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56 e ANNÉE – N o 17110 – 7,50 F -1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE COLOMBANI SAMEDI 29 JANVIER 2000 Allemagne, 3 DM ; Antilles-Guyane, 10 F ; Autriche, 25 ATS ; Belgique, 48 FB ; Canada, 2,50 $ CAN ; Côte-d’Ivoire, 900 F CFA ; Danemark, 15 KRD ; Espagne, 225 PTA ; Gabon, 900 F CFA ; Grande-Bre- tagne, 1£ ; Grèce, 500 DR ; Irlande, 1,40 £ ; Italie, 3000 L ; Luxembourg, 46 FL ; Maroc, 10 DH ; Norvège, 14 KRN ; Pays-Bas, 3 FL ; Portugal CON., 270 PTE ; Réunion, 10 F ; Sénégal, 900 F CFA ; Suède, 16 KRS ; Suisse, 2,20 FS ; Tunisie, 1,4 Din ; USA (NY), 2 $ ; USA (others), 2,50 $. www.lemonde.fr International ............. 2 France .......................... 6 Société ......................... 8 Régions......................... 11 Horizons ...................... 12 Entreprises ................. 18 Communication ........ 20 Tableau de bord ........ 21 Aujourd’hui ................ 24 Météorologie, jeux .. 27 Culture......................... 28 Guide culturel............ 30 Carnet........................... 31 Kiosque........................ 32 Abonnements ............ 32 Radio-Télévision....... 33 Restructuration de Moulinex : erreurs et fatalité FERMETURES de sites, cessions d’usines, délocalisations, réduc- tion d’effectifs... Le nouveau plan de redressement présenté, lundi 24 janvier, par le PDG de Mouli- nex, Pierre Blayau (Le Monde du 26janvier), contraste avec la débauche d’imagination et de rêve que nous avait réservée, depuis le début de l’année, le monde de l’industrie. Tandis que d’autres tentent à coups de fusions, toutes plus folles les unes que les autres, de bâtir les entreprises du futur – comme AOL-Time Warner –, le groupe d’électroménager nous ramène d’un coup vers le passé. Il rappelle à notre souvenir la cohorte des restructurations pas si lointaines – sidérurgie, textile, machine-outil –, mais dont l’image avait commencé à s’estomper sous le double effet du retour à la crois- sance et de l’euphorie Internet. Aspirateurs et fours à micro- ondes vont donc venir grossir la liste de ces produits progressive- ment rayés du catalogue des usines françaises, tels que tee- shirts en coton, espadrilles, télévi- seurs ou ordinateurs, pour n’en citer que quelques exemples. Pour les salariés concernés, la nouvelle, consternante, a avant tout un air de déjà vu, déjà lu, déjà entendu. A un plan de restructuration finit par en succéder un autre. C’est pour remettre définitivement l’entre- prise sur les rails, plaident à chaque fois les dirigeants. C’est ce qu’ont tenté de dire – et de croire– pendant de longues années ceux de la Lainière de Rou- baix, jusqu’à ce que le tribunal de commerce prononce sa liquida- tion, le 7 décembre 1999. Mais dans un monde où les paramètres économiques ne cessent d’évoluer, il n’y a jamais rien de définitif. Et l’on recom- mence quelques mois ou quelques années plus tard. Chez Moulinex, qui malgré ses déboires continue d’occuper la place de numéro un français du petit électroménager, on ne le sait que trop. Le dernier de ces plans remonte à 1996, et c’était loin d’être le premier. L’entreprise avait alors pro- grammé 2 400 suppressions d’em- plois. Cette fois, le nombre de postes concernés se situerait entre 1 500 et 2 000. Comment les sala- riés pourraient-ils encore croire à cette « der des der » qu’on leur promet ? Anne-Marie Rocco Lire la suite page 15 LONDRES de notre correspondant Branle-bas de combat et union sacrée des religions catholique, anglicane, musulmane et juive au Royaume-Uni ! Tony Blair s’apprête à abroger une loi interdisant aux écoles, collèges et lycées de « promouvoir l’homosexualité ». Allumé en Ecosse par le gouvernement travailliste autonome d’Edim- bourg, qui voulait voter l’annulation de cette loi avant le Parlement « central » de West- minster, l’incendie de protestations s’est répandu comme un feu de brousse dans tout le pays. Il unit les grandes religions mono- théistes du royaume et divise les élus dans tous les partis. L’auguste Chambre des lords a rejeté l’avant-projet de loi « sacrilège », mais le texte reviendra vite, promet Tony Blair. Comme à l’accoutumée dans ce pays tout à la fois tolérant et profondément conservateur, la question gay enflamme les esprits, déclenche de furieux débats et occupe la « une » des journaux. Dans un gros titre ravageur et lourd de sous-entendus, le Daily Mail, tabloïd préféré de la droite et des anti-Blairistes, se deman- dait tout récemment « pourquoi ce gouverne- ment [qui compte quatre ministres gays déclarés ou notoires] s’obsède-t-il à promou- voir encore plus l’homosexualité ? » Le Sun a surenchéri : « La majorité silencieuse en a assez des concessions faites à une minorité militante ! » Décontenancé, le porte-parole de Tony Blair réplique que, selon « la manière dont les opposants présentent les choses, on pourrait croire qu’il est question d’autoriser le prosélytisme homosexuel ! Ce n’est absolument pas le cas. » Mais Thomas Winning, primat catholique d’Ecosse et chef de file des « anti », estime, lui, comme le grand rabbin Jonathan Sachs et le Conseil musulman du royaume, que la loi, imposée en 1988 par Margaret Thatcher, doit rester telle qu’elle est. Le texte, fait valoir le prélat avec tous ceux qui ont rejoint sa cause – 63 % des Ecossais sont opposés à l’abrogation –, n’interdit pas spécifiquement aux enseignants « d’infor- mer » les élèves sur l’homosexualité. Il leur proscrit de la « promouvoir intentionnelle- ment » et de la présenter comme « une alter- native acceptable à une relation familiale » hétérosexuelle. « Des jeunes qui n’ont jamais été informés, soutiennent les partisans de l’abrogation, sont morts de cette loi scélérate parce que chacun sait que le corps enseignant l’interprète comme une interdiction pure et simple d’aborder le sujet. » Le texte de M me Thatcher, disent-ils, encourage les atti- tudes homophobes dès le primaire. Pour le cardinal Winning, « l’homosexualité est une perversion », qu’il ne faut « en aucun cas encourager ». Ni Georges Carey, l’arche- vêque anglican du royaume, ni le grand rab- bin Sachs n’emploient ces mots-là, mais ils soulignent à l’unisson qu’il n’est pas question de laisser les enseignants présenter « les rela- tions homosexuelles à un niveau égal à celui du mariage en tant que contexte approprié à l’intimité sexuelle. » Les députés conserva- teurs, qui se sont battus avec succès en 1998 contre le projet blairiste d’abaisser la majo- rité légale des relations gays de dix-huit à seize ans, ont décidé mardi de voter contre l’abrogation lorsqu’elle leur sera soumise. L’inverse eût étonné. Patrice Claude Le cardinal, l’évêque et le rabbin contre le prosélytisme gay en Grande-Bretagne MODE HOMMES Very british Les défilés parisiens ont marqué le retour au classicisme pour les hommes. Vestes de chasse, réhabilitation du trench, costumes en velours côtelé (photo Hermès), pantalons de grosse laine, duffel-coat ou capes-pèlerines : les créateurs se sont tournés vers la vieille Angleterre pour y trouver le style de l’hiver 2000-2001. p. 26 L’Allemagne veut privatiser EDF MINISTRE de l’économie et de la technologie, Werner Müller est un des piliers du gouvernement allemand. Dans un entretien au Monde, il réclame la privatisation d’EDF, qui vient de prendre une participation dans le capital du quatrième électricien allemand, EnBW. Lire page 18 WERNER MÜLLER ÉTATS-UNIS La solitude de Bill Clinton Al Gore est en campagne présidentielle au New Hampshire et Hillary en cam- pagne sénatoriale à New York. Bill Clin- ton (photo) s’ennuie, tout seul ou presque, à la Maison Blanche. Il a pro- noncé, jeudi 27 janvier, son dernier dis- cours sur l’état de l’Union, « plus solide qu’il n’a jamais été ». La « nouvelle économie » assure la prospérité des Etats-Unis, qui s’interrogent pourtant sur les disparités croissantes entre pauvres et riches. p. 2, l’enquête p. 12 et l’analyse p. 15 PIANO La mort de Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len- demain de la deuxième guerre mon- diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir à l’âge de soixante-neuf ans, a mené une carrière qui se partageait entre le jazz et le répertoire classique. Ce Viennois provocateur, qui se sentait « frère en musique » de Thomas Bern- hard, empêcheur de jouer en rond, a exercé une influence considérable sur ses cadets, dont Martha Argerich et Nelson Freire. p. 28 REUTERS DAN LECCA RUDI BLAHA/AFP Au conseil de discipline a C’EST un triste jour dans la vie de Thomas, quatorze ans. C’est l’histoire de la faute qu’il a commise en classe : posséder, dans une boîte de dragées, 12 grammes de cannabis. Et c’est sa comparution devant le conseil de discipline de son collège. Notre reporteur a pu y assister et raconte la scène, en préservant l’anonymat des personnes et du lieu. Une séance poignante, en présence des parents, au terme de laquelle Tho- mas sera exclu définitivement de l’établissement. Ce reportage illustre les difficultés et les contra- dictions des différents acteurs – enseignants, parents, élèves – au moment où le plan de lutte contre la violence à l’école annoncé par Claude Allègre est jugé insuffisant. Lire page 10 Tournant politique dans l’affaire Elf b Dominique Strauss-Kahn a été mis en examen pour « complicité et recel d’abus de biens sociaux » b Il est mis en cause pour le paiement de sa secrétaire par le groupe pétrolier b Fraudes, détournements et mauvais investissements : Elf aurait perdu 25 milliards de francs dans les années 90 Lionel Jospin : oui à l’épargne salariale, non à une France d’actionnaires JEAN-PIERRE BALLIGAND, député (PS) de l’Aisne, et Jean-Bap- tiste de Foucauld, ancien commis- saire au Plan, ont remis au premier ministre, vendredi 28 janvier, le rap- port sur l’épargne salariale que ce dernier leur avait commandé à l’automne 1999, au plus fort de la controverse sur les stocks-options. Ce rapport préconise le développe- ment pour tous les salariés, notam- ment dans les petites et moyennes entreprises, des mécanismes de la participation, de l’intéressement et des plans d’épargne. Il écarte, en revanche, la généralisation des stock-options et une hausse de leur taxation. Le premier ministre aborde ce dossier avec précaution. Favorable au développement de l’épargne salariale, il n’entend pas faire d’une France d’actionnaires son projet de société. Lire page 6 CHARGÉES de l’enquête sur les détournements commis au préjudice du groupe pétrolier Elf-Aquitaine entre 1989 et 1993, les juges Eva Joly et Laurence Vichnievsky ont adressé, mercredi 26 janvier, à l’ancien ministre de l’économie et des finances, Dominique Strauss-Kahn, un avis de mise en examen pour « complicité par instruction donnée et recel d’abus de biens sociaux ». Les deux juges reprochent à M. Strauss- Kahn d’avoir « fait prendre en charge les salaires de sa secrétaire parti- culière, Evelyne Duval, sans contrepar- tie réelle pour le groupe Elf, à hauteur d’environ 190 000 francs ». Déjà mis en cause dans le dossier de la MNEF, M. Strauss-Kahn avait démissionné du gouvernement le 2 novembre 1999. Interrogé vendredi par Le Monde, l’un de ses avocats, M e Jean Veil, attribuait cette mise en examen à « un mouvement d’humeur » des juges. Alors qu’en Allemagne, la compa- gnie pétrolière est soupçonnée d’avoir financé illégalement le parti d’Helmut Kohl, cette mise en exa- men donne à l’affaire Elf une nou- velle dimension. D’autres personna- lités politiques pourraient être prochainement poursuivies pour des pratiques similaires. L’enquête montre, par exemple, que plusieurs collaborateurs de Charles Pasqua ont été rémunérés par Elf. Par ailleurs, selon le Financial Times, Elf aurait perdu, sous la présidence de Loïk Le Floch-Prigent, entre 1989 et 1993, 25 milliards de francs en raison à la fois de mauvais investissements, de fraudes et de détournements. La compagnie confirme au Monde une perte minimale de 21 milliards. Lire page 8

e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

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Page 1: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

LeMonde Job: WMQ2901--0001-0 WAS LMQ2901-1 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 11:07 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 21Fap: 100 No: 0365 Lcp: 700 CMYK

56e ANNÉE – No 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY – DIRECTEUR : JEAN-MARIE COLOMBANISAMEDI 29 JANVIER 2000

25 ATS ; Belgique, 48 FB ; Canada, 2,50 $ CAN ;Côte-d’Ivoire, 900 F CFA ; Danemark, 15 KRD ;Espagne, 225 PTA ; Gabon, 900 F CFA ; Grande-Bre-tagne, 1 £ ; Grèce, 500 DR ; Irlande, 1,40 £ ; Italie, 3000 L ;Luxembourg, 46 FL ; Maroc, 10 DH ; Norvège, 14 KRN ;Pays-Bas, 3 FL ; Portugal CON., 270 PTE ; Réunion, 10 F ;Sénégal, 900 F CFA ; Suède, 16 KRS ; Suisse, 2,20 FS ;Tunisie, 1,4 Din ; USA (NY), 2 $ ; USA (others), 2,50 $.

www.lemonde.fr

L’Allemagne veutprivatiser EDF

ÉTATS-UNIS

La solitudede Bill ClintonAl Gore est en campagne présidentielleau New Hampshire et Hillary en cam-pagne sénatoriale à New York. Bill Clin-ton (photo) s’ennuie, tout seul oupresque, à la Maison Blanche. Il a pro-noncé, jeudi 27 janvier, son dernier dis-cours sur l’état de l’Union, « plus solidequ’il n’a jamais été ». La « nouvelleéconomie » assure la prospérité desEtats-Unis, qui s’interrogent pourtantsur les disparités croissantes entrepauvres et riches. p. 2,

l’enquête p. 12 et l’analyse p. 15

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Au conseilde discipline

C’EST un triste jour dans la

Tournant politique dans l’affaire Elfb Dominique Strauss-Kahn a été mis en examen pour « complicité et recel d’abus de biens sociaux »

b Il est mis en cause pour le paiement de sa secrétaire par le groupe pétrolier b Fraudes,détournements et mauvais investissements : Elf aurait perdu 25 milliards de francs dans les années 90

Lionel Jospin :oui à l’épargne salariale,non à une Franced’actionnaires

JEAN-PIERRE BALLIGAND,

CHARGÉES de l’enquête sur les ministre de l’économie et des Kahn d’avoir « fait prendre en charge M. Strauss-Kahn avait démissionné

détournements commis au préjudicedu groupe pétrolier Elf-Aquitaineentre 1989 et 1993, les juges Eva Jolyet Laurence Vichnievsky ont adressé,mercredi 26 janvier, à l’ancien

LONDRES

Le cardinal, l’évêqu

finances, Dominique Strauss-Kahn,un avis de mise en examen pour« complicité par instruction donnée etrecel d’abus de biens sociaux ». Lesdeux juges reprochent à M. Strauss-

dait tout récemment «

e et le rabbin contre

les salaires de sa secrétaire parti-culière, Evelyne Duval, sans contrepar-tie réelle pour le groupe Elf, à hauteurd’environ 190 000 francs ». Déjà misen cause dans le dossier de la MNEF,

Restructurationerreurs et

FERMETURES de sites, cessions

pourquoi ce gouverne- hétérosexu

le prosélytisme gay en

du gouvernement le 2 novembre1999. Interrogé vendredi par LeMonde, l’un de ses avocats, Me JeanVeil, attribuait cette mise en examenà « un mouvement d’humeur » desjuges.

Alors qu’en Allemagne, la compa-gnie pétrolière est soupçonnéed’avoir financé illégalement le partid’Helmut Kohl, cette mise en exa-men donne à l’affaire Elf une nou-velle dimension. D’autres personna-lités politiques pourraient êtreprochainement poursuivies pour despratiques similaires. L’enquêtemontre, par exemple, que plusieurscollaborateurs de Charles Pasqua ontété rémunérés par Elf. Par ailleurs,selon le Financial Times, Elf auraitperdu, sous la présidence de Loïk LeFloch-Prigent, entre 1989 et 1993,25 milliards de francs en raison à lafois de mauvais investissements, defraudes et de détournements. Lacompagnie confirme au Monde uneperte minimale de 21 milliards.

Lire page 8

député (PS) de l’Aisne, et Jean-Bap-tiste de Foucauld, ancien commis-saire au Plan, ont remis au premierministre, vendredi 28 janvier, le rap-port sur l’épargne salariale que cedernier leur avait commandé àl’automne 1999, au plus fort de lacontroverse sur les stocks-options.Ce rapport préconise le développe-ment pour tous les salariés, notam-ment dans les petites et moyennesentreprises, des mécanismes de laparticipation, de l’intéressement etdes plans d’épargne. Il écarte, enrevanche, la généralisation desstock-options et une hausse de leurtaxation. Le premier ministreaborde ce dossier avec précaution.Favorable au développement del’épargne salariale, il n’entend pasfaire d’une France d’actionnairesson projet de société.

Lire page 6

elle. « Des jeunes qui n’ont jamais

Grande-Bretagne

MODE HOMMES

Very britishLes défilés parisiens ont marqué leretour au classicisme pour les hommes.Vestes de chasse, réhabilitation dutrench, costumes en velours côtelé(photo Hermès), pantalons de grosselaine, duffel-coat ou capes-pèlerines :les créateurs se sont tournés vers lavieille Angleterre pour y trouver le stylede l’hiver 2000-2001. p. 26

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a vie de Thomas, quatorzeans. C’est l’histoire de la faute qu’ila commise en classe : posséder,dans une boîte de dragées,12 grammes de cannabis. Et c’estsa comparution devant le conseilde discipline de son collège. Notrereporteur a pu y assister et racontela scène, en préservant l’anonymatdes personnes et du lieu. Uneséance poignante, en présence desparents, au terme de laquelle Tho-mas sera exclu définitivement del’établissement. Ce reportageillustre les difficultés et les contra-dictions des différents acteurs– enseignants, parents, élèves – aumoment où le plan de lutte contrela violence à l’école annoncé parClaude Allègre est jugé insuffisant.

Lire page 10

de notre correspondantBranle-bas de combat et union sacrée des

religions catholique, anglicane, musulmaneet juive au Royaume-Uni ! Tony Blairs’apprête à abroger une loi interdisant auxécoles, collèges et lycées de « promouvoirl’homosexualité ». Allumé en Ecosse par legouvernement travailliste autonome d’Edim-bourg, qui voulait voter l’annulation de cetteloi avant le Parlement « central » de West-minster, l’incendie de protestations s’estrépandu comme un feu de brousse dans toutle pays. Il unit les grandes religions mono-théistes du royaume et divise les élus danstous les partis. L’auguste Chambre des lords arejeté l’avant-projet de loi « sacrilège », maisle texte reviendra vite, promet Tony Blair.Comme à l’accoutumée dans ce pays tout à lafois tolérant et profondément conservateur,la question gay enflamme les esprits,déclenche de furieux débats et occupe la« une » des journaux.

Dans un gros titre ravageur et lourd desous-entendus, le Daily Mail, tabloïd préféréde la droite et des anti-Blairistes, se deman-

ment [qui compte quatre ministres gaysdéclarés ou notoires] s’obsède-t-il à promou-voir encore plus l’homosexualité ? » Le Sun asurenchéri : « La majorité silencieuse en aassez des concessions faites à une minoritémilitante ! » Décontenancé, le porte-parolede Tony Blair réplique que, selon « la manièredont les opposants présentent les choses, onpourrait croire qu’il est question d’autoriser leprosélytisme homosexuel ! Ce n’est absolumentpas le cas. »

Mais Thomas Winning, primat catholiqued’Ecosse et chef de file des « anti », estime,lui, comme le grand rabbin Jonathan Sachs etle Conseil musulman du royaume, que la loi,imposée en 1988 par Margaret Thatcher, doitrester telle qu’elle est.

Le texte, fait valoir le prélat avec tous ceuxqui ont rejoint sa cause – 63 % des Ecossaissont opposés à l’abrogation –, n’interdit passpécifiquement aux enseignants « d’infor-mer » les élèves sur l’homosexualité. Il leurproscrit de la « promouvoir intentionnelle-ment » et de la présenter comme « une alter-native acceptable à une relation familiale »

été informés, soutiennent les partisans del’abrogation, sont morts de cette loi scélérateparce que chacun sait que le corps enseignantl’interprète comme une interdiction pure etsimple d’aborder le sujet. » Le texte deMme Thatcher, disent-ils, encourage les atti-tudes homophobes dès le primaire.

Pour le cardinal Winning, « l’homosexualitéest une perversion », qu’il ne faut « en aucuncas encourager ». Ni Georges Carey, l’arche-vêque anglican du royaume, ni le grand rab-bin Sachs n’emploient ces mots-là, mais ilssoulignent à l’unisson qu’il n’est pas questionde laisser les enseignants présenter « les rela-tions homosexuelles à un niveau égal à celui dumariage en tant que contexte approprié àl’intimité sexuelle. » Les députés conserva-teurs, qui se sont battus avec succès en 1998contre le projet blairiste d’abaisser la majo-rité légale des relations gays de dix-huit àseize ans, ont décidé mardi de voter contrel’abrogation lorsqu’elle leur sera soumise.L’inverse eût étonné.

Patrice Claude

de Moulinex: fatalitéun plan de restructuration finit par

PIANO

La mort deFriedrich GuldaAprès des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vientde mourir à l’âge de soixante-neuf ans,a mené une carrière qui se partageaitentre le jazz et le répertoire classique.Ce Viennois provocateur, qui se sentait« frère en musique » de Thomas Bern-hard, empêcheur de jouer en rond, aexercé une influence considérable surses cadets, dont Martha Argerich et

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Allemagne, 3 DM ; Antilles-Guyane, 10 F ; Autriche,

MINISTRE de l’économie et dela technologie, Werner Müller estun des piliers du gouvernementallemand. Dans un entretien auMonde, il réclame la privatisationd’EDF, qui vient de prendre uneparticipation dans le capital duquatrième électricien allemand,EnBW.

Lire page 18

WERNER MÜLLER

International ............. 2France .......................... 6Société ......................... 8Régions......................... 11Horizons ...................... 12Entreprises ................. 18Communication ........ 20Tableau de bord ........ 21

Aujourd’hui ................ 24Météorologie, jeux .. 27Culture......................... 28Guide culturel............ 30Carnet........................... 31Kiosque........................ 32Abonnements ............ 32Radio-Télévision....... 33

Nelson Freire. p. 28

d’usines, délocalisations, réduc-tion d’effectifs... Le nouveau plande redressement présenté, lundi24 janvier, par le PDG de Mouli-nex, Pierre Blayau (Le Monde du26 janvier), contraste avec ladébauche d’imagination et de rêveque nous avait réservée, depuis ledébut de l’année, le monde del’industrie. Tandis que d’autrestentent à coups de fusions, toutesplus folles les unes que les autres,de bâtir les entreprises du futur– comme AOL-Time Warner –, legroupe d’électroménager nousramène d’un coup vers le passé. Ilrappelle à notre souvenir lacohorte des restructurations pas silointaines – sidérurgie, textile,machine-outil –, mais dont l’imageavait commencé à s’estomper sousle double effet du retour à la crois-sance et de l’euphorie Internet.

Aspirateurs et fours à micro-ondes vont donc venir grossir laliste de ces produits progressive-ment rayés du catalogue desusines françaises, tels que tee-shirts en coton, espadrilles, télévi-seurs ou ordinateurs, pour n’enciter que quelques exemples. Pourles salariés concernés, la nouvelle,consternante, a avant tout un airde déjà vu, déjà lu, déjà entendu. A

en succéder un autre. C’est pourremettre définitivement l’entre-prise sur les rails, plaident àchaque fois les dirigeants. C’est cequ’ont tenté de dire – et decroire – pendant de longuesannées ceux de la Lainière de Rou-baix, jusqu’à ce que le tribunal decommerce prononce sa liquida-tion, le 7 décembre 1999.

Mais dans un monde où lesparamètres économiques necessent d’évoluer, il n’y a jamaisrien de définitif. Et l’on recom-mence quelques mois ou quelquesannées plus tard. Chez Moulinex,qui malgré ses déboires continued’occuper la place de numéro unfrançais du petit électroménager,on ne le sait que trop. Le dernierde ces plans remonte à 1996, etc’était loin d’être le premier.L’entreprise avait alors pro-grammé 2 400 suppressions d’em-plois. Cette fois, le nombre depostes concernés se situerait entre1 500 et 2 000. Comment les sala-riés pourraient-ils encore croire àcette « der des der » qu’on leurpromet ?

Anne-Marie Rocco

Lire la suite page 15

Page 2: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

LeMonde Job: WMQ2901--0002-0 WAS LMQ2901-2 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 10:50 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 21Fap: 100 No: 0366 Lcp: 700 CMYK

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I N T E R N A T I O N A LLE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000

« Nous devons encourager la Russie et la Chine »

NEW YORKde notre correspondante

Mardi 25 janvier, une tempêtede neige s’est abattue sur la côteest des Etats-Unis, provoquant lafermeture des administrations àWashington et l’annulation d’undéjeuner auquel le président Clin-ton devait prendre la parole. Blo-qué dans une Maison Blanche àmoitié déserte, Bill Clinton auraitpu trouver mille choses à faire.

Mais la dernière chose dontM. Clinton a envie ces temps-ci,alors que le compte à rebours acommencé sur la dernière annéede son dernier mandat, est de seretrouver seul dans son bureau.Alors le président s’est dirigé versla salle de presse, à moitié videelle aussi, tempête oblige, et a te-nu une conférence de presse im-promptue.

Bien que l’objet officiel en fût le

plan présidentiel de rembourse-ment de la dette fédérale d’ici àl’an 2013, Bill Clinton s’est vitelaissé entraîner sur mille autressujets et, intarissable, résistait auxappels du pied de son porte-pa-role, Joe Lockhart, qui tentait delui faire abandonner le podium.

À L’ÉCART DES PRIMAIRESAu bout d’un moment, les

chaînes d’informations en conti-nu, qui avaient interrompu leursprogrammes pour diffuser laconférence de presse du pré-sident, ont à leur tour abandonnéla Maison Blanche pour reprendrele cours d’affaires plus pressantes.Hors caméras, un journaliste po-sait une dernière question àM. Clinton : est-ce que la cam-pagne des primaires, qui venait dedémarrer pour de bon dans l’Iowa,et dont il est absent pour la pre-

mière fois depuis huit ans, luimanquait ? Touché ! « J’adore ça,vous le savez bien », avoua-t-il.Puis, refusant de se laisser entraî-ner dans le jeu des pronostics, ilajouta : « Je crois, vous savez, que levice-président, le sénateur Bradley,le gouverneur Bush et le sénateurMcCain peuvent parfaitement sedébrouiller sans moi. »

C’est bien là le problème. D’ins-tinct très grégaire, cet hommeconnu pour tirer une grande éner-gie de ses contacts humains et quia depuis huit ans, pour le meilleuret pour le pire, dominé la vie pu-blique américaine, constate qu’aumoment où son règne touche à safin cette vie publique se déroulede plus en plus en dehors de lui.Deux de ses plus précieux conseil-lers, sa femme Hillary et le vice-président Al Gore, ont décidé devoler de leurs propres ailes etmènent chacun leur campagne, lapremière pour le Sénat, le secondpour la présidence des Etats-Unis,avec un trait commun : le meilleurservice que Bill Clinton puisse leurrendre est de s’en tenir à distancerespectueuse, afin de leur épar-gner les retombées négatives de lafameuse « lassitude de Clinton »qui, dit-on, affecte l’électorat de-puis l’affaire Lewinsky.

« PROFITER DE CHAQUE MINUTE »Lui, véritable bête de campagne

électorale, se trouve contraint,cette année, de se tenir à l’écartdes primaires : au moment où toutle monde est dans le New Hamps-hire, Bill Clinton prend l’avionpour se rendre à Davos et, comblede l’infâmie, sans l’escorte d’unavion de presse, faute d’intérêt.

Chelsea, la fille unique des Clin-ton, est à cinq heures d’avion surla côte ouest, à Stanford Universi-ty. Hillary Clinton, elle, a pris sesquartiers dans leur nouvelle mai-son de Chappaqua, dans l’Etat deNew York où elle est candidate, etn’est plus là pour lui imposer unediscipline horaire le soir.

Résultat, confient les membresde l’entourage présidentiel à toutela presse américaine, les soirs où iln’est pas pris par un dîner ou unefonction officielle, Bill Clinton errecomme une âme en peine, penduau téléphone avec ses conseillersjusqu’à des heures avancées de la

nuit. Ou du moins avec lesproches conseillers qu’il lui reste :beaucoup ont quitté récemmentou quittent la Maison Blanchepour se recaser dans le secteur pri-vé avant le changement d’équipe.

Le président Clinton a une autrepréoccupation en cette fin demandat : celle de la marque qu’illaissera dans l’histoire, ce que re-tiendront ses compatriotes de sonpassage à la Maison Blanche, qu’ilquittera à cinquante-quatre ans.Comment effacer le désastre desquatorze mois passés sur l’affaireLewinsky ? Une belle réussite depolitique étrangère serait évidem-ment la bienvenue, d’autant plusque les voyages lui permettent defuir la solitude de la MaisonBlanche : M. Clinton se dépensesans compter pour tenter de dé-bloquer la situation au Proche-Orient.

La protection de la nature et dupatrimoine lui offre un autrechamp d’intervention dans lequelil peut s’aventurer sans avoir àcomposer avec un Congrès trèsréticent au compromis avec lui ; ilvient par exemple de classer troismonuments nationaux dans l’Ari-zona. « Même les canards boiteuxont des ailes », s’amuse Bruce Bab-bitt, chargé de l’aménagement duterritoire au sein de l’administra-tion Clinton, en ironisant sur lesurnom de canard boiteux quedonne l’opposition au président.

Signe qu’une ère tire à sa fin, leNew York Times a, il y a quelquesjours, commencé à tirer le bilan dela présidence Clinton, y opposant« les discours passionnés et lesbonnes intentions » aux « tristesquestions sur ce qu’aurait pu être »cette présidence. « Une belle an-née finale et une digne carrièrepostprésidentielle pourraient par-tiellement rétablir le respect queM. Clinton a bafoué », juge le quo-tidien.

Déterminé à « profiter dechaque minute de chaque jour »qui lui reste à la Maison Blanche,rêvant de « ne pas avoir à dormirpendant un an » pour mieux enjouir et habitué à rebondir, BillClinton pourrait bien réserver en-core quelques surprises à ceux quil’enterrent déjà.

Sylvie Kauffmann

La solitude du président en fin de mandat

VOICI les principaux thèmes abordés par Bill Clintonlors de son discours sur l’état de l’Union, prononcé jeudi27 janvier devant le Congrès :

b La Russie et la Chine : « Nous devons encoura-ger nos anciens adversaires, la Russie et la Chine, à

devenir des nations stables, pros-pères et démocratiques. Ces deuxpays sont retardés dans l’ac-complissement de leur potentiel :la Russie par l’héritage ducommunisme, les troubles écono-miques et une guerre cruelle etsans issue en Tchétchénie, laChine par l’illusion qu’elle peut

acheter la stabilité aux dépens de la liberté (...) C’estpourquoi le Congrès devrait soutenir l’accord quenous avons négocié pour faire entrer la Chine dansl’OMC (Organisation mondiale du commerce). »

b Les menaces et le terrorisme : les Etats-Unisdoivent « appliquer des accords pour limiter les pro-grammes nucléaires et de missiles en Corée du Nord,

diminuer le flot de technologie d’armement versl’Iran, empêcher l’Irak de menacer ses voisins (...) ettravailler au maintien de notre traité ABM avec laRussie. »

b Le traité d’interdiction des essais nucléaires(CTBT) : « J’espère que nous pourrons avoir cette an-née un dialogue bipartisan (entre républicains et dé-mocrates) constructif pour atteindre un consensus quiconduira à la ratification du CTBT. »

b La pauvreté dans le monde : « Nous devons rem-plir notre rôle dans le plan général visant à réduire ladette des pays les plus pauvres afin qu’ils puissent in-vestir dans l’éducation, la santé et la croissanceéconomique. »

b L’environnement : « Le plus plus grand défi enmatière d’environnement pour le prochain siècle estle réchauffement climatique (...). Si nous ne réduisonspas les émissions de gaz résultant de l’effet de serre,des vagues de chaleur et des sécheresses deviendrontde plus en plus en fréquentes, des régions côtières se-ront inondées, des économies perturbées. »

WASHINGTONde notre correspondant

Dans son éditorial du jeudi 27 jan-vier, le Manchester Union Leadercomparait le président et son vice-président à un couple de gangsterss’entraidant l’un l’autre dans leursmauvais coups. Il assurait que BillClinton avait bousculé le tradition-nel calendrier du discours sur l’étatde l’Union pour soutenir Al Goredans sa lutte pour enlever à son rivalBill Bradley la primaire organisée lasemaine prochaine dans ce petit Etatde Nouvelle-Angleterre.

Force est de constater qu’en cettedernière année de l’ère Clinton lesdeux hommes ont plus que jamaisbesoin l’un de l’autre. La principaleraison pour laquelle le locataire de laMaison Blanche pèse de tout sonpoids en faveur de son vice-pré-sident est simple : une victoire répu-blicaine – voire l’élection de l’ex-sé-nateur démocrate Bradley – seraitun désaveu cinglant pour sa per-sonne plus que pour sa politique,dont les résultats économiques sonttrès largement reconnus.

REDOUTABLE DILEMMETransmettre le pouvoir en jan-

vier 2001 à Al Gore perpétuerait l’èreClinton et apparaîtrait comme uneréhabilitation pour l’un des très rareschefs d’Etat américains marqués dusceau de l’infamie d’une procédureen destitution. C’est pourquoi, de-puis des mois, le président joue lejeu de la coopération et partage pu-bliquement ses lauriers avecAl Gore.

Les choses ne sont pas aussisimples pour ce dernier, qui setrouve face à un redoutable di-lemme : comment bénéficier de lapopularité de la politique écono-mique clintonienne et de l’appui del’appareil d’Etat tout en marquantses distances avec le petit mondemal aimé du « Bunker » de Was-hington et avec la « Clinton Fa-tigue » de l’électorat après lesfrasques du Monicagate ?

A plusieurs reprises l’an dernier, ila marqué ses distances avec la Mai-son Blanche en critiquant lecomportement privé d’un présidentavec lequel il travaille pourtant étroi-tement depuis plus de sept ans, et en

s’en désolidarisant. Il a affirmé qu’ilétait son propre maître et non pasun Clinton-bis, à la peau duquel col-lerait l’opprobre de l’affaire Lewins-ky et des indélicatesses financièresde la campagne présidentielle de1996. Attaqué mercredi par Bill Bra-dley sur ce dernier point, il s’en estsorti par une pirouette. Ce seramoins aisé quand il devra faire face àl’artillerie lourde de la propaganderépublicaine.

Les propositions contenues dansle discours sur l’état de l’Union dansdes domaines comme la santé, l’édu-cation, les retraites, le salaire mini-mum, le contrôle des armes à feu,les baisses d’impôts représententplus que le testament politique deBill Clinton : elles sont un coup demain bienvenu pour Al Gore dans lamesure où elles soutiennent saplate-forme électorale face à celle deBill Bradley.

Des membres du cabinet ont faitcampagne en sa faveur, par exempleau New Hampshire, où M. Bradleyétait au coude à coude avecM. Gore, tandis que ce dernier mul-tipliait les réunions dans l’Iowa, dontil a remporté le caucus de lundi. Leprésident le fait également profiterde sa grande popularité chez les syn-dicats et chez les Noirs, tout commede son talent à ramasser des contri-butions financières. Ce dernier pointest d’autant plus important que letrésor de guerre de M. Gore est infé-rieur à celui de son rival démocrate,ce qui risque d’être un handicapdans le cas d’une lutte serrée lors desdeux « super mardis » de mars. Si savie privée paraît sans tache, il a étécompromis dans plusieurs affairesde financement politique. Al Goreréussira-t-il à se draper à la fois dansl’aura de prospérité sans précédentque connaît l’Amérique depuis plu-sieurs années sans être contraintd’assumer sa part de responsabilitédans la dégradation morale qui l’aaccompagnée en haut lieu ? Lesélecteurs de l’Iowa ont pensé queoui, selon les derniers sondages,ceux du New Hampshire semblentpencher dans le même sens. Mais ilssont connus pour leur indépendancesourcilleuse et rien n’est encore joué.

P. de B.

Al Gore, l’héritierqui doit garder ses distances

Bill Clinton salue une Amérique « qui n’a jamais été aussi forte »Dans son ultime discours sur l’état de l’Union, le président des Etats-Unis se félicite d’une prospérité sans précédent, de la réduction de moitié du nombre

d’assistés sociaux et de la baisse de la criminalité. Il a rendu hommage à son vice-président, Al Gore, en campagne pour l’élection de novembre

ÉTATS-UNIS Dans son discourssur l’état de l’Union, prononcé jeudi27 janvier devant le Congrès et lescorps constitués, Bill Clinton a exhortél’Amérique à profiter de sa prospérité

sans précédent pour construire unenation encore meilleure pour leXXIe siècle. b OVATIONNÉ à de nom-breuses reprises, il a proposé un longcatalogue de mesures, dont beaucoup

s’inspiraient d’initiatives rejetées ouignorées l’an dernier par la majoritérépublicaine du Congrès. b LE VICE-PRÉSIDENT Al Gore, en campagnepour les élections de novembre, tente

d’hériter du dynamisme retrouvémais en se démarquant des scandalesdu président. b CETTE INTERVENTIONde Bill Clinton était la dernière de sonultime mandat, à l’heure où s’est en-

gagée sans lui la longue procéduredes investitures pour l’élection prési-dentielle. M. Clinton a dominé la viepolitique américaine ces huit der-nières années.

WASHINGTONde notre correspondant

Bill Clinton a prononcé devant leCongrès, jeudi 27 janvier, son der-nier discours sur l’état de l’Union.Dans un an, il ne sera plus là, et ilaura passé le témoin à son succes-seur. En ce premier mois de l’année2000, alors que les Etats-Unisconnaissent, selon lui, « la périodede croissance économique la pluslongue de leur histoire », le présidenta voulu à la fois dresser un bilanélogieux de ses deux mandats,prendre de la hauteur par rapport àune vie politique au quotidien plu-tôt conflictuel entre démocrates et

républicains, et donner à Al Gore lesoutien le plus appuyé possibledans la campagne qu’il mène pourlui succéder. Le vice-président, assisjuste au-dessus de lui, n’a pas man-qué une seule des 128 occasions quise sont offertes durant ce discoursd’une heure et demie pour l’applau-dir.

Le catalogue des propositionsprésentées à court et à long termede même que les principaux cha-pitres du bilan avaient de quoi ré-jouir les démocrates. L’atmosphèreavait bien changé depuis le dernierdiscours. C’était il y a un an, enpleine procédure de mise en ac-

cusation (impeachment) suivant lescandale du Monicagate. Blessé,menacé, à la merci d’une majoritéhostile, le président avait réussi àfaire bonne figure et présenté unprogramme dont il savait qu’il lerendait populaire. Cette fois, il adiscrètement savouré sa victoire enforme de revanche.

Sachant tirer le meilleur parti dela prospérité économique qui auracaractérisé ses huit années à la Mai-son Blanche, il a aligné les chiffresdont il souhaite qu’ils l’ac-compagnent dans les livres d’his-toire : 20 millions d’emplois créés, lepremier excédent budgétaire en

quarante-deux ans, la réduction de50 % du nombre d’assistés sociaux,la baisse de la criminalité. « L’étatde notre Union est plus solide qu’iln’a jamais été ! », s’est-il écrié. Ja-mais nous n’avons été aussi riches,jamais nous n’avons connu aussipeu de problèmes économiques etsociaux, une nouvelle vision, celled’une « révolution du XXIe siècle »,est apparue, offrant leur chance àtous et réformant le gouvernement,a-t-il poursuivi. « Après deux centvingt-quatre ans, la révolution améri-caine continue. Nous demeurons unenation nouvelle et nous le resterons àjamais. Telle est notre destinée ! », a-t-il conclu.

SANS GRAND POUVOIRAppeler ses compatriotes à avoir

une vision à long terme ne l’a pasempêché de souligner que « lesgrands objectifs se réalisaient pas àpas », reprenant ainsi à son comptela stratégie préconisée par Al Goreface à son challenger Bill Bradley,adepte des « grandes idées ». Cesobjectifs, ce sont une bonne éduca-tion pour tous les enfants ; la réus-site de chaque famille ; assurer unebonne protection des personnesâgées ; faire des Etats-Unis le grandpays le plus sûr ; rembourser ladette publique pour la première foisdepuis 1835 ; faire profiter toutes lescommunautés de cette prospérité ;« mettre un terme à la fracture digi-tale » entre ceux qui possèdent unordinateur et ceux qui n’en ont pas ;lutter contre le réchauffement de laplanète ; avoir des frontières plussûres ; promouvoir la mondialisa-

tion. Qui aurait pu s’opposer ouver-tement à des objectifs si nobles ?D’autant qu’ils étaient accompa-gnés d’éloges répétés aux deux ailesde l’Hémicycle.

Mais, en dépit du massif surplusbudgétaire prévu pour la prochainedécennie, il est peu probable queles républicains seront prêts à votertous ces projets et les milliers demilliards de dollars de dépensessupplémentaires et d’exemptionsfiscales demandés : plus de 1 mil-liard pour l’éducation, 100 000 nou-veaux postes d’enseignants, 30 mil-liards de crédits d’impôts pour aiderles jeunes à entrer à l’université et22 milliards pour investir dans leszones déshéritées, 400 milliards in-

vestis pour sauver le système desanté des personnes âgées, l’aide àl’épargne-retraite.

Ils ont déjà commencé à faire leuraddition, et elle est lourde. Ce n’estplus le problème du président, quisait qu’il ne sera plus là quand cesprojets prendront forme. Mais BillClinton est avant tout un politicien.Il sait qu’en sa dernière année demandat, il est sans grand pouvoir.Mais il sait aussi qu’il est resté po-pulaire pour toutes les mesuresqu’il a prises et qui allaient dans lesens de l’opinion. Et que celle-ci luiest reconnaissante de ce qu’il a ac-compli dans sa vie publique, mêmesi elle déplore ce qu’il a fait de sa vieprivée.

Les objectifs qu’il a définis sontégalement ceux du Parti démocrate,qui va se battre tout au long de l’an-née pour conserver la présidence etreprendre le contrôle du Congrès.

Le président compte bien quel’opinion le jugera à l’aune de sespromesses et jugera la majorité ré-publicaine des deux Chambres à cequ’elles ont réalisé. Ce qui pourraitlui permettre, comme l’an passé, dedénoncer un Congrès qui n’a pasfait grand-chose, paralysé qu’il étaitpar la rivalité des deux partis et lahaine de nombreux républicainsenvers Bill Clinton.

Et, dès vendredi, Al Gore repre-nait le chemin du New Hampshireet Hillary Clinton celui de NewYork, qu’elle compte bien représen-ter dans le Sénat qui sera élu en no-vembre.

Patrice de Beer

4,2

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en pourcentage du PIB

CROISSANCE (moyenne annuelle)

Bientôt l'atterrissage ?

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2000

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Source : OCDE*Prévisions

Page 3: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

LeMonde Job: WMQ2901--0003-0 WAS LMQ2901-3 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 10:54 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 21Fap: 100 No: 0367 Lcp: 700 CMYK

I N T E R N A T I O N A L LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000 / 3

Jacques Chirac fait partde sa « préoccupation »

Contrairement au dire desamis de conservateurs (ÖVP), lesamis européens des sociaux-dé-mocrates autrichiens ne sontpas les seuls à s’indigner de l’en-trée éventuelle de la droite po-puliste dans le gouvernement deVienne. Jacques Chirac a faitpart de sa « grande préoccupa-tion sur la façon dont la situationpolitique évoluait en Autriche »,jeudi 27 janvier, au cours d’unentretien téléphonique avec lechef de l’Etat autrichien, Tho-mas Klestil.

Le président de la Républiqueavait fait une démarche ana-logue au lendemain des élec-tions d’octobre 1999, encoura-geant le social-démocrate ViktorKlima et le conservateur Wolf-gang Schüssel a reconduire leuralliance pour éviter l’arrivée del’extrême droite au pouvoir. Ilest également intervenu ces der-niers jours auprès de dirigeantsde l’ÖVP, soulignant que l’idéo-logie du Parti de la liberté, et passeulement la personne de sonchef, Jörg Haider, inquiétait lespartenaires européens de l’Au-triche.

Une guerre « cruelle et sans issue », selon Bill ClintonLe président américain, Bill Clinton, a dénoncé, jeudi 27 janvier, la

Russie pour sa guerre « cruelle et sans issue » en Tchétchénie. Lors deson discours sur l’état de l’Union, M. Clinton a estimé que la Russieétait « retardée dans l’accomplissement de [son] potentiel » en raisonde « l’héritage du communisme, [des] troubles économiques, [et d’]uneguerre cruelle et sans issue en Tchétchénie ».

Les Etats-Unis se sont toutefois efforcés de ménager Moscou de-puis le début du conflit tchétchène, rappelant qu’ils respectaientl’intégrité territoriale de la Russie. Dans un texte publié par le maga-zine Time le 1er janvier, le président américain avait évoqué une « li-bération » de Grozny par les troupes russes, reprenant le terme em-ployé par Moscou : « La question pour les successeurs de BorisEltsine », écrivait-il, est de « libérer Grozny sans tuer des milliers de ci-vils ». M. Clinton affirmait, par ailleurs, être en « désaccord profond etouvert avec le gouvernement russe, non pas sur son droit de s’opposer àdes rebelles tchétchènes violents, mais sur son traitement des réfugiés ».

Le Conseil de l’Europe renonce à sanctionnerMoscou pour son offensive en Tchétchénie

La question devrait être réexaminée après l’élection présidentielle russeLe Conseil de l’Europe a rejeté, jeudi 27 janvier,un amendement proposé lundi par le groupe dé-mocrate-chrétien et des socialistes, demandant

la suspension des droits de vote de la déléga-tion russe. La question sera réexaminée en avril,soit après l’élection présidentielle russe. Le chef

de la diplomatie russe, Igor Ivanov, présent àStrasbourg, a longuement défendu l’« opéra-tion antiterroriste » menée dans le Caucase.

STRASBOURG(Conseil de l’Europe)de notre correspondant

17 h 20, jeudi 27 janvier : IgorIvanov quitte son siège à la fin dudébat sur la Tchétchénie et saluechaleureusement Lord Russel-Johnston, président de l’assembléeparlementaire du Conseil de l’Eu-rope. Le ministre russe des affairesétrangères avait de quoi être satis-fait après un vote qui lui donnaitentièrement satisfaction. La majo-rité des députés des quarante etun Etats membres de l’organisa-tion responsable des droits del’homme a en effet repoussé lessanctions demandées lundi parune minorité de chrétiens-démo-crates et de socialistes.

Tout avait été fait pour queM. Ivanov tienne la vedette toutau long de cette journée de dupes.A la demande du président et dubureau de l’Assemblée, le ministrea eu le droit de monter à la tribunepour plaider la cause de son gou-vernement. Par deux fois, en débutet en fin de débat, il a eu tout letemps nécessaire – contre quatreminutes par député – pour faire sadéclaration liminaire et répondreaux critiques.

Le représentant de Moscou a pu,ainsi, développer tout à loisir sondiscours logomachique : « Lorsqueles terroristes et les bandits se sontmis à lancer leurs attaques dans lesRépubliques voisines, il était devenuurgent d’éliminer la tumeur pouréviter la généralisation des méta-stases. » Ou encore : « La Fédéra-tion de Russie protège les frontières

européennes des attaques d’un ter-rorisme international qui, parti del’Afghanistan, a gangrené l’Asiecentrale, les Balkans et maintenantle Caucase. » Dans ces conditions,a conclu M. Ivanov, « il ne faut pasparler de conflit puisqu’il s’agit uni-quement d’une opération antiterro-riste que la Russie mènera jusqu’aubout. »

Le ministre savait à l’avancequ’il jouait gagnant à tous lescoups. La veille, la commission po-litique de l’Assemblée avait rejeté,par 18 voix contre 5 et 6 absten-tions, la suspension de la repré-sentation parlementaire russe à

Strasbourg. Mikhaïl Prusak(proche du pouvoir), vice-pré-sident de la délégation, expliquaitde son côté que Lord Russel-John-ston avait convenu, dans l’avionqui le ramenait d’Ingouchie àMoscou, à la fin de sa tournéedans le Caucase la semaine der-nière (Le Monde du 22 janvier),que « la République de Tchétchénieavait instauré un régime criminel ».

SCÉNARIO UKRAINIENLe texte voté en plénière faisait

l’impasse sur les sanctions. Pis : ildemande aux gouvernementsmembres de « fournir un soutienapproprié aux autorités russes envue de la mise en œuvre de poli-tiques visant à normaliser la situa-tion en Tchétchénie ». Rudolf Bin-dig (social-démocrate allemand) atenté, en pure perte, de trouver uncompromis en demandant que ladélégation russe puisse continuerà siéger mais sans droit de vote.

Pourtant d’autres voix s’étaientélevées pour éviter que le Conseilde l’Europe ne se trouve dans uneposition inextricable. Le présidentde la Commission de Bruxelles,Romano Prodi, invité mardi à in-tervenir devant l’Assemblée sur lesrelations entre le Conseil etl’Union européenne, avait deman-dé à l’institution de Strasbourg de« réviser ses modalités de coopéra-

tion avec la Fédération de Russie ».René van der Linden (chrétien-dé-mocrate néerlandais) avait mis engarde : « On ne peut permettre quele Conseil de l’Europe soit le grandperdant de ce débat. » Daniel Gou-let (RPR), le seul Français à partici-per au débat, lui, s’est écrié : « As-sez de mots et de promesses ! »

Lord Judd (travailliste britan-nique), rapporteur de la résolu-tion, a expliqué à l’issue du scrutinqu’« il n’était pas possible d’humi-lier une délégation parlementairemais que la participation de la Rus-sie au Conseil de l’Europe sera ter-minée à la session parlementaired’avril si des progrès sensiblesn’étaient pas enregistrés en Tché-tchénie ». D’ici là, l’élection prési-dentielle russe aura eu lieu et lepouvoir de Vladimir Poutine seraprobablement conforté. Il suffiraau Kremlin de faire quelques pro-messes de plus et le scénarioukrainien pourra se reproduire.Kiev a échappé aux « foudres » deStrasbourg en inscrivant l’aboli-tion de la peine de mort dans sanouvelle Constitution. Comme ledit un haut fonctionnaire euro-péen, las de cette mascarade : « LaRussie est trop importante pour leConseil de l’Europe pour qu’il lasanctionne. »

Marcel Scotto

Droite et extrême droitepoursuivent leurs

tractations en AutricheIndignation européenne et discrétion américaine

VIENNEde notre correspondante

« L’Autriche n’est pas un pays na-zi ! » : reprenant une déclarationdu chancelier socialiste Viktor Kli-ma, ce cri du cœur barre la « Une »du quotidien le plus populaire dupays, le Kronenzeitung, qui déjà,tout au long de l’affaire Waldheim,avait défendu la patrie contre descritiques jugées « excessives », enutilisant au besoin une rhétoriqueouvertement antisémite.

Mais, cette fois, il est difficile dedire que le concert de protestationsqui a accueilli en Europe les dis-cussions entre la droite conserva-trice et l’extrême droite populisteémane seulement d’Israël et d’or-ganisations juives, ou des amis so-cialistes du SPÖ, comme le suggé-rait mardi la députée européenneUrsula Stenzel, une ancienne jour-naliste de la télévision, très respec-tée en Autriche, qui dirige la frac-tion ÖVP au Parlement deStrasbourg.

Entre-temps, Nicole Fontaine,présidente française du Parlementeuropéen et elle-même membred’un parti conservateur, n’a pasmâché ses mots, s’affirmant, dansune déclaration rendue publiquejeudi, « inquiète de la perspective del’entrée de Jörg Haider au gouverne-ment autrichien ». « Le parti de JörgHaider, a ajouté Mme Fontaine, vé-hicule une idéologie aux antipodesdes valeurs humanistes qui fondenttoute société démocratique [et] il se-rait intolérable qu’un parti qui nieces principes fondamentaux accèdeau pouvoir dans un des pays del’Union. »

PROPOSITION BELGEAu cours de son briefing quoti-

dien, la Commission s’est en re-vanche abstenue de tout com-mentaire sur cette participation,notamment sur l’attitude ducommissaire autrichien Franz Fis-chler, en dépit de l’avalanche dequestions des journalistes.« Lorsque le gouvernement sera for-mé, la Commission examinera les ac-tions et les déclarations de celui-ci.Si elle le juge nécessaire, elle feraune déclaration », a dit le porte-pa-role européen Jonathan Faull.

De son côté, la Belgique exigeune « déclaration commune » del’Union européenne pour mettreen garde l’Autriche contre lesconséquences néfastes d’un telchoix. Tandis que son premier mi-nistre, Guy Verhofstadt, demandeau Portugal, qui assure actuelle-ment la présidence des Quinze, deconvoquer une réunion des mi-nistres des affaires étrangères afinde faire part des préoccupationseuropéennes à Wolfgang Schüssel.Le chef de l’ÖVP, qui est toujours lechef de la diplomatie de son pays,s’est efforcé à nouveau d’apaiserles craintes lors d’une intervention,jeudi, au Conseil de l’Europe.

De fait, l’éventualité d’un gou-vernement ÖVP-FPÖ n’a guèrerencontré jusqu’alors que l’appro-bation du chef du Front national,Jean-Marie Le Pen, et de la diri-geante de l’Alliance nationale (ex-trême droite) italienne, la nièce duduce Alessandra Mussolini. Pour sapart, le chef du gouvernement ita-lien, Massimo D’Alema, s’est dit« préoccupé » en tant que « démo-crate et citoyen européen », par lerisque d’une telle alliance.

Les médias autrichiens accordentune large place aux prises de posi-tion françaises, notamment à cellede Lionel Jospin et du présidentJacques Chirac, la « grande na-

tion » (périphrase qui désigne cou-ramment ici l’ancienne rivale del’empire des Habsbourg) étantconsidérée à Vienne comme uncontrepoids bienvenu, voire indis-pensable, à l’influence économiqueet politique du « grand frère » alle-mand. En revanche, on souligne ladiscrétion et la modération desréactions américaines, Jörg Haiderayant manifestement réussi à im-pressionner favorablement ses in-terlocuteurs lors de sa rencontreavec un haut responsable du dé-partement d’Etat, il y a quinzejours à Washington.

Sans se laisser troubler, appa-remment, par la vague d’indigna-tion européenne, l’ÖVP et le FPÖpoursuivent leurs discussions, trai-tant point par point d’un futur pro-gramme. Ils sont tombés d’accordsur un projet de budget qui prévoitd’économiser 10 milliards de shil-lings dans la fonction publique, lalibéralisation du secteur gaz-élec-tricité, un allongement de la duréedes cotisations pour la retraite et lacréation d’un fonds de dédomma-gement des travailleurs forcés sousle régime nazi. Vendredi, il devaitaborder le volet social, en parti-culier le projet central d’un salaire

maternel, tandis que les organisa-tions féministes protestent contreleur intention de supprimer le mi-nistère de la condition féminine etredoutent « un retour aux ténèbresdu machisme ».

Le président Thomas Klestil, au-quel Viktor Klima a rendu comptejeudi de son incapacité à formerseul un gouvernement, s’est biengardé pour le moment de confier lamême tâche aux chefs des partisarrivés en deuxième et troisièmepositions lors du scrutin du 3 octo-bre, Jörg Haider et WolfgangSchüssel. Il ne les recevra que lun-di, et sera placé alors devant la dé-cision politique la plus difficile, etla plus lourde de conséquencespour l’Autriche, depuis son électionen 1992.

Joëlle Stolz

L’ancien « intendant du Kremlin » rejette les accusations de corruptionMOSCOU

correspondancePavel Borodine, l’ancien « inten-

dant du Kremlin », a estimé jeudi27 janvier que le mandat d’amenerinternational délivré contre lui parla justice suisse, était une « provo-cation politique ». « Tout cela est di-rigé contre l’Union Russie-Biélorussie(M. Borodine vient d’être nommésecrétaire d’Etat de cette Union,NDLR) et contre les plus hauts diri-geants de l’Etat russe avec lesquelsj’ai travaillé », a-t-il dit.

Le juge genevois Daniel Devaud

a, quant à lui, confirmé qu’il avaitbien signé, à la fin de l’année pas-sée, un mandat d’amener contre ceproche de Boris Eltsine. Diffusé parles canaux d’Interpol, cet ordre si-gnifie que M. Borodine peut désor-mais être appréhendé par la force,dès qu’il sortira du territoire russeou biélorusse, puis amené devant lejuge suisse qui, selon les informa-tions du Monde, dispose de suffi-samment d’éléments pour l’in-culper de blanchiment d’argent.Son nom figure déjà dans une pro-cédure plus vaste, ouverte égale-

ment pour blanchiment d’argenten mai 1999 par le parquet de Ge-nève.

La justice suisse soupçonne cehaut fonctionnaire de s’être livré àdes malversations lors de la restau-ration du Kremlin. M. Borodine au-rait utilisé un double système de fi-nancement, impliquant l’argent dubudget d’Etat et la vente de pétrole.Une partie des fonds aurait été dé-tournée, puis blanchie à Genève.

L’homme d’affaire, Boris Bere-zovski, mis en cause dans des mal-versations financières concernant

la compagnie Aeroflot, a de son cô-té menacé d’engager des pour-suites judiciaires contre le juged’instruction russe Nikolaï Volkov,si celui-ci ne modifiait pas son« style de travail ». Dans une inter-view accordée au Monde, M. Vol-kov a récemment expliqué qu’il at-tendait de Suisse des piècesdécisives, pouvant conduire à l’in-culpation du financier russe pourescroquerie et blanchimentd’argent.

A. Du.

Disparition d’un journaliste russe de Radio Liberté en Tchétchénie MOSCOU

correspondanceOn était toujours sans nouvelles, vendredi

27 janvier, d’Andreï Babitski, le correspondantde Radio Svoboda (Radio Liberté), disparu auxalentours du 15 janvier en Tchétchénie. Depuisle début du conflit, ce journaliste de trente-cinq ans était l’un des rares reporters russes àtravailler côté tchétchène, racontant ainsi l’en-vers du décor : les civils terrés dans les caves àGrozny, les combats entre les troupes fédé-rales et les Tchétchènes, les morts. « QuandBabitski voit dix cadavres de soldats russes, il ledit à l’antenne », expliquait ainsi l’un de sescollègues.

Selon Alexandre Evtoucheko, journaliste à laKomsomolskaïa Pravda, rentré récemment deTchétchénie, Andreï Babitski aurait été inter-pellé au sud-ouest de Grozny par les milicienspro-russes de Bislan Gantamirov, un ancien re-pris de justice tchétchène. Il serait détenu dansla localité de Ourous-Martan. Cette informa-tion a été rapportée par un Tchétchène qui ac-compagnait Andreï Babitski, et qui fut relâché.« Je n’exclus pas que les hommes de Gantamirovaient agi sur des ordres venant d’en haut etqu’Andreï ait déjà été transmis aux Russes »,ajoute Alexandre Evtouchenko.

Radio Svoboda avait, dans un premiertemps, estimé que leur correspondant étaitentre les mains des forces fédérales ou des ser-vices secrets russes.

L’épouse du journaliste disparu, Lioudmila, araconté comment, le 21 janvier, à Moscou, descollaborateurs du FSB (ex-KGB) lui avaientconfisqué des négatifs de photos prises enTchétchénie par Andreï Babitski. « Sur certainsde ces négatifs, il y avait des combattants tché-tchènes et ils m’ont dit que cela pouvait faireavancer l’enquête sur les explosions terroristes àMoscou », précisait-elle.

LA CIBLE DE CRITIQUES DES AUTORITÉS RUSSESAndreï Babitski, qui avait couvert la pre-

mière guerre de Tchétchénie (1994-96), étaitdepuis quelques mois la cible de violentes cri-tiques de la part des autorités russes. A la mi-décembre, il fut l’un des rares témoins d’unsanglant accrochage sur la place Minoutka,lieu stratégique à l’ouest de Grozny. Il affirmaitalors avoir vu des dizaines de cadavres de sol-dats russes. Fin décembre, un communiqué of-ficiel russe l’accusait d’être à la solde des « ter-roristes tchétchènes ». « Babitski sera bientôtprêt à échanger son rôle de reporter contre celuide bourreau et à combattre dans l’une des unités

de ses idoles, Bassaïev et Khattab », disait cetexte.

Quelques jours plus tard, les forces russesexpulsaient de Tchétchénie sept correspon-dants de médias occidentaux.

Interrogé sur la disparition du journaliste deRadio Svoboda, Sergueï Iastrjembski, chargédepuis deux semaines par les autorités russesde chapeauter la politique médiatique concer-nant « l’opération anti-terroriste », a déclaréque M. Babitski ne détenait pas d’accréditationlui permettant de travailler en Tchétchénie.« C’est l’exemple qui prouve qu’il ne faut pas tra-vailler ainsi, dans une zone où ont lieu descombats », a-t-il dit. Il a cependant promis de« tout faire » pour la libération du journaliste,affirmant ignorer son lieu de détention.

Ancien porte-parole de Boris Eltsine,M. Iastrjemski promet d’instaurer un nouveausystème d’accréditations pour les correspon-dants de guerre, russes et étrangers. Lors d’unrécent voyage à Ourous-Martan, sanglé dansune tenue de camouflage, il a justifié la censuremilitaire au nom des « intérêts de l’Etat » et dé-claré qu’en Tchétchénie, tout allait « beaucoupmieux » que ne l’affirment les médias.

Agathe Duparc

Page 4: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

LeMonde Job: WMQ2901--0004-0 WAS LMQ2901-4 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 10:59 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 21Fap: 100 No: 0368 Lcp: 700 CMYK

Sur une table basse, dans le salonde son petit appartement surplom-bant un lac gelé au sud de Stock-holm, Leon Weintraub étale les do-cuments qui « prouvent » qu’il est

bien un survivant des camps deconcentration nazis. Une carte detravail du ghetto de Litzmannstadt,le nom allemand de Lodz, ville polo-naise rattachée au IIIe Reich en1939 ; et un « certificat d’incarcéra-tion et de résidence » au camp deFlossenburg, délivré par la Croix-Rouge. « Lorsque je leur montre cespièces, les élèves me croient, moi, etnon pas les négationnistes. » Asoixante-quatorze ans, ce juif polo-nais installé en Suède depuis troisdécennies n’a de cesse de vouloir ra-conter son histoire aux jeunes géné-rations, « pour qu’elles n’oublientpas ».

Deux fois par an, il se rend, à titrevolontaire, au lycée allemand deStockholm et, parfois, dans des éta-blissements suédois. « Rien ne vautle contact humain pour transmettreson expérience », estime ce petithomme vif à la moustache et auxcheveux couleur de neige. Chirur-gien à la retraite, il ne cherche pas àsusciter l’émotion : « Je parle commel’adolescent que j’étais à l’époque,sans faire de commentaires. » La sou-mission aux nazis, « l’impulsion » qui

Le premier ministre israélien a financé illégalement sa campagne électorale

4 / LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000 I N T E R N A T I O N A L

Une informationjudiciaireest ouverteà Dakar contreHissène Habré

DAKARcorrespondance

Une étape importante vientd’être franchie dans l’affaire His-sène Habré. Après le dépôt, mardi25 janvier à Dakar, d’une plaintecontre l’ancien président tchadienpour « actes de torture et crimescontre l’humanité », le procureur dela République a donné, jeudi soir,son feu vert à l’ouverture d’une in-formation judiciaire. « C’est unegrande victoire, estime Reed Brody,un responsable de Human RightsWatch, l’une des organisations dedéfense des droits de l’homme quiassiste les plaignants. Cela signifieque la justice sénégalaise se reconnaîtcompétente pour entendre l’affaire. »

Les juges sénégalais appliquentainsi, pour la première fois enAfrique, le principe de compétenceuniverselle, en vertu duquel toutresponsable présumé de torturespeut être jugé sur le territoire d’unEtat qui a ratifié la convention inter-nationale sur la torture. Ce qui est lecas du Sénégal, où vit Hissène Ha-bré depuis sa destitution en 1990.Demba Kandji, le doyen des jugesd’instruction, à qui l’affaire a étéconfiée, devait entendre dès ven-dredi les victimes tchadiennes quisont venues à Dakar pour se consti-tuer partie civile.

Souleymane Guengueng est l’unde ces plaignants. Il peut enfin ra-conter à la justice les tortures qu’il asubies, mais aussi parler au nom des792 membres de l’Association desvictimes de crimes et de répressionpolitique au Tchad qu’il préside. Detrès nombreux autres témoignagessont joints à la plainte.

Après l’audition des victimes, lejuge doit entendre Hissène Habré.S’il prononce son inculpation, lecoup d’envoi sera donné pour sonjugement. Les autorités sénéga-laises n’ont pas pris de mesureconservatoire pour empêcher l’an-cien président tchadien de quitter leterritoire. Toutefois, devant sa mai-son à Dakar, des gendarmesmontent la garde, en civil.

Brigitte Breuillac

JÉRUSALEMde notre correspondant

N’aurait été l’affaire Weizman, et,avant elle, les poursuites ou enquêtesdiverses lancées contre Arieh Deri,Tzahi Hanegbi et Benyamin Néta-nyahou, anciens ministres du gou-vernement précédent – tous accusésde détournement de fonds ou d’ap-propriation indue de biens publics –,les conclusions du contrôleur d’Etatchargé d’examiner les comptes despartis politiques lors de la dernièrecampagne électorale auraient étépeut-être différentes. Mais des « af-

faires », il y en a bien eu, et le contrô-leur d’Etat, Eliezer Goldberg, ancienmagistrat de la Cour suprême réputépour son intégrité, est particulière-ment sévère. Son rapport, rendu pu-blic jeudi 27 janvier, n’épargne quasi-ment personne et surtout pas EhoudBarak dont la coalition politique, Is-raël Uni, est accusée d’avoir grossiè-rement violé la loi sur le financementdes partis en mettant sur pied, du-rant la dernière campagne électorale,une gigantesque pompe à financescamouflée derrière une myriaded’associations à but non lucratif.

Selon le contrôleur d’Etat, équi-valent israélien du président françaisde la Cour des comptes, les contribu-tions versées illégalement à la forma-tion de M. Barak auraient atteint untotal de 10,9 millions de shekels (en-viron 2,5 millions d’euros) recueillispar le biais de quelque quarante as-sociations de circonstance dirigéespar des proches de M. Barak, dontson beau-frère, l’avocat Doron Co-hen, son directeur de campagne, TalZilberstein, ou l’actuel secrétaire gé-néral du gouvernement, YitzhakHerzog.

Devant l’importance des infrac-tions constatées, le contrôleur d’Etata infligé à Israël Uni une amende dequelque 1,26 million d’euros, aux-quels s’ajoute l’obligatoire restitutiond’une partie des sommes illégale-ment perçue, soit un total de 3,2 mil-lions d’euros.

ASSOCIATIONS FANTAISISTES Compte tenu du climat d’au-

jourd’hui qui lui interdit de solliciterses riches soutiens étrangers, M. Ba-rak n’aura vraisemblablementd’autre choix que d’hypothéquer unepartie des biens immobiliers de sonparti pour rembourser. Embarrassupplémentaire, il va lui falloir aussirépondre aux questions indiscrètesque s’apprêtent à lui poser les poli-ciers mandatés par Eliakim Rubins-tein, conseiller juridique du gouver-nement, qui a aussitôt ordonnél’ouverture d’une enquête policièrepour fraude, corruption, falsificationde documents et abus de confiance.

L’enquête ne se limite d’ailleurspas au parti de M. Barak. Des trenteet un partis qui ont présenté des can-didats à l’élection de la dernièreKnesset, seuls douze s’en sortentavec les poches propres, a constaté lecontrôleur Goldberg. Les dix-neufautres, parmi lesquels le Likoud del’ancien premier ministre BenyaminNétanyahou, ou le parti centriste del’ancien ministre de la défense et ac-tuel ministre des transports, ItzhakMordechaï, devront, eux aussi, payer

des amendes – il est vrai sensible-ment moins importantes que celleinfligée à M. Barak. Tous ontcontourné la loi en constituant leurtrésor de campagne grâce à des asso-ciations aussi fantaisistes qu’éphé-mères.

C’est d’ailleurs l’aspect généralisédu procédé qui pourrait sauverM. Barak en dépit des appels lancéspar le Likoud et son chef, Ariel Sha-ron, jugeant qu’il fallait faire le mé-nage « de la base au sommet »... duParti travailliste. Moins d’une heureaprès la publication du rapport Gold-berg, le premier ministre était à la té-lévision pour faire contre-feu. Visi-blement tendu, faisant preuve d’unemaladresse dont il n’est pas coutu-mier, il a nié avoir été au courant desdétails d’intendance laissés à la res-ponsabilité de subordonnés. Lecontrôleur d’Etat avait répondu paravance à cet argument en écrivantdans son rapport que « M. Barak au-rait dû vérifier si la campagne en safaveur se déroulait conformément à laloi ».

Le chef du Parti travailliste a égale-ment annoncé qu’il ferait appel de ladécision qui le frappe et demanderaità la Cour suprême une jurisprudenceclaire sur le financement des partispolitiques. Selon lui, la loi actuelle estambiguë et ne répond plus aux be-soins d’une campagne quasi prési-dentielle où sont élus, le même jour,au suffrage universel, députés et pre-mier ministre. En attendant uneéventuelle réforme, il va lui falloirfaire face aux attaques du Likoud,prompt à l’accuser d’avoir « achetésa victoire ». M. Barak a répliqué quele large écart des voix entre lui etM. Nétanyahou n’autorisait pas unetelle analyse. Mais l’argument, danssa simplicité, risque de porter. Aquelques mois d’un éventuel référen-dum difficile sur la paix avec la Syrie,l’affaire des associations de complai-sance ne pouvait pas plus mal tom-ber.

Georges Marion

Un rescapé des camps raconte...

PORTRAITDeux fois par an,Leon Weintraubtémoignedans les écoles

STOCKHOLMde notre correspondant

le sauva de la mort, lorsqu’il rejoi-gnit un convoi d’hommes emmenéshors d’Auschwitz pour aller travail-ler ailleurs, le « bonjour » prononcépar l’un des soldats français venus li-bérer les prisonniers.

Arrive le moment des questions.« Comme stupéfaits par ce qu’ils ontentendu », les élèves suédois fontsouvent preuve de moins de curiosi-té que leurs camarades allemands,sans doute « mieux préparés » parleur programme scolaire. Le fait queLeon Weintraub se soit ensuite ma-rié à une Allemande, ait appris salangue et apprécié sa culture, nelaisse d’intriguer les jeunes. « Je leurexplique avoir rayé le mot “haïr” demon vocabulaire. Ressentir un tel sen-timent reviendrait à me mettre au ni-veau des nazis. Ils me comprennent. »

« ASSURER UNE CONTINUITÉ »S’il ne veut pas haïr, le rescapé n’a

que mépris pour les néonazis : « Cesont des imbéciles ou des criminels,qui ne valent pas la peine d’être écou-tés ; leurs idées, on les connaît déjà. »Aussi attend-il du forum de Stock-holm sur la Shoah qu’il émette unemise en garde, tout en insistant surl’éducation. Cet effort de « longuehaleine », rappelle-t-il, devra sur-vivre à la disparition prochaine desderniers rescapés de l’Holocauste.Avec certains d’entre eux, LeonWeintraub réfléchit à la façon d’« as-surer une continuité ». Chaque resca-pé pourrait passer le témoin à unepersonne plus jeune qui parlerait enson nom. Une personne qui pourraitaller dans les écoles et dire : « j’aiconnu un homme nommé Leon Wein-traub, voilà ce qu’il m’a raconté... »

A. J.

Lancement symbolique du mémorial de BerlinBERLIN

de notre correspondantAprès dix ans de polémique, l’Allemagne a lancé,

jeudi 27 janvier, jour anniversaire de la libération ducamp d’Auschwitz, le processus de construction dumonument à la mémoire des victimes de l’Holocausteà Berlin. En présence du chancelier Schröder, despancartes décrivant le projet de l’architecte américainPeter Eisenman ont été dévoilées sur le terrain vaguede 2 hectares, situé entre la porte de Brandebourg etla Potsdamer Platz, à deux pas du Reichstag.

La cérémonie a eu lieu après une intervention duPrix Nobel de la paix, Elie Wiesel, devant les députés,mais il n’a pas été possible de poser la premièrepierre : le terrain n’est pas complètement acheté etles permis de construire n’ont pas été accordés. Laconstruction de 2700 stèles, formant une sorte de ci-metière de béton, ainsi qu’un centre d’informationsur la Shoah ne commencera sans doute pas avantl’été 2001. Le maire chrétien-démocrate de la ville,Eberhard Diepgen – opposé au projet qu’il juge tropmonumental –, avait boycotté la cérémonie.

Ce mémorial a été décidé par les Allemands pourles Allemands. La communauté juive n’en n’a jamaisvraiment voulu. « Nous portons notre mémorial dansnotre cœur », a déclaré Paul Spiegel, nouveau pré-

sident du conseil central des juifs en Allemagne. Ledébat sans fin a porté notamment sur les questionssuivantes : fallait-il un nouveau monument, alorsqu’il existe d’autre lieux de mémoire, en particulierles anciens camps de concentration ? Fallait-ilconstruire un monument pour les victimes juives seu-lement, ou pour toutes les victimes de la terreur na-zie, en particulier les Tsiganes ou les homosexuels ?

UNE MINORITÉ APPROUVE LE PROJETJeudi, dans l’ancien camp de Sachsenhausen, près

de Berlin, le chef de la communauté tsigane alle-mande, Romani Rose, a ainsi réclamé une énième foisun mémorial dédié aux cinq cent mille Tsiganes as-sassinés pendant la guerre.

La question était aussi de savoir si le monument nerisquait pas de figer l’Allemagne, de donner le senti-ment qu’elle tirait un trait sur son passé ? Enfin, lelieu ne risquait-t-il pas d’étre sali par les graffitis néo-nazis, ce qui contraindra à le placer sous haute pro-tection policière ? Le débat a été clos par le vote favo-rable au Parlement en septembre 1999. Un sondagepublié le même mois indiquait que seule une petiteminorité d’Allemands approuvait le projet.

Arnaud Leparmentier

STOCKHOLMde notre correspondant

« Ouvrons, ouvrez les archives ! »C’est le mot d’ordre lancé par prèsde cinquante pays dans la déclara-tion finale adoptée, vendredi 28 janvier, en clôture du Forum in-ternational sur la Shoah à Stock-holm. C’est aussi le seul point vé-ritablement concret d’undocument qui n’a pas de portéejuridique. « Nous nous engageons àfaire la lumière sur les zonesd’ombre qui demeurent sur laShoah. Nous prendrons toutes lesmesures nécessaires pour faciliterl’ouverture des archives, afin de ga-rantir que tous les documentsconcernant la Shoah soient acces-sibles aux chercheurs », peut-onlire dans ce texte en huit points.Un appel qui ne concerne doncpas l’ensemble des archives sur laseconde guerre mondiale.

Même si des avancées ont eulieu ces dernières années, le secret

entourant les archives demeure unobstacle à la recherche de la véritésur cette période, ainsi qu’aux de-mandes de compensations mo-rales et financières de la part desvictimes ou de leurs familles.Nombreux sont les pays présentsau forum dont la loi ou la pratiqueinterdit encore l’ouverture des ar-chives sur le conflit, cinquante-cinq ans après son dénouement.Ainsi, en Suède, pays hôte de laconférence, faudrait-il attendreencore quinze ans avant que lesdocuments en possession de lapolice secrète (Säpo) concernantcette période, ne soient dispo-nibles aux chercheurs. Un long dé-lai que le premier ministre, GöranPersson, a promis de réduire, lorsd’un discours prononcé le 19 jan-vier.

« Il n’y a plus de raison de garderles documents secrets si long-temps », a commenté le chef de ladélégation américaine, le secré-

taire d’Etat adjoint au commerce,Stuart Eizenstat, cité par le quoti-dien suédois Dagens Nyheter.« Bien que nous ne soyons pas juri-diquement liés à cette déclaration,nous prenons ici un engagementdont nous pourrons nous servir pourexiger une plus grande transpa-rence ». Les Etats-Unis espèrenten particulier que les archivesrusses soient plus transparentes.

« SOUTENIR LA VÉRITÉ » La déclaration de Stockholm,

qui met un terme à trois jours dediscours et de débats en présenced’une vingtaine de chefs d’Etat etde gouvernement, a surtout uneportée morale, qui s’étend au-delàde la Shoah. « La communauté in-ternationale, y lit-on, partage uneresponsabilité solennelle dans lalutte contre les maux » que sont lesgénocides, les épurations eth-niques, le racisme, l’antisémitismeet la xénophobie. « Ensemble, nous

devons soutenir la vérité terrible dela Shoah face à ceux qui la dé-nient. » Pour que les générationsfutures puissent « comprendre lescauses » de l’extermination dequelque six millions de Juifs, les si-gnataires de la déclaration s’en-gagent à « renforcer l’engagementmoral des peuples et politique desgouvernements ».

L’accent est également mis,comme prévu, sur l’éducation et larecherche sur la Shoah « soustoutes ses formes ». Pour rendrehommage aux victimes et ceux quis’opposèrent à cette horreur, lespays signataires s’engagent parailleurs à « encourager » diversesformes de commémoration, ycompris « une journée annuelle desouvenir de la Shoah ». La veille, lepremier ministre suédois, GöranPersson, avait annoncé que cettejournée, dans son pays, aurait lieule 27 janvier, date anniversaire dela libération du camp d’Auschwitz.

Interrogé jeudi par la télévisionsuédoise sur la volonté de laFrance d’organiser une conférencedu genre de celle de Stockholm,Lionel Jospin a répondu : « Natu-rellement, la France est tout à faitprête, si cela était souhaité, à ac-cueillir une telle conférence. Maisnous en discuterons dans le comitéd’organisation avec nos partenaireset surtout avec les Suédois. » Le tonemployé par le chef du gouverne-ment français, dans cet entretien,à l’encontre du leader de l’extrêmedroite autrichienne, Jörg Haider,était plus dur que celui dominantses propos de la veille. « Tous ceuxqui ne sont pas clairs par rapport àce que fut le nazisme, a soulignéM. Jospin, tous ceux qui ont un lan-gage trouble à l’égard des étrangersou à l’égard des juifs, tous ceux-làsont potentiellement une menacedans le champ des idées. »

Antoine Jacob

Le Forum sur la Shoah demande l’ouverture intégrale des archivesLes délégations de près de cinquante pays, réunies à Stockholm pendant trois jours, ont adopté une déclaration rappelant,

notamment, l’importance de l’éducation des jeunes générations afin de prévenir les tentations de racisme et d’antisémitismeLa Conférence internationale sur la Shoah, à la-quelle ont participé une vingtaine de chefsd’Etat et de gouvernement, s’est achevée, ven-dredi 28 janvier à Stockholm par l’adoptiond’une déclaration définissant les champs d’ac-

tion pour éviter la répétition de tels drames.Les pays participants ont appelé à l’ouverturede toutes les archives sur l’extermination desjuifs durant la seconde guerre mondiale de fa-çon que tous les documents encore tenus se-

crets deviennent accessibles aux chercheurs. Letexte met également l’accent sur l’éducationdes jeunes générations pour combattre l’anti-sémitisme et invite les signataires à encoura-ger diverses formes de commémoration du gé-

nocide, en organisant, par exemple une« journée solennelle du souvenir de la Shoah »,comme cela a été le cas dans plusieurs paysd’Europe, jeudi 27 janvier, jour anniversaire dela libération du camp d’Auschwitz.

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I N T E R N A T I O N A L LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000 / 5

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Le sort des réfugiés de Corée du Norden Chine suscite de vives inquiétudes

Des affamés auraient été renvoyés dans leur pays par PékinLa détresse des réfugiés de la faim provenant deCorée du Nord et qui tentent de survivre dans larégion frontalière chinoise est d’autant plus dif-

ficile à soulager que Pékin, allié historique dePyongyang, leur dénie le statut de réfugiés. Uneinitiative privée française en appelle aux gou-

vernements occidentaux pour faire pression surla Chine et débloquer ce drame occulté par uneimpasse politique.

UN DRAME humain qui attirepeu l’attention du monde se dé-roule, en Asie du Nord-Est, au norddu 38e parallèle : la famine de Coréedu Nord, qui passe pour avoir faitde 1 à 3 millions de morts au coursdes cinq dernières années. Un autredrame s’y ajoute, plus politique : ce-lui des centaines de milliers de réfu-giés de la faim qui, depuis ce pays,le dernier Etat totalement commu-niste de la planète, ont traversé lafrontière pour tenter de recueillir lesmiettes de prospérité d’une Chineen voie de décommunisation.

La Chine, alliée du régime dePyongyang depuis cinquante ans,leur refuse pour l’heure le statut deréfugiés qui permettrait à lacommunauté internationale de leurvenir en aide. Pour elle, ce serait re-connaître que le dictateurKim Jong-il, fils et successeur deKim Il-sung, dirige un système de-venu hostile à Pékin. Le risque seraitaussi de provoquer du même coupun afflux accru de réfugiés.

Le résultat de cette impasse di-plomatique, c’est qu’au moins30 000 Nord-Coréens végètent, sanssubsides, dans une détresse

complète, dans la région frontalièrechinoise de Yanji, glaciale en hiver.Certains se terrent dans des abris defortune, au creux de trous de mon-tagne. D’autres monnaient leurcorps comme ils peuvent. Certainsdeviennent ouvriers agricoles auservice des exploitations ruraleschinoises. Selon des témoignages, lapolice chinoise laisse faire, alors quecertains se plaignent d’être payésmisérablement sur une base an-nuelle. Des femmes et jeunes fillessont vendues et revendues à unepopulation masculine chinoise forteen âmes esseulées. C’est « mourirdeux fois » que d’avoir vécu en Co-rée du Nord et de se retrouver enChine, dit l’un de ces réfugiés dansun film de Michel Traubmann, dif-fusé par Arte en octobre dernier.

En novembre, selon la Corée duSud, sept Nord-Coréens âgés de 13à 30 ans ont franchi la frontière, tra-versé la plaine de Mandchourie enChine du Nord-Est, gagné la Russied’Extrême-Orient. Les gardes-fron-tière russes les ont refoulés et ren-dus à la Chine le 30 décembre. Lesautorités chinoises les ont renvoyésdans leur pays d’origine. Des res-

ponsables sud-coréens affirmentqu’ils ont été fusillés. C’est possible,même si nul n’en a la preuve. Le22 janvier, le régime du Nord a ac-cusé Séoul d’avoir voulu les prendreen otage et, faute d’avoir réussi, des’être lancé dans une « campagnefrénétique de diatribes » contrePyongyang.

INSENSIBLE À LEUR DÉTRESSELe Haut-Commissariat aux réfu-

giés des Nations unies et la Chineont échangé des propos aigres-doux au sujet de ces malheureux, lepremier reprochant au secondd’être insensible à leur détresse etPékin répliquant qu’il n’y avait làrien qui puisse justifier une préoc-cupation internationale. Des reli-gieux sud-coréens éprouvent égale-ment des difficultés à accéder auxdésespérés.

Un premier appel sérieux à l’Oc-cident pour qu’il se soucie de cetteaffaire a été élaboré, mardi 25 jan-vier, dans un sous-sol du Palais-Bourbon à Paris. Il a été adressé auxchefs d’Etat et de gouvernementréunis à Stokholm pour la confé-rence sur la Shoah. Il y a, en Corée

du Nord, une sorte de « crimecontre l’humanité » perpétré sinonsous nos yeux, puisque le pays esthérmétiquement fermé, du moinsen notre vague connaissance, dit cetappel, lancé à l’initiative de la Socié-té internationale des droits del’homme et épaulé par le députéHenri Plagnol (UDF).

Le levier d’une éventuelle inter-vention humanitaire internationalepasse par la Chine, qui se dit tou-jours liée à la survie du système KimIl-sung « comme les dents et leslèvres » de frères communistes. S’ilest difficile à Pékin d’autoriser lesNations unies à se préoccuper deces malheureux, il serait possible,dans un premier temps, de per-mettre au Comité international dela Croix-Rouge de s’en charger.L’affaire ne serait pas sans pré-cédent pour la Chine : celle-ci, en1979, après la guerre qui l’avait op-posée au Vietnam, avait acceptél’assistance internationale destinéeaux quelque 250 000 réfugiés viet-namiens d’origine chinoise quis’étaient repliés sur son sol.

Francis Deron

De nouveaux fonds secretsdécouverts par la CDU de HesseWIESBADEN. L’Union chrétienne-démocrate (CDU) du Land de Hessea annoncé, jeudi 27 janvier, avoir découvert de nouveaux fonds secretsdont les montants dépassent ceux qui avaient été jusqu’ici annoncés.Au total, 20 millions de marks (10 millions d’euros) puisés dans lescaisses du parti ont été transférés à l’étranger dans les années 80. C’estbeaucoup plus que les 8 millions de marks évoqués jusqu’ici.D’anciens dirigeants du CDU du Land de Hesse ont reconnu ce mois-ciavoir retiré des comptes du parti des sommes déposées ensuite sur descomptes secrets en Suisse et au Liechtenstein au début des années 80.Après avoir été investi en Bourse, l’argent revenait dans les comptes duparti, parfois sous forme de dons prétendument effectués par des sur-vivants de la Shoah vivant à l’étranger. – (AFP, Reuters.)

Pékin et Washington normalisentleurs relations militairesWASHINGTON. Le secrétaire américain à la défense, William Cohen, adéclaré, jeudi 27 janvier, que Washington et Pékin sont « sur la voied’une normalisation de [leurs] relations militaires », et accepté une invi-tation à se rendre en Chine « à un moment approprié pour les deux par-ties ». Pékin avait mis fin à ses contacts militaires avec les Etats-Unis enmai 1999, après le bombardement par un avion américain de l’ambas-sade de Chine à Belgrade, qui avait fait trois morts et vingt-sept blessésdurant la campagne aérienne contre la Yougoslavie.M. Cohen a annoncé cette reprise des rapports militaires après un en-tretien avec le chef du renseignement de l’Armée populaire de libéra-tion (APL), le général Xiong Guangkai. Les conversations avec celui-ci,au cours des trois derniers jours, à Washington, ont été « productives etconstructives », a jugé le Pentagone. Les Etats-Unis ont notamment misen garde la Chine contre un déploiement supplémentaire de missilesmenaçant Taïwan, qui pourrait conduire Washington à envisager de li-vrer des missiles tactiques à Taïpeh, a déclaré un haut responsableaméricain de la défense. – (AFP.)

DÉPÊCHESa ÉTATS-UNIS : un tribunal fédéral de Miami (Floride) tiendra uneaudience sur l’affaire du petit rescapé cubain, Elian Gonzalez, entre le6 et le 10 mars, a-t-on appris de source judiciaire. – (AFP.)a L’Etat du Texas (dans le sud des Etats-Unis) a fait exécuter, jeudi27 janvier, James Walter Moreland, trente-neuf ans, condamné à mortpour avoir poignardé deux hommes en 1982. Il est le troisième prison-nier à être exécuté cette semaine au Texas et le septième pour le moisde janvier. Il a été tué par injection létale. – (AFP.)a Ahmed Ressam, un Algérien de trente-deux ans, arrêté en dé-cembre 1999 à la frontière américano-canadienne en possession de60 kilos d’explosifs, a été inculpé, jeudi 27 janvier à Seattle, de complotvisant à détruire un bâtiment, de terrorisme et de détention d’explosifs.– (AFP.)a RWANDA : le Tribunal pénal international pour le Rwanda(TPIR) a condamné, jeudi 27 janvier, l’ancien directeur d’une usine dethé, Alfred Musema, à la réclusion à perpétuité pour génocide etcrimes contre l’humanité. On lui reprochait d’avoir organisé et partici-pé au massacre d’un groupe de Tutsis qui s’étaient réfugiés dans sonusine de Gisovu, dans l’ouest du Rwanda, pour échapper au génocide.Plusieurs de ses victimes étaient ses propres employés. M. Musema estle septième suspect condamné par le tribunal de l’ONU basé à Arusha(Tanzanie). – (Reuters.)a CÔTE D’IVOIRE : le général Robert Gueï, nouvel homme fort dupays, a annoncé, mercredi 26 janvier, l’amnistie des dirigeants et mili-tants du Rassemblement des républicains (RDR), deuxième formationde l’opposition, condamnés pour actes de violences en novembre 1999.Il a également annoncé la remise en liberté des derniers dignitaires del’ancien régime détenus depuis le coup d’Etat du 24 décembre contre leprésident Henri Konan Bédié. – (Reuters.)a PARIS : la communauté catholique Sant’Egidio, dont le siège est àRome, a été désignée jeudi 28 janvier lauréate 1999 du prix Félix Hou-phouët-Boigny pour la recherche de la paix de l’Unesco. Expliquant lechoix du jury dont il était président, M. Kissinger a indiqué qu’il s’agis-sait d’une « reconnaissance des efforts de la communauté Sant’Egidio enfaveur de la réconciliation œcuménique de toutes les religions ainsi que deson travail en Algérie, au Mozambique, en Guinée-Bissau et en Yougo-slavie ».a BIRMANIE : l’Union nationale karen (KNU), principale guérillaethnique de Birmanie, s’est choisie un nouveau chef alors que les mou-vements insurgés contre la junte militaire sont en plein désarroi aprèsl’attaque d’extrémistes cette semaine contre un hôpital thaïlandais. Legénéral Bo Mya, âgé de soixante-quatorze ans, président de la guérilla,a été démis de ses fonctions lors d’une assemblée de la KNU et degroupes opposés au régime de Rangoun. Il a été remplacé par Saw BaThin, soixante-treize ans, secrétaire général et diplomate du mouve-ment, majoritairement protestant. – (AFP.)a TIMOR-ORIENTAL : le journaliste néerlandais Sander Thoenes,dont le corps avait été retrouvé le 22 septembre 1999 au Timor-Orien-tal, a vraisemblablement été tué par des soldats indonésiens, a annon-cé, jeudi, un médecin légiste australien. Greg Cavanagh, qui a examinéson corps, a précisé que les tueurs du Néerlandais âgé de trente ans etqui travaillait pour le Financial Times, appartenaient « selon toute évi-dence disponible » au bataillon 745 des forces armées indonésiennes,TNI. – (Reuters.)a OTAN : la Turquie a fait preuve de réserves à la perspective, exa-minée mercredi 26 janvier par le conseil de l’Alliance atlantique, àBruxelles, de confier au printemps 2000 le commandement de la KFOR,au Kosovo, à l’état-major de l’Eurocorps composé d’officiers français,belges, allemands, espagnols et luxembourgeois. Un nouvel examen decette question par les alliés aura lieu, la semaine prochaine, à Bruxelles.a CROATIE : le chef de la nouvelle majorité de centre-gauche, lesocial-démocrate Ivica Racan, a été officiellement nommé premier mi-nistre, jeudi 27 janvier, par le président par intérim Vlatko Pavletic. Ilsuccède à ce poste à Zlatko Matesa, membre du HDZ (Communautédémocratique croate), le parti nationaliste de Franjo Tudjman que l’al-liance conduite par M. Racan a battu aux législatives du 3 janvier. –(AFP.)

Des députés européens contestentl’Office de lutte antifraudeSTRASBOURG. Soixante-dix députés européens ont récemment dé-posé une plainte auprès de la Cour européenne de justice, pour faireinvalider les pouvoirs de l’Office de lutte antifraude (OLAF), organismepouvant diligenter des enquêtes au sein de toutes les institutions del’Union. Le Parlement avait pourtant voté, en novembre 1999, la modi-fication de son règlement intérieur, pour « faciliter le bon déroulementdes enquêtes menées par l’Office ».Certains parlementaires déplorent toutefois que des fonctionnairespuissent perquisitionner leurs bureaux sans être mandatés par la jus-tice. De son côté, la Commission de Bruxelles a saisi les juges luxem-bourgeois pour imposer que la Banque centrale européenne modifieelle aussi son règlement intérieur, alors qu’elle se refuse à admettrel’intervention de l’OLAF. – (Corresp.)

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F R A N C ELE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000

Les oubliésdu dispositif

Jean-Pierre Balligand et Jean-Baptiste de Foucauld font l’in-ventaire des laissés-pour-compte de l’épargne salariale etregrettent qu’ils soient si nom-breux : d’une part, les fonction-naires, qui n’y ont pas accès,d’autre part les salariés à tempspartiel, intérimaires, employésd’associations, qui y ont droitmais sont souvent oubliés. Sansproposer une solution pourtous, les deux rapporteurs sug-gèrent que les inspecteurs dutravail multiplient les contrôlespour vérifier que les entreprisesde plus de 50 salariés se sou-mettent à leur obligation légaled’offrir à leurs salariés un ac-cord de participation. Ou encoreque les groupes de plus de 50 sa-lariés soient obligés de faire bé-néficier de la participation lessalariés de leurs petites filiales(comptant moins de 50 salariés).De même pour les entreprisesinstallées en zone franche.

Auchan, Société générale, Renault, Oracle : à chacun sa recetteb Auchan. La chaîne de distribu-

tion détient un record : 98 % dessalariés sont actionnaires de leurentreprise. Depuis 1977, la firme,qui n’est pas cotée, a mis en placeun système original qui permet auxsalariés d’être à la tête d’un magotde 6 milliards de francs – soit envi-ron 110 000 francs (16 769 euros)par personne – investi en actionsde la société. Leur valeur est éva-luée chaque année par des expertsextérieurs à l’entreprise. L’actionvalait un peu plus de 12 francs en1977, quand le système a été lancé ;elle vaut aujourd’hui 924 francs.« Une grande partie des salariés ontpu acheter leur maison, expliqueAnne-Marie Di Manno, assistantede direction au magasin deMantes-la-Jolie (Yvelines) etmembre du conseil de surveillanced’Auchan. Du coup, on a un étatd’esprit différent : je possède unepartie de mon entreprise, donc je mesens concernée par ses résultats. »Les salariés sont invités à avoirl’œil rivé sur la performance deleur magasin : chaque semaine,chaque chef de rayon réunit sescollaborateurs et les informe de laprogression des ventes. Une réu-nion mensuelle a lieu à l’échelle dechaque hypermarché.

b Société générale. Les action-naires salariés de la banque ont euleur heure de gloire cet été : enn’apportant pas leurs actions à laBNP, ils l’ont empêchée de mettrela main sur leur entreprise. Ils sontaujourd’hui les premiers action-naires du groupe avec 8,5 % de sestitres et près de 12 % des droits devote. Une participation qui n’a ces-sé de monter depuis la privatisa-tion, en 1987 : depuis, chaque an-née, la banque fait uneaugmentation de capital réservée àses salariés. Aujourd’hui, l’abonde-ment versé par l’entreprise(330 millions de francs en 1999) estsupérieur à l’intéressement(300 millions). « A plusieurs reprises,les salariés de la Société générale ontutilisé leur pouvoir d’actionnaires auprofit de l’intérêt des salariés », es-time Michel Marchet, de la CGT.Ainsi, en 1993, alors que des négo-ciations difficiles avaient lieu surdes suppressions de postes, les sa-lariés ont menacé de vendre leurstitres pour faire baisser l’action.Cependant, les salariés action-naires ont encore du mal à faire va-loir leur pouvoir. La direction a ré-pondu par la négative à lademande de la CGT, suite aux ba-tailles boursières de l’été 1999,d’avoir un représentant des action-naires salariés au conseil d’admi-nistration.

b Renault. Depuis sa privatisa-tion en 1994, l’ancienne régie a ap-

privoisé l’actionnariat salarié. Surles 140 000 salariés du groupe,80 000 détiennent des actions. Ilsont aujourd’hui 3 % du capital, unchiffre en baisse depuis 1998 où ilétait de 4 %. Nombre de salariésactionnaires ont vendu des titres,lors de l’attribution d’actions gra-tuites après trois ans de détention.« Les ouvriers plus que les cadres, cequi a provoqué une évolution socio-logique de l’électorat du conseil desurveillance du fonds commun deplacement du groupe », expliquePierre Alanche, représentant CFDTau conseil d’administration. Lorsdes dernières élections au conseilde surveillance du fonds communde placement d’entreprise, dont lesrésultats ont été publiés jeudi27 janvier, l’association des action-naires a, pour la première fois,remporté plus de voix que la CGC,en tête aux élections de 1995. « Lessyndicats sont allés à reculons dansl’actionnariat salarié, reconnaîtM. Alanche. Nous en payons lesconséquences. » La CGT et FO neprésentent pas de candidats. La dé-cision de baisser le montant de l’in-téressement a provoqué en dé-cembre une grève à l’usine de Flins.

b Oracle. Dans la filiale fran-çaise du groupe informatique amé-ricain, 43 % des 1 500 salariés

adhèrent au plan d’épargne sala-riale. Il permet d’épargner 10 % desa rémunération et de l’investir enactions de la société avec une dé-cote de 15 %. Les stock-options, ré-servées jusqu’il y a trois ans au ma-nagement, concernent désormaisprès de 22 % des salariés. « Il n’estpas question de les étendre à tout lemonde, explique Edith Legrand, di-rectrice des ressources humaines.Pour que le système soit efficace, ilfaut que les montants proposéssoient significatifs. Si c’est pour don-ner 100 actions, l’intéressement estplus adapté. » Chez Oracle, on tientà ce que la rémunération des sala-riés soit partiellement variable, ceque permet notamment l’épargnesalariale. Pour les commerciaux,cette part peut aller jusqu’à 50 %.« Nous avons constamment 5 % à10 % des postes non pourvus dansl’entreprise à cause de la pénurie demain-d’œuvre dans l’informatique.Nous avons besoin d’outils adaptéspour attirer et retenir les candi-dats », explique Mme Legrand. Unebonne affaire pour ceux qui enprofitent : en quatre ans, le coursde l’action Oracle cotée au Nasdaqa progressé de plus de 500 %.

Stéphane Laueret Virginie Malingre

CAPITALISME Le député socia-liste de l’Aisne, Jean-Pierre Balligand,et l’ancien commissaire général auPlan, Jean-Baptiste de Foucauld, ontremis au premier ministre, vendredi

28 janvier, le rapport sur l’épargnesalariale que ce dernier leur avaitcommandé. Cette réflexion est desti-née à nourrir le projet de loi en pré-paration sur les « nouvelles régula-

tions économiques ». b LE RAPPORTse prononce en faveur du dévelop-pement des mécanismes d’épargnesalariale (participation, intéresse-ment, actionnariat des salariés), no-

tamment dans les PME. Il se montreen revanche très conservateur sur lesstock-options. b LIONEL JOSPIN pa-raît décidé à faire preuve du plusgrand pragmatisme sur ce sujet. b À

DROITE, Edouard Balladur (RPR) d’uncôté et Philippe Douste-Blazy (UDF)de l’autre viennent de déposer despropositions de loi sur la « participa-tion ».

M. Jospin ouvre avec précaution le dossier de l’épargne salarialeLe rapport de MM. Balligand et de Foucauld sur le développement de la participation et de l’actionnariat salarié a été remis au premier ministre,

vendredi 28 janvier. Le gouvernement est favorable à cette perspective mais n’entend pas en faire un projet de sociétéÀ L’ORIGINE, ce devait « le »

grand projet économique du gou-vernement pour ce premier se-mestre 2000. Plus qu’un projetéconomique d’ailleurs, presque unprojet de société. Mais finalement,il n’en sera rien : le projet de loi surl’épargne salariale qui va voir lejour, sur la base des propositionsformulées par le député socialiste,Jean-Pierre Balligand, et l’ex-commissaire au Plan, Jean-Baptistede Foucauld, dans leur rapport re-mis vendredi 28 janvier au premierministre, sera, certes, important,aux yeux du gouvernement. Maisce ne sera qu’un projet parmid’autres, car, dans l’intervalle, lestermes du débat, dans la majorité,ont évolué et Lionel Jospin sembledésireux de n’avancer dans ce do-maine qu’avec beaucoup de prag-matisme.

Qu’on se souvienne, en effet, dela genèse de ce projet. Quand, audébut de l’automne, l’affaire Mi-chelin puis l’affaire Jaffré ont écla-té, M. Jospin a semblé impuissant,face aux nouvelles règles du jeuimposées par les fonds de pensionanglo-saxons, désormais massive-ment présents dans le capital desentreprises françaises. C’est donc

pour dissiper cette impression quele premier ministre a chargé, le13 octobre 1999, les deux expertsde réfléchir aux moyens de déve-lopper l’épargne salariale.

A l’époque, cette piste de ré-flexion a suscité un intense débat,à gauche, certains dirigeants socia-listes faisant valoir que ce projet dedéveloppement de l’épargne sala-riale était non seulement unmoyen d’apporter des complé-ments de rémunération, mais ausside modifier les rapports de pouvoirau sein des entreprises.

Le 22 octobre, à l’Assemblée na-tionale, Dominique Strauss-Kahndéfendait ainsi ce double point devue. Soulignant que « Keynes a faitdavantage que Rosa Luxemburgpour la classe ouvrière », il estimaitque les salariés devaient profiterdavantage des résultats des entre-prises. Mais il s’empressait d’ajou-ter que c’était aussi un moyen« d’infléchir l’évolution du capita-lisme ». « L’épargne salariale estdonc au cœur de notre projet »,ajoutait-il.

Dans un premier temps, les so-cialistes se sont donc pris à rêverd’une France d’actionnaires. C’estdans cet esprit que l’ancien mi-

nistre de l’économie, Michel Sapin,a conçu un rapport pour le PS (LeMonde du 13 janvier). Tout enconcédant que son objectif n’étaitpas de faire « de chaque Françaisun petit capitaliste », il affichaitl’ambition « de promouvoir, grâce àl’actionnariat salarié, une logique

nouvelle dans les entreprises ».Pourtant, plusieurs voix se sont

élevées, depuis, pour mettre engarde le gouvernement contre cenouvel enthousiasme. Avecd’autres, la ministre de l’emploi etde la solidarité, Martine Aubry, aainsi, lors d’un bureau national du

PS, le 11 janvier, fait part de son« scepticisme ». De même, FrançoisHollande, qui reconnaissait, il y apeu, que le développement del’épargne et de l’actionnariat dessalariés touche à la substancemême du contrat social dans l’en-treprise, se montre désormais plusprudent. Au Nouvel Economiste(daté 28 janvier-10 février) qui luidemande quelle est l’ambition dece chantier de l’épargne salariale,le premier secrétaire du PS répondbeaucoup plus modestement quepar le passé : « L’ambition, au-jourd’hui, est le pouvoir d’achat. »Et il ne fait référence qu’accessoi-rement à « l’émergence de groupesd’actionnaires salariés qui peuventpeser lors d’OPA ou de rachats hos-tiles ».

PROJET REVU À LA BAISSEBref, le projet a été revu à la

baisse. Et il apparaît clairementque M. Jospin n’y est pas pour rien.Désormais, l’Hôtel Matignon sou-haite aborder ce dossier avec pru-dence et n’entend pas y voir lesfondements d’un projet de société.En clair, il n’est pas dans les inten-tions du premier ministre d’enton-ner l’hymne ancien de l’association

du capital et du travail. Le rapportqui lui a été remis (lire ci-dessous)est d’ailleurs très révélateur de cechangement d’état d’esprit. S’ilavance de très nombreuses sugges-tions pour développer l’épargnesalariale, notamment dans lesPME, pour améliorer les systèmesd’abondement dans les entreprisesoù des plans d’épargne existent dé-jà, ou encore pour renforcer lesprérogatives des salariés-action-naires, il ne préconise pas une véri-table révolution dans ce domaine.

On sera d’ailleurs très rapide-ment fixé. D’ici à la mi-février, leprojet de loi sur les nouvelles régu-lations économiques (comprenantce volet sur l’épargne salriale, maisaussi un volet sur les relations pro-ducteurs-distribution et un voletsur le droit bancaire et boursier)sera transmis au Conseil d’Etat. Etdans l’intervalle, une concertationse poursuivra au sein du gouverne-ment, mais aussi dans la majorité.Ce sera l’occasion pour le gouver-nement de prouver qu’il entenddévelopper l’épargne salariale,mais sans pour autant épouser lathèse du capitalisme populaire.

Laurent Mauduit

La droite occupe le terrain en ordre disperséCERTAINS socialistes en rient

encore : aller « piquer » unegrande idée gaulliste, la participa-tion, dans le fonds de commercede la droite sans que celle-ci neréagisse – ou avec quel retard ! –,et la recycler en mesure degauche... C’est pourtant ce « hold-up idéologique » que le PS acommis, obligeant l’opposition à yrépondre en catastrophe. Le RPR,l’UDF et DL l’ont fait dans le dé-sordre, en publiant, à quelquesjours d’intervalle, deux proposi-tions de loi sur l’épargne salariale.La première a été signée parEdouard Balladur (RPR, Paris). Laseconde, présentée par le groupeUDF et cosignée par des députésRPR et DL, sera défendue enséance publique, le 8 février, parPhilippe Douste-Blazy (Pyrénées-Atlantiques), président du groupeUDF de l’Assemblée.

En présentant son projet, jeudi20 janvier, l’ancien premier mi-nistre s’est dit soucieux de mettreen place « une économie plus mo-derne » dans laquelle chacunpuisse « s’exprimer dans l’entrepriseet recueille le fruit de son effort ».M. Balladur, qui a été au cœur dela mise en place de la participation,

en 1967, comme conseiller socialde Georges Pompidou, estime quela participation des salariés à lacroissance de leur société « ne peutplus être seulement financière ».Son projet comporte cinq volets : ilprévoit de « rendre obligatoire laparticipation » à partir de 5 salariés– en contrepartie d’« une provisionfiscale pour investissement » accor-dée aux PME de moins de 50 em-ployés ; « un plan d’épargne entre-prise pour la retraite » seraitobligatoire, l’intéressement et laparticipation pouvant y être ver-sés ; 5 % des augmentations de ca-pital devraient être souscrits parles employés (avec un rabais de50 %) afin de « favoriser l’actionna-riat salarié » ; les stock-options bé-néficieraient à tous les salariés ; laparticipation des salariés action-naires au conseil d’administrationdeviendrait « obligatoire ».

RÉPONSE À LA MONDIALISATIONLe projet de la « droite plu-

rielle » est différent – dans son es-prit, sinon dans ses modalités –,car il n’instaure aucune obligation.Pour M. Douste-Blazy commepour Jacques Godfrain (Aveyron),spécialiste de ces questions au

RPR, la participation est la « vraieréponse à l’inquiétude suscitée parla mondialisation ». Le groupe dedéputés ayant participé à l’élabo-ration du texte juge urgent de fa-voriser le développement de l’in-téressement, notamment à traversdes plans d’épargne interentre-prises. Il convient aussi, selon eux,de garantir les sommes déposéespar les salariés, notamment en casde changement de société.

Au nom de la transparence, l’en-treprise devrait publier les nomsdes dix plus gros détenteurs destock-options, le nombre de cellesqui sont en leur possession et leprix auquel elles leur ont étéconsenties. Le texte préconise unefiscalité allégée quand le pland’options concerne une majoritéde salariés. La proposition deM. Douste-Blazy prévoit égale-ment l’offre préférentielle d’ac-tions aux salariés en cas d’aug-mentation de capital et lapossibilité, pour l’assemblée géné-rale des actionnaires, de leur ou-vrir la porte du conseil d’adminis-tration quand ils détiennent aumoins 7,5 % du capital.

Jean-Michel Bezat

Plan d’épargne, stock-options : les propositions du rapportINSUFFISAMMENT développée,

inégalement diffusée selon les en-treprises mais également parmi lessalariés, l’épargne salariale à la fran-çaise n’est pas satisfaisante. Tel estle verdict rendu par Jean-Pierre Bal-ligand, député socialiste de l’Aisne,et Jean-Baptiste de Foucauld, ex-commissaire au Plan, dans le rap-port qu’ils ont remis au premier mi-nistre, vendredi 28 janvier. En outre,les dispositifs de participation, d’in-téressement et d’actionnariat sala-rié coûtent cher à l’Etat, notent lesdeux rapporteurs : 20 milliards defrancs (3,049 milliards d’euros)d’exonérations de charges socialeset près de 5 milliards d’exonéra-tions fiscales pour 45 milliards defrancs versés aux salariés au titre del’épargne salariale en 1997.

Les deux experts regrettent queces dispositifs profitent essentielle-ment aux grandes entreprises. LesPME, qui font travailler 54 % des sa-lariés français, ne les utilisent qu’àpeine. Selon une étude de la Dares(direction de la recherche du minis-tère de l’emploi), seuls 1,4 % des sa-lariés de PME ont bénéficié, en1997, d’un accord de participationet 2,7 % d’un accord d’intéresse-ment. Les salariés de PME cumulentdonc les désavantages : entreprisesplus fragiles, moindre capacité

d’épargne, information insuffisante,dialogue social limité, risque deperte plus important... MM. Balli-gand et de Foucauld dessinentd’abord un schéma de mutualisa-tion des risques : des plansd’épargne interentreprises (PEI) se-raient créés pour accueillir la parti-cipation ou l’intéressement généréspar un tissu de PME. Les deux ex-perts militent pour une organisa-tion régionale, mais n’en excluentpas d’autres, par branche ou parsecteur. Ils imaginent un pland’épargne inter-entreprises régional(PEIR), au sein duquel plusieurs en-treprises partageraient les frais etles risques liés à l’épargne salariale.Avec à la clé certains avantages fis-caux et un soutien financier de lacollectivité pour initier le processus.

MM. Balligand et de Foucauld selancent, par ailleurs, dans un longplaidoyer pour le développementde l’actionnariat salarié, qui, d’aprèsl’Insee, concerne 700 000 per-sonnes. Aux Etats-Unis, la propor-tion d’actionnaires salariés est troisfois plus élevée.

La mission prône une simplifica-tion du dispositif et la mise en placed’incitations. Ainsi propose-t-elle lacréation d’un plan d’épargne entre-prise long terme (Peelt), sur lequelles sommes seraient bloquées dix àquinze ans, et non pas cinq, et quipourrait être abondé par l’entre-prise jusqu’à 25 000 francs par an.Le salarié pourrait cumuler lesavantages des PEE traditionnels etdu Peelt, et voir ainsi son abonde-ment maximum passer de 22 500 à47 500 francs.

Par ailleurs, les experts militentpour que les salariés qui inves-tissent dans leur entreprise jouentun rôle plus important dans sa ges-tion. Aujourd’hui, la présence de sa-lariés actionnaires dans les conseilsd’administration est très peu déve-loppée, même si depuis 1994, uneloi oblige les entreprises dont plusde 5 % du capital est détenu par lessalariés à convoquer une assembléegénérale extraordinaire (AGE) pourse prononcer sur la nominationd’un ou de deux administrateurs re-présentant les actionnaires salariés.En cas de réponse négative, l’AGEdoit se reposer la question dans lescinq ans. La mission considère quele seuil de 5 % est trop élevé et de-vrait être ramené à 3 %. Seules deuxsociétés du CAC 40 – la Société gé-nérale et Bouygues – remplissentaujourd’hui le critère de 5 %. Par ail-leurs, les experts veulent ramenerde cinq à trois ans le délai.

MM. Balligand et de Foucauld sesont également attardés sur le cascontreversé des stock-options. Ilssont opposés à une généralisationde ce système, qui perdrait ainsi sa

raison d’être, et déconseillent unalourdissement de la fiscalité (40 %si les stock-options sont gardées aumoins cinq ans). Ces deux proposi-tions sont inattendues : d’abordparce que beaucoup de voixs’étaient élevées à gauche pour uneplus grande diffusion de ces stock-options ; ensuite parce que Domi-nique Strauss-Kahn s’était engagé,lors du dernier débat budgétaire, àalourdir la fiscalité. Selon les ex-perts, cela désavantagerait laFrance par rapport aux autres légis-lations étrangères. En revanche, ilsprônent une transparence accrue,plus grande que celle recommandéedepuis peu par le patronat. Ils pré-conisent aussi de supprimer le ra-

bais que les entreprises appliquentau prix des actions auxquellespeuvent prétendre les détenteursde stock-options.

Enfin, MM. Balligand et de Fou-cauld proposent de mettre lesstock-options au service de l’action-nariat salarié : les détenteurs destock-options, qui exerceraient cesdernières et garderaient leurs ac-tions durant deux ans, verraientleurs plus-values d’acquisitiontaxées au droit commun des ces-sions mobilières, c’est-à-dire à 26 %.Ces dernières dispositions, portantsur les stock-options, ne devraientpas faire l’unanimité à gauche.

V. Ma.

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F R A N C E LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000 / 7

Tous les personnels hospitaliers manifestentpour obtenir des moyens supplémentaires

L’ensemble des syndicats ont appelé à cette mobilisationLes fédérations de santé CFDT, CGT, FO, CFTC,CGC, UNSA et SUD-CRC ont appelé les personnelshospitaliers à manifester, vendredi 28 janvier,

pour protester contre les restrictions budgétaires.Le mouvement de revendication, commencé dé-but décembre, est aujourd’hui soutenu par les

médecins. Martine Aubry rencontrera les fédéra-tions de santé le 2 février, et les représentants desmédecins le 8 (lire aussi notre éditorial page 15).

C’EST INSCRIT sur des bande-roles, des blouses ou des draps :l’hôpital public est en grève. A l’ap-pel de toutes les fédérations desanté CFDT, CGT, FO, CFTC, CGC,UNSA et SUD-CRC, les personnelshospitaliers étaient appelés, ven-dredi 28 janvier, à manifester par-tout en France pour protestercontre les restrictions budgétaires(Le Monde du 28 janvier). Selon lesorganisateurs, la mobilisation de-vait être particulièrement impor-tante en Ile-de-France, où plusieursétablissements de l’Assistance pu-blique-Hôpitaux de Paris (AP-HP)sont déjà sur le pied de guerre de-puis plusieurs semaines.

Dès jeudi matin, des grévistes del’hôpital La Pitié-Salpêtrière, tou-ché par des arrêts de travail depuisle 9 décembre, ont fermé, durantun peu plus de deux heures, troisdes quatres entrées du site. Ils ontensuite distribué des tracts pourprévenir les passants que « les hôpi-taux fermés, c’est ce qu’ils trouverontdans quelques années s’il n’y a pasde budget supplémentaire ». Lemême jour, rapporte l’AFP, une

centaine d’employés des hôpitauxTrousseau, Saint-Antoine et Roth-schild ont cassé à coups de mar-teau le mur qui condamne l’entréeprincipale des urgences de Roth-schild, fermées depuis octobre. Lespersonnels administratif, ouvrier etmédical de Saint-Antoine mani-festent depuis le 15 novembre. Jeu-di toujours, quelque 1 200 em-ployés et cadres du Centrehospitalier régional (CHR) d’Or-léans ont défilé dans les rues de laville pour réclamer une rallonge de30 millions de francs (4,57 millionsd’euros) et des effectifs supplé-mentaires. A Caen, le personneldes urgences du CHU, en grève de-puis le 27 décembre, a inaugurésymboliquement l’unité d’hospita-lisation de courte durée qu’il ré-clame.

Cette vague de mécontentementn’est pas catégorielle mais touchetoutes les catégories de personnel.Les médecins se sont associés aumouvement, qui reçoit un largesoutien dans la communauté hos-pitalière. Ainsi, bien que n’appelantpas à la grève, le Syndicat national

des cadres hospitaliers (SNCH) la« comprend » : il faut « desserrerl’étau budgétaire » de l’hôpital qui« doit bénéficier de l’embellie écono-mique », estime son président Pa-trice Barberousse. Pour ce dernier,on aboutit « à une situation de rup-ture en Ile-de-France où 2 300 postesont été supprimés en deux ans ».M. Barberousse s’en prend aussi àla CFDT qui, tout en appelant à lagrève, a, d’un autre côté, « fait voterun plan stratégique prévoyant plusde 30 milliards de francs d’écono-mies sur l’hôpital ». A la tête de laCaisse nationale d’assurance-mala-die, la CFDT avait en effet soutenule plan du directeur Gilles Johanet,refusé par le gouvernement.

LE SOUTIEN DE JEAN TIBERIJeudi soir, les hôpitaux ont reçu

un autre soutien, celui de Jean Ti-beri. Le maire (RPR) de Paris, pré-sident de droit du conseil d’admi-nistration de l’AP-HP, a engagédepuis plusieurs semaines une po-lémique avec Martine Aubry, en re-fusant de voter son budget, ce qui aobligé la ministre de l’emploi et de

la solidarité à l’imposer par arrêté.En présentant ses vœux à l’AP-HPà la veille de la journée d’action,M. Tiberi a estimé qu’« aujourd’hui,le seuil critique est franchi ». « Exi-ger de nouvelles économies, a-t-ilpoursuivi, c’est risquer de trahir lesvaleurs dont l’AP-HP s’inspire depuiscent cinquante ans (...). En unepériode où le gouvernement bénéfi-cie d’un considérable excédent de re-cettes fiscales, un geste en faveur dubudget de l’AP-HP n’aurait été qu’unjuste retour aux contribuables. »Mardi, jour des vœux de la direc-tion de l’AP-HP, l’adjointe dumaire, Marie-Thérèse Hermange(RPR), avait dû faire face, elle, auxsifflets d’un cinquantaine de mani-festants CGT qui ont couvert le dis-cours de compréhension qu’elles’apprêtait à prononcer.

Le 2 février, Mme Aubry ren-contrera les fédérations de santé,puis le 8, les représentants des mé-decins. Les 35 heures ne seront cer-tainement pas le seul sujet à l’ordredu jour.

Isabelle Mandraud

M. Cohn-Bendit ne demandera pasla nationalité françaiseLES AMIS de Daniel Cohn-Bendit, qui le pressaient d’être candidat à lamairie de Paris aux municipales de 2001, risquent d’être déçus. Aprèsavoir annoncé qu’il allait demander la nationalité française – conditionsine qua non pour pouvoir être maire –, le député européen (Verts)vient de faire savoir qu’il renonçait à cette demande. « C’est la seule fa-çon que j’ai trouvée de prouver que je ne me présenterai pas », a-t-il dé-claré au Monde. Selon le code électoral, M. Cohn-Bendit, Allemand de-puis l’âge de seize ans, aurait toutefois la possibilité d’être éluconseiller de Paris en tant que ressortissant de l’Union européenne.

L’accord sur l’avenir de Mayottea été signéLE SECRÉTAIRE D’ETAT à l’outre-mer, Jean-Jack Queyranne, a signéun accord sur l’avenir de Mayotte, jeudi 27 janvier, avec les représen-tants politiques de la collectivité territoriale. Ce texte met un terme àvingt-cinq ans d’incertitude pour cette île à majorité musulmane del’océan Indien, devenue française en 1841. L’accord, approuvé par lamajorité des élus mahorais, vise à donner à l’île un statut de « collecti-vité départementale » – et non de département d’outre-mer, comme leréclamaient les deux parlementaires de l’île. Les Mahorais seront invi-tés à approuver ce statut par référendum d’ici à la fin juillet. Après2010, un nouveau projet de loi sur l’« avenir institutionnel » de Mayottesera soumis au Parlement.

DÉPÊCHESa PARIS : Philippe Séguin a déclaré, jeudi 27 janvier, à propos del’investiture du candidat du RPR à Paris pour les municipales de 2001,que « trancher à Pâques me paraît prématuré ». « Désigner quelqu’und’autre que le maire sortant un an avant l’échéance ferait exploser la ma-jorité municipale », a estimé M. Séguin sur Radio Notre-Dame.a ROUEN : Jean-Louis Bourlanges (UDF), député européen, aconfirmé, jeudi 27 janvier, au cours d’une réunion publique, qu’il seracandidat aux municipales de 2001 à Rouen (Le Monde du 27 novembre1999). M. Bourlanges a précisé qu’il formera un « ticket » avec BertrandBellanger (RPR), conseiller général et conseiller municipal. L’actuelmaire est le socialiste Yvon Robert.a FORCE OUVRIÈRE : le secrétaire général de FO, Marc Blondel, aconfirmé, jeudi 27 janvier, qu’il se représentera à la tête de la centrale,à l’occasion du congrès qui se tiendra en mars. M. Blondel a précisé àl’AFP qu’il le remplirait « jusqu’au bout ». « Pas question que je reste sixmois juste pour assurer ma succession », a-t-il déclaré, en ajoutant queson collaborateur Jean-Claude Mailly entrera au bureau confédéral enmars.

Les sénateurs s’accordentpour limiter la responsabilité

pénale des élusMme Guigou souhaite une définition plus précise

LES ÉLUS sont en passe d’obte-nir ce qu’ils réclament depuis l’en-trée en vigueur, en 1994, du nou-veau code pénal : une définitionplus restrictive de la responsabilitépénale en cas de faute non inten-tionnelle, commise par imprudenceou négligence. Les sénateurs ont,en effet, adopté en première lec-ture, jeudi 27 janvier, la propositionde loi de Pierre Fauchon (centriste,Loir-et-Cher), qui tend à préciser ladéfinition des « des délits non inten-tionnels ». La droite (RPR, UDF, DL)et les socialistes ont voté pour, lescommunistes se sont abstenus. Lepremier ministre s’était engagé, le24 novembre, à ce que la réforme,qui sera examinée par l’Assembléenationale en février, entre en vi-gueur avant les municipales de2001.

Ce texte concerne tous les justi-ciables, mais il est surtout attendupar les élus ou les « décideurs pu-blics » (chefs d’établissement sco-laire, chefs d’entreprise, etc.), quidéplorent de plus en plus vivementd’être mis en examen ou condam-nés pour des faits involontaires. Ilconfirme que leur responsabilité estengagée pour la moindre impru-dence quand il y a un lien directentre la faute et le dommage. En re-vanche, « lorsque la faute a été lacause indirecte du dommage, précisele texte, les personnes physiques nesont responsables pénalement qu’encas de violation manifestement déli-bérée d’une obligation particulière desécurité et de prudence ». Y a-t-ilréellement péril en la demeure,comme le plaident, depuis desmois, les élus et leurs associations ?La garde des sceaux, Elisabeth Gui-gou, a rappelé que le nombre demises en examen d’élus pour desfautes non intentionnelles reste li-mité : 54 pour plus de 500 000 élusau 1er avril 1999. Ce nombre importecependant moins que « le sentimentd’insécurité juridique ressenti par lesdécideurs publics », a-t-elle re-connu. Mais elle a prévenu qu’« ilne faut toucher à la loi pénale qued’une main tremblante », rappelantau passage que la répression accruedes délits non intentionnels se justi-fie par l’augmentation des acci-dents de la route ou du travail.

La ministre a indiqué que, « surce plan, la répression ne saurait fai-blir », souhaitant que la réforme« n’ait pas pour conséquence d’affai-blir l’efficacité de la loi pénale dansdes domaines aussi sensibles queceux du droit du travail, de l’environ-nement, de la santé publique ou de lasécurité routière ». Si elle a estiméque la proposition de loi de M. Fau-chon apporte une réponse « auda-cieuse » et « mesurée » au pro-blème, elle a demandé que – à lafaveur des navettes entre les deuxAssemblées –, la notion de « viola-tion manifestement délibérée d’uneobligation particulière de sécurité etde prudence » soit précisée, afind’en faciliter l’application par lestribunaux.

« VERTUS ILLUSOIRES »En revanche, Mme Guigou a es-

sayé – en vain – de supprimer la se-conde disposition importante dutexte, qui prévoit l’extension à« l’ensemble de leurs activités » de laresponsabilité des collectivités lo-cales comme personnes morales, cequi permettrait au justiciable de seretourner contre la collectivité.Cette mesure « aux vertus illu-soires » pourrait être interprétée« comme une fuite des élus devantleurs responsabilités » et elle« conduirait inévitablement à un ac-croissement de la pénalisation de lavie publique », a plaidé Mme Guigou,sans convaincre la majorité sénato-riale de droite.

Le législateur est soumis à unedouble contrainte : garantir le droitdes victimes, mais aussi freiner « latendance excessive, quelquefois pro-vocatrice, de notre société à la re-cherche de responsables, voire tropsouvent à la mise en cause de boucsémissaires », a souligné Pierre Mau-roy (PS, Nord). Pour le maire deLille, « les véritables réponses sontaussi ailleurs » : les élus consacrantde plus en plus de temps à leurfonction, cela « pose, à terme trèsrapproché, la question du statut del’élu ». Défendue par le présidentde l’Assemblée, Laurent Fabius,l’idée n’est plus écartée par M. Jos-pin.

Jean-Michel Bezat

Le retrait de M. Baudis ouvre une période d’incertitude à ToulouseTOULOUSE

de notre correspondant régionalOn les a vus souvent ensemble

ces dernières semaines, authéâtre, aux matches de rugby,aux inaugurations, partout où ilfallait se montrer aux Toulou-sains. Officiellement, il n’était pasquestion de succession, mais toutle monde avait compris : Domi-nique Baudis, au terme de sontroisième mandat à la tête de lamairie de Toulouse, montrait sondauphin, Philippe Douste-Blazy.Mercredi 26 janvier, le maire deToulouse a confirmé qu’il ne bri-guerait pas un quatrième mandat,et le maire de Lourdes a annoncéqu’il conduirait la liste à sa placeaux élections municipales de 2001(Le Monde du 28 janvier).

Depuis deux ans, date à laquelleM. Baudis a décidé secrètementde raccrocher, l’affaire a longue-ment mûri entre les deux diri-geants de l’UDF, qu’on dit trèsproches, politiquement et familia-lement. L’équation était double. Ilfallait un « poids lourd » à Tou-louse pour tenter de conserver àdroite la quatrième ville deFrance. Il fallait aussi qu’une« pointure » nationale n’appa-raisse pas artificiellement « para-chutée » dans une ville qui aime àcultiver son quant-à-soi.M. Douste-Blazy n’a donc pasmanqué de rappeler en chaqueoccasion que Toulouse est « laville de son cœur », qu’il y a fait sesétudes et exercé comme médecin.« C’est un vrai Toulousain », dit delui M. Baudis, qui ne devrait pasménager sa peine pour assurerl’élection de celui qu’il a choisipour lui succéder. Il devrait leconfirmer en début de semainedans une lettre aux Toulousains.

La réussite de l’opération tien-dra sans doute à un paramètre en-core difficilement mesurable : ce-

lui de la confiance de l’électoratenvers un homme réputé ne pasmanquer d’ambition personnelle.Le maire de Lourdes n’a-t-il pasdonné l’impression d’hésiter entreParis et Toulouse ? Ne caresse-t-ilpas le rêve d’un destin national ?Or l’un des secrets du parcoursréussi de M. Baudis à Toulouse (ila été élu trois fois dès le premiertour) réside dans le sentimentqu’il a donné d’abandonner touteambition politique nationale pourse consacrer à la Ville rose.« M. Baudis a sacrifié sa carrière àToulouse, M. Douste-Blazy ne va-t-il pas sacrifier Toulouse à sa car-rière ? » , s’ interroge déjà unmembre de la majorité munici-pale.

ZEBDA « NE S’INTERDIT RIEN »Au regard des résultats électo-

raux, le renoncement de M. Bau-dis fait apparemment les affairesde l’opposition municipale, socia-liste et communiste. Alors quecette ville vote régulièrement àgauche lors des scrutins natio-naux, l’influence personnelle dumaire comme sa méthodeconsensuelle et prudente lui ontchaque fois permis de creuser unécart de vingt à trente points. « Ily a un électorat de gauche captif dela filiation Baudis », notent les ob-servateurs. Pourtant, la perspec-tive d’une élection municipalesans M. Baudis ne provoque pasun grand enthousiasme à gauche.« On est à poil, nous n’avons per-sonne à opposer à Douste-Blazy »,constate un militant qui se faitl’interprète d’un sentiment domi-nant dans les rangs socialistes.« Tout se passe comme si la direc-tion du parti ne voulait pas gagnerToulouse et comme si Jospin s’ac-commodait déjà de Douste », ob-serve un autre militant socialiste,qui regrette que le ministre de

l’agriculture, Jean Glavany, ait dé-menti toute velléité de candida-ture.

Face à M. Douste-Blazy, la fé-dération du PS s’en tient à deuxprincipes que son premier secré-taire, Kader Arif, ne manque pasde marteler : une candidature so-cialiste à la tête d’une liste de lagauche « plurielle » et une candi-dature « obéissant à une logiquepolitique locale ». « Au jour d’au-jourd’hui, aucun parachutage n’estenvisagé », précise-t-il. Jusqu’àprésent, trois candidats se sontfait connaître aux militants, quivoteront fin mars : François Si-mon, de la Gauche socialiste, chefde file de l’opposition au conseilmunicipal ; Jean-Jacques Miras-sou, conseiller général et conseil-ler municipal, qui passe pour êtrele représentant de la majorité jos-pinienne et de l’appareil ; ThierrySuau, un jeune « rénovateur ». Unautre militant, Jean-Pierre Plan-cade, vice-président du conseilgénéral, se tient en réserve.

Contestant le bilan de M. Bau-dis, qui laisse une ville sans dettes,économiquement dynamique,culturellement attractive mais so-cialement blessée, les candidatssocialistes affirment ensemble

vouloir proposer un projet pourune ville « plus solidaire et plus ci-toyenne ». Ils seront soutenus parle Parti communiste et par les ra-dicaux de gauche, prêts à l’union.C’est avec les Verts, forts de leurbon score européen (12,83 % pourla liste Cohn-Bendit, contre24,99 % pour la liste Hollande etseulement 12,14 % pour la listeUDF de François Bayrou), que lesdifficultés s’annoncent. Après quela direction du PS leur a sèche-ment refusé la tête d’une liste dela gauche « plurielle », les Vertss’affirment déterminés à fairebande à part au premier tour.« C’est notre intérêt et la meilleurefaçon de faire pour affirmer notreprojet », commente Marie-Fran-çoise Mendez, vice-présidente duconseil régional. Avec ou sans lesVerts au premier tour. L’enjeu desprochaines semaines pourraitbien tourner autour de cettequestion à gauche. A moins qu’iln’y ait un invité-surprise : le po-pulaire groupe musical Zebda, quicontinue de s’intéresser de trèsprès à la vie de la cité, et ne cachepas qu’« il ne s’interdit rien pourles élections municipales ».

Jean-Paul Besset

Les syndicats des finances appellent à la mobilisation le 3 févrierPASSERA ? Passera pas ? La question est

dans tous les esprits, à Bercy comme chez lesorganisations syndicales : la réforme du minis-tère de l’économie et des finances, annoncéepar Christian Sautter jeudi 27 janvier (Le Mondedu 28 janvier), sera-t-elle à l’origine d’un conflitsocial dur, du type de celui de 1989, qui avait pa-ralysé l’administration fiscale ? Les syndicatstâtent le terrain, flairent la détermination et lamobilisation de leurs troupes. Depuis le 20 jan-vier, ils appellent à des grèves quotidiennes re-conductibles. Jeudi matin, à la sortie du comitétechnique paritaire ministériel au cours duquelle ministre leur a présenté sa réforme, ils onttous appelé leur base à développer les arrêts detravail. Et à prendre part à une manifestationnationale à Paris, le 3 février.

« Il y a eu un raidissement des syndicats cesderniers jours. C’est indéniable », constate Bercy.Jeudi 20 janvier, journée de mobilisation natio-nale, le taux de grévistes est monté à 39 % ausein du ministère, à 64 % au sein de la directiongénérale de la comptabilité publique (DGCP),plus menacée par la réforme que les autres di-rections, et à 41 % au sein de la direction géné-

rale des impôts. La mobilisation s’est ensuiteérodée jusqu’à jeudi, où elle est remontée pouratteindre, selon Bercy, 28 %, dont 41 % au Tré-sor public et 32 % à la direction générale des im-pôts (DGI). « Dans le réseau du Trésor, nousavons eu des pointes dans certains départements :81 % de grévistes en Ariège, 75 % dans l’Isère...Dans le Nord, et pour nous c’est un signe impor-tant, on a compté 81 % de grévistes. A Paris etdans la région parisienne, traditionnellement peumobilisés, le taux de grévistes s’est élevé à 86 % »,énumère Gérard Mazuire, de FO Trésor.

CRAINTES POUR LE RÉSEAU RURALLa mobilisation de la DGI, qui, selon les plans

de M. Sautter, récupérera les activités fiscalesde la DGCP, sera déterminante. « Sur le fond, lesagents des impôts ne sont pas contre le rappro-chement DGI-DGCP proposé par la réforme deM. Sautter. Mais les gens sont inquiets de savoirs’ils vont devoir déménager. En province, nombred’entre eux sont propriétaires », considère Ber-nard Brière, de la CGT. « Jeudi, à la DGI, la mo-bilisation était plus forte et plus homogène. Tousles départements ont participé au mouvement. Le

rapprochement de l’assiette, du recouvrement etdu contrôle est normal en termes de mission. Maisla réforme de M. Sautter est inapplicable sanscréer de situation ubuesque », considère Chris-tian Terrancle, du Syndicat national unifié desimpôts (SNUI), qui redoute que les réorganisa-tions prônées par M. Sautter ne se traduisentpar une désorganisation totale des services« comme cela a été le cas avec la prétendue ré-forme du droit de bail, ou la baisse de la TVA surles travaux d’entretien ».

M. Sautter a eu beau affirmer que le réseaurural ne sera pas affecté, les syndicats ont agitéauprès des élus locaux la perspective de la fer-meture de certaines trésoreries. Le MDC a dé-noncé, jeudi, la « dérive libérale du système fis-cal ». La commission des finances del’Assemblée nationale s’est également saisie dusujet et tiendra, la semaine prochaine, une« réunion spéciale » avec des représentants dugouvernement sur le sujet. Jacky Lesueur, pa-tron de FO Finances, doit rencontrer FrançoisHollande avant la manifestation de jeudi.

Virginie Malingre

Page 8: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

LeMonde Job: WMQ2901--0008-0 WAS LMQ2901-8 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 11:07 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 21Fap: 100 No: 0372 Lcp: 700 CMYK

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En contactpermanentavec Lionel Jospin,M. Strauss-Kahnse réintéresseau Parti socialiste

S O C I É T ÉLE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000

JUSTICE Chargées de l’enquêtesur les détournements commis aupréjudice du groupe Elf-Aquitaineentre 1989 et 1993 , les juges d’ins-truction Eva Joly et Laurence Vich-

nievsky ont adressé, mercredi26 janvier, à l’ancien ministre del’économie et des finances, Domi-nique Strauss-Kahn, un avis de miseen examen pour « complicité par

instruction donnée et recel d’abusde biens sociaux ». b« DSK » ESTPOURSUIVI pour avoir « fait prendreen charge les salaires de sa secré-taire particulière, Evelyne Duval,

sans contrepartie réelle pour legroupe Elf, à hauteur d’environ190 000 francs ». bCETTE MISE ENEXAMEN, qui donne une nouvelledimension à la déjà tentaculaire af-

faire Elf, intervient alors queM. Strauss-Kahn, également pour-suivi dans le dossier de la MNEF, ef-fectue un retour discret sur la scènepolitique.

Dominique Strauss-Kahn a été mis en examen dans l’affaire ElfLes juges Joly et Vichnievsky poursuivent l’ancien ministre pour « complicité par instruction donnée et recel d’abus de biens sociaux ».

Elles lui reprochent d’avoir fait prendre en charge les salaires de sa secrétaire particulière par le groupe pétrolier

Parallèlement, le dossier de la MNEFL’ancien ministre de l’économie et des finances, Dominique

Strauss-Kahn, est, depuis le 14 décembre 1999, sous le coup d’unemise en examen pour « faux et usage de faux » dans l’affaire de laMutuelle nationale des étudiants de France (MNEF) instruite par lesmagistrats parisiens Armand Riberolles et Françoise Néher. La jus-tice soupçonne M. Strauss-Kahn d’avoir antidaté des documentsayant trait à sa participation à une négociation entre la MNEF etl’ex-Compagnie générale des eaux (devenue Vivendi). Les chargescontre l’ancien ministre portent notamment sur quatre pièces dontla lettre d’engagement, datée du 13 décembre 1994, et la réponse deM. Strauss-Kahn, du 19 décembre 1994, qui auraient été, en fait, fa-briquées fin 1995. Le caractère antidaté de ces documents a été re-connu par l’ancien ministre, qui a indiqué pour sa défense avoircommis des « erreurs matérielles ». « Je n’y ai pas vu, a-t-il ajouté,quelque chose de délictueux mais au contraire une régularisation for-melle ».

LES JUGES D’INSTRUCTIONEva Joly et Laurence Vichnievskyont agi par surprise en adressant,mercredi 26 janvier, un avis demise en examen à DominiqueStrauss-Kahn. Chargées de l’en-quête sur les détournementscommis au préjudice du groupeElf-Aquitaine entre 1989 et 1993,sous la présidence de Loïk LeFloch-Prigent, les deux magis-trates ont retenu, à l’encontre del’ancien ministre de l’économie etdes finances – démissionnaireaprès sa mise en cause dans l’af-faire de la MNEF –, les qualifica-tions pénales de « complicité parinstruction donnée et recel d’abusde biens sociaux ».

Selon les termes du courrier quilui a été adressé par les juges,M. Strauss-Kahn est poursuivi« pour avoir fait prendre en chargeles salaires de sa secrétaire parti-culière, Evelyne Duval, sans contre-partie réelle pour le groupe Elf, àhauteur d’environ

190 000 francs ». Les enquêteursde la brigade financière de la po-lice judiciaire (PJ)parisienneavaient découvert, au détour deleurs recherches sur les salariésde l’ancienne filiale genevoise Elf-Aquitaine International (EAI),que Mme Duval avait figuré parmises effectifs contestés, ayant per-çu, en 1993, une somme totale de192 000 francs, alors qu’elle colla-borait au Cercle de l’industrie, as-sociation co-fondée parM. Strauss-Kahn après la défaitedes socialistes aux élections légis-latives de 1993.

SITUATION AMBIGUËPlacée en garde à vue le 17 no-

vembre, Mme Duval avait indiquéaux policiers avoir reçu ces fondssur un compte bancaire parisien –ce que l’enquête a confirmé. Elles’était toutefois abstenue d’enfaire la déclaration aux servicesfiscaux. La mise en évidence decette situation ambiguë avait en-

traîné la mise en examen de la se-crétaire pour « recel d’abus debiens sociaux » (Le Monde du24 novembre 1999). Depuis lors,la mise en examen de l’ancien mi-nistre lui-même n’avait pas sem-blé figurer à l’ordre du jour desenquêteurs, attachés à poursuivrel’examen des rémunérations ver-sées par la filiale EAI sous la pré-sidence d’Alfred Sirven, au-jourd’hui considéré comme lepersonnage central de l’affaireElf, en fuite et sous le coup d’unmandat d’arrêt international.

Sollicité par Le Monde vendredimatin 28 janvier, l’un des défen-seurs de l ’ancien ministre,Me Jean Veil, a relevé que « le mo-tif de cette mise en examen [était]

fondé sur le fait que Mme Duval au-rait été la secrétaire personnelle deM. Strauss-Kahn à l’époque desfaits, alors que, justement, à cettepériode, elle ne travaillait pas pourlui mais pour le Cercle de l’indus-trie, dont il n’était qu’un des ani-mateurs – au demeurant non ré-munéré ».

« MOUVEMENT D’HUMEUR »L’avocat a par ailleurs indiqué

qu’il « [se demandait] si cette miseen examen ne révélait pas tout sim-plement un mouvement d’humeur[des juges] répliquant à des sup-putations médiatiques, actuelle-ment infondées et à l’évidence pré-maturées, sur un possible non-lieudont M. Strauss-Kahn pourrait bé-

néficier dans l ’affaire de laMNEF ».

Déjà collaboratrice de l’ancienministre à l’Assemblée nationale,de 1988 à 1991, au ministère del’industrie, de 1991 à 1993, et, àpartir de 1997, au ministère des fi-nances, Mme Duval avait déclaréaux policiers, lors de son interro-gatoire, avoir été recrutée auCercle de l’industrie « fin mai-dé-but juin 1993 » par M. Strauss-Kahn et l’ancien président de laRégie Renault, Raymond Lévy.« Le futur bureau du Cercle,composé de M. Raymond Lévy, fu-tur président, de M. Strauss-Kahn,futur vice-président et de M. Mau-rice Lévy [PDG de Publicis], futurtrésorier, avait décidé que je serais

payée par Elf à concurrence de16 000 francs par mois, pour un mi-temps, pour une durée de12 mois », avait-elle ajouté.

Dans le même temps, la secré-taire était aussi rémunérée par leCompagnie de la Colombe, asso-ciation culturelle fondée, autourdu festival de Ramatuelle, par uneautre proche de M. Strauss-Kahn,Jacqueline Franjou, qui avait elleaussi appartenu à son cabinet auministère de l’industrie.

Certifiant qu’elle n’avait « ja-mais signé de contrat avec Elf » etqu’elle n’y connaissait personne,Mme Duval avait précisé : « Le ver-sement par Elf s’explique par le faitque cette société allait devenirmembre du Cercle ; elle l’est deve-nue, de mémoire, après février1994 et probablement avant l’été1994 » et ajoutait : « Mon activitéconsistait à être la seule secrétairedu Cercle de l’industrie. »

CONTRAT CONVERTIInterrogés par la police peu

avant les fêtes de Noël, les deuxpartenaires de M. Strauss-Kahndans l’association, Maurice Lévyet Raymond Lévy, ont tous deuxassuré qu’ils ignoraient la prise encharge de la secrétaire par Elf.Prévu pour une durée d’un an, lecontrat de Mme Duval avait étéconverti, en janvier 1994, en uneprise en charge directe par l’asso-ciation, mais l’intégralité de la ré-munération annuelle convenuelui avait été versée par anticipa-tion en août 1993, soit peu aprèsle remplacement, à la présidenced’Elf, de M. Le Floch-Prigent parPhilippe Jaffré.

Hervé Gattegno

Un « invité permanent »au bureau national du PS

FURTIVEMENT, DominiqueStrauss-Kahn, qui a un projet delivre sur la social-démocratie, s’ef-force de se réinstaller sur la scènepolitique. Depuis sa démission, le2 novembre 1999, avant sa mise enexamen dans l’affaire de la MNEF,l’ancien ministre de l’économie par-tage son temps entre sa mairie deSarcelles (Val-d’Oise), où il est pre-mier adjoint au maire, et le conseilrégional d’Ile-de-France. Celui quiavait conduit la campagne régionalede 1998, tout en acceptant de laisserla présidence en cas de victoire àJean-Paul Huchon, vient réguliére-ment à la région où il partage le bu-reau de Jean-Paul Planchou, pré-sident du groupe socialiste. M.Strauss-Kahn vient de passer de lacommission des finances à lacommission des affaires internatio-nales.

Très vite, l’ancien ministre a re-noncé à provoquer une élection lé-gislative partielle pour récupérerson siège de député du Val-d’Oise,occupé par sa suppléante, Ray-monde Le Texier, depuis son entrée,en juin 1997, au gouvernement. S’ilsait que, quelle que soit l’issue desprocédures judiciaires, il ne peutplus postuler pour la mairie de Paris,il n’a pas encore pris de décisionpour les élections municipales à Sar-celles en 2001. Il pourrait choisir deconduire la liste sans briguer leposte de maire. Loin d’avoir aban-donné tout projet en ce domaine,« DSK » a le temps de réfléchir et ille prend pour s’interroger sur sonavenir politique.

En « contact permanent », selonses amis, avec Lionel Jospin qu’il asouvent au téléphone et qu’il a vurécemment, M. Strauss-Kahn seréintéresse au Parti socialiste. Dès le27 novembre 1999, l’ancien ministres’était rendu à un conseil nationaldu PS. Au fond de la salle. Un secré-taire national, François Rebsamen,et le directeur de cabinet du premiersecrétaire, Stéphane Le Foll, étaientvenus le chercher pour le conduire,sous les applaudissements de ses ca-marades, au premier rang. Depuis,

« DSK » a joué ses « retours »moins modestement. Le 22 janvier,à Alfortville, chez son amie MichèleSabban, première fédérale du Val-de-Marne, il a goûté, en compagnied’Anne Sinclair, et en présence deFrançois Hollande, Daniel Vaillantet Jean-Christophe Cambadélis, lesapplaudissements des neuf centsconvives du banquet. Le lendemain,à la Mutualité, au rassemblementnational des secrétaires de section, ila eu droit à une ovation des

1 500 présents quand il s’est laisséguider par M. Hollande pour gagnerle premier rang.

Ministre, il venait quand il le sou-haitait devant le bureau national.Démissionnaire, il n’y a plus droitmais M. Hollande, qu’il a rencontréplusieurs fois, lui a accordé un statutd’« invité permanent ». Le 1er février,il a prévu, pour la première fois de-puis sa démission, de s’y rendre. Achacune de ses sorties, sauf à Sar-celles lorsqu’il a présenté ses vœux,il garde le silence. Il réserve ses ré-flexions à ses anciens collaborateursde Berçy ou à la « task force » dequinze parlementaires qu’il a réuniele 7 décembre 1999 pour un dînerqui sera suivi par beaucoup d’autres.Sa réflexion débouchera-t-elle surune contribution pour le congrès deGrenoble du PS, du 24 au 26 no-vembre ? Pour l’heure, M. Strauss-Kahn reçoit en tête-à-tête de nom-breux parlementaires, qui ne sontpas tous socialistes.

Michel Noblecourt

Les bombes à retardement d’Elf-Aquitaine InternationalREBAPTISÉE Elf International Services (EIS),

la filiale suisse Elf-Aquitaine International (EAI) aaussi changé de siège et même de banque, maiselle n’en a pas fini avec son passé. Le 21 janvier,pour la troisième fois en trois ans, le juge d’ins-truction de Genève Paul Perraudin s’est rendu, lasemaine dernière, dans les bureaux de la sociétéoù il a saisi dix-huit cartons d’archives. Ces docu-ments s’ajoutent désormais aux nombreusespièces déjà détenues par le magistrat, et qui pour-raient conduire l’enquête bien au-delà des 44 sa-lariés figurant sur une liste adressée aux jugesfrançais en 1997 par un informateur anonyme.

C’est sur ce document que figurait le nomd’Evelyne Duval, secrétaire de DominiqueStrauss-Kahn, ainsi que ceux de l’ancien ministre(RPR) Jean-Jacques de Peretti ou de l’ancien dé-puté européen (DL) Yves Verwaerde, dissimulésquant à eux sous d’énigmatiques intitulés. Outreces deux personnalités politiques – mises en exa-men pour « recel d’abus de biens sociaux » –, l’en-quête sur les salariés d’EAI, présidée entre 1991 et1993 par Alfred Sirven, atteste que figuraient aus-si sur ses registres plusieurs proches de FrançoisMitterrand, – dont le radiologue Laurent Raillard

et le publicitaire André Magnus –, ou encore l’an-cien journaliste Eric Ghebali, co-fondateur deSOS racisme.

D’évidence utilisée par M. Sirven à la façond’une sorte de tirelire confidentielle et œcumé-nique, la filiale avait aussi pris en charge une par-tie des salaires versés à l’ancienne compagne deRoland Dumas, Christine Deviers-Joncour. D’unecertaine manière, le même raisonnement juri-dique a été appliqué à M. Strauss-Kahn qu’auprésident du Conseil constitutionnel : tous deuxsont poursuivis pour « complicité et recel d’abusde biens sociaux », ce qui témoigne du soupçonqu’ils auraient profité de versements qui ne leurétaient pas destinés. La même logique pourraitdonc être appliquée à d’autres. Plusieurs collabo-rateurs de Charles Pasqua ont aussi été payés parEAI : l’ancien policier François Antona ; AntoinePagni, conseiller général (RPR) de l’Aisne ; Lau-rence Perrier, ancienne attachée de presse au mi-nistère de l’intérieur ; Bénédicte Riou de Ker-prigent, ex-épouse du député européen (RPF)William Abitbol et animatrice d’une associationliée au conseil général des Hauts-de-Seine, ainsique l’ancien brigadier Daniel Léandri, « gro-

gnard » de M. Pasqua et homme des missionsconfidentielles en Afrique, également mis en exa-men le 14 décembre (Le Monde du 22 décembre1999).

Les dirigeants du journal Globe-Hebdo, voué àla cause mitterrandiste, et au financement duquelEAI avait contribué en 1992, pourraient aussi êtrequestionnés. Encore cet épisode, dévoilé par LeMonde (daté 5 juillet 1997), n’a-t-il suscité, à cejour, aucune investigation judiciaire. Les piècesdétenues par le juge Perraudin montrent égale-ment que plusieurs personnalités allemandes ontété rémunérées par EAI, au moment où Elf pour-suivait ses négociations avec les autorités alle-mandes pour la reprise de la raffinerie de Leuna :Agnes Hurland-Büning et Hans Friedrichs, deuxanciens ministres germaniques, figuraient parmices bénéficiaires, dont le nombre total sur lapériode considérée (1989-1993) serait bien plusimportant que ce que ne laissent entrevoir l’en-quête française. Plusieurs sources dignes de foi –dont certains anciens du groupe Elf – avancent lechiffre de 105.

H. G.

Elf a perdu 25 milliards de francs sous la présidence Le Floch-PrigentELF A PERDU près de 25 mil-

liards de francs (3,8 milliards de dol-lars) au début des années 90 pourfraude, détournement de fonds etmauvais investissements, affirme leFinancial Times dans son édition du28 janvier. Selon le quotidienéconomique, cette évaluation pro-vient de sources au sein de la socié-té, interrogées sur le scandale desfonds occultes qui secoue les chré-tiens-démocrates allemands. Lesquestions concernaient le rôle d’Elfdans le paiement en 1992 de256 millions de francs à la CDU duchancelier Helmut Kohl.

Pour le « FT », l’étendue despertes d’Elf pendant la période quicouvre la majorité des sept annéesdu second mandat de François Mit-terrand à la présidence de la Francen’avait jamais été quantifiée aupa-ravant. Ces versements ont suivil’investissement de 20 milliards defrancs dans la raffinerie de Leuna,en ex-RDA, un des plus importantsprojets franco-allemands de l’après-guerre. Les sources citées affirmentque l’addition pour la période 1989-

1993, alors que M. Loïk Le Floch-Prigent dirigeait le groupe, n’est pastotalement connue. En déplace-ment en Malaisie, l’ancien présidentd’Elf ne pouvait être joint vendredimatin.

Au siège de TotalFina, on se refu-sait « à tout commentaire » en indi-quant que le groupe n’avait pas ac-cès au dossier puisqu’il n’a pasencore eu le feu vert de Bruxellespour le rapprochement avec Elf. Enrevanche, au siège d’Elf, la réactionétait rapide, confirmant d’emblée, àquatre milliards près, l’évaluationdu « FT » : « Elf Aquitaine rappelleque les rapports de gestion des exer-cices entre 1994 et 1998 montrent queles différents éléments exceptionnelset dépréciations d’actifs ont eu un im-pact négatif sur les résultats opéra-tionnels de la société d’environ21 milliards de francs. »

Dès son arrivée à la tête d’Elf,Philippe Jaffré avait dénoncé la po-litique d’investissements de sonprédécesseur, M. Le Floch Prigent,contestant ses choix et le prix payépour certaines acquisitions. Quel-

ques exemples : en 1994, le groupe apassé une provision exceptionnellede plus de 8 milliards de francs.

DÉPRÉCIATION D’ACTIFSLa moitié, soit 4 milliards vise à

déprécier les actifs miniers rachetésà Occidental Petroleum (OXY) enmer du Nord britannique trois ansauparavant pour environ 8 milliardsde francs. En 1997, la valeur de laraffinerie de Leuna et celle de sonréseau Minol étaient dépréciées duquart de leur valeur soit, 5,4 mil-liards de francs. En 1998, le gise-ment de Nkossa foré dans les eauxdu Congo fut revu à la baisse de4,6 milliards de francs.

Le groupe s’est aussi défait du-rant cette période de participationsnon stratégiques qui représentaientla moitié des 15 milliards de francsdétenus en portefeuille. Parmicelles-ci figurait notamment legroupe de confection masculine Bi-dermann. Au plus fort de la batailleboursière entre Elf et Total cet été,le groupe de Thierry Desmarestavait insisté sur l’importance des

dépréciations d’actifs réalisés parson concurrent. Il les chiffrait à2,6 milliards d’euros pour la période1994-1998 , contre seulement300 millions chez Total.

Entre les 25 milliards de francsavancés par le Financial Times et les21 reconnus par Elf, reste donc àtrouver les 4 milliards de francsmanquants. Ils relèveraient pourune grande part des fraude et desdétournements auxquels s’intéressela justice. En novembre 1993, en an-nonçant un premier nettoyage descomptes, Philippe Jaffré s’était refu-sé de formuler un jugement sur lastratégie de son prédécesseur. « Lagestion s’apprécie sur une longue du-rée ; il faudra plusieurs années pouravoir suffisamment de recul », affir-mait le nouveau patron de lacompagnie pétrolière. Six ans plustard, en février 1999, M. Jaffré esti-mait que les détournementsd’argent sous Le Floch-Prigents’élevaient à au moins 1,5 milliardde francs.

Dominique Gallois

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S O C I É T É LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000 / 9

La juge Laurence Vichnievskyinflige une nouvelle amende

à Michel CharasseLe sénateur persiste dans son refus de témoigner

LE SÉNATEUR socialiste duPuy-de-Dôme Michel Charasse aété condamné, jeudi 27 janvier, àune amende de 10 000 francs parles juges d’instruction LaurenceVichnievsky et Henri Pons pouravoir refusé de témoigner dansune procédure financière. Lesdeux magistrats reprochent à l’an-cien ministre de refuser d’être en-tendu comme simple témoin dansle cadre de l’enquête sur la liqui-dation d’Hôpitaux de Paris Inter-national (HPI), une filiale de l’As-sistance publique (AP).

Cette condamnation constitueun nouvel acte dans l’épreuve deforce qui oppose M. Charasse àMme Vichnievsky. En décembre1996, la magistrate, qui instruisaitl’enquête sur le financement oc-culte du PCF, avait envoyé unepremière convocation au sénateur,qu’elle souhaitait entendre en tantqu’ancien ministre du budget.M. Charasse refusait d’y déféreren invoquant le principe de la sé-paration des pouvoirs. « Lesmembres du gouvernement ne sontresponsables de leurs actes non pé-nalement qualifiés que devant leParlement, expliquait son avocat,

dans un courrier du 10 décembre1996. Ils ne sauraient donc en ré-pondre devant une quelque autreautorité que ce soit. »

La justice estime au contraireque rien ne s’oppose en droit à cequ’un ancien ministre soit enten-du comme simple témoin.Mme Vichnievsky multiplie donc lesconvocations, tente d’obtenir, envain, la levée de son immunitéparlementaire et finit par lecondamner à 10 000 francsd’amende pour refus de témoi-gner. Cette condamnation sera an-nulée par la cour d’appel pour rai-sons de procédure, le 18 novembre1998.

Pour ne pas risquer une nou-velle annulation, Mme Vichnievskyet M. Pons ont infligé, jeudi, lanouvelle amende en tentant derespecter les formes d’un procès,avec notamment la présence desavocats de M. Charasse. Ceux-cicontinuent toutefois de contesterl’impartialité des magistrats, lesestimant juges et parties. M. Cha-rasse va faire appel de cettecondamnation.

Cécile Prieur

Les experts ne peuvent dissiper la « part de mystère »du double infanticide en récidive jugé à Caen

Bernadette Launay « n’est ni une malade mentale ni un monstre », a déclaré l’un d’euxLe procès de Bernadette Launay, accusée d’avoircommis deux doubles infanticides à dix-huit ansd’intervalle, s’est poursuivi, jeudi 27 janvier, de-

vant la cour d’assises du Calvados, par l’auditiondes six experts psychologues ou psychiatres quiont tenté d’analyser le drame. Le passage à

l’acte de l’accusée demeure, selon eux, « inex-plicable ». Tous considèrent que son discerne-ment n’était pas aboli au moment des faits.

CAENde notre envoyé spécial

Deux chambres bien rangées,deux lits bordés, deux enfantsqu’on dirait paisiblement endormis

et qui sont lo-vés sur le cô-té, chacundans la mêmeposition, en-tourant leurnounours, latête légère-ment appuyée

sur une serviette « Babar ». La courd’assises du Calvados projette lesphotos sur grand écran. Au-dessusdes cols de pyjama : les profondssillons de la strangulation.

Le 15 juin 1998, vraisemblable-ment vers 8 heures, après le départmatinal de leur père, Florian, sixans, et Emilien, quatre ans, ont étéétranglés par leur maman. Puisprobablement noyés dans la bai-gnoire. Une chemise de nuit, deuxpyjamas et une serpillière souillésde sang ont été retrouvés. Pour lesenquêteurs, la maman a tout lavé,tout essuyé. Puis, s’occupant de sesenfants, elle les a rhabillés, avant deles coucher.

Dix-huit ans auparavant, cettemême mère de famille, aide-soi-gnante dans un centre pour handi-capés, que l’on dit si méticuleuse etaimante, avait déjà tué ses deuxpremiers enfants. Le 2 janvier 1980,Teddy, quatre ans, et Fanny, un an,avaient été drogués par des médi-caments, noyés, puis essuyés, rha-billés, recouchés. Dans les deux cas,la maman avait tenté, en vain, de sesuicider. En France, les annales cri-minologiques ne comptent aucuncas de tel double infanticidecommis en récidive. En 1981, Ber-nadette Launay, aujourd’hui âgéede quarante-trois ans, avait étécondamnée à quatre ans d’empri-sonnement.

Une religieuse, qui l’accompagnedepuis sa première affaire, té-moigne avoir retrouvé chez l’ac-cusée, au lendemain de la seconde,la même angoisse, la même raideur,la même expression figée. Et parmiles pleurs, cette même interroga-tion : « Mais pourquoi je l’ai fait ?Pourquoi ? »

« UNE DÉLIVRANCE »Dans le box des accusés, Berna-

dette Launay ne trouve pas de clé àson propre secret. A la salle, elleabandonne un long silence pesant.Puis : « Dans ma tête, je les vois tou-jours dormir. Dans la baignoire,j’avais l’impression que j’étais dans lelit avec eux. » Elle ne dit pas qu’ellen’a rien fait. Elle affirme seulementne pas se souvenir. Le présidentFrançois Le Hénaff observe que samémoire s’estompe avec le temps.Il lit ses premières déclarations :« J’ai tué mes deux fils par amour. Jene voulais pas qu’ils souffrent des pé-ripéties de la vie. Je voulais leur éviter

d’être malheureux. Je pense que ceque j’ai fait est une délivrance. » Etaussi : « J’avais l’impression qu’ilsm’échappaient. »

Pas moins de six experts psycho-logues ou psychiatres ont tenté, aucours de l’instruction, d’analyser ledrame. Tous ont exclu que Berna-dette Launay ait pu être atteinted’une maladie mentale. Rien qui,en juin 1998, ait pu abolir son dis-cernement. De sorte qu’au termede la loi, son sort demeure au-jourd’hui entre les mains des juges,et non des psychiatres. Jeudi 27 jan-vier, dans l’une de ces audiences oùse cherchent justement, pourmieux définir leurs territoires, jus-tice et psychiatrie, ces expertslivrent chacun à leur tour leursconclusions, par élimination. Aumoment de son acte, BernadetteLaunay ne souffrait ni de délire, nide schizophrénie, ni de psychose detype paranoïaque avec acte ven-geur.

AUCUNE CULPABILITÉElle n’était pas davantage at-

teinte de mélancolie, cette formede dépression particulière où, pro-gressivement mutique, ruminantdes idées délirantes, un individuverse dans le suicide ou le meurtredit « altruiste », « pour faire échap-per ceux qu’il aime à la fin dumonde ». Un mélancolique est for-tement saisi par un sentiment deculpabilité. Or il n’y a, chez Berna-dette Launay, aucun sentiment deculpabilité.

« Mme Launay n’est pas une ma-lade mentale, dit le docteur RenéGirard, mais une personnalité trèsparticulière, immature, qui, devantles difficultés de l’existence, est sus-ceptible de régresser dans un état in-fantile où les critères ne sont plus lesmêmes pour nous. » Ainsi, selon lesexperts, seuls les symptômes d’un« état dépressif névrotique non alié-nant » paraissent réunis. Il s’agiraitdonc d’un trouble psychique – etnon d’une maladie –, qui a seule-ment « altéré», et non aboli, sondiscernement. En 1981, une mêmeatténuation de responsabilité avaitété relevée.

« Toutefois, affirme le Dr LouisAnne, neuropsychiatre, si tous cestraits expliquent la dépression, ilsn’expliquent pas le passage àl’acte. » « Il y a effectivement un hia-tus que la psychiatrie ne peutcombler », enchérit le docteur Gi-rard, qui souligne que cet acte« n’est pas rationnel ». « C’est anor-mal, pathologique, mais cela ne re-lève pas de la psychiatrie », dit à sontour le docteur Michel Dubec, pé-dopsychiatre, expert national.« Mme Launay n’est ni une maladementale ni un monstre. » MadeleinePaugam, psychologue suggèrequ’avec une psychothérapie pous-sée, « on saurait ». « Peut-êtreMme Launay a-t-elle tué des élémentssignifiants de sa propre enfance ? »,

s’interroge un autre expert. Ainsi, lemobile du crime serait enfoui là oùnulle enquête d’habitude ne s’aven-ture, loin dans les abîmes de l’in-conscient.

Sur ces terres vierges, éloignéesd’une rationalité à laquelle semblecoller l’avocat général Eric Enque-becq, le docteur Dubec s’essaye à ladescription des ressorts psycholo-giques de Bernadette Launay. Ilnote chez elle une « ambivalence »entre son égocentrisme et une dé-pendance scellée dans un « senti-ment maternel pathologique » : « unamour univoque, exclusif et fusion-nel », où l’enfant est vécu comme« un prolongement », « une repré-sentation d’elle-même ». Ce type derelation, indique-t-il, pouvait larenvoyer à son propre attachementmaternel – « quelque chose de pro-fond, total et archaïque » – et, peut-être, à une séparation qu’elle-même avait vécue douloureuse-ment à l’entrée au collège. Le pas-sage à l’acte résulterait en grandepartie de cette angoisse de sépara-tion, de cette peur inconsciente degrandir.

« Mais la répétition des meurtres àdix-huit ans d’intervalle garde sa

part de mystère », poursuit l’expert,qui livre toutefois le fruit de sespensées. Il a relevé des élémentspour dire que Bernadette Launay« n’a en fait jamais véritablement ti-ré l’expérience » de sa première af-faire, qu’« elle n’a jamais fait le deuilde ses deux premiers enfants »qu’elle a assassinés, perpétuant leurexistence dans « un rituel fantasma-tique ».

Bernadette Launay est-elle acces-sible à une sanction pénale ? « L’ac-cessibilité..., je ne sais pas trop ce quec’est, répond le docteur Girard. Elleme semble en mesure d’être présen-tée à la cour. Elle est capable decomprendre la sanction et de la su-bir. » « Y-a-t-il un risque de réci-dive ? », demande l’avocat général.« Nous n’avons aucune référence cli-nique. Elle ne peut plus procréer,constate Michel Dubec. Pour moi, jen’exclus cependant pas le risque desuicide. » Sans se prononcer sur lapeine, du ressort du juge, tous lesexperts préconisent un suivi psy-chologique. Le seul « bon sens », re-lève le docteur Dubec, voudraitaussi qu’on l’éloigne des enfants.

Jean-Michel Dumay

Enquête préliminairesur les élections à la MNEF

UNE ENQUÊTE préliminaire aété ouverte, le 20 janvier, par leparquet de Paris, sur les conditionsdans lesquelles ont été organisées,en février 1999, les dernières élec-tions à la Mutuelle nationale desétudiants de France (MNEF), quiavaient porté à la présidence duconseil d’administration PouriaAmirshahi, ancien président del’UNEF-ID. La justice entend éclai-rer le déroulement de ce scrutinentaché par certains éléments trou-blants recueillis dans le cadre del’affaire de la MNEF. Elle disposeainsi d’une lettre, datée du 8 jan-vier 1999, adressée par Thierry deHaynin, ancien dirigeant de la So-ciété parisienne d’impression, à laprésidente de la MNEF del’époque, indiquant son refus departiciper à l’appel d’offres lancépour organiser l’impression et leroutage du matériel électoral. In-terrogé par les policiers sur cecourrier dans lequel il fait état d’un« désaccord profond concernantl’utilisation que la direction généralede la MNEF souhaite faire de sa fi-liale », M. de Haynin a affirmé que

Jacques Delpy, alors directeur gé-néral de la MNEF, lui avait deman-dé d’assurer « une majorité stable »à la liste de M. Amirshahi. Par ail-leurs, les policiers ont émis delarges soupçons sur la validité de9 000 voix qui s’étaient portées surla liste de M. Amirshahi.

Contacté par Le Monde vendredi28 janvier, M. Amirshahi nous a in-diqué que ces « accusations éma-naient d’une personne qui a été miseen examen pour recel de détourne-ment de fonds publics dans l’affairede la MNEF ». « Si une fraude étaitavérée, a-t-il ajouté, je veillerais per-sonnellement à ce qu’il y ait de nou-velles élections. » M. Delpy nous afait savoir qu’il n’avait jamais étéinformé de tels agissements. « Sides agents ont fraudé, il faudra lessanctionner. Quant aux affirmationsde M. de Haynin, je rappelle queplusieurs conflits l’ont opposé à laMNEF ». Après un recours déposédevant le tribunal administratif, lacour d’appel de Paris avait, le15 juin, jugé valides ces élections.

Jacques Follorou

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10 / LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000 S O C I É T É

Le plan de lutte contre la violence à l’école est jugé insuffisantLes mesures annoncées le 27 janvier par le ministre de l’éducation nationale sont critiquées

par les organisations syndicales d’enseignants et de policiers, ainsi que par l’opposition et le Parti communisteLes mesures de la phase 2 du plan de luttecontre la violence à l’école présentées, jeudi27 janvier, par le ministre de l’éducation na-tionale, Claude Allègre, sont dans l’ensemblejugées insuffisantes par les principales orga-

nisations syndicales enseignantes. Tandisque le SNES-FSU estime que le plan « ne s’at-taque pas aux causes profondes », allusionaux conditions de travail des enseignants, leSE-FEN juge qu’il « ne s’attaque pas à la

ghettoïsation, à l’exclusion et à l’échec sco-laire ». Les syndicats de policiers critiquenteux aussi ce plan, Alliance rappelant que« les policiers ne doivent pas devenir des sur-veillants-chefs ». Les critiques sont égale-

ment vives dans l’opposition. A gauche, leParti communiste juge les mesures partielles,Julien Dray (gauche socialiste) réclamantpour sa part « une loi de programmation sco-laire ».

« NOUS N’AVONS ni une logiquedu tout répressif ni du tout préven-tif », a indiqué Claude Allègre, mi-nistre de l’éducation nationale, lorsde la présentation à la presse, jeudi27 janvier, de la phase 2 du plan delutte contre la violence à l’école (LeMonde du 28 janvier). « Le but re-cherché est celui de l’éducation, del’intégration et de l’égalité deschances », a-t-il ajouté. Après la« mobilisation » de l’école, ClaudeAllègre a fixé un nouveau rendez-vous, « dans un mois », pour lancer« la mobilisation de toute la socié-té », collectivités locales, associa-tions, entreprises et médias.

Les premières réactions au plansont critiques. Le Syndicat généralde la police (SGP/FO) qualifie de« gadget » l’annonce selon laquellela police peut intervenir dans lesétablissements. « Comme d’habi-tude, quand la situation paraît inex-

tricable, on sort le joker Police ! ». Lesyndicat national des policiers entenue (SNPT) se dit satisfait dupartenariat avec l’éducation natio-nale mais ne souhaite pas que sesinterventions « se substituent àl’autorité du chef d’établissement ».Même son de cloche au syndicatAlliance, qui rappelle que « les poli-ciers ne doivent pas devenir des sur-veillants-chefs ».

« LA PRÉVENTION ABSENTE »Du côté des syndicats d’ensei-

gnants, la déception prime. LeSNES-FSU estime que « le plan an-tiviolence ne s’attaque pas auxcauses profondes », allusion auxconditions de travail des ensei-gnants, aux contenus et aux pra-tiques pédagogiques ou au traite-ment des inégalités. Le travail enéquipe implique, selon le SNES,« des décharges pour la concerta-

tion et un abaissement du temps detravail ». L’appréciation va dans lemême sens pour le Syndicat desenseignants (SE-FEN), qui jugeque « le plan ne s’attaque pas à laghettoïsation, à l’exclusion et àl’échec scolaire ». Il lui reproche enoutre « une forte coloration sécuri-taire ». Le SNUipp-FSU, pour qui leplan « en reste à l’urgence », semontre un peu moins sévère : ilprend acte des annonces en ma-tière de travail en équipe et de par-tenariat, tout en souhaitantqu’elles ne demeurent pas au rangde « déclarations d’intention ».Pour SUD-Education, le ministèrerépond à la violence par « uneautre violence : répression, multipli-cation des précaires, retour à l’ordremoral ». Le syndicat des chefsd’établissement (SNPDEN) se féli-cite « des mesures quantitatives »,tout en les jugeant « partielles », et

demande une « véritable gestion dela carte scolaire, outil efficace d’in-tégration ».

Les lycéens de la FIDL sont euxaussi déçus : « La réponse répressiveet moralisatrice n’est pas la bonne. Ilfaut s’attaquer aux inégalités et auxdiscriminations. » Geneviève Zeh-ringer, présidente de la société desagrégés, relève, sans commentaire,« l’unique référence littéraire » del’agenda 2000 offert par le mi-nistre : « Il dit oui à ce qu’il aime, ildit non au professeur », extrait duCancre de Jacques Prévert.

Dans la classe politique, le RPRjuge les annonces « sans cohé-rence », passant « du tout permis autout police ». Pour Claude Goas-guen, porte-parole de Démocratielibérale, Claude Allègre n’a pas pris« la dimension de la gravité excep-tionnelle de la situation ». L’UDFdéplore que « la prévention soit to-

talement absente ». A gauche, Ju-lien Dray (gauche socialiste) af-firme que « ce n’est pas avecquelques policiers qu’on va résoudrele problème. Il faut une loi de pro-grammation scolaire avec desmoyens ». Le Parti communistejuge les mesures « partielles ». PourArlette Laguiller (LO), elles sont« dérisoires ».

La fédération de parents d’élèvesPeep se dit « dans l’attente ». D’ac-cord avec les principes du plan, elle« craint que les réalisations ne soientpas à la hauteur des principes affi-chés ». La FCPE se félicite « de lavolonté ministérielle de faire del’école un lieu de droit », mais jugeurgentes « la mise en place desconseils de la vie lycéenne et la redé-finition des missions des ensei-gnants ».

S. Bl., N. G. et S. L. B.

Un jour dans la vie de Thomas, 14 ans, devant le conseil de disciplineDans une boîte de dragées, une enseignante avait découvert 12 grammes de cannabis

REPORTAGE« S’il était excludéfinitivement, c’estmoi qui me tuerais. »La déléguée des élèves

C’EST un conseil de discipline,dans un collège, quelque part enFrance. C’est l’histoire de Thomas,quatorze ans, et de la faute qu’il acommise. Volontairement, nous

avons préservé l’anonymat deslieux et des personnes présentes cejour-là.

Des tables ont été installées en U.D’un côté, les représentants des pa-rents d’élèves, de l’autre ceux desenseignants et, au centre, unconseiller principal d’éducation, unreprésentant des personnels admi-nistratifs, l’adjoint du principal, unconseiller général, un représentantde la mairie, une assistante sociale,et un délégué des élèves.

En face, à une autre table, Tho-mas, l’élève incriminé, est entouréde ses parents et d’un ami de la fa-mille. La séance est présidée par lechef d’établissement. Le motif de latenue du conseil est exposé : « dé-tention de 12 grammes de cannabis,attitude agressive envers un ensei-gnant, geste violent sur mobilier ».

Le principal rappelle le parcoursscolaire chaotique de l’élève avantde lire le « rapport d’incident » :« Alors qu’il est en classe, Thomasjoue avec un objet qu’il tient dans sesmains sous son bureau. L’ensei-gnante s’approche et lui confisquel’objet. Il s’agit d’une petite boîte dedragées à la menthe. Thomas réagitviolemment. L’enseignante ouvre laboîte et découvre du cannabis. Tho-mas est effondré sur son bureau. "Jesuis grillé, je vais me faire tuer parmes parents", dit-il. Il s’énerve et metla classe en ébullition. "Tu empires

ton cas", prévient l’enseignante."Vous ne comprenez pas, je suis déjàfoutu", lui répond l’élève. Il sort declasse et refuse, en larmes, de revenir.Il supplie l’enseignante de jeter lecannabis et de ne rien dire à per-sonne. L’enseignante prévient le chefd’établissement et le conseiller d’édu-cation. Elle s’aperçoit que quasimenttous les élèves étaient au courant ducontenu de la boîte. Thomas avoueavoir acheté le cannabis 100 francsen dehors du collège parce qu’il avaitessayé une fois l’année dernière etqu’il voulait réessayer, mais nie avoirvoulu le revendre. »

La mère de Thomas a préparé untexte, mais elle demande au chefd’établissement de le lire. « Moi jene peux pas, c’est trop émotionnel »,explique-t-elle. Le principal accepte.« Nous reconnaissons les faits et il estlogique qu’il y ait une sanction.Même si nous sommes divorcés, notreenfant reçoit une bonne éducation.Oui, c’est un garçon agité mais c’estun adolescent comme les autres. Il afallu qu’il se fasse respecter en ré-création pour ne pas être tapé. Est-ceune solution de lui faire louper laclasse. Il risque de prendre cela pourde l’acharnement. Je réclame un peuplus d’égards et de psychologie. » Leprincipal en revient aux faits : « Onne se retrouve pas par hasard àacheter du cannabis le matin. Tho-mas n’a pas pris en compte la gravitédes faits. J’ai pensé que votre fils avaitbesoin d’un suivi psychologique. »« On n’est pas contre une aide, jeveux bien rencontrer un psychologuepour enfants, mais il faut que Tho-mas l’accepte », explique la mère.

L’ami et voisin de la famille justi-fie sa présence. Une parole un peubrouillonne mais emplie de sincéri-té : « J’ai le plaisir d’avoir Thomastous les week-ends car nous avonsdeux passions communes : la pêcheet le bricolage. C’est vrai qu’il aimebeaucoup parader devant ses co-pains mais aujourd’hui, moi qui suisaussi son confident, je peux vous direqu’il regrette beaucoup. Il a eu uneattitude brutale car il avait peur dece qui l’attendait. Il a un bon fond etapprend rapidement. Aujourd’hui,enchaîne-t-il, le cannabis ça fait biend’en avoir. Il serait très dur de le pé-naliser. L’exclure définitivement, ceserait aggraver son cas. Je suis d’ac-cord que la drogue au collège c’estinadmissible. » Le chef d’établisse-ment souligne à quel point, lors desentretiens préalables avec le père etla mère, « il a été impossible de par-venir, entre adultes, à un discourscommun ». La mère, visiblement ac-cablée, dénonce la pression qu’ellesubit depuis plusieurs jours. « Danscette histoire, on n’a pas conscienced’être des personnes. On ne connaîtpas nos droits ni les vôtres. Quand jedis qu’il s’agit d’un accident, je neveux pas dire que ce n’est pasgrave », lance-t-elle au principal.

Thomas sort de son mutisme etprend enfin la parole. Il s’adresse auchef d’établissement :

« Je savais pas quoi dire quand jesuis arrivé dans votre bureau, ça aduré une heure.

– Mais tu ne donnais aucune ré-ponse !

– Mettez-vous à ma place ce jour-là. »

Le conseiller général décided’intervenir, solennellement :« C’est un fait d’une extrême gravi-té. La drogue est illicite. Tout celarelève ordinairement du juge pourenfants. Il faut être conscient de ce-la. Je n’ai pas l’impression que Tho-mas ait mesuré la gravité de sonacte. A mon sens, une exclusion dé-finitive n’est pas suffisante. » Lechef d’établissement rappelle qu’ila effectué un signalement à la po-lice et un signalement d’enfant endanger « dans le cadre du partena-riat éducation nationale/police/jus-tice ». La déléguée des élèves bon-dit d’effroi : « Vous montez haut,c’est un enfant. Il a peut-être été in-fluencé, il faut lui laisser unechance », dit-elle d’une voixblanche, en désespoir de cause.« Je peux vous assurer que Thomasn’est pas près de recommencer »,assure l’ami de la famille, ajou-tant : « Quel adolescent n’a pas es-sayé de fumer une fois un joint ? »Le conseiller général, à nouveau :« Le pétard d’aujourd’hui n’a plusgrand-chose à voir avec celui desannées 70. Cela devient une droguedure », affirme-t-il. « Vous croyezque Thomas soit au courant, mêmemoi je ne savais pas cela », ré-torque le père. L’atmosphère esttendue. le principal rappelle que leconseil de discipline « n’est pas untribunal ».

La mère n’en peut plus et livre,comme dans une ultime tentative,son désarroi de mère. « On aime-rait bien trouver une solution. Onen parle à la maison. Je parle lemême langage que vous. Effective-

ment, je demande à Thomas de merespecter, de respecter ses profes-seurs, de participer aux tâches mé-nagères. Effectivement, je lui criepeut-être souvent dessus. Ça faitquinze jours que je réfléchis et queje ne dors pas. Nous ne sommes pasdes parents inconscients. Noussommes des parents normaux. On aété à l’écoute. Mais qui a la solu-tion ? La solution est-ce de l’excluredéfinitivement, de l’envoyer devantun juge pour enfants et de me reti-rer la garde ? » Un silence gênés’installe. Plus personne ne sou-haite prendre la parole. La famillese retire le temps de la délibéra-tion.

« Quel est votre sentiment ? »,demande le chef d’établissement àl’ensemble du conseil. « J’ai étéviolent dans mes propos de façonvolontaire pour que la famille etl’enfant prennent conscience de lagravité de l’acte. Mais j’ai été effarépar l’attitude des parents. Ils n’ontpourtant pas l’air démunis intellec-tuellement », commente le conseil-ler général. La déléguée des élèvesest très émue. « On est tellementsollicité par la droque que pour unenfant faible il est difficile de résis-ter », insiste-t-elle, tentant unedernière fois de défendre Thomas.Avec ses mots à elle, elle ajoute :« Si c’était mon frère, je l’aurais tuéd’avoir fait une chose pareille. Maiss’il était exclu définitivement c’estmoi qui me tuerais. »

Un parent s’assure auprès duprincipal que Thomas pourra êtreaccueilli dans un autre collège encas d’exclusion définitive. Et puisun professeur évoque son « ma-laise » : « En tant qu’enseignant, jesuis pour l’exclusion définitive, maisen tant qu’humaniste, je ne suis passûr qu’ailleurs Thomas aura uneaide plus efficace qu’ici. C’est unenfant que j’apprécie. Il rencontredes problèmes dans son milieu fa-milial. Tout cela me fait mal. » Lechef d’établissement insiste sur lanécessité de « rappeler qu’il y a deschoses non admissibles dans un éta-blissement scolaire ».

Le moment du vote est arrivé.Le conseil de discipline ne peutchoisir qu’entre trois possibilités :une exclusion temporaire supé-rieure à huit jours, une exclusiondéfinitive ou un renvoi devant lechef d’établissement qui pourraprononcer une exclusion infé-rieure à huit jours. Pour Thomas,le principal propose que soit pro-noncée une exclusion définitive.Après le vote, à bulletin secret, leconseil fait revenir la famille pourlui notifier le jugement. « Il a étéprononcé, à quatorze voix pour, unecontre et un blanc, l’exclusion défi-nitive de Thomas. Je prendrai trèsrapidemment contact avec l’inspec-teur d’académie pour que Thomasintègre un nouveau collège où per-sonne ne le connaîtra », déclare lechef d’établissement. « Vous avezquelque chose à ajouter ? », de-mande-t-il aux parents et à l’ado-lescent. « Quoi dire ? », répond lamère, des larmes dans la voix.

Sandrine Blanchard

La justice est saisie des brutalités du bizutageau pôle sport-études rugby de Toulouse

TOULOUSEde notre correspondant régionalEn octobre 1999, le garçon a fini

par craquer. Il ne supportait plusl’humiliation de se laisser arracherles poils des jambes par certains deses camarades chaque fois qu’il nesavait pas répondre à une questiontouchant au rugby. Il avertit l’en-cadrement du lycée Jolimont qui, àToulouse, accueille le pôle sport-études rugby. Antichambre durugby professionnel, celui-ci offreà 55 élèves la possibilité de suivredes études tout en les préparant àdevenir des joueurs de haut ni-veau. La plupart sont internes, lo-gés dans des petites résidences co-quettes au milieu des pelouses etdes terrains de jeux. Les chambressont partagées par trois ou quatrepensionnaires. L’aveu du jeunegarçon, soutenu par sa famille, apermis de briser la loi du silence.La pratique du bizutage va bontrain dans le pôle espoir-rugby deToulouse – le plus réputé deFrance avec plus de deux centscandidats chaque année – etsemble être systématique depuisplusieurs années.

Une dizaine de témoignages ontété recueillis par l’administration

du lycée et transmis à l’inspecteurd’académie, Michel Daubres, le-quel les a trouvés suffisamment« graves » pour les communiquer àson tour au procureur de la Répu-blique. On y relève une liste im-pressionnante de sévices humi-liants et de brimades dégradantesdont plusieurs élèves disent avoirété les victimes, les témoins, voireles acteurs : manger de la nourri-ture déjà mâchée par un « an-cien », se laisser raser les jambes,se faire embrasser les fesses, mi-mer la sodomie, servir d’esclaveaux autres, se laisser prendre nu enphoto, accepter harcèlements noc-turnes et punitions...

LOI DU SILENCELe proviseur, Gabriel Maurin, et

son adjoint, Michel Béthous,avaient des doutes depuis plu-sieurs années. Aussi, à chaque ren-trée, ne manquaient-ils pas d’aver-tir les élèves que le bizutage est undélit. « On sentait bien qu’on s’op-posait à une culture et que la loi dusilence était la plus forte », disentles deux responsables, déterminésà aller jusqu’au bout. Dès qu’ilsont pu rassembler des faits, quen’ont-ils entendu : « C’est bon pour

endurcir les jeunes », « Cela leur faitdu bien », leur a-t-on rétorqué ducôté des familles. Tout se passantcomme si l’acceptation du bizu-tage était un passage obligé pourfaire un bon rugbyman. « Inaccep-table ! C’est une insulte pour le rug-by et l’éducation nationale », af-firme l’inspecteur Michel Daubres.

Comment de telles pratiques quidépassent le cadre des « imbécilli-tés courantes » ont-elles pu perdu-rer, ne se soldant jusqu’à présentque par le départ honteux et silen-cieux de quelques élèves ? GabrielMaurin et Michel Béthous re-marquent que les jeunes sont sou-mis au contexte de concurrence etde pression du rugby profession-nel. « Les mômes sont convaincusque, pour réussir, il faut tout accep-ter, marcher sur les copains, élimi-ner d’hypothétiques concurrents »,tentent-ils d’expliquer. Pour brisercet « état d’esprit malsain » quis’est instauré parmi le futur gratindu rugby français, le ministère et lerectorat ont ouvert une enquêteinterne. La justice devrait pour-suivre ceux des actes qui tombentsous le coup de la loi.

Jean-Paul Besset

Les famillesdu 108, ruede Bellevillelèventleur campementLES FAMILLES africaines qui sé-journaient depuis plusieurs jourssous une tente devant l’immeubleinsalubre du 108 rue de Belleville,dans le 20e arrondissement de Pa-ris (Le Monde du 28 janvier), ontquitté les lieux, jeudi 27 janvier, endébut de soirée. Elles ont levé leurcampement après la décision prisepar la Ville de Paris de reloger septd’entre elles dans des logementsprovisoires d’insertion. Quatreautres devraient trouver placedans des hôtels. La dernière, en si-tuation irrégulière, sera prise encharge par une association, a indi-qué l’association Droit au loge-ment, qui s’est félicitée du succèsde cette action.

DÉPÊCHESa JUSTICE : l’arrêt attendu dansl’affaire de la mort de Maëlla,qui met en cause la responsabili-té des magistrats, a été reportésine die, mercredi 26 janvier, par lacour d’appel de Paris. Le père de lafillette demande réparation à l’Etatd’une mort qu’il estime causée parla « faute lourde » résultant de dé-cisions prises au sein du tribunalde grande instance de Quimper (LeMonde du 10 décembre). La cour ademandé que lui soit transmis l’in-tégralité du dossier du juge des af-faires familiales de Quimper, quiavait rendu une ordonnance liti-gieuse dans cette affaire.a RACKET : un lycéen de Poissy(Yvelines), âgé de seize ans, aété enlevé dans son établisse-ment et séquestré pendant deuxheures, mercredi 26 janvier, afinqu’il retire la plainte qu’il venait dedéposer pour racket. Deux de sestrois agresseurs ont été interpelléspar la police et placés en garde àvue. Le troisième ainsi que d’éven-tuels complices étaient toujoursrecherchés, jeudi soir. Le racket-teur, qu’il avait dénoncé, avait étéplacé en garde à vue mardi.a FAIT DIVERS : un agent desurveillance de Paris, chargé dela verbalisation du stationne-ment dans la capitale, qui avaitété très grièvement blessé, mercre-di 26 janvier, par un automobilistequi a pris la fuite, est décédé jeudien fin d’après-midi. Agé de trente-six ans et père d’une petite fille dequatre ans, ce « contractuel » ver-balisait des voitures mal garéesdans le 19e arrondissement lors-qu’il a été fauché par un véhiculecirculant à contresens et à vive al-lure. Le conducteur était toujoursrecherché jeudi soir.a IMMIGRATION : le ministèrede l’Intérieur a précisé dans uncommuniqué, jeudi 28 janvier, quele nombre de demandes d’asileterritorial satisfaites en 1998 s’étaitélevé à 1 558, dont 1 550 au titre dela circulaire de régularisation. Lerapport au Parlement déposé endécembre 1999 par ce même mi-nistère indiquait pour sa part que1 339 demandes avaient été dépo-sées hors circulaire et que le tauxde rejet s’élevait à 96,4 % (LeMonde du 28 janvier).

Relenzaest dangereuxchez lesasthmatiquesL’AGENCE FRANÇAISE de sécuri-té sanitaire des produits de santé(Afssaps) met en garde, dans uncommuniqué du 26 janvier, contrele danger potentiel pour les asth-matiques et les personnes souf-frant de bronchopathie chroniqueobstructive du nouvel antigrippalRelenza. Ce médicament est admi-nistré par inhalation au cours desdeux premiers jours d’une grippeA et B. Depuis sa commercialisa-tion, plus de 500 000 prescriptionsde Relenza ont été délivrées enEurope et en Amérique du Nord,dont environ 100 000 en France. Ilpourrait être à l’origine de 17 casd’effets indésirables respiratoires,dont des crises d’asthme très sé-vères.

Page 11: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

LeMonde Job: WMQ2901--0011-0 WAS LMQ2901-11 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 10:39 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 21Fap: 100 No: 0375 Lcp: 700 CMYK

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R É G I O N SLE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000

TROIS QUESTIONS À...

ANNE-MARIECOMPARINI

1 Vous êtes présidente UDF duconseil régional Rhône-Alpes.

Comment avez-vous mené vos né-gociations face à l’Etat sur lecontrat de plan ?

En juillet, sans connaître la dota-tion totale de l’Etat, j’ai annoncéque le conseil régional mettraitplus de 8 milliards de francs. J’aiprésenté mes priorités. Ensuite,j’ai demandé ligne par ligne àl’Etat ce qu’il envisageait surchaque somme. Une telle audace asurpris l’administration. Jusqu’au24 décembre au soir, j’ai eu descontacts quotidiens avec la préfec-ture. A la fin, nous en étions à cor-riger mot à mot la rédaction ducontrat. Croyez-moi, cela n’a pasété un combat de fillette.

2 L’Etat vous a-t-il forcé la mainsur certains dossiers ?

L’Etat souhaitait que la régionparticipe au financement ducontournement de Saint-Etienne,de la rocade nord de Grenoble,d’un montant total de 3 milliardsde francs. Nous n’avons rien si-gné, hormis des études sur lesmodalités de financement. Leprojet de contournement deLyon, qui est une autoroute, nesera pas, non plus, financé par larégion. J’ai également refusé definancer l ’ insonorisation desvoies rapides, qui relève de lacompétence de l’Etat. J’ai rejetéles appels du pied de l’Etat pourparticiper aux travaux de mise ensécurité des établissements uni-versitaires. C’étaient 500 millionsde francs pour Rhône-Alpes. Enrevanche, la région assure seulela modernisation du réseau TERpour 450 millions. Et ne demanderien à l’Etat.

3 La droite milloniste et le FNdénoncent votre politique de

la ville. Etes-vous l’otage de lagauche sur ce thème ?

Le contrat conforte des pro-grammes déjà engagés par la ré-gion, de longue date. Nous met-tons davantage sur des actions enfaveur de l’insertion des jeunes.J’ai, par exemple, obtenu un ac-cord avec la métallurgie lyonnaisequi accepte de prendre sept centcinquante jeunes par an en stage.Je reconnais que le contrat de villeest parfois une usine à gaz. Mais ily a une chose dont je suis sûre : sion arrête d’agir sur ces territoires,alors, tous ceux qui habitent lesimmeubles bourgeois de Lyonpeuvent se préparer à mettre desforces de police à l’entrée de leurquartier. En disant ça, je ne suis pasune socialiste camouflée.

Propos recueillis parBéatrice Jérôme

Anne-Marie Comparini implique Rhône-Alpes dans les quartiers sensiblesLe conseil régional devait examiner, vendredi 28 janvier, le contrat de plan négocié avec l’Etat, soit près de 17 milliards de francs pour sept ans.

Sa présidente (UDF), soutenue par les socialistes, a augmenté les crédits de la politique de la ville et mise sur le transport ferroviaire LYON

de notre envoyée spécialeSes yeux d’aigue-marine se

plissent : « Mais comment vais-jeexpliquer au petit monsieur deRoanne ou à la vendeuse de Casinoce que ce machin va changer à leurvie de tous les jours ? » Anne-MarieComparini déguise son inquiétudedans un sourire. Et grille une nou-velle cigarette. La présidente UDFde la région Rhône-Alpes n’est pasd’un tempérament « guerrier ».Pour autant, depuis son élection, le9 janvier 1999, face à son « ami »Charles Millon, fourvoyé dans sonalliance avec l’extrême droite, ellea su mener quelques batailles.Vendredi 28 janvier, une nouvelleépreuve l’attendait : le projet decontrat de plan qui sera signé entrela région et l’Etat pour 2000-2006devait être soumis au vote duconseil régional. « Ce qui me rendtriste, c’est que les élus vont se livrerà une querelle de procédure et quece sera ce que retiendront lesjournaux. »

Pourtant, ce « machin » repré-sente, pour la région, 33 % du bud-get des routes, 12 % de celui del’enseignement supérieur, 12 % descrédits de la ville. En moyenne, larégion consacrera 20 % de sonbudget annuel au contrat de plan.

Deuxième région économique deFrance, Rhône-Alpes n’était pas lamieux placée pour être bien servieau banquet de l’Etat. Le 23 juillet1999, quand Lionel Jospin annonce6,3 milliards de francs pourRhône-Alpes, elle est avant-der-nière au classement pour la dota-tion de l’Etat par habitant.Mme Comparini prévient : à cemontant-là, « je ne signe pas » etengage le combat pour obtenir unrattrapage sur une « deuxième en-veloppe » promise par M. Jospin.Le 29 septembre, elle est reçue àMatignon par les conseillers char-gés des contrats. « Vous êtes tei-gneuse pour une jeune présidentede région », lui lance l’un d’eux.

De leur côté, les élus régionauxde gauche, emmenés par BernardSoulage (PS) « portent » le dossier.« Notre but était de faire venir la ré-gion sur les objectifs de l’Etat, en fai-sant en sorte que celle-ci présentedes projets qui puissent être votéepar la gauche », explique-t-il. Ennovembre, l’Etat promet 8,6 mil-liards et la région 8,3 milliards.Dans ce tango de plusieurs moisavec la région, c’est l’Etat quidonne le tempo. Depuis 1997, c’estau secrétariat général aux affairesrégionales (SGAR), à la préfecturede Lyon, que s’élabore sa stratégie.

Sept groupes de travail théma-tiques, associant le Medef, les syn-dicats, les chambres consulaires,les élus, les acteurs de la région,ont été mis sur pied. Ce brassageporte ses fruits. Par exemple, l’Etatmettra 170 millions de francs sur laculture, la région 200 millions.Trois fois plus qu’en 1994. Grâce aucontrat de plan, des petites troupesde théâtre amateur de l’Ardècheou de la Drôme pourront bénéfi-cier de l’« appui » de grandsthéâtres régionaux.

NOUVEAUX CRÉDITS POUR LE FERProgressivement, les grands cha-

pitres du contrat s’écrivent. Les dé-partements réclament 20 milliardsde francs de crédits routes... Pourdésengorger le sillon rhodanien,rendre la région plus accessible etaméliorer les liaisons intercités,l’Etat accepte de faire évoluer sonenveloppe de 1,3 milliard dans leprécédent contrat à 1,9 milliarddans l’actuel. Avec l’argent de larégion, le total se monte à 3,5 mil-liards de francs contre 2,5 milliardsen 1994. Dont 2,6 milliards pourdes opérations nouvelles. Lecontrat prévoit la poursuite del’aménagement de la RN 7 deRoanne à la limite de l’Allier ;l’amélioration des itinéraires d’ac-

cès aux stations de sports d’hivernécessite 692 millions de francs detravaux pour tous les départe-ments de l’Est rhônalpin.

Dans le même temps, les créditspour le chemin de fer sont multi-pliés par six, passant de 320 mil-lions de francs dans le précédentcontrat à 2 milliards dans l’actuel,dont 140 millions pour l’intermo-dalité. Des voies supplémentaireset de nouveaux matériels permet-tront d’améliorer la desserte Saint-Etienne-Firminy, les périphérieslyonnaise et grenobloise. Pour lefret, le contrat retient en priorité lamontée en capacité de l’itinéraireDijon-Ambérieu-Modane.

Deuxième grand chapitre, aprèsles infrastructures, l’enseignementsupérieur : au total, 2 milliards defrancs, dont 936 millions de la ré-gion. La restructuration des locauxuniversitaires, la vie étudiante etles bibliothèques sont les trois do-

maines principaux d’interventiondu contrat. Sur le volet des aides àl’emploi, l’Etat et la région fontleur mea culpa. La mise en réseaudes différents dispositifs d’inser-tion Etat-région-villes va être en-couragée. Des formules de valida-tion des acquis dans le champassociatif sont prévues, qui concer-neront les emplois-jeunes. Lecontrat prévoit également desaides à la création d’entreprisesdans le domaine des nouvellestechnologies de l’information et dela communication.

La politique de la ville bénéficie,elle aussi, d’une progression sen-sible. Peu investie, jusqu’ici, dansun domaine qui n’est pas de sacompétence, la région apporte700 millions de francs contre200 millions dans la précédente en-veloppe 1994-1999. Vingt et uncontrats de ville vont être signés.

Au final, l’exercice aura été pé-

dagogique. Les élus sont passésd’une logique du « chacun poursoi » à une vision régionale. Maisle contrat souffre d’une grave li-mite. « Dans une période de crois-sance, l’écart risque de se creuserentre les territoires dynamiques etles autres », résume Michel Thiol-lière, maire (UDF) de Saint-Etienne, vice-président de la ré-gion. Or l’ouest de Rhône-Alpes, ledépartement de la Loire notam-ment, a du mal à sortir de la crisede ses industries traditionnelles,quand l’est, Haute-Savoie princi-palement, bénéficie du dynamismede l’Europe. « Ce serait embêtantqu’on ait des morceaux de Portugalet de Grèce à côté de territoires quiressemblent à la Grande-Bretagneou à l’Allemagne », souffleM. Thiollière. A ce danger, lecontrat n’apporte pas de parade.

B. J.

« Erika » : de nouvelles nappes de fioul dans le MorbihanLES RESPONSABLES de la

lutte contre la marée noire sont denouveau sur le qui-vive : jeudi27 janvier, de grosses nappes defioul, repérées depuis quelquesjours par des hélicoptères de sur-veillance, sont arrivées, en find’après-midi, sur les côtes du Mor-bihan. Ont été touchés les rivagesdes archipels de Houat et de Hoe-dic ainsi que le littoral de Belle-Ile.Selon les autorités préfectorales ilpourrait s’agir de fragments quis’étaient incrustés dans les rochersentre le sud du Morbihan et lenord de la Loire-Atlantique et queles grandes marées des derniersjours auraient décollés. Les ventsd’est qui soufflent actuellement,conjugués aux mouvements de lamer, auraient pu pousser cesgrappes de fioul vers les îles.

Les responsables des plansPolmar-terre et Polmar-merconfirment que des traînées iriséessont toujours visibles à l’aplombdes deux morceaux d’épave du pé-

trolier Erika, qui gît par 120 mètresde fond. La partie avant du navire,notamment, laisse suinter par unefente des hydrocarbures ; unebrèche qu’il n’est pas possible decolmater vu l’état de torsion destôles à cet endroit.

Michelle Demessine, secrétaired’Etat au tourisme, devait serendre à Lorient, vendredi, pourparticiper à une table ronde avecles élus et les professionnels dutourisme des départements tou-chés par la marée noire et les in-tempéries de fin décembre 1999.Elle a souligné qu’« à la stupeur etau désarroi » des premiers temps« ont succédé un sentiment de co-lère et d’injustice mais aussi un for-midable élan de solidarité ». Elle aprécisé que le premier ministreannoncerait, « dans les toutes pro-chaines semaines, un dispositifconmplémentaire » pour venir enaide aux professionnels sinistrés,notamment aux opérateurs dontdes biens n’étaient pas assurables.

Pour les régions Poitou-Cha-rentes, Pays de la Loire et Bre-tagne, l’économie touristique estun levier très important puisque31 millions de personnes y sé-journent chaque année, générantun chiffre d’affaires supérieur à70 milliards de francs. La ministrea annoncé que des dispositions se-ront prises pour favoriser la re-mise en état rapide des campings-caravanings et pour simplifier lesprocédures d’autorisation admi-nistrative. L’Observatoire nationaldu tourisme et Maison de Francepréparent un plan d’action pourrestaurer l’image touristique de laFrance, notamment du littoralatlantique, une première évalua-tion chiffrant à quelque 80 mil-lions de francs les retombées né-gatives enregistrées sur treizemarchés étrangers. TotalFina s’estengagé à participer, à hauteur de30 millions de francs, en 2000, àcette campagne de restauration etde promotion du littoral.

Soixante et onze cantons concernésb Aveyron : cantons de LaSalveytat-Peyrales, de Najac, deRieupeyroux et deVillefranche-de-Rouergue.b Cantal : cantons deLaroquebrou, de Maurs et deSaint-Mamet-la-Salvetat.b Charente : cantons deConfolens et de Montembœuf.b Corrèze : canton de Lubersac.b Côtes-d’Armor : six cantonsdans le secteur de Plouaret ;douze cantons dans le secteurde Quintin ; six cantons dans lesecteur de Dinan.b Creuse : deux cantons dans lesecteur d’Auriat ; sept cantonsdans le secteur deCrocq-Fernoël.b Dordogne : cantons deBussières-Badil et de Nontron.b Finistère : cantons duHuelgoat et de Pleyben.

b Mayenne : cantons de Bais,d’Evron, de La Horpe et deVillaines-la-Juhel.b Lot : canton de Latronquière .b Orne : cinq cantons dans lesecteur d’Athis.b Puy-de-Dôme : cantonsd’Herment et de Pontaumur.b Deux-Sèvres : cantons deMoncoutant et de Secondigny.b Vendée : cantons de LaMothe-Achard, deMoutiers-les-Mauxfaits, et deTalmont-Saint-Hilaire.b Vienne : cantonsd’Availles-Limouzine et deL’Isle-Jourdain.b Haute-Vienne : cantonsd’Eymoutiers, deMézières-sur-Issoire, deSaint-Léonard-de-Noblat, deSaint-Mathieu et deSaint-Yrieix-la-Perche.

Choix à haut risque pour les déchets radioactifsLA « MISSION COLLÉGIALE de

concertation granite » a rendu pu-blique, jeudi 27 janvier, la liste desquinze sites présélectionnés pouraccueillir, éventuellement, un la-boratoire souterrain de recherchesur les déchets radioactifs. Cetteannonce officielle a été précipitéecar, le même jour, le réseau Sortirdu nucléaire, regroupant 487 asso-ciations, divulguait l’informationdans un communiqué à l’AFP.

Le dossier est polémique. Lamission a d’ailleurs banni de sonintitulé le terme qui fâche : nu-cléaire. Jean Mingasson, ancienpréfet, Philippe Huet, ingénieurdes Eaux et Forêts, et Pierre Bois-son, ingénieur des Mines, vont

donc « rencontrer les préfets, lesélus, les associations, la population,pour évaluer avec eux s’il convientde mener plus avant une étude et sice laboratoire pourrait être compa-tible avec leurs projets de dévelop-pement ». On ne saurait être plusdiplomatique. Peine perdue. Unprésident de conseil généralconcerné aurait déjà annoncé qu’ildéclinait la proposition.

Seize départements étaientconcernés par l’étude techniquemenée, confidentiellement, dansl’arc granitique qui court de laBretagne au Massif central. Laphase d’information locale devraits’achever au mois de juin. La mis-sion collégiale rendra alors un rap-

port. Le site définitif sera choisiaprès de nouvelles études géolo-giques. Le premier ministre signe-ra alors un décret autorisant laconstruction du laboratoire.

Le 3 août 1999, un décret iden-tique a déjà autorisé la construc-tion d’un premier site souterrain àBure, dans la Meuse, mais cettefois dans un sous-sol argileux.Cette procédure alambiquée dé-coule de la loi Bataille de 1991.Celle-ci prévoit trois pistes de re-cherche sur la gestion des déchetsradioactifs : la réduction de leurnocivité, l’amélioration du condi-tionnement en surface et l’étudede stockage dans des couches géo-logiques profondes et stables.Pour cette dernière piste, deuxtypes de terrain sont testés : l’ar-gile et le granite. En 2006, le Parle-ment devra trancher, dans le panelproposé, la solution.

Si l’hypothèse de l’entreposagesouterrain dans le granite devaitfinalement être retenue, les dé-chets n’arriveraient pas sur placeavant 2020. En regard de ce longterme, les trois missionnaires pro-posent un court terme alléchant :un chantier de 1,5 milliard defrancs, la création de 50 à 100 em-plois permanents, une taxe pro-fessionnelle difficile à refuser.

C’est ce « jeu de dupes » que dé-noncent les écologistes : « Nous necroyons pas aux promesses de trans-parence et de réversibilité, expliqueAndré Robinard, porte-parole duréseau Sortir du nucléaire. Une foisle site choisi, la décision sera défini-tive et les déchets seront enfouis làpour des milliers d’années. »

Benoît Hopquin

Page 12: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

LeMonde Job: WMQ2901--0012-0 WAS LMQ2901-12 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 08:33 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 21Fap: 100 No: 0376 Lcp: 700 CMYK

12 / LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000

H O R I Z O N SENQUÊTE

LA NOUVELLE ÉCONOMIE AMÉRICAINE5

Dorothy Miller, mamie boursicoteuse

Lesinvestisseursindividuelsaméricainsont faitirruption surles marchésfinanciersdans lesannées 90.Aujourd’hui,un ménagesur deuxa de l’argentplacé enBourse, qu’ilgère souventdirectement,grâceà Internet.Les retraitésne sont pasen reste

« Les plus jeunes élèves étaient intéresséspar le mécanisme. Je leur ai appris àdéchiffrer les pages financières, à s’informersur les sociétés, à repérer les bonnesentreprises. Les plus vieux, en revanche,voulaient faire de l’argent tout de suite »

La Chevrolet des Miller reste sur le parking, car, dans la Silicon Valley, « on veut des Porsche, des Mercedes et des BMW ! »

Prochain article :La reconquête de Harlem

LA dernière fois queDorothy Miller aemmené son petit-fils de sept ans, Jack,déjeuner au McDo-nald’s de Sunnyvale(Californie), tousdeux sont tombésd’accord sur une

chose : le service était nul. Alors lagrand-mère a pris le petit garçonpar la main, a appelé le gérant, etlui a dit : « Tu vois, Jack, tu es enpartie propriétaire de cette société,et tu dois dire au directeur que tun’as pas été bien servi. » Evidem-ment, relève-t-elle, « le gérant m’aregardée avec l’air de dire mais pourqui elle se prend, mais mon petit-filsa très bien compris, je voulais luimontrer qu’il avait un intérêt danscette société et qu’il était en droitd’attendre qu’elle fonctionnemieux. »

Passionnée de la Bourse, Doro-thy Miller est convaincue des ver-tus éducatives de ce mode d’inves-tissement. Elle a constitué à chacunde ses dix petits-enfants, âgés dequatre à quinze ans, un portefeuilled’actions qu’elle surveille avec eux,en les encourageant à l’alimenterquand ils le peuvent. Pour qu’ilsaient une idée plus concrète del’exercice, elle leur a acheté desvaleurs connues, comme Disney etMcDonald’s : de retour de Disney-land, l’une de ses petites-filles lui ad’ailleurs demandé quelle partie luiappartenait. Quant à Jack, il a été siimpressionné par son passaged’actionnaire chez McDonald’squ’il appelle régulièrement sagrand-mère – « Alors, où ensommes-nous, Granma ? » – pourvérifier l’évolution de ses titres.« Ils savent aussi que c’est del’argent qui est placé pour payerleurs études. Et je leur promets que sijamais ils l’utilisent à autre chose, jereviendrai les hanter quand je seraimorte. »

Encouragée par les réactions deses petits-enfants, Dorothy Miller aproposé au professeur de maths del’un d’entre eux de venir expliquersa science aux élèves au momentoù le journal local, le San Jose Mer-cury News, organisait un concoursd’investisseurs : l’opération consis-tait à prendre une somme fictive de1 000 dollars (environ autantd’euros), à choisir les valeurs danslesquelles on investirait cettesomme, à éventuellement leséchanger en cours de route et, aubout de six semaines, à voir quiaurait fait les meilleurs placements.Le professeur a accepté et, pendantsix semaines, Mme Miller est venuerégulièrement surveiller les fluctua-tions des marchés avec les enfantsde trois classes, âgés de onze àtreize ans. « Les plus jeunes élèvesétaient très intéressés par le méca-nisme. Je leur ai appris à déchiffrerles pages financières du journal, às’informer sur les sociétés, à repérerles bonnes entreprises. Les plus vieux,en revanche, voulaient faire del’argent tout de suite. » Succèstotal : la professeur de maths, raviede ces travaux pratiques, l’a mêmeinvitée à revenir l’année suivante.

A soixante-dix ans, Dorothy Mil-ler est une ravissante mamiegâteau, très dynamique, qui conti-nue à travailler dans l’agence Che-vrolet dont sa famille a la chargedepuis 1930 à Sunnyvale, à soixantekilomètres de San Francisco, etsurfe sur Internet comme d’autrestricotent. Mais surtout, elle a unpéché mignon : investir en Bourse.Elle a commencé il y a treize ans,juste au moment du krach d’octo-bre 1987, dans un petit clubd’investissement de femmes, bap-tisé WIN (Women Investing Now,l’investissement des femmes main-tenant). Le krach ne l’a pas dégoû-tée, au contraire : son club n’avaitencore acheté qu’un titre, Apple,« et on ne risquait pas de se tromper,tout s’était tellement effondré que çane pouvait que monter. »

Prudentes, les douze femmes deWIN investissent surtout dans desblue chips, les valeurs sûres et lea-ders, traditionnelles ou high tech.« On a fait beaucoup d’argent avecWal-Mart, Cisco, Dell... Oh ! Dell, ona fait beaucoup d’argent », sou-ligne-t-elle d’un ton gourmand.Malgré la modicité des sommesengagées (25 dollars par mois cha-cune, une somme portée à 30 dol-

lars il y a six ans), elles progressentà pas de géant grâce à des choixjudicieux : à 250 000 dollars, l’andernier, elles ont sablé le cham-pagne.

Aujourd’hui, Dorothy Millerappartient à quatre clubs d’inves-tissement, tous formés en suivantles instructions d’une associationnationale d’investisseurs indivi-duels, la National Association ofInvestors Corporation (NAIC), uneinstitution dont le nombre demembres a doublé depuis quatreans, passant de 350 000 à 700 000personnes, et de 16 500 clubs à36 500. Ces clubs se rencontrent enmoyenne une fois par mois, l’undans la salle de réunion d’uneéglise, l’autre dans celle d’un clubsportif, toujours dans une « am-biance de travail, avec un ordre dujour ». Elle a aussi ses petits place-ments personnels, qu’elle gère lematin sur Internet avant d’aller tra-vailler, tout en regardant CNBC, lachaîne câblée d’informationsfinancières.

E N 1994, elle a acheté duMicrosoft et a gagné « beau-coup d’argent ». « Et l’année

dernière, j’ai acheté du AOL et duYahoo, parce que ce sont des entre-prises dont je me sers tout le temps ;ce n’était pas à proprement parlerde bonnes occasions à l’époque,mais j’ai regardé ce qu’elles valaientcomme sociétés et j’ai acheté. Làaussi, j’ai gagné beaucoup d’ar-gent. » Elle s’est mise à gérer sonportefeuille on line, sur Internet, ily a cinq ans, encore grâce à uncours de la NAIC. L’avantage depasser par les maisons de courtagesur Internet, comme E Trade, Ame-ritrade ou Schwab.com plutôt quepar les agents de change et les mai-sons de titres traditionnelles,

explique-t-elle, c’est que lescommissions sont beaucoup moinsélevées, et « tout se déroule sous vosyeux ». L’Internet est aussi une for-midable source d’information pourquelqu’un comme Dorothy Miller,qui ne fait pas un gros volumed’échanges mais veut vendre « dèsqu’une société n’est plus bonne » :« Par exemple, ce matin, j’ai vérifiémon compte chez Schwab. Ils ont ces

notices, ces petits bulletins d’infor-mation qu’ils mettent la nuit surchaque valeur que vous détenez.Yahoo est génial pour ça, vous élabo-rez votre portefeuille et la moindrenouvelle sur une valeur qui estdedans vous est signalée. » Avec ça,plus le journal Investor’s BusinessDaily, auquel elle est abonnée, elleest parée, et affirme n’avoir jamaisfait un mauvais investissement,puisqu’elle vend « avant que celane tourne mal ». « En fait, jem’amuse beaucoup, c’est comme unhobby. Et ça m’a fait rencontrer desgens merveilleux. »

Comme Dorothy Miller, 48 % desménages américains ont aujour-d’hui de l’argent investi en Bourse,soit directement, soit dans desfonds mutuels : en gros, 79 millionsd’actionnaires. Ces chiffres tra-duisent une progression énorme :

en 1983, ils n’étaient que 19 %. A cerythme, ce n’est plus une histoired’amour, c’est une passion torride,la grande passion des années 90 :les investisseurs individuels améri-cains ont, ces dernières années, faitirruption en force sur les marchésfinanciers, sur lesquels ils ont jouéun rôle majeur, et qui le leur ontd’ailleurs bien rendu ; en dix ans,259 titres ont augmenté de plus de

1 000 % et à lui seul, Microsoft aprogressé de 7 669 % !

Comme Dorothy Miller, quiestime que « les femmes se sont troplongtemps laissé dicter la façon degérer leur argent par leurs maris »,les Américaines se lancent enmasse dans le capitalisme popu-laire – en 1999, elles représentaient67 % des membres de la NAIC, uneaugmentation de 42 % par rapportà 1997. Le recours à Internet pouropérer ses transactions boursièresest aussi en train de faire voler enéclats l’ensemble du processus tra-ditionnel des opérations enBourse : le bel édifice élaboré àWall Street pour faire se rencontreracheteurs et vendeurs, avec, aupassage, de multiples intermé-diaires (agents de change, gestion-naires de fonds, banques d’inves-tissement) qui en tirent profit, est

très sérieusement menacé par lavague des transactions électro-niques.

De plus en plus, c’est l’investis-seur qui a le contrôle du processus,pas l’intermédiaire. « Si votre bro-ker est si malin, comment se fait-ilqu’il travaille encore ? », ironisedans tous les métros de New Yorkune publicité de E Trade, l’une despremières firmes d’échange devaleurs sur Internet, qui affirmeavoir 1,5 million de clients et son-ner le glas de l’activité de courtageclassique. A peu près 10 millionsd’investisseurs, selon diverses esti-mations, gèrent leur portefeuille online. Une clientèle en telle progres-sion qu’à la fin de l’an dernier lesmastodontes de Wall Street telsMerrill Lynch et Morgan Stanleyont dû se résigner à mettre euxaussi leurs services sur Internet,avec des discounts sur les commis-sions susceptibles de rivaliser avecSchwab ou E Trade.

L’autre bouleversement intro-duit par Internet est celui des ECN(Electronic Communications Net-works) qui menacent, eux, nonplus seulement les brokers maisdirectement le Stock Exchange, carils fournissent un accès direct auxmarchés. C’est l’outil de prédilec-tion des day traders, cette nouvellerace d’investisseurs individuelshyperactifs qui se rapprochent duspéculateur, car leur but est de tirerle maximum de profits des multi-ples mouvements de cours au seind’une journée de cotation, eneffectuant un très grand nombrede transactions pour valoriser leurportefeuille. Contrairement àDorothy Miller, qui investit sur lelong terme, le day trader vise exclu-sivement le court terme – une ten-dance que le marché haussier et lessommets mirobolants atteints parles valeurs high-tech encouragent.

D OROTHY MILLER observetout cela d’un œil froid.« Moi, je ne fais pas les

introductions en Bourse, souligne-t-elle, manière de dire qu’elle nes’abaisse pas à se ruer sur lesvaleurs Internet qui, souvent,s’effondrent après le feu d’artificeinitial. Je ne fais pas de jeux dehasard. » Le lendemain de la fusiond’AOL et Time Warner, l’un de sesfils est venu la voir et lui a dit soninquiétude de la voir investir toutson argent en Bourse. « Ça me faitpeur », lui a-t-il dit. Mais bienqu’élevée dans une famille trauma-tisée par le krach de 1929, DorothyMiller n’a pas peur : « Je ne pensepas que le marché puisse rester sihaut, observe-t-elle, mais je ne croispas que l’on puisse avoir une vraiechute. Une correction ferait du bien,car beaucoup de titres sont très suré-valués. Mais aussi longtemps quel’économie reste solide, je ne croispas au krach boursier. »

L’économie est solide, mais lesChevrolet de la famille Millerrestent sur le parking, car dans laSilicon Valley, « on ne veut plus deChevrolet, on veut des Porsche, desMercedes et des BMW ! », s’attriste-t-elle. Ce matin, on a vu un jeunehomme d’une de ces sociétés trèsen vue de la Silicon Valley – qu’ellene nommera pas – venir comman-der une Porsche en anticipant lahausse de ses stock-options.« Acheter une Porsche avec del’argent d’emprunt ! », s’indigneDorothy Miller. « S’il y a une cor-rection, c’est à ces gens-là que çafera mal. » En attendant, tous lesmatins, chez elle, quand elle « parleà son mari » brutalement emportél’an dernier par une attaque car-diaque, elle le remercie de lui avoirconfié, il y a cinq ans, son planretraite investi en Bourse. « Tu asl’air de pas mal te débrouiller », luiavait-il dit en lui laissant son porte-feuille d’actions. Elle pensait ledoubler en cinq ans : en fait, elle l’atriplé et, aujourd’hui, elle en vit. Ala réflexion, elle pourrait mêmefaire mieux. Si seulement Yahoobaissait un peu, elle pourrait enacheter encore...

Sylvie KauffmannPhoto : Gerardo Somoza/Acte 2

pour « Le Monde »

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krachoupaskrach.compar Eden Quainton

14 / LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000 H O R I Z O N S - D É B A T S

JE viens d’ouvrir mon

deuxième site Internet :krachoupaskrach.com (lepremier, lenetdocteur.comest provisoirement en

panne, faute de « contenu »). Cou-rez-y. Cliquez-y. Cochez la case« krach » ou « pas krach ». Laissezvos coordonnées. Et c’est tout. Pasde cartes de crédit. Pas de factura-tion. Pas d’e-mails de confirmation.Pas de photos absurdes de Toyotaclignotantes, pas de clichés ef-frayants de chars enfoncés dans laboue tchétchène.

Vous cliquez. Vous cochez. Vouslaissez vos coordonnées. Point.C’est tout.

Vous verrez. C’est du gagnant-gagnant sûr, la quintessence del’euphorie ambiante, distillée parmoi-même à l’aide d’un quart degraves et d’un lapin aux pruneaux.

Je m’explique. D’après leschiffres en bas de la dernière pagedu Monde, vous pourriez, commu-nauté des acheteurs de ce journal,atteindre, certains jours, à peu prèsle nombre 500 000. Si la moitié decet optimum, soit 250 000 per-sonnes, clique sur mon site tous lesjours pendant deux mois, peut-êtrelégèrement plus, l’alchimie de lanouvelle économie prendra effet etvous serez, non plus des êtres hu-mains, mais des « clicks », des« hits », des « eyeballs », des statis-tiques en or, la matière première àpartir de laquelle sont bâties toutesles grandes fortunes de notreépoque, celles d’Amazon, de Net-scape, de Yahoo, d’AOL et biend’autres encore.

Revenus, rentabilité ? Du vieux,les gars. Ringard même.

Lors de la conférence de presseannonçant la mise sur le marchéd’un million d’actions au prix sacri-fié de 100 dollars l’action de kra-choupaskrach.com, je n’aurai qu’àfaire miroiter la croissance prodi-gieuse des « clicks » sur le site pourséduire les calculatrices les plus ré-ticentes, entraîner les investisseursles plus avisés, éblouir la presse laplus sceptique : « Douze millions devisiteurs virtuels en deux mois ;250 000 hits par jour. Une commu-nauté d’internautes passionnés, so-phistiqués, interactifs. Une commu-nauté vouée à l’actualité, la finance,le débat économique et historique.La communauté virtuelle par excel-lence de la nouvelle économie. » Etc’est pas tout. Je ne cacherai pasl’idée clé du site, j’en ferai même laforce, la garantie d’une croissancefulgurante et ininterrompue : toutl’argent levé vous sera versé àvous, la communauté passionnée,

sophistiquée et interactive enquestion sous forme de dividendeextraordinaire, pour peu que vousayez laissé sur le site vos nom etadresse. Car vous, internautes cap-tifs, vous serez aussi et en mêmetemps actionnaires avec moi de labelle entreprise qu’ensemble nousconstruirons.

Vous les voyez maintenant, lespremières lueurs de la vraie nou-velle économie ? L’Internet nous li-bère, nous transforme, nous, lesconsommateurs qui n’avons plusrien à vendre que notre propreconsommation. On clique et par cegeste même on se valorise, on s’ap-proprie.

Comme elle va être belle, l’aubedu millénaire prochain. Cotés enBourse, en vue de tous, les« clicks » se multiplieront, les« eyeballs » captifs proliféreront. Letitre flambera, les analystes exulte-ront. Nous forgerons des liens avecd’autres communautés, elles aussiconstituées d’internautes passion-nés, sophistiqués, interactifs. Nousles ferons entrer dans le giron denotre société, nous grandirons,nous croîtrons, nous deviendronsla valeur phare de la nouvelleéconomie, référence absolue, lapremière communauté virtuelle àse posséder, se capturer elle-même.

Certains d’entre vous demeurontpessimistes. La folie des vouchersen Russie ? Les pyramides finan-cières en Albanie ? La bulle japo-naise de 1989 ? L’effondrementaméricain de 1929 ? Vous aureztort. Car krachoupaskrach.com senourrit justement de ces parallèles,de ces réflexions, de ces interroga-tions. C’est justement la ténacitéde vos interrogations qui fontvotre plus grande force, c’est celamême qui fera de vous des inter-nautes emblématiques, qui confor-tera toutes les estimations faitessur la base du taux de « hits » ini-tial. Qui s’interroge, clique. Et re-clique. Et clique encore.

Mais si, au milieu de l’éblouisse-ment de cette nouvelle ère numé-rique, vous vouliez un momentvous arrêter, faire une pause, boirece quart de graves, consommer celapin aux pruneaux ? Qu’à cela netienne. L’économie a beau êtrenouvelle, les grandes intuitions, lesidées fortes prendront toujoursleur source – heureusementcommune elle aussi – dans ces an-ciennes réalités.

Eden Quainton est avocataux barreaux de Paris et New York.

Sida en Afrique : de quelle guerre parle-t-on ? par Act-Up Paris

L E 10 janvier, l’un de nosplus vieux slogans estdevenu le mot d’ordretrès officiel d’une réu-

nion spéciale du Conseil de sécuritéde l’ONU consacrée aux ravages del’épidémie en Afrique. Cette fois, çay est : « Le sida, c’est la guerre. »

Ce jour-là, chacun file la méta-phore. Pour Peter Piot, directeur del’Onusida – l’agence sanitaire desNations unies –, « conflits et VIHsont liés comme des jumeaux diabo-liques ». Kofi Annan, secrétaire gé-néral de l’ONU, exhorte donc leConseil de sécurité, précisémentparce qu’il est chargé du maintiende la paix, à faire de la lutte inter-nationale contre le sida une « prio-rité immédiate ». James Wolfen-sohn, président de la Banquemondiale, cède lui aussi aux trans-ports de la nouvelle rhétorique :« Avec le sida, nous sommesconfrontés à une guerre qui affaiblitplus que la guerre elle-même, parceque dans la plupart des pays il est àpeine évoqué, parce qu’il ne fait pasles gros titres, parce que la voix desvictimes n’a pas l’oreille du pou-voir. »

Probablement ému, Al Gore,vice-président américain et pré-sident de la séance, annonce uneaide exceptionnelle des Etats-Unis :100 millions de dollars. La sommeest insuffisante, tout le monde lesait et M. Wolfensohn le rappelle :« Toute guerre nécessite un trésor deguerre, mais celui qu’apporte lacommunauté internationale estvide. » Mais la cause est entendue :désormais, les appels de fondss’entonnent au clairon.

Curieuse conversion. Lorsque lesgardiens de la paix mondiale affir-ment que « le sida, c’est la guerre »,il faut certes entendre un appel à la

mobilisation qui rejoint le nôtre : lesida tue, comme (et plus) que lesconflits armés. Mais il faut surtoutentendre, très littéralement, unsouci stratégique qui n’a que peude chose à voir avec le contenu denos revendications.

Le sida, nous explique-t-on, dés-tabilise les économies, engendre lapauvreté, et favorise la guerre ; àrebours, la guerre, ses exactions etses désordres facilitent la propaga-tion de l’épidémie. Le maintien dela paix devient donc un paramètrede la lutte contre le sida, mais c’estsurtout la réciproque qui mobiliseles Nations unies : pour Al Gore,« sans nul doute, les ravages causéspar le sida et le coût induit menacentnotre sécurité ». Pour les Etats oc-cidentaux, le sida en Afrique n’estla guerre que dans son rapport à lastabilité du monde, leur monde. Le10 janvier, le sida est devenu unehypothèse d’état-major.

Nous parlons d’une autre guerre,moins abstraite. Son horizon n’estpas la « sécurité » des nations in-quiètes, mais la survie très élémen-taire, très opiniâtre et très précairedes personnes séropositives. Onnous sert aujourd’hui une géopoli-tique du virus, proche, sans nuldoute, des intérêts vitaux des Etats,donc susceptible de délier leursbourses, mais très éloignée des réa-lités de la maladie. C’est là tout leproblème : l’enjeu de cette« guerre » qui préoccupe tant leConseil de sécurité, c’est l’épidé-mie, pas les malades. Ceux-ci n’ap-paraissent qu’en creux, statistique-ment, comme porteurs du virus,vecteurs de contaminations poten-tielles. Il semble que les millions deséropositifs africains ne serventqu’à agiter l’épouvantail de lacontagion mondiale.

Ce que tous les observateurs ontprésenté comme une avancéerisque donc fort d’être, aucontraire, un recul : retour à une vi-sion strictement épidémiologiquede la maladie, résurgence d’unesuspicion officielle envers les per-sonnes atteintes, relégation du soinderrière la prévention. En l’in-dexant au « travail pour la paix et lasécurité », c’est-à-dire, dans le lan-gage bureaucratique, à une poli-tique de « prévention des conflits »,les Nations unies, loin de réorienterla lutte internationale contre le si-da, l’enlisent encore davantagedans le tout-prévention.

James Wolfensohn ne s’y estd’ailleurs pas trompé. S’il se per-met de sermonner les bailleurstrop chiches, c’est que la nouvelleurgence géopolitique lui permetde rafraîchir les vieilles options dela Banque mondiale : « Nous de-vons faire de la prévention la ques-tion centrale. Nous estimons que lecoût de la prévention se situe entre1,5 et 3,5 dollars par personne etpar an – comparés à plus de 7 dol-lars par personne et par an pour destraitements de base. Et, bien sûr, lecoût du traitement véritable d’unpatient est astronomiquement plusélevé. » On ne saurait être plus

On nous sert aujourd’hui une géopolitiquedu virus, proche, sans nul doute, des intérêtsvitaux des Etats, donc susceptible de délierleurs bourses, mais très éloignée des réalitésde la maladie

clair : protéger du virus les per-sonnes qu’il n’a pas encore conta-minées, qui assureront demain leremboursement de la dette et lastabilité du pays, quitte à sacrifierles personnes déjà malades, tropchères à soigner et perdues pour letravail ; privilégier la préventionsur l’accès aux traitements ; l’épi-démie contre les malades.

Au-delà des réserves moralesque suscite ce type de discours, ilfaut dire avant tout que le calculest mauvais. Car le tout-préven-tion a montré ses limites entermes de prévention ! Nul nepeut citer honnêtement un paysd’Afrique où la seule prévention a

permis d’endiguer la propagationde l’épidémie. C’est qu’il n’y a pasde prévention efficace ni crédiblesans prise en charge des per-sonnes atteintes : on ne peut pass’attendre à ce que, dans uncontexte d’extrême rejet social desmalades, entretenu par le faitqu’aucun soin ne peut leur êtreapporté, les personnes – générale-ment ignorantes de leur statut sé-rologique – se plient aux exigencesde la prévention et imposent l’uti-lisation du préservatif (se dési-gnant ainsi comme d’éventuelsvecteurs de transmission). Tantque la maladie restera une fatalité,une condamnation à mort, per-

sonne n’ira se faire dépister pourtout perdre et ne rien gagner. Lesida restera un tabou, parce qu’onne fait face aux problèmes quelorsqu’on a les moyens de les af-fronter.

Mais les Nations unies rai-sonnent de trop haut pour en-tendre ces évidences. « Beaucoupd’entre nous assimilaient le sida àune question de santé, ils avaienttort. Le sida ne peut plus être confi-né aux secteurs de la santé et du so-cial », nous dit M. Wolfensohn. Anouveau, on ne saurait être plusclair, et plus faux : le sida n’a ja-mais, en Afrique, été considérécomme une question de santé pu-blique. Il est constamment de-meuré une question de préventiondonc, strictement, de sécurité.Avant d’être appréhendé commeune maladie, il est ressenti commeun danger, et ce danger, les Afri-cains désarmés s’en détournent.

Mais le président de la Banquemondiale enfonce le clou : « Nousestimons que le montant total né-cessaire pour la prévention enAfrique est de l’ordre de 1 à 2,3 mil-liards de dollars, et pourtant, àl’heure actuelle, l’Afrique ne reçoitque 160 millions d’aide officiellepour la lutte contre le VIH/sida. »

Quid des sommes nécessairespour le dépistage, pour la préven-tion et le traitement des maladiesopportunistes ? Combien pourque le sida prenne un visage hu-main, pour que le déni cesse, enAfrique comme au sein des Na-tions unies ? James Wolfensohn nele dit pas. Il reprend intégralementle discours du directeur de l’Onusi-da à la récente conférence de Lu-saka, qui n’en avait pas davantageparlé. Pas plus qu’Al Gore, d’ail-leurs, qui entend faire, comme les

autres, du tout-prévention. S’ils nele disent pas, c’est qu’ils ne veulentpas sortir de ce même déni qu’ilsentendent combattre en Afrique.S’ils le disaient, ils ne pourraientplus cacher la faiblesse obscènedes sommes investies pour soignerles malades. En vérité, l’option dutout-prévention est prise pour desraisons stratégiques qui n’ont rienà voir avec le souci d’efficacité.

Il faut donc réinterpréter l’évé-nement du 10 janvier. La réunionextraordinaire du Conseil de sé-curité ne dénote pas une prise deconscience. Elle ne marque pas lepassage de la passivité au combat,ni même l’écart entre l’urgence desbesoins et la parcimonie desmoyens. Elle marque l’apothéosed’une géopolitique en surplomb,dont les malades restent absents,et le triomphe d’une macroécono-mie aveugle, où les investisse-ments sont mesurés non pas à leurefficacité sur la santé des per-sonnes, mais à leur rentabilitépour les Etats bailleurs.

Le front réel de la lutte contre lesida dans les pays du Sud est celuiqui oppose les tenants du tout-prévention, politique intéressée etsans issue, à ceux qui reven-diquent un accès aux traitements,par tous les moyens : en obligeantl’industrie pharmaceutique à bais-ser les prix de ses médicaments, enpoussant les Etats du Nord à ensubventionner l’achat et en exi-geant que les règlements interna-tionaux en autorisent la copie et laproduction locales. Si le sida estune guerre, c’est, d’abord, qu’iloblige à choisir un camp.

Ce texte a été rédigé par des mili-tants d’Act Up-Paris.

OPE : ne bridons pas les entrepreneurspar Pierre Richard

I MPRESSIONNÉ, commenous le sommes tous, parl’ampleur croissante desmouvements de concentra-

tion d’entreprises, qui ignorent plusque jamais les frontières nationaleset qui portent sur des montants decapitaux gigantesques, Jean Peyrele-vade propose d’instituer une limita-tion aux offres publiques d’échange(OPE) hostiles, qu’il résume dansune formule choc : « Non aux OPEhostiles » (Le Monde du 6 janvier).

Faut-il instaurer une nouvelle ré-glementation ? Ne risque-t-on pasalors de freiner l’esprit de conquêtede nos entreprises et de brider lesaudacieux ? La proposition du PDGdu Crédit lyonnais se révèle très res-trictive.

Tout d’abord, elle est facteur decomplications : alors qu’une acquisi-tion qualifiée d’« amicale » pourraitêtre réalisée en une seule opérationde marché par voie d’OPE (avec un

paiement en actions), elle devraitêtre décomposée en deux opéra-tions élémentaires dès lors qu’elleserait déclarée « hostile » par la so-ciété cible : une augmentation decapital et une offre publiqued’achat.

Deux opérations de marché aulieu d’une, c’est-à-dire unecomplexité accrue et des coûts opé-ratoires multipliés par deux. Pourquel profit ? Mais surtout en faisantprécéder (ou suivre) l’OPA par uneaugmentation de capital, la sociétéinitiatrice de l’offre encourt unrisque de marché. Le décalage tem-poraire entre ces deux opérationsexpose celle-ci à subir des consé-quences d’évolutions défavorablesdes marchés boursiers qui risquentde réduire, voire d’annuler l’intérêtéconomique d’un rapprochemententre les deux entreprises.

L’obligation de paiement en cashintroduit donc un aléa considérable

dans une opération risquée par na-ture. Tout chef d’entreprise saitqu’une acquisition comporte tou-jours une grande part d’inconnu.L’invention de l’OPE avait permis delimiter au moins l’aléa lié au finan-cement. La vie économique a-t-ellequelque chose à gagner à ce qu’onaccroisse délibérément l’expositiondes entreprises aux risques de mar-ché ?

Mais il y a plus. Une augmenta-tion de capital est par nature limitéedans son montant en fonction de lacapitalisation de la société émet-trice. Au contraire, l’actualité ré-cente montre que des OPE peuventporter sur des cibles de taillecomparable, voire supérieure, à cellede la société initiatrice de l’offre.

Les protectionsréglementairesfinissent toujours par céder devantl’évidence des rudeslois du marché

Ainsi, imposer le paiement encash pour les offres dites « hostiles »reviendrait dans la pratique à inter-dire les offres « hostiles » sur les so-ciétés présentant les plus grosses ca-pitalisations boursières. Dès lors, lemanagement d’une société vulné-rable trouverait dans la course à lataille une solution à son problème.Le risque serait grand de voir seconstituer à coups d’acquisitions desconglomérats disparates dont laseule raison

d’être serait de se mettre à l’abrides prédateurs sans prise en comptede l’intérêt économique de ces ac-quisitions. A l’inverse, dans le sys-tème actuel, la seule véritable pro-tection d’une entreprise contre desoffres « hostiles » est un niveau éle-vé de rentabilité, qui tire vers le hautles multiples boursiers.

Jean Peyrelevade justifie le paie-ment en cash par la nécessité pourla société initiatrice de l’offre deconsulter ses actionnaires en casd’offre « hostile ». Pourquoi limitercette obligation aux offres « hos-tiles » ? Une offre d’achat est-ellenécessairement bonne pour les ac-tionnaires dès lors qu’elle est « ami-cale » ? Mais surtout le paiement encash n’entraîne nullement une telleobligation de consultation des ac-tionnaires.

Comme l’écrit Jean Peyrelevadelui-même, de nombreuses sociétésfont voter par leurs assemblées gé-nérales des résolutions permettantde réaliser des augmentations de ca-pital massives, par tous moyens, ycompris les augmentations en nu-méraire et les offres d’échange. Lesmêmes résolutions soumises aux as-semblées générales d’actionnaires àtoutes fins utiles permettent donc, lemoment venu, de réaliser aussi biendes augmentations de capital quedes OPE sans revenir devant les ac-tionnaires. Quant à considérer quela réussite d’une augmentation decapital suppose l’adhésion des ac-tionnaires, c’est évidemment illu-soire. A défaut de souscrire, un ac-tionnaire peut toujours revendreson droit de souscription à un tiers,qui souscrira.

Des exemples récents ont montréque, face à une OPE « non sollici-tée », une entreprise peut la consi-dérer comme « hostile » dans unpremier temps, puis face à l’inéluc-table, préférera négocier son rallie-ment et, finalement, la déclarera« amicale ». Ce changement de qua-lification modifierait-il réellement lanature de l’opération et son intérêtéconomique et donc justifierait-ilune technique boursière différente ?On connaît aussi des exemplesd’OPE négociées à la hussarde pen-dant le week-end qui étaient décla-rées « amicales » le dimanche soirdevant la menace d’une offre « hos-tile » le lundi matin.

D’ailleurs, à qui revient-il de qua-lifier l’opération ? Au conseil d’ad-ministration de la société cible, ou àses actionnaires ? Si ceux-ci la dé-sapprouvent, ils ont le moyen de lafaire échouer en refusant d’apporterleurs titres à l’échange, comme l’ontfait en 1999 les actionnaires de la So-ciété générale.

La proposition de Jean Peyrele-vade aurait vraisemblablement ren-du impossible la constitution degroupes aussi puissants et néces-saires à la France qu’Axa-UAP ouTotalFina-Elf. Autour de nous, laconstitution de groupes de taillemondiale se serait poursuivie, et lesentreprises françaises seraient en si-tuation d’infériorité. Car la seuleprotection qui vaille, c’est celle queconfèrent la rentabilité et la compé-titivité qui s’acquièrent par l’accep-tation des rudes lois du marché. Lesprotections réglementaires finissenttoujours par céder devant l’évidencede ces lois.

Pierre Richard est adminis-trateur délégué de Dexia.

Page 14: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

LeMonde Job: WMQ2901--0015-0 WAS LMQ2901-15 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 11:06 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 22Fap: 100 No: 0379 Lcp: 700 CMYK

H O R I Z O N S - A N A L Y S E S LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000 / 15

IL Y A 50 ANS, DANS 0 123

0123 est édité par la SA LE MONDEPrésident du directoire, directeur de la publication : Jean-Marie ColombaniDirectoire : Jean-Marie Colombani ; Dominique Alduy, directeur général ;

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ÉDITORIAL

La « superbombe » divise civils et militairesAUX ÉTATS-UNIS, un grand dé-

bat est sur le point d’être engagédevant la commission parlemen-taire mixte (chambre et Sénat) del’énergie atomique au sujet de lafameuse bombe à hydrogène donton a tant parlé dernièrement. Il nes’agit pas en l’espèce de savoir sil’on procédera ou non à la fabrica-tion de la superbombe. La décisiona déjà été prise par les autoritésadministratives compétentes, pas-sées du stade des études théo-riques à celui des réalisations pra-tiques.

La question est d’obtenir les cré-dits nécessaires à la mise en chan-tier des installations. Or lacommission parlementaire estime-rait que pour le moment les Etats-Unis n’ont pas encore suffisam-ment « pensé » le problème ato-mique depuis que les Russes sonteux-mêmes censés posséder labombe.

Il conviendrait d’après elle que lesautorités chargées de veiller à la sé-curité du pays concentrent leur at-tention et les fonds dont elles dis-posent sur la défense contre lesattaques effectuées au moyen d’en-gins nucléaires. Une fois la protec-tion du territoire assurée, il y auraitlieu d’entreprendre la fabrication dela bombe à hydrogène.

Telle n’est pas l’opinion des chefsmilitaires. Dans cette lutte nouvellede l’obus et de la cuirasse, ils esti-ment qu’il faut à la fois perfection-ner le projectile et le bouclier. C’estpourquoi ils demanderont à lacommission parlementaire de re-commander l’adoption d’un pro-gramme complet embrassant la miseau point d’un système de défense adhoc et des laboratoires et usines deproduction de la superbombe.

M. F.(29-30 janvier 1950.)

Moulinex :erreurs et fatalitéSuite de la première page

Outre la démotivation qu’elles en-traînent, ces restructurations à lachaîne font insensiblement naître undoute durable dans l’esprit des sala-riés, et parfois dans celui des inves-tisseurs. Y a-t-il ou non une fatalité àun tel déclin ? Quelle est la part deresponsabilité de l’environnementen pleine mutation et quelle est lapart des erreurs de management ?

De l’électroménager à l’habille-ment, en passant par la chaussureou l’électronique, les conséquencesde la mondialisation figurent inévi-tablement dans la panoplie des ex-plications données pour justifier lesrestructurations, accompagnée, dansle cas de Moulinex, d’un sérieux vo-let social. Selon ce credo, les paysdéveloppés comme la France de-vraient abandonner aux pluspauvres certains types de produc-tion, nécessitant de la main-d’œuvre, mais dégageant peu de va-leur ajoutée. Il est bien difficile, il estvrai, de défendre la thèse inverse.Pourquoi s’obstiner à produire

100 francs ce qui s’achète 50 francsn’importe où ailleurs dans lemonde ? Telle est la réalité à laquelleest confrontée l’industrie française,tandis que montent en puissance lesusines chinoises, thaïlandaises oud’Europe de l’Est. Illustration decette situation, c’est à une sociétépolonaise que Moulinex confiera dé-sormais la fabrication de ses aspira-teurs, pour pouvoir aligner ses prixsur ceux de ses concurrents. Leconstat est peut-être douloureux,mais il est simple à comprendre.

C’est lorsqu’il s’agit de définir desstratégies de rechange que tout secomplique. Les règles de base sontpourtant connues : si les produc-tions à bas coûts partent vers lespays émergents, les pays développésdoivent se concentrer sur les fabrica-tions les plus sophistiquées et lesplus innovantes, les plus riches entechnologie mais aussi en idées mar-keting ou en design. C’est cette révo-lution que Moulinex, dont le fonda-teur, Jean Mantelet, fut pourtant uninventeur génial, n’a pas su réussir.L’un de ses faux pas – non impu-table, il est vrai, à son dirigeant ac-tuel – a consisté à vouloir à tout prixentrer sur le marché des fours à mi-cro-ondes, alors qu’il était déjàcontrôlé par des fabricants asia-tiques, en particulier sud-coréens.

La situation de son grandconcurrent français, Seb-Tefal, en at-teste : on peut vivre en étant un pro-ducteur français de robots ména-gers, de cafetières électriques, voirede simples casseroles, pourvuqu’elles intègrent les dernières inno-vations. Même si le grand rival deMoulinex n’a pas échappé aux res-tructurations et autres mesures derigueur financière, il reste debout etbien vivant. Ce déclin-là n’est doncpas une fatalité.

La résurrection, dans un telcontexte, est-elle encore possible ?L’histoire récente de l’industrie fran-çaise en fournit au moins deuxexemples. En se spécialisant sur desproduits à haute valeur ajoutée, lasociété franco-italienne de semi-conducteurs ST Microelectronics aréussi le tour de force de se hisserparmi les tout premiers fabricantsmondiaux de composants électro-niques, tenant tête aux américains etaux japonais, gagnant même desplaces au palmarès mondial au fildes années. L’ancienne SGS-Thom-son, soutenue à bout de bras par lesgouvernements français et italien, eten perte chronique pendant delongues années, n’y était pourtantpas naturellement prédisposée.

Autre exemple : quasi moribondpour avoir voulu imiter en tout

point ses concurrentes asiatiques,Thomson Multimédia a réussi à re-naître de ses cendres, en se spéciali-sant sur quelques productions in-dustrielles, comme celle des tubescathodiques qui font la valeur ajou-tée du téléviseur, et en misant à fondsur les produits nouveaux liés à la té-lévision numérique et au multimé-dia. Introduite en Bourse en no-vembre 1999, cette entreprise dontl’ancien premier ministre Alain Jup-pé avait dit qu’elle ne valait « rien »,est aujourd’hui l’une des coque-luches de la Bourse de Paris, et ren-contre ces temps-ci quelques diffi-cultés de cotation... La demande esttrop forte. Un happy end à faire rê-ver Pierre Blayau, mais auquel « lesMoulinex », eux, risquent d’avoir dumal à croire.

Anne-Marie Rocco

Tournure utile par Guillaume Dégé

Etats-Unis : paradoxes de la « nouvelle économie »EN DÉPIT de la croissance et du plein-em-

ploi, les disparités de richesse ne cessent decroître aux Etats-Unis. Depuis la fin des an-nées 70, les revenus des plus riches ont aug-menté, tandis que les revenus des plus pauvresont stagné ou décliné de manière plus oumoins prononcée selon les Etats.

Il y a aujourd’hui une différence de un à dixentre les revenus moyens des 20 % de foyersaméricains les plus favorisés et ceux des 20 %qui sont en bas de l’échelle, comme vient de lemontrer une étude publiée le 18 janvier pardeux instituts de recherche indépendants (Cen-ter on Budget and Policy Priorities et EconomicPolicy Institute, tous deux basés à Washing-ton). « La croissance économique que nousconnaissons résulte de la contribution de tous, dutravailleur au chef d’entreprise. Le fait que beau-coup de familles ne profitent pas de la prospéritéest le problème économique le plus sérieux denotre pays », souligne Jared Bernstein, l’un descoauteurs de cette étude.

La France, qui découvre depuis quelquesmois les charmes de la « nouvelle économie » àl’américaine, est-elle prête à en accepter toutesles conséquences sociales ? « Ce modèle decroissance va se propager en France où l’ouver-ture des inégalités sera probablement rejetée »,

soulignent les économistes de la Caisse des dé-pôts, qui ajoutent que, dans notre pays, « lesinégalités de salaires ont très peu varié, tandisque les inégalités patrimoniales se sont réduites »depuis quinze ans.

Aux Etats-Unis, les faits ont prouvé que la« nouvelle économie » privilégie les individusles mieux formés et les plus flexibles. « Les ga-gnants de la nouvelle économie sont ceux qui ontun diplôme de troisième cycle », souligne l’uni-versitaire Barry Bluestone dans la revue TheAmerican Prospect. Les risques que fait pesercette nouvelle « méritocratie » sur la cohésionsociale sont grands, et les plus hauts respon-sables politiques américains s’en préoccupentà l’approche de l’élection présidentielle de no-vembre.

STAGNATION DES SALAIRESDans un discours prononcé jeudi 13 janvier à

New York, le président de la Réserve fédéraleaméricaine, Alan Greenspan, soulignait ainsique les Américains « avaient eu raison » defaire le choix d’une croissance rapide et forte,mais il ajoutait à la fin de son discours : « Notrepays doit se pencher sur les dislocations qui letraversent, particulièrement chez les salariés quise sentent insécurisés dans leur travail et dans

leur vie. Une société ne peut pas s’épanouirquand une partie non négligeable d’entre elleperçoit son fonctionnement comme injuste. »

Bill Clinton avait lancé une série de réformesen 1996 pour améliorer la situation des plus dé-favorisés. Parmi ces réformes, il y avait le re-lèvement du salaire minimum mais surtoutl’introduction d’une aide financière de l’Etat fé-déral aux salariés précaires (les working poor)sous la forme d’un « crédit d’impôts » – unesubvention personnalisée qui s’amenuise dansle temps à mesure que la situation du salariés’améliore. Ces réformes ont joué un rôle im-portant, mais apparemment pas suffisant.

La tendance est là depuis le début des an-nées 80 : malgré l’enrichissement global dupays, les inégalités de revenus se creusent auxEtats-Unis. « A partir de 1993, elles ont atteintdes niveaux jamais vus depuis la Grande Dépres-sion », écrit Gary Burtless, économiste à la fon-dation Brookings, dans une analyse publiée enjuillet 1999. Il ressort de cette étude que ce sontsurtout les hommes non qualifiés et céliba-taires qui sont perdants dans la nouvelle distri-bution des richesses : ceux d’entre eux qui sontau bas de l’échelle des salaires ont vu leurs re-venus baisser de 20 % au cours des quinze der-nières années.

Le nouveau visage des inégalités s’expliqueau moins autant, d’après Gary Burtless, parl’évolution des structures familiales que par lesfluctuations de la fiche de paie. Les hommessans diplômes et mal payés se marient demoins en moins, tandis que les femmes – quisont de plus en plus nombreuses à travailler –contribuent à l’enrichissement des foyers àdouble revenu.

Un autre facteur important est en cause :avec l’engouement des Américains pour laBourse, il y a ceux qui ont assez de revenuspour en placer une partie à Wall Street et lesautres. Parmi les caractères inédits de la « nou-velle économie », il y a de manière simultanéel’enrichissement d’un nombre de plus en plusimportant de petits épargnants et la quasi-sta-gnation des salaires.

ENGOUEMENT POUR LA BOURSECe dernier phénomène étonne les observa-

teurs dans un contexte de plein emploi. Orc’est précisément grâce à la hausse des coursde Bourse que beaucoup de salariés peuventcompléter leurs fins de mois et être moins exi-geants en matière de revendications salariales.C’est là pour les économistes le principal élé-ment fondateur de la « nouvelle économie »,qui concilie de manière stupéfiante plein em-ploi et faible inflation.

L’« effet de richesse » induit par la Boursevient d’être analysé de près par la Réserve fé-dérale (Fed), qui constate que le revenu moyendes Américains a augmenté de 2,1 % entre 1995et 1998 (avant impôts et inflation déduite).L’enrichissement touche des millions de per-sonnes et permet un enrichissement global desclasses moyennes mais laisse de côté les pluspauvres, souvent des Noirs ou des Hispa-niques, comme le constatent les experts de laFed (source : étude sur la richesse des ménagesparue mardi 18 janvier à partir d’observationsportant sur 4 000 foyers américains). Le miraclede la croissance américaine, s’il est bien réel,n’a pas encore eu d’effets bénéfiques pourtous. La société et certains de ses équilibresfondamentaux (système scolaire, structures fa-miliales, relations interraciales) n’évoluent pasforcément au même rythme que les innova-tions technologiques.

Quelle leçon la France peut-elle tirer de l’ex-périence américaine ? La réponse réside engrande partie dans les grands choix de poli-tique fiscale à venir. Les économistes de laCaisse des dépôts préconisent une « fiscalitécomplexe » à même de préserver les forcesvives de l’économie nouvelle (créateurs de« start-up », amateurs de prises de risque),tout en préservant les grands équilibres so-ciaux caractéristiques du modèle social euro-péen.

Lucas Delattre

RECTIFICATIF

TEXTOL’émission littéraire animée par

Philippe Bertrand sur France 3 s’ap-pelle « Texto » et non « Taxi »,comme nous l’avons indiqué par er-reur dans l’article sur les émissionslittéraires après « Apostrophes »dans Le Monde daté 9-10 janvier.

L’hôpital maladeP OUR la première fois

depuis vingt-cinqans, la quasi-totalitédes organisations

syndicales appelaient vendredi àune journée nationale d’actiondans les hôpitaux publics. Cetteunité exceptionnelle des person-nels de santé est le signe d’un in-contestable malaise, qui s’est ex-primé à plusieurs reprises aucours des dernières semainespar des actions ponctuelles etqui s’étend aujourd’hui à denombreuses régions. A traversles revendications matérielles– manque d’effectifs, manque demoyens, surcharge de travail –,la question posée par cette vastemobilisation est bien celle del’avenir de l’hôpital public.

Cet avenir ne peut être isolé decelui de l’ensemble du systèmede soins, donc de son coût et deson financement. L’action deshospitaliers s’inscrit dans lalongue suite des mouvementsqui ont touché, les unes après lesautres, les professions de la san-té depuis qu’Alain Juppé, à l’au-tomne 1995, a lancé une vaste ré-forme de la Sécurité sociale pourmettre fin à une dérive finan-cière devenue insupportable. Lagauche, à l’époque, avait sèche-ment critiqué ce plan. Arrivée aupouvoir, elle l’applique sans ledire clairement.

La maîtrise des dépenses desanté implique forcément lecontrôle de celles des hôpitauxqui en représentent 40 %. D’où lagrogne dans les petites villes, làoù l’on ferme des lits en sur-nombre ou inadaptés. D’où l’in-compréhension de la puissanteAssistance publique de Paris ha-bituée, grâce à la performancede ses équipes et à l’aura de ses

mandarins, à un traitement defaveur, et à qui on demande au-jourd’hui des sacrifices pouraméliorer la situation des métro-poles de province.

Il n’est donc pas surprenantque Paris ait servi de détonateur.Il n’est pas surprenant non plusque les services d’urgence soientparticulièrement en pointe dansce mouvement. Trop longtemps,la médecine qui y est pratiquée aété traitée comme accessoire parrapport à des services presti-gieux comme la cancérologie oula cardiologie. Or l’hôpital rede-vient l’hospice. Un peu commel’école, il recueille toutes les pa-thologies de la société. Les ex-clus y cherchent un refuge et dessoins qu’on leur refuse ailleurs ;la violence y est entrée.

Le statu quo n’est donc paspossible. Mais toute réforme meten cause des acquis, des habi-tudes. Elle est particulièrementdélicate dans un secteur qui em-ploie 800 000 personnes. Mani-festement, la ministre des af-faires sociales et de la santé n’ena pas fait une de ses priorités,laissant les administrationsavancer à leur rythme. Cettefois, elle doit personnellementouvrir le dossier, d’autant quel’application de « ses » 35 heuresdans un secteur où il faut « ser-rer » les coûts ne peut quecompliquer les choses. Elle estun peu dans la même situationque Christian Sautter face à l’ad-ministration de Bercy. Mais dansles hôpitaux, c’est la santé quiest en cause, ce sont des mortsqu’il faut éviter. Le doigté et laprudence y sont plus qu’ailleursindispensables. Reste à MartineAubry de démontrer qu’elle enest capable.

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18

E N T R E P R I S E SLE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000

INDUSTRIE Werner Müller (sansétiquette) est un des piliers du gouver-nement fédéral allemand, où il détientle portefeuille de l’économie et de latechnologie. b PROCHE DU CHANCE-

LIER SCHRÖDER, il pilote les délicates né-gociations avec les producteurs d’éner-gie allemands sur la sortie du nucléaire.Il annonce ainsi le vote d’une loi pro-grammant la fermeture des centrales

nucléaires sur une durée de trente ans.b TOUJOURS DANS L’ÉNERGIE, M. Mül-ler affirme n’avoir aucune objection à laprise de participation du français EDFdans le quatrième électricien allemand

EnBW. b EN REVANCHE, le ministre re-grette qu’EDF soit « une entreprise éta-tique à 100 %, dans laquelle un électri-cien allemand ne peut pas prendre departicipations... ce n’est pas bon pour la

concurrence ». b REVENANT SUR L’OPAhostile de l’anglais Vodafone sur l’alle-mand Mannesman, M. Müller affirmeque les prises de contrôle inamicales nedoivent pas devenir la règle.

Le gouvernement allemand réclame la privatisation d’EDFDans un entretien au « Monde », Werner Müller, le ministre allemand de l’économie et de la technologie, passe en revue les dossiers industriels

les plus « chauds » entre Paris et Berlin. Il annonce un projet de loi sur la sortie de son pays du nucléaire en trente ans

Les partenariats franco-allemandsb EDF/ENBW : l’électricienfrançais a pris, le 19 janvier, 24,1 %du capital d’EnBW, le numéroquatre allemand.b Aventis : né le 15 décembre 1999de la fusion de Rhône-Poulenc etde Hoechst, ce leader des sciencesde la vie affiche un chiffred’affaires de 17 ,8 milliards d’euros.b Framatome/Siemens : le6 décembre 1999, les deux groupesannoncent la mise en commun deleurs activités nucléaires pour créerle premier pôle mondial. La société,contrôlée à 66 % par Framatome,sera créée au troisième trimestre2000 avec un chiffre d’affaires de3,1 milliards d’euros.b Aerospatiale Matra/DASA :annoncée le 14 octobre 1999, la

fusion des deux groupesd’aéronautique et de défense doitêtre effective au deuxièmetrimestre 2000. Rejoints parl’espagnol CASA, les deuxpartenaires donneront naissance àEADS, numéro trois mondial dusecteur.b France Télécom/DeutscheTelekom : le 20 avril 1999,Deutsche Telekom brise le pactequi le lie à l’opérateur français enannonçant sa fusion avec TelecomItalia, qui n’aura finalement paslieu .b Bourse de Paris/DeutscheBörse : les deux places boursièresont annoncé le 4 mai 1999 la miseen place d’une plate-forme decotation européenne.

Berlin pousse la candidature de M. Koch-Weser au FMILe gouvernement allemand ne comprend pas l’attitude de Paris

dans la succession de Michel Camdessus au poste de directeur géné-ral du Fonds monétaire international (FMI). N’ayant pas reçu desoutien français pour leur poulain, le secrétaire d’état aux finances,Caio Koch-Weser, ils soupçonnent la préparation d’une candidatureconcurrente. Pour le ministre de l’économie, Werner Müller, la ques-tion de savoir si le poste doit être pourvu par un Allemand ou unFrançais « devrait être secondaire dans une Europe en cours d’intégra-tion ». M. Müller est un proche du chancelier Schröder, qui a fait dusuccès de la candidature de M. Koch-Weser une affaire personnelle.

La bataille Vodafone-Mannesmann bouscule le conseil de VivendiLA PRESSION monte autour de

Vivendi : associé à la plupart desgrands opérateurs européens detélécommunications pour déve-lopper son réseau Cegetel, legroupe français se retrouve aucœur de la bataille Mannesmann-Vodafone. Il dispose d’une se-maine pour décider quel partiprendre.

Partenaire de l’allemand Man-nesmann, Vivendi semble avoir ca-ressé l’idée de venir à sa rescoussepour contrer l’attaque du groupebritannique. Toute la semaine, desrumeurs d’alliance entre Vivendiet Mannesmann ont circulé sur lesmarchés. « Notre offre publiqued’échange dépasse les 150 milliardsd’euros, c’est beaucoup plus que ceque Vivendi pourrait s’offrir. Je neconnais pas précisément les capaci-tés financières du groupe français,mais je sais qu’il n’en a pas lesmoyens », a répliqué Chris Gent,PDG de Vodafone AirTouch, dansun entretien au Figaro du 28 jan-vier.

Cet avertissement intervenait àquelques heures d’un conseil d’ad-ministration prévu vendredi28 janvier dans la matinée. Jean-Marie Messier, le PDG de Vivendi,devait présenter à ses actionnairesdifférents schémas pour le déve-loppement des activités communi-cation. « J’ai une série d’options.Mais d’ici à début avril, je choisiraiun partenaire mondial pour les télé-coms de Vivendi », confait, il y aquelques jours, M. Messier à unproche.

Les scénarios à l’étude doiventrépondre à une idée directrice : ti-rer parti de la bataille en courspour renforcer le contrôle de Vi-

vendi sur Cegetel. Le groupe nepossède que 44 % de sa branchetélécommunications et est lié parun pacte d’actionnaire contrai-gnant. Mannesmann détient 15 %de Cegetel, tandis que Vodafonepossède 20 % de SFR, la filiale detéléphone mobile. En échange deson engagement dans l’un oul’autre des camps, M. Messier veutnégocier la majorité dans Cegetel,ce qui lui permettrait par la suitede fusionner Cegetel et SFR, derompre son pacte d’actionnaire etde nouer des partenariats en touteliberté.

La première hypothèse consiste-rait à voler au secours de Mannes-mann, en lançant une offre pu-blique d’échange. Sur le papier, lerapprochement des activités de té-lécommunications et de médiasdes deux groupes aurait de l’allure.Mais ce scénario semble le moinsprobable. Mannesmann vaut deuxfois plus en Bourse que Vivendi etune OPE aboutirait à une dilution

totale des actionnaires de Vivendi,ce qui reviendrait à faire passer legroupe sous contrôle allemand.« Une situation impossible, comptetenu du rôle du groupe dans lescommunes françaises », affirme unobservateur.

POURPARLERS PRESSANTSLe deuxième schéma serait de

créer un partenariat soit avecMannesmann, soit avec Vodafone,pour développer à partir de leursbases communes d’abonnés (télé-phone, télévision) des accès asso-ciant le téléphone mobile, Internetet les contenus. Mannesmanncomme Vodafone ont reconnu dis-cuter avec Vivendi sur ce thème.Depuis la fusion AOL-Time War-ner, les pourparlers se font encoreplus pressants. Selon le quotidienallemand Handelsblatt du 28 jan-vier, Mannesmann « négocie uneentrée dans AOL Europe ». Il pour-rait « prendre pour 7,5 milliardsd’euros, un tiers des parts » de la

société commune détenue à 50-50par l’américain AOL et le groupede communication allemand Ber-telsmann, désireux de céder saparticipation depuis la fusionentre son concurrent Time Warneret AOL. Mannesmann refuse decommenter l’information. En casde rapprochement avec AOL Eu-rope, l’offre de Vodafone Air-Touch « serait inattractive », es-time Handelsblatt. Les offres decoopération de Vivendi perdraientaussi beaucoup de leur intérêt.

D’autres schémas sont envisagésà partir d’un scénario de victoirede Vodafone sur Mannesmann. Sile groupe britannique gagnait sonOPE sur l’allemand, des cessionsdevraient être envisagées. La pre-mière est celle du réseau de télé-phone mobile britannique Orange.Vivendi regarde s’il peut s’en por-ter acquéreur avec des partenairescomme le néerlandais KPN. Maisd’autres participations en Alle-magne, en Italie pourraient aussiêtre mises en vente.

Devant la multiplicité des scéna-rios si étroitement liés à l’issued’une bataille boursière, les admi-nistrateurs de Vivendi risquent dese contenter d’étudier les optionssans décider. M. Messier a une se-maine pour choisir son camp.Après la clôture de l’offre de Voda-fone, le 7 février, il sera trop tard,le vainqueur sera connu et poserases conditions. Le PDG de Vivendine doit pas se tromper. L’avenir dugroupe dépend d’un seul coup dedé.

Martine Orangeet Philippe Ricard,

à Francfort

Suez-Lyonnaise candidat à la téléphonie mobileAprès avoir longtemps hésité sur sa position, Suez-Lyonnaise

semble décidé à accélérer son engagement dans les télécommunica-tions. Présent dans le câble et la télévision ( M 6, TPS), le groupe al’intention de s’engager désormais dans la téléphonie mobile. « Nousenvisageons de former un consortium pour être candidat à l’attributiond’une des nouvelles licences d’opérateurs de téléphonie mobile à lanorme UMTS. Nous voulons être l’actionnaire majoritaire ou le premieractionnaire de ce consortium », a déclaré Gérard Mestrallet, présidentdu directoire du groupe, dans un entretien aux Echos du 28 janvier.

Se considérant comme « un acteur acteur naturel de la boucle lo-cale » par le biais de Lyonnaise Câble, le groupe a annoncé par ail-leurs le dépôt de sa candidature, lundi 31 janvier, à l’attributiond’une licence nationale d’opérateur de boucle locale radio. Un tourde table sera créé dans lequel Suez serait le premier actionnaire àparité avec le groupe Arnault.

PEU CONNU en Europe, WernerMüller (sans étiquette), cinquante-trois ans, est un des piliers du gou-vernement fédéral allemand, où ildétient le portefeuille de l’écono-mie et de la technologie. Proche duchancelier Schröder, c’est lui qui pi-lote les délicates négociations sur lasortie du nucléaire. Economiste etlinguiste, cet homme discret acontribué à apaiser les tensions ap-parues entre la coalition SPD-Vertset les milieux d’affaires qu’ilconnaît bien. Il a fait l’essentiel desa carrière dans les conglomératsRWE, puis Veba – où il a occupédes postes de direction jusqu’en1997.

« L’entrée d’EDF sur le marchéallemand a suscité des réti-cences. Que pensez-vous de laprise de participation de 25 %d’EDF dans EnBW, quatrièmeproducteur allemand d’électrici-té ?

– Par principe, je ne suis pascontre l’arrivée d’un producteurétranger en Allemagne. Je n’ai au-cune objection vis-à-vis de la prisede participation d’EDF dans EnBW.Mais EDF est une entreprise éta-tique à 100 %, dans laquelle un élec-tricien allemand ne peut pasprendre de participation. Quand untel monopole d’Etat entreprendune tournée d’acquisitions danstoute l’Europe, ce n’est pas bonpour la concurrence. Nous ne pou-vons pas privatiser en Allemagnedes entreprises qui risquent d’êtrerachetées par un groupe public ori-ginaire du pays voisin. J’attendsdonc que le gouvernement françaisprivatise EDF. De plus, la France nerespecte pas le droit européen : elleaurait dû transposer la directive eu-ropéenne sur la libéralisation dumarché de l’électricité européendepuis février 1999. C’est un autreélément perturbateur du marché.

– Le projet du gouvernementallemand d’abandonner le nu-cléaire civil est suivi très atten-tivement en Europe. Les négo-ciations avec les producteursallemands d’électricité traînenten longueur. Comment comptez-vous parvenir à un résultat ?

– Nous ne voulons pas sortir dunucléaire immédiatement, mais à

moyen terme. La première solutionconsiste à signer un accord avec lesélectriciens fixant une durée d’ex-ploitation à l’issue de laquelle ils ar-rêtent leurs centrales. Nous propo-sons trente ans. Sur la base de cecompromis, une loi serait alors vo-tée, qui ne pourrait pas être contes-tée juridiquement par les électri-ciens. Faute d’accord, nouslimiterons par voie législative la du-rée des autorisations d’exploitationde manière rétroactive. Nous de-vons le faire sans courir le risque deperdre des procès et d’avoir à ver-ser des dommages et intérêts auxélectriciens. Les électriciens ontévoqué des délais de trente-cinq àquarante ans et ont dit qu’un ac-cord sur une durée de trente ansn’était pas possible. La reprise desnégociations avec le chancelier estfixée au vendredi 4 février. Nouscomptons les finir dans un ou deuxmois et voter une loi avant la fin del’année.

– Comment être certain que lasortie du nucléaire est irréver-sible ?

– Partout en Europe, à l’excep-tion peut-être de la France, on sedirige de facto vers une sortie dunucléaire. Il n’y a plus de nouveauxprojets. En Angleterre, les centralesnucléaires ne sont pas renouvelées.En France, je crois comprendre

qu’EDF aurait une interdiction in-formelle de construire de nouvellescentrales au cours des dix pro-chaines années. En Allemagne, au-cune centrale n’a plus étéconstruite depuis vingt ans. Mais iln’y a qu’ici qu’on ressente le besoind’organiser la sortie du nucléaire.On en parlait déjà avant Tcherno-byl !

– Les Verts allemands récla-ment l’arrêt de certaines cen-trales avant les élections législa-tives de 2002. Cela sera-t-ilpossible ?

– Je ne sais pas. Il y aura des fer-metures en cas d’accord avec lesélectriciens. Si on ne parvient pas àune solution consensuelle, la loi nepourra pas contraindre à des arrêtsavant 2002. Nous aurions à respec-ter un délai de transition de troisans au minimum : ce n’est qu’en2004 que nous pourrions arrêter lescentrales de trente ans et plus.

– Quand le retour vers l’Alle-magne de déchets nucléaires re-traités à la Hague par la Cogemapourra-t-il être organisé ?

– En novembre ou décembreprochain, après l’Exposition uni-verselle qui doit se tenir à Hanovre.Cet événement exige la présenced’une forte mobilisation policière,tout comme le retour des déchetsretraités à Gorleben, qui représente

des dépenses très importantespour le Land concerné par les deuxsujets : la Basse-Saxe.

– Quand les livraisons de dé-chets nucléaires allemands versla Hague ou l’usine britanniquede Sellafield reprendront-elles ?

– Dès que la sécurité de cestransports sera garantie et en ac-cord avec les exploitants nu-cléaires. Cela dépend aussi de laposition française pour les convoisvers la Hague. Les autorités poli-tiques françaises ne semblent pasfavorables à de nouvelles livraisonsavant le retour en Allemagne desdéchets déjà traités. Mais j’imagineque la Cogema préférerait des li-vraisons plus tôt.

– Le groupe britannique Voda-fone AirTouch essaie de s’empa-rer de Mannesmann par le biaisd’une offre hostile. Est-ce untournant pour le capitalisme al-lemand ?

– Ce n’est pas un vrai tournant. Ily a déjà eu de telles tentatives enAllemagne, même si elles ont, jus-qu’ici, été contrées avec succès. Lesprises de contrôle hostiles nedoivent pas faire figure de règle. EnAllemagne, nous avons l’habituded’agir dans le consensus. Il existeun code encadrant les prises decontrôle et nous souhaitons quel’Union européenne se dote d’untel cadre.

– En cas de succès de Voda-fone, qu’attendez–vous de cegroupe ?

– Il faudrait que Vodafone res-pecte les engagements pris auprèsdes responsables politiques alle-mands. J’ai rencontré, le 29 dé-cembre, Chris Gent, le directeur gé-néral de Vodafone. Il m’a fait despromesses orales sur le maintiendes centres de décisions en Alle-magne et le développement desemplois.

– Quelle est la différence, au-jourd’hui, entre un chef d’entre-prise allemand et son homo-logue américain, alors que lecapitalisme rhénan semble deplus en plus influencé par le mo-dèle américain ?

– Le manager allemand n’est niplus ni moins capable qu’un améri-cain. Il a un cadre juridique dif-

férent. Il a, par exemple, à sa dispo-sition l’instrument de la cogestion.Certains patrons en font un pro-blème. Mais quand elle est bien uti-lisée, la cogestion est un avantagestratégique. Un dirigeant allemandvoit peut-être plus à long terme.Un américain vit davantage aurythme des rapports trimestriels.

» Quelques patrons de grandsgroupes allemands, en partie déte-nus par des fonds d’investissementaméricains, sont plus influencés parle modèle anglo-saxon. Ces action-naires leur apportent une partie de

la philosophie. Mais l’économie al-lemande garde ses caractéristiques.C’est une des plus indépendantesde l’Etat. Beaucoup plus indépen-dante que la française. L’innova-tion des entreprises allemandesconnaît un regain de forme. La li-béralisation de certains secteurssuscite une vague de créationsd’entreprises, par exemple dans lestélécommunications, où DeutscheTelekom a maintenant une cin-quantaine de concurrents. Dans lesbiotechnologies aussi, l’Allemagneest en situation de pointe.

– Quand on compare la crois-sance américaine à celle de l’Al-lemagne, on a l’impression queles deux modèles n’ont pas lemême succès...

– La croissance n’est pas seule-ment liée aux décisions des entre-preneurs. Je constate de plus enplus souvent que beaucoup de diri-geants américains se font des sou-cis pour la concurrence sur les mar-chés internationaux.L’internationalisation, les libertésdouanières..., donnent plus de

maux de tête aux dirigeants améri-cains qu’aux allemands.

– Quelles seront les consé-quences de l’allégement fiscalannoncé avant Noël sur les plus-values boursières ?

– Cela contribuera à rendre pluscompétitive la « Deutschland AG ». Beaucoup de participations déte-nues par des groupes industriels etfinanciers pourront être valorisées.Elles ne l’étaient pas auparavantpar crainte des retenues fiscales.

– Grandes banques et assu-rances se sépareront-elles de

leurs participations indus-trielles, ce qui révolutionneraitl’économie allemande ?

– On peut s’y attendre. Ce ne se-ra pas toujours un mouvement deconcentration. Une prise decontrôle sur deux réussit, une surdeux se termine par un désastre.Les rapprochements provoquentaussi souvent des cessions. Prenezl’exemple de Hoechst, avant sa fu-sion avec Rhône-Poulenc. Sur sonsite historique, près de Francfort, ily a maintenant une quarantaine desociétés, dont certaines ont étévendues. On l’oublie parfois. Beau-coup de grands groupes veulentplacer une partie de leurs activitésen Bourse. Dans la fusion Veba-Viag, de nombreuses activités dunouvel ensemble seront cédées ouintroduites en Bourse. Quoi qu’ilarrive, c’est aux entreprises de déci-der, car l’Etat n’a pas son mot à diredans le paysage allemand. »

Propos recueillis par Arnaud Leparmentier

et Philippe Ricard

Page 16: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

LeMonde Job: WMQ2901--0019-0 WAS LMQ2901-19 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 11:15 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 22Fap: 100 No: 0382 Lcp: 700 CMYK

E N T R E P R I S E S LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000 / 19

1999 00J M M J S N J

COURS DE L'EURO FACE AU DOLLAR

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La faiblesse de l'euro accentue les pressions inflationnistes dans l'Union.

La faiblesse s'accentue

Source : Bloomberg

0,9835le 28 janv.

L’euro s’installe sous la parité de 1 dollarLa faiblesse de la monnaie européenne augmente la probabilité d’une hausse

des taux directeurs de la Banque centrale dès sa prochaine réunion, jeudi 3 févrierLa monnaie européenne est tombée, vendredimatin 28 janvier, à un plus bas niveau histo-rique de 0,9830 euro pour 1 dollar. Cette chuteintervient en dépit des signes de redressementde l’économie dans la zone euro. Les investis-

seurs continuent à préférer placer leurs capi-taux aux Etats-Unis, qui disposent, selon eux,d’avantages structurels importants sur l’Eu-rope. Les facteurs d’ordre politique pèsent aus-si sur l’euro. La situation en Autriche, avec

l’éventuelle arrivée au pouvoir de l’extrêmedroite, et en Allemagne, avec la grave crise tra-versée par la CDU, incite les gestionnairesaméricains et asiatiques à une prudence ex-trême. Si elle affiche sa confiance dans la capa-

cité de rebond de l’euro, la Banque centraleeuropéenne (BCE) se trouve dans une situationinconfortable. La faiblesse de la monnaieunique renforce les tensions inflationnistesnaissantes sur le Vieux Continent.

L’EURO inspire de moins enmoins confiance sur les marchésfinanciers internationaux. La mon-naie européenne est tombée, ven-dredi matin 28 janvier, à un plusbas niveau historique de0,9830 euro pour 1 dollar. C’est audébut du mois de décembre 1999qu’elle était pour la première foispassée sous la parité de un dollar.Elle s’était ensuite redressée pourplier à nouveau à partir de la mi-janvier. Sa chute s’est accélérée aucours des derniers jours.

Ce mouvement peut surprendrecompte tenu de l’amélioration dela situation économique dans lazone euro. En Allemagne et en Ita-lie, les deux grands pays de l’Unionà la traîne, les signes de redresse-ment de l’activité se multiplient.« Les indicateurs dont nous dispo-sons sont très encourageants, si bienque nous prévoyons un taux decroissance en 2000 bien plus prochede 2,5 % que de 2,2 % prévu jusqu’àprésent », a confié, mercredi, Enri-co Micheli, le sous-secrétaire à laprésidence du conseil italien.« Nous avons définitivement sur-monté le creux conjoncturel du dé-but 1999. Le moral des entreprisesallemandes est bon. Les carnets decommandes sont pleins », s’estpour sa part félicité Hans Eichel, leministre allemand des finances.

Mais cette améliorationconjoncturelle sur le Vieux

Continent ne suffit pas à soutenirl’euro. Il est vrai que, de son côté,l’économie américaine ne donneaucun signe de décélération. Ledépartement du commerce a an-noncé jeudi que les commandes debiens durables avaient fait unbond de 4,1 % en décembre. LesEtats-Unis conservent en matièrede croissance un solide avantage.En 1999, la hausse du PIB a étédeux fois supérieure à celle enre-

gistrée en Europe. A celas’ajoutent une situation de l’em-ploi bien plus favorable (4,1 % detaux de chômage aux Etats-Unis,contre 9,8 % en Europe), une ré-glementation du marché du travailplus souple, des entreprises pluspuissantes, une capacité d’innova-tion technologique plus impor-tante, des finances publiques plussaines et des prélèvements obliga-toires plus faibles.

Le président Bill Clinton a an-noncé, jeudi, une réduction netted’impôts de 250 milliards de dol-lars sur dix ans, qui a relégué ausecond plan les programmes d’al-légements fiscaux dévoilés récem-ment en Allemagne et en France.Autant d’atouts « structurels » quiséduisent les investisseurs interna-tionaux et les poussent à acheterdes dollars plutôt que des euros.

Enfin, la monnaie européenneest affectée par des élémentsd’ordre politique. La situation enAutriche, avec l’éventuelle arrivéeau pouvoir de l’extrême droite, eten Allemagne, avec la grave crisetraversée par le parti chrétien dé-mocrate (CDU), incite les gestion-naires américains et asiatiques àune prudence extrême. Ils pré-fèrent placer leurs capitaux dansdes régions politiquement plusstables.

Devant le nouvel accès de fai-blesse de l’euro, les autorités euro-

péennes tiennent à afficher leursérénité. « L’euro est plus stable quele mark ne l’a été pendant la plusgrande partie de ses cinquante an-nées d’existence », a estimé, jeudi,Otmar Issing, le chef économistede la Banque centrale européenne(BCE).

SITUATION INCONFORTABLELes dirigeants monétaires du

Vieux Continent restent persuadésque l’euro bénéficie « d’un impor-tant potentiel d’appréciation », se-lon leur formule préférée, en rai-son de l’accélération de lacroissance économique dansl’Union. Ils considèrent surtoutque le véritable risque, sur le mar-ché des changes, n’est pas celuid’un effondrement de l’euro maisbien celui d’un krach du billet vertque provoquerait le gigantesquedéficit des comptes extérieursaméricains. Cette analyse expliquequ’ils n’aient pas souhaité que soitmentionnée la faiblesse de l’eurodans le communiqué final publié,samedi 22 janvier, à l’issue de laréunion du G 7 de Tokyo.

Si elle se montre confiante, àlong terme, dans la solidité de l’eu-ro, la BCE se retrouve toutefoisdans l’immédiat dans une situa-tion très inconfortable. Le plon-geon de la monnaie européenne aen effet comme conséquence derenforcer les tensions inflation-

nistes dans l’Euroland : la valeurdes biens importés, et notammentcelui du pétrole, libellé en dollars,en est renchérie. Les derniers in-dices publiés ont reflété le déra-page des prix à la consommationdans la zone euro : ces derniersont progressé de 1,7 % sur un an,en décembre.

L’impact inflationniste de l’eurofaible augmente la probabilitéd’une hausse du taux directeur dela BCE dès sa prochaine réuniondu jeudi 3 février : surtout si la Ré-serve fédérale américaine choisitde resserrer sa politique monétairemardi 1er février. Dans le contexteactuel sur le marché des changes,l’institut d’émission européen peutdifficilement se permettre de lais-ser se creuser l’écart de taux d’in-térêt à court terme entre l’Europeet les Etats-Unis et la différence derémunération entre l’euro et ledollar. De nombreux analystesjugent toutefois qu’un tour de visde la BCE serait prématuré sur leplan économique et briderait lacroissance sur le Vieux Continent :ils craignent du même coup qu’iln’accentue la défiance des inves-tisseurs internationaux à l’égardde l’euro. Les remous actuels ris-queraient alors de se transformeren crise monétaire de grande am-pleur.

Pierre-Antoine Delhommais

a NOMINATIONS

Nouveau directeurgénéral chez Prudential

Jonathan Bloomer deviendra di-recteur général du numéro un de l’as-surance-vie britannique à partir du1er mars. Il remplace Peter Davis, quirejoint J. Sainsbury, numéro deux de

la distributionoutre-Manche. Agéde quarante-cinq ans,M. Bloomerétait devenudirecteur gé-néral adjoint

en mai, et occupait, jusqu’à cette date,le poste de directeur financier. Le nou-veau dirigeant veillera à la concrétisa-tion de l’accord passé il y a deux moisavec la CNP, leader de l’assurance-viefrançaise. Celui-ci vise à distribuer enFrance et au Royaume-Uni des pro-duits des deux compagnies.

a SNCF : Francis Rol-Tanguy(47 ans, ingénieur des Ponts etChaussées), ancien directeur de cabi-net de Jean-Claude Gayssot, intègrele comité exécutif de la SNCF et seranommé directeur de l’activité fret. Ilsuccède à Armand Toubol (52 ans),qui succède à Jean-Pierre Leclerc à latête de SNCF Participations, la hol-ding qui regroupe la plus grande partdes filiales et participations de laSNCF.Par ailleurs, Olivier Marembaud(47 ans, Mines), directeur de cabinetde Louis Gallois, est nommé directeurdu transport régional et local et AlainLe Guellec (52 ans, Centrale) devientdirecteur du TGV Est européen.a WALT DISNEY : Robert Iger, an-cien PDG d’ABC, filiale de Walt Dis-ney, devient numéro deux du groupeen tant que directeur général chargéde l’exploitation, derrière le PDG, Mi-chael Eisner. Le poste était vacant de-puis le départ de Michael Ovitz en1996.a DIRECTION DES CONSTRUC-TIONS NAVALES : Jean-MariePoimbœuf (56 ans, X) a été nomméen conseil des ministres à la tête de ladirection des constructions navales(DCN).a CHRISTIE’S INTERNATIONAL :Edward Dolman, jusqu’ici directeurgénéral de l’Amérique du Nord, estnommé directeur général, et FrançoisCuriel, vice-président-directeur géné-ral du groupe.a CLUB MÉDITERRANÉE : JérômeMaton (32 ans, ESCP) rejoint le ClubMéditerranée en tant que directeurde la stratégie. Membre du comitéexécutif, il est directement rattaché àPhilippe Bourguignon, président dudirectoirea JANSSEN-CILAG : FrédéricChampavère (43 ans, IEP), jus-qu’alors directeur général, est nom-mé PDG de la principale filiale enFrance du groupe de santé John-son & Johnson.a CROISSANCEPLUS : Sylvain Fo-restier (39 ans, Essec), PDG duGroupe D, société spécialisée dans lemarketing technologique, devientprésident de l’association Croissance-Plus, qui regoupe les entreprises decroissance françaises.

Cette rubrique est hebdomadaire.Merci d’envoyer vos informationsà Martine Picouët. Fax : 01-42-17-21-67.

DANS QUELQUES JOURS, les 1 830 per-sonnes du site pharmaceutique de Romain-ville, en Seine-Saint-Denis, seront fixées surleur sort. Le 14 octobre 1999, le groupeAventis, né de la fusion du français Rhône-Poulenc et de l’allemand Hoechst, annon-çait la mise en vente du centre de recherchede Hoechst Marion Roussel (HMR) et sonintention de conserver l’unité de productionbiochimique. La décision d’Aventisconcerne 1 200 collaborateurs (dont700 chercheurs) et un chiffre d’affaires d’unpeu plus de 1 milliard de francs. Vendredi28 janvier, les élus locaux de Romainvilleavaient rendez-vous chez le préfet où ils de-vaient recevoir des assurances d’être enten-dus sur le sort réservé à la deuxième entre-prise du département. Lundi matin, ledossier sera présenté au comité centrald’entreprise d’HMR.

Les candidats à la reprise d’HMR ont eujusqu’au 15 janvier pour déposer leur offre.De la demi-douzaine de prétendants ini-tiaux, il ne resterait plus, selon des prochesdu dossier, que trois candidats en lice : leconglomérat américain DuPont de Ne-mours, le laboratoire familial français PierreFabre et le projet d’un groupe de salariés.

Le chimiste DuPont n’a pas caché sa vo-lonté de se renforcer en pharmacie. En juil-let 1998, il rachetait les 50 % qui ne lui ap-partenaient pas de DuPont Pharma, safiliale commune avec Merck. Romainvilleparaissait une petite proie au regard des ap-pétits de l’Américain. Mais les déclarationsrécentes de son PDG, Chad Holliday, ren-forcent l’intérêt de sa candidature. Il a an-noncé qu’il renonçait aux grandes acquisi-tions en pharmacie : selon lui, la taille de

DuPont Pharma (1,6 milliard de dollars deventes en 1999, pour un bénéfice de 230 mil-lions de dollars) rend toute opération ex-trêmement coûteuse. Il s’est dit, en re-vanche, décidé à poursuivre undéveloppement à pas comptés, avec des ac-cords de recherche et des investissementsjudicieux. Son discours a été salué très posi-tivement par la Bourse. Romainville ne dé-parerait pas dans sa stratégie de croissanceraisonnée.

INTERNATIONALISATIONPour les laboratoires Fabre, nés en France

dans les années 60, HMR représente un vé-ritable saut technologique. Cette offensivestratégique est à la mesure de l’ambition deJean-Luc Bélingard, son nouveau vice-pré-sident directeur général. Arrivé en janvier1999 et appelé à prendre la succession dePierre Fabre, il n’a eu de cesse que la PMEfamiliale (6,8 milliards de francs de chiffred’affaires en 1998, dont 3,9 milliards enpharmacie) renoue avec les bénéfices. La ra-tionalisation – avec 180 suppressions d’em-plois, le premier plan social dans l’histoirede Fabre) – et l’internationalisation (35 %des ventes en 1998) ont marqué l’année1999. Avec HMR, le Français doublerait sataille et son effort de recherches, gagnant làde précieuses années de développement.Fabre et Aventis collaborent déjà : le pre-mier produit pour le compte du second unepartie de l’anticancéreux Taxotère dans sonusine de Pau. Ce qui laisse supposer que lesite d’HMR pourrait être utilisé en sous-trai-tance par Aventis.

Un troisième projet, baptisé Alternative,émane d’une dizaine de salariés d’HMR. Ils

proposent de constituer un ensemble phar-maceutique autonome reprenant tout oupartie de l’outil d’HMR. Ce projet diffèredes deux autres en ce sens qu’il intègretoute la chaîne du médicament depuis saconception jusqu’à sa mise sur le marché, etpourrait intégrer jusqu’aux visiteurs médi-caux. « Pour avoir travaillé dans des masto-dontes de la pharmacie, nous sommes persua-dés qu’il y a la place maintenant pour desentreprises à taille humaine, souples, réactiveset plus conviviales », explique Mme Domi-nique Viet, un des porteurs du projet Alter-native.

Devant le refus des pouvoirs publics deles financer, les salariés ont failli abandon-ner leur projet jusqu’à ce que deux anciensresponsables de Roussel-Uclaf, soutenuspar une banque, se portent officiellementacquéreurs auprès d’Aventis. « On aimeraitse spécialiser dans le traitement des maladiesdélaissées par les grands groupes et dévelop-per des partenariats forts avec la recherchepublique pour faire émerger des projets »,souligne Dominique Viet. Mais les salariésredoutent les impératifs de rentabilité querisque de fixer la banque qui soutient le pro-jet.

L’intersyndicale des salariés d’HMR a dé-cidé de « juger sur pièces » les différents can-didats, « sans a priori », sur des critèresd’emploi et de pérennité pour la recherche.« Parce que c’est notre avenir qui est en jeu,nous exigeons un accès réél aux dossiers desrepreneurs. Il s’agit de peser sur les décisionset de permettre d’améliorer les projets », in-dique Thierry Bodin, délégué CGT de l’inter-syndicale. Les élus du département ont in-terpellé dans le même sens les responsables

d’Aventis. « A ce jour, nous ne savons rien surle contenu des projets de reprise, qui nepeuvent pas nous laisser indifférents en termede dynamique locale et de recherche natio-nale. Roussel-Uclaf n’a pas pu être un fleuronde la pharmacie française sans laisser detraces à Romainville où elle est née en 1920 »,déclare Corinne Valls, maire de la ville (PC).

PARTAGE DE PORTEFEUILLEAventis explique que le périmètre définitif

de ce qui sera cédé dépend de l’identité durepreneur. L’opération la plus délicateconcerne le partage du portefeuille dans ledomaine des anti-infectieux, une expertisequi a fait, avec les maladies des os, la re-nommée du site de Romainville. Aventisdoit se résoudre à laisser des médicamentsattractifs dans la corbeille d’HMR. Le porte-feuille proposé est jugé très prometteur, àhorizon de six à huit ans, mais des doutessubsistent, selon certains représentants dessalariés, sur le devenir d’un antibiotique, néà Romainville, et qui pourrait être conservépar Aventis.

Certains syndicalistes estiment que la pré-férence d’Aventis irait à Fabre. Mais la solu-tion américaine aurait la faveur des salariés,surtout du côté de la CFDT. « Si on donnaitl’avantage à un laboratoire français, ce seraitun bel exemple de réalisation de politique in-dustrielle dans le domaine pharmaceutique.Le médicament, on en parle en termes decoûts financiers. Pendant ce temps, les sites derecherche sont peu ou prou dans les mainsd’étrangers ! », souligne Thierry Dieuleveux,chargé du dossier chez Fabre.

Véronique Lorelle

Les trois destinées du laboratoire Hoechst Marion Roussel de Romainville

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20

C O M M U N I C A T I O NLE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000

A LA TELEVISIONET A LA RADIO

Le Monde des idéesLCI

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Le samedi13 h 07, 15 h 04, 17 h 35

Lecteurs et professionnels sont divisés sur les meilleures « unes » de la presse magazineLES PROFESSIONNELS de la

presse magazine ne sont pas dumême avis que leurs lecteursquand il s’agit de choisir la meil-leure couverture de l’année. Si lesjournalistes et les publicitaires ontplébiscité la couverture de Paris-Match consacrée à la mort del’héritier Kennedy – une reprise del’image qui avait été utilisée parJohn Kennedy Jr pour illustrer sonpremier édito dans George –, leslecteurs ont préféré la « une » deCourrier international sur le

Kosovo – on y voit un soldat del’UCK en larmes, le regard tournévers le ciel. Le Grand Prix FranceRail publicité de la « une » maga-zine, décerné jeudi 27 janvier àParis, a fait peau neuve en 1999 entenant compte, pour la premièrefois, de l’avis des lecteurs. Instruc-tif.

Environ 520 « unes », proposéespar une centaine de titres maga-zines, ont été analysées dans lesmêmes conditions par les deuxjurys, une petite quarantaine de

couvertures ont été récompen-sées. Tout oppose les deux palma-rès, seuls les prix de la couverture« people », celle de Hola (avecGrace de Monaco), celui de lameilleure « une » auto-moto,Sport Auto consacrée aux Bentley,et les quatre couvertures deTélé 7 Jours consacrées à Star Warsont recueilli des suffrages conver-gents.

« VALEURS SÛRES »Pour les professionnels – dont le

jury était présidé cette année parAlain Genestar, le directeur géné-ral de la rédaction de Paris-Match –, la deuxième meilleure« une » de l’année est celle duPoint consacrée à l’origine del’espèce humaine (un singeregarde un crâne humain qu’iltient dans la main) ; pour les lec-teurs, il s’agissait de la revue His-toire, dont la couverture étaitconsacrée à « Mille ans d’école, deCharlemagne à Claude Allègre ».L’illustration montrait des écoliers

au travail sur une table de cam-pagne. « Comme vous le voyez, cesont plutôt des valeurs sûres et tra-ditionnelles qui l’emportent », com-mente Bernard Wouts, le PDG duPoint.

Pour les nouveaux titres, lancésen 1999, les professionnels ontchoisi la couverture conceptuelledu magazine Bachi Bouzouk (BDjeunesse), les lecteurs préférantune photo de guépards utilisée parla version française de NationalGeographic. A noter, parmi leschoix surprenants, la « une » duChasseur français, couronnée parles lecteurs pour la photo d’unmoineau sur une branche... Le jurydes lecteurs a manifesté peud’intérêt pour les couvertures demagazines féminins, alors qu’ilétait, tout de même, composé defemmes à 58 %. Les professionnelsont, eux, boudé les couverturesdes magazines consacrés à l’artculinaire et à la jeunesse.

Florence Amalou

Mise en garde du Bureau de vérification de la publicitéDans une recommandation « publicité sur Internet » présentée mardi

25 janvier, le Bureau de vérification de la publicité (BVP) insiste sur lerespect de la vie privée des internautes. Le BVP s’inquiète de la divulga-tion des données personnelles recueillies par les annonceurs et les profes-sionnels du marketing. Les utilisateurs doivent pouvoir exercer un droitde refus, préconise le bureau. Ils devraient aussi pouvoir se protéger des« messages publicitaires non sollicités », adressés par courrier électronique.

Le BVP propose de mettre en place l’équivalent d’une liste rougepermettant de se protéger contre l’intrusion de la publicité en ligne.L’organisme de contrôle souligne également l’ambiguïté et la confusiondes genres entretenues par la publicité sur la Toile, qui n’est pas claire-ment identifiée telle quelle. « Lorsque le message publicitaire est diffusé aumilieu d’informations ou d’articles rédactionnels, il doit être présenté demanière à ce que son caractère publicitaire apparaisse instantanément »,affirme le BVP.

La mesure d’audience sur le Web cherche encore son outil de référenceClé du marché de la publicité en ligne, la mise au point d’un Audimat de l’Internet fait l’objet d’une concurrence acharnée.

Mais aucun des instruments proposés par les trois opérateurs du marché français ne s’impose vraiment pour l’instantLA BATAILLE des mesures

d’audience sur Internet continue.Trois mois après avoir publié leurspremières études (Le Monde du23 octobre 1999), les trois opéra-teurs présents sur le marché fran-çais – Médiamétrie, MMXI Europeet NetValue – renforcent leurs posi-tions en levant des capitaux et ens’alliant avec des partenaires étran-gers. Déjà associé au groupe TaylorNelson Sofres, NetValue devait faireson entrée à la Bourse de Paris, ven-dredi 28 janvier, pour financer sondéveloppement international. Lacotation a été reportée de deuxjours à cause d’une véritable ruéedes investisseurs. La demande a étéquatre-vingt fois supérieure àl’offre, rendant la cotation impos-sible. NetValue compte lever envi-ron 350 millions de francs (53,3 mil-lions d’euros) sur le nouveaumarché, où figurent les valeurs desnouvelles technologies. Deux ansseulement après sa création, lastart-up française est présente danscinq pays et elle envisage sérieuse-ment de « compter, dans les troisannées à venir, parmi les deux ou troisopérateurs mondiaux dans la mesurede l’Internet ».

Médiamétrie affiche aussi desobjectifs ambitieux. Le ténor de lamesure d’audience pour la télévi-sion et la radio vient de s’allier avecles américains ACNielsen et NetRa-tings pour rattraper son retard surl’Internet. Dès le second trimestre2000, la société commune crééepour l’occasion devrait proposer uninstrument de mesure déjà opéra-tionnel aux Etats-Unis et basé surun panel d’internautes. Médiamé-trie s’aligne ainsi sur ses concurrentsqui offraient déjà ce type d’outil surle marché français. Jusqu’à présent,la mesure d’audience sur Internetproposée par l’institut de sondageprenait seulement en compte la fré-quentation des sites. Elle avait d’ail-leurs été boudée par des grandsopérateurs comme AOL ou Yahoo !Plus précis, le panel d’internautespermet de déterminer le profil des

utilisateurs et de suivre leur naviga-tion sur la Toile. « Avec le serviceNielsen-NetRatings, Médiamétrieproposera des données homogènesd’audience de l’Internet sur plus de90 % des internautes dans lemonde », affirme Jacqueline

Aglietta, la présidente de Média-métrie.

MMXI Europe compte bien, elleaussi, renforcer son offre. Présentdans cette société de mesured’audience sur Internet aux côtés del’allemand GFK et de l’américainMediametrix, le groupe Ipsos a

récemment racheté Médiangles,bureau d’études présent dans ledomaine des nouveaux médias. Defait, tous les opérateurs cherchent àdévelopper et à affiner leur produitrespectif afin de l’imposer commel’outil de référence qu’attendent les

éditeurs de sites et les annonceurspour mieux orienter leurs investis-sements sur la Toile. Encoreembryonnaire, le marché françaisde la publicité en ligne s’annonceprometteur. Au premier semestre1999, il représentait un volumed’affaires de 170 millions de francs

seulement, mais il avait augmentéde 150 % par rapport à l’ensemblede l’année 1998. Au niveau mondial,le bureau d’études Forrester estimeque le marché publicitaire sur Inter-net devrait atteindre 15 milliards dedollars (14,85 milliards de dollars) en2003.

PAS DE PRÉCISION ABSOLUE « On va assister dans les mois à

venir à un combat au couteau autourde la mesure d’audience sur Internet.Dans deux ou trois ans, comme pourles médias traditionnels, il ne devraitrester qu’un instrument de référenceunique », prédit Emmanuel Fraisse,directeur général du Centre d’étudedes supports de publicité (CESP).Organisme interprofessionnel, leCESP certifie des mesures d’au-dience effectuées sur des médiastraditionnels. Il procède actuelle-ment à un audit des panels d’inter-nautes de MMXI Europe et NetVa-lue. De manière générale, le centred’étude porte un regard plutôt cri-tique sur les outils de mesured’audience sur Internet. Il n’hésitepas à souligner leurs insuffisances etse montre réservé quant à leur fiabi-lité. « Les différentes mesures pro-duisent des résultats non seulementtrès différents mais aussi difficilementcomparables », constate le CESPdans un document d’analyse rendu

public mardi 25 janvier. « La préci-sion absolue n’existe pas en matièrede mesure d’audience sur Internet. Cen’est pas parce qu’Internet est toutélectronique qu’il bénéficie de factod’une garantie de mesure précise »,prévient le CESP.

Les instruments utilisés sontcomplémentaires mais loin d’êtreinfaillibles, fait remarquer l’orga-nisme de contrôle. Il constate ainsique les panels d’internautes ne per-mettent de mesurer que l’audiencedes plus gros sites. De plus, pourl’instant, ils ne prennent pas encompte des lieux de connexionimportants comme le bureau.« L’Internet est un média jeune. Ildevrait très vite se donner les moyensde mesurer son audience avec lamême qualité que les autresmédias », estime néanmoins HélèneHaering, directeur d’études au CESP,chargée du dossier Internet. « C’estbalbutiant mais le niveau d’exigenceà l’égard des mesures d’audience vamonter avec le développement dumarché publicitaire sur Internet »,affirme M. Fraisse. Les premiersrésultats de l’audit sur les panelsd’internautes, disponibles en mars,devraient sans doute permettred’établir un état des lieux plus pré-cis.

Frédéric Chambon

Un plan de relance pour « Le Nouvel Economiste »

CERTAINS TITRES ont une exis-tence mouvementée. A l’image desentreprises dont il raconte, sanscomplaisance, la saga, Le NouvelEconomiste est de ceux-là. Vingt-cinq ans après sa création, cebimensuel repart sur de nouvellesbases avec un plan de relance bâtisur une formule réaménagée dansson contenu et dans sa forme.

« Après plusieurs années de turbu-lences, c’est la première fois que larédaction peut s’installer dans ladurée et la sécurité. » Valérie Lecas-ble, la rédactrice en chef, n’a paspour autant modifié la ligne dujournal qui s’est assuré un public de73 465 lecteurs (diffusion totalepayée), essentiellement des cadressupérieurs à hauts revenus. Le styledu journal, plutôt impertinent, avecsa rubrique recherchée de « confi-dentiels », des enquêtes et desreportages, parfois à rebrousse-poil,sont maintenus parmi les pointsforts. L’inflexion éditoriale seraitplutôt orientée vers la cible « deceux qui font la nouvelle économie »,souligne Valérie Lecasble, qui suc-cède à Jean-Michel Quatrepoint,l’actuel directeur de la rédactioncomposée d’une trentaine de jour-nalistes. A l’occasion du réaména-gement de la formule, ce dernier aannoncé son départ pour se consa-crer exclusivement à ses activitésdans La Lettre A et les éditionsEtats-Major.

Un an après le rachat du titre, endécembre 1998, Gérard Pélisson etPaul Dubrule, coprésidents du

groupe Accor, mais propriétaires ennom personnel, ont donc décidé dedonner une nouvelle – et der-nière ? – chance à un magazine endéficit permanent. Depuis cettereprise, Françoise Sampermans,nommée PDG – tout en restantadministratrice générale deMarianne –, s’est efforcée de réglerle solde de la gestion antérieure,soit un passif de 25 millions defrancs (3,8 millions d’euros) avec20 millions de dettes laissées parGeorges Ghosn qui n’a pas puhonorer ses engagements aumoment de la reprise après le dépôtde bilan, en 1996 , de la formulealors dirigée par Henri Nijdam.

UN PARI LOIN D’ÊTRE GAGNÉLes nouveaux propriétaires ont

investi 10 millions de francs en 1999,et autant en l’an 2000, pour assurerla pérennité du titre et conquérir denouvelles parts de marché, avecl’objectif fixé de parvenir rapide-ment à 77 000 ou 78 000 exem-plaires et d’atteindre à terme le capdes 100 000. Le pari est loin d’êtregagné. Sur le marché des « classesdirigeantes », Le Nouvel Economistedoit faire preuve d’originalité pouraffronter la concurrence deL’Expansion, titre historique,(135 300 exemplaires), de Challenges(228 285 exemplaires) du groupeNouvel Observateur, mais aussid’une quantité de magazines spé-cialisés.

Michel Delberghe

Progression spectaculairedu résultat de M 6

LE GROUPE AUDIOVISUELfrançais M 6 a dégagé en 1999 unrésultat net consolidé (part dugroupe) estimé à 77,3 millionsd’euros (507 millions de francs),soit une progression record de25,7 % par rapport à 1998. Pourl’exercice écoulé, le chiffred’affaires du groupe a atteint625 millions d’euros (4,1 milliardsde francs), soit 18,9 % de plus qu’en1998.

Selon les résultats provisoires,diffusés jeudi 27 janvier par M 6, lechiffre d’affaires publicitaire a crûde 17,7 %, à 437,4 millions d’euros(2,869 milliards de francs) et celuides autres activités (hors TPS) aug-mente de 21,7 %, à 187,6 millionsd’euros (1,231 milliard de francs).TPS, dont M 6 détient 25 %, a pesépour 23 millions d’euros (153 mil-lions de francs). En 1999, le groupecontrôlé par Suez-Lyonnaise et laCLT a pris le contrôle de Fun TV,du club de football des Girondinsde Bordeaux et filialisé ses acti-vités Internet sous l’appelationM 6 Web.

DÉPÊCHESa DISTRIBUTION : Mariannesera distribué par les Message-ries lyonnaises de presse (MLP)dès son prochain numéro du lundi31 janvier. Prévu en décembre puisajourné, le départ de l’hebdoma-daire de Jean-François Kahn desNouvelles messageries de la presseparisienne (NMPP) devrait lui assu-rer une économie de 130 000 francspar édition, a confirmé FrançoiseSampermans, administratricegénérale.a AUDIOVISUEL : la discussionen seconde lecture du projet deloi sur l’audiovisuel, qui devaitcommencer le 29 février à l’As-semblée nationale, est reportée aux21, 22, 23 mars.a Un accord collectif d’entreprisesur « la réduction, l’organisationdu temps de travail et l’emploi »,a été signé, jeudi 27 janvier àRadio-France, avec les organisa-tions CFDT, CFTC, SNJ et SJA-FO(journalistes de l’audiovisuel FO).Cet accord, applicable au 1er février,prévoit la création de 175 emplois,la modulation du temps de travailet l’instauration d’un « forfait enjours pour certaines catégories decadres », précise la direction.a AFFICHAGE : la SNCF a retenuhuit offres pour le rachat de sarégie France Rail Publicité. Ils’agit des afficheurs anglo-saxonsClear Channel, TDI, Maiden, desFrançais Decaux, Giraudy, etMetrobus, filiale de Publicis, ainsique de deux sociétés financières. Lechoix définitif devrait intervenir mi-février (Le Monde du 8 décembre1999). France Rail Publicité emploie450 personnes pour 700 millions defrancs de chiffre d’affaires et 35 mil-lions de francs de résultat estimé en1999.

Page 18: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

LeMonde Job: WMQ2901--0021-0 WAS LMQ2901-21 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 10:53 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 22Fap: 100 No: 0384 Lcp: 700 CMYK

F I N A N C E S E T M A R C H É S LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000 / 21

ÉCONOMIE

Baisse record des prixau Japon en 1999L’INDICE des prix à la consomma-tion a reculé de 0,3 % sur toutel’année 1999 par rapport à l’annéeprécédente au Japon, ce qui repré-sente sa plus forte baisse en près detrente ans, a annoncé l’agence degestion et de coordination vendredi28 janvier. Cette baisse s’expliquepar un important recul de 1 % desprix des produits alimentaires. Endécembre, les prix à la consomma-tion ont chuté de 1,1 % par rapportau mois correspondant de 1998. ATokyo, ils ont continué de reculeren janvier de 1,1 % sur un an.a La consommation des mé-nages salariés au Japon a forte-ment baissé en décembre par rap-port au mois correspondant de1999, ce qui a correspondu au cin-quième mois consécutif de recul, aannoncé l’agence de gestion etcoordination vendredi. Il s’est agide la plus forte contraction de cetindicateur depuis mars 1998,lorsque la consommation des mé-nages avait chuté de 5,7 % sur unan, a indiqué l’agence.a La production industrielle a di-minué de 1,4 % en décembre au Ja-pon par rapport au mois précédent,a annoncé le ministère ducommerce international et de l’in-dustrie, vendredi. En novembre,elle avait progressé de 4,5 % parrapport au mois précédent. Cepen-dant pour le mois de janvier, le mi-nistère prévoit un rebond de 3,6 %suivi d’une hausse de 0,6 % en fé-vrier par rapport à janvier.

a CHINE : l’excédent commercialavec l’Union européenne s’est ré-duit en 1999, à 4,7 milliards d’euros,contre 7,44 milliards l’année précé-dente, a rapporté jeudi l’agenceChine nouvelle. Les importationschinoises en provenance de l’Unionont augmenté de 23,2 % en 1999, à25,5 milliards d’euros, tandis queles exportations vers l’Union n’aug-mentaient que de 7,3 %, à 30,2 mil-liards d’euros.

a ÉTATS-UNIS : les commandesde biens durables ont fait un bondde 4,1 % en décembre, après unehausse de 1 % le mois précédent(chiffre révisé), a indiqué, jeudi, ledépartement américain ducommerce. Les analystes s’atten-daient à une hausse bien moindrede 1 %. Cette hausse de décembreest la plus forte depuis juillet.

a CANADA : le gouverneur de laBanque du Canada, GordonThiessen, dans un discours à lachambre de commerce de Halifax,a indiqué, jeudi, que la banque cen-trale doit rester vigilante et se « te-nir prête à répondre rapidement »

pour enrayer l’inflation. En dé-cembre, le taux d’inflation a atteint2,6 % au Canada, soit le haut de lafourchette de prévisions définie parla Banque du Canada.

a ZONE EURO : la balance despaiements a enregistré une baissesur un an de l’excédent de sescomptes courants, à 2,4 milliardsd’euros, en novembre 1999, contre4,4 milliards d’euros en novembre1998, a annoncé, jeudi, la Banquecentrale européenne.

a FRANCE : le gouverneur de laBanque de France, Jean-ClaudeTrichet, a estimé, jeudi, qu’il n’yavait pas d’inflation structurelle enFrance. S’exprimant lors du Forumde l’Expansion, le gouverneur a dit :« Nous avons eu juste avant l’euro lameilleure monnaie ex-aequo » et« la plus faible inflation » de lazone.

a ITALIE : l’inflation a été estiméeprovisoirement à 2,2 % en janviersur douze mois et à 0,2 % par rap-port à décembre, sur la base dedonnées fournies jeudi par un pre-mier échantillon de grandes villeset selon les calculs des agences depresse italiennes Radiocor et Ansa.L’inflation avait atteint 2,1 % en dé-cembre sur douze mois.

a NORVÈGE : le nombre de de-mandeurs d’emploi a augmentéde 7 % en janvier par rapport aumois correspondant de l’an dernier,faisant ressortir le taux de chômageà 3 %, selon les chiffres publiés jeu-di par le directoire norvégien dutravail.

a PAYS-BAS : le taux de crois-sance du produit intérieur bruts’est élevé à 3,6 % au troisième tri-mestre 1999 par rapport au mêmetrimestre de l’année précédente,selon les chiffres révisés à la baissepubliés jeudi à La Haye par l’Officecentral des statistiques.

a ROYAUME-UNI : le déficitcommercial s’est creusé, à2,473 milliards de livres (4,05 mil-liards d’euros), en novembre, enhausse par rapport à 2,281 milliardsde livres en octobre (chiffre révisé),a annoncé, jeudi, l’office des statis-tiques nationales.

a RUSSIE : les fuites illégales decapitaux sont estimées pour 1999 à1 milliard de dollars par mois, a dé-claré jeudi le président de laBanque centrale de Russie, ViktorGuerachtchenko. Avec environ12 milliards de dollars sur l’année,les fuites de capitaux représententle triple de ce que la Russiecomptait emprunter en 2000 au-près du Fonds monétaire interna-tional.

SUR LES MARCHÉS

NEW YORKL’INDICE COMPOSITE de laBourse électronique Nasdaq a per-du 0,75 %, à 4 039,56 points, jeudi27 janvier, et l’indice Dow Jones acédé 0,05 %, à 11 028,02 points. L’in-dice Standard and Poor’s 500 a,pour sa part, fini en baisse de0,39 %, à 1 398,56 points.

TAUXLES MARCHÉS OBLIGATAIREScontinuaient à se tendre vendredi28 janvier lors des premierséchanges après avoir fortementmonté jeudi. Le taux de l’obligationassimilable du Trésor français,émise à dix ans, s’inscrivait à 5,75 %tandis celui du Bund allemand,émis à même échéance, s’établissaità 5,63 %. Jeudi, outre-Atlantique, letaux de rendement de l’obligationdu Trésor à trente ans, principaleréférence, avait reculé, à 6,525 %,contre 6,568 % mercredi. Le rende-ment évolue à l’inverse du prix.

CHANGESL’EURO subissait de nouvelles at-taques, vendredi 28 janvier, sur lemarché des changes, franchissantun nouveau seuil historique sous laparité avec le dollar pour chuter à0,9865 dollar en Asie. A Singapour,la devise européenne cotait0,9872 dollar, contre 0,9883 jeudisoir à New York, où il s’est effondrémomentanément à 0,9869 dollar,au plus bas depuis sa naissance, enjanvier 1999. En revanche, la devisejaponaise se raffermissait vendredimatin face au dollar pour se traiterà 104,91 yens, contre 105,08 yens laveille à New York.

PARISLA BOURSE DE PARIS a entamé laséance du vendredi 28 janvier surune hausse. L’indice CAC 40 pro-gressait de 1,1 %, à 5 750,67 points,quelques minutes après le débutdes cotations. Jeudi, la Bourse deParis avait fini en hausse de 0,74 %.L’indice CAC 40 avait clôturé à5 688,35 points.

FRANCFORTLA BOURSE ALLEMANDE s’inscri-vait en très légère hausse, de0,03 %, à 7 128,01 points, lors despremiers échanges, vendredi. LaBourse de Francfort avait terminéen forte hausse, jeudi, de 2,25 %, re-passant au-dessus du seuil « psy-chologique » des 7 100 points. L’in-dice de référence DAX des trentevaleurs vedettes a clôturé à7 126,13 points.

LONDRESLA BOURSE DE LONDRES a dé-buté sur une progression de 0,22 %,vendredi. L’indice Footsie des centprincipales valeurs s’inscrivait à6 455,2 points. Jeudi, il avait gagné1,02 %, à 6 441 points.

TOKYOLA BOURSE DE TOKYO a clôturéen hausse, vendredi, après avoirmomentanément atteint un plushaut depuis août 1997. L’indice Nik-kei a gagné 1,17 %, à19 434,78 points, après un plus hautde 19 595,83. Les valeurs de la hautetechnologie ont été bien orientées.Sony a progressé de 3,20 %, tandisque Sofbank a bondi de 5,30 %

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Thomson Multimédia

NOV. DÉC. JANV.

en euros à Paris

Source : Bloomberg

1999

76le 27 janv.

2000

VALEUR DU JOUR

Thomson Multimédia poursuit son envoléeLE TITRE Thomson Multimédia(TMM) s’est envolé ces derniersjours. Il a terminé en hausse de8,57 %, à 76 euros, jeudi 27 janvier,dans un contexte où les valeursliées aux médias et aux technologiessont orientées à la hausse, aprèsl’annonce, lundi 24 janvier, du ma-riage entre les maisons de disquesEMI et Warner Music, alors que ve-nait tout juste d’être constitué lenouveau géant de la communica-tion AOL-Time Warner. Le titre co-tait 81 euros, en progression de 7 %,vingt minutes après l’ouverture dela Bourse vendredi 28 janvier. Depuis son introduction en Boursele 3 novembre, à 21,5 euros, l’actiondu spécialiste français de l’électro-nique grand public a plus que triplé.Sa capitalisation boursière attei-gnait, selon les cours de jeudi, quel-que 9,6 milliards d’euros. Belle re-vanche pour une société dont AlainJuppé disait en 1996, dans le cadrede sa privatisation avortée, qu’ellevalait « un franc symbolique aprèsrecapitalisation » ! Depuis l’arrivéede Thierry Breton à la tête de TMM,en mars 1997, le leader de l’électro-nique de loisir (no 1 aux Etats-Unisavec sa marque RCA et no 3 en Eu-rope derrière Philips et Sony) s’estfortement redressé, au prix delourdes restructurations sur le planindustriel. « La volonté de redéfinirune base rentable d’activité, de reca-drer les énergies du groupe en faveurde l’innovation et des nouvellestechnologies se sont superposées àune remise en question des pratiquescommerciales et administratives »,

soulignait une étude de la fin de1999 de la société de Bourse BNPEquities. TMM a ainsi réalisé un ré-sultat de 15,6 millions d’euros en1998, un résultat positif qui devan-çait d’un an les prévisions de la di-rection, et anticipe des profits pourl’exercice 1999. Ce bénéfice faisaitsuite à plus de dix années de pertescumulées.Les analystes financiers estimentque TMM dispose de relais de crois-sance intéressants, notammentavec l’explosion du marché desDVD et la généralisation des équi-pements numériques. Le groupe aannoncé vendredi 28 janvier la si-gnature d’un accord de partenariatà long terme avec le groupe améri-cain Gemstar pour développerconjointement leurs activités de té-lévision interactive.

Pascale Santi

AFFAIRESINDUSTRIE

b LOCKHEED MARTIN : l’un despremiers groupes aérospatiauxaméricains, a annoncé, jeudi27 janvier, plus de2 800 suppressions d’emplois, soit2 % de ses effectifs, qui devraientpermettre une économie annuellede 200 millions de dollars(204 millions d’euros). Cessuppressions d’emplois s’ajoutentaux 2 000 annoncéesprécédemment.

b ADIDAS-SALOMON : lenuméro deux mondial desarticles de sport a annoncé,jeudi, le lancement d’unprogramme de restructurationpour doper ses gains dès 2001. Ceplan comprend, entre autres, uneréorganisation des structures etun déploiement vers le commerceen ligne.

b SCHNEIDER ELECTRIC :environ 1000 salariés deSchneider Electric Industries ontmanifesté, jeudi, à Montmélian(savoie) pour exprimer leursinquiétudes concernant lesaccords de réduction du temps detravail, selon la CGT.

SERVICESb FRANCE TÉLÉCOM :l’entreprise française comptearriver « prochainement » à unaccord avec Deutsche Telekompour que chacun des deuxopérateurs rachète la participationde 2 % qu’il possède chez l’autre, aindiqué, jeudi, le directeurfinancier du groupe. Cetteopération pourrait rapporter 8 à9 milliards de francs à FranceTélécom.

b EDF : Electricité de France aporté de 11,46 % à 31,7 % saparticipation dans la compagnieélectrique brésilienne Light,devenant le premier actionnaire.Light (1,8 milliard d’euros dechiffre d’affaires) compte troismillions de clients dans l’Etat deRio de Janeiro.

b TELEWEST : lecâblo-opérateur britannique aannoncé, jeudi 27 janvier, safusion avec la société deprogrammes Flextech. Telewest valancer une offre amicale surFlextech, à raison de 3,78nouvelles actions pour chaqueaction Flextech et détiendra àterme 80 % du nouveau groupe.

FINANCEbTARIFS BANCAIRES : lesnégociations entre banquiers et

consommateurs sur l’évolutionde la tarification bancaire,interrompues depuis le16 septembre, devraient reprendrele 3 février.

b AVOIRS JUIFS : Le présidentde la mission d’étude sur laspoliation des juifs de France,Jean Mattéoli, a indiqué, jeudi àStokholm, qu’il remettrait lerapport de sa mission au premierministre Lionel Jospin « fin févrierou dans les tout premiers jours demars ».

RÉSULTATSa SAINT-GOBAIN : le groupefrançais a enregistré en 1999 unehausse de 11,5 % de son bénéficenet, à 1,223 milliard d’euros. Horsplus-values de cession, il s’élève à880 millions d’euros (+ 11,4 %).Pour la première fois, le groupe aconsolidé l’entreprise Essilor etpasse le cap des 150 milliards defrancs de chiffre d’affaires(22,961 milliards d’euros).

a ADECCO : le numéro un mon-dial du travail temporaire a en-registré en 1999 un bénéfice netavant amortissement de goodwillde 526 millions de francs suisses(328,75 millions d’euros) (+ 29 %).Le chiffre d’affaires a progressé de21 %, à 18,471 milliards de francssuisses.

a GILLETTE : le groupe améri-cain a réalisé en 1999 un chiffred’affaires de 9,9 milliards de dol-lars (10,1 milliards d’euros), enbaisse de 2 %. Hors effets dechange et à périmètre comparable,ce chiffre progresse de 3 %. Le bé-néfice net est de 1,26 milliard dedollars (– 12 %).

a LECTRA SYSTÈMES : le groupefrançais de logiciels a vu son bé-néfice avant impôts croître de52 % en 1999, à 15,9 millions d’eu-ros. Son chiffre d’affaires a pro-gressé de 8 %, à 200,5 millionsd’euros.

a RHODIA : Le chimiste françaisa réalisé pour 1999 un résultat netpart du groupe en hausse de95,7 %, à 227 millions d’euros. Sonchiffre d’affaires a baissé de 0,2 %,à 5,525 milliards d’euros.

a KELLOGG : le groupe agroali-mentaire américain a enregistré,en 1999, un bénéfice hors excep-tionnels de 606,2 millions de dol-lars (605,5 millions d’euros)(+ 10 %). Le bénéfice net, quicomprend des charges de restruc-turation, s’élève à 338,3 millions dedollars. Le chiffre d’affaires,6,984 milliards de dollars, est enhausse de 3 %.

Cotations, graphiques et indices en tempsreel sur le site Web du « Monde ».www.lemonde.fr/bourse

ASIE - PACIFIQUE

Indices cours Var. % Var. %Zone Asie 9 h 50 f selection 28/01 27/01 31/12

TOKYO NIKKEI 225 19434,78 1,17 2,64

HONGKONG HANG SENG 16185,94 1,68 ± 4,58

SINGAPOUR STRAITS TIMES 2284,91 ± 0,90 ± 7,85

SEOUL COMPOSITE INDEX 118,92 3,89 ± 8,54

SYDNEY ALL ORDINARIES 3092,10 0,28 ± 1,92

BANGKOK SET 34,27 0,62 ± 1,35

BOMBAY SENSITIVE INDEX 5387,50 0,34 7,62

WELLINGTON NZSE-40 2059,07 ± 0,30 ± 6,69

16185,94

HONGKONG Hang Seng

17369

16447

15525

14603

13681

12758[ [ [

28 O. 14 D. 28 J.

19434,78

TOKYO Nikkei

19437

19032

18627

18223

17818

17413[ [ [

28 O. 14 D. 28 J.

103,11

EURO / YEN

110,7

109

107,3

105,6

104

102,3[ [ [

28 O. 14 D. 28 J.

AMERIQUES

Indices cours Var. % Var. %Amerique 9 h 50 f selection 27/01 26/01 31/12

ETATS-UNIS DOW JONES 11028,02 ± 0,05 ± 4,08

ETATS-UNIS S&P 500 1398,56 ± 0,39 ± 4,81

ETATS-UNIS NASDAQ COMPOSITE 4039,56 ± 0,75 ± 0,73

TORONTO TSE INDEX 8645,84 0,74 2,76

SAO PAULO BOVESPA 17081,16 ± 0,14 ± 0,06

MEXICO BOLSA 378,02 ± 1,13 ± 5,87

BUENOS AIRES MERVAL 580,60 ± 0,22 5,47

SANTIAGO IPSA GENERAL 103,22 ± 0,39 ± 27,82

CARACAS CAPITAL GENERAL 5339,70 ± 0,01 ± 1,45

0,984

EURO / DOLLAR

1,052

1,038

1,025

1,011

0,997

0,984[ [ [

28 O. 14 D. 28 J.

11028,02

NEW YORK Dow Jones

11722

11457

11191

10926

10660

10394[ [ [

28 O. 14 D. 27 J.

4039,56

NEW YORK Nasdaq

4235

3948

3662

3375

3089

2802[ [ [

28 O. 14 D. 27 J.

EUROPE

Indices cours Var. % Var. %Europe 9 h 50 f selection 28/01 27/01 31/12

EUROPE EURO STOXX 50 4795,62 0,18 ± 2,22

EUROPE STOXX 50 4646,04 0,21 ± 2,03

EUROPE EURO STOXX 324 409,36 0,22 ± 1,65

EUROPE STOXX 653 370,13 0,29 ± 2,47

PARIS CAC 40 5720,54 0,57 ± 3,99

PARIS MIDCAC .... .... ....

PARIS SBF 120 3914,23 0,51 ± 3,41

PARIS SBF 250 .... .... ....

PARIS SECOND MARCHEÂ .... .... ....

AMSTERDAM AEX 630,21 ± 0,73 ± 6,14

BRUXELLES BEL 20 2894,24 0,10 ± 13,36

FRANCFORT DAX 30 7099,20 ± 0,38 2,03

LONDRES FTSE 100 6453,50 0,19 ± 6,88

MADRID STOCK EXCHANGE 11206,50 .... ± 3,74

MILAN MIBTEL 30 42767,00 0,07 ± 0,52

ZURICH SPI 7146,80 0,47 ± 5,59

6453,50

LONDRES FT100

6930

6773

6617

6460

6304

6148[ [ [

28 O. 14 D. 28 J.

5720,54

PARIS CAC 40

5958

5716

5474

5232

4990

4748[ [ [

28 O. 14 D. 28 J.

7099,20

FRANCFORT DAX 30

7258

6902

6546

6190

5834

5478[ [ [

28 O. 14 D. 28 J.

Taux d’interet (%)Taux Taux Taux TauxTaux27/01 f j. j. 3 mois 10 ans 30ans

FRANCE ......... 3,06 3,18 5,75 6,16

ALLEMAGNE .. 3,13 3,28 5,62 6,12

GDE-BRETAG. 6,13 5,99 5,82 4,83

ITALIE ............ 3,13 3,23 5,81 6,27

JAPON............ 0,04 0,07 1,65 2,26

ETATS-UNIS... 5,59 5,59 6,74 6,56

SUISSE ........... 1,25 1,88 3,67 4,39

PAYS-BAS....... 3,10 3,23 5,78 6,20

Taux de change fixe zone EuroEuro contre f Taux contre franc f Taux

FRANC......................... 6,55957 EURO........................... 0,15245DEUTSCHEMARK ......... 1,95583 DEUTSCHEMARK ......... 3,35385LIRE ITALIENNE (1000) . 1,93627 LIRE ITAL. (1000) .......... 3,38774PESETA ESPAG. (100) .... 1,66386 PESETA ESPAG. (100) .... 3,94238ESCUDO PORT. (100).... 2,00482 ESCUDO PORT. (100).... 3,27190SCHILLING AUTR. (10).. 1,37603 SCHILLING AUTR. (10).. 4,76703PUNT IRLANDAISE....... 0,78756 PUNT IRLANDAISE....... 8,32894FLORIN NEERLANDAIS 2,20371 FLORIN NEERLANDAIS 2,97660

FRANC BELGE (10) ....... 4,03399 FRANC BELGE (10) ....... 1,62607MARKKA FINLAND....... 5,94573 MARKKA FINLAND....... 1,10324

Matieres premieresCours Var. %En dollars f 27/01 26/01

METAUX (LONDRES) $/TONNECUIVRE 3 MOIS .............. 1867,50 ± 0,13

ALUMINIUM 3 MOIS ...... 1724,50 + 0,26

PLOMB 3 MOIS .............. 483 ± 0,41

ETAIN 3 MOIS ................ 5845 ± 0,26

ZINC 3 MOIS.................. 1161 ± 0,26

NICKEL 3 MOIS .............. 8540 ....

METAUX (NEW YORK) $/ONCEARGENT A TERME ......... 5,39 + 2,37

PLATINE A TERME ......... 106502,92 + 1,39

GRAINES DENREES $/BOISSEAUBLE (CHICAGO).............. 264,50 + 0,38

MAuS (CHICAGO)........... 226,50 + 0,33

SOJA TOURTEAU (CHG.). 167,90 + 0,66

SOFTS $/TONNECACAO (NEW YORK)....... 823 ± 2,72

CAFE (LONDRES) ........... 1558 + 6,71

SUCRE BLANC (PARIS) ... .... ....

OrCours Var %En euros f 27/01 26/01

OR FIN KILO BARRE ...... 9200 + 1,10

OR FIN LINGOT............. 9220 + 0,88

ONCE D’OR (LO) $ ......... 307 ....

PIECE FRANCE 20 F........ 51,90 ± 0,19

PIECE SUISSE 20 F.......... 52 ....

PIECE UNION LAT. 20 .... 52,50 ....

PIECE 10 DOLLARS US ... 210 ....

PIECE 20 DOLLARS US ... 390 + 2,09

PIECE 50 PESOS MEX...... 336 + 0,30

MatifVolume dernier premierCours9 h 50 f 28/01 prix prix

Notionnel 5,5MARS NC ........ 24695 83,67 83,76

Euribor 3 moisFEVRIER NC .... NC NC NC

PetroleCours Var. %En dollars f 27/01 26/01

BRENT (LONDRES) ........ 25,62 ....

WTI (NEW YORK) ........... 27,20 ± 0,44

LIGHT SWEET CRUDE .... 27,22 ± 0,80

Cours de change croisesCours Cours Cours Cours Cours Cours

28/01 9 h 50 f DOLLAR YEN(100) EURO FRANC LIVRE FR. S.DOLLAR ................. ..... 0,95415 0,98415 0,15006 1,62390 0,61046

YEN ....................... 104,80500 ..... 103,11500 15,73000 170,16000 63,97500

EURO..................... 1,01611 0,96979 ..... 0,15245 1,64935 0,62030

FRANC................... 6,66390 6,35955 6,55957 ..... 10,82015 4,06880

LIVRE ..................... 0,61580 0,58770 0,60630 0,09240 ..... 0,37605

FRANC SUISSE ....... 1,63810 1,56305 1,61245 0,24580 2,65930 .....

TABLEAU DE BORD

Hors zone EuroEuro contre f 27/01

COURONNE DANOISE. 7,4432

COUR. NORVEGIENNE 8,0815

COUR. SUEDOISE ........ 8,5355

COURONNE TCHEQUE 35,7620

DOLLAR AUSTRALIEN . 1,5289

DOLLAR CANADIEN .... 1,4331

DOLLAR NEO-ZELAND 1,9599

DRACHME GRECQUE..331,5500FLORINT HONGROIS ..255,3000ZLOTY POLONAIS........ 4,1169

Page 19: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

LeMonde Job: WMQ2901--0022-0 WAS LMQ2901-22 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 10:37 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 22Fap: 100 No: 0385 Lcp: 700 CMYK

22 / LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000 F I N A N C E S E T M A R C H É S

b Plutôt délaissées ces dernierstemps, les valeurs bancaires bri-tanniques ont bénéficié d’un re-gain d’intérêt des investisseursaprès que la Bank of Scotland eutamélioré son offre sur la NationalWestminster Bank. L’action de labanque écossaise a pris 2,57 %,tandis que celle de la Natwest ga-gnait 3,89 % et que le titre de laRoyal Bank of Scotland, quiconvoite elle aussi la Natwest, pro-gressait de 1,93 %. Dans le mêmesecteur, l’action Barclays a fait unbond de 6,01 %, celle de LloydsTSB a pris 4,17 %, et le titre HSBCa gagné 3,89 %.b L’action Deutsche Telekoms’est envolée de 6,79 %, jeudi27 janvier. France Télécom a rache-

té les parts de l’opérateur allemanddans Global One pour 2,755 mil-liards de dollars. Dans le mêmesecteur, l’espagnole Telefonica ter-mine sur un gain de 5,16 % et l’ita-lienne Telecom Italia avance de3,8 %.b Le titre Fiat a gagné 5,41 % etDaimlerChrysler 2,75 %. Les deuxconstructeurs automobiles se sontrefusés à tout commentaire sur unprojet d’alliance évoqué dans lapresse italienne.b Les actions de Glaxo Wellcomeet de SmithKline Beecham, quisont en train de réaliser leur fu-sion, ont gagné respectivement 1,6et 2,4 %. Mercredi, Merrill Lynch adit s’attendre à une reprise d’en-semble du secteur de la pharmacie.

Code Cours % Var.28/01 9 h 48 f pays en euros 27/01

AUTOMOBILEAUTOLIV SDR SE 30,29 ....

BASF AG BE e 45 + 0,67

BMW DE e 24,70 + 1,23

CONTINENTAL AG DE e 17,10 + 1,18

DAIMLERCHRYSLER DE e 70,40 + 1,44

FIAT IT e 29,80 + 2,69

FIAT PRIV. IT e 13,45 + 3,86

MICHELIN /RM FR e 36,75 + 1,24

PEUGEOT FR e 231,40 + 0,52

PIRELLI IT e 2,55 ± 1,54

RENAULT FR e 54,40 ± 1

VALEO /RM FR e 71,35 ± 0,35

VOLKSWAGEN DE e 50,10 + 2,04

VOLVO -A- SE 24,54 ....

VOLVO -B- SE 25,31 ....

f DJ E STOXX AUTO P 243,39 + 0,51

BANQUESABBEY NATIONAL GB 13,32 + 0,87

ABN AMRO HOLDIN NL e 20,99 ± 0,66

ALL & LEICS GB 9,05 + 1,29

ALLIED IRISH BA GB 15,72 ....

ALPHA CREDIT BA GR 68,53 ....

ARGENTARIA R ES e 22,54 + 0,63

B PINTO MAYOR R PT e 24,50 ....

BANK AUSTRIA AG AT e 49,75 + 0,10

BANK OF IRELAND GB 11,41 ....

BANK OF PIRAEUS GR 21,61 ....

BK OF SCOTLAND GB 11,04 ± 0,59

BANKINTER R ES e 68,10 + 0,89

BARCLAYS PLC GB 25,82 + 3,35

BAYR.HYPO-U.VER DE e 63,80 + 0,55

BCA AG.MANTOVAN IT e 8,67 ± 1,25

BCA FIDEURAM IT e 10,23 ± 1,06

BCA INTESA IT e 3,42 ± 0,29

BCA LOMBARDA IT e 10,24 + 2,30

MONTE PASCHI SI IT e 3,38 + 0,30

BCA P.BERG.-C.V IT e 20,55 + 1,23

BCA P.MILANO IT e 7,71 ± 1,91

B.P.VERONA E S. IT e 11,89 + 2,85

BCA ROMA IT e 1,15 ± 0,86

BBV R ES e 13,60 + 0,74

ESPIRITO SANTO PT e 27,70 ....

BCO POPULAR ESP ES e 60,55 ± 1,70

BCO PORT ATLANT PT e 4,49 ....

BCP R PT e 5,88 ....

BIPOP CARIRE IT e 91,50 ....

BNL IT e 3,39 ± 1,45

BNP /RM FR e 81,60 + 1,05

BSCH R ES e 10,19 ± 1,92

CCF /RM FR e 115,80 ± 0,52

CHRISTIANIA BK NO 4,90 ....

COMIT IT e 4,65 ± 0,21

COMM.BANK OF GR GR 67,38 ....

COMMERZBANK DE e 33,25 ± 0,15

CREDIT LYONNAIS FR e 42,72 ± 1,75

DEN DANSKE BK DK 98,75 ± 1,34

DEN NORSKE BANK NO .... ....

DEUTSCHE BANK N DE e 78,45 ± 1,07

DEXIA BE e 138,20 ....

DRESDNER BANK N DE e 52,10 ± 0,76

EFG EUROBANK GR 40,11 ....

ERGO BANK GR 90,33 ....

ERSTE BANK AT e 44,40 + 0,45

FOERENINGSSB A SE 14,23 ....

HALIFAX GROUP GB 9,46 + 3,60

HSBC HLDG GB 12,33 + 0,94

IONIAN BK REG.S GR 45,24 ....

KBC BANCASSURAN BE e 44,90 ....

LLOYDS TSB GB 11,17 + 1,34

MERITA FI e 5,70 ....

NAT BANK GREECE GR 66,35 ....

NATEXIS BQ POP. FR e 65 ± 1,07

NATL WESTM BK GB 21,53 + 0,23

NORDBANKEN HOLD SE 5,69 ....

ROLO BANCA 1473 IT e 16,70 + 0,54

ROYAL BK SCOTL GB 17,56 + 0,28

SAN PAOLO IMI IT e 11,45 + 0,17

S-E-BANKEN -A- SE 9,61 ....

STANDARD CHARTE GB 14,37 ....

STE GENERAL-A-/ FR e 200,50 + 1,26

SV HANDBK -A- SE 11,83 ....

SWEDISH MATCH SE 3,43 ....

UBS REG CH 247,94 ± 0,13

UNICREDITO ITAL IT e 4,05 + 0,50

UNIDANMARK -A- DK 62,47 ....

XIOSBANK GR 20,66 ....

f DJ E STOXX BANK P 293,13 ± 0,17

PRODUITS DE BASEACERINOX R ES e 38,90 + 0,67

ALUSUISSE LON G CH 728,60 ± 0,09

ALUMINIUM GREEC GR 43,13 ....

ARJO WIGGINS AP GB 3,20 ....

ASSIDOMAEN AB SE 15,70 ....

BEKAERT BE e 50,55 ....

BILLITON GB 5,21 + 4,62

BOEHLER-UDDEHOL AT e 44,09 + 0,20

BUHRMANN NV NL e 20,60 ± 0,87

BUNZL PLC GB 5,11 ....

CORUS GROUP GB 2,12 + 0,78

ELVAL GR 12,61 ....

ISPAT INTERNATI NL e 16 ....

JOHNSON MATTHEY GB 13,76 + 1,33

MAYR-MELNHOF KA AT e 52,13 ± 1,85

METSAE-SERLA -B FI e 11,15 ....

MODO -B- SE 34,56 ....

OUTOKUMPU OY -A FI e 13,79 ....

PECHINEY-A- FR e 69,20 ± 0,43

RAUTARUUKKI K FI e 6,55 ....

RIO TINTO GB 19,58 + 3,65

SIDENOR GR 15,80 ....

SILVER & BARYTE GR 42,95 ....

SMURFIT JEFFERS GB 2,89 ....

STORA ENSO -A- FI e 15,23 ± 0,46

STORA ENSO -R- FI e 15,40 ....

SVENSKA CELLULO SE 25,83 ....

THYSSEN KRUPP DE e 27,50 + 1,10

UNION MINIERE BE e 33 ....

UPM-KYMMENE COR FI e 37,75 + 0,40

USINOR FR e 16,70 ± 0,71

VIOHALCO GR 29,48 ....

VOEST-ALPINE ST AT e 34,50 + 0,15

f DJ E STOXX BASI P 235,97 ± 0,20

CHIMIEAIR LIQUIDE /RM FR e 154,90 + 0,19

AKZO NOBEL NV NL e 44,37 ± 0,96

BASF AG DE e 45 + 0,67

BAYER AG DE e 41,55 + 1,71

BOC GROUP PLC GB 21,88 + 0,68

CELANESE N DE e 21,40 ....

CIBA SPEC CHEM CH 71,06 ± 0,22

CLARIANT N CH 441,88 + 0,56

DEGUSSA-HUELS DE e 34,80 ± 0,57

DSM NL e 30,90 ± 2,12

EMS-CHEM HOLD A CH 4425 + 0,71

ICI GB 8,54 ± 1,14

KEMIRA FI e 6,50 ....

LAPORTE GB 9,28 ....

LONZA GRP N CH 611,31 + 0,31

RHODIA FR e 21,75 + 0,69

SOLVAY BE e 72,30 ....

TESSENDERLO CHE BE e 45,39 ± 0,02

f DJ E STOXX CHEM P 355,66 + 0,39

CONGLOMERATSCGIP /RM FR e 69 ± 3,36

CHRISTIAN DIOR FR e 227,50 ± 1,09

D’IETEREN SA BE e 333,90 ....

GAZ ET EAUX /RM FR e 54,40 + 2,64

GBL BE e 187,50 ....

GEVAERT BE e 41,50 ....

HAGEMEYER NV NL e 19,15 ± 2,69

INCHCAPE GB 4,52 ....

INVESTOR -A- SE 14,53 ....

INVESTOR -B- SE 14,53 ....

MYTILINEOS HOLD GR 14,78 ....

NORSK HYDRO NO 42,07 ....

OERLIKON-BUEHRL CH 234,59 + 1,07

ORKLA -A- NO 17,26 ....

SONAE SGPS PT e 53,50 ....

TOMKINS GB 3,07 ± 0,53

VEBA AG DE e 45,12 + 0,71

f DJ E STOXX CONG P 308,92 ± 0,10

TELECOMMUNICATIONSEIRCOM IR e 4,08 ....

BRITISH TELECOM GB 21,61 + 0,84

CABLE & WIRELES GB 21,96 ± 0,96

DEUTSCHE TELEKO DE e 75,10 + 1,14

ENERGIS GB 50,19 ....

EQUANT NV DE e 110 ± 0,90

EUROPOLITAN HLD SE 19,86 ....

FRANCE TELECOM FR e 134,60 ± 0,30

HELLENIC TELE ( GR 22,77 ....

KONINKLIJKE KPN NL e 93 ± 0,96

MANNESMANN N DE e 262,10 ± 2,75

PANAFON HELLENI GR 13,24 ....

PORTUGAL TELECO PT e 12,70 ....

SONERA FI e 67,11 + 0,92

SWISSCOM N CH 384,16 + 0,65

TELE DANMARK -B DK 74,16 ....

TELECEL PT e 19 ....

TELECOM ITALIA IT e 16,95 + 1,38

TELECOM ITALIA IT e 6,47 + 0,78

TELEFONICA ES e 26,77 + 1,06

TIM IT e 12,50 + 3,31

VODAFONE AIRTOU GB 5,57 ± 2,02

f DJ E STOXX TCOM P 1237,55 ± 0,49

CONSTRUCTIONACCIONA ES e 48,10 ± 0,21

AKTOR SA GR 21,04 ....

UPONOR -A- FI e 17,90 ....

AUMAR R ES e 16,61 + 0,24

ACESA R ES e 9,01 ± 0,99

BLUE CIRCLE IND GB 5,06 ± 3,14

BOUYGUES /RM FR e 665 + 0,08

BPB GB 5,68 ....

BUZZI UNICEM IT e 10,09 + 2,33

CARADON GB 2,48 ± 1,95

CIMPOR R PT e 15,63 ....

COLAS /RM FR e 183 + 1,67

CRH PLC GB 31,78 ....

GRUPO DRAGADOS ES e 8,33 + 1,34

FCC ES e 15,09 ± 3,27

GROUPE GTM FR e 90 ± 1,75

HANSON PLC GB 7,49 + 6,05

HEIDELBERGER ZE DE e 73,80 + 0,41

HELL.TECHNODO.R GR 30,22 ....

HERACLES GENL R GR 32,12 ....

HOCHTIEF ESSEN DE e 29,50 + 0,34

HOLDERBANK FINA CH 1338,05 + 0,28

IMERYS /RM FR e 139,50 + 0,29

ITALCEMENTI IT e 11,38 + 2,06

LAFARGE /RM FR e 95,60 + 0,63

MICHANIKI REG. GR 14,42 ....

TARMAC GB 9,31 ....

PILKINGTON PLC GB 1,40 ± 1,16

RMC GROUP PLC GB 12,40 ....

SAINT GOBAIN /R FR e 162,90 + 1,81

SKANSKA -B- SE 35,73 ....

SUPERFOS DK 21,50 ....

TAYLOR WOODROW GB 2,04 + 0,81

TECHNIP /RM FR e 108,60 ± 0,64

TITAN CEMENT RE GR 50,40 ....

WIENERB BAUSTOF AT e 21,44 + 0,66

WILLIAMS GB 4,40 ....

f DJ E STOXX CNST P 230,02 + 0,30

CONSOMMATION CYCLIQUEACCOR /RM FR e 40,55 + 0,62

ADIDAS-SALOMON DE e 66 + 0,76

AIR FCE FR e 18,45 ± 0,27

AIRTOURS PLC GB 5,29 ....

ALITALIA IT e 2,06 ....

AUSTRIAN AIRLIN AT e 18,30 + 1,39

AUTOGRILL IT e 11 + 1,38

BANG & OLUFSEN DK 32,92 ....

BARRATT DEV PLC GB 3,83 + 7,37

BEAZER GROUP GB 2,04 ....

BENETTON GROUP IT e 2,09 + 0,97

BERKELEY GROUP GB 9,85 ....

BRITISH AIRWAYS GB 5,27 + 0,31

BULGARI IT e 10,16 ± 0,88

CLUB MED. /RM FR e 112 + 1,08

COMPASS GRP GB 12,50 ± 4,87

DT.LUFTHANSA N DE e 21,25 + 0,24

ELECTROLUX -B- SE 23,43 ....

EMI GROUP GB 13,24 + 1,13

EURO DISNEY /RM FR e 0,90 ....

G WIMPEY PLC GB 1,68 + 0,99

GRANADA GROUP GB 10,43 ....

HERMES INTL FR e 142,90 ± 0,21

HPI IT e 1,27 + 8,55

KLM NL e 23,90 + 0,63

HILTON GROUP GB 2,89 ....

LVMH / RM FR e 424,90 + 0,93

MOULINEX /RM FR e 8,13 + 4,23

PERSIMMON PLC GB 3,43 ....

PREUSSAG AG DE e 50,80 + 0,20

RANK GROUP GB 2,74 + 1,83

SAIRGROUP N CH 213,80 + 0,15

SAS DANMARK A/S DK 10,28 ....

SEB /RM FR e 80 ± 3,61

SODEXHO ALLIANC FR e 162,40 ± 2,17

THE SWATCH GRP CH 1079,25 + 2,96

THE SWATCH GRP CH 216,28 + 3,41

WW/WW UK UNITS IR e 1,01 ....

WILSON BOWDEN GB 9,07 ....

WOLFORD AG AT e 37 + 1,09

f DJ E STOXX CYC GO P 180,30 + 0,07

PHARMACIEASTRAZENECA GB 39,66 + 1,47

AVENTIS /RM FR e 53,30 + 0,57

ELAN CORP GB 27,10 ....

GLAXO WELLCOME GB 26,75 + 3,43

NOVARTIS N CH 1326,88 + 0,23

NOVO NORDISK B DK 128,98 ....

ORION B FI e 26,10 ....

ROCHE HOLDING CH 16136,04 ....

ROCHE HOLDING G CH 11369,70 ± 0,16

SANOFI SYNTHELA FR e 38,22 + 0,58

SCHERING AG DE e 116,75 + 0,47

SMITHKLINE BEEC GB 12,01 + 3,39

UCB BE e 37,44 ....

f DJ E STOXX PHAR P 355,56 + 0,51

ENERGIEBG GB 5,50 ....

BP AMOCO GB 9,25 ± 0,18

BURMAH CASTROL GB 17,39 ....

CEPSA ES e 9,10 + 0,33

DORDTSCHE PETRO NL e 48,50 ± 1,92

ENI IT e 4,89 + 0,62

ENTERPRISE OIL GB 7,14 ....

LASMO GB 1,84 ± 4,27

OMV AG AT e 99,06 ± 0,31

PETROLEUM GEO-S NO 16,09 ....

REPSOL ES e 19,91 ± 0,55

ROYAL DUTCH CO NL e 56,60 ± 2,16

SAIPEM IT e 3,42 + 0,59

SHELL TRANSP GB 7,47 ± 1,94

TOTAL FINA /RM FR e 131,50 + 0,15

f DJ E STOXX ENGY P 295,17 ± 0,94

SERVICES FINANCIERS3I GB 16,90 ± 1,44

ALMANIJ BE e 43,60 ....

ALPHA FINANCE GR 68,47 ....

AMVESCAP GB 10,74 ....

BPI R PT e 3,99 ....

BRITISH LAND CO GB 6,19 ± 1,31

CANARY WHARF GR GB 6,11 ....

CAPITAL SHOPPIN GB 5,81 ....

COBEPA BE e 55,85 ....

COMPART IT e 1,08 ± 1,82

CONSORS DISC-BR DE e 79,99 + 0,74

CORP FIN ALBA ES e 30,70 + 0,66

CS GROUP N CH 180,60 + 0,17

EURAFRANCE /RM FR e 521 ± 0,19

FORTIS (B) BE e 30,50 ....

FORTIS (NL) NL e 30,90 ± 0,93

GECINA /RM FR e 107 ....

HAMMERSON GB 6,16 ....

ING GROEP NL e 53,17 ± 0,75

KAPITAL HOLDING DK 39,63 ± 0,67

LAND SECURITIES GB 11,02 ± 2,19

LIBERTY INTL GB 6,82 + 2,22

MEDIOBANCA IT e 8,48 ± 0,47

MEPC PLC GB 6,50 ....

METROVACESA ES e 15 ± 1,51

PROVIDENT FIN GB 10,15 ....

RODAMCO CONT. E NL e 40,50 ....

RODAMCO NORTH A NL e 38,05 ....

SCHRODERS PLC GB 22,73 ± 0,86

SIMCO N /RM FR e 81 ± 0,37

SLOUGH ESTATES GB 5,12 ....

UNIBAIL /RM FR e 133,80 + 0,22

VALLEHERMOSO ES e 5,81 ± 1,36

WCM BETEILIGUNG DE e 37,50 + 1,63

WOOLWICH PLC GB 5,09 + 6,16

f DJ E STOXX FINS P 242,49 ± 0,35

ALIMENTATION ET BOISSONALLIED DOMECQ GB 4,43 + 0,75

ASSOCIAT BRIT F GB 5,29 ± 1,23

BASS GB 9,89 + 0,17

BBAG OE BRAU-BE AT e 39 ....

BRAU-UNION AT e 43,65 ....

CADBURY SCHWEPP GB 5,93 + 1,69

CARLSBERG -B- DK 32,51 + 2,11

CARLSBERG AS -A DK 30,44 ....

DANISCO DK 34,80 + 2,37

DANONE /RM FR e 226,70 + 0,53

DELTA DAIRY GR 30,16 ....

DIAGEO GB 7,52 + 2,46

ELAIS OLEAGINOU GR 36,31 ....

ERID.BEGH.SAY / FR e 100,50 ± 0,50

GREENCORE GROUP GB 2,68 + 0,62

HEINEKEN HOLD.N NL e 37,50 ± 0,79

HELLENIC BOTTLI GR 21,08 ....

HELLENIC SUGAR GR 22,33 ....

KERRY GRP-A- GB 19,46 ....

MONTEDISON IT e 1,45 ....

NESTLE N CH 1729,66 ....

KONINKLIJKE NUM NL e 33,30 ± 0,86

PARMALAT IT e 1,18 ± 0,84

PERNOD RICARD / FR e 55,35 + 1

RAISIO GRP -V- FI e 3,05 + 2,35

SCOTT & NEWCAST GB 6,31 ....

SOUTH AFRICAN B GB 10,02 ± 0,81

TATE & LYLE GB 5,35 + 1,56

UNIGATE PLC GB 4,93 ....

UNILEVER NL e 50 + 2,04

UNILEVER GB 6,45 ± 2,48

WHITBREAD GB 8,51 ± 1,89

f DJ E STOXX F & BV P 202,05 ± 0,02

BIENS D’EQUIPEMENTABB N CH 118,54 + 1,06

ADECCO N CH 772,05 + 1,97

ALSTOM FR e 29,20 + 0,17

ASSA ABLOY-B- SE 15,82 ....

ASSOC BR PORTS GB 3,89 ....

ATLAS COPCO -A- SE 28,06 ....

ATLAS COPCO -B- SE 27,53 ....

ATTICA ENTR SA GR 16,06 ....

BAA GB 6,09 + 0,27

BBA GROUP PLC GB 7,09 ....

BRISA AUTO-ESTR PT e 8,13 ....

CMG GB 68,58 + 0,89

COOKSON GROUP P GB 3,96 ....

DAMPSKIBS -A- DK 10680,89 ....

DAMPSKIBS -B- DK 11419,82 ....

DAMSKIBS SVEND DK 16054,92 ....

ELECTROCOMPONEN GB 11,76 ....

EUROTUNNEL /RM FR e 1,08 ....

FINNLINES FI e 34 ....

FKI GB 3,84 + 5,41

FLS IND.B DK 21,76 ....

FLUGHAFEN WIEN AT e 38,99 + 0,75

GKN GB 12,88 ± 1,01

GLYNWED INTL PL GB 3,17 ....

HALKOR GR 8,82 ....

HAYS GB 6,95 + 0,24

HEIDELBERGER DR DE e 57,80 + 1,40

HUHTAMAEKI VAN FI e 34 + 0,29

IFIL IT e 8,22 + 1,61

IMI PLC GB 4,06 ....

IND.VAERDEN -A- SE 22,96 ....

ISS INTL SERV-B DK 69,86 + 1,56

KOEBENHAVN LUFT DK 77,25 ....

KONE B FI e 51 ....

LEGRAND /RM FR e 237,50 + 0,21

LINDE AG DE e 48,40 + 0,41

MAN AG DE e 35,40 + 1,14

METALLGESELLSCH DE e 20,80 ....

METRA A FI e 18,80 ....

METSO FI e 14,90 ....

MORGAN CRUCIBLE GB 4,14 ....

NETCOM -B- SE 70,29 ....

NFC GB 4,71 ....

NKT HOLDING DK 59,11 + 2,33

OCEAN GROUP GB 17,84 ....

PARTEK FI e 14,30 ± 0,69

PENINS.ORIENT.S GB 15,40 ....

PREMIER FARNELL GB 8,38 ....

RAILTRACK GB 12,88 + 3,16

RANDSTAD HOLDIN NL e 38,45 ± 1,54

RATIN -A- DK 114,20 ....

RATIN -B- DK 116,21 ....

RENTOKIL INITIA GB 3,78 ± 0,86

REXAM GB 3,91 + 0,42

REXEL /RM FR e 87,80 ± 1,62

RHI AG AT e 29,77 ± 0,10

RIETER HLDG N CH 678,33 + 0,28

SANDVIK -A- SE 29,41 ....

SANDVIK -B- SE 30,17 ....

SAURER ARBON N CH 593,31 + 0,10

SCHNEIDER ELECT FR e 75,15 + 0,20

SEAT-PAGINE GIA IT e 2,34 ....

SECURICOR GB 2,81 ....

SECURITAS -B- SE 22,32 ....

SHANKS GROUP GB 3,04 ....

SIDEL /RM FR e 93,70 + 0,75

INVENSYS GB 5,21 + 2,26

SKF -B- SE 25,01 ....

SOPHUS BEREND - DK 23,65 ....

SULZER FRAT.SA1 CH 675,23 + 0,37

T.I.GROUP PLC GB 6,14 + 3,03

TOMRA SYSTEMS NO 14,29 ....

VA TECHNOLOGIE AT e 67,10 + 0,04

VEDIOR NV NL e 9,40 ± 1,57

f DJ E STOXX IND GO P 525,74 + 0,26

ASSURANCESAEGON NV NL e 77,90 ± 1,08

AGF /RM FR e 49,94 ± 0,12

ALLEANZA ASS IT e 10,10 ± 0,49

ALLIANZ AG DE e 351 + 0,57

ALLIED ZURICH GB 9,85 ....

ASR VERZEKERING NL e 57,80 + 0,61

AXA /RM FR e 124,40 + 0,32

BALOISE HLDG N CH 822,94 ± 0,15

CGU GB 14,07 + 1,78

CNP ASSURANCES FR e 33,02 ± 2,60

CORP MAPFRE R ES e 15,82 ± 5,16

ERGO VERSICHERU DE e 118,50 ± 0,25

ETHNIKI GEN INS GR 39,33 ....

CODAN DK 95,39 ....

FORTIS (B) BE e 30,50 ....

GENERALI ASS IT e 29 ± 0,10

GENERALI HLD VI AT e 174,50 ....

INTERAM HELLEN GR 31,52 ....

IRISH LIFE & PE GB 8,79 ....

FONDIARIA ASS IT e 4,53 ± 0,44

LEGAL & GENERAL GB 2,50 + 2,01

MEDIOLANUM IT e 11,99 + 0,76

MUENCH RUECKVER DE e 274 + 0,74

NORWICH UNION GB 6,78 + 0,98

POHJOLA YHTYMAE FI e 56,50 ....

PRUDENTIAL GB 19,54 + 3,30

RAS IT e 8,58 ....

ROYAL SUN ALLIA GB 6,95 + 1,68

SAMPO -A- FI e 36 ....

SWISS RE N CH 1821,51 + 0,86

SEGUROS MUNDIAL PT e 53,80 ....

SKANDIA INSURAN SE 27,71 ....

STOREBRAND NO 7,12 ....

SUN LF & PROV H GB 6,83 ....

SWISS LIFE REG CH 551,11 + 0,68

TOPDANMARK DK 18,14 ....

ZURICH ALLIED N CH 485,32 + 0,13

f DJ E STOXX INSU P 364,39 ± 0,38

MEDIASB SKY B GROUP GB 19,35 ± 4,07

CANAL PLUS /RM FR e 162,90 + 1,31

CARLTON COMMUNI GB 9,67 ....

ELSEVIER NL e 12,35 ± 0,24

EM.TV & MERCHAN DE e 91,80 ± 0,11

EMAP PLC GB 27,57 ± 1,70

GRUPPO L’ESPRES IT e 13,79 + 2,53

HAVAS ADVERTISI FR e 500 + 0,99

INDP NEWS AND M IR e 7,90 ....

LAGARDERE SCA N FR e 83,65 + 2,64

MEDIASET IT e 16,46 ± 0,90

PEARSON GB 36,39 + 0,32

REED INTERNATIO GB 8,29 ± 0,39

REUTERS GROUP GB 15,90 ± 0,10

TELEWEST COMM. GB 6,09 ± 0,54

TF1 FR e 560 + 3,51

UNITED NEWS & M GB 12,55 ....

UNITED PAN-EURO NL e 135 + 1,50

VNU NL e 53,40 + 0,47

WOLTERS KLUWER NL e 37,80 + 0,27

WPP GROUP GB 17,57 ± 2,19

f DJ E STOXX MEDIA P 559,26 + 0,87

BIENS DE CONSOMMATIONAHOLD NL e 24,49 ± 1,69

ALTADIS -A- ES e 11,97 + 0,17

ATHENS MEDICAL GR 45,24 ....

AUSTRIA TABAK A AT e 48 + 0,02

BEIERSDORF AG DE e 67 ± 1,47

BIC /RM FR e 48,55 ± 0,82

BRIT AMER TOBAC GB 4,57 + 0,36

CASINO GP /RM FR e 100 ....

CFR UNITS -A- CH 2482,47 ± 0,25

DELHAIZE BE e 62 ....

ESSILOR INTL /R FR e 295 + 0,34

COLRUYT BE e 51,25 ....

FRESENIUS MED C DE e 78,70 ± 0,76

FYFFES GB 2,89 ....

GALLAHER GRP GB 4,09 ....

GIB BE e 36,74 ....

IMPERIAL TOBACC GB 7,97 + 0,21

JERONIMO MARTIN PT e 22,89 ....

KESKO -B- FI e 12,30 ....

L’OREAL /RM FR e 673,50 + 1,66

MORRISON SUPERM GB 1,97 ....

HENKEL KGAA VZ DE e 59,20 ± 0,50

RECKITT BENCKIS GB 10,26 + 0,81

SAFEWAY GB 3,37 ....

SAINSBURY J. PL GB 5,68 + 2,67

SMITH & NEPHEW GB 2,94 ± 4,28

STAGECOACH HLDG GB 2,66 ± 1,82

TESCO PLC GB 2,74 + 1,21

TNT POST GROEP NL e 26,55 ± 2,68

f DJ E STOXX N CY G P 500,60 ± 0,13

COMMERCE DISTRIBUTIONBOOTS CO PLC GB 8,43 + 1,18

CARREFOUR /RM FR e 164,40 + 0,43

CASTO.DUBOIS /R FR e 249 + 2,05

CENTROS COMER P ES e 13,95 ± 2,58

CONTINENTE ES e 18,17 ± 1,36

DIXONS GROUP PL GB 19,89 + 1,68

GEHE AG DE e 35,10 + 0,86

GREAT UNIV STOR GB 6,03 ± 0,27

GUCCI GROUP NL e 115 + 0,79

HENNES & MAURIT SE 36,73 ....

KARSTADT QUELLE DE e 34,75 + 1,91

KINGFISHER GB 7,90 + 1,05

MARKS & SPENCER GB 4,88 + 7,61

METRO DE e 45 ± 0,22

NEXT PLC GB 7,77 ± 0,42

PINAULT PRINT./ FR e 206,90 + 1,22

VALORA HLDG N CH 299,45 + 0,52

VENDEX KBB NV NL e 20,52 ± 1,11

W.H SMITH GRP GB 5,67 + 0,58

WOLSELEY PLC GB 5,27 ....

f DJ E STOXX RETL P 397,39 + 0,31

HAUTE TECHNOLOGIEAEROSPATIALE MA FR e 20,86 ± 1,51

ALCATEL /RM FR e 204,20 + 0,05

ALTEC SA REG. GR 24,46 ....

ASM LITHOGRAPHY NL e 123,90 ± 0,08

BAAN COMPANY NL e 7,06 ....

BARCO BE e 128,90 ....

BRITISH AEROSPA GB 5,63 + 2,08

CAP GEMINI /RM FR e 222,70 ± 0,62

COLT TELECOM NE GB 50,91 + 1,44

DASSAULT SYST./ FR e 72 ± 4

ERICSSON -B- SE 67,60 ....

FINMECCANICA IT e 1,14 ....

GAMBRO -A- SE 8,32 ....

GETRONICS NL e 71,95 ± 0,76

GN GREAT NORDIC DK 53,47 ....

INTRACOM R GR 40,72 ....

LOGICA GB 27,89 + 1,25

MISYS GB 14,70 + 9,41

NOKIA FI e 185 + 0,98

NYCOMED AMERSHA GB 7,01 ± 1,16

OCE NL e 12,65 ± 0,24

OLIVETTI IT e 3,37 + 2,74

KON. PHILIPS NL e 151,40 ± 0,07

ROLLS ROYCE GB 3,53 ± 0,92

SAGE GRP GB 12,05 + 1,80

SAGEM FR e 2210 ....

SAP AG DE e 600 ± 0,50

SAP VZ DE e 832 + 0,36

SEMA GROUP GB 19,43 + 0,68

SIEMENS AG N DE e 150,50 + 1,69

SMITHS IND PLC GB 11,79 + 1,70

STMICROELEC SIC FR e 169,30 ± 0,24

TECNOST IT e 3,93 + 1,03

THOMSON CSF /RM FR e 38,66 ± 0,87

TIETOENATOR FI e 55,01 + 0,38

WILLIAM DEMANT DK 124,95 ....

f DJ E STOXX TECH P 889,94 ± 0,25

SERVICES COLLECTIFSAEM IT e 4,33 ....

ANGLIAN WATER GB 8,52 ....

BRITISH ENERGY GB 4,73 ± 3,36

CENTRICA GB 3,07 ± 0,53

EDISON IT e 8,41 + 0,12

ELECTRABEL BE e 277 ....

ELECTRIC PORTUG PT e 16,58 ....

ENDESA ES e 19,50 + 0,52

EVN AT e 132,60 ± 0,53

FORTUM FI e 4,93 + 1,86

GAS NATURAL SDG ES e 18,97 + 0,32

IBERDROLA ES e 11,98 ± 0,17

ITALGAS IT e 4,31 ± 0,69

NATIONAL GRID G GB 7,06 ± 2,05

NATIONAL POWER GB 5,75 ± 4,11

OESTERR ELEKTR AT e 115,01 ± 0,03

POWERGEN GB 7,41 ± 1,31

SCOTTISH POWER GB 6,98 + 2,16

SEVERN TRENT GB 10,17 ....

SUEZ LYON EAUX/ FR e 145,60 + 4,75

SYDKRAFT -A- SE 23,20 ....

SYDKRAFT -C- SE 17,81 ....

THAMES WATER GB 12,91 ....

FENOSA ES e 19,15 + 0,26

UNITED UTILITIE GB 10,76 ....

VIAG DE e 18,10 + 0,84

VIVENDI/RM FR e 101,70 + 3,30

f DJ E STOXX PO SUP P 318 + 1,59

EURO_____________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________NOUVEAUMARCHE

Cours % Var.28/01 9 h 48 f en euros 27/01

AMSTERDAMAIRSPRAY NV 20,75 + 1,97

ANTONOV 1 + 2,04

C/TAC 11 ± 1,79

CARDIO CONTROL 4,90 ....

CSS 23,90 ....

HITT NV 6,75 + 2,27

INNOCONCEPTS NV 20,20 ± 0,98

NEDGRAPHICS HOLD 28 + 1,45

SOPHEON 12 + 4,35

PROLION HOLDING 94 ....

RING ROSA 6,35 ....

RING ROSA WT 0,48 ....

UCC GROEP NV 28,50 + 0,18

BRUXELLESENVIPCO HLD CT 1,10 ....

FARDEM BELGIUM B 20,10 ....

INTERNOC HLD 2,70 + 5,88

INTL BRACHYTHER B 13,90 + 0,72

LINK SOFTWARE B 11,19 ....

PAYTON PLANAR 1,44 ....

ACCENTIS 7,10 ....

FRANCFORT1 & 1 AG & CO.KGAA 352 + 2,03

AIXTRON 163,77 + 2,36

AUGUSTA TECHNOLOGIE 108 ± 1,99

BB BIOTECH ZT-D 86,75 ± 1,42

BB MEDTECH ZT-D 15,75 + 3,55

BERTRANDT AG 82 ± 0,61

BETA SYSTEMS SOFTWA 10,70 + 3,88

CE COMPUTER EQUIPME 89 + 0,56

CE CONSUMER ELECTRO 215,50 + 2,62

CENIT SYSTEMHAUS 34,50 ± 1,43

DRILLISCH 8,49 + 8,99

EDEL MUSIC 40,90 + 5,14

ELSA 61,50 ± 0,16

EM.TV & MERCHANDI 91,80 ± 0,11

EUROMICRON 20,85 + 1,21

GRAPHISOFT NV 13,29 + 1,06

HOEFT & WESSEL 13,36 ± 1,76

HUNZINGER INFORMAT 10,60 + 1,44

INFOMATEC 42,40 + 0,24

INTERSHOP COMMUNICA 341 ± 2,57

KINOWELT MEDIEN 48,49 + 1,23

LHS GROUP 32 ± 5,72

LINTEC COMPUTER 89,80 ± 1,10

LOESCH UMWELTSCHUTZ 6,60 ....

MENSCH UND MASCHINE 23 ± 1,58

MOBILCOM 113,51 + 0,45

MUEHL PRODUCT & SERV 13,55 + 1,88

MUEHLBAUER HOLDING 128,12 + 8,58

PFEIFFER VACU TECH 33,50 ± 1,18

PLENUM 20,50 ± 2,29

PSI 36,60 ± 1,08

QIAGEN NV 119,50 + 0,59

REFUGIUM HOLDING AG 9,35 + 0,54

SACHSENRING AUTO 11,10 + 0,91

SALTUS TECHNOLOGY 14,60 ....

SCM MICROSYSTEMS 71 + 0,71

SER SYSTEME 46 + 2,24

SERO ENTSORGUNG 5,80 ....

SINGULUS TECHNOLOGI 94,30 + 1,56

SOFTM SOFTWARE BERA 41,10 ± 3,29

TDS 22 + 8,11

TECHNOTRANS 59 ± 0,51

TELDAFAX 18,10 ± 2,16

TELES AG 33 ± 1,20

TIPTEL 6,90 + 3,76

TRANSTEC 50 ....

W.E.T. AUTOMOTIVE S 37,50 + 1,35

.... ....

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370,13

STOXX 653 sur 1 an

379

359

338

318

297

277[ [ [

28 JANV. 30 JUIL. 28 JANV.

366,28

360,76

364,28

369,37

370,13

sur 5 jours

[ [ [ [ [

L M M J V

4795,62

EURO STOXX50 sur 1an

4903

4587

4272

3956

3641

3325[ [ [

28 JANV. 30 JUIL. 28 JANV.

4721,18

4671,40 4

721,03

4797,19

4795,62

sur 5 jours

[ [ [ [ [

L M M J V

VALEURS EUROPEENNES

e CODES PAYS ZONE EUROFR : France - DE : Allemagne - ES : EspagneIT : Italie - PT : Portugal - IR : IrlandeLU : Luxembourg - NL : Pays-Bas - AT : AutricheFI : Finlande - BE : Belgique.

CODES PAYS HORS ZONE EUROCH : Suisse - NO : Norvege - DK : DanemarkGB : Grande-Bretagne - GR : Grece - SE : Suede.

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Page 20: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

LeMonde Job: WMQ2901--0023-0 WAS LMQ2901-23 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 10:33 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 22Fap: 100 No: 0386 Lcp: 700 CMYK

F I N A N C E S E T M A R C H É S LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000 / 23

ValeurPrecedent Cours Cours % Var.France f nominalen euros en euros en francs veille (1)

B.N.P. (T.P)...................... 144,50 144 944,58 ± 0,35 152

CR.LYONNAIS(TP) L ....... 143,50 141 924,90 ± 1,74 1000

RENAULT (T.P.)............... 323 323 2118,74 .... 1000

SAINT GOBAIN(T.P......... 167 .... .... .... 152

THOMSON S.A (T.P) ....... 149 149,50 980,66 + 0,34 1000

ACCOR ............................ 40,30 40,59 266,25 + 0,72 3

AEROSPATIALE MATR.... 21,18 20,81 136,50 ± 1,75 20

AGF ................................. 50 50,05 328,31 + 0,10 30

AIR FRANCE GPE NO ..... 18,50 18,30 120,04 ± 1,08 54

AIR LIQUIDE ................... 154,60 155,20 1018,05 + 0,39 11

ALCATEL ......................... 204,10 205 1344,71 + 0,44 10

ALSTOM.......................... 29,15 29,20 191,54 + 0,17 6

ALTRAN TECHNO. #....... 196 202,90 1330,94 + 3,52 1

ATOS CA.......................... 144,50 138 905,22 ± 4,50 1

AVENTIS.......................... 53 53,25 349,30 + 0,47 3

AXA.................................. 124 125 819,95 + 0,81 9

BAIL INVESTIS................. 131,90 130,10 853,40 ± 1,36 16

BAZAR HOT. VILLE ......... 115,90 113,20 742,54 ± 2,33 50

BIC................................... 48,95 48,55 318,47 ± 0,82 3

BIS................................... 85 .... .... .... 20

B.N.P. .............................. 80,75 81,50 534,60 + 0,93 4

BOLLORE ........................ 194 194 1272,56 .... 8

BONGRAIN ..................... 304,30 304,50 1997,39 + 0,07 50

BOUYGUES ..................... 664,50 665 4362,11 + 0,08 50

BOUYGUES OFFS............ 44,45 44,30 290,59 ± 0,34 10

BULL#.............................. 7,93 7,93 52,02 .... 2

BUSINESS OBJECTS........ 90 86,50 567,40 ± 3,89 ....

CANAL + ......................... 160,80 163,10 1069,87 + 1,43 ....

CAP GEMINI ................... 224,10 221 1449,66 ± 1,38 8

CARBONE LORRAINE..... 40,90 40,80 267,63 ± 0,24 2

CARREFOUR ................... 163,70 164,40 1078,39 + 0,43 2

CASINO GUICHARD ....... 100 99,55 653,01 ± 0,45 10

CASINO GUICH.ADP ...... 65,50 66,80 438,18 + 1,98 10

CASTORAMA DUB.(LI..... 244 244 1600,54 .... 25

C.C.F. ............................... 116,40 116,70 765,50 + 0,26 5

CEGID (LY) ...................... 176,70 175,70 1152,52 ± 0,57 25

CERUS............................. 9,60 9,61 63,04 + 0,10 45

CGIP ................................ 71,40 68,50 449,33 ± 4,06 2

CHARGEURS................... 57,15 57,95 380,13 + 1,40 100

CHRISTIAN DALLOZ ...... 59,15 60 393,57 + 1,44 10

CHRISTIAN DIOR ........... 230 231,60 1519,20 + 0,70 52

CIC -ACTIONS A.............. 96,20 97,90 642,18 + 1,77 100

CIMENTS FRANCAIS ...... 59,45 60,25 395,21 + 1,35 4

CLARINS ......................... 112,40 114 747,79 + 1,42 50

CLUB MEDITERRANEE .. 110,80 112,90 740,58 + 1,90 25

CNP ASSURANCES ......... 33,90 33,06 216,86 ± 2,48 25

COFLEXIP........................ 91 91 596,92 .... 1

COLAS ............................. 180 178,60 1171,54 ± 0,78 40

CDE PROV. REGPT.......... 35,60 36 236,14 + 1,12 100

CPR ................................. 47 46,78 306,86 ± 0,47 8

CRED.FON.FRANCE ....... 16,68 16,50 108,23 ± 1,08 42

CFF.RECYCLING ............. 44,84 47,70 312,89 + 6,38 50

CREDIT LYONNAIS......... 43,48 42,85 281,08 ± 1,45 ....

CS SIGNAUX(CSEE)......... 59,75 62,15 407,68 + 4,02 100

DAMART ......................... 75 76 498,53 + 1,33 1

DANONE......................... 225,50 229,50 1505,42 + 1,77 10

DASSAULT-AVIATION..... 201 201,10 1319,13 + 0,05 8

DASSAULT SYSTEMES.... 75 71,50 469,01 ± 4,67 1

DE DIETRICH.................. 53,30 53 347,66 ± 0,56 4

DEVEAUX(LY)# ................ 78 77 505,09 ± 1,28 20

DEV.R.N-P.CAL LI............ 15,24 .... .... .... 100

DMC (DOLLFUS MI) ....... 5,32 5,26 34,50 ± 1,13 27

DYNACTION ................... 25,80 25,81 169,30 + 0,04 25

EIFFAGE .......................... 63,40 62,75 411,61 ± 1,03 50

ERAMET .......................... 57,50 57,50 377,18 .... 20

ERIDANIA BEGHIN......... 101 100,50 659,24 ± 0,50 10

ESSILOR INTL ................. 294 296,90 1947,54 + 0,99 20

ESSILOR INTL.ADP......... 326,40 326,10 2139,08 ± 0,09 20

ESSO................................ 72,10 72,50 475,57 + 0,55 50

EURAFRANCE................. 522 521 3417,54 ± 0,19 200

EURO DISNEY................. 0,90 0,89 5,84 ± 1,11 ....

EUROTUNNEL................ 1,08 1,08 7,08 .... ....

FACOM SA....................... 69 68,60 449,99 ± 0,58 25

FAURECIA ....................... 50,60 51 334,54 + 0,79 50

FIMALAC SA.................... 120 122,50 803,55 + 2,08 22

FIVES-LILLE..................... 82,20 82,60 541,82 + 0,49 8

FONC.LYON.# ................. 120 118 774,03 ± 1,67 50

FRANCE TELECOM......... 135 134,20 880,29 ± 0,59 4

FROMAGERIES BEL........ 689 700 4591,70 + 1,60 50

GALERIES LAFAYETT ...... 175 178,80 1172,85 + 2,17 2

GAUMONT #................... 72 72 472,29 .... 50

GAZ ET EAUX .................. 53 54,40 356,84 + 2,64 5

GECINA........................... 107 107 701,87 .... 100

GEOPHYSIQUE ............... 63,50 64,90 425,72 + 2,20 10

GFI INFORMATIQUE...... 150 148 970,82 ± 1,33 20

GRANDVISION ............... 26,80 26,69 175,07 ± 0,41 10

GROUPE ANDRE S.A....... 169,20 165,30 1084,30 ± 2,30 50

GASCOGNE..................... 77 76,50 501,81 ± 0,65 80

GR.ZANNIER (LY) #......... 38 37,80 247,95 ± 0,53 10

GROUPE GTM ................ 91,60 90 590,36 ± 1,75 8

GROUPE PARTOUCHE ... 80,75 81,20 532,64 + 0,56 91

GUILBERT....................... 135,50 137 898,66 + 1,11 10

GUYENNE GASCOGNE... 447,40 445 2919,01 ± 0,54 20

HACHETTE FILI.MED ..... 76,60 77,60 509,02 + 1,31 10

HAVAS ADVERTISING..... 495,10 510 3345,38 + 3,01 8

IMERYS(EX.IMETAL) ....... 139,10 141 924,90 + 1,37 8

IMMEUBLES DE FCE ...... 17,90 17,90 117,42 .... 10

INFOGRAMES ENTER. ... 31 32,35 212,20 + 4,35 ....

INGENICO ...................... 74,90 75,90 497,87 + 1,34 10

ISIS .................................. 68 68 446,05 .... 50

KLEPIERRE COMP.FI ...... 99 97 636,28 ± 2,02 50

LABINAL.......................... 103,50 105,60 692,69 + 2,03 8

LAFARGE......................... 95 95,70 627,75 + 0,74 25

LAGARDERE.................... 81,50 82,20 539,20 + 0,86 40

LAPEYRE ......................... 63 63 413,25 .... 10

LEBON (CIE).................... 50 .... .... .... 50

LEGRAND ....................... 237 236 1548,06 ± 0,42 2

LEGRAND ADP ............... 135 134,50 882,26 ± 0,37 2

LEGRIS INDUST.............. 43,04 42,84 281,01 ± 0,46 20

LOCINDUS...................... 108,50 107,50 705,15 ± 0,92 150

L’OREAL .......................... 662,50 675 4427,71 + 1,89 2

LVMH MOET HEN. ......... 421 425 2787,82 + 0,95 1

MARINE WENDEL .......... 221 222 1456,22 + 0,45 16

METALEUROP ................ 7,15 7,32 48,02 + 2,38 25

MICHELIN....................... 36,30 36,61 240,15 + 0,85 2

MONTUPET SA............... 34,40 34 223,03 ± 1,16 10

MOULINEX ..................... 7,80 8,12 53,26 + 4,10 10

NATEXIS BQ POP. ........... 65,70 65,65 430,64 ± 0,08 16

NEOPOST........................ 39,63 40,90 268,29 + 3,20 1

NORBERT DENTRES.# ... 20,10 20,29 133,09 + 0,95 10

NORD-EST...................... 26,98 26,98 176,98 .... 50

NORDON (NY)................ 66,50 69,80 457,86 + 4,96 70

NRJ # ............................... 674 680 4460,51 + 0,89 10

OLIPAR............................ 9,20 9,10 59,69 ± 1,09 60

PECHINEY ACT ORD ...... 69,50 68,30 448,02 ± 1,73 15

PENAUILLE POLY.CB...... 511 511 3351,94 .... 15

PERNOD-RICARD........... 54,80 55,40 363,40 + 1,09 20

PEUGEOT........................ 230,20 231,80 1520,51 + 0,70 6

PINAULT-PRINT.RED..... 204,40 207 1357,83 + 1,27 20

PLASTIC OMN.(LY) ......... 117 117,50 770,75 + 0,43 20

PROMODES.................... 980 976,50 6405,42 ± 0,36 20

PUBLICIS #...................... 442 442 2899,33 .... 25

REMY COINTREAU......... 22,90 23 150,87 + 0,44 10

RENAULT ........................ 54,95 54,50 357,50 ± 0,82 25

REXEL.............................. 89,25 88,45 580,19 ± 0,90 5

RHODIA .......................... 21,60 21,62 141,82 + 0,09 15

ROCHETTE (LA) .............. 6,75 6,87 45,06 + 1,78 10

ROYAL CANIN................. 79,50 78,10 512,30 ± 1,76 20

RUE IMPERIALE (LY........ 2140 2055,50 13483,20 ± 3,95 200

SADE (NY) ....................... 37,96 .... .... .... 100

SAGEM S.A. ..................... 848,50 844,50 5539,56 ± 0,47 20

SAINT-GOBAIN............... 160 162,70 1067,24 + 1,69 16

SALVEPAR (NY) ............... 75,50 75,30 493,94 ± 0,26 50

SANOFI SYNTHELABO ... 38 38,80 254,51 + 2,11 2

SAUPIQUET (NS) ............ 95 95 623,16 .... 50

SCHNEIDER ELECTRI..... 75 75,30 493,94 + 0,40 8

SCOR............................... 51,50 51 334,54 ± 0,97 ....

S.E.B. ............................... 83 80,50 528,05 ± 3,01 3

SEITA............................... 42,25 42,69 280,03 + 1,04 50

SELECTIBANQUE............ 13 13,30 87,24 + 2,31 15

SGE.................................. 45 45,50 298,46 + 1,11 13

SIDEL............................... 93 92,60 607,42 ± 0,43 2

SILIC CA .......................... 156,20 150 983,94 ± 3,97 100

SIMCO............................. 81,30 81,15 532,31 ± 0,18 100

SKIS ROSSIGNOL............ 15,79 15,60 102,33 ± 1,20 25

SOCIETE GENERALE....... 198 201,10 1319,13 + 1,57 5

SODEXHO ALLIANCE...... 166 162,40 1065,27 ± 2,17 16

SOGEPARC (FIN) ............ 80 .... .... .... 50

SOMMER-ALLIBERT....... 26,78 26,80 175,80 + 0,07 1

SOPHIA (EX.SFI) .............. 26,20 26,15 171,53 ± 0,19 10

SOPRA # .......................... 91,80 91,95 603,15 + 0,16 4

SPIR COMMUNIC. # ....... 124,90 130,90 858,65 + 4,80 20

SR TELEPERFORMANC.. 230 229,50 1505,42 ± 0,22 20

SUEZ LYON.DES EAU ..... 139 149,30 979,34 + 7,41 10

TF1 .................................. 541 559 3666,80 + 3,33 2

TECHNIP......................... 109,30 108,60 712,37 ± 0,64 20

THOMSON-CSF.............. 39 38,70 253,86 ± 0,77 20

THOMSON MULTIMEDI 76 79,30 520,17 + 4,34 7

TOTAL FINA SA............... 131,30 131,50 862,58 + 0,15 10

TRANSICIEL # ................. 131 132,50 869,14 + 1,15 2

UBI SOFT ENTERTAI ...... 47,80 48 314,86 + 0,42 2

UNIBAIL .......................... 133,50 133 872,42 ± 0,37 100

UNILOG .......................... 130 131 859,30 + 0,77 1

UNION ASSUR.FDAL ...... 109,50 108,40 711,06 ± 1 10

USINOR........................... 16,82 16,90 110,86 + 0,48 20

VALEO ............................. 71,60 71,60 469,67 .... 3

VALLOUREC.................... 49 47,10 308,96 ± 3,88 100

VIA BANQUE ................... 26,90 26,53 174,03 ± 1,38 100

VIVENDI .......................... 98,45 102,20 670,39 + 3,81 5

WORMS (EX.SOMEAL) .... 15,75 15,45 101,35 ± 1,90 1

ZODIAC........................... 194,60 194,90 1278,46 + 0,15 10

......................................... .... .... .... .... ....

......................................... .... .... .... .... ....

......................................... .... .... .... .... ....

......................................... .... .... .... .... ....

......................................... .... .... .... .... ....

......................................... .... .... .... .... ....

......................................... .... .... .... .... ....

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......................................... .... .... .... .... ....

......................................... .... .... .... .... ....

ValeurPrecedent Cours Cours % Var.International f nominalen euros en euros en francs veille (1)

AMERICAN EXPRESS...... 165 165 1082,33 .... ....

A.T.T. #............................. 52,85 51,70 339,13 ± 2,18 1

BARRICK GOLD #............ 16,90 16,95 111,18 + 0,30 ....

CROWN CORK ORD. #.... 23,48 .... .... .... 5

DE BEERS # ..................... 28,50 28,22 185,11 ± 0,98 ....

DU PONT NEMOURS # .. 61,70 62,90 412,60 + 1,94 ....

ERICSSON # .................... 68,50 72,15 473,27 + 5,33 2

FORD MOTOR # ............. 49,90 51 334,54 + 2,20 1

GENERAL ELECTR. #....... 141,90 144,30 946,55 + 1,69 ....

GENERAL MOTORS # ..... 82 84 551 + 2,44 1

HITACHI # ....................... 15,10 15 98,39 ± 0,66 50

I.B.M................................ 118,10 116,90 766,81 ± 1,02 ....

ITO YOKADO #................ 95 95 623,16 .... 50

MATSUSHITA.................. 26,20 27 177,11 + 3,05 50

MC DONALD’S ............... 37,55 38 249,26 + 1,20 ....

MERK AND CO ............... 74,90 75,15 492,95 + 0,33 ....

MITSUBISHI CORP.# ...... 7,99 8,20 53,79 + 2,63 50

MORGAN J.P.# ................ 123,90 .... .... .... 2

NIPP. MEATPACKER#..... 11,08 11,50 75,44 + 3,79 50

PHILIP MORRIS# ............ 21,99 21,41 140,44 ± 2,64 ....

PROCTER GAMBLE ........ 104,30 106 695,31 + 1,63 ....

SEGA ENTERPRISES ....... 34,40 37,20 244,02 + 8,14 50

SCHLUMBERGER# ......... 64,30 63,05 413,58 ± 1,94 ....

SONY CORP.#RGA .......... 252 258 1692,37 + 2,38 50

SUMITOMO BANK #....... 13,99 13,99 91,77 .... 50

VALEURS FRANCAISES

REGLEMENT MENSUEL__________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________VENDREDI 28 JANVIER Cours releves a 9 h 50Liquidation : 22 fe vrier

ABREVIATIONSB = Bordeaux; Li = Lille ; Ly = Lyon ; M = Marseille ; Ny = Nancy ; Ns = Nantes.

SYMBOLES1 ou 2 = categories de cotation - sans indication categorie 3 ; a couponde tache ; b droit de tache ; # contrat d’animation ; o = offert ;d = demande ; x offre reduite ; y demande reduite ; d cours precedent.

DERNIERE COLONNE RM (1) :Lundi date mardi : % variation 31/12 ; Mardi date mercredi : montant ducoupon en euros ; Mercredi date jeudi : paiement dernier coupon ;Jeudi date vendredi : compensation ; Vendredi date samedi : nominal.

JEUDI 27 JANVIER

Cours releves a 17 h 35

Cours Cours % Var.Valeurs f en euros en francs veille

ADL PARTNER...... 29,50 193,51 + 6,88

AB SOFT............... 12,52 82,13 + 0,24

ACCESS COMME .. 80 524,77 + 0,38

ALGORIEL#........... 27,80 182,36 + 4,91

ALPHAMEDIA ....... 12 78,71 + 14,29

ALPHA MOS ......... 6,90 45,26 ± 1

ALTAMIR & CI ...... 220 1443,11 ....

ALTAMIR BS 9 ......d 11,05 72,48 ....

ALDETA ................ 5 32,80 ....

ALTI #................... 79 518,21 + 4,64

A NOVO................ 180,10 1181,38 ± 3,69

ARTPRICE COM.... 53,65 351,92 ± 18,71

ASTRA .................. 1,61 10,56 ± 1,83

ATN......................d 5,50 36,08 ....

AUTOMA TECH .... 27,40 179,73 ± 2,14

AVENIR TELEC...... 263 1725,17 ± 2,95

BARBARA BUI....... 7,23 47,43 ± 0,96

BELVEDERE .......... 82,25 539,52 + 1,54

BIODOME #..........d 19 124,63 ....

BOURSE DIREC .... 23,50 154,15 ± 1,26

BRIME TECHNO... 55,20 362,09 + 10,62

BVRP EX DT S....... 90,50 593,64 + 1,69

CAC SYSTEMES .... 8 52,48 ....

CAST .................... 24,30 159,40 ± 10

CEREP .................. 22,50 147,59 ± 5,46

CEREP ACT.NO.....d 15 98,39 ....

CHEMUNEX #....... 1,60 10,50 + 18,52

COHERIS ATIX...... 251,20 1647,76 + 0,48

CMT MEDICAL ..... 12,50 81,99 ± 3,85

COIL ..................... 48,50 318,14 ± 0,84

CONSODATA #...... 57 373,90 ± 8,80

CROSS SYSTEM .... 291 1908,83 ± 6,16

CRYO INTERAC..... 46,05 302,07 + 9,64

CYBER PRES.P ...... 48,95 321,09 ± 0,10

CYRANO #............. 7,15 46,90 + 3,03

DESK #.................. 10 65,60 ± 13,42

DESK BS 98 ........... 0,50 3,28 + 8,70

DEVOTEAM # ........ 105 688,75 + 0,96

DMS #................... 9,60 62,97 ± 1,03

DURAND ALLIZ .... 5,12 33,58 + 2,40

DURAN DUBOI ..... 136,70 896,69 + 2,94

DURAN DUBOIS ... 157 1029,85 + 1,95

EFFIK # .................d 19,99 131,13 ....

EGIDE # ................ 98 642,84 + 3,16

ESKER................... 42,70 280,09 ± 6,77

EUROFINS SCI ...... 114,10 748,45 ± 0,78

EURO.CARGO S..... 9,50 62,32 + 5,56

EUROPSTAT #....... 606,50 3978,38 ± 6,62

FABMASTER #.......d 17 111,51 ....

FI SYSTEM # ......... 120 787,15 ± 2,52

FLOREANE MED ... 9,01 59,10 ± 5,16

GENERIX #............ 90 590,36 ± 3,02

GENESYS #............ 48,60 318,80 ± 1,02

GENSET ................ 99,20 650,71 + 7,83

GL TRADE #.......... 21 137,75 + 3,86

GROUPE D #......... 116 760,91 + 3,57

GUILLEMOT #....... 88,95 583,47 + 0,06

GUYANOR ACTI .... 0,38 2,49 ± 5

HF COMPANY....... 105 688,75 ± 6,25

HIGH CO. ............. 66,45 435,88 + 3,42

HOLOGRAM IND .. 106 695,31 ± 0,75

IDP ....................... 8,20 53,79 ± 18,41

IDP BON 98 ( ........d 1,07 7,02 ....

IGE + XAO............. 13 85,27 ± 0,76

ILOG # .................. 55 360,78 + 6,08

IMECOM GROUP .. 8,80 57,72 + 7,32

INFOSOURCES...... 98,20 644,15 ± 0,61

INFOSOURCE B ....d 37 242,70 ....

INFOTEL # ............ 86 564,12 ± 4,44

INTEGRA NET....... 213 1397,19 + 2,40

INTERCALL # ........ 48,50 318,14 + 14,12

IPSOS #................. 96 629,72 + 18,23

IT LINK ................ 25 163,99 ± 0,79

KALISTO ENTE ..... 121,60 797,64 ± 16,20

LEXIBOOK # ......... 23 150,87 + 6,98

JOLIEZ-REGOL ..... 5,99 39,29 + 0,17

JOLIEZ-REGOL ..... 0,20 1,31 + 5,26

LACIE GROUP ...... 6,85 44,93 ± 1,86

MEDIDEP # .......... 28 183,67 + 1,82

METROLOGIC G... 216,90 1422,77 + 2,31

MILLE AMIS # ...... 7,95 52,15 + 6

MILLE AMIS B ......d 0,68 4,46 ....

MONDIAL PECH .. 7 45,92 ....

NATUREX ............. 9,06 59,43 + 0,44

NETVALUE............d 22 144,31 ....

NICOX .................. 38 249,26 ± 5

OLITEC ................. 58 380,46 ± 1,69

OXIS INTL RG....... 2,20 14,43 + 12,82

PERFECT TECH..... 97 636,28 + 12,79

PHONE SYS.NE..... 18 118,07 ± 1,10

PICOGIGA............. 47,23 309,81 ± 2,62

PROSODIE # ......... 270 1771,08 ....

PROLOGUE SOF ... 109 714,99 + 3,81

PROXIDIS ............. 2,02 13,25 ± 5,16

QUANTEL ............. 5,20 34,11 + 4

APPLIGENE ON .... 2,60 17,05 + 4

R2I SANTE ........... 49 321,42 ....

RADOUX INTL...... 46 301,74 + 2

RECIF # ................ 32 209,91 ± 3,03

REPONSE # .......... 34 223,03 + 1,46

REGINA RUBEN ... 8,90 58,38 ± 1,11

RIGIFLEX INT....... 36,50 239,42 + 23,31

SAVEURS DE F ..... 15,30 100,36 ....

GUILLEMOT BS.... 16,20 106,27 ± 1,22

SILICOMP #.......... 45,70 299,77 ± 0,65

SERP RECYCLA.....d 49 321,42 ....

SOI TEC SILI ........ 187 1226,64 ± 0,32

STACI # ................ 74 485,41 + 2,64

STELAX ................ 1,18 7,74 ± 7,09

SYNELEC # ........... 25,10 164,65 ± 9,06

SYSTAR NOM....... 140 918,34 + 2,19

TEL.RES.SERV....... 37 242,70 + 19,35

TETE DS LES ........ 2,75 18,04 ....

THERMATECH I ... 34,94 229,19 ± 0,03

TITUS INTERA ..... 56 367,34 + 1,82

TITUS INTER........d 32,40 212,53 ....

TITUS INTER........d 43,50 285,34 ....

TITUS INTER........ 15,10 99,05 + 4,14

TRANSGENE # ..... 48,70 319,45 ± 5,34

UNION TECHNO.. 0,79 5,18 + 12,86

VALTECH.............. 175 1147,92 + 7,36

V CON TELEC. ...... 17,90 117,42 ± 4,99

VISIODENT #........ 85 557,56 + 16,44

WAVECOM #......... 95,50 626,44 + 4,37

WESTERN TELE.... 8,50 55,76 ....

SECOND_______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________MARCHE

VENDREDI 28 JANVIER

Une se lection. Cours releves a 9 h 50

Cours Cours % Var.Valeurs f en euros en francs veille

M6-METROPOLE .. 539,50 3538,89 + 2,96

HERMES INTL ...... 145 951,14 + 1,26

RALLYE(CATHI...... 58,10 381,11 + 2,65

ALTEN # ............... 207,50 1361,11 ± 0,48

FINATIS(EX.L ........d 108 708,43 ....

CEGEDIM # ..........d 97,40 638,90 ....

FRAIKIN 2#...........d 81 531,33 ....

STERIA GROUP..... 136,40 894,73 ± 0,44

MANITOU #.......... 77 505,09 ....

BENETEAU CA# .... 356 2335,21 ± 1,11

ASSUR.BQ.POP ..... 96,90 635,62 ....

MANUTAN INTE... 80 524,77 ± 4,76

APRIL S.A.#(.......... 119 780,59 + 0,42

UNION FIN.FR ..... 119,80 785,84 ± 0,17

BRICORAMA # ......d 83,05 544,77 ....

JET MULTIMED .... 737 4834,40 + 0,96

ALGECO #............. 72 472,29 ± 1,37

FININFO...............d 329 2158,10 ....

HYPARLO #(LY...... 32,80 215,15 ± 0,61

GROUPE BOURB ..d 61,50 403,41 ....

C.A. PARIS I .......... 147,50 967,54 ± 0,34

L.D.C. ................... 90,35 592,66 ± 0,82

BRIOCHE PASQ .... 91 596,92 ± 0,55

ETAM DEVELOP ... 25,22 165,43 ± 2,17

BOIRON (LY)# ...... 55,20 362,09 ± 1,43

MARIONNAUD P.. 71 465,73 + 0,07

POCHET ...............d 70 459,17 ....

GEODIS ................ 70 459,17 ± 3,98

AUBAY TECHNO... 140 918,34 ....

NOUVEAUMARCHE

(PubliciteÂ)

Une se lection. Cours de cloture le 27 janvier

Valeurs unitairese DateEmetteurs f Euros francsee cours

AGIPI

AGIPI AMBITION (AXA) ........ 28,31 185,70 27/01

AGIPI ACTIONS (AXA)........... 30,67 201,18 27/01

3615 BNP

BNP ACTIONS EURO............ 151,17 991,61 27/01

BNP ACTIONS FRANCE........ 188,32 1235,30 27/01

BNP ACT. MIDCAP EURO..... 181,47 1190,37 27/01

BNP ACT. MIDCAP FR. ......... 59,87 392,72 27/01

BNP ACTIONS MONDE ........ 216,21 1418,24 27/01

BNP ACTIONS PEA EURO..... 237,88 1560,39 27/01

BNP EP. PATRIMOINE.......... 33,49 219,68 27/01

BNP EPARGNE RETRAITE .... 37,84 248,21 27/01

BNP MONE COURT TERME . 2324,08 15244,97 27/01

BNP MONETAIRE C.............. 878,62 5763,37 27/01

BNP MONETAIRE D ............. 796,86 5227,06 27/01

BNP MONE PLACEMENT C.. 12803,18 83983,36 27/01

BNP MONE PLACEMENT D.. 11475,43 75273,89 27/01

BNP MONE SECURITE ......... 1761,77 11556,45 27/01

BNP MONE TRESORIE ......... 145035,44 951370,12 27/01

BNP OBLIG. CT .................... 165,14 1083,25 27/01

BNP OBLIG. LT..................... 34,01 223,09 27/01

BNP OBLIG. MONDE............ 181,72 1192,01 27/01

BNP OBLIG. MT C................ 140,19 919,59 27/01

BNP OBLIG. MT D................ 133,48 875,57 27/01

BNP OBLIG. REVENUS ......... 161,02 1056,22 27/01

BNP OBLIG. SPREADS.......... 167,09 1096,04 27/01

BNP OBLIG. TRESOR............ 1817,72 11923,46 27/01

BNP SECT. IMMOBILIER ...... 136,85 897,68 27/01

BANQUE POPULAIRE ASSET MANAGEMENT

BP NOUV. ECONOMIE.......... 341,15 2237,80 26/01

BP OBLIG. EUROPE .............. 47,05 308,63 27/01

BP SECURITE ....................... 95506,74 626483,15 27/01

FRUCTI EURO 50.................. 133,56 876,10 27/01

FRUCTIFRANCE C ................ 99,08 649,92 26/01

www.cdc-assetmanagement.com

LIVRET B. INV.D PEA............ 229,68 1506,60 18/01

MULTI-PROMOTEURSNORD SUD DEVELOP. C....... 452,45 2967,88 18/01

NORD SUD DEVELOP. D ...... 384,97 2525,24 18/01

Sicav en ligne :08 36 68 09 00 (2,23 F/mn)

ECUR. 1,2,3... FUTUR ............ 59,60 390,95 27/01

ECUR. ACT. FUT.D PEA ........ 81,55 534,93 27/01

ECUR. ACTIONS EUROP. C... 21,23 139,26 27/01

ECUR. CAPITALISATION C.... 40,19 263,63 27/01

ECUR. DYNAMIQUE+ D PEA 54,83 359,66 27/01

ECUR. ENERGIE D PEA ......... 50,71 332,64 27/01

ECUR. EXPANSION C ............ 13700,05 89866,44 27/01

ECUR. EXPANSIONPLUS C.... 39,35 258,12 27/01

ECUR. INVESTIS. D PEA........ 62,22 408,14 27/01

EC. MONET.C/10 30/11/98 ...... 210,52 1380,92 27/01

EC. MONET.D/10 30/11/98...... 185,10 1214,18 27/01

ECUR. OBLIG. INTERNAT. .... 162,30 1064,62 27/01

ECUR. TRIMESTRIEL D......... 272,42 1786,96 27/01

EPARCOURT-SICAV D ........... 28,30 185,64 27/01

GEOPTIM C .......................... 2081,97 13656,83 27/01

HORIZON C.......................... 568,87 3731,54 27/01

PREVOYANCE ECUR. D......... 14,90 97,74 27/01

Fonds communs de placementsECUREUIL EQUILIBRE C....... 37,41 245,39 27/01

ECUREUIL PRUDENCE C ...... 32,39 212,46 27/01

ECUREUIL VITALITE C .......... 45,99 301,67 27/01

CREDIT AGRICOLE08 36 68 56 55 (2,23 F/mn)

ATOUT AMERIQUE ............... 53,89 353,50 27/01

ATOUT ASIE.......................... 28,88 189,44 27/01

ATOUT CROISSANCE............ 569,84 3737,91 27/01

ATOUT FONCIER .................. 321,88 2111,39 27/01

ATOUT FRANCE EUROPE ..... 240,68 1578,76 27/01

ATOUT FRANCE MONDE...... 58,26 382,16 27/01

ATOUT FUTUR C .................. 244,55 1604,14 27/01

ATOUT FUTUR D.................. 226,47 1485,55 27/01

ATOUT SELECTION .............. 122,50 803,55 27/01

COEXIS ................................. 316,70 2077,42 27/01

DIEZE ................................... 487,84 3200,02 27/01

EURODYN............................. 664,27 4357,33 27/01

INDICIA EUROLAND............. 144,78 949,69 26/01

INDICIA FRANCE.................. 499,30 3275,19 26/01

INDOCAM CONVERT. C........ 274,31 1799,36 27/01

INDOCAM CONVERT. D ....... 242,50 1590,70 27/01

INDOCAM EUR. NOUV. ........ 2606,35 17096,54 26/01

INDOCAM HOR. EUR. C ....... 185,57 1217,26 27/01

INDOCAM HOR. EUR. D ....... 163,79 1074,39 27/01

INDOCAM MULTI OBLIG...... 150,90 989,84 27/01

INDOCAM ORIENT C............ 46,88 307,51 26/01

INDOCAM ORIENT D ........... 41,81 274,26 26/01

INDOCAM UNIJAPON........... 239,59 1571,61 27/01

INDOCAM STR. 5-7 C ........... 311,09 2040,62 27/01

INDOCAM STR. 5-7 D ........... 204,60 1342,09 27/01

MONEDYN ........................... 1551,66 10178,22 26/01

MONE.J C ............................. 1931,22 12667,97 28/01

MONE.J D............................. 1750,22 11480,69 28/01

OBLIFUTUR C....................... 90,35 592,66 27/01

OBLIFUTUR D ...................... 80,36 527,13 27/01

ORACTION ........................... 218,93 1436,09 27/01

REVENU-VERT ...................... 169,38 1111,06 27/01

INDICIA MEDIAN ................. 19,21 126,01 26/01

SYNTHESIS ........................... 3039,42 19937,29 27/01

UNIVERS ACTIONS ............... 70,78 464,29 27/01

MONE ASSOCIATIONS.......... 182,23 1195,35 28/01

UNIVAR C ............................. 200,99 1318,41 28/01

UNIVAR D............................. 183,99 1206,90 28/01

UNIVERS-OBLIGATIONS....... 37,02 242,84 27/01

Fonds communs de placementsINDOCAM VAL. RESTR. ........ 364,01 2387,75 20/01

MASTER ACTIONS................ 55,61 364,78 25/01

MASTER OBLIGATIONS........ 28,36 186,03 25/01

OPTALIS DYNAMIQ. C ......... 22,46 147,33 26/01

OPTALIS DYNAMIQ. D......... 21,86 143,39 26/01

OPTALIS EQUILIB. C ............ 20,28 133,03 26/01

OPTALIS EQUILIB. D............ 19,35 126,93 26/01

OPTALIS EXPANSION C ....... 20,41 133,88 26/01

OPTALIS EXPANSION D ....... 20,32 133,29 26/01

OPTALIS SERENITE C........... 17,55 115,12 26/01

OPTALIS SERENITE D .......... 16,40 107,58 26/01

PACTE SOL. LOGEM............. 74,62 489,48 25/01

PACTE VERT T. MONDE....... 79,43 521,03 25/01

CIC BANQUES

FRANCIC.............................. 42,19 276,75 27/01

FRANCIC PIERRE ................. 31,93 209,45 27/01

EUROPE REGIONS ............... 74,11 486,13 26/01

CIC PARIS

ASSOCIC .............................. 161,39 1058,65 27/01

AURECIC.............................. 85,02 557,69 27/01

CAPITAL AVENIR.................. 318,48 2089,09 27/01

CICAMONDE........................ 37,79 247,89 27/01

CONVERTICIC...................... 88,78 582,36 27/01

EPARCIC .............................. 801,52 5257,63 27/01

EUROCIC LEADERS .............. 534,12 3503,60 27/01

MENSUELCIC....................... 1442,98 9465,33 27/01

OBLICIC MONDIAL.............. 670,93 4401,01 27/01

OBLICIC REGIONS ............... 174,52 1144,78 26/01

RENTACIC............................ 24,02 157,56 27/01

SECURICIC........................... 367,49 2410,58 27/01

SECURICIC D ....................... 326,41 2141,11 27/01

EURCO SOLIDARITE ............ 212 1390,63 27/01

LION 20000 C/3 11/06/99 ....... 923,66 6058,81 27/01

LION 20000 D/3 11/06/99 ....... 824,08 5405,61 27/01

SICAV 5000 ........................... 206,98 1357,70 27/01

SLIVAFRANCE ...................... 360,26 2363,15 27/01

SLIVARENTE ........................ 39,11 256,54 27/01

SLIVINTER ........................... 205,65 1348,98 27/01

TRILION............................... 742,17 4868,32 27/01

Fonds communs de placementsACTILION DYNAMIQUE C * . 225,42 1478,66 27/01

ACTILION DYNAMIQUE D *. 221,83 1455,11 27/01

ACTILION EQUILIBRE C * .... 196,58 1289,48 27/01

FFACTILION EQUILIBRE D... 192,80 1264,69 27/01

ACTILION PEA EQUILIBRE... 192,89 1265,28 27/01

ACTILION PRUDENCE C *.... 174,44 1144,25 27/01

ACTILION PRUDENCE D * ... 170,99 1121,62 27/01

INTERLION.......................... 211,09 1384,66 27/01

LION ACTION EURO ............ 117,16 768,52 26/01

LION PEA EURO................... 114,89 753,63 26/01

CM EURO PEA ..................... 27,23 178,62 27/01

CM FRANCE ACTIONS ......... 43,31 284,09 27/01

CM MID. ACT. FRANCE........ 38,66 253,59 27/01

CM MONDE ACTIONS ......... 408,58 2680,11 27/01

CM OBLIG. LONG TERME.... 98,10 643,49 27/01

CM OPTION DYNAM. .......... 35,30 231,55 27/01

CM OPTION EQUIL. ............. 52,73 345,89 27/01

CM OBLIG. COURT TERME .. 151,63 994,63 27/01

CM OBLIG. MOYEN TERME . 307,03 2013,98 27/01

CM OBLIG. QUATRE............. 160,53 1053,01 27/01

Fonds communs de placementsCM OPTION MODERATION . 18,28 119,91 27/01

AMERIQUE 2000 ................... 159,36 1045,33 27/01

ASIE 2000.............................. 116,56 764,58 27/01

NOUVELLE EUROPE ............. 276,29 1812,34 27/01

SAINT-HONORE CAPITAL C . 3237,06 21233,72 27/01

SAINT-HONORE CAPITAL D. 3237,06 21233,72 27/01

ST-HONORE CONVERTIBLES 316,07 2073,28 27/01

ST-HONORE FRANCE........... 60,59 397,44 27/01

ST-HONORE MAR. EMER. .... 90,59 594,23 27/01

ST-HONORE PACIFIQUE ...... 158,57 1040,15 27/01

ST-HONORE TECH. MEDIA .. 254,30 1668,10 27/01

ST-HONORE VIE SANTE ....... 331,24 2172,79 27/01

ST-HONORE WORLD LEAD. . 118,58 777,83 27/01

LEGAL & GENERAL BANK

SECURITAUX ........................ 295,79 1940,26 26/01

STRATEGIE IND. EUROPE .... 252,58 1656,82 26/01

STRATEGIE RENDEMENT .... 326,55 2142,03 26/01

Sicav Info Poste :08 36 68 50 10 (2,23 F/mn)

AMPLITUDE AMERIQUE C ... 30,07 197,25 27/01

AMPLITUDE AMERIQUE D... 29,80 195,48 27/01

AMPLITUDE EUROPE C........ 45,46 298,20 27/01

AMPLITUDE EUROPE D ....... 44,40 291,24 27/01

AMPLITUDE MONDE C........ 317,02 2079,51 27/01

AMPLITUDE MONDE D ....... 290,39 1904,83 27/01

AMPLITUDE PACIFIQUE C ... 28,32 185,77 27/01

AMPLITUDE PACIFIQUE D... 27,91 183,08 27/01

ELANCIEL FRANCE D PEA.... 53,54 351,20 27/01

ELANCIEL EURO D PEA........ 135,41 888,23 27/01

EMERGENCE E.POST.D PEA. 42,44 278,39 27/01

GEOBILYS C ......................... 106,02 695,45 27/01

GEOBILYS D......................... 98,63 646,97 27/01

INTENSYS C ......................... 19,27 126,40 27/01

INTENSYS D......................... 17,19 112,76 27/01

KALEıS DYNAMISME C......... 257,39 1688,37 27/01

KALEIS DYNAMISME D ........ 252,21 1654,39 27/01

KALEıS EQUILIBRE C ............ 209,10 1371,61 27/01

KALEIS EQUILIBRE D ........... 203,97 1337,96 27/01

KALEıS SERENITE C.............. 187,69 1231,17 27/01

KALEIS SERENITE D ............. 182,66 1198,17 27/01

LATITUDE C ......................... 24,08 157,95 27/01

LATITUDE D......................... 20,97 137,55 27/01

OBLITYS D ........................... 102,46 672,09 27/01

PLENITUDE D PEA ............... 49,43 324,24 27/01

POSTE GESTION C ............... 2435,99 15979,05 27/01

POSTE GESTION D............... 2278,29 14944,60 27/01

POSTE PREMIERE SI ............ 6631,96 43502,81 27/01

POSTE PREMIERE 1 AN........ 39201,00 257141,70 27/01

POSTE PREMIERE 2-3........... 8312,07 54523,61 27/01

REVENUS TRIMESTR. D ....... 777,39 5099,34 27/01

THESORA C.......................... 168,95 1108,24 27/01

THESORA D.......................... 145,59 955,01 27/01

TRESORYS C......................... 43974,22 288451,97 27/01SOLSTICE D ......................... 356,97 2341,57 27/01

Fonds communs de placementsPOSTE EUROPE C................. 82,65 542,15 27/01

POSTE EUROPE D ................ 79,99 524,70 27/01

POSTE PREMIERE 8 ANS C... 174,87 1147,07 27/01

POSTE PREMIERE 8 ANS D... 163,96 1075,51 27/01

SG ASSET MANAGEMENTServeur vocal :

08 36 68 36 62 (2,23 F/mn)

CADENCE 1 D....................... 154,91 1016,14 27/01

CADENCE 2 D....................... 155,03 1016,93 27/01

CADENCE 3 D....................... 153,25 1005,25 27/01

INTEROBLIG C ..................... 52,04 341,36 27/01

INTERSELECTION FR. D....... 87,44 573,57 27/01

SELECT DEFENSIF C............. 188,70 1237,79 27/01

SELECT DYNAMIQUE C ........ 279,75 1835,04 27/01

SELECT EQUILIBRE 2............ 180,84 1186,23 27/01

SELECT PEA 3 ....................... 181,69 1191,81 27/01

SG FRANCE OPPORT. C........ 531,89 3488,97 26/01

SG FRANCE OPPORT. D ....... 500,03 3279,98 26/01

SOGENFRANCE C................. 565,24 3707,73 27/01

SOGENFRANCE D................. 509,37 3341,25 27/01

SOGEOBLIG C....................... 101,53 665,99 27/01

SOGEPARGNE D................... 44,29 290,52 27/01

SOGEPEA EUROPE................ 275,87 1809,59 27/01

SOGINTER C......................... 98,87 648,54 27/01

Fonds communs de placementsDECLIC ACTIONS EURO ....... 21,63 141,88 26/01

DECLIC ACTIONS FRANC ..... 60,50 396,85 26/01

DECLIC ACTIONS INTER. ..... 52,44 343,98 26/01

DECLIC BOURSE PEA ........... 59,76 392 26/01

DECLIC BOURSE EQUILIBRE 18,01 118,14 26/01

DECLIC OBLIG. EUROPE....... 16,53 108,43 26/01

DECLIC PEA EUROPE ........... 23,12 151,66 26/01

DECLIC SOGENFR. TEMPO .. 74,77 490,46 26/01

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SICAV et FCP

LEGENDEe Hors frais. ee A titre indicatif. * Part div. par 10 au 5/5/99.

b Après avoir été réservée à la hausse, l’action CFF Recy-cling enregistrait un bond de 7,05 %, à 48 euros, vendredi28 janvier, quelques minutes après le début des transac-tions. De mardi à jeudi, le titre CFF Recycling a pris 24,56 %sur des perspectives encourageantes pour le groupe en rai-son de la hausse du prix des métaux.b L’action Vivendi était en hausse vendredi matin de3,71 %, à 102,1 euros, après des articles dans la presse à l’oc-casion du conseil d’administration du groupe qui a lieu au-jourd’hui (lire page 18).b Le titre Suez Lyonnaise cédait 0,71 %, à 139 euros, ven-dredi lors des premiers échanges. Le groupe va postulerpour une licence d’opérateur de boucle radio et faire actede candidature pour une des nouvelles licences UMTSdans la téléphonie mobile.b L’action M 6 grimpait de 2,86 %, à 543 euros, vendredimatin. Le groupe de télévision a publié un bénéfice netprovisoire de 77,3 millions d’euros, en hausse de 25,7 %,sur 1999.b Le titre Unibail reculait de 0,37 %, à 133 euros, vendredidans la matinée. Unibail a annoncé que le prix fixé dans lecadre du reclassement de 6,5 % de son capital était de132 euros par action.b L’action Saint-Gobain bondissait de 3,36 %, à 160 euros,vendredi matin. Le groupe a indiqué un objectif de crois-sance de son bénéfice d’au moins 10 % pour l’an 2000.

Page 21: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

LeMonde Job: WMQ2901--0024-0 WAS LMQ2901-24 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 08:33 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 22Fap: 100 No: 0387 Lcp: 700 CMYK

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A U J O U R D ’ H U ILE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000

SCIENCES Une légende indienneraconte que Sesha, le roi des ser-pents, avala la bile du démon Vala etque, attaqué par Garura, le roi desoiseaux, il la rejeta en un endroit où,

depuis, se trouvent les émeraudes.b LA VÉRITÉ est moins belle. Lesémeraudes, gemmes rares, sont lefruit de puissantes convulsions tellu-riques et leur couleur verte tient à la

présence de chrome dans la rochequi les a enfantées. b DEPUIS DESSIÈCLES, on connaît la richesse desmines colombiennes, égyptiennes etceltes. Mais on avançait l’existence

de « vieilles mines », aujourd’hui dis-parues, productrices de pierres histo-riques. b LA PHYSIQUE vient de tran-cher et de remettre en cause cettelégende. Elle a aussi permis de mon-

trer que des mines pakistanaises etafghanes redécouvertes au XXe siècleproduisaient déjà dans le passé etalimentaient les caravanes qui sui-vaient la Route de la soie.

Le mystère des vieilles mines d’émeraude enfin dissipéGrâce à la sonde ionique, un instrument sophistiqué permettant d’analyser les pierres sans les détériorer, les physiciens sont désormais capables

d’en déterminer l’origine. Ces recherches, fatales à certaines légendes, révèlent l’ancienneté des échanges avec la Colombie

La belle histoire du « Collier de la liberté »L’histoire est belle. Trop, peut-être. Inquiète de la prise de Phi-

ladelphie et du sort de Tadeusz Kosciusko, un galant homme d’ori-gine polonaise qui, comme Rochambeau et La Fayette, avait rejointl’Amérique pour y défendre la liberté des peuples, une comtesse po-lonaise se serait dépouillée de son bijou après avoir reçu de Benja-min Franklin des nouvelles rassurantes.

« Prenez-le, lui aurait-elle dit. Il y a sur ce collier treize émeraudes enpoire et deux fois treize émeraudes carrées, une de chaque sorte pourchacune des treize colonies américaines. Je vous en supplie, acceptez cebijou et faites-en l’usage qui vous semblera bon au nom de la liberté. »Plus personne n’entendit parler ensuite du « Collier de la liberté »,jusqu’à ce que, par un beau jour de 1850, il réapparaisse aussi mysté-rieusement qu’il avait disparu... au Mont-de-Piété de Paris ! Il a étéracheté en 1925 par la maison Van Cleef & Arpels.

Les rubis birmans d’IshtarLes émeraudes ne sont pas les

seules pierres précieuses dont lesphysiciens, les chimistes, les his-toriens et les collectionneursveulent retracer les origines. Onconnaît des routes pour l’amé-thyste et la turquoise en Egypte,pour la cornaline en Inde. Maispas pour les pierres rouges. Ré-cemment, des incrustations miné-ralogiques roses – les deux yeuxet le nombril – d’une statuette duLouvre représentant la déesseIshtar ont livré des secrets.

Longtemps considéréescomme de la pâte de verre, onignorait si ces pierres étaientcontemporaines de la fabrica-tion de la statue ou rajoutéespar la suite. Les analyses me-nées avec l’accélérateur de par-ticules du laboratoire de re-cherche des Musées de Franceont permis de démontrerqu’elles étaient des rubis de laplus belle eau. Mieux, la signa-ture des gemmes obtenues parfluorescence X a montré que lesrubis sri-lankais et birmanavaient un air de famille avecceux de la déesse de l’Amour etde la Guerre.

JULES CÉSAR, dit-on, les collec-tionnait pour leurs vertus cura-tives. Charles Quint en aurait dis-tribué quelques-unes à despuissants dont il souhaitait s’assu-rer les services. La cause améri-caine, affirme toujours la légende,aurait triomphé au XVIIIe sièclegrâce à la vente d’un magnifiquecollier d’émeraudes le « Collier dela liberté » (lire ci-dessous) donné àBenjamin Franklin par unecomtesse polonaise.

Comme ce collier, toutes lesbelles émeraudes ont une histoire.Même celles qui n’existent pas,telle cette énorme pierre dans la-quelle aurait été taillé le SaintGraal. Mais, au-delà des légendes,les émeraudes gardent aussi – ouplutôt gardaient – le secret de leursorigines. Trop souvent, on ignoraitla provenance des pierres accumu-lées depuis le XVIe siècle dans lescollections des musées du Caire, deTéhéran, d’Istanbul, de Moscou, deLondres, de Washington ou de Pa-ris. Où étaient situées les mines quiles avaient produites ? Les rumeursallaient bon train, et courait depuisle XVIIIe siècle une légende surl’existence de certaines « vieillesmines » de l’Asie du Sud-Est au-jourd’hui disparues qui auraientalimenté certains trésors d’Asie.

Une partie du mystère vientd’être levé par une équipe de cher-cheurs du Centre national de la re-cherche scientifique (CNRS), del’Institut de recherche pour le dé-veloppement (IRD), du Muséumd’histoire naturelle et de l’Associa-tion française de gemmologie. Làoù l’histoire bafouillait, ils ont faitappel à la physique des isotopes,qui consiste à mesurer le rapportde deux espèces d’oxygène (oxy-gène 16 et oxygène 18) présentesdans la pierre. De tels travauxavaient déjà été menés il y a quel-ques années au Brésil et en Colom-bie par Gaston Guilani (IRD-CNRS) pour différencier les cris-taux extraits de ces gisements.Cette méthode a ensuite été appli-quée aux principales mines d’éme-raude du monde (62 gisements de19 pays) pour attribuer une carte

d’identité à chaque site. « Chaquegisement a en effet sa signaturepropre », précise Gaston Guilani.Le problème, c’est que ces analysesentraînent la perte d’une partie del’échantillon examiné (2 à 5 milli-grammes). Cela n’est pas gênantpour des échantillons extraits de lamine, « mais un contrôle aussi des-tructif ne peut être envisagé sur despierres historiques qui seules

peuvent nous conter l’histoire deleurs origines », ajoute le chercheur.Le procédé d’analyse a donc étémodifié en conséquence, et unesonde ionique – il en existe seule-ment cinq au monde – permettantaussi de mesurer le rapport desisotopes de l’oxygène a été mise aupoint. Son atout : elle ne réclamepour faire son analyse que peu dematière – 200 millionièmes de mil-

ligramme – et creuse dans la pierreà caractériser « un cratère si minus-cule qu’on ne le voit pas à l’œil nu ».

Forts de ces certitudes, les pro-priétaires de certaines collectionsd’émeraudes ont accepté de les ou-vrir à la recherche, grâce à la di-ligence d’Henry-Jean Schubnel(Muséum d’histoire naturelle) maisaussi de Daniel Piat et de DidierGiard (Association française degemmologie). Neuf pierres histo-riques ont été extraites de leur tré-sor et confiées aux physiciens.Neuf pierres couvrant une largepériode historique allant del’époque gallo-romaine jusqu’auXVIIIe siècle. Neuf pierres qui, sileur origine était précisément dé-terminée, permettraient peut-êtred’en savoir plus sur la route desémeraudes au cours des âges. Larevue scientifique Science du27 janvier vient de publier les ré-sultats obtenus par cette équipepluridisciplinaire. Les surprises nemanquent pas.

Jusqu’à présent, on considéraitque les mines d’Egypte, exploitées

par les pharaons de 3000 à 1500avant J.-C., et celles d’Habatchal(Autriche), découvertes par lesCeltes, étaient les seules sourcesd’émeraudes de l’Ancien Monde.Du moins jusqu’au pillage à partirdu XVIe siècle des mines colom-biennes par les conquistadors. Me-sures faites, l’analyse pratiquée surune émeraude de 51,5 carats mon-tée en 1226 sur ordre de Saint Louissur le lys central de la Sainte Cou-ronne de France atteste l’origineautrichienne de la pierre. Demême, deux autres pierres étu-diées en 1806 par le fondateur de laminéralogie, l’abbé Hauy, pro-viennent l’une d’Egypte et l’autred’Autriche.

DE RICHES ROYAUMESRien de bouleversant. Mais ce

qui l’est plus, c’est l’origine pakis-tanaise d’une boucle d’oreille gal-lo-romaine dont l’émeraude – laplus ancienne des neuf étudiées –vient sans conteste de mines si-tuées dans la vallée de Swat et dé-couvertes à la fin des années 50.Aberration chronologique ? Certai-nement pas. De riches royaumesexistaient dans toutes ces vallées(Swat, Peshawar et Kaboul) situéesle long de la Route de la soie quiexploitaient ces mines trop long-temps oubliées. De même la carac-térisation de quatre pierres du tré-sor de Nizam d’Hyderabab (Inde)censées provenir des fameusesvieilles mines asiatiques a tordu lecou à la légende. Trois sont d’ori-gine colombienne et une, de trèshaute qualité, provient d’un gise-ment afghan redécouvert au débutdes années 70 et prospecté par lesSoviétiques en 1976.

Quant à la pierre brute trouvéeparmi 2 300 autres sur l’épave d’ungalion espagnol, le Nuestra-Seno-ra-de-Atocha, coulé au large de laFloride en 1622, le verdict de lasonde ionique démontre sans au-cun doute son origine colom-bienne (mine de Muzo) etconfirme ce que l’on savait, lamainmise des Espagnols sur lemarché des émeraudes dès le dé-but du XVIe siècle. Pas seulementen Europe, mais aussi au Moyen-Orient (via Istanbul) et en Inde (viaManille et les lapidaires indiens).Ainsi, les émeraudes des vieillesmines seraient, pour la plupart,d’origine colombienne, attestant

l’existence de routes de l’émeraudetout autour de la planète et, pourquelques autres, d’origine moyen-orientale, « comme certainsl’avaient pressenti ».

Mais ces premiers travaux nesont que des indices que les cher-cheurs français aimeraient bienétoffer. Gaston Guilani et Henri-

Jean Schubnel rêvent de soumettreau verdict de la sonde ionique lespierres du trésor de Topkapi (Istan-bul), celles de la collection de laBanque Markezi (Téhéran), lespièces gallo-romaines d’un muséelyonnais et quelques magnifiquesgemmes de collections privées. Enattendant, ils offrent à qui le sou-haite, aux termes d’un contrat si-gné en septembre 1998 avec laChambre de commerce et d’indus-trie de Paris, le CNRS et l’IRD, lapossibilité d’identifier l’origine deleurs pierres.

Jean-François Augereau

Les traitements hormonaux de la ménopause augmentent le risque de cancer du seinUNE VASTE ÉTUDE publiée,

mercredi 26 janvier, dans le Journalof The American Medical Associa-tion (JAMA) montre que le risquede cancer du sein est accru de fa-çon importante chez les femmesrecevant, après la ménopause, untraitement hormonal à base d’œs-trogènes et de progestérone.

Le but de l’étude : comparer lesrisques relatifs de cancer du seinlors de l’utilisation d’œstrogèneseul ou d’œstrogène associé à laprogestérone. On a observé quel’exposition aux œstrogènes seulsélève le risque de cancer de l’uté-rus, et que ce risque est fortementréduit par l’association avec desprogestatifs. Allait-il en être demême pour ce qui concerne le can-cer du sein ? Question importante,car un nombre croissant defemmes se soumet à un traitementhormonal après la ménopause.

Une équipe de chercheurs améri-cains de l’Institut national du can-cer, à Rockville (Maryland), dirigéepar le docteur Catherine Schairer, arevu les dossiers de 46 355 femmesménopausées suivies médicale-

ment, pendant dix ans enmoyenne, entre 1980 et 1995. Parmielles, 2 082 cas de cancer du seinont été détectés. Les chercheursont constaté que ce risque est ma-joré de 20 % chez les femmes sui-vant depuis moins de quatre ansun traitement par œstrogènecomparé à celles qui ne sont pastraitées.

Et ce chiffre passe à 40 % chezcelles qui suivent un traitementcombiné œstrogène-progestérone.Pour les patientes nouvelles sou-mises à un tel traitement combiné,les chercheurs ont aussi déterminéque le risque s’accroît de 1 % pourchaque année d’utilisation avecl’œstrogène seul et de 8 % avec letraitement combiné. Les seuls can-cers ici pris en compte sont les can-cers invasifs, ce qui ajoute à la cré-dibilité des résultats.

Pour le public, ces résultats sontcertainement surprenants. Le trai-tement hormonal substitutif aprèsla ménopause est un facteur deconfort remarquable, faisant dispa-raître les bouffées de chaleur, pro-tégeant la peau, empêchant la sé-

cheresse vaginale. On a aussiinsisté sur les bienfaits d’un tel trai-tement : il réduit considérablementla morbidité cardio-vasculaire etretarde l’installation d’une ostéo-porose dont les conséquences ma-jeures sont les tassements verté-braux et les fractures du col dufémur.

RISQUES ET AVANTAGESLargement proposé par les gyné-

cologues, remboursé par la Sécuri-té sociale, le traitement hormonalsubstitutif est de plus en plussouvent demandé directement parles femmes. Chez celles de plus decinquante ans, c’est devenu aussinaturel que de prendre la pilule. Etpourtant, les études sur les risquesde cancer du sein associés à cestraitements ont été nombreusesdepuis vingt ans. Après quelquesrésultats contradictoires, il est ap-paru clairement que ce traitementaugmentait le risque de cancer dusein, surtout chez les femmesminces.

Les études en question, reposantsur de larges cohortes, ont été réa-

lisées en Grande-Bretagne, auxEtats-Unis et dans les pays du nordde l’Europe. L’analyse de l’en-semble de ces études – méta-ana-lyse portant sur 52 705 femmes – aété publiée par l’hebdomadairemédical Lancet en 1997. Les résul-tats étaient proches de ceux obte-nus aujourd’hui : le traitementaprès la ménopause par les œstro-gènes seuls augmentait le risque decancer du sein de 37 %, le traite-ment combiné aux progestatifs de53 %. Ce risque augmente avecchaque année de traitement etcette augmentation du risque at-teindrait 80 % au bout de dix ans et160 % après vingt ans de traite-ment.

Les traitements hormonaux dé-crits dans ces études ne sont pasidentiques à ceux utilisés au-jourd’hui en France. Il est donc in-dispensable que soit menée aussiune étude épidémiologique quipermettra de connaître exactementles risques et avantages de ces trai-tements.

Elisabeth Bursaux

Le « Collier de la liberté », achetépar Van Cleef &Arpels en 1925,« se compose de trente-neufémeraudesfacettées, de forme poire ou carrée,entourées de brillantsanciens,accompagné d’unepaire de pendantsd’oreilles faitschacun de deuxémeraudes carréesfacettées, de deuxpetites émeraudescarrées facettéeset de deuximportantesémeraudesbrillolettesrehaussées dediamants tailleancienne ».V

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AUTRICHEHabachtal500 av. J.-C.-300 ap. J.-C.

PAKISTANSwat? -1958

AFGHANISTANXVIIIes.-1976

ÉGYPTE3000-1500 av. J.-C.

COLOMBIE1545-1594

Bogota

Galion espagnol coulé"Nuestra-Senora-de-Atocha"

1622

Alexandrie

Istanbul

Delhi

Manille

DE LA SOIE (XVIIIes. av. J.-C.-XVes. ap. J.-C.)DES ROMAINS (Ves. av. J.-C.-IIIes. ap. J.-C.) MINES D'ÉMERAUDEPRÉCOLOMBIENNE (Ves.-XVes. ap. J.-C.)

DES ESPAGNOLS :avant 1571après 1571

ROUTES :

Les routes des émeraudes dans le monde

Source : Sciences

Page 22: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

LeMonde Job: WMQ2901--0025-0 WAS LMQ2901-25 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 11:06 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 22Fap: 100 No: 0388 Lcp: 700 CMYK

L’ENGOUEMENT et les réservesprovoquées par le séjour de MikeTyson en Angleterre ne laissentd’étonner le boxeur. « Je pense queles gens sont fous. Je ne suis pas

habitué à toutça », déclare-t-il dans un en-tretien que lachaîne numé-rique Canal+Vert doit diffu-ser, samedi29 janvier, en

préambule au combat opposantl’ancien champion du monde auBritannique Julius Francis. « Entant que musulman, je ne dois pasécouter la flatterie. En écoutant la

Handball :la Franceen demi-finaledu championnatd’EuropeEN OBTENANT le nul (26-26) faceà la Croatie qui jouait devant sonpublic, l’équipe de France mas-culine de handball s’est qualifiéepour les demi-finales du cham-pionnat d’Europe, jeudi 27 janvierà Rijeka. Les Bleus doivent affron-ter la Russie, samedi à Zagreb,alors que l’autre demi-finale oppo-sera la Suède à l’Espagne. Les Fran-çais ont tenu à distance face auxCroates, champions olympiques entitre, pendant tout le match. Grâceà ce nul qui fait suite à des victoiresacquises aux dépens de la Norvège,de l’Ukraine, de l’Allemagne et del’Espagne, les joueurs de l’entraî-neur Daniel Costantini ont terminéà la première place de leur groupe.Champions du monde, en 1995,médaillés de bronze aux Jeuxolympiques de Barcelone, en 1992,les handballeurs français nes’étaient jamais qualifiés pour unedemi-finale de championnnatd’Europe.

Tennis : finaleAgassi- Kafelnikovà l’Opend’AustralieLA FINALE des Internationaux detennis d’Australie opposera, di-manche 30 janvier, l’AméricainAndre Agassi au Russe Evgueni Ka-felnikov, repectivement têtes de sé-rie no 1 et 2 du tournoi. Jeudi27 janvier, au terme d’un match detrès haut niveau, Agassi est venu àbout de son compatriote Pete Sam-pras en cinq sets (6-4, 3-6, 6-7 [0-7],7-6 [7-5], 6-1) alors que ce dernierest passé à deux points de la vic-toire. Le service a été la clef de larencontre : aux 37 aces passés parson adversaire, Andre Agassi ré-pondit par plusieurs séries fou-droyantes de retour de service.L’autre demi-finale, le lendemain,fut plus rapidement expédiée. Letenant du titre, Evgueni Kafelnikov,n’a laissé aucune chance au Sué-dois Magnus Norman, battu entrois manches (6-1, 6-2, 6-4).

DÉPÊCHESa BASKET-BALL : en proie à unesituation économique critiquesuite à la mise en examen de plu-sieurs de ses dirigeants, le CSPLimoges a demandé à ses joueursde consentir à des baisses de sa-laires allant de 30 % à 70 %. Par lavoix de leur capitaine Yann Bona-to, les professionnels du CSP ontindiqué qu’ils donneraient une ré-ponse collective lundi 31 janvier.a FOOTBALL : l’Afrique du Suds’est qualifiée pour les quarts definale de la Coupe d’Afrique desnations grâce à sa victoire sur laRépublique démocratique duCongo (1-0), jeudi 27 janvier, à Ku-masi (Ghana). Vainqueur du Ga-bon (3-1) lors de leur premiermatch, les Bafana Bafana sont as-surés de terminer à l’une des deuxpremières places de leur groupe.L’autre match du jour a vu, à Ac-cra, la victoire du Ghana sur le To-go (2-0).a Le supporteur de l’Olympiquegymnaste club de Nice qui avaitlancé un projectile sur le gardiende but cannois Sébastien Chab-bert, lequel avait souffert detroubles auditifs, lors du match dedeuxième division opposant lesdeux clubs, le 30 janvier 1999, a étécondamné à un an de prison ferme.

A U J O U R D ’ H U I - S P O R T S LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000 / 25

Le combat des boxeurs suédois pour légaliser le professionnalismeSTOCKHOLM

de notre correspondantAu Star Fight Gym, une salle de boxe ni-

chée sur les hauteurs enneigées de Stock-holm, Paolo Roberto ronge son frein. Depuisdes années, ce fils d’un immigré italien etd’une Suédoise aimerait pouvoir combattredans le pays où il est né il y a trente ans. Maisla loi l’en empêche : la boxe professionnelleest interdite dans le royaume, tout commeen Norvège et en Islande. « Tout ça parce quela Suède a un problème avec les émotionsfortes ! », s’emporte ce challenger malheu-reux de l’Espagnol Javier Castillo pour letitre de champion du monde des mi-moyens,catégorie WBO, en septembre 1999, à Ma-drid.

En 1969, le Parlement de Stockholm décidade bannir les combats professionnels, à lasuite d’une campagne menée par le Parti li-béral sur la base d’arguments éthiques etmédicaux. Pour en résumer l’esprit, la loiconsidère la boxe professionnelle commeétant néfaste pour la santé, ayant une in-fluence négative sur le public et dissimulantd’obscures manœuvres financières. Et, selonle ministère des sports, « d’un point de vue

éthique, il est encore douteux d’être payé pourfrapper un autre individu ».

Fort de ce raisonnement, le Parlement arejeté les motions déposées, chaque année,par des députés favorables à l’ouvertured’une enquête sur une possible réhabilitiondu professionnalisme. « Tout ça est d’une hy-pocrisie... », soupire Paolo Roberto. D’autressports rétribués, tel le hockey sur glace, sontplus dangereux pour la santé, estime-t-il, etsont pourtant autorisés. A l’entendre, laboxe en Suède souffre d’être associée auximmigrés. « Nous n’appartenons pas à l’esta-blishment », lâche le boxeur, aussi connudans le pays pour l’émission télévisée qu’ilanime, ses frasques nocturnes et son enga-gement contre la violence chez les jeunesque pour ses 19 victoires en 21 combats.

NOUVEAU DÉBAT D’EXPERTS EN FÉVRIEREn dépit de son statut de paria, la boxe

professionnelle se porte bien en Suède. Ellen’a jamais compté autant de pratiquants,bien qu’ils soient obligés de combattre horsdes frontières : vingt-trois, dont un cham-pion du monde en titre (catégorie WBO), Ar-mand Kranjc, d’origine slovène. La victoire

par KO du « maître », Ingemar Johansson,face à l’Américain Floyd Patterson en 1959,pour la couronne mondiale des lourds, figureau panthéon sportif du pays. Et les combats,retransmis uniquement par les chaînes àpéage, attirent de nombreux téléspectateur-s.Afin de briser le statu quo, Paolo Roberto aporté plainte... contre lui-même auprès de lapolice, en 1998, pour s’être entraîné sur le solsuédois avec un autre « pro ». Une pratiquequi, bien que courante et tolérée, est égale-ment interdite par la loi. Jusqu’à présent, lajustice n’a pas cillé. « Je suis prêt à aller enprison s’il le faut, pour pouvoir porter le dos-sier devant la Cour européenne de justice »,assure le trublion.

Pour se faire une idée plus précise du dé-bat, la ministre des sports a convoqué un pa-nel d’experts le 18 février. Ils devront donnerleur opinion sur une éventuelle révision de laloi. A moins qu’ils ne se prononcent en fa-veur de l’interdiction des autres sports decombat, pratiqués uniquement à niveauamateur en Suède, tels le kickboxing, le taekwon do ou la boxe thaïe.

Antoine Jacob

La troisième régate a été reportéeLa troisième régate de la finale de la Coupe Louis-Vuitton, qualifi-

cative pour la Coupe de l’America, prévue vendredi 28 janvier, dansla baie d’Auckland (Nouvelle-Zélande), a été reportée faute de vent.Mardi, la régate inaugurale de l’épreuve avait été annulée en raisond’un vent trop violent. La finale de la Coupe Louis-Vuitton opposeLuna-Rossa, le bateau du Défi italien Prada Challenge, aux Améri-cains d’America-One. Les deux Défis sont à égalité un point partout,Luna-Rossa ayant remporté la première régate, courue mercredi, etAmerica-One la deuxième, le lendemain. Le premier des deuxconcurrents qui atteindra les cinq points emportera la Coupe Louis-Vuitton et sera l’adversaire de Team-New-Zealand dans la Coupe del’America, que détient le Défi néo-zélandais.

En tête de mât, les vigies de la Coupe de l’America surveillent les caprices d’EoleUn des équipiers de « Luna-Rossa » explique l’importance de son rôle, trente-deux mètres au-dessus des vagues

AUCKLAND (Nouvelle-Zélande)de notre correspondante

De loin, ce n’est qu’une petitetâche noire en haut du mât, à lahauteur des dernières barres de

flèches.Trente-deuxmètres au-dessus desvagues, sus-pendu enéquerre, unhomme auxaguets s’ap-

prête à annoncer : « Risée àgauche ! », en pointant du doigtvers une zone de mer obscurcie.Les ondes du vent créent des mi-ni-vaguelettes qui, pour l’œil hu-main, apparaissent comme autantde taches de brillance différentesur la mer. Lire cette carte du venten réflexion sur la surface del’océan est un art subtil pour ceuxqui savent y voir plus que « duvent ». Et moins il y a de vent,plus il est important de le trouver,et plus les options de navigationsont périlleuses. Il faut prendredes paris risqués sur la durée devie d’une risée, sur l’ampleurd’une « bascule » (oscillation),bref, sur les caprices ou les inten-tions du vent.

Ces décisions-là, souvent déter-minantes, et parfois fatales, seprennent dans la « cellule ar-rière », entre les trois ou quatrehommes qui, autour du skipper,

constituent le cerveau de chaquebateau participant à la CoupeLouis-Vuitton, éliminatoire de laCoupe de l’America. Dès que levent vient à manquer, la celluledélègue un des siens à la cime dubateau. « Ils ne peuvent pas se pas-ser de moi, plaisante Michele Ival-di, l’envoyé spécial en tête de mâtdu bateau italien Luna-Rossa. Pen-dant les demi-finales, j’avais 38,5o

de fièvre. Ils ont quand même vouluque je sois à bord. »

4 À 5 MINUTES D’AVANCEJeudi 27 janvier, dans la

deuxième régate entre Luna-Rossaet America-One, c’est une énorme« bascule » à gauche qui a permisau voilier américain de revenir surson adversaire, dans une courseque l’on croyait terminée.

Michele Ivaldi l’avait prévu.Quand, d’en bas, on lui avait de-mandé quelle partie du plan d’eauil favoriserait, il avait hésité uninstant – « Ce n’était pas facile àlire, avec beaucoup d’humiditédans l’air et un ciel très couvert »,a-t-il expliqué –, puis avait répon-du : « A gauche ! », dans le petitmicro qu’il enclenche dans le mâtune fois là-haut. Las, la ma-nœuvre préparée sur le pont étaitcelle d’un envoi dans l’empan-nage ; il était donc trop tard pourenvisager d’envoyer le spi del’autre côté, à gauche, là où levent rentrait. « Quatre, cinq mi-

nutes plus tard, j’ai confirmé que levent était à gauche, mais le tempsqu’on arrive sur place, America-One l’avait touché le premier »,ajoute le marin, qui, à vingt-neufans, compte huit médailles olym-piques de voile.

De manière générale, « ongagne quatre à cinq minutes d’an-ticipation du vent futur. Cela me

surprend toujours quand je redes-cends de voir à quel point on voitmal en bas et bien en haut », ditMichele Ivaldi, que l’on envoie« monter dans l’arbre », selon latraduction littérale de l’italien,dès que le vent tombe en dessousde 9 nœuds au près et 11 nœudsau portant. Les moulineurs lehissent dans un harnais avec unedes drisses de spinnaker. Une fois

arrivé à son étage, la vigie s’ac-croche et renvoie la drisse au piedde mât. La manœuvre se répèteaussi souvent que nécessaire aucours d’une course. Il arrive quel’équipier soit perché durant toutle parcours, soit pendant près dequatre heures si le vent est faible.

« Parfois, c’est long, je n’ai rien àdire pendant quinze minutes. Alors

j’admire le paysage », sourit Mi-chele Ivaldi. Si la vue de là hautest imprenable, le confort estspartiate. On distingue deux sta-tions différentes. Celle au près,lorsque le bateau remonte au ventet donc gîte un peu, est compa-rable à la position du trapèze surun dériveur, les jambes tendues etles pieds posés sur le mât. Quandle bateau est au portant, en vent

arrière, le marin s’assied alors surle losange, le dernier étage debarres de flèches. « La positionune fois là haut, cela va encore. Cequi est le plus pénible, ce sont lesvagues provoquées par les bateauxspectateurs. Elles sont irrégulièreset dures. Parfois cela fait mal »,commente Michele Ivaldi, qui n’aeu peur que les premières fois etn’a jamais ressenti le vertige.

EXCEPTION AU THÉORÈMELe jeu en vaut-il la chandelle ?

Tout le monde n’en est pasconvaincu. « Nous pensons quec’est dangereux, que ce n’est pasbon pour l’équilibre du bateau, etdonc nous évitons d’avoir quel-qu’un stationné en tête de mât »,avait déclaré au début des élimi-natoires Luc Gellusseau, le skip-per du défi français 6e -Sens .Quand on sait que le vernis desmâts est poncé pour économiserquelques kilos, que le moindreboulon qui dépasse est limé etque « ramener le poids vers lebas » est un théorème de base, ilpeut en effet sembler incohérentd’envoyer 80 kilos au pire endroitdu bateau. Mais, pour Laurent Es-quier, qui dirige les opérations dusyndicat italien, les effets négatifssont gommés par l’importancedes informations stratégiquesfournies.

Florence de Changy

« Parfois je m’égare, je fais des choses ridicules »flatterie, on commence à penserque l’on est important. (...) Il nefaut considérer personne commeétant supérieur à l’autre. Bien sûr,je suis flatté, mais je ne l’acceptepas. (...) Les gens devraient m’ai-mer parce que j’aime Dieu et nonpas parce que je suis célèbre »,poursuit le champion américain.

« Je crois en Allah même si par-fois je m’égare. Je fais des chosesridicules. C’est peut-être mon ego,explique-t-il. Dans ce monde, ilfaut faire ce qui vous fait plaisir,sinon la vie ne vaut pas la peine.(...) La durée de vie moyenne estde soixante-dix ans. Aprèssoixante-dix ans de vie, si vousavez fréquenté les plus belles

femmes du monde, conduit lesvoitures les plus chères, porté lesbijoux les plus chers, vécu dans lesplus grandes maisons, vous avezprofité pleinement de votre vie. Sice sont les choses que vous aimez,il faut les chercher. Si vous ne lefaites pas, vous ne pourrez pasêtre heureux et c’est dommage. »

« Il y a des gens dans le mondequi sont malheureux parce qu’ilsne respectent pas la loi, la lettre dela loi. Ils n’ont pas peur de la loi,ils ont peur de son application. Sivous trangressez la loi, ce qui vousarrive, c’est votre punition. Maisvous devez vivre votre vie àfond », conclut celui qui a effectuéplusieurs séjours en prison.

L’attraction Mike Tyson, pour la première fois en EuropeL’ancien champion du monde américain de boxe affronte le modeste Anglais Julius Francis, samedi 29 janvier, à Manchester.

Son séjour très médiatique en Grande-Bretagne suscite des polémiques, mais le match sera un événement mondainA trente-trois ans, Mike Tyson, ancien cham-pion du monde de boxe catégorie poidslourds, combat en Europe pour la premièrefois de sa tumultueuse carrière. Samedi29 janvier, à Manchester (Grande-Bretagne),

le champion américain affrontera le Britan-nique Julius Francis. Si le séjour de Mike Ty-son a enthousiasmé certains, d’autres, ycompris dans la communauté noire, ontconsidéré qu’il ne pouvait en aucun cas servir

de modèle aux jeunes des quartiers « eth-niques », comme disent les Anglais. « Cettebrute avec sa réputation de sauvagerie ani-male est dangereuse pour nous autresNoirs », a écrit Trevor Phillips, journaliste ve-

dette de télé et militant travailliste. « Je faisdes choses ridicules », reconnaît, de son côté,Mike Tyson, dans un entretien accordé à Ca-nal+ Vert, qui diffuse le combat, samedi, àpartir de 23 heures.

LONDRESde notre correspondant

Six contre un que l’Anglais mordle tapis avant la fin du premierround. A en juger par les enjeuxdes bookmakers, ce n’est pas à uncombat de boxe à suspense queles 21 000 spectateurs attendus,samedi 29 janvier, à Manchesteront été conviés. Mike Tyson, lebad boy américain, contre JuliusFrancis, l’ancien « mauvais gar-çon » d’Angleterre. Le premier aété condamné pour viol en 1992aux Etats-Unis, le second a faitplusieurs séjours en prison pourviolences, usage de drogues, etc.On dirait une affiche de catch et,les gants en plus, c’en est une.Sauf très improbable surprise,prédisent les oracles du métier,l’actuel no 1 britannique des poidslourds « ne tiendra pas troisrounds » face à l’ancien championdu monde. Mike Tyson a d’ailleursprévenu son jeune challenger, jeu-di : « Je suis prêt à la guerre. Je suisen très grande forme et, sur le ring,je suis un féroce animal. »

Les mouvements féministes etles édiles de Manchester et deBrixton, où « l’homme de fer » afailli déclencher une émeute la se-maine dernière, jugent que l’inté-ressé n’est pas un « animal » quesur un ring. Depuis dix jours queMike Tyson et sa suite écument les

palaces d’Angleterre, les contro-verses et les gros titres n’ont pasmanqué. Le séjour à l’ombre duboxeur lui interdisait théorique-ment l’accès au territoire duRoyaume-Uni. Jack Straw, le mi-nistre de l’intérieur, a décidé defaire une exception pour Mike Ty-son. Par « compassion », a-t-il faitsavoir. « Par intérêt et pour faireplaisir à Rupert Murdoch », ontécrit les méchantes langues.

Le magnat australo-américain

des médias avait en effet tout àgagner dans l’affaire puisque c’estson groupe de télévision, BskyB,qui retransmettra le combat sur sachaîne payante. On parle d’un ca-chet d’au moins 50 millions defrancs pour l’ex-champion. Quoiqu’il en soit, Mike Tyson, fidèle àson image, ne s’est pas gêné pouren dépenser à peu près la moitiédans les grands hôtels et chez lesjoailliers, jure la presse tabloïd.

Lors de sa visite à Brixton, la

grande banlieue londonienne« ethnique », comme on dit ici, leboxeur aurait également promis100 000 francs à une associationqui s’occupe de jeunes Noirs dé-voyés. Mais ce n’est pas ce qui aretenu l’attention première de lapresse. Brixton, ancienne capitalede « la grande colère noire » desannées 80, lorsque les émeutes ra-ciales dévastèrent la zone urbaine,est un peu un passage obligé pourles stars « ethniques » de la pla-

nète. Mohamed Ali en son temps,Nelson Mandela plus récemment,Jesse Jackson autrefois, Spike Lee,Bill Cosby et d’autres, tous sont al-lés saluer les « frères Noirs » deBrixton. Tous ont été accueilliscomme des héros.

La « tournée » publique de Ty-son la semaine passée fit moinsl’unanimité. Indifférence desadultes, hystérie des jeunes. Deuxmille jeunes excités se sont pres-sés autour de l’idole. Nervositéimmédiate de l’entourage, qui dutse résoudre à appeler une es-couade de bobbies à la rescoussepour protéger la star et lui offrir lecommissariat comme refuge. Re-transmis le soir à la BBC, le mou-vement de foule ne fut pas dugoût de tout le monde.

« UNE FARCE »Les édiles noirs du cru, pour la

plupart d’origine jamaïcaine,avaient dit préalablement qu’ils nesouhaitaient pas la visite d’unhomme « qui ne peut en aucun casse présenter comme un modèle pournos jeunes. » Le lendemain de l’in-cident, pour un reportage favo-rable de Darcus Dowe, journalistede télévision qui vit dans le « passécriminel » du boxeur « un parallèleintéressant avec le fait que 80 % desjeunes de Brixton ont un casier judi-ciaire », ce fut un déluge de pro-testations.

« Cette brute avec sa réputationde sauvagerie animale est dange-reuse pour nous autres Noirs »,écrivit Trévor Phillips, journalistevedette de télévision et militanttravailliste. Steve Foster, ancienchallenger noir de Manchester dutitre de champion du monde, semontra moins dur pour l’hommemais plus cruel pour « la farce »que serait le combat de samedi.« Même si Julius ne tiendra pasdeux rounds devant lui, a-t-il dit, ily a bien longtemps que Tyson n’estplus ce qu’il était. »

Mais, à en juger par les stars quidevraient être présentes, samedidans l’Arène de Manchester− entre autres, le footballer DavidBeckham et son épouse, la SpiceGirl Victoria Adams, le chanteurRobbie Williams, son collègueLiam Gallagher du groupe Oasis,l’acteur Pierce Brosnan, etc. – etqui ont payé leurs places jusqu’à15 000 francs, les beautiful peopled’Angleterre aiment non seule-ment les boxeurs fatigués maisaussi les combats sans surprise.

Patrice Claude

Page 23: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

LeMonde Job: WMQ2901--0026-0 WAS LMQ2901-26 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 08:33 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 22Fap: 100 No: 0389 Lcp: 700 CMYK

26 / LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000 A U J O U R D ’ H U I - S T Y L E S

MODE HOMMES AUTOMNE-HIVER 2000-2001

L’appel du cottagePrésentés du 22 au 27 janvier, les défilés parisiens prévoientdes tenues hivernales sous le signe d’un retour aux standards anglais

Les Bostoniens de Louis VuittonAprès quelques trots d’essai – une vingtaine de pièces montrées

en showroom, ces dernières saisons –, la collection masculine deLouis Vuitton vient d’être présentée en gloire, et au grand complet,dans la Galerie du Jeu de paume. Après avoir offert au malletier unelégitimité dans le prêt-à-porter féminin, l’Américain Marc Jacobss’est décidé à compléter son couple. Minimaliste sans excès, par-faitement coupée, sa collection n’a plus besoin d’afficher mono-gramme ou damier pour capter l’attention. Ses superpositions, sesmatières nouvelles, ses asymétries contrôlées et son parti pris deluxe ultra-sobre en font une version moderne et décontractée duvestiaire d’un bourgeois bostonien au début des années 70. La li-quette y côtoie le pantalon en soie imprimée à liens coulissants, lespantalons en laine se chinent de fils de cuivre ou d’inox et la vestede judoka se pare d’une insoupçonnable élégance.

LA FIÈVRE médiatique de lahaute couture a fait de l’ombre auxprésentations parisiennes du prêt-à-porter masculin de l’hiver 2000-2001. Cette saison, pourtant, Parisn’est pas resté inerte. Les couleursexplosent chez Hermès et l’hommede Dior entame un rajeunissement.Mieux : Castelbajac est entré dansl’arène et Louis Vuitton (lire ci-des-sous) s’est décidé à faire défiler unecollection complète et construite.

Au contraire des présentationsmilanaises, ce regain d’énergie n’apas provoqué ces outrances qui ac-crochent les lecteurs des maga-zines. Si après tant d’années mar-quées par la fascination duvêtement technique, l’heure est auretour du classicisme le plusluxueux – jusque dans l’univers dela décoration –, les participantsn’ont pas proposé des costumestrois-pièces à une clientèle dont onn’a cessé de flatter les envies de dé-

contraction. Au contraire, le dé-coordonné fait loi. La révérence àl’Angleterre, bastion du classicismemasculin, tient dans quelques em-prunts : la veste de chasse, le cos-tume en velours Carnaby Street...Après la réhabilitation du trench,l’heure est aux raglans en whip-cord, aux pantalons taille haute,aux manteaux très amples et auxvieux costumes en velours côtelé.

Pour la touche de modernité,cette rusticité désuète s’alimentedes tendances du prêt-à-porter fé-minin : pantalons courts – du feu-au-plancher au knickers –, bottesde garde-chasse, rayures inclinées,aspects froissés ou déjà portés,clins d’œil aux XVe et XVIe siècles, etmême un arsenal d’asymétries dis-crètes. La palette hésite entreécorce, chair et tons d’eau, ose lebleu pétrole et s’épanouit dans lesmarrons chauds, caramel, paind’épices, incendiés par un fin passe-poil aux tons vifs...

Pour son premier défilé masculin,Jean-Charles de Castelbajac sembleavoir élu pour héros le jardinierd’un parc londonien, à l’époque duBlitz. Les pantalons sont de grosselaine, les McFarlane en velours cô-telé, les manteaux en treillis ou enfeutre marron se portent sur depuissantes bottes en daim, par-des-sus des pulls épais tricotés main, ra-petassés de renforts. Côté parures,le créateur ressuscite la fraise etremplace par un long scalp la cra-vate huppée des piliers d’Ascot...L’Angleterre selon Dries Van Notens’incarne avec rusticité dans le

Bloomsbury Group, auquel la TateGallery consacrait une expositionen novembre 1999. Ecrivains (Virgi-nia Woolf...) ou peintres (DuncanGrant...), ces excentriques culti-vaient la bohème en cottage. Re-vues par les confectionneursbelges, leurs tenues marient pullsen cachemire tricotés devant l’âtre,amples manteaux de campagne etchaussures en feutre gris clair.

Une Angleterre plus dandy para-dait chez Xavier Delcour. Pour sontroisième défilé parisien, le jeuneBruxellois interprétait dans desnoirs somptueux l’univers des blou-sons dorés : chemise en cuir portéesous petit pull col en V, cravated’habit portée en ceinture, chan-dails aux décolletés insondables sesuccèdent dans une ligne étroite etfine, dont l’inspiration doit beau-coup à Gucci. Chez Eric Bergère, enrevanche, le chic vient de Yale– l’université des fils à papa – et le

dandysme de Brighton, berceau desHell’s Angels anglais. Duffle-coatpoilu et cape-pèlerine contre vesteen faux poulain aux tons « sales »et blouson six poches façon gara-giste et résurrection inattendue des« petits shetlands » qui moulaientles minets desannées 60.

FAÇON PHILIPPE IIOn attendait Paul Smith en jon-

gleur d’anglicismes. Sauf un arsenalde knickers et de fulgurantes super-positions de tartans, le chantre dela world fashion a préféré les dé-coordonnés bohème, le manteaude velours côtelé et la chemisechinoise en soie brodée. Nul n’adonc disputé à Rei Kawakubo lacoupe anglaise (taille haute, petitesépaules), déclinée en vestes ultra-courtes, que venaient rallonger par-fois de longs empiècements. PourComme des Garçons, la plus colo-riste des Japonaises a multiplié lesjeux de rayures et les patchworks,dans des tons brillamment subtils.Yohji Yamamoto s’est offert une ex-cursion solitaire dans l’histoire desparures masculines : chapeau deCharles VII par Clouet, habits àgrands cols de dentelle des notablesde Rembrandt, vestes noires rele-vées de jais façon Philippe II d’Es-pagne...

Pour ses vertus graphiques, lenoir est aussi la couleur préféréed’Hedi Slimane, qui a décliné laligne longue et juvénile qu’il affec-tionne depuis deux ans : propulséspar des adolescents fiévreux, la

queue de pie en cuir glacé, les T-shirts à franges et les pulls àmanches élonguées proclamaient lechic étudié d’une androgynie re-belle. Un autre noir, plus hassi-dique, ombrageait les costumes deKenzo. L’argument (un week-enden Terre de Baffin) y ajoutait des gi-lets de fourrure, des peaux de bêtestransformées en manteaux, desomptueuses moires papillon denuit, qui voisinaient avec des maxi-pantalons gris relevés de bleupétrole.

Dans un Carrousel duLouvre transformé en lamas-serie tibétaine, DominiqueMorlotti interprétait un Lanvinprotecteur et décontracté en sa-harienne fourrée, coupe-vent d’angora beige oude mouton retourné,veste-chemise en lodendans des bruns mili-taires. De fait, lesmaisons de trèsgrand luxe semblentavoir capté une brisecréatrice. Chez Dior,l’enrichissementcontinu des matières(pull en câble de ca-chemire) s’ac-compagne désormaisd’astuces utiles, commece nouveau mélange,baptisé Confortherm,qui réchauffe en hiver et rafraî-chit l’été. Pour Hermès, où leluxe des matières se conjuguedepuis toujours au superlatif, Vé-ronique Nichanian a libéré « unenouvelle dynamique », encadrantles textures souples dans desconstructions élaborées, osantles blousons réversibles en cuirdouble face, et pimentant son irré-prochable gamme de tons sourdsavec des costumes en veloursorange Hermès, voire anis.

Jacques Brunel

Adressesb Sniff and Sound, de CorinneCobson, quatre eaux de parfum envaporisateur de 15 ml et un CDVirgin de 12 titres, 200 F (30,5 ¤).En vente dans le catalogue du Clubde créateurs de beauté,tél. : 0-803-302-301.b Insomny, de Michel Klein, 200 F(30,5 ¤) les 50 ml d’eau de toilette,au Club des créateurs de beauté,tél. : 0-803-302-301.b Mania, de Giorgio Armani,350 F (53 ¤) les 50 ml d’eau deparfum, à partir du 15 avril.b Les Potions, de MAC, 170 F(26 ¤) la boîte de trois et leuramulette, 200 F (30,5 ¤).Renseignements au01-45-48-60-24.b Oxygène, un fleuri aux accentsd’iris bleu, d’hysope et de muscsblancs, 340 F (52 ¤) le vaporisateurde 50 ml.Espace éphémère Lanvin, 60, ruede Richelieu 75002 Paris,tél. : 01-40-20-98-65. Ouvert dumardi au samedi de 11 heures à19 heures, jusqu’au 18 février.Massages gratuits sur rendez-vous.

Ci-dessus, costume en velours lisse vert-de-gris etchemise à bords gommés en carré « cannes et

pommeaux » orange, Hermès. De haut en bas, lesstridences violine d’un costume en velours du jeune

Bruxellois Xavier Delcour. L’androgyne d’HediSlimane en queue-de-pie en cuir glacé et pantalon

étroit assorti, Yves Saint Laurent Rive GaucheHomme. Jean-Charles de Castelbajac réhabilite la

fraise sur fond de complet bordeaux en harris tweed.

Parfums TalismanLES SEULES VERTUS olfactives

d’un parfum ne suffisent plus. Loinde l’idée d’une parure frivole, lesmarques conceptualisent des uni-vers intimes pour répondre à des at-titudes de la vie quotidienne. AprèsRush de Gucci et Insomny de Mi-chel Klein à base de café, de poivreet de gingembre, Giorgio Armanilancera en avril Mania : un « encensfrais » qui libère une certaine idéede l’urgence et du plaisir dans le sil-lage d’Obsession de Calvin Klein.D’autres maisons vendent désor-mais des atmosphères et du bien-être. C’est le cas de Lanvin avec sonnouveau féminin Oxygène et ses dé-rivés (gel de bain « euphorisant »,lait « enivrant » pour le corps...). Enattendant le lancement officiel finmars, la marque investit un loft im-maculé de 400 m2 dans la rue de Ri-chelieu pour présenter au publicson univers féminin.

Sous les verrières baignées par lalumière du jour, de grandes bullesgonflables capturent des vêtementsde la collection printemps dessinéepar Cristina Ortiz, d’un débardeuren cachemire gazon à une trousse

en agneau rose dragée, vendus enexclusivité dans l’espace. Pour dé-couvrir cet antidote présumé à lapollution urbaine, la griffe « bleue »invite à un voyage sensoriel à tra-vers des escales dans une salle demassage, un salon de détente meu-blé avec les banquettes modulablesde Pascal Mourgue – également de-signer du flacon – et un « bar à air »,qui n’est qu’une salle aux murs azurdotée d’un ventilateur. Le luxe abso-lu étant de s’offrir des boufféesd’oxygène, comme dans le dernierhôtel d’Anouchka Hempel à Ams-terdam... Car désormais le parfumse respire immodérément et s’avalepresque par les narines.

« PLUS UTILE ET MOINS FUTILE »Corinne Cobson joue aussi la

combinaison des sens dans son kitSniff and Sound Attitudes, distri-buée par le Club des créateurs debeauté. Les quatre parfums en va-porisateur de métal brossé sontvendus avec un CD de musiqueschoisies par ses soins. Les notes decannelle et de poivre rose du par-fum Romantic Attitude s’accordent

au son des Nubians ou de NenehCherry, l’odeur boisée de Strong At-titude prend sa force sur Iggy Popou Ben Harper... Mais en reléguantla peau à l’arrière-plan, ses effluvesentêtantes semblent plus apparte-nir au registre du parfum d’am-biance, façon déodorisant de taxi.« On assiste à une démultiplicationdes fonctions du parfum qui stimuledes sensations, en dehors du seul rôlede séduction », constate MathieuZeller, chef de groupe marketing auClub des créateurs de beauté. Lemarketing joue la personnalisationet le parfum devient fétiche. Ainsi,la marque de maquillage MAC alancé – en série limitée pour le pas-sage du siècle – les Potions, « troisparfums intimes délicieusementégoïstes » à base d’huiles essen-tielles que l’on glisse dans une amu-lette. Selon Danièle Debise, direc-trice de MAC sur l’Europe du Sud,« le rêve n’est plus de ressembler àune autre mais de se ressembler, des’exprimer. Le parfum devient plusutile et moins futile ».

Anne-Laure Quilleriet

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Vent fort

Neige

PRÉVISIONS POUR LE Ville par ville, les minima/maxima de température et l’état du ciel. S : ensoleillé ; N : nuageux ; C : couvert ; P : pluie ; * : neige.FRANCE métropoleAJACCIOBIARRITZBORDEAUXBOURGESBRESTCAENCHERBOURGCLERMONT-F.DIJONGRENOBLELILLELIMOGESLYONMARSEILLE

NANCYNANTESNICEPARISPAUPERPIGNANRENNESST-ETIENNESTRASBOURGTOULOUSETOURSFRANCE outre-merCAYENNEFORT-DE-FR.NOUMEA

PAPEETEPOINTE-A-PIT.ST-DENIS-RÉ.EUROPEAMSTERDAMATHENESBARCELONEBELFASTBELGRADEBERLINBERNEBRUXELLESBUCARESTBUDAPESTCOPENHAGUEDUBLINFRANCFORTGENEVEHELSINKIISTANBUL

KIEVLISBONNELIVERPOOLLONDRESLUXEMBOURGMADRIDMILANMOSCOUMUNICHNAPLESOSLOPALMA DE M.PRAGUEROMESEVILLESOFIAST-PETERSB.STOCKHOLMTENERIFEVARSOVIE

VENISEVIENNEAMÉRIQUESBRASILIABUENOS AIR.CARACASCHICAGOLIMALOS ANGELESMEXICOMONTREALNEW YORKSAN FRANCIS.SANTIAGO/CHITORONTOWASHINGTON AFRIQUEALGERDAKARKINSHASA

LE CAIRENAIROBIPRETORIARABATTUNISASIE-OCÉANIEBANGKOKBEYROUTHBOMBAYDJAKARTADUBAIHANOIHONGKONGJERUSALEMNEW DEHLIPEKINSEOULSINGAPOURSYDNEYTOKYO

29 JANVIER 2000

5/13 N 4/12 P 5/11 P 3/10 P 7/11 P

6/10 P 7/11 P 1/8 P 1/8 P -2/5 P 5/11 P 3/8 P 1/7 P

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29 JANVIER 2000

------------------------------------------------------------- A U J O U R D ’ H U I LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000 / 27

PHILATÉLIEMOTS CROISÉS

Situation le 28 janvier à 0 heure TU Prévisions pour le 30 janvier à 0 heure TU

PROBLÈME No 00 - 025

HORIZONTALEMENT

I. Etablit les règles. – II. Parti avecson père, il a rejoint la mer. Beaucomme un arc. – III. Paix de l’âmeet du corps. Fin juin. – IV. Dans lestraditions. Qui fait plaisir à voir.– V. Heureusement pour lui, Dieuarrêta le bras paternel. Faire laplanche. – VI. Mis à disposition.Fait court quand ça ne fonctionneplus. – VII. Parfum de Provence.Club de foot. Capucin. – VIII. Avecagilité et souplesse. – IX. Part

dans le mauvais sens. Pas à l’aisedans ses pompes sur le rivage.– X. S’accroche aux branches. Lamoitié du voyage. – XI. Sans impor-tance. Faussé.

VERTICALEMENT

1. Met fin plus ou moins brutale-ment. – 2. Supporte l’œil. Grecque.– 3. Plaisant. Donne des couleurs.– 4. Explosion d’hier. Petite baie.Préposition. – 5. Comme un poilplutôt cochon. Petite patronne.

– 6. Invisible dans ce sens, pas dansl’autre. Accompagna Pizarro dansses voyages. – 7. Apportent leursoutien. Corps simple. – 8. Protec-tion anglaise. Pour préparer unebonne bière. – 9. Voyelles. Abrite lebourgeon. – 10. Travaille sur lapièce. Vient de recommencer.Fin de verbe. – 11. Pour refairetapisserie.

Philippe Dupuis

SOLUTION DU No 00 - 024

HORIZONTALEMENTI. Implication. – II. Néroli. Ecru.

– III. Croc. Volage. – IV. Octaves.Ee. – V. Niel. Licols. – VI. Téléolo-gie. – VII. Ire. Dent. Ta. – VIII. Né.Mess. Est. – IX. Mou. Fa. – X. Neu-tralisme. – XI. Tressailles.

VERTICALEMENT1. Incontinent. – 2. Mercière. Er.

– 3. Protèle. Mue. – 4. Locale. Mots.– 5. Il. Odeurs. – 6. Civelles. Aa.– 7. Osions. Li. – 8. Tel. CGT. Fil.– 9. Ica. Oi. Easl (sale). – 10. Orge-lets. Me. – 11. Nuées. Atres.

(Publicité)

Le Couzinet 70 « Arc-en-ciel »ARC, les trois premières lettres

d’Arc-en-Ciel, sont un clin d’œil àla firme Avions René Couzinet.L’Arc-en-Ciel désigne en fait troisappareils différents à vocationtransatlantique construits par l’in-génieur René Couzinet (1904-1956)que la malchance poursuivra toutesa vie, à laquelle il mettra volon-tairement fin. Un premier appareil,sorti d’usine en 1928, s’écrase ; unsecond est détruit dans un incen-die en 1930. Le troisième, un élé-gant trimoteur de 30 mètres d’en-vergure, au fuselage de 17 mètresde long et pesant 16,7 tonnes, pilo-té par Mermoz, franchit l’Atlan-tique sud le 16 janvier 1933. Mais,malgré ses réelles qualités, son car-net de commandes demeure dé-sespérément vide.

C’est à ce troisième Arc-en-Ciel,ou Couzinet 70, qu’est consacré untimbre de poste aérienne d’une va-leur de 50 F (7,62 ¤), en vente gé-nérale lundi 14 février. En 1966, leSénégal a émis un timbre repré-

sentant l’Arc-en-Ciel.Le timbre, au format horizontal

48 x 27 mm, dessiné par Jame’sPrunier, est imprimé en feuilles de40 exemplaires et en minifeuillesde 10 comportant des marges illus-

trées. Sa vente anticipée se dérou-lera, les samedi 12 et dimanche13 février au bureau de poste tem-poraire « premier jour » ouvertdans les salons de l’Aéroclub deFrance, 6, rue Galilée, à Paris 16e,en présence du dessinateur, le 12,de 14 h 30 à 18 heures.

P. J.

. Le Monde des philatélistesde février consacre un dossier de8 pages à René Couzinet et à sesavions (84 p., 29 F). Ce numérocontient aussi un feuillet de9 timbres du Niger, dont l’unévoque l’aviatrice Amélia Earhart.

Le Musée de La Poste rouvre ses portesAPRÈS TROIS ANS de fermeture

pour travaux, le Musée de La Poste deParis rouvre ses portes au public. Sescollections sont présentées dans quin-ze salles réparties sur cinq étages. Lesnouvelles vitrines et un important tra-vail sur la lumière mettent en valeur lesmilliers d’objets présentés selon unparcours chrono-thématique qui de-vrait satisfaire tant les amateurs d’his-toire postale que les amateurs d’art.

Les visiteurs retrouveront les collec-tions d’uniformes de facteurs, les évo-cations des grandes heures de l’Aéro-postale, les premières planches detimbres à l’effigie de Cérès, puis de Na-

poléon III ou les fameuses « boules deMoulins » de la guerre de 1870. Lessalles lumineuses réservées aux ma-quettes originales de timbres (Sou-lages, César, Moretti, Manessier...), au« mail art » ou au panorama de la pro-duction philatélique française depuisson origine signée par Michel Coste,ingénieur de recherche à l’Ehess,restent de grands moments de cettevisite.

. 34, boulevard de Vaugirard,75015 Paris. Ouverture du lundi au sa-medi, de 10 heures à 18 heures, en-trée 30 F, tarif réduit 20 F.

La vie au grand large Lorsque le jeune saumon atlantique atteint quelques dizaines de

grammes, il subit une transformation physiologique – la « smoltifica-tion » – qui lui permet de s’adapter à la salinité de l’eau de mer, puis ilamorce sa migration. Les modalités de sa navigation hauturière(50 kilomètres par jour) restent mal connues. On ignore notamment àquels stimuli sensoriels (position du Soleil ou de la Lune, champs ma-gnétiques, champs de gravité ?) le saumon atlantique fait appel pours’orienter et parvenir jusqu’à l’une de ses quatre grandes zones ma-rines d’engraissement : Groenland-Labrador (où se retrouvent les po-pulations françaises), îles Féroé, mer de Norvège et Baltique. Lenombre de « smolts » revenant quelques années plus tard dans leurrivière natale varie de 3 % à 20 %, selon la température de la mer, sesressources alimentaires et l’importance de la pêche.Les Poissons d’eau douce des rivières de France, de Roland Billard. Edi-tions Delachaux et Niestlé (1997), 192 p., 209 F (31,85 ¤).

Le saumon sauvage sous la menace du transgéniqueLES SAUMONS sauvages

peuvent-ils être atteints, àl’échelle planétaire, par lacommercialisation de variétés gé-nétiquement modifiées ? Ces

poissons « trans-géniques » sont-ils capables detransmettre leursgènes aux popu-lations naturelleset d’accélérerainsi leur régres-sion, comme l’af-

firme un document que vient depublier l’association Greenpeace ?

Tandis que se concluent, àMontréal, les nouvelles négocia-tions du protocole sur la biosé-curité (20-28 janvier), les travauxscientifiques sur lesquels s’ap-puient ces défenseurs de l’écolo-gie démontrent en tout cas la né-cessité, pour les autoritésinternationales, de contrôler stric-tement la commercialisation deces saumons pas comme lesautres.

Prenons pour exemple l’espèceatlantique Salmo salar, plus fré-quente à frayer dans nos rivièresque celles du Pacifique. Sauvageou transgénique, ses caractèresdistinctifs resteront les mêmes :une dizaine de taches sombres sur

les flancs pour le juvénile, pourl’adulte une livrée argentée, ornéede points sur la tête et le dos. Et,comme tous les salmonidés, unebouche agrandie jusqu’au niveaude l’œil, ainsi qu’une petite na-geoire supplémentaire (dite « adi-peuse ») sur un corps fusiforme.

Question gabarit, en revanche,c’est une autre affaire. D’ordi-naire, le poids d’un saumonadulte tourne autour de 5-10 kilos,pour une taille variant de 50 centi-mètres à 1 mètre. Les saumonstransgéniques, en extrapolant àpartir des mesures faites sur lesjeunes, pourraient atteindre dixfois plus si on les laissait grandir :ils possèdent dans leurs cellulesune copie supplémentaire dugène de l’hormone de croissance.Obtenue pour la première foischez la souris en 1982, puis chezun poisson en 1994, cette tech-nique de dopage par « greffe » gé-nétique, effectuée sur les œufstout juste fécondés, suffit à aug-menter considérablement la tailledes saumons. Elle pourrait aussidiminuer de moitié le temps né-cessaire à la croissance des alevinsd’élevage, et fournir à moindrecoût des poissons propres à laconsommation. A condition tou-tefois que la recherche progresse

suffisamment pour accroître leurqualité gastronomique, qui laisseencore à désirer.

Créés et confinés en labora-toire, ces produits de la science nedevraient rien connaître des joiesde la nature. Ni les graviers dessites de frai, sous lesquels sont dé-posés les œufs de leurs frères sau-vages (3 000 à 10 000 par femelle) ;ni les zones de courants vifs danslesquels, quelques saisons durant,les alevins se sédentarisent ; ni lescharmes de l’océan, où les saumo-neaux descendent à reculons, lenez au courant, et passent deux

ou trois ans à se repaître de cal-mars, de crevettes et de harengs.Les transgéniques ignoreronttout, également, de la singulièremigration à rebours qu’effectuentles adultes, quand vient pour euxle temps de se reproduire.

Et de l’extraordinaire mémoireolfactive dont ils témoignentalors, qui leur permet, parfois surdes distances considérables(800 kilomètres pour remonter del’Atlantique jusqu’au bassin Loire-Allier), de retrouver leur frayèred’origine.

Par quels circuits neuronaux, à

travers quelles molécules cespoissons reconnaissent-ils le par-fum de leur petite enfance ? Onsait seulement qu’ils en garderontla signature intacte. Elle sera leurfil d’Ariane, grâce auquel ils re-trouveront, un jour de décembre,l’estuaire traversé plusieurs an-nées auparavant, puis remonte-ront les cours d’eau à contre-cou-rant. Qu’on leur ôte l’odorat, et ilsn’en poursuivront pas moins leurépuisant voyage. Mais ils devien-dront incapables de choisir, parmiles dizaines de cours d’eaux af-fluents d’un fleuve, celui qui lesmènera à leur ruisseau natal.

« GÈNE DE TROIE »De tout cela, affirme-t-on, les

saumons transgéniques ne sau-ront rien... Mais est-ce si sûr ?Leurs lieux de confinement se-ront-ils entourés de toute la sé-curité requise pour empêcher desdisséminations accidentelles ? « Al’heure actuelle, lâcher ne serait-cequ’un seul poisson transgéniquedans l’océan n’est même pas illé-gal » , souligne GreenpeaceFrance. Or, selon un modèlescientifique récemment publiédans la revue américaine PNAS(Proceedings of the National Aca-demy of Science), un petit nombre

de poissons transgéniques, livrésà eux-mêmes dans le milieu natu-rel, pourrait suffire à la disparitionde populations sauvages bien por-tantes. Leur taille imposante, eneffet, leur confère un avantage re-productif important. Mais la via-bilité de leur progéniture étant ré-duite par le facteur même quiaccélère leur croissance, ce « gènede Troie » pourrait participer à larégression de l’espèce.

« Dès qu’un animal vole ou nage,les risques de dissémination nepeuvent être exclus », confirmeLouis-Marie Houdebine, spécia-liste de la transgénèse animale àl’INRA de Jouy-en-Josas (Yve-lines), qui partage avec les écolo-gistes la conviction que « la modi-fication génétique de poissons à desfins commerciales doit être inter-dite ». Le saumon qui, en France,peuplait il y a un siècle tous lesgrands fleuves et rivières se jetantdans la Manche, la mer du Nordet l’Atlantique, ne fraye déjà plusguère que dans la Loire et l’Allier,le bassin pyrénéen de l’Adour etquelques rivières bretonnes etnormandes. Son avenir n’a pasbesoin de manipulations géné-tiques pour être inquiétant.

Catherine Vincent

Pluie et ventSAMEDI. Une dépression très

creuse est centrée sur le nord del’Europe. Elle génère sur le pays unflux d’ouest rapide dans lequel cir-cule une perturbation pluvieuse.Seules les régions méridionales se-ront épargnées par la pluie. Avecl’arrivée d’air océanique, les tem-pératures seront en forte hausse.

Bretagne, pays de Loire, Basse-Normandie. – La journée seramaussade avec un ciel couvert, plu-vieux et venteux. Les précipitationss’atténueront dans l’après-midi. Levent côtier d’ouest sud-ouest souf-flera jusqu’à 90 km/h en rafales. Ilfera de 10 à 12 degrés.

Nord-Picardie, Ile-de-France,Centre, Haute-Normandie, Ar-dennes. — Le matin le ciel seracouvert et pluvieux. L’après-midiles pluies seront faibles et éparses.Le vent de sud-ouest atteindra 90ou 100 km/h près des côtes. Il ferade 10 à 11 degrés.

Champagne, Lorraine, Alsace,Bourgogne, Franche-Comté. – Leciel se couvrira rapidement le ma-tin et des pluies arriveront par

l’ouest. Sur des sols encore gelés,elles pourront donner du verglas. Ilneigera au-dessus de 800 mètres.Le vent de sud-ouest soufflera jus-qu’à 70 ou 80 km/h. il fera de 8 à10 degrés.

Poitou-Charentes, Aquitaine,Midi-Pyrénées. – Sur les Pyrénées,des nuages d’altitude circulerontmais l’impression ne sera pas désa-gréable. Sur les autres régions, leciel sera couvert et pluvieux. Il ferade 11 à 13 degrés.

Limousin, Auvergne, Rhône-Alpes. – Des pluies arriveront encours de matinée. Sur des sols en-core froids, des plaques de verglaspourront se former. La limite pluie-neige se situera aux environs de1 000 mètres. Il fera de 6 à 10 de-grés.

Languedoc-Roussillon, Pro-vence-Alpes-Côte d’Azur, Corse.— Sur la Côte d’Azur et la Corse lesoleil sera bien présent. Sur lesautres régions les nuages d’altitudeseront plus nombreux. Mistral ettramontane souffleront jusqu’à80 km/h. Il fera de 12 à 14 degrés.

Page 25: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

LeMonde Job: WMQ2901--0028-0 WAS LMQ2901-28 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 08:33 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 22Fap: 100 No: 0391 Lcp: 700 CMYK

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C U LT U R ELE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000

Les souvenirsde Nelson Freire

EN TOURNÉE en Espagne, lepianiste Nelson Freire, interrogépar Le Monde, apporte son témoi-gnage sur l’influence considérablede Gulda sur les jeunes pianistesau cours des années 50.

« Pour le public, Gulda était lesuccesseur d’Arthur Rubinstein. Lesmélomanes le vénéraient tant qu’untrès officiel fan-club de Gulda avaitété fondé en Argentine. Les jeunespianistes étaient eux aussi fascinéspar son jeu, et c’est à cause de luique le Conservatoire de Paris, quiavait attiré jusque-là, grâce à Guio-mar Novaes qui y avait fait sesétudes au début du siècle, tous lesmeilleurs jeunes d’Amérique latine asoudain perdu de son attrait au pro-fit de l’Académie de musique deVienne.

» Quand je suis arrivé moi-même,à Vienne, en 1959, plus d’une ving-taine de Brésiliens y étudiaient etl’on ne comptait plus les Argentins,les Uruguayens, les Mexicains qui ysuivaient les cours. A la mêmeépoque, le concours de Genève étaitdevenu LE concours de piano au-quel il fallait se présenter, car c’étaitcelui que Gulda avait gagné, en1946, à l’âge de seize ans. »

Tout le monde aurait voulu êtreélève de Gulda, mais il n’aura euqu’une élève, Martha Argerich,

dont il affirma plus tard qu’iln’avait rien eu à lui apprendre, nisur le plan pianistique ni sur le planmusical. Ce qu’infirme la pianisteargentine qui dit lui devoir beau-coup. Mais comment ce pianisteavait-il pu avoir une telle influence,au lendemain de la seconde guerremondiale, une époque riche enpianistes de premier plan ?

Pour Freire, le jeu de Gulda était« neuf. C’était l’intelligence, la santémusicale ; un piano naturel, direct ;sa place était unique, incomparableà quelque autre pianiste que ce soit.Il a été parfois comparé à GlennGould, mais ce n’était pas compa-rable. Quand il a fait ses débuts, àNew York, tout le monde a été d’ac-cord pour dire que depuis les débutsde Vladimir Horowitz, on n’avait ja-mais entendu ça. Il n’y a pas long-temps, Martha Argerich et moiavons réécouté son enregistrementde la Sonate op. 3 no 2 » de Beetho-ven. Que dire d’autre, que nousavons trouvé son interprétation gé-niale, comme celle de la Burlesquede Richard Strauss ; juste ce qu’ilfaut, subtil mais pas trop, ce qui estune forme supérieure de subtilité, in-telligent, incomparable ».

Propos recueillis parAlain Lompech

Friedrich Gulda en 1987, avec le Münchner Philharmonie.

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Discographieb Intégrale des sonatesde Beethoven , Universal(supprimé du catalogue).b Clavier bien tempéré , PhilipsDuo.b Quatre Concertos pour pianoet orchestre, de Mozart,avec l’Orchestre philharmoniquede Vienne, Claudio Abbado(direction) : deux CDéconomiques, DeutscheGrammophon.b Grands Pianistes du XXe siècle,œuvres de Strauss, Debussy,Beethoven, Chopin..., Philips.

« Moi, je joue ce qui me plaît »En mai 1981, Le Monde de la

musique publiait l’un des raresentretiens que Friedrich Gulda aitaccepté de laisser publier. Cespropos ont été recueillis par l’écri-

vain JacquesDri l lon et lecompositeurDenis Levai l-lant. A la ques-tion de savoir siGulda mélan-geait le jazz etla musique

classique dans ses récitals, voici cequ’il répondait :

« Quelquefois, oui. Les audi-teurs réagissent selon la classesociale à laquel le i ls appar-tiennent. Au pire, les conserva-teurs sont choqués, au mieux, ilspensent que c’est un bon gag.Les autres sont aussi limités,parce qu’ils trouvent que la mu-sique classique est ennuyeuse.Les gens, en général, sont inca-pables de sortir de leur ghettomusical. Moi, je joue ce qui meplaît. L’extension de la compré-hension du public, ce n’est pasmon business. [...] Les frontières,les murs dans la conscience sonttrès résistants. [...] Ces murs sontuniversels. Les murs des classessociales sont également durs àVienne, à Moscou, à New Yorkou chez les Esquimaux. C’est uneschizophrénie mondiale ! »

Pourquoi avait-il décidé de ve-nir jouer à Paris ?

« Récemment, j’ai eu quelquesproblèmes avec ma ville natale,Vienne. Il semblait opportun demontrer à ces gens que je n’avaispas besoin d’eux. C’est ma façonde leur dire qu’ils peuvent m’em-brasser le derrière ! »

Quels pianistes c lass iquesl’avaient influencé ?

« J’ai beaucoup écouté Bud Po-well, Art Tatum, Willie The LionSmith, Cecil Taylor : ces pia-nistes-là sont des créateurs [...].Le seul pianiste classique quim’ait impressionné, c’est votrevieux Alfred Cortot, parce qu’il ajoué comme Alfred Cortot. »

DISPARITION Le pianiste autri-chien Friedrich Gulda est mort, lejeudi 27 janvier, d’un infarctus, chezlui, à Weissenbach am Attersee, enAutriche. Il était âgé de soixante-

neuf ans. b APRÈS des débuts triom-phaux au lendemain de la secondeguerre mondiale, Friedrich Guldaavait peu à peu cassé l’image du pia-niste classique en frac en menant

une carrière qui se partageait entrele jazz et le répertoire classique.b VIENNOIS de naissance, cet artistesingulier entretenait des relationstordues avec une ville dont il ne ces-

sa de provoquer le conformisme à lamanière d’un Thomas Bernhard dontil se sentait « frère en musique ».b L’INFLUENCE de Gulda a été consi-dérable, ainsi qu’en témoigne le pia-

niste brésilien Nelson Freire interro-gé par Le Monde. b EN 1981, Guldaavait accordé un entretien au Mondede la musique, il y parlait avec uneindépendance d’esprit réjouissante.

Le pianiste Friedrich Gulda, empêcheur de jouer en rondLe musicien autrichien est mort, le jeudi 27 janvier, d’un infarctus, à son domicile de Weissenbach am Attersee, en Haute-Autriche.

Il était âgé de soixante-neuf ans et occupait une place singulière dans la vie musicaleDEPUIS qu’il avait quitté le cir-

cuit des grands concerts de pres-tige pour la vie aventureuse d’unmusicien libre et contestataire detous les ordes établis, le pianisteFriedrich Gulda occupait uneplace singulière dans la vie musi-cale. Il était devenu une légendevivante, presque un mythe : on nesavait presque jamais ce qu’il allaitjouer ni s’il allait jouer. Sa propremusique ? Du jazz ? Mozart ?Bach ? Debussy ? Chopin ? Schu-mann ? On ne savait jamais. Et ilnous souvient d’une Salle Pleyelqui s’était vidée par rangs entiersquand Gulda s’était mis à improvi-ser en lieu et place d’un récitalBach annoncé. Seuls ceux quitinrent le coup eurent droit à leurspréludes et fugues. Un baume.

D’être né, à Vienne, Autriche, en1930 n’était pas sans avoir influen-cé le parcours d’un musicien aussicomplet qu’exceptionnel, aussidestructeur des traditions, d’unpianiste qui restera un exemplepour plusieurs générations de mu-siciens. Avec cette ville, il entrete-nait des rapports plus tordus quecompliqués : il en parlait le dia-lecte, y jouait, mais niait l’esthé-tique d’interprétation viennoise(dont on a pu entendre unexemple édifiant de mauvais goûtlors du concert du Nouvel An2000, à la télévision et sur France-Musiques) et dénonçait l’hypocri-sie musicale d’une bourgeoisie quidétruisait les enfants du pays pourse les appropier et leur vouer unculte de dévôts après leur mort.Gulda défiait un pays parfois tentépar le démon nationaliste, voirefasciste, une ville qui ne s’était ja-mais vraiment remise d’avoir étéla capitale d’un grand empire dis-loqué après la première guerremondiale. Il haïssait aussi laVienne qui contraignit le juif Mah-ler à se convertir au catholicismepour devenir patron de l’Opéra etsur les murs de laquelle on pouvaitlire, il n’y a pas si longtemps, « De-hors le Juif » peint sur les affichesannonçant les représentationsd’un grand chef d’orchestre àl’Opéra d’Etat.

Gulda provoquait donc, parfoisjusqu’à concurrencer les actio-nistes viennois, eux qui, pour pro-tester contre le conservatisme ar-tistique de leurs concitoyens,s’étaient fait emmurer le 4 juin1962 pour être libérés deux joursplus tard. Il ne s’est pas masturbé,n’a pas tenté de s’émasculer enpublic comme Rudolf Schwarzko-

gler qui se suicida en 1969. Il nes’est pas saigné comme HermannNitsch, n’a pas davantage balancédes seaux de sang sur le public,mais il est apparu nu à la télévisionautrichienne en compagnie de sacompagne, nue elle aussi, pour in-terpréter L’Amour et la Vie d’unefemme, de Robert Schumann. Etl’effet fut aussi choquant : les pu-blics n’étaient pas les mêmes. Sa-crilège des sacrilèges, il pouvaitjouer Mozart au Musikverein àfond de train, en tapant conscien-cieusement.

REFUS DES HONNEURS« Aussi rempli de haine pour l’Au-

triche que Thomas Bernhard, unfrère », selon ses propres termesrapportés par Anne Rey (Le Mondedu 4 juillet 1993), Gulda refuse, en1970, l’anneau du bicentenaire deBeethoven que l’Académie de mu-sique de Vienne lui décerne cetteannée-là. Il refuse et explique songeste : en substance, Gulda ditqu’il ne peut accepter que des gensqui ne comprennent rien à la mu-sique, rien à sa façon de jouer,puissent le récompenser. Dans uneville comme Vienne, refuser cettemédaille a une portée plus symbo-lique que refuser la Légion d’hon-neur en France, ce que MauriceRavel avait fait en son temps, pro-voquant un vif émoi. Ravel queGulda jouait comme peu. Guldaavait parfois un comportementagressif avec le public viennois. Unsoir, il décida d’assurer lui-mêmele contrôle à l’entrée d’un de sesrécitals. Les gens chics se retrou-vèrent aux plus mauvaises places.

Avant d’en arriver là, Guldaavait été un enfant précocementdoué pour la musique et aura suiviun parcours classique. De 1937, à1942, il étudie le piano avec FelixPzofsky, puis entre à l’Académiede musique de Vienne où il reçoitl’enseignement de Bruno Seidlho-fer, un grand maître qui comptera,plus tard, la toute jeune ArgentineMartha Argerich et le tout aussijeune Brésilien Nelson Freire danssa classe. Ils étaient venus là, à lafin des années 50, influencés parGulda, qui était vénéré à BuenosAires et à Rio depuis qu’il y avaitfait des débuts en fanfare. Peu detemps avant de mourir, Seidhloferdéclarera que ces trois pianistesétaient les meilleurs élèves qu’il aitjamais eus au cours de sa longuecarrière d’enseignant, ajoutant :« Gulda c’est l’intelligence, Argerichle piano, Freire le cœur. »

Dès la fin de la seconde guerremondiale, Gulda avait découvertle jazz dans les caves de Vienne. Ilse passionna tant pour cette mu-sique qu’il déclara beaucoup plustard (lire ci-dessous) que les pia-nistes classiques ne l’avaient pasinfluencé du tout, à part AlfredCortot. Il a beaucoup composé dujazz-jazz et du jazz mâtiné de

classique. Et beaucoup joué avecle pianiste Chick Corea. Cette pas-sion devait, peu à peu, dévorerson jeu dans le répertoire clas-sique, le conduire à privilégier unstyle, certes, maîtrisé mais don-nant la sensation d’être improvi-sé. Dans les sonates de Mozart, lerésultat pouvait être décapant à lafois par la fidélité de Gulda aux in-

dications de nuances du composi-teur, des tempos vifs et une vierythmique incroyable et aussi par-fois par une volonté évidente dedestruction à côté de laquelle lesidiosyncrasies de Glenn Gould pa-raissent n’être que les facétiesd’un gamin qui tire la langue auxbonnes gens.

Gulda avait évidemment joué,

dans la première partie de sa car-rière, et cela lui arrivait encore detemps en temps, avec les plusgrands chefs d’orchestre et dansles centres musicaux les plus envue. Il avait aussi enregistré pourquelques éditeurs importants desinterprétations plus ou moins ré-gulièrement rééditées dont unesplendide intégrale des sonates deBeethoven, des Préludes de De-bussy incandescents, un Clavierbien tempéré de Bach à la trans-parence contrapuntique quasi-ment inégalée. Et puis, insensible-ment, Gulda s’était éloigné de lacarrière. Tout récemment, i ls’était mis à une musique de va-riétés épouvantable, volontaire-ment épouvantable, qu’il compo-sait lui-même. Il avait ainsiproduit un spectacle filmé spécia-lement pour la télévision – jamaisdiffusé en France. On y voyaitMozart incarné par une jeunefemme jouant abominablementdu piano dans les cieux pour finirdans une boîte disco envahie dejeunes babas cool écoutant Guldalui-même jouer au synthétiseurles pires rengaines avec un plaisirdont on se saura jamais s’il étaitsincère où si cet enfant terribleprenait un malin plaisir à détruirel’idée même du show télévisé,voire une musique qu’il aura fina-lement tellement aimée qu’il nes’est pas résolu à jouer le jeu de lacarrière.

HUMANITÉ DIRECTEL’autoglorification feinte à la-

quelle Gulda avait succombé luiavait fait tenir des propos trèsdurs sur la quasi-totalité de sesconfrères. Elle nous changeait descompliments mensongers, desliens fabriqués par les imprésariosqui unissent des pianistes de se-conde zone avec des grands chefspour nous persuader qu’ils sonteux-mêmes de premier plan. Gul-da agissait parfois comme s’ilvoulait être réduit à un sale type,franchement haïssable. Il n’aurapas réussi, car son talent, quand ilse décidait à ne considérer que lamusique, oubliant le public, le cé-rémonial du concert, s’imposaitsolaire, rayonnant d’intelligence,de subtilité, d’une humanité di-recte qui fuyait le sentiment pourn’être qu’émotion. Pour cela, ilétait vénéré et en était furieux...puisque il était entendu que nousne comprenions rien.

A. Lo.

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LeMonde Job: WMQ2901--0029-0 WAS LMQ2901-29 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 08:33 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 22Fap: 100 No: 0392 Lcp: 700 CMYK

C U L T U R E LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000 / 29

D’Angelo, orfèvrede la soul musicAvec l’album « Voodoo », le chanteuret multi-instrumentiste sort le genre de l’ornière

DANS LES ANNÉES 90, la mu-sique populaire afro-américaineissue du rhythm’n’blues et de lasoul a été affublée du terme« néo » et de différentes va-riantes. Devenait alors le futurplus ou moins proche de cetteprétendue « nouvelle soul », toutchanteur ou chanteuse mettantun minimum de funk dans sesroucoulades séductrices, chargéesde plus à agir comme une thérapiedouce à la domination du rap. Lesous-genre a eu beaucoup de pré-tendants et peu d’élus. Parmi cesderniers, la chanteuse Erykah Ba-du, le chanteur Maxwell – à qui ilreste encore à s’émanciper de laréférence de poids qu’est MarvinGaye – et D’Angelo, producteur,chanteur, multi-instrumentiste etauteur-compositeur. Avec Voodoo,deuxième opus sophistiqué ethardi, D’Angelo ne se contentepas de prolonger, en mieux, BrownSugar, premier album révélationparu en 1995, mais avance d’unpas de géant qui devrait le mettreà l’abri du statut de gloire éphé-mère.

Né Michael Arthur, en 1975, àRichmond (Virginie), D’Angelo estle plus probable des enfants d’untriumvirat Marvin Gaye/CurtisMayfield/Stevie Wonder et lecontinuateur d’une voie plus ex-périmentale, dont Prince a nourriune grande partie de sa musique.Fin 1999, Beck, homme du rock,

blanc, avait réveillé l’époque avecMidnite Vultures, brillant exercicede style fait d’emprunts à dessources similaires, dont l’aspectkaléidoscopique allait parfois seperdre dans l’amoncellement or-chestral (Le Monde du 30 no-vembre 1999). Avec D’Angeloc’est, comme par un passage del’autre côté du miroir, le dépouil-lement instrumental jusqu’à lanudité qui prime. La danse, lasueur et la sensualité, pour ne pasdire le sexe, le mouvement descorps, la spiritualité dont la mu-sique soul fait son pain quotidiensont ici fêtés avec un talentconfondant.

TRIO CADEAUEnregistré à L’Electric Lady, le

studio new-yorkais à jamais mar-qué par le passage de la comète Ji-mi Hendrix, Voodoo est à la foil’album d’un seul homme, D’An-gelo, et celui d’un groupe. CommeStevie Wonder ou Prince – et, audébut des années 70, Todd Rund-gren qui, bien avant Beck, avaitmontré des disponibilités à trans-cender les musiques de l’Amé-rique noire –, D’Angelo intervientaux claviers, guitares, basse oubatterie, et profite des possibilitésdu studio pour surmultiplier savoix. Dans le même temps, il a bâ-ti autour de lui une rythmique si-nueuse, en symbiose, avec le bas-siste Pino Palladino et le batteur

Ahmir Thompson, connu au seinde The Roots sous le pseudonymede Questlove. On tient là un trioformidable, précis, dont l’exis-tence est déjà un cadeau. L’ajoutd’arrangements de cuivres, dus autrompettiste de jazz Roy Har-grove, de parties supplémentairesde guitares ou de claviers repose

dès lors sur une ornementationdélicate, dont D’Angelo sait doserles effets. Si Brown Sugar restaitencore sous influence, Voodoo, to-talement habité par les pères fon-dateurs, honore Hendrix et Princesans tomber dans le clonage. Onse souviendra juste que LennyKravitz n’avait pas su se sortir

d’un tel enjeu dans ses premierspas. Avec beaucoup d’aplomb,D’Angelo résiste aussi à la tenta-tion de répéter – volontairementou par essoufflement – son pre-mier album qui contenait quel-ques tubes (Lady). Il laisse lesmorceaux prendre le temps deleur épanouissement, dans la du-rée la plus juste, sans complai-sance, dans une perspective qui lerapproche des lenteurs du bluesou l’aridité des chants religieux lesplus secrets.

A une impression générale despontanéité répond un travaild’orfèvre de sous-entendus et depetites phrases instrumentales.Dans The Line, en dépit d’un mi-métisme qui fait revenir d’outre-monde Curtis Mayfield, D’Angeloest lui-même, voluptueux, iro-nique, séducteur. Dans One MoGin, il ravive le souvenir du Bandof Gypsy hendrixien, non pas dansla flamboyance psychédélique,mais bien dans l’enracinementavec la boue des terres du Sud. SurUntitled, il s’arrête juste aux limitesdu décalque d’avec Prince. Avecchaque thème à l’identité propre,par ses couleurs et ses inventions,Voodoo est l’album de toutes lesgrâces que la soul contemporainen’en pouvait plus d’attendre.

Sylvain Siclier

. Voodoo, 1 CD EMI 523 373-2.

SÉLECTION DISQUES

GEORGE GERSHWINRhapsody in Blue Variations sur «−I Got Rhythm−» Pièces pour pianoFazil Say (piano), New York Philharmonic, Kurt Masur (direction).Stanley Drucker (clarinette),Albert Regni (saxophone alto),William Blossom (contrebasse),Joseph Pereira et James Sapporito (percussions)

A New York, comme à Leipzig dutemps de la RDA, Kurt Masur dirigeGershwin avec bonheur, même si,de-ci, de-là, on aimerait qu’il soitaussi vif et espiègle, aussi débridé,dans la Rhapsody in Blue que dansson vieux disque Eterna. La sur-prise, c’est Fazil Say... Mais en est-ce vraiment une de la part d’un mu-sicien aussi déluré qu’authentique ?Le jeune Turc joue presque exacte-ment comme Gershwin dans lesquelques enregistrements acous-tiques qui nous sont parvenus.Tempos justes, rythmique impec-

cable et subtile, main gauche enacier (doux, l’acier !), rubato chopi-nien, toucher scintillant, son cha-toyant, joie rayonnante, mélancolieprégnante : Say rejoint, par desmoyens parfois opposés, et dans unprogramme plein de raretés pourpiano seul, les rarissimes bons in-terprètes de Gershwin : le géniale-ment nonchalant William Bolcom(Nonesuch), comme les plus vifsIvan Davis (Decca), André Watts etLeonard Bernstein (Sony). Il ne luireste plus qu’à enregistrer le SongBook et le Concerto en fa... Et, onl’espère, avec une prise de son aussisplendide. Alain Lompech. 1 CD Teldec-Warner3984 26202-2.

MAREK JANOWSKIRichard Strauss :Eine AlpensinfonieJean Sibelius : Symphonie no 7 Gabriel Fauré : Pelléaset Mélisande

Henri Dutilleux : Timbres, Espace,Mouvement.Claude Debussy : La MerRobert Schumann : Symphonie no 2Johannes Brahms : Symphonie no 2Anton Bruckner : Symphonie no 6Richard Wagner : Marche funèbrede SiegfriedOrchestre philharmoniquede Radio France

Seize années (dont dix en tantque directeur musical) passées à dé-velopper l’identité d’un orchestre(avec succès puisque le Philharmo-nique de Radio France est devenuune valeur sûre) ne sauraient se ré-sumer à quelques captations deconcerts mémorables. Le coffretpublié à l’occasion du départ deMarek Janowski s’inscrit donc dansune dimension plus affective quedémonstrative. Il permet notam-ment de revivre certains momentsd’exception tels que la prestationdu 8 janvier 1999 dont Le Monde arendu compte. Chaque CD illustrecependant une orientation parti-culière. Le diptyque Strauss-Sibeliussouligne la capacité de Janowski àlivrer des lectures globalement fi-dèles en dépit de l’originalité desoptions locales. Son pendant Wa-gner-Bruckner invite surtout à ap-précier le métier du chef (acquisdans la fosse). Le volet français ap-paraît à contre-courant de la tradi-tion de sensualité recherchée dansl’interprétation de Fauré, Dutilleuxet Debussy, et séduit moins que ce-lui consacré au romantisme alle-mand. C’est dans l’élan schuman-nien et la fluidité brahmsienne quel’on perçoit au mieux l’apport de Ja-nowski. Pierre Gervasoni. Un coffret de 4 CD Le Chant du mondeCMX 378091 84.Distribué par Harmonia Mundi.

VAN MORRISONLONNIE DONEGANCHRIS BARBERThe Skiffle Sessions Live in Belfast

Parce qu’il n’a plus vraiment au-jourd’hui d’héritier, on a tendance àoublier ce qu’était le skiffle. Très po-pulaire en Grande-Bretagne au mi-lieu des années 50, cette musiquede fête souvent jouée dans la rue,adaptation insulaire du folk, dublues et du jazz américain, initiaune génération à ce qui allait deve-nir le rock’n’roll. Parmi ses plus cé-lèbres disciples : les Beatles, qui dé-butèrent à Liverpool en formationskiffle sous le nom des Quarrymen,et Van Morrison, qui, à Belfast, futmembre des Sputniks. Pour retrou-ver les sensations de l’époque, cedernier a réuni en 1998 deux desstars du genre, le chanteur et guita-riste Lonnie Donnegan (auteur, en1956, d’un énorme tube, Rock IslandLine) et le contrebassiste et trombo-niste Chris Barber pour un concertmémorable dans la capitale d’Ir-lande du Nord. Rejoint pour deux

morceaux par le pianiste voodooDr John, le trio fait preuve d’uneformidable verdeur. Grâce à laconvivialité et à l’entrain typiquesdu skiffle, Van The Man réussit l’unde ses meilleurs albums depuis IrishHeartbeat, enregistré, en 1988, avecles Chieftains. Stéphane Davet. 1 CD Exile 7243 8 48307 2 4.Distribué par Virgin.

WILLIAM SHELLERLes Machines absurdes

Six ans après Albion, disque mar-qué du sceau du rock anglais, Wil-liam Sheller livre Les Machines ab-surdes. Construites et orchestréesde main d’orfèvre par ce musicienqui ne néglige aucun genre – chan-son, musique classique,rock’n’roll –, les mélange, les en-traîne vers davantage d’exigence,ces dix chansons ne s’appuient suraucun courant à la mode. Et si ma-chines il y a, elles ne sont pas làpour tresser de fausses louanges àl’électronique, mais pour prouverque la musique vit, qu’elle est aussiune question de hasard. En scène,William Sheller a pour habitude dedonner de petites explications pourretracer la naissance d’une chan-son : souvenirs d’enfance happésau hasard, jeux de mots impromp-tus ou envies musicales subites. Parexemple, celle de composer une« valse lourde, genre I Put a Spell onYou » : il en sort To You, piano, bas-son, contrebasse, deux minutesquarante de bonheur qui pré-cèdent Moondown, la plus médié-vale, dans la veine du NouveauMonde, tout en sinuosités, violons,mouvements de vent et de dunes.La quasi-totalité des titres sont enanglais. Logique : ce sont ceux desfichiers informatiques utilisés pourles construire. Sheller pourrait pa-raître ainsi paresseux, mais ce n’estque de l’élégante nonchalance. AIndies, critique aiguisée des homi-nidés du troisième millénaire,Misses Wan oppose l’ombre descréatures virtuelles. Des lassitudesdans ces Machines absurdes ? Quel-ques-unes, quand, par exemple, lesystème Midi resté bloqué sur Sun-fool avant de rétrograder vers une

caricature du binaire (Athis). Lestravaux de précision de l’Orchestreparisien gomment ces petites fai-blesses. Les désirs et les rêves deSheller reprennent le pas sur la so-litude lasse. Chamberwood, dixièmedu rang, revient à l’objet essentielde ce disque pacifié : la musique.

Véronique Mortaigne. 1 CD Mercury 546 922-2.

ZISKAKAN4 ti mo

Une renaissance... Après sa déci-sion de tout arrêter en juillet 1998,on avait cru que Gilbert Pounia,créateur et leader de Ziskakan, je-tait définitivement l’éponge. Termi-née, cette aventure lancée en 1979pour donner toute sa vigueur auparler créole et mettre en pleine lu-mière le maloya ? Interruption mo-mentanée pour cause d’incompati-bilités d’humeurs. Preuve en est cenouvel album, réalisé par MishkoM’Ba (bassiste entendu aux côtésde Zazie, Pascal Obispo et JohnnyHallyday), enregistré avec une nou-velle équipe, un autre parti pris. Re-centré sur l’acoustique, il renoueavec la simplicité immédiate, la fraî-cheur pertinente et l’ardeur joyeusequi prévaut aux moments improvi-sés entre copains autour d’une gui-tare. Ritournelles enfantines, bal-lades en vol libre, maloya sensuel etséga agile font la trame de ce nou-veau manifeste pour une créolitéréunionnaise épanouie. On aimeraitparfois davantage d’invention mé-lodique, mais les arrangements (dé-licates interventions des sitars et ta-blas indiens notamment) ont ungrain séduisant. Les textes, encréole, sont écrits par de finesplumes réunionnaises (Alain Ar-mand, Carpanin Marimoutou, AxelGauvin...) et par Gilbert Pounia lui-même, comme Alkatraz, dédié auchanteur mauricien Kaya, dont lamort suspecte dans la prison dePort-Louis en février 1999 avait dé-clenché des émeutes à Maurice etprovoqué un vif émoi à la Réunion.

Patrick Labesse. 1 CD Discorama 9908.Distribué par PSB.Tél. : 01-42-00-63-78.

Avec D’Angelo, alias MichaelArthur, la soul retrouveson âme et sa raison d’être :la danse, la sueur,la sensualité, la spiritualité.

EMI

Un « Que sais-je ? » sur le bel cantointerdit pour plagiatLE TRIBUNAL DE PARIS a ordonné le retrait de la vente du « Que sais-je ? » de Christophe Combarieu, consacré au bel canto, publié en 1999aux Presses universitaires de France (PUF). La première chambre du tri-bunal a estimé, le 19 janvier, qu’il s’agissait d’une « reproduction servile »de l’Histoire du bel canto de Rodolfo Celletti, paru chez Fayard en 1987. Siles procès pour plagiat et contrefaçon se sont multipliés, il est très rarequ’ils aboutissent à une interdiction de l’ouvrage. Le tribunal a assorticette interdiction d’une astreinte de 500 francs et interdit la fabrication,l’exploitation et la commercialisation de l’ouvrage de M. Combarieu. LesPUF et M. Combarieu sont condamnés à payer 20 000 et 30 000 francs dedommages-intérêts à Fayard. Le « Que sais-je ? » est « construit quasiment sur le même plan », il « re-prend mot pour mot, à quelques détails près, des passages entiers du livre »de M. Celletti, les analyses « sont identiques et formulées dans les mêmestermes », explique le jugement.

DÉPÊCHESa ÉDITION : le tribunal de grande instance de Paris a débouté, le10 janvier, Pierre-Guillaume de Roux et Jacqueline Brusset – respective-ment fils et veuve de l’écrivain et éditeur Dominique de Roux décédé en1977 – de leurs demandes. Le fils et la veuve de Dominique de Roux pour-suivaient les animateurs de la revue Perpendiculaire, défendus par Me An-toine Comte, pour diffamation. Les six journalistes de Perpendiculaireavaient notamment traité Dominique de Roux de « fasciste notoire ». Enoutre, le tribunal a condamné in solidum les consorts de Roux à payer auxdéfendeurs la somme de 10 000 F (1 524,49 ¤). Les demandeurs – ayantpour avocat Me Emmanuel Pierrat – ont décidé de faire appel.a NOUVELLES TECHNOLOGIES : le principal opérateur japonais detéléphonie mobile NTT DoCoMo a annoncé, le 27 janvier, la créationde Air Media, une société de distribution de musique via les téléphonesportables avec le géant électronique Matsushita. Sony a également indi-qué qu’il envisageait de former une société commune avec DoCoMo.« Nous pensons que les téléphones portables deviendront des outils efficacesà côté de l’Internet » pour la diffusion de musique et d’autres services, aindiqué un porte-parole de Sony.a DISTRIBUTION : les Virgin Megastores menacent d’arrêter devendre des disques si les grandes maisons de disques ne ménagent pasles commerçants classiques dans leur stratégie de développement desventes par l’Internet.

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30 / LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000 C U L T U R E

GUIDE

TROUVER SON FILMTous les films Paris et régions sur leMinitel, 3615 LEMONDE, ou tél. : 08-36-68-03-78 (2,23 F/min).

ENTRÉES IMMÉDIATESLe Kiosque Théâtre : les places de cer-tains des spectacles vendues le jourmême à moitié prix (+ 16 F de commis-sion par place). Place de la Madeleineet parvis de la gare Montparnasse. De12 h 30 à 20 heures du mardi au same-di ; de 12 h 30 à 16 heures le di-manche.Amorphe d’Ottenburgde Jean-Claude Grumberg, mise enscène de Jean-Michel Ribes, avec YvesGasc, Simon Eine, Claire Vernet, Ro-land Bertin, Thierry Hancisse... Comédie-Française, salle Richelieu,2, rue de Richelieu, 1er. Mo Palais-Royal.Les 29 et 30, 20 h 30. Tél. : 01-44-58-15-15. De 30 F à 190 F. Jusqu’au 14 mai. La Création du mondede Luc Laporte, mise en scène de l’au-teur. Spectacle visuel, musical et sansparoles pour quatre acteurs manipula-teurs.Théâtre international de langue fran-çaise, pavillon du Charolais, parc de LaVillette, 19e. Mo Porte-de-la-Villette.Du 28 janvier au 6 février. Tél. : 01-40-03-93-95. De 25 F à 70 F.Les Chantiers de Théâtre ouvertLe Déluge, deuxième, de et mis envoix par Joël Jouanneau, avec IsabelleCarré et Joël Jouanneau.Théâtre ouvert - Jardin d’hiver, 4 bis,cité Véron, 18e. Mo Blanche. Le 29, à18 heures. Tél. : 01-42-62-59-49. Entréelibre.Tête de pluiede Louis Arti, mise en scène de Fran-çois Chattot, avec Louis Arti, Jean-Ro-bert Lay (trompette et bugle), OlivierLovergne (guitares), Frédéric Gregson

(percussions) et Pascal Lovergne (gui-tare basse).Maison de la culture, 1, boulevard Lé-nine, 93 Bobigny. Du mardi au samedi,à 20 h 30 ; dimanche, 15 h 30. Tél. : 01-41-60-72-72. De 60 F à 140 F. Jusqu’au6 février. Karine Saporta, Farid BerkiKarine Saporta : Douche écossaise. Fa-rid Berki : Pas de vague avant l’éclipse.Théâtre Jean-Vilar, 16, place Stalin-grad, 92 Suresnes. Le 29, 18 h 30 ; le30, 17 heures. Tél. : 01-46-97-98-10.120 F.Orchestre de ParisChopin : Concertos pour piano et or-chestre nos 1 et 2. Bartok : Le Mandarinmerveilleux. François-René Duchable(piano), Gilbert Varga (direction).Cité de la musique, 221, avenue Jean-Jaurès, 19e. Mo Porte-de-Pantin. Le 29,11 heures. Tél. : 01-44-84-44-84. 40 F.Orchestre PasdeloupŒuvres de Falla, Turina et Rodrigo.Roland Dyens (guitare), France Clidat(piano), Philippe Bender (direction).Salle Pleyel, 252, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 8e. Mo Ternes. Le 29,17 heures. Tél. : 01-45-61-53-00. De 80 Fà 180 F.Roméo et Juliettede Berlioz. Elsa Maurus (mezzo-sopra-no), Jean-Luc Maurette (ténor), Nico-las Cavallier (basse), chœur PatrickMarco, chœur régional de Seine-Saint-Denis, Jacques Mercier (direction).Salle Pleyel, 252, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 8e. Mo Ternes. Le 29,20 h 30. Tél. : 01-45-61-53-00. De 50 F à190 F.Olivier Temine QuintetAu duc des Lombards, 42, rue desLombards, 1er. Mo Châtelet. Le 29,21 heures. Tél. : 01-42-33-22-88. 100 F.Soirée La Comparsa (Cuba)Le Divan du monde, 75, rue des Mar-tyrs, 9e. Mo Pigalle. Le 29, 23 h 30. Tél. :01-44-92-77-66. 100 F.

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SORTIR

PARIS

Le Théâtre à l’écranLe théâtre n’a jamais cessé, pourle pire et le meilleur, de nourrir lecinéma, des origines à nos jours.Organisée par le Musée d’Orsay,la manifestation « Un cinémainspiré : le théâtre à l’écran(1896-1935) » permet de découvrirles liens privilégiés qu’ontentretenus ces deux arts de lareprésentation, depuis le cinémanaissant jusqu’au début duparlant. Diverses approches ontété choisies, à travers laprogrammation d’une trentainede films, qu’il s’agisse de rendrecompte de l’efflorescence desbandes primitives dédiées àShakespeare (A MidsummerNight’s Dream, 1909, Twelfth Night,1910, par la Vitagraph), de lavirtuosité de l’adaptationclassique (d’Oscar Wilde par ErnstLubitsch : Lady Windermere’s Fan,1925), du passage fréquent demetteurs en scène de théâtre à laréalisation (Die Insel der Seligen,de Max Reinhardt, 1913 ; La Terre,d’André Antoine, 1921), ou detranspositions pures et simples(Une soirée à laComédie-Française, de LéoncePerret, 1935). La diversité et larichesse de cette programmationpermettront également deredécouvrir d’immenses figureshistoriques de la scène (de la divaitalienne Eleonora Duse à SarahBernhardt), tout en démontrant ladiversité des registres (de l’artpopulaire à l’avant-garde, dunaturalisme à l’expressionnisme)sur lesquels s’est opérée latransmutation, moins évidentequ’on le croit, du théâtre encinéma.Auditorium du Musée d’Orsay,1, rue de la Légion-d’Honneur, 7e .Jusqu’au 20 février.Tél. : 01-40-49-47-57. 35 F.Carte blancheà Anne-Marie ReynaudActuellement directrice del’Institut de pédagogie et derecherche chorégraphique au seindu Centre national de la danse,Anne-Marie Reynaud, femme viveet gourmande de toutes lesdanses, ouvre la carte blancheproposée par le Regard du cygne

à des personnalités aussi variéesque les chorégraphes ElsaWolliaston, Caroline Marcadé,Frédérique Chauvaux, LaurenceLevasseur, Frank Apertet, FabriceDugied. Des musiciensaccompagnent chaque soirée.Le Regard du cygne, 210, rue deBelleville, 20e. Mo Télégraphe. Les 28et 29, 20 h 20 ; le 30, 17 heures.Tél. : 01-43-58-55-93. 50 F et 70 F.Xavier Richardeau TrioLe saxophoniste XavierRichardeau a choisi de jouer quasiexclusivement du baryton audébut des années 90, ce qui l’aamené à interpréter descompositions de Gerry Mulligan,référence en la matière. Sanss’enfermer dans ce rôle,Richardeau a développé depuis undiscours personnel en partie ancrédans la tradition tout entémoignant d’une écoute attentivedes évolutions du jazz. Au sein deson trio, on écoutera de près lecontrebassiste Nicolas Rageauprésent dans le nouvelenregistrement Live in Paris dusaxophoniste (TaxiRecords/Mélodie).La Toque blanche, 115, ruePaul-Vaillant-Couturier,92 Levallois-Perret. Le 29, 21 heures.Tél. : 01-47-37-24-17. 135 F.

Sivan PerwerChanteur à la voix tendue, durciepar un feu invisible, il estconsidéré comme « la » voix dupeuple kurde, son ambassadeur leplus emblématique. Né au seind’une famille de musiciens prèsd’Urfa, dans la partie turque duKurdistan, Sivan Perwer vit enexil. Issu de la tradition desanciens dengbej, les bardes etconteurs qui sillonnaient autrefoismontagnes et hauts plateaux duKurdistan, il connaît les antiquesmélopées d’amour, les récitsépiques n’ont pas de secret pourlui. Son chant, qu’il accompagneau luth tenbûr à six cordes, grondeaussi parfois de révolte, il porte enfiligrane la rage farouche de ceuxqui défendent leur culturebafouée (1 CD Chants duKurdistan/Ethnic-Auvidis Naïve).Théâtre de la Ville, 2, place duChâtelet, 4e. Mo Châtelet. Le 29,17 heures. Tél. : 01-42-74-22-77.95 F.

« Le Misanthrope » de Molière,ou la certitude du pire

Au Théâtre du Vieux-Colombier, salle qui permet une écoute intérieure et secrète, Jean-Pierre Miquel signe une mise en scène mystérieuse de cette œuvre immense

LE MISANTHROPE, de Molière.Avec Denis Podalydès, Clotildede Bayser, Laurent d’Olce, Isa-belle Gardien, Laurent Natrella,Christian Gonon, Alberte Ave-line, Michel Favory, GuillaumeGallienne et Alain Lahaye. Jean-Pierre Miquel (mise en scène).THÉÂTRE DU VIEUX-COLOM-BIER, 21, rue du Vieux-Colom-bier, Paris-6e. Mo Saint-Placideou Sèvres-Babylone. Mardi,mercredi, vendredi et samedi, à20 h 30. Jeudi, à 19 heures. Di-manche, à 16 heures. Tél. : 01-44-39-87-00. De 50 F à 160 F (de 7,5 ¤

à 24 ¤). Durée : 2 h 45. Jusqu’au4 mars.

« Qu’est-ce donc ? Qu’avez-vous ?– Laissez-moi, je vous prie. » Lespremiers mots du Misanthrope,nous ne les « entendons » pas, ilsne nous viennent pas du dehors,ils sont en nous, ils sont les bancsde l’école, le devoir à la maison,nos premières lumières du théâtre,pour un peu nous croirions-nousausculter nous-mêmes, serrantnotre oreille contre notre dos, et lesouffle des poumons, le battementdu cœur, c’est cela, tous les joursde nos vies retraversés en un mo-ment, d’un seul pas.

« Qu’est-ce donc ? Qu’avez-vous ? », Philinte une fois encorequi essaie de brusquer en douceurson ami Alceste, une fois encorerenfermé en lui contre un mur.Est-ce parce que nous accostonsun autre millénaire ? Cette minutede noir complet dans lequel noussommes jetés, au théâtre, réguliè-rement, avant que la pièce appa-raisse, c’est la première fois, auVieux-Colombier, que je l’ai res-sentie, très fort, comme un avant-signe de notre départ pour l’au-delà, comme si nous allions authéâtre pour jeter un œil sur la vielorsque nous n’y serons plus. Etc’est bête, cette réaction, nous y

sommes pourtant habitués, à cetenjambement d’une minute denoir.

C’est une petite salle, le Vieux-Colombier. Elle suscite une illusiond’optique et d’écoute, plus inté-rieure, plus secrète que dans lesgrands théâtres. Et la mise enscène de Jean-Pierre Miquel faitfond sur cette sensation-là. Cou-pant à travers les obligations de lascène, certaines ruses de construc-tion, entre autres, Molière tâte dupied le pour et le contre. « Elleaime sans le savoir, elle croit aimer,il n’en est rien », dit-il de cette sijeune femme, veuve, que « la soli-tude effraie ». Alceste est incertainaussi. « Je veux qu’on me dis-tingue », affirme-t-il d’emblée, et ilcourt après l’impossible : le refusdes « quelques dehors civils quel’usage commande ». Ces « dehorscivils », nous nous y plions tous, etde nos jours aussi, tous, tant bienque mal. L’ensemble du jeu estfaussé, dans ce Misanthrope, en ceque Molière faufile sans cesse,sous ce qui se fait et se dit, une of-fensive contre le pouvoir, contre« l’Etat », contre « la cour ». Al-ceste doit faire face à un hommeet une femme, Oronte et Arsinoé,deux méchantes personnes quitentent de le compromettre avecle haut du pavé. La défiance lemine. La jalousie, aussi, le harcèle,le fatigue.

La préférence, souvent avouée,au Misanthrope, par les fervents deMolière, ne tiendrait-elle pas à ceque cette œuvre est la moins maî-trisée de toutes, la plus oscillante ?Toute pièce de théâtre met en jeuplusieurs êtres, et le choix de cesêtres, le choix de leurs conflits, deleurs ententes est une invention,bien sûr, de l’auteur, un artificeconstitutif. A écouter Le Misan-thrope, cet artifice n’est plus.Comme si Molière touchait à ladonnée la plus simple, la moins« théâtre », ce fait que nous

sommes là, en vie, plusieurs, unpoint c’est tout. Et allez, vacomme se peut, va de soi, va di-sant, va sans dire, va souffrir oupas, va survivre, va se tuer, mais« allons employer toute chose / àrompre le destin que son cœur sepropose », dit l’ami d’Alceste, lesderniers mots de la pièce. Les piresévidences, le pire invétéré, et c’estbien cela qu’éclaire la très ténue, latrès mystérieuse mise en scène deJean-Pierre Miquel, que lui per-mettait l’écoute d’une œuvre im-mense dans une salle de petit es-pace.

Comme si Molièretouchait à la donnéela plus simple,la moins « théâtre »,ce fait que noussommes là, en vie,plusieurs, un pointc’est tout

La part d’intervention des ac-teurs se fond dans cette réservevoulue. Denis Podalydès est uncomédien intelligent et clair, il des-sine, d’une mine très fine, trèsgrise, les inconstances de cet Al-ceste dont « les sentiments sontcombattus par lui aussitôt qu’il lesvoit dans la bouche d’autrui ». Clo-tilde de Bayser donne un charme à« l’humeur coquette et l’esprit médi-sant » de Célimène. Mais l’ascen-dant de cette présentation du Mi-santhrope est ailleurs, il est dans ce« grand aveuglement » où chacunde nous « est pour soi ».

Michel Cournot

La doubleattirance de Peter Eötvös, chef et compositeurATELIER. Helmut LACHEN-MANN : « ... Zwei Gefühle... » Mu-sik mit Leonardo. Martin Kalte-necker (présentation), HelmutLachenmann (récitant), En-semble intercontemporain, Pe-ter Eötvös (direction). CONCERT. Peter EÖTVÖS : As ICrossed a Bridge of Dreams (créa-tion française). Claire Bloom (ré-citante), Christiane Schmeling(soprano), Stephanie Field(contralto), Matthias Horn (ba-ryton), Benny Sluchin (trom-bone contrebasse), Gérard Bu-quet (trombone alto), EnsembleInterContemporain, Peter Eöt-vös (direction). Thea Brejzek(mise en scène). Cité de la mu-sique, le 27 janvier.

D’apparence hermétique, la mu-sique de l’Allemand Helmut La-chenmann (né en 1935) devient évi-dente dès que le compositeurl’entoure de quelques com-mentaires. Même en français, iltrouve l’image juste pour présenterl’un des fleurons de son catalogueau cours d’un passionnant atelierproposé par l’Ensemble Inter-Contemporain. « ... Zwei Ge-fühle... » Musik mit Leonardo (1992)peut alors passer pour une Pasto-rale de mauvais temps associant ex-plosions orageuses et irruptionsvolcaniques « à l’inquiétude ducœur ». Oubliées les audaces instru-mentales et les aventures syn-taxiques de l’œuvre, Lachenmannaspire à être écouté comme Bee-thoven et révèle qu’à l’ultime dimi-nution de la masse sonore corres-pond « un crescendo de l’intensitéintime » !

La guitare, dans un petit effectifd’orchestre, en constitue la sourceharmonique. De son accord fonda-mental joué sur les cordes à videsont déduites de multiples transpo-sitions plus (à la harpe) ou moins(aux timbales) identifiables. Le réci-tant – Lachenmann en personne –énonce en allemand, enrichi dephonèmes, un texte de Léonard deVinci traitant de deux sentiments(« Zwei Gefühle ») contradictoiresinspirés par une « grotte mysté-rieuse » : la peur et le désir. Il en vaalors de la musique comme de lagrotte. On l’aborde sur ses gardesen suivant le pas à pas instrumen-tal, puis l’on s’y trouve happé parun souffle inouï avant de la quitterà reculons en titubant. Avec PeterEötvös comme éclaireur, l’En-semble intercontemporain effectuece parcours de façon idéale.

PASSER LE PONT DES RÊVESDepuis qu’il a quitté l’EIC (dont il

fut le directeur musical de 1979 à1991), le chef hongrois (né en 1944)s’est peu à peu imposé comme l’undes principaux compositeurs d’au-jourd’hui, notamment avec un su-perbe opéra, Trois sœurs, créé àLyon en 1998 et dont l’enregistre-ment live vient de paraître chezDeutsche Grammophon. Dans uneautre dimension (celle du « Klang-theater », « théâtre sonore » visuali-sé avec tact par Thea Brejzek) etdans un style plus « généraliste »,As I Crossed A Bridge of Dreams(créé en octobre 1999 à Donaues-chingen) a confirmé l’importanceartistique de Peter Eötvös.

Ce mélodrame, inspiré du journald’une Japonaise du XIe siècle, re-gorge de richesses expressives dansle registre de l’abandon, du relâche-ment des sens et de l’esprit. La mu-sique est à la fois inventive (recoursà deux trombones comportantdeux pavillons chacun) et naturelle(fond vocal de la récitante confié àtrois solistes polymorphes). Enoutre, Eötvös utilise l’électroniqueen fin dramaturge, qu’il s’agissed’entretenir l’onirisme par spatiali-sation (toujours très payante à laCité de la musique) ou de créer letrouble par exhibition (sur scène)d’un piano mécanique très sophis-tiqué. Avec, comme pour Lachen-mann, la volonté de jouer sur unedouble attirance puisqu’il est dit, enouverture, à propos du « pont desrêves » de l’héroïne japonaise :« Traverse-le et tu vas vers les diffi-cultés/Ne le traverse pas, et les diffi-cultés t’attendent tout de même. »

Pierre Gervasoni

Page 28: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

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C A R N E T LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000 / 31

Au sommaire

du numéro

de février

Le magazine résolument enseignant

Dossier : ZEP, ghetto ou tremplin

Un bilan en demi-teinte.

Reportages : ZEP des villes, ZEP des champs.

Interview de Ségolène Royal : « Vers des zones

d’excellence ».

P Entretien avec David Lodge.

P Les rapports parents-profs.

P Sortir de l’horreur mathématique.

P Allemagne : le mur tient bon.

P Débat : peut-on échapper

aux classes ethniques ?

P Génétique : le retard français.

P Guide culture.

Chez votremarchand

de journaux30 F - 4,57 ¤

AU CARNET DU « MONDE »

Naissances

– Ce matin, le 26 janvier 2000,la naissance d’une rosée miroitante aubeau soleil attendu,

Adélaïde Soon Young,qui signifie

« noble guerrière, douce et sage »,

chez Sung Zin BAE et ElisabethGERME,

honore ses grands-pères et ses grands-mères,

Soon Tae BAEet Young Hee LEE

(Séoul, Corée),

Jean-Michel GERMEet Marie-Anne PHÉLIZON

(Dunkerque, France).

« Gaudeat pater tuus et mater tua,Et exsultet quae genuit te. »

Prov. 23/25.

– Le jeudi 20 janvier de l’an 2000,une rose s’est éteinte, une autre s’estéclose, et sa petite voix s’est élevée.A l’Observance, deux bougies se sontallumées.

Bienvenue au Monde,

petite Eloïse.

Grand-père.

Sylvie KIPEN-RIVENC et François,Soledad et Hélios FIGUEROLA,

sont fous de joie d’annoncer la naissancede

Naïmeh,

le 25 janvier 2000,chez Julie GHERTMANet Hélios FIGUEROLA.

Anniversaires de naissance

– A l’attention d’une lectrice assiduedu carnet du jour,

joyeux soixante-septième anniversaire,

Maman,

nous te chérissons.

Nous à toi,Olivier, Marina, et ton petit-filsMaximilien.

– A l’occasion de tes six ans,

Sébastien,

je pense encore plus à toi et à

Laurette.

Nona.

Fiançailles

– Lyon.

Les familles COUDER et JUSTsont heureuses d’annoncer les fiançaillesde leurs enfants,

Stéphanie et Richard,

le dimanche 30 janvier 2000.

CARNET DU MONDETéléphones :

01-42-17-39-80 01-42-17-38-4201-42-17-29-96

Fax : 01-42-17-21-36 – e-mail: [email protected].

Décès

– Mme Ourida Belghoula,Fadhéla,

sa fille,Adly,

son fils,ont la douleur de faire part du décès de

M. Bouasria BELGHOULA,

survenu le 25 janvier 2000, à Paris.

L’inhumation aura lieu le 29 janvier,à Alger.

44, chemin de la Madeleine,Hydra, Alger.

– La famille Berthollea la douleur de faire part du décès de

M me Marie AntoinetteBERTHOLLE,

veuve de

M. Jean BERTHOLLE,artiste peintre

et membre de l’Institut de France,

survenu le 27 janvier 2000, dans saquatre-vingt-neuvième année, en son do-micile, à Paris-2e.

Priez pour elle !

La cérémonie religieuse sera célébréele lundi 31 janvier, à 15 heures, en l’égliseSaint-Roch, 296, rue Saint-Honoré, Pa-ris-1er, sa paroisse, où l’on se réunira.

L’inhumation aura lieu au cimetière duMontparnasse, dans le caveau de famille.

39, rue du Faubourg-Saint-Denis,75010 Paris.

– Notre-Dame-de-la-Rouvière. Paris.

Mme Camille Fambitakoye,M. et Mme Stéphane Perardet leur fille,

M. et Mme Philippe Solageset leurs enfants,

M. et Mme Hamoodet leurs filles,

Les familles Langlade, Pichon, Favre,Traynard, Carrot,

Parents, amis et alliés,ont la tristesse de faire part du décès de

M. Ousseini FAMBITAKOYE,directeur de recherche Orstom-IRD.

Une cérémonie aura lieu le samedi29 janvier 2000, à 14 heures, en l’égliseNotre-Dame-de-la-Rouvière, pour un der-nier hommage.

Jean GAUBERT

nous a quittés, samedi 22 janvier 2000.

Son épouse, Nadine,Ses amis et collègues du Centre d’édu-

cation permanente de l’université Paris-Xl’accompagneront, samedi 29 janvier, aucrématorium du Père-Lachaise (entréeGambetta), à 11 h 15.

– On nous prie de faire part du rappelà Dieu de

M. Jacques HOMBERG,chevalier de l’ordre national du Mérite,

survenu à Paris, le 25 janvier 2000, danssa quatre-vingt-quatorzième année.

Selon sa volonté, les obsèques ont étécélébrées dans la plus stricte intimité.

– Catherine Bouretz Izzo,sa femme,

Sébastien Izzo,son fils,

Isabelle Izzo,sa mère,

Et ses amis,font part de la mort de

Jean-Claude IZZO,romancier, poète.

Les obsèques auront lieu le lundi31 janvier, à 11 heures, au crématoriumSaint-Pierre, à Marseille.

Cet avis tient lieu de faire-part.

Pour toute correspondance :Catherine Izzo,Editions Gallimard,5, rue Sébastien-Bottin,75007 Paris.

– Antoine Gallimard,Les Editions Gallimard,Les auteurs,Et toute l’équipe de la Série noire,

ont la tristesse de faire part de la dispari-tion de

Jean-Claude IZZO.

– Michel Le Bris,Et la société Mégaliths,

ont la tristesse de faire part du décès de

Jean-Claude IZZO,écrivain,

cofondateur du festival« Saint-Malo, Etonnants Voyageurs. »

– Les Editions Flammarion et J’ai lu,expriment leur profonde tristesse à lafamille et aux amis de

Jean-Claude IZZO,

qui nous a quittés, mercredi 26 janvier.

« On meurt toujours sans avoir revu[le printemps. »

Louis Brauquier.« En vrai, la vie est parfois plus belle

[que les rêves. »Jean-Claude Izzo.

(Le Monde des 27 et 28 janvier).

– Le docteur Françoise Buzelina la grande tristesse de faire part du décès,survenu le 27 janvier 2000, de

Nazmi KARAKULLUKÇU.

L’inhumation aura lieu en Turquie, àBorçka (Géorgie turque).

– Mme Irène Maire,Sophie et Céline Maire,Frédérique Audy et Léo Trébuchon,Patrick Proy,Marion Caillard,Parents et alliés,

ont la tristesse de faire part du décès de

M me veuveJosel KOENIGSBERG,

née Simonne CAPUT,

survenu dans sa quatre-vingt-deuxièmeannée.

L’incinération aura lieu le vendredi28 janvier 2000, à 16 h 30, au crémato-rium de la Guillotière, à Lyon.

– Mme Paule Simoën-Eelsen,M. et Mme Jean-Claude Simoën,M. et Mme Gérard Simoën,Mme Elise Narbéburu,

ses enfants et beaux-enfants,Christian, Muriel et César Eelsen,Catherine et Maxime Eelsen,Eric, Nathalie et Jil Eelsen,Bertrand Simoën et Elodie Deglaire,Marc, Céline et Tess Randazzini,Lucie et Hugo Simoën,

ses petits-enfants et arrière-petits-enfants,ont la tristesse de faire part du décès de

André SIMOËN,

survenu le 26 janvier 2000, dans saquatre-vingt-onzième année.

La cérémonie religieuse aura lieu le sa-medi 29 janvier, à 11 heures, en l’égliseNotre-Dame-des-Sables, à Berck-Plage.

Cette annonce tient lieu de faire-part.

Anniversaires de décès

Isabelle BONNET(2 mai 1963 - 28 janvier 1986)

n’aura pas connu les années 2000.

Ne l’oubliez pas.

– Il y a trois ans, le 29 janvier 1997,disparaissait

Paul LAVAL.

Ceux qui l’ont connu ont une penséepour lui.

– Une pensée pour

Pierre MIFSUD,professeur à université

Jean-Monnet de Saint-Etienne,

qui nous a quittés le 29 janvier 1992.

Merci à ceux qui l’ont aimé et gardentsa mémoire vivante.

Messes anniversaires

– En souvenir de

Jean PRIOU,

une messe sera célébrée le lundi 31 jan-vier 2000, à 18 h 15, en la crypte del’église Saint-Charles de Monceau,22bis, rue Legendre, Paris-17e.

Services religieux

– Un service religieux aura lieu le di-manche 30 janvier 2000, à 18 heures, à lasynagogue Copernic, 24, rue Copernic,Paris-16e, à l’attention de

Isabelle VAN CLEEF,née MARMIN,

décédée le 23 novembre 1999.

Débats

– Le Festival internationald’art lyrique d’Aix-en-Provenceorganise une série de rencontres,

débats et projectionsautour de la programmation

du prochain festival.

Dimanche 30 janvier 2000Une journée consacrée au compositeurLeos Janácek et L’Affaire Makropoulos.

A partir de 11 heures,cinéma MK2 Quai de Seine,

10, quai de Seine, 75019 Paris.Métro Jaurès ou Stalingrad.

Renseignements : 01-44-88-59-59.

Conférences

Qu’est-ce que la Kabbale ?Le Centre d’étude de la Kabbale vous

invite à une séance d’information gratuitesur la Kabbale les lundis :

31 janvier, 7 février,et 14 février 2000, à 20 h 30.

Une collation vous sera offerte à la finde la conférence.

La session des dix cours débutera le :lundi 21 février, à 20 h 30.

Pour tous renseignements,appelez au : 01-45-03-50-30.

Soutenances de thèse

– M. Moustapha Sanogo a soutenuavec succès, le samedi 2 octobre 1999,une thèse de doctorat intitulée « Le sys-tème des classes d’âge et l’organisationdes rituels dans la société initiatique duKoma (pays worodougou, région deSeguéla, Côte d’Ivoire) ».

Le jury était composé de MM. MichelCartry, directeur d’études à l’Ecole pra-tique des hautes études, section dessciences religieuses, directeur de thèse ;Alfred Adler, directeur d’études à l’Ecolepratique des hautes études, section dessciences religieuses ; Andras Zempléni,directeur de recherches au CNRS.

M. Moustapha Sanogo a été déclarédigne du titre de docteur de l’Ecole pra-tique des hautes études, section sciencesdes religions, avec la mention Très Hono-rable et les félicitations du jury.

– M. Rubin Pohor a soutenu avecsuccès, le jeudi 28 octobre 1999, une thèsede doctorat intitulée « La contributiondes Eglises protestantes au développe-ment de la Côte d’Ivoire à traversl’éducation (1945-1993) ».

Le jury était composé de MM. Jean-Paul Willaime, directeur d’études àl’EPHE, section des sciences religieuses,directeur de thèse ; Jean Baubérot, direc-teur d’études à l’EPHE, section dessciences religieuses ; Philippe Laburthe-Tolra, doyen honoraire de la faculté dessciences humaines et sociales de la Sor-bonne, université Paris-IV ; René Luneau,ingénieur de recherches au CNRS.

M. Rubin Pohor a été déclaré digne dutitre de docteur de l’Ecole pratique deshautes études, sciences des religions, avecla mention Très Honorable et les félicita-tions du jury.

– Mme Pascale Bermon-Farago a soute-nu avec succès, le samedi 22 janvier2000, une thèse de doctorat intitulée« L’assentiment et son objet dans leCommentaire des sentences de Gré-goire de Rimini (1300-1358). Précédéd’une étude sur la formation logique,philosophique et théologique du “doc-teur authentique” ».

Le jury était composé de MM. Alain deLibéra, directeur d’études à l’Ecole pra-tique des hautes études, section dessciences religieuses, directeur de thèse ;Olivier Boulnois, directeur d’études àl’Ecole pratique des hautes études, sectiondes sciences religieuses ; Jean-FrançoisCourtine, professeur à l’universitéParis-IV-Sorbonne ; Frédéric Nef, profes-seur à l’université Rennes-I.

Mme Pascale Bermon-Farago a étédéclarée digne du titre de docteur del’Ecole pratique des hautes études,sciences des religions, avec la mentionTrès Honorable et les félicitations du jury.

– M. Francis Gautier a soutenu avecsuccès, le samedi 15 janvier 2000, unethèse de doctorat intituée « La retraite etle retour au monde chez Grégoire deNazianze ».

Le jury était composé de MM. AlainLe Boulluec, directeur d’études à l’Ecolepratique des hautes études, section dessciences religieuses, directeur de thèse ;Philippe Hoffmann, directeur d’études àl’Ecole pratique des hautes études, sectiondes sciences religieuses ; Pierre Maraval,professeur à l’université Paris-IV-Sorbonne ; Claudio Moreschini, profes-seur à l’université de Pise ; Mme Marie-Louise Reiniche, directeur d’études àl’Ecole pratique des hautes études, sectiondes sciences religieuses.

M. Francis Gautier a été déclaré dignedu titre de docteur de l’Ecole pratique deshautes études, sciences des religions, avecla mention Très Honorable et les félicita-tions du jury.

Communications diverses

Recherche famillede M. Gibelin,

proviseur du lycée Louis-le-Grandpendant l’Occupation.Tél. : 01-42-60-85-77.

Vous pouveznous transmettre

vos annonces la veillepour le lendemainjusqu’à 17 heures

Permanence le samedijusqu’à 16 heures

DISPARITIONS

John Donald BudgeLe premier tennisman à avoir réussi le Grand Chelem

L’ANCIEN champion de tennisaméricain John Donald (« Don »)Budge est mort dans un hôpital deScranton (Pennsylvanie), mercredi26 janvier, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Il avait été grièvementblessé dans un accident de la cir-culation six semaines auparavant.

Fils d’un footballeur écossaisémigré en Californie, Don Budgeest né le 13 juin 1915 à Oakland(Californie). Au tennis, il avaitd’abord préféré le basket et le ba-seball, qui forme son revers vif etrapide. Sa stature, imposante pourl’époque (1,85 m), lui permet ausside développer un puissant service.A dix-neuf ans, il décroche sa pre-mière sélection dans l’équipe amé-ricaine de Coupe Davis, épreuvealors dominée par la Grande-Bre-tagne de Fred Perry. L’année sui-vante, en 1936, il s’incline contrece même Perry en finale de Wim-bledon et de Forest Hills. En 1937,il s’impose enfin dans ces deuxtournois. La même année, il porteson équipe à la victoire en CoupeDavis en remportant ses trois mat-ches : deux simples et le double.

Don Budge refuse alors de re-

NOMINATIONS

DÉFENSELe conseil des ministres de mer-

credi 26 janvier a approuvé lespromotions et nominations sui-vantes dans les armées :

b Air. Est promu général de bri-gade aérienne, le colonel MichelTognini.

b Marine. Est élevé au rang et àl’appellation de vice-amiral d’es-cadre, le vice-amiral Jean-LouisBattet.

Est promu vice-amiral, lecontre-amiral François Pézard.

Est nommé adjoint au comman-dant la force d’action navale pourles états-majors et forces de sur-face basés en Méditerranée, lecontre-amiral Pierre Toubon.

b Gendarmerie. Est promu gé-néral de brigade, le colonel RobertPigeyre.

b Armement. Sont promus : in-génieur général de premièreclasse, l’ingénieur général dedeuxième classe Jacques Nouar ;ingénieur général de deuxièmeclasse, les ingénieurs en chef Mi-chel Sancho, Joël Marcon et JeanMercier.

Sont nommés : président de lasection « études générales » duconseil général de l’armement,l’ingénieur général hors classe Gé-rald Boisrayon ; inspecteur del’armement terrestre, l’ingénieurgénéral de deuxième classe Fran-çois Bée.

DIPLOMATIEPierre Viaux a été nommé am-

bassadeur en Australie, par décretpublié au Journal officiel du 21 jan-vier, en remplacement de Domi-nique Girard.

[Né le 23 février 1945 à Paris, ancien athlètede haut niveau, Pierre Viaux est diplômé del’Institut d’études politiques de Paris et an-cien élève de l’ENA (1975-1977). Après un dé-but de carrière dans la préfectorale, il a éténotamment en poste à La Paz (1982-1984), àSan Francisco (1986-1990), à Sao Paulo (1992-1995) et à l’administration centrale du Quaid’Orsay, avant d’être ambassadeur aux Sey-chelles (1995-1996). De février 1996 à juin1999, Pierre Viaux était directeur des sportsau ministère de la jeunesse et des sports.]

Denis Vène a été nommé am-bassadeur au Niger, par décret pu-blié au Journal officiel du 26 janvier,en remplacement d’Albert Pavec,qui part à la retraite.

[Né le 2 septembre 1942, ancien agriculteur(1967-1984), Denis Vène est ancien élève del’ENA (1984-1986). Il a été notamment enposte à Brazzaville (1988-1990), à Bogota(1990-1993) et à l’administration centrale duQuai d’Orsay. Depuis avril 1998, Denis Vèneétait chef du service des affaires internatio-nales au ministère de l’aménagement du ter-ritoire et de l’environnement.]

PRESSEDanièle Burguburu, conseiller

d’Etat, a été nommée présidente

de la commission de surveillanceet de contrôle des publicationsdestinées à l’enfance et à l’adoles-cence, en remplacement de Mi-chèle Gendreau-Massaloux,conseiller d’Etat, qui occupait ceposte depuis mars 1999 et vientd’être élue rectrice de l’Agenceuniversitaire de la francophonie.

[Née le 16 août 1944 à Toulouse, licenciéeen droit, Danièle Burguburu a été avocate aubarreau de Paris (1968-1979), avant d’entrerdans la magistrature. Elle a occupé notam-ment la fonction de secrétaire général duConseil supérieur de la magistrature (1981-1992). En décembre 1992, Danièle Burguburua été nommée conseiller d’Etat au tour ex-térieur.]

Nos abonnés et nos action-naires, bénéficiant d’uneréduction sur les insertionsdu « Carnet du Monde»,sont priés de bien vouloirnous communiquer leur

numéro de référence.

JOURNAL OFFICIEL

Au Journal officiel du jeudi 27 jan-vier sont publiés :

b Accords internationaux : undécret portant publication de l’ac-cord entre les gouvernements fran-çais et hongrois relatif à la coopéra-tion en matière d’affaires intérieures,signé à Budapest le 16 janvier 1997 ;un décret portant publication de l’ac-cord entre les gouvernements fran-çais et lituanien relatif à la réadmis-sion des personnes en situationirrégulière, signé à Vilnius le 4 dé-cembre 1998.

Au Journal officiel du vendredi28 janvier sont publiés :

b Accords internationaux : uneloi autorisant l’approbation d’un ac-cord entre les gouvernements fran-çais et algérien sur l’encouragementet la protection réciproques des in-vestissements ;

une loi autorisant l’adhésion de laFrance à la convention sur les privi-lèges et immunités des institutionsspécialisées approuvée par l’assem-blée générale des Nations unies le21 novembre 1947 ; une loi autorisantl’approbation de la convention entreles gouvernements de la France, del’Allemagne, de l’Italie, de la Grande-Bretagne et de l’Irlande du Nord

portant création de l’organisationconjointe de coopération en matièred’armement (Occar) ; une loi autori-sant l’approbation du protocole vi-sant à amender le paragraphe 2 del’article X de la convention interna-tionale pour la conservation des tho-nidés de l’Atlantique ; un décret por-tant publication des amendements àla convention sur la circulation rou-tière du 8 novembre 1968 adoptés àGenève le 1er février 1991.

b Transports routiers : un décretrelatif à la durée du travail dans lesentreprises de transport routier demarchandises.

joindre les rangs professionnelspour mieux s’employer à conser-ver le fameux « saladierd’argent ». Il y parvient en 1938,tout en réalisant un exploit, le« Grand Chelem », remportant lesquatre plus prestigieux tournoisdu calendrier – les Internationauxd’Australie, de France, de Grande-Bretagne et des Etats-Unis. Seulun autre homme, l’Australien RodLaver, rééditera cet exploit, en1962 et en 1969. Don Budge de-vient finalement professionnelaprès avoir accumulé 92 victoiresconsécutives et 14 victoires entournois entre janvier 1937 et fin1938. Mais, engagé dans l’aviationaméricaine en 1942, il se blesse àl’épaule à l’entraînement, se pri-vant d’une partie de ses moyens àla reprise du circuit professionnelaprès la guerre.

Patricia Jolly

a FRIEDRICH GULDA, pianisteet compositeur autrichien, estmort d’une crise cardiaque jeudi27 janvier, à l’âge de soixante-neufans (lire page 28).

Page 29: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

LeMonde Job: WMQ2901--0032-0 WAS LMQ2901-32 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 10:45 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 22Fap: 100 No: 0395 Lcp: 700 CMYK

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K I O S Q U ELE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000

SUR LA TOILE

COPIAGE DE DVDa Jon Johansen, un Norvégien deseize ans poursuivi par la justice deson pays et par la MPAA (MotionPicture Association of America) pouravoir cassé le code protégeant lesDVD vidéo contre le copiage illicite(Le Monde du 26 janvier), va recevoirle soutien matériel et financier del’association américaine EFF (Elec-tronic Frontier Foundation). M. Jo-hansen a déclaré qu’il n’était pas l’au-teur du logiciel de décryptage, maisqu’il avait simplement déverrouilléun DVD vidéo afin de le visionnersur un ordinateur fonctionnant sousLinux (système d’exploitation libre).Considérant que l’industrie cinéma-tographique mène une « campagned’intimidation pour obliger la commu-nauté des techniciens à renoncer àleur liberté d’expression », EFF va éga-lement aider les personnes visées partrois plaintes déposées aux Etats-Unis par la MPAA.

EMPLOIS SANTÉa La bourse d’emplois mise en placepar le SNIP (Syndicat national del’industrie pharmaceutique) est dé-sormais accessible directement viaInternet. Les annonces d’offres et dedemandes d’emploi sont publiéesgratuitement.www.snip.fr

La « Kronenzeitung » n’est plus infaillibleHans Dichand, patron du plus influent des quotidiens autrichiens, ne voulait pas, pour le moment du moins,

du parti de Jörg Haider au gouvernement. Il a finalement changé d’avis« QUI GOUVERNE l’Autriche ? »

a-t-on demandé un jour au chance-lier Bruno Kreisky. Le vieux diri-geant socialiste n’a pas hésité :« Gerd Bacher et Hans Dichand ».Le premier était à l’époque « inten-dant général » de la télévision autri-chienne. Le second était et reste, àsoixante-dix-huit ans, le patron del’influent quotidien Kronenzeitung,qui a mené depuis quatre mois – enpure perte, semble-t-il – une ba-taille acharnée contre une alliancedes conservateurs avec l’extrêmedroite populiste de Jörg Haider.

« Quand la politique échoue – etelle le fait souvent – le peuple mani-feste sa volonté via la Kronenzei-tung », déclarait récemment HansDichand à l’AFP, au moment où ilcroyait encore à la possibilité de re-mettre sur pied un gouvernement

« rouge-noir » (socialiste-conserva-teur). Si, début février au plus tard,conservateurs et populistes réus-sissent à s’entendre, cela marquerala fin du dogme de l’« infaillibilité»de Dichand.

Car, selon une opinion ancréedepuis les années 70, il serait im-possible en Autriche de « gouvernercontre la Kronenzeitung ». Ima-gine-t-on un journal lu par vingtmillions de Français ? C’est, toutesproportions gardées, l’audience dece quotidien, qui touche 43 % dulectorat autrichien. Cette situationde quasi-monopole, unique en Oc-cident, lui a valu parmi la gaucheintellectuelle le surnom de « Prav-da autrichienne».

L’anticommunisme est pourtantl’un des réflexes de base de la NeueKronenzeitung (le Nouveau journal

de la Couronne), un titre qui a fêtédébut janvier son centenaire et quia été racheté par Hans Dichand,après la guerre, avec l’aide finan-cière d’un des barons du syndica-lisme autrichien. Journaliste d’ori-gine modeste, Hans Dichand a sudévelopper avec un instinct très sûr

une formidable machine média-tique, largement indépendantemalgré la participation, depuis1987, du groupe de presse allemandWAZ.

A première vue, la Kronenzeitungne se différencie guère de la pressequi fleurit à Hambourg ou àLondres : petit format et gros ca-ractères, peu de politique et beau-coup de faits divers, sans oublier lastarlette pulpeuse en page 5. Sonculte du sentiment national autri-chien, son obsession sécuritaire, safranche xénophobie – voire son an-tisémitisme, qui s’est épanoui du-rant l’« affaire Waldheim » –, sonanti-intellectualisme et sa défensede l’homme de la rue brimé par« les puissants » en font le véhiculeidéal du populisme cher à Jörg Hai-der, pour lequel Hans Dichand a

souvent montré sa sympathie. Touten prenant ses distances quand ilestime que son jeune poulain ga-lope contre le vent dominant.D’abord anti-européen, commeJörg Haider, il fait campagne en1994 pour le « oui » à l’Europe – ettremble jusqu’au bout dans l’at-tente du résultat du référendum.« Nous ne pouvons pas nous per-mettre de perdre », confiait l’un desdirigeants de la « Krone ».

Lorsque le FPÖ de Jörg Haiderdevient, le 3 octobre 1999, ledeuxième parti du pays, le vieuxpatron de presse somme son proté-gé de patienter encore dans l’anti-chambre du pouvoir. Hans Di-chand pense en effet que JörgHaider n’est « jamais aussi fort quedans l’opposition », comme il l’ex-plique à la radio autrichienne, niaussi efficace qu’en épée de Damo-clès suspendue au-dessus des par-tis traditionnels. Chaque jour de-puis la mi-octobre, le journal adonc martelé son message, atta-quant sans pitié le chef des conser-vateurs, Wolfgang Schüssel, soup-çonné de vouloir devenirchancelier avec l’aide des populis-tesdu FPÖ.

Le 19 janvier, la Kronenzeitungcroit triompher et salue l’accord– très fragile, comme la suite l’aprouvé – conclu entre socialistes etconservateurs. Quelques jours plustard, il doit faire piteusement re-traite et se joint au chœur de tousceux qui professent qu’une entréedu FPÖ au gouvernement est inévi-table.

Joëlle Stolz

www.ezln.orgL’alliance improbable du sous-commandant Marcos et de Speedy Gonzalez

LA PHOTO d’Emiliano Zapataest encore là, mais elle n’apparaîtplus qu’en filigrane – une vaguesilhouette grise sur fond blanc. Leportrait du vieux chef historiquefait désormais pâle figure à côtéde la nouvelle mascotte multico-lore et animée des guérilleros za-patistes : la souris Speedy Gonza-lez

Depuis le début du soulèvementdu Chiapas, les sympathisants del’EZLN (Armée zapatiste de libé-ration nationale) utilisent massi-vement Internet pour toucherl’opinion internationale. Un ré-seau de sites « semi-officiels », gé-ré par des associations militanteset des universitaires nord-améri-cains, publie régulièrement lestextes et communiqués de l’EZLN,des dépêches, des photos et uneimportante documentation sur leshabitants du Chiapas. Une ru-brique spéciale recense inlassable-ment les exactions et les crimescommis dans les villages par l’ar-mée et la police mexicaines.

A première vue, Speedy Gonza-lez appartient à un autre univers.

Née en 1953 dans les studios de laWarner à Hollywood, cette sourisde dessin animé est perpétuelle-ment pourchassée par un énormechat, mais elle en réchappe tou-jours, car elle court à une vitessequasi supersonique. Grâce à la té-lévision, Speedy est devenue rapi-dement aussi célèbre en Amériqueque Bugs Bunny ou le loup de Tex

Avery. Pourtant, pendant des dé-cennies, elle a été honnie par lesassociations d’immigrants mexi-cains vivant aux Etats-Unis : affu-blée d’un sombrero et d’un accou-trement folklorique désuet, elleparle anglais avec un accent espa-gnol passablement ridicule. Lacommunauté hispanique a consi-déré longtemps Speedy Gonzalez

comme le symbole de la condes-cendance des Yankees à sonégard.

Or, depuis quelques années, lanouvelle génération des « Lati-nos » semble moins sévère : aprèstout, cette souris espiègle et insai-sissable est la véritable héroïne del’histoire, tandis que le chat améri-cain qui la poursuit en vain est unloser définitif... Speedy Gonzalezpouvait donc être détournée auprofit de la cause des peuples indi-gènes et connaître une secondejeunesse. Sans doute désireux decorriger leur image austère et tra-gique, les responsables des sitesEZLN l’ont choisie comme em-blème, à tel point qu’on la voitsautiller joyeusement et crier« Yepa ! Yepa ! » dans presquetoutes les rubriques. On remarquecependant que son séjour chez leszapatistes l’a marquée : elle portetrès souvent le fameux passe-montagne des guérilleros et s’estmise à fumer la pipe, comme le« sous-commandant » Marcos.

Yves Eudes

DANS LA PRESSE

LIBÉRATIONGérard Dupuya Au-delà de ses revendicationspécuniaires, l’hôpital publicn’échappe pas à un trouble identi-taire à l’orée du nouveau siècle.Certaines professions sontconfrontées aux exigences du ren-dement tandis qu’en haut del’échelle on assiste à une fuite destalents vers le privé. Du coup, cha-cun cherche ses marques sans troples trouver, ce qui fait que les ma-nifestants hospitaliers ont l’air à lafois révoltés et déboussolés. L’hô-pital public est un pilier symbo-lique de la société moderne et enreflète les interrogations, voire les

déchirures. Il a toujours dû s’adap-ter, il lui faut aujourd’hui en partiese réinventer. Rien n’est plus diffi-cile, surtout quand d’arides pers-pectives financières équivalent àune panne d’analgésique.

LE POINTClaude Imberta La chute de Helmut Kohl est unetragédie. Tragédie humainementpoignante ! Histoire exemplaireaussi d’un changement d’époque,d’une mutation de l’idée démocra-tique. Enorme révolution qui tientmoins à l’audace des juges qu’audélabrement des citadelles éta-tiques ! C’est elle qui courbe legrand Helmut sous ses fourchesCaudines. « Meurtre du père »,

dit-on à Berlin. Peut-être, si l’onveut dire par là qu’une autre dé-mocratie, qu’une autre Allemagne,qu’une autre CDU chasse bon grémal gré, et avec Kohl, la dernièregénération d’hommes publics àavoir connu la guerre. Et qui avaitgrandi dans l’immunité des refon-dateurs. Kohl n’est, que l’on sache,soupçonné d’aucun enri-chissement personnel. (...) Quandon mesure l’éminence des servicesrendus par ce géant, le coassementdes nains met mal à l’aise. Nonque son délit fût excusable. Mais ledélit une fois découvert et la sanc-tion prononcée, on devrait en res-ter là et attendre que l’Histoirefasse son tri (Talleyrand ne s’ensort pas si mal...).

LCIPierre-Luc Séguillona La révolte hospitalière est le ré-sultat de trois facteurs. Le premiermotif est conjoncturel : l’épidémiede grippe a surchargé les hôpitaux.La seconde raison est tradition-nelle : périodiquement, deshommes et des femmes qui ac-complissent un métier aussi duréprouvent le besoin d’exprimerleur lassitude. Mais la cause essen-tielle de cette agitation est la res-tructuration du monde hospitalier.Décidée en 1995, elle a pris un fortretard. Les hôpitaux qui devaientêtre fermés ne l’ont pas été àtemps. Du même coup, les établis-sements qui devaient être privilé-giés souffrent d’une rigueur indue.

Rambo demandé aux Urgences par Alain Rollat

LA TÉLÉVISION commercialea une façon bien à elle de positi-ver la violence : quand on lui re-proche Rambo, elle fabrique« Alerte à Malibu ». La produc-tion des séries américaines amondialisé cette loi du marchédes émotions alternatives. Sastratégie consiste à tenir les deuxbouts de la chaîne de consomma-tion en inventant de prétendusbesoins sociaux. Tantôt les télé-spectateurs sont priés d’ingurgi-ter des représentations du mondeopposant la violence à la vio-lence, légitimant la loi du talion,érigeant l’usage de la force enrègle de vie. Tantôt ils sont priésd’avaler des programmes substi-tuant la violence indirecte à laviolence directe, les catastrophesnaturelles ou accidentelles auxfaits divers criminels, l’expositiondes plaies à leurs causes.

Dans le premier rayon, celadonne Rambo, Terminator, Robo-cop, etc., autant de personnages

dont la représentation symbo-lique repose sur l’idée simple quel’homme incapable de se trans-former en vengeur est un hommemort. Les jeux vidéo sont pleinsde héros de ce type ; les cours derécréation aussi. Dans le secondregistre, cela donne « Alerte àMalibu », mettant en scène l’idéaldu secourisme, mais aussi « Ur-gences », confrontant les hérosd’Esculape aux réalités urbaineset à l’inefficacité des institutionssociales. Dans les deux cas, lamise en images se caractérise parla même surdramatisation.

Il y avait, dans le reportage quele journal de 20 heures deFrance 2 consacrait, jeudi, à l’hô-pital Edouard-Herriot de Lyon,une séquence digne en touspoints d’« Urgences ». Unhomme aux cheveux blancs, ma-lade, inconscient, tuyaux dans lenez, gisait sur un brancard, aban-donné depuis dix-huit heuresdans un couloir. Personne ne

s’occupait de lui. Scandalisée,une femme, peut-être l’épouse decet homme, interpellait courtoi-sement un médecin : « Je n’enveux pas au personnel, disait-elle,mais je suis effarée, qu’on traitecomme ça nos anciens... » Le mé-decin compatissait : « Je suis devotre avis... »

Le reporter enfonça le clou, àjuste titre, en mettant cette scèneà preuve de l’incurie injustifiabledes pouvoirs publics. La réalité,une fois de plus, avait rattrapé lafiction. Elle l’avait même dépas-sée puisque la violence faite auxmalades, dans les hôpitauxfrançais, n’est ni indirecte, ninaturelle, ni accidentelle, maisd’origine garantie inhumaine.Comment, après cela, à l’autrebout de la chaîne sociale, traitersérieusement la violence àl’école ? Il était dans l’ordre alter-natif des choses médiatiques queClaude Allègre fasse appel à« Navarro ».

EN VUE

a Sitôt nommé président de laCour suprême à la place du hautmagistrat Saeed uz ZamanSiddiqui, qui refusait de prêterserment devant le général PervezMusharraf, nouvel homme fortdu Pakistan, le juge IrshadHassan Khan a prêté serment.

a « Les installations sont encoreplus fragiles depuis que lesmilitaires ont enfoncé les portesavec un blindé, lors du putsch dedécembre 1999 », déplore, aprèsl’évasion de vingt-quatre jeunesdétenus, Dégui Brou, responsabledu Centre d’observation desmineurs à la maison d’arrêtd’Abidjan.

a Tout un quartier dénoncé pour« vol de courant électrique »,plongé dans le noir et le froid, asoudain retrouvé lumière etchaleur, en rebranchant sesinstallations de fortune, après ledépart de la police, mercredi26 janvier, à Torre del Grecoen Italie.

a Avec le nouvel éclairage duChrist Rédempteur qui surplombela baie, la municipalité de Rioéconomisera 30 % d’énergie.

a Soutenu par l’association Non àla croix, animée par la familleNez, le curé deNancray-sur-Rimarde (Loiret)refuse de bénir la croix de plus de7 mètres, clignotant la nuit, érigéedans leur jardin par les épouxChelly.

a Le mendiant de l’église duPuy-en-Velay a été condamné,jeudi 27 janvier, à douze ans deréclusion criminelle pour avoirpoignardé un rival qui lui faisaitde l’ombre sur le parvis.

a Désormais, au même titre quele vitriolage des femmes,vengeance courante dans le pays,la mutilation des bébés, pour enfaire des mendiants convaincants,sera passible de la peine de mortau Bangladesh.

a La seconde épouse d’unhabitant du village de Jeftlik, prèsde Jéricho en Cisjordanie, vient detuer son nourrisson qui préféraitle sein de la première, sa rivale.

a Cinq ans après les mésaventuresde Didier Borgeaud, éducateurspécialisé, poursuivi endiffamation, condamné à la prisonavec sursis, renvoyé de l’école oùil était en formation pour avoirdénoncé les méthodes d’uninstitut médico-éducatif du Gers,Bernadette Bongage et CristelCornier, salariées du mêmeétablissement, témoignent : « Lespetits handicapés y sont toujoursmaltraités. »

a « Le zoo de Vincennes étantfermé depuis la tempête, il estinutile, malgré l’émotion provoquéepar la nouvelle, que le publicmanifeste son attachement par saprésence sur place », communiquele Muséum national d’histoirenaturelle, après la mort du grandpanda Yen Yen.

Christian Colombani

Page 30: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

LeMonde Job: WMQ2901--0033-0 WAS LMQ2901-33 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 08:33 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 22Fap: 100 No: 0396 Lcp: 700 CMYK

R A D I O - T É L É V I S I O N LE MONDE / SAMEDI 29 JANVIER 2000 / 33

VENDREDI 28 JANVIER

SAMEDI 29 JANVIER

SIGNIFICATION DES SYMBOLES

Les codes du CSA& Tous publics% Accord parental souhaitable? Accord parental indispensable

ou interdit aux moins de 12 ans! Public adulte

Interdit aux moins de 16 ans# Interdit aux moins de 18 ans

Les cotes des filmsa On peut voir

a a A ne pas manquera a a Chef-d’œuvre ou classiqueLes symboles spéciaux de Canal +DD Dernière diffusiond Sous-titrage spécial pour

les sourds et les malentendants

GUIDE TÉLÉVISION

DÉBATS

22.00 Infidélité, mon amour... Forum23.00 Le Poète dans la cité. Forum

MAGAZINES

18.20 Nulle part ailleurs. Invités : Louise Attaque ; DjamelBourras ; Didier Bourdon ;Tony Hawk. Canal +

19.00 Tracks. Tribal : LAN-Party freaks.Dream : Barry White.Live : Suede. Arte

19.30 Rive droite, rive gauche. Best of. Paris Première

20.05 C’est la vie. Vivre avec un alcoolique. TSR

20.50 Succès. Invité : Marc Jolivet. TF 120.50 Thalassa.

Les larmes sèches de l’Aral. France 321.00 Recto verso.

Patrick Bruel. Paris Première21.05 T’as pas une idée ?

Avec Michèle Bernier. Canal Jimmy21.30 L’Invité de PLS. LCI22.00 Faut pas rêver. Burkina Faso :

La mare aux crocos. France :L’instrument du roi. Espagne :Les sociétés gastronomiques. France 3

22.45 Bouillon de culture. Les aventuresde Jean-Paul Sartre. France 2

23.05 C’est quoi l’amour ? TF 1

DOCUMENTAIRES

20.15 Reportage. La Revanchedes lions de mer. Arte

21.00 Les Celtes. [4/6]. Histoire21.55 Les Grandes Expositions. Planète21.55 Intégrales coulisses.

Jean-Marie Bigard. Paris Première22.00 La Guerre de Corée.

[4/4]. Histoire22.05 David Bowie,

Changes. Canal Jimmy22.25 Le Génie d’Igor Sikorsky. Planète23.10 Autour de Pinget. RTBF 123.45 Le Musée d’Orsay. [1/6]. Histoire23.55 Irish Ways,

la guerre oubliée. Planète0.45 Les Ateliers du rêve. [4/6]. Histoire0.50 Les Mystères du langage

des enfants sourds. Planète

SPORTS EN DIRECT

20.30 Football. Coupe d’Afrique des Nations. (1er tour) Groupe 1 :Cameroun - Côte d’Ivoire. Eurosport

DANSE

19.30 Don Quichotte. Ballet.Chorégraphie de Mikhaïl Baryshnikov.Musique de Minkus.Par l’American ballet Theatre. Muzzik

MUSIQUE

21.00 Concertos, de Bach. Lors de la Folle Journée Bach. AvecAlain Planès, piano ; Jean-FrançoisHeisser, piano ; Hüseyin Sermet,piano. Par le Collegium InstrumentaleBurgense, dir. Patrick Peire. Mezzo

FRANCE-INTER20.00 Ecoutez... des anges passent Zoé Varier tricote dans son émis-sion vespérale « Ecoutez... desanges passent » ce qu’elle appellejoliment des « reportages-por-traits ». Ce soir, elle dresse de savoix de petite fille étonnée le por-trait d’une directrice d’école indo-nésienne qui s’est placée commedomestique dans une famille saou-dienne avant de finir esclave àParis.

ARTE22.20 La moindredes choses a a

Un film de plus d’une heure et de-mie, réalisé par Nicolas Philibert,qui décrit les répétitions d’unepièce de Witold Gombrowicz, Opé-rette, à la clinique de La Borde,haut lieu de l’antipsychiatrie.« Fous » et soignants y travaillentensemble jusqu’à en devenir indis-cernables. Un film juste et beau,récompensé par plusieurs prix in-ternationaux.

CINÉ CINÉMAS 323.05 Le Petit Homme a a

L’histoire d’un petit garçon sur-doué, Fred, et ses rapports avec samère de substitution – la directriced’un institut de « jeunes cer-veaux » – et avec sa mère biolo-gique. Jodie Foster, elle-mêmejeune prodige, signe ici sa pre-mière réalisation, adaptée d’unlivre de Scott Frank. Un film simpleet sobrement sentimental, oùéclate le personnage solitaire etsurdoué de Fred. En v.o.

PROGRAMMES

TÉLÉVISION

TF 118.25 Exclusif.19.05 Le Bigdil.19.55 et 1.18 Clic et net. 20.00 Journal, Météo.20.50 Succès. 23.05 C’est quoi l’amour ?0.30 Les Coups d’humour.1.05 TF 1 nuit, Météo.

FRANCE 218.25 Nash Bridges. 19.15 Qui est qui ?19.50 Un gars, une fille. 20.00 Journal, Météo.20.50 Dossier, disparus.

Richard et Ben. 21.40 Amanda %.

22.35 Un livre, des livres.22.40 Bouche à oreille.22.45 Bouillon de culture. 0.05 Journal, Météo.0.30 Histoires courtes.

Soins et beauté. Alejandra Rojo.1.10 Mezzo l’info.

FRANCE 317.40 Le Kadox.18.13 Comment ça va aujourd’hui ? 18.20 Questions pour un champion.18.50 Le 19-20 de l’information, Météo.20.05 Fa si la.20.35 Tout le sport. 20.50 Thalassa. Les larmes sèches de l’Aral.22.00 Faut pas rêver. 23.00 Météo, Soir 3.23.25 La Grande Bouffe a a a

Film. Marco Ferreri ?.

CANAL +17.45 C’est ouvert le samedi. f En clair jusqu’à 21.0018.20 Nulle part ailleurs. 19.05 Le Journal du sport.20.30 Allons au cinéma ce week-end.21.00 Un cri dans l’océan a

Film. Stephen Sommers. ?.22.40 Jackie Brown a

Film. Quentin Tarantino %.1.10 L’Œil du cyclone. Blaxploitation.1.35 South Park. 1.55 Seinfeld. 2.25 Las Vegas Parano a

Film. Terry Gilliam (v.o.) ?.

ARTE19.00 Tracks. 19.45 Arte info, Météo.20.15 Reportage.20.40 Meurtres en sourdine.

Téléfilm. Christian Görlitz.22.20 La Moindre des choses a a

Film. Nicolas Philibert %.0.00 Martin et Léa a a

Film. Alain Cavalier.

M 619.50 Aujourd’hui, Christophe a testé...19.54 Le Six Minutes, Météo.20.05 Une nounou d’enfer. 20.40 Décrochages infos.20.50 La Chute.

Téléfilm. Michael Steinke %.22.35 X-Files, l’intégrale.

Tunguska [1 et 2/2].0.15 Cracker. En souvenir

de Hillsborough [1/2] %.

RADIO

FRANCE-CULTURE20.30 Black and Blue. 21.30 Fiction 30. Possession, de Derex.22.10 Multipistes.22.30 Surpris par la nuit. 0.00 Du jour au lendemain.

FRANCE-MUSIQUES20.05 Concert franco-allemand.

Par l’Orchestre philharmonique de Radio France, dir. Kent Nagano : œuvres de Kancheli, Goubaïdoulina,Bartok.

22.30 Alla breve. Œuvre de Haddad.22.45 Jazz-Club.

RADIO CLASSIQUE20.15 Les Soirées.

Œuvres de Chostakovitch : Concerto pour piano et orchestre no 2, par l’Orchestre de chambre de Saint-Paul, dir. Hugh Wolff ; La Polka de l’âge d’or, par l’Orchestre philharmonique de Londres, dir. Bernard Haitking.

20.40 Johann Adolf Hasse. Œuvres de Hasse, Porpona, Scarlatti, Hasse, Bach, Haydn, Frédéric II,Galuppi.

22.40 Opéra. Saint-François d’Assise [2/2], de Messiaen, par le Chœur Arnold Schoenberg et le Hallé Orchestra, dir. Kent Nagano.

GUIDE TÉLÉVISION

DÉBATS

12.10 et 17.10 Le Monde des idées. LCI

21.00 L’Art aborigène. Forum Planète

22.00 Les Manipulationsde l’histoire. Forum Planète

23.00 Tigre, le prédateurprotégé. Forum Planète

MAGAZINES

13.50 Savoir plus santé. Les traitementsdu Parkinson. France 2

13.55 Pendant la pub.Invité : Michel Serrault. TMC

14.15 Bouillon de culture. Les aventuresde Jean-Paul Sartre. TV 5

18.50 et 0.40 Union libre.Invité : José Garcia. France 2

19.00 T.V. +. Canal +

19.00 Histoire parallèle.Semaine du 29 janvier 1950.L’Inde entre en république. Arte

19.00 Recto verso.Patrick Bruel. Paris Première

19.50 Toy Story 2,les coulisses. Disney Channel

20.25 Le Club.Jean Becker. Ciné Classics

20.30 57e Cérémoniedes Golden Globes. Ciné Cinémas

20.35 Planète animal.Les défis de la vie [12/12] : commentassurer sa descendance. TMC

20.55 Les Lumières du cinéma. France 2

21.05 Thalassa.Trahison sur commandes. TV 5

21.40 Metropolis. Europe, nous voilà !La République tchèque.Entretien avec Jorge Semprun. Arte

22.15 Envoyé spécial.Atlanta, la cité des femmes. Russie, la prison des ripoux. La bataille des robots.P.-s. : Les serviteurs de Dieu. TV 5

22.30 Planète Terre. L’homme technologique [5/8] :temps et mouvement. TMC

22.40 Strip-tease.Le charme du photographe. Alain àl’ombre. Alain au soleil. France 3

23.45 Les Grands Débats.Face à face avec Waldeck Rochet, le 7 mars 1966 [1/2]. Histoire

DOCUMENTAIRES

17.45 Envoyé spécial au paradis. [4/6]. Mission en Oregon,pays du bois. Planète

17.45 Le Cinéma muet. [5/5]. Le cinéma enItalie (1905-1906). Ciné Classics

18.05 Histoires de chevaux.Chevaliers d’Arabie. Odyssée

18.15 Les Celtes. [4/6].La souplesse des lignes. Histoire

18.20 Télévision (histoires secrètes).[3/3]. Les prédateurs. Planète

18.35 Les Cueilleurs de miel. Odyssée

19.15 La Guerre de Corée. [4/4].La sortie de la crise. Histoire

19.50 Le Paradis des autres.Le royaume sauvage. Planète

20.15 Herbert List.Le photographe du silence. Arte

20.35 Les Churchill.[3/3].1945-1965: Les héritiers. Odyssée

20.45 L’Aventure humaine.Un chaman en Himalaya. Arte

21.00 Le Musée d’Orsay. [3/6]. Histoire

21.25 Cinq colonnes à la une.[53e volet]. Planète

21.25 Patrick Henry,un procès capital. Odyssée

22.00 Les Ateliers du rêve.[6/6]. URSS Soviet Kino. Histoire

22.10 La Nuit Shadoks. Canal +

22.20 Aborigènes de Tasmanie.Le sanctuaire retrouvé. Planète

23.50 Les Merveillesdu delta de l’Okavango. Odyssée

0.00 Un siècle d’écrivains.Erskine Caldwell. France 3

0.20 Vatican.Jean-Paul Ier et la mort. Odyssée

SPORTS EN DIRECT

13.00 Ski. Coupe du monde : slalom géantdames (2e manche). Eurosport

14.05 Rugby. Championnat Elite 1 :Dax - Stade français. Canal +

15.10 Football. Coupe de la Ligue :Monaco - Strasbourg. . France 2

17.30 Handball. Championnat d’Europe(1re demi-finale). Pathé Sport

18.30 Football.Coupe d’Afrique des Nations:Zambie - Burkina Faso. Eurosport

20.30 Basket-ball. Championnat Pro A :Pau-Orthez - Limoges. Pathé Sport

20.40 Football. Coupe de la Ligue :Lyon - Bordeaux. France 3

20.45 Football.Coupe d’Afrique des Nations :Gabon - Algérie. Eurosport

23.00 Boxe. Poids lourds : Mike Tyson -Julius Francis. Canal + vert

1.00 Voile. Coupe de l’America. CoupeLouis-Vuitton : finale. Paris Première

2.00 Tennis. Open d’Australie :finale messieurs. Eurosport

DANSE

0.05 Un trait d’union. Ballet.Chorégraphie d’Angelin Preljocaj.Musique de Jean-Sébastien Bach etMarc Kahanne. Mezzo

0.30 Fall River Legend. Ballet.Chorégraphie d’Agnes DeMille. Parle Dance Theatre of Harlem. Mezzo

MUSIQUE

18.30 Concert à la mémoired’Herbert von Karajan.Enregistré en 1999. Dir. Claudio Abbado. Mezzo

19.35 « Symphonie no 41 », de Mozart.Par l’Orchestre d’Europe, dir. Nikolaus Harnoncourt. Mezzo

21.00 « Magnificat », de Bach.Par l’Ensemble Stradivariuset le Chœur Bilbao etl’Ensemble vocal Sagittarius, dir. Michel Laplénie. Mezzo

21.00 Les Noces de Figaro.Opéra de Mozart. Par l’Orchestrede chambre de l’Opéra d’Etat hongroisFailoni et l’ensemble Mille E Tre, dir. Jérôme Pillement. Muzzik

21.50 Bach. Partita pour violon et suite pour violoncelle.Avec : Régis Pasquier, violon ;Alain Meunier, violoncelle. Mezzo

22.40 Bach. Toccatas, préludes et fugues.Avec Alain Planès, piano. Mezzo

23.40 Mendelssohn.Concerto pour piano no 2. Par The Academy of St Martin in theFields, dir. sir Neville Marriner. Mezzo

0.05 Steel Pulse. . Paris Première

0.20 Marciac Sweet 99.Wynton Marsalis, trompette. Muzzik

TÉLÉFILMS

17.50 Le Temps d’un éclair.Marco Pauly. Festival

18.55 Charlemagne, le prince à cheval.Clive Donner [3/3]. Ciné Cinémas

20.35 Embrouilles dans la galaxie.Paul Schneider. Disney Channel

20.45 Billy. Marcel Bluwal. 13ème RUE

22.00 Intrigues impériales. Michael Anderson [1 et 2/2]. Festival

22.25 Le Sang des innocents.Miguel Courtois. 13ème RUE

22.40 Sors de ma vie. F. Buch. Arte

SÉRIES

17.10 Madame le proviseur.Bob et Samantha. %. France 2

17.40 Two. A trop soufflersur les braises. %. Série Club

18.25 The Practice. Avocats,journalistes et cafards. Série Club

20.00 Ally McBeal. Let’s Dance (v.o.). Téva

20.50 Le Caméléon. Echec... M 6

20.50 Les Grandes Marées. [7-8/8]. Téva

21.40 Profiler. ...et mat.La tête dans le sac. %. M 6

23.05 Shadoks.Les Trois Premières Séries. &. Canal +

FRANCE 322.35 Strip-TeaseCe magazine, de retour depuis ledébut de l’année, présente plu-sieurs sujets : un photographe,Serge Jacques, et sa façon d’ame-ner des jeunes filles à être photo-graphiées ; la façon dont un jeunegarçon « enfant de juge », empri-sonné très tôt, a beaucoup apprisen prison, et un autre film qui re-trouve ce même personnage,Alain, enfin libre mais en proie auxdifficultés de la vie quotidienne.

FRANCE 30.00 Un siècle d’écrivains :Erskine CaldwellEcrivain majeur du Sud améri-cain, Erskine Caldwell est le sujetde ce film d’Alain Moreau etd’Emmanuel Descombes. Il suitson enfance de fils de pasteur, aucontact des journaliers, noirs etblancs, ses rapports difficilesavec sa mère – puis avec lesautres femmes –, le tout alter-nant avec des documents sur laviolence et le racisme de cetteépoque et dans cette région.

ARTE0.10 Music Planet : John LennonLa véritable vedette de ce film, quifait la part belle aux « making of »,répétitions et autres images desenregistrements des chansons deLennon, c’est sa femme Yoko Ono.Son film Gimme Some Truth sert debase à ce document, signé par An-drew Solt et David Wolper ; on yvoit une Yoko Ono incompétentemais toujours sûre d’el le, ycompris vis-à-vis de musiciensd’exception comme Phil Spector.

PROGRAMMES

TÉLÉVISION

TF 114.50 Alerte à Malibu. 15.45 Un tandem de choc. 16.40 Dingue de toi. 17.15 Hercule. 18.05 Sous le soleil. 19.03 Etre heureux comme...19.05 Beverly Hills. 19.58 Bloc mode.20.00 Journal, Météo.20.50 Le Bestophe.23.10 Hollywood Night.

Les Guerriers de l’ombre 2. Téléfilm. Jon Cassar %.

0.55 Minuit sport.1.40 TF 1 nuit, Météo.

FRANCE 214.50 et 15.05, 16.55 Samedi sport.14.55 Tiercé. 15.10 Football. 17.10 Madame le proviseur. 18.50 Union libre.19.55 et 20.45 Tirage du Loto.20.00 Journal, Météo.20.55 Les Lumières du cinéma.23.20 Le Palmarès des Lumières.0.15 Journal, Météo.0.40 Union libre.1.45 Bouillon de culture. Les aventures

de Jean-Paul Sartre.

FRANCE 314.35 Les Pieds sur l’herbe. 15.05 Destination pêche.

Le marais du Cotentin.15.40 Couleur pays.18.10 Expression directe. RPR.18.20 Questions pour un champion.18.43 Un livre, un jour.18.50 Le 19-20 de l’information, Météo.20.05 Mister Fowler, brigadier chef. 20.40 Football.22.40 Strip-tease. 23.40 Météo, Soir 3.0.00 Un siècle d’écrivains.

Erskine Caldwell.0.50 Eteignez vos portables.1.15 Nocturnales.

Lille, chronique d’un faubourg.

CANAL +14.05 Rugby. 16.10 Football américain.f En clair jusqu’à 20.4017.04 Entre chien et chat. 17.05 A la une. 17.30 Décode pas Bunny.18.00 Samedi animation. 19.00 T.V. +.20.05 Les Simpson. 20.30 Le Journal du cinéma.20.40 Samedi comédie.

H. Une histoire de show-biz &. 21.05 South Park %. 21.25 Seinfeld &. 21.50 Spin City &.

22.10 La Nuit Shadoks.Les Shadoks, mythe ou légende ?23.05 Les Trois Premières Séries &.

LA CINQUIÈME/ARTE14.30 Passe-partout.

Le cannabis en questions.15.00 Le Journal de la santé.15.30 Pi égale 3,14... 16.00 Sur les chemins du monde.

[3/3]. Des animaux par millions. 16.55 Gaïa. [5/8]. 17.25 Va savoir.

18.00 Daktari. Le guépard apprivoisé.18.55 C’est quoi la France ?19.00 Histoire parallèle.

Semaine du 29 janvier 1950. L’Inde entre en république.

19.45 Arte info.20.00 Le Dessous des cartes.

Le monde, la nuit.20.15 Herbert List.

Le photographe du silence.20.45 L’Aventure humaine.

Un chaman en Himalaya.21.40 Metropolis. Europe, nous voilà !

La République tchèque. Entretien avec Jorge Semprun.

22.40 Sors de ma vie. Téléfilm. Franziska Buch.

0.10 Music Planet. John Lennon. Gimme Some Truth.

1.05 Peter Pan aFilm. Muet de Herbert Brenon.

M 615.10 Les Mystères de l’Ouest. 16.10 Mission impossible, 20 ans après. 17.10 Chapeau melon et bottes de cuir. 18.10 Amicalement vôtre. 19.10 Turbo.19.40 Warning. 19.54 Le Six Minutes, Météo.20.05 Plus vite que la musique. 20.40 Vu à la télé. Forme et beauté.20.50 La Trilogie du samedi.

Le Caméléon. Echec... [1/2]21.40 [2/2] ...et mat %. 22.30 Profiler. La tête dans le sac %.

23.25 Au-delà du réel. La peur elle-même %.

0.10 Poltergeist, les aventuriers du surnaturel. La berceuse. ?.

RADIO

FRANCE-CULTURE18.37 Profession spectateur. 20.00 Jazz à l’affût. 20.50 Mauvais genres.22.05 Comédie Française.

L’Ecole des femmes, de Molière.0.05 Clair de nuit.

FRANCE-MUSIQUES19.00 Le Chevalier à la rose.

Opéra de Strauss. Par le Chœur et l’Orchestre du Metropolitan Opera de New York, dir. James Levine.

23.30 Le Bel Aujourd’hui. Donné le 20 janvier, à l’auditorium du Musée d’Orsay, à Paris, par les Solistes de l’EIC, dir. Peter Eötvös : Œuvres de Eötvös, Schoenberg.

RADIO CLASSIQUE20.00 Les Soirées. César Franck.

Œuvres de Franck, Chausson.22.00 Da Capo. Les interprètes de Bach.

Œuvres de Bach.

FILMS

13.00 Las Vegas Parano aTerry Gilliam (GB, 1998, 115 min) ?. Canal + Vert

13.10 Les Sept Femmesde Barberousse a aStanley Donen (Etats-Unis, 1954, 110 min). Cinétoile

13.40 Créatures féroces aFred Schepisi et Robert Young (EU, 1996, v.o., 90 min) %. Ciné Cinémas 3

13.50 L’Or de Naples a aVittorio De Sica. Avec Toto, Sophia Loren (Italie, 1954, N., v.o., 140 min). Ciné Classics

20.45 Meurtre à la Maison Blanche aDwight H. Little (Etats-Unis, 1997, 100 min). RTBF 1

23.00 Aventures en Birmanie a aRaoul Walsh (Etats-Unis, 1945, N., v.o., 145 min). Ciné Classics

23.00 Paperhouse a aBernard Rose. Avec C. Burke,G.Headly, E. Spears (GB - EU, 1987, 95 min). Cinéfaz

23.05 Le Retourde Frankenstein a aTerence Fisher (GB, 1969, v.o., 100 min). Ciné Cinémas 3

0.45 Maudite Aphrodite a aWoody Allen (Etats-Unis, 1995, v.o., 95 min). Ciné Cinémas 3

1.10 The Crying Game a aNeil Jordan (Grande-Bretagne, 1992, 110 min) ?. Cinéstar 2

1.25 Jeux d’été a a aIngmar Bergman (Suède, 1951, N., v.o., 95 min). Ciné Classics

2.25 Le Petit Homme a aJodie Foster (Etats-Unis, 1991, 100 min). Ciné Cinémas 2

2.50 Nous irons tous au paradis a aYves Robert (France, 1977, 120 min). Cinétoile

3.00 Four Sons a aArchie Mayo (Etats-Unis, 1940, v.o., 85 min). Ciné Classics

4.10 La Bataille de Midway aJack Smight (Etats-Unis, 1976, v.o., 125 min). Ciné Cinémas 1

4.15 Les Affranchis a aMartin Scorsese (Etats-Unis, 1990, 140 min). Cinéfaz

4.50 Opening Night a a aJohn Cassavetes (Etats-Unis, 1978, v.o., 140 min). Cinétoile

FILMS

16.30 Maudite Aphrodite a aWoody Allen (Etats-Unis, 1995, 90 min). Ciné Cinémas 2

18.05 L’Or de Naples a aVittorio De Sica (Italie, 1954, N., v.o., 135 min). Ciné Classics

21.05 Torrents d’amour a aJohn Cassavetes (EU, 1984, v.o., 145 min). Cinétoile

21.10 Les Maîtres du temps a aRené Laloux (France, animation, 1981, 85 min). Cinéfaz

22.15 Quality Street a aGeorge Stevens (EU, 1937, N., v.o., 85 min). Ciné Classics

22.20 La Moindre des choses a aNicolas Philibert (France, 1996, 100 min) %. Arte

22.45 The Crying Game a aNeil Jordan (GB, 1992, v.o., 110 min) ?. Cinéstar 2

22.50 Fort Saganne a aAlain Corneau (France, 1984, 175 min). Ciné Cinémas 2

23.00 Les Aventures de Pinocchio a aLuigi Comencini (It. - Fr. - All., 1972, 135 min) &. Canal + Vert

23.05 Le Petit Homme a aJodie Foster. Avec Jodie Foster, Dianne West (Etats-Unis, 1991, v.o., 100 min). Ciné Cinémas 3

23.25 La Grande Bouffe a a aMarco Ferreri (France - Italie, 1973, 140 min) ?. France 3

23.40 Jeux d’été a a aIngmar Bergman (Suède, 1951, N., v.o., 95 min). Ciné Classics

0.00 Martin et Léa a aAlain Cavalier (France, 1979, 90 min). Arte

2.50 Malevil a aChristian de Chalonge (France, 1980, 115 min). Cinéfaz

3.55 Les Biches a aClaude Chabrol (France, 1968, 95 min). Cinétoile

21.00 Marciac Sweet 99. Bireli & Friends. Bill Carrothers& Didier Lockwood. Muzzik

22.55 David Bowie and Friends. Au Madison Square Garden, à NewYork, le 9 janvier 1997. Canal Jimmy

23.00 Concert à la mémoire d’Herbertvon Karajan. Œuvre de Mozart.Par l’Orchestre philharmoniquede Berlin et le Chœur de la radiosuédoise, dir. Claudio Abbado. Mezzo

THÉÂTRE

20.30 L’Excès contraire.Pièce de Françoise Sagan. Mise en scène. Michel Blanc. Festival

TÉLÉFILMS

20.40 Meurtres en sourdine. Christian Görlitz. Arte

20.50 La Chute. Michael Steinke. %. M 621.00 Nuit des pilotes.

Alien Nation, les mutants 1.Kenneth Johnson. Série Club

SÉRIES

20.50 Dossier, disparus. Richard et Ben. Amanda. %. France 2

20.50 First Wave. L’agave bleue. 13ème RUE21.35 La Planète des singes.

Le tyran. 13ème RUE22.30 I Love Lucy.

The Amateur Hour (v.o.). Téva22.35 X-Files, l’intégrale.

[1 et 2/2]. Tunguska. M 623.15 St Elsewhere. [2/2]. La maladie

du légionnaire. Le nid. Téva

Page 31: e o 17110 – 7,50 F - 1,14 EURO FRANCE ...Friedrich Gulda Après des débuts triomphaux au len-demain de la deuxième guerre mon-diale, Friedrich Gulda (photo), qui vient de mourir

LeMonde Job: WMQ2901--0034-0 WAS LMQ2901-34 Op.: XX Rev.: 28-01-00 T.: 11:05 S.: 111,06-Cmp.:28,11, Base : LMQPAG 22Fap: 100 No: 0397 Lcp: 700 CMYK

34

SAMEDI 29 JANVIER 2000

« Ibicus », de Pascal Rabaté, meilleuralbum de BD francophone à Angoulême

LE 27e FESTIVAL internationalde la bande dessinée d’Angou-lême a décerné son palmarès, jeu-di 27 janvier. Il récompense lesmeilleurs albums de l’année écou-lée.

b Meilleur album franco-phone : Ibicus, de Pascal Rabaté(éd. Vents d’ouest).

b Meilleur album étranger :Passage en douce, d’Helena Klaco-kar (éd. Fréon).

b Meilleur scénario : L’Ascen-sion du haut mal, de David B. (éd.L’Association).

b Prix Coup de cœur (ré-compensant un jeune auteur) : LeRéducteur de vitesse, de Chris-tophe Blain (éd. Dupuis).

b Prix humour : Blotch , deBlutch (éd. Fluide glacial).

b Prix du public, décerné parplus de 600 lecteurs connectés ausite Internet de L’Express : Le Ventdans les saules, de Michel Plessix(éd. Delcourt).

b Prix jeunesse, décernés parun jury d’enfants : les 7-8 ans ontchoisi Le Diable aux trois cheveuxd’or, de Céline Chicot (éd. Delcourt),les 9-12 ans Lanteust de Troy, d’Arles-ton et Tarquin (Soleil Production).

b Meilleur fanzine : le magazineFaille temporelle.

b Prix communication : « Nosuicide », campagne de la fondationsuisse Children Action.

b Prix de la critique (décerné parles journalistes membres de l’Asso-ciation des critiques de BD) : L’Artinvisible, comprendre la bande dessi-née, de Scott McCloud (Vertige gra-phic).

La plus haute récompense, leGrand Prix de la Ville d’Angoulême,sera attribuée dans la soirée du sa-medi 29 janvier, par l’Académie desgrands prix. Il sera suivi par un défiléde « Crumb’s girls » – en hommageà l’actuel président du festival,l’américain Robert Crumb (LeMonde du 27 janvier).

Tirage du Monde daté vendredi 28 janvier 2000 : 531 364 exemplaires. 1 - 3

Ben Barka : les « révélations » de « Paris-Match » contestées par « Libération »ALORS QUE le juge d’instruction Jean-Baptiste Parlos a lancé unecommission rogatoire internationale au Maroc afin de tenter de fairela lumière sur l’« affaire Ben Barka », les « révélations » de Paris-Matchsur les circonstances de la mort du leader de la gauche marocaine etl’endroit où seraient enterrés ses restes sont contestées. Dans sondernier numéro, l’hebdomadaire affirme que le cadavre de M. BenBarka a été enterré près de Courcouronnes, en banlieue parisienne,où s’élève aujourd’hui une mosquée. L’auteur de l’article de Paris-Match, Sophie Munier, serait la nièce del’un des protagonistes mineurs de l’affaire Ben Barka. Selon le quoti-dien Libération, Mme Munier aurait vendu ses « révélations » à Paris-Match après l’échec d’un projet de livre qu’elle devait publier en jan-vier 2000 chez Fayard avec Antoine Lopez, un indicateur des servicessecrets français et l’un des principaux protagonistes de l’affaire BenBarka.

DÉPÊCHESa ALGÉRIE : Nadhira Mesbah, avocate et militante des droits del’homme, a été condamnée, le 25 janvier par le tribunal de Blida, àdix-huit mois de prison ferme pour « escroquerie ». Le jugement est« illégal et immoral », a indiqué Me Khelili, son défenseur, qui a rappe-lé que la jeune femme est enceinte de neuf mois et souffre de diabète.Un collectif d’avocats pour défendre Me Mesbah a été créé en France.

Sources : ministère de l’emploi (DARES) et ANPE1999

3,094 500

N DJ F M JA M J A S O

3,4

3,5

3,3

3,2

3,1

3,0

2,9

2,8

2,72,6

2,5

2,4

– 9,3 % sur 1 an

– 11,4 %sur 1 an

ANCIENNECOURBE

NOUVELLECOURBE

données CVS en millions

2,583 600

41 000 chômeurs de moinsDEMANDEURS D’EMPLOI

Feu l’imprécateurpar Pierre Georges

IL AIMAIT les Windsor commed’autres la tête de veau. A lasauce vinaigrette. Willie Hamil-ton, qui fut député travailliste de1951 à 1987, aura passé sa vie, etelle fut longue, à maudire lesroyals. Ce qui valut à ce faroucheadversaire de la famille régnante,mort jeudi à l’âge de quatre-vingt-deux ans, une célébrité mé-diatique peu en rapport avec soninfluence politique réelle.

Dès qu’il s’agissait de trouver,au royaume, un bouffeur deprinces, les micros et stylos setournaient vers ce personnage,délicieusement choquant et légé-rement monomaniaque, qui nefut jamais, en la matière, un in-grat. Tout ce que l’on pouvait direde pire sur les Windsor, WillieHamilton l’aura dit publiquementet sans jamais relâcher la pres-sion.

Les nécrologies qui lui sontconsacrées dans la presse britan-nique – en tête évidemment de larubrique « Obituaries » ce qui si-gnifie bien le rang du cher dispa-ru –, sont formelles. C’est toutpetit, déjà, que ce fils de mineurde Durham, dans le nord-est del’Angleterre, fut saisi par la voca-tion. Ses biographes situentmême très précisément la date denaissance de cette vocation. L’en-fant Willie, âgé de neuf ans, auphysique très Poil de Carotte, eutun jour à subir, dans son école deNewbottle, les exquis désagré-ments du protocole. Un représen-tant de la famille royale devait vi-siter l’établissement. Ce qui fitque les écoliers durent patienterpendant deux heures dans lefroid. Le jeune Willie en conçutune détestation inexpiable pources inutiles et fâcheux bourreauxd’enfants.

Il était devenu antiroyaliste,anti-establishment aussi, antimili-

tariste – sauf qu’il termina laguerre capitaine – et anticommu-niste pour faire bonne mesure. Ildevint député et, sur son créneau,un inimitable imprécateur. Toutau long de sa carrière, il sut avoirun mot aimable pour tous. Pourla reine, « femme à l’intellect limi-té dont on devrait se débarrasserdans la Manche ». Pour la sœurde la Reine, Margaret, « dépen-sière, extravagante, complètementinutile ». Pour la fille de la reine,la princesse Anne, « jeune femmeplutôt quelconque qui passe l’es-sentiel de son temps sur le dos d’uncheval ». Pour le fils aîné de lareine, le prince Charles, « un ni-gaud, un gentil parasite, mais aumoins pas aussi grossier que sasœur ». Pour feue Diana, « unejeune femme très chanceuse quin’a pas beaucoup de cervelle ».

Et le reste à l’avenant. Bref, entrente-sept ans de politique, Wil-lie, l’imprécateur préféré duroyaume, eut tout loisir de diretout le bien qu’il pensait de la fa-mille royale. Et même de l’écrireen deux ouvrages, aux titres faitspour signifier la permanence obs-tinée de son combat. Ce furentsuccessivement Ma reine et moi(1975) une sorte de galop d’essai,puis « Du sang sur les murs : mé-moires d’un anti-royaliste » (1992)chef-d’œuvre de titre, sinon delittérature.

Willie Hamilton, que le Guar-dian, dans sa nécrologie, en unultime clin d’œil, montre sou-riant, serrant la main de la reinelors d’une protocolaire visite,s’était retiré « du champ de ba-taille de la politique » en 1987. Sesmémorialistes facétieux sou-lignent que ce fut pour cultiverson jardin et assumer sa passiondes roses. Et notamment, nuln’est parfait, sa préférée, la« Royale William ».

En 1999, le chômage a baissé deux fois plus vite que l’année précédente

Avec 40 800 chômeurs de moins en décembre, le taux de chômage s’établit à 10,6 %HEUREUSEMENT, il y a la baisse

du chômage. Confronté à des mou-vements sociaux aux finances, à LaPoste et dans les hôpitaux (lire page7), le gouvernement dispose d’un lotde consolation essentiel : sur le frontdu chômage, le bilan 1999, présentévendredi 28 janvier par la ministrede l’emploi et de la solidarité, Mar-tine Aubry, se conclut en beauté. Aumois de décembre, selon les der-nières statistiques publiées vendredi,le nombre de demandeurs d’emploia régressé de 40 800, ce qui le porteà 2 583 600 (– 1,6 %).

Sur les six derniers mois, la baisseatteint 239 400 (– 8,5 %), et 333 600(– 11,4 %) en un an, soit un rythmedeux fois plus élevé qu’en 1998. Enmoyenne, depuis juin 1999, 40 000chômeurs ont quitté tous les mois lechemin de l’ANPE. Selon les normesdu Bureau international du travail(BIT), le taux de chômage atteintdonc 10,6 % en décembre, en baissede 0,2 point sur un mois (0,9 en unan), contre 12,7 %, niveau record at-teint en 1997 lors de l’arrivée aupouvoir de Lionel Jospin. PourMme Aubry, « ce résultat est d’autantplus remarquable que la France

connaît une progression rapide de sapopulation active ». Chaque année,le solde des arrivées (jeunes,femmes) et des départs (retraites) setraduit en effet par environ 200 000personnes supplémentaires sur lemarché du travail. Cette fois encore,Mme Aubry tire avantage des compa-raisons avec les autres pays de l’OC-DE, moins bien lotis à l’exception del’Espagne. Ainsi, souligne-t-elle vo-lontiers, le chômage recule enFrance alors qu’il est resté stable enAllemagne en 1999.

RADIATIONS ET DISPENSES EN HAUSSECette décrue profite plus aux

jeunes demandeurs d’emploi(– 15,9 % en un an) qu’aux per-sonnes de 25 à 49 ans (– 11,1 %) oude plus de 50 ans (– 7,6 %). 1999 sesolde également par un net recul deschômeurs de longue durée (– 14,9 %en un an), alors que ce mouvement,amorcé au cours des deux annéesprécédentes, paraissait jusqu’ici en-core fragile. Le nombre de per-sonnes inscrites dans la catégorie« 1 + 6 », c’est-à-dire qui ont puexercer une activité occasionnelle ouréduite de plus de 78 heures dans le

mois, diminue lui aussi : – 1,7 % endécembre, – 9,3 % en un an, ce quiporte leur total à 3 094 500. Seuls in-dicateurs à la hausse, les radiationsadministratives (+ 37,8 % sur un an)et les dispenses de recherche(+ 39,6 %) continuent à se maintenirà un haut niveau.

Avec 4 % de croissance au second

semestre 1999, la bonne tenue del’économie est évidemment essen-tielle. Mais le ministère met aussi enavant les emplois-jeunes, la luttecontre l’exclusion et les 35 heures.Cette dernière réforme « a désor-mais un impact certain », estimel’entourage de la ministre. C’est eneffet en ce moment que s’enre-gistrent les plus gros effets « em-ploi » des 35 heures, compte tenudu décalage entre le moment où unaccord est signé et celui où les em-bauches prévues se réalisent. Selonun dernier bilan réalisé au 14 janvier,23 275 accords 35 heures ont été en-registrés (2 736 707 salariés concer-nés) pour 159 542 emplois créés oupréservés.

Le 1er février 2000, la durée légaledu travail passera à 35 heures pourtoutes les entreprises de plus devingt salariés. Ces dernières dis-posent toutefois d’une périoded’adaptation de deux ans pour semettre en conformité avec la loi, cequi présente le risque de différerd’autant l’effet réel en termes d’em-ploi.

Isabelle Mandraud