurel »). Comme au Nord, plus tard.

Les institutions de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale), en partenariat avec les créanciers publics (Club de Paris) et les créan-ciers privés (Club de Londres) ont mis en place l’initiative PPTE (« Pays pauvres très endettés »). Il s’agissait de restructurer certaines dettes pour éviter un défaut de paiement et s’assurer que les pays puissent continuer à rembourser. Ces plans «  d’aide  » étaient accompagnés de nou-velles conditionnalités...

Par contre, des pays ont suspendu le paiement de leur dette sans demander l’avis des créanciers (Argentine 2001), voire l’ont auditée pour ensuite en annuler une partie (Équateur 2009).

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La dette des pays du tiers-monde représente moins de 2 % de toutes les dettes publiques.

Les pays du Sud représentent 82 % de la po-pulation mondiale mais ne se partagent que

32 % de la richesse mondiale. 1/3 de la population mon-diale vit ainsi avec moins de 2$ par jour.

C’est le Sud qui finance le Nord et non l’inverse. Pour 1€ « reçu », les pays du Sud envoient plus de 2€ au Nord.

Lire l’article «  Dette au Sud  : où en est-on  ?  », http://cadtm.org/Dette-du-sud-ou-en-est-on

Voir aussi Les Chiffres de la dette 2015, Chapitre 3 : La dette au Sud, CADTM, http://cadtm.org/La-Dette-au-Sud

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Annulation/Répudiation :C’est clair ;).

Suspension de paiement :Arrêt du remboursement de la dette pour un temps (in)déterminé, géné-ralement décidé de manière unilaté-rale.

Restructuration :Changement dans les termes du contrat, négocié avec les créanciers (diminution des taux d’intérêts, al-longement des échéances de capital, annulation d’une partie du stock de la dette). Le plus souvent, les an-ciens titres de la dette sont échan-gés contre de nouveaux, et l’accord est accompagné de nouvelles condi-tionnalités.

Audit citoyen de la dette :Autopsie populaire de la dette.

Il s’agit moins d’une enquête menée par des expertEs que d’un exercice démocratique de base qui consiste à ce que la population vérifie ce qu’on fait avec son argent.

Les objectifs principaux d’une cam-pagne d’audit sont de :

1. faire connaître à un maxi-mum de personnes des faits et chiffres peu connus de nature à souligner l’illégitimi-té de la dette qu’elles rem-boursent ;

2. fournir un maximum d’argu-ments permettant d’en re-mettre en cause le paiement aveugle ;

3. proposer des alternatives concrètes à ce paiement aveugle et, tout simplement,

4. de forcer le débat sur ce sujet tabou.

Le but final de l’audit est le contrôle populaire permanent sur les comptes publics, aux côtés d’autres mesures anticapitalistes.

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BONUS

DETTE BELGE

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5

10

15

20 PAIEMENT DELA DETTE

SOINS DESANTÉ

ALLOCATIONSDE CHÔMAGE

REVENUD’INTÉGRATION

20 %43,5 mds

13 %28,3 mds

3 %6,3 mds

0,4 %0,9 mds

DÉPENSES DE L’ÉTAT 2015

Source : Banque Nationale de Belgique

La dette est la première dépense de l’État (20 % du budget annuel). Il s’agit aujourd’hui de plus ou moins 12 mil-liards € d’intérêts et 32 de capital.

Les dépenses pu-bliques sont restées stables depuis plus de 30 ans (+/- 45 % du PIB). Alors, d’où vient cette dette ?

Depuis 2008, la collectivité a injecté plus de 33 mil-liards € dans Fortis, Dexia, KBC et Ethias.

Seule la moitié a été récupérée (et c’est sans compter les intérêts payés par l’État belge sur cet emprunt for-cé). Ce coût était, d’après les dires de la Commission européenne elle-

même, trop élevé par rapport aux valeurs du marché.

L’État n’a pas utilisé ces sauvetages pour changer les règles de fonction-nement de ces banques. Une nou-velle crise est donc à prévoir.

Depuis la crise provoquée par les banques, la dette publique belge est passée de 84 % du PIB (soit 285 milliards €) en 2007 à 107 % en 2015 (soit 417 milliards €).

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Une autre grande cause de l’endette-ment en Bel-gique est la d i m i n u t i o n des impôts

sur les plus grosses entreprises et les ménages les plus riches. Les pre-miers sont passés de 48 % dans les années 1980 à 33,99  % aujourd’hui (il s’agit du taux officiel, le taux réel est de 12,5 % - et de 7,9 % pour les

1.000 plus grosses entreprises1). Les seconds sont passés de plus de 70 % à 50 % aujourd’hui.

Le SPF-Finances estime que, en 2011, l’État a perdu pour 61 milliards € en exonérations et autres réductions fiscales.

C’est bien sûr sans prendre en compte l’évasion fiscale illégale (éva-luée entre 20 et 45 milliards par an).

1 Les 50 sociétés ayant bénéficié des plus grosses déductions fiscales en 2009 ont diminué leurs emplois de 2.504 équivalents temps plein.

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La Belgique ne peut pas se financer auprès de sa banque cen-trale (BNB) ou de la BCE.

Cette dernière prête aux banques privées à du 0,05  %1, qui prêtent à leur tour aux États à du 2...5...7 % et plus.

Dans les années 1980, la Belgique a payé des taux usuriers allant jusqu’à 14 %. Depuis 20 ans, elle a dépensé plus de 250 milliards € en seuls in-térêts.

1 NB : Depuis le 16 mars 2016, la BCE prête aux banques à du 0 % !

Les 20 % les plus pauvres détiennent 0,20 %

4,64 %12,37 %

21,69 %

61,30 %

Les 20 % les plusriches détiennent

...du patrimoine en Belgique

Source : Le Soir, 5 juin 2013.

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Les dépenses en chômage repré-sentent 3 % du budget annuel (soit 7 milliards €). La réforme chômage du gouvernement Di Rupo est cen-sée rapporter 20 millions € (soit mille fois moins que les impôts non-payés légalement par les entreprises chaque année).

Les 400 millions € libérés par le gou-vernement Michel pour (soi-disant) lutter contre le terrorisme auraient pu être utilisés pour augmenter de 50 % les revenus des personnes dé-pendantes du CPAS.

Le quintile le plus riche de la popula-tion concentre plus de 60 % du patri-moine national, alors que le quintile le plus pauvre s’en partage 0,20 %.

90 % de la dette belge est déte-nue par des institutions financières (et non par des petits particuliers, comme le prétendent certains).

L’État est actionnaire à 100 % de Bel-fius, mais n’en fait rien.

La dette des pays du Sud envers la Belgique ne représente que 0,5 % de son PIB annuel (soit 2 milliards €). Le Sénat avait appelé la Belgique à en annuler la part odieuse, mais celle-ci n’a toujours rien fait.

Pour aller plus loin :Lire la série d’articles « La dette illégi-time en Belgique », http://cadtm.org/Serie-Dettes-illegitimes-en,11094

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BONUS

DETTE DE LA GRÈCE

Avant la «  crise  », les origines de la dette grecque étaient liées à :

• la dictature des colonels (1967-1974) qui l’a multipliée par quatre ;

• des dépenses militaires déme-surées (3  % du PIB, pour une moyenne européenne de 1,4%) ;

• la facture démesurée des jeux olympiques de 2004 ;

• la corruption (cas de Siemens, entre autres) ;

• l’évasion fiscale massive et l’exo-nération d’impôts pour les arma-teurs, l’Église orthodoxe et les plus riches ;

• des taux d’intérêts usuriers sur la dette publique.

Il n’y avait pas d’exception grecque. Les dépenses publiques étaient moins élevées que la moyenne euro-péenne (48 % du PIB).

La crise a été provoquée par les banques, qui avaient spéculé sur l’économie grecque durant toute la décennie 2000 (+700 % de crédits aux ménages, +400 % aux entreprises et seulement +20 % au secteur public). La bulle a fini par exploser (comme aux États-Unis, en Espagne, en Ir-lande, etc.).

Les comptes publics ont été mani-pulés par le gouvernement en place et l’aide d’Eurostat (augmentation du déficit public de 4 % à 15,8 % et gonflement de la dette publique de 28 milliards €), afin de faire passer la crise bancaire pour une crise de la dette publique.

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En 2010, soit un an après avoir sauvé ses banques

(25 milliards €), la Grèce est au bord du défaut de paiement. Ses principaux créanciers sont alors la quinzaine de plus grandes banques françaises (36%), allemandes (21%), hollandaises, etc.

Au lieu de restructurer la dette (ce qui aurait amené ces banques à as-sumer leurs pertes) la Troïka décide de prêter de l’argent à la Grèce sous conditions.

Rq  : un document interne du FMI montre qu’il savait pertinemment que l’application de ces plans de

«  sauvetage  » allait provoquer (1) une crise humanitaire, (2) un effon-drement de l’économie grecque et (3) une explosion de la dette.

89 % des 240 milliards € « prêtés » par la Troïka en 2010 et 2011 ne sont même pas passés par la Grèce et sont directement allés sur les comptes en banque des créanciers. Son utilisation était gérée de l’exté-rieur.

Après que les créanciers privés se soient dégagés de leurs risques (sauf la minorité de petits porteurs et les retraités dont les futures pensions avaient été investies dans la dette publique), la Troïka a restructuré la dette grecque en 2012 et en a sociali-sé la plus grande partie (aujourd’hui, 80 % de cette dette est détenue par le FMI, la BCE, les pays européens et le FESF).

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La BCE n’a rien prêté à l’État grec. Elle a racheté à bas prix les titres grecs sur le marché

secondaire et lui réclame aujourd’hui à leur valeur nominale + les intérêts. C’est donc un « fond vautour ». Les plus gros actionnaires de la BCE sont l’Allemagne et la France.

Le premier «  memorandum  » n’a même pas été voté par le Parlement grec en 2010 (ce qui est anticonstitu-tionnel).

En 2009, 77,5  % de la population active payaient leurs impôts à la source. Par contre, l’évasion fiscale à grande échelle et la corruption re-présentaient près de 100 milliards € de manque à gagner.

La dette publique est passée de 120 % du PIB, avant les mesures d’austérité, à 180 % du PIB aujourd’hui.

En 4 ans d’austérité, un million de personnes ont été licenciées  ; un quart des entreprises ont fermé ; les salaires ont baissé en moyenne de 40 % ; le PIB a chuté de 25 % ; les mé-nages ont perdu 1/3 de leurs reve-nus ; le chômage a quadruplé (65 % pour les jeunes et les femmes)  ; le taux de pauvreté a doublé ; etc.

L’État grec est l’actionnaire majo-ritaire des 4 plus grandes banques grecques (qui gèrent 85  % du sec-teur) mais n’en fait rien.

Le 3e mémorandum, voté en août 2015 par le gouvernement Tsipras I, inclut de nouvelles mesures d’aus-térité catastrophiques et une vague de privatisations. Cet accord passé avec la Troïka est anti-constitution-nel car il ne respect par le résultat de referendum.

Le gouvernement Tsipras II a dis-sout la Commission d’audit en no-vembre 2015, mais celle-ci conti-nuera son travail bénévole, comme prévu, jusque mai 2016.

77%pour la �nance

LES GRECS SAUVÉS ? BÉNIFICIAIRES DE L'ARGENT DESTINÉ

AUX SAUVETAGES DE LA GRÈCE

comité liégeois d'audit citoyen de la dette publique en Belgique

auditcitoyen.be

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Pour aller plus loin :

Lire l’article «  Chronique d’une tra-gédie grecque  », http://cadtm.org/Chronique-d-une-tragedie-grecque

Lire le «  Rapport préliminaire de la Commission de la Vérité sur la dette grecque  », http://cadtm.org/Rap-port-preliminaire-de-la

Lire l’article «  Analyse de la légalité du mémorandum d’août 2015 et de l’accord de prêt en droit grec et inter-national », http://cadtm.org/Analyse-de-la-legalite-du

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