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Emile& Ferdinand Gazette Décembre 2015 | N°14 Bimestriel gratuit Bureau de dépôt : 3000 Leuven Masspost | P-916169 12 Mercuriale Ignacio de la Serna "L'affaire de Bruxelles" à l'aune de 2015 9 Hommage Ann Jacobs et Adrien Masset rendent hommage à Michel Franchimont Et aussi Les dates à ne pas manquer ... ’’ Le nouveau statut de l’huissier de justice : entre modernisation et objectivation 3 Actu Patrick Gielen 6 Event L’édition 2015- 2016 des Leçons inaugurales de la Faculté de droit, de science politique et de criminologie de l’Université de Liège

Emile & Ferdinand n°14

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Emile & Ferdinand n°14

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Emile&Ferdinand

Gazette

Décembre 2015 | N°14 Bimestriel gratuitBureau de dépôt : 3000 Leuven Masspost | P-916169

12 Mercuriale Ignacio de la Serna "L'affaire de Bruxelles" à l'aune de 2015

9 HommageAnn Jacobs et Adrien Masset rendent hommage à Michel Franchimont

Et aussi Les dates à ne

pas manquer ...

’’Le nouveau statut de l’huissier de justice : entre modernisation et objectivation ”

3 ActuPatrick Gielen

6 EventL’édition 2015-2016 des Leçons inaugurales de la Faculté de droit, de science politique et de criminologie de l’Université de Liège

2|Emile & Ferdinand| N°14 |Décembre 2015

ÉDITO

colophonRédacteur en chef Élisabeth Courtens

Secrétaire de rédaction Anne-Laure Bastin

Équipe rédactionnelle Anne-Laure Bastin, Élisabeth Courtens, Charlotte Claes et Muriel Devillers

Lay-out Julie-Cerise Moers (Cerise.be)

DessinsJohan De Moor

© Groupe Larcier s.a.

Éditeur responsable Marc-Olivier Lifrange, directeur général Groupe Larcier s.a. rue Haute 139 - Loft 6 1000 Bruxelles

Les envois destinés à la rédaction sont à adresser par voie électronique à [email protected]

Cette gazette est la vôtre !N’hésitez pas à proposer des articles, à formuler des suggestions, à réagir aux articles publiés et, ainsi, à faire évoluer et faire grandir Émile & Ferdinand.

Adressez-nous vos messages à l’adresse suivante : [email protected]

Le 19 octobre dernier a été publié le Pot Pourri I qui comporte, entre autres, de nombreux changements relatifs à la profession d’huissier de justice. L’occasion pour Émile & Ferdinand de donner la parole à Patrick Gielen, huissier de justice de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles, actif dans différentes commissions et auteur, aux éditions Larcier, du Code Huissiers de justice dont la troisième édition paraîtra en février prochain. Patrick Gielen évoque les choses qui ont changé en deux ans, depuis l’adoption du nouveau statut de la profession de huissier jusqu’à aujourd’hui.

Le Groupe Larcier a eu l’honneur, cette année encore, de soutenir les Leçons inaugurales de la Faculté de droit, de science politique et de criminologie de l’Université de Liège qui ont eu lieu le 23 octobre dernier. Patrick Wautelet, professeur ordinaire à la Faculté de droit, a accepté de nous en dire plus sur cette ancienne tradition qui accompagne l’entrée en chaire d’un professeur. En guise d’illustration, les professeurs Bernard Vanbrabant et Hakim Boularbah nous livrent la substance de leur intervention. Bernard Vanbrabant a consacré sa leçon inaugurale aux recours juridiques formés par l’industrie du tabac contre la législation australienne qui impose pour la vente de cigarettes le recours à un «  paquet neutre » (plain packaging). Hakim Boularbah, quant à lui, aborde, de manière critique, la

question de l’informatisation des cours et tribunaux et la possibilité de réaliser des démarches auprès des greffes des tribunaux par voie électronique.

Le 14 août 2015, Michel Franchimont, avocat et professeur extraordinaire honoraire de l’Université de Liège, nous quittait à l'âge de 86 ans. Ann Jacobs et Adrien Masset lui rendent hommage dans ce numéro. Ils ont tous deux été assistants du professeur Franchimont et ont co-écrit avec lui le Manuel de procédure pénale, ouvrage de référence publié dans la Collection de la Faculté de droit de l’Université de Liège. « Le professeur Franchimont n’était pas seulement préoccupé d’enseigner des connaissances à ses étudiants, mais aussi de communiquer des valeurs auxquelles il était profondément attaché. » nous confient-ils.

Enfin, Émile & Ferdinand vous invite à une lecture poétique du discours prononcé par Monsieur le Procureur général Ignacio de la Serna lors de la rentrée solennelle de la Cour d’appel et du travail de Mons, le 1er septembre 2015. Le Procureur général revient sur l’affaire de Bruxelles qui mit en scène Verlaine et Rimbaud à la fin du 19ème siècle. Il l’analyse à l’aune de la justice de 2015.

Belles découvertes…

L’équipe rédactionnelle d’Émile & Ferdinand

Chers lecteurs, Chers auteurs,

Émile & Ferdinand et les équipes du Groupe Larcier vous présentent leurs meilleurs vœux pour l’année 2016 !

Décembre 2015|N°14|Emile & Ferdinand|3

ACTU

le nouveau statutde l’huissier de justiceentre modernisation et objectivation

Le 19 octobre dernier a été publié le Pot Pourri I

qui comporte, entre autres, beaucoup de

changements relatifs à la profession d’huissier de

justice. L’occasion pour Émile & Ferdinand de

donner la parole à Patrick Gielen, huissier de justice de

l’arrondissement judiciaire de Bruxelles, actif dans

différentes commissions et auteur, aux éditions Larcier,

du Code Huissiers de justice dont la troisième édition

paraîtra en février prochain. Patrick Gielen évoque les

choses qui ont changé en deux ans, depuis l’adoption

du nouveau statut de la profession de huissier

jusqu’à aujourd’hui.

Patrick Gielen

Huissier de justice

Émile & Ferdinand : Quel est votre parcours professionnel ?

“Patrick Gielen : J’ai un par-cours professionnel relativement

classique. Après avoir fini en 1999 mes études de droit à l’Université de Liège, j’ai débuté mon stage dans une étude d’huissier de justice à Bruxelles. Après avoir gravi les différents échelons, j’ai été nommé huissier de justice en juin 2013 dans l’arrondissement de Bruxelles où je suis associé à l’étude Hostarii.

Je suis actif dans diverses commissions telles que la commission de nomination francophone pour le notariat en tant que membre effectif ainsi que la nouvelle commission de nomination francophone des huissiers de justice en tant que membre suppléant. Je suis également attiré par le droit européen. Dans ce cadre, j’ai eu la chance de publier certains articles relatifs aux divers règlements européens tels que le règlement relatif au titre exécutoire européen ou encore le règlement relatif à l’injonction de payer européenne. Je suis également le délégué effectif de Bruxelles auprès de l’Union in-ternationale des Huissiers de Justice qui compte à ce jour 85 États membres.

Qu’apporte principalement la réforme de votre statut à votre profession d’huissier de justice ?

“Pour être bref, notre nouveau statut du 7 janvier 2014 (M.B. 22

janvier 2014) apporte principalement quatre modifications de première impor-tance.

La première modification concerne l’objectivation de la nomination par la création, à l’instar de ce qui se fait depuis plus de 15 ans dans le notariat, d’une commission de nomination. Cette com-mission, composée de trois huissiers de justice et de trois membres externes, a pour mission, non seulement, d’orga-niser le concours d’accès à la profession en lieu et place de l’homologation, mais également de présenter au ministre de la justice les trois candidats huissiers de justice les plus aptes à être nommés « huissier de justice » lors de la publica-tion d’une place vacante.

Le but de la création de cette commis-sion de nomination est sans aucun doute d’objectiver la nomination des candidats huissiers de justice. Jusqu’à l’entrée en vigueur de notre nouveau statut, les candidats huissiers de justice devaient défendre leur candidature devant les chambres d’arrondissements. Cette ma-nière de procéder conduisait régulière-ment, depuis les dix dernières années, à des recours récurrents auprès du Conseil d’État.

Le deuxième grand changement est la revalorisation du statut du candidat huissier de justice. Cette revalorisation de statut se concrétise premièrement par une nomination par le Roi en cas de clas-...

4|Emile & Ferdinand| N°14 |Décembre 2015

ACTU

sement favorable lors du concours, deu-xièmement par une protection du titre « candidat huissier de justice » qui se retrouve désormais utilisé 66 fois dans le Code judiciaire, troisièmement par une intégration aux organes internes de la profession, quatrièmement, et non des moindre, par une soumission aux auto-rités professionnelles et cinquièmement, et en dernier lieu, par une limitation de la suppléance d’un huissier de justice titulaire à 180 jours par an (applicable à partie du 1er février 2016).

Un autre point de la réforme de notre statut concerne l’octroi d’une compé-tence disciplinaire au comité de direction de la Chambre nationale des huissiers de justice qui peut, elle seule, en lieu et en

place de la chambre d’arrondissement, renvoyer un membre devant la commis-sion de discipline.

En dernier lieu, la profession a reçu un lifting au niveau de sa structure par la création d’une nouvelle assemblée gé-nérale ainsi qu’un comité de direction remodelé et l’intégration des candidats huissiers de justice aux organes internes tant au sein du comité de direction de la Chambre nationale que de la chambre d’arrondissement.

Comment la profession a-t-elle réagi face à ce nouveau statut ?

“Malgré la révolution qu’a engen-drée cette réforme pour notre

...

profession, nous l’avons accueillie à bras ouverts. Cette réforme est le signe d’une modernisation nécessaire de l’exercice de notre profession ainsi que le signe d'une objectivation de la procédure de nomina-tion des huissiers de justice souvent mise à mal par le passé.

Dans la foulée de la publication du nou-veau statut des huissiers de justice, la Chambre nationale a non seulement adopté les divers règlements tels que le règlement d’ordre intérieur, le règle-ment relatif à la tenue et au contrôle des comptes de qualités, le règlement en ma-tière de formation permanente, mais a également mis en place les commissions de nomination et de discipline.

La profession a su prendre le tournant attendu par le monde judiciaire afin de s’adapter en si peu de temps à ce nou-veau statut.

L’accès à la profession a fondamentalement changé tant pour le stagiaire que pour le candidat huissier de justice. Quels sont les outils qui sont mis à leur disposition pour pouvoir s’y adapter ?

“Le changement le plus radical est sans aucun doute pour le stagiaire

huissier de justice qui doit désormais pas-ser un concours afin d’être classé en ordre utile pour pouvoir être nommé par le Roi « candidat huissier de justice ». Pour ce faire, la profession à mis à la disposition des stagiaires, avec la collaboration du Groupe Larcier, un Code thématique de l’huissier de justice, publié sous la marque Larcier, qui reprend tous les textes légis-latifs applicables à notre profession. Ce Code thématique, dont la prochaine ver-sion est prévue pour début 2016, est sans

Concours 2014-2015

stagiaires candidats

âge moyen des huissiers59,8 ans

Nombre total huissiers, candidats, stagiaires

Inscrits réussites27 FR

48nl

+ 8 FR

6nl

+

30-40 ans4

40-50 ans

9650-60 ans

22960-70 ans

167> 70 ans

60

Nouveaux stagiaires en 2014

50

études329 288 355

huissiers 548

DONT DONT

84 femmes 15%

225 francophones

41%464 hommes

85%

323 néerlandophones

59%

Fr NL

Quelques chiffres

Décembre 2015|N°14|Emile & Ferdinand|5

ACTU

nul doute une aide précieuse au stagiaire qui désire passer le concours.

À côté de ce Code thématique, le centre d’étude et d’expertise de notre profes-sion (SAM-TES) a mis en place une for-mation de qualité et gratuite.

Grâce à ces nouveaux outils, les stagiaires sont préparés au mieux pour réussir le nouveau concours.

Ces derniers mois ont été foisonnant en nouvelles réglementations telles que la loi modifiant le droit de greffe et la récente loi du 19 octobre 2015 dit « Pot Pourri I » introduisant, entre autres, le recouvrement des créances incontestées en matière commerciale. Comment accueillez-vous ces réformes et comment les mettez-vous en pratique ?

“L’accueil de ces nouvelles régle-mentations est mitigé. Certaines

dispositions comme la réforme des droits d’enregistrement, l’assujettissement à la TVA ainsi que la récente réforme des droits de greffe alourdissent considéra-blement le coût des actes signifiés par les huissiers de justice.

Il en va principalement de la citation auprès du tribunal de 1ière instance ou du tribunal de commerce dont le coût d’un acte est désormais composé de 67% de taxes directes.

Non seulement les coûts des actes ont considérablement augmenté, mais égale-ment le travail administratif avec, entre autres, la récente déclaration « pro-fisco » introduite par la réforme des droits de greffe. Toutes ces mesures rendent le re-couvrement des petites créances, surtout

commerciales, extrêmement difficile et découragent les petites et moyennes entreprises qui n’osent plus citer leur clients en défaut de payement devant les juridictions compétentes.

En adoptant en date du 19 octobre 2015 la procédure de recouvrement des créances incontestées, le législateur belge, en transposant ainsi en droit belge le premier alinéa de l’article 10 de la di-rective 2011/7/UE concernant la lutte contre le retard de payement dans les transactions commerciales , a enfin don-né un outil aux entreprises afin de faire face, à moindre coût et de manière plus efficace et plus rapide, à leurs problèmes financiers.

À l’huissier de justice désormais de mettre tout en œuvre afin que cette nou-velle procédure, plus rapide et moins coûteuse, soit couronnée de succès.

Code thématique Huissiers de justiceLarcier - 3e édition 2016

Récupération impôts 2014

Droits d’enregistrement 2014 :

Impôts direct ☛ 167.464.362,00 €TVA ☛ 196.106.161,00 €

TOTAL ☛ 363.570.523,00 €

22.185.500,00 €

Quelques chiffres

6|Emile & Ferdinand| N°14 |Décembre 2015

EVENT

de la Faculté de droit, de science politique et de criminologie de l’Université de Liège

L’édition 2015-2016 des

Le Groupe Larcier a eu l’honneur, cette année encore, de soutenir les Leçons inaugurales de la Faculté de droit, de science politique et de criminologie de l’Université de Liège qui ont eu lieu le 23 octobre dernier. L’occasion pour nous de revenir, avec Patrick Wautelet, professeur ordinaire à la Faculté de droit, sur cette ancienne tradition qui accompagne l’entrée en chaire d’un professeur.

La Leçon inaugurale est une tradition déjà fort ancienne qui accompagne l'entrée en chaire d'un professeur. Au Collège de France, fondé par François Ier en 1530, le premier cours d'un nouveau professeur a de tout temps été une leçon inaugurale. L'objectif est pour le professeur accédant à ses nouvelles fonc-tions de situer ses travaux et son enseignement par rapport à ceux de ses prédécesseurs et aux développements les plus ré-cents de la recherche. Dans une intervention orale s'inscrivant dans un contexte solennel, la Leçon inaugurale permet de dres-ser un tableau de l’état des connaissances dans une discipline et de présenter un programme de recherche.

En Belgique, cette tradition semble avoir été quelque peu ou-bliée, alors qu'elle a prospéré par exemple aux Pays-Bas où tant l'entrée en chaire que l'accession à l'éméritat font l'objet d'une leçon solennelle. Depuis quelques années, la Faculté de droit, de science politique et de criminologie de l'ULg a décidé d'inviter les professeurs nouvellement nommés à s'adresser à l'ensemble de la communauté universitaire lors d'une leçon inaugurale.

C'est en 2004 que les premières Leçons inaugurales ont eu lieu à la Faculté de droit, de science politique et de criminologie. À intervalles réguliers, ce sont depuis lors pas moins de 34 pro-fesseurs qui ont présenté une Leçon inaugurale. Deux autres cycles de Leçons auront lieu au cours des années 2016-2017 et 2017-2018. Ces leçons ont permis d'entendre des inter-ventions dans les domaines les plus divers, représentatifs de la richesse de l'enseignement et de la recherche scientifique conduite à l'Université. Elles ont également permis à la commu-nauté universitaire de découvrir de nouveaux collègues dans un registre qui est généralement réservé aux seuls étudiants, celui de la leçon en amphithéâtre. La transmission du savoir et des compétences est dès lors non seulement une occasion de faire connaître une discipline à la communauté universitaire et au grand public, mais également l'occasion de renforcer les liens entre les professeurs, ce qui permet d'alimenter des entreprises communes tant d'enseignement que de recherche.

Lors de l'édition 2015 des Leçons inaugurales, cinq professeurs récemment nommés se sont livrés à cet exercice, à savoir : Bernard Vanbrabant, Hakim Boularbah, Catherine Fallon, Cécile Mathys et Jérôme Jamin.

Patrick Wautelet

Professeur ordinaire à la Faculté de droit, de science politique et de

criminologie de l’ULg

Leçons inaugurales

Décembre 2015|N°14|Emile & Ferdinand|7

EVENT

Ma leçon inaugurale était consacrée aux recours juridiques formés par l’industrie du tabac contre la législation austra-lienne qui impose pour la vente de cigarettes le recours à un « paquet neutre » (plain packaging). Selon cette réglementa-tion, non seulement la plus grande partie du conditionne-ment extérieur de ce produit doit (comme en Belgique) être recouverte d’avertissements sanitaires, mais tout dessin ou logo est proscrit, seule la marque verbale du fabriquant pou-vant apparaître, de manière discrète, dans le bas du paquet.

Cette mesure a d’abord été contestée devant la High Court d’Australie au motif qu’elle emporterait une expropriation des cigarettiers, une privation de leur marques –propriété intellectuelle – sans contrepartie. Ce recours constitution-nel ayant été rejeté, c’est sur la scène internationale que s’est déplacé le contentieux : pas moins de 40 pays exportateurs de tabac ont porté plainte contre l’Australie devant l’Organe de règlement des différends de l’OMC, invoquant la violation, notamment, des dispositions relatives aux marques conte-nues dans l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord ADPIC).

Les associations de défense de la propriété intellectuelle, comme les quelques juristes belges qui ont commenté cette problématique, considèrent comme fondés les moyens invo-qués par l’industrie du tabac à l’encontre du plain packaging. Les arguments de cette doctrine militante (et parrainée ?) ne sont toutefois pas sans réponse. Au-delà des questions rela-tives à la notion d’expropriation et à la portée des disposi-tions de l’Accord ADPIC, il est permis de se demander si les cigarettiers ont un intérêt légitime à se plaindre d’atteintes à un bien dont la valeur (colossale) a été constituée au détri-ment de la santé publique. Le pouvoir d’attraction véhiculé par les marques de cigarettes – et que tente de briser la règle du conditionnement neutre, après celle de l’interdiction de la publicité pour le tabac – a en effet été acquis à coup d’inves-tissements publicitaires en faveur d’un produit dont la noci-vité a été cachée, sciemment, durant de nombreuses années. N’est-ce pas alors, en définitive, un droit fondamental… à l'empoisonnement d'autrui dont se prévalent les adversaires du plain packaging ?

Bernard Vanbrabant Plain packaging‎ et propriété intellectuelle : le droit fondamental à l'empoisonnement d'autrui ?”“

En guise d'illustration, les professeurs Bernard Vanbrabant et Hakim Boularbah ont accepté de livrer la substance de leur intervention aux lecteurs d'Émile & Ferdinand.

...

8|Emile & Ferdinand| N°14 |Décembre 2015

EVENT

Sous le titre « Quatre heures de l’aprèm, j¹ai des frissons », Hakim Boularbah a souhaité aborder, de manière critique, la question de l’informatisation des cours et tribunaux et, spé-cialement, la possibilité de réaliser des démarches auprès des greffes (i.e. les secrétariats administratifs) des tribunaux par voie électronique.

À l'heure actuelle, il est encore obligatoire pour l'avocat ou le justiciable de se rendre physiquement au greffe pendant les heures d'ouverture limitées de ces derniers (8h30 à 12h30 et 13h30 à 16h, voire 8h30 à 12h30 dans certains tribunaux de Bruxelles) pour y déposer un acte ou pour y consulter un dos-sier. Il s'agit d’un anachronisme tout à fait propre à la justice alors que tous les autres domaines de la vie économique, des loisirs, mais aussi du droit (pensons par exemple à la possibi-lité de compléter sa déclaration fiscale en ligne) fonctionnent très largement de manière virtuelle. C'est un comble lorsque l'on sait que le greffe peut précisément être comparé à une dropbox (soit un espace de stockage où l'on dépose - upload - et où l'on retire - download – des documents et des infor-

mations) qui devraient être accessibles en ligne de manière ininterrompue.

Des initiatives ont été prises çà et là pour tenter de moderni-ser les échanges entre greffe et justiciables (et leurs conseil-lers). À Liège, les conclusions peuvent être envoyées par cour-rier électronique. À Bruxelles, les jugements sont notifiés par email. Ces solutions pragmatiques présentent toutefois l'in-convénient majeur de ne pas pouvoir s'inscrire dans un cadre légal et sont donc fragiles sur le plan juridique.

La loi du 19 octobre 2015 modifiant la procédure civile pré-voit une possibilité de communication électronique réservée aux seuls professionnels de la justice (nouvel article 32ter du Code judiciaire). La nouvelle règle entrera en vigueur à par-tir du 1er janvier 2016. Hakim Boularbah a toutefois émis quelques doutes sur l'effectivité de cette entrée en vigueur lorsque l'on sait que les précédentes législations en la matière ont été votées en 2006 et ont vu leur mise en œuvre effective reportée depuis lors chaque année.

Hakim Boularbah

Quatre heures de l’aprèm, j’ai des frissons”“

...

Décembre 2015|N°14|Emile & Ferdinand|9

HOMMAGE

Ann Jacobs

Adrien Masset

Ancien professeur de droit pénal de la Faculté de droit de l'Université de Liège

Professeur extraordinaire

à la Faculté de droit de

l'Université de Liège et au Tax Institute HEC-

ULg

Le 14 août 2015, Michel Franchimont, avocat et professeur extraordinaire honoraire de l’Université de Liège, nous quittait à l'âge de 86 ans. Ann Jacobs et Adrien Masset lui rendent hommage dans ce numéro. Ils ont tous deux été assistants du professeur Franchimont et ont co-écrit avec lui le Manuel de procédure pénale, ouvrage de référence publié dans la Collection de la Faculté de droit de l’Université de Liège. « Le professeur Franchimont n’était pas seulement préoccupé d’enseigner des connaissances à ses étudiants, mais aussi de communiquer des valeurs auxquelles il était profondément attaché. » nous confient-ils.

Michel Franchimont est né à Barvaux-sur-Ourthe le 3 avril 1929 et est décédé à Beaufays le 14 août 2015.

Qui a rencontré occasionnellement Michel Franchimont a le souvenir de l’éternel nœud papillon, des cheveux en brosse quels que soient l’âge et les sai-sons, du visage jovial, du sourire franc, du regard pétillant et du geste avenant.

Ceux qui l’ont côtoyé de plus près se sou-viennent de son humour et il leur revien-dra à l’esprit un bon mot, parfois piquant ou acerbe, le plaisir du bon mot dépas-sant parfois sa pensée.

Les souvenirs de ses anciens étudiants foisonnent. Pendant plus de vingt ans - de 1972 à 1994 - le cours de procédure pénale du vendredi après-midi, dans un auditoire plus rempli qu’à l’habitude, a marqué tous les esprits. Tous n’étaient pas passionnés par la matière, loin s’en faut, mais tous étaient fascinés par l’en-thousiasme de ce professeur et par les histoires de clients racontées pour illus-trer la règle, avec humour – qui a oublié

cet homme qui avait un peu assassiné sa femme ? – mais aussi délicatesse et sen-sibilité. La procédure pénale prenait tout à coup vie. Des générations d’étudiants se sont sans doute longtemps souvenus de ce cadre de la poste, invité à intervenir au cours, accusé à tort de malversations, racontant lui-même sa confrontation avec la justice, sa détention préventive, son procès. Il nous confiait ensuite que, chaque année, son épouse tentait de le convaincre de ne pas ainsi réveiller cette douleur intense mais que, pour lui, sen-sibiliser les étudiants au risque d’erreur judiciaire était primordial. Le respect des droits de la défense, la recherche constante de la justice et d’un équilibre entre les prérogatives des uns et les droits des autres martelés par le profes-seur tout au long des cours prenaient alors tout leur sens.

Le professeur Franchimont n’était pas seulement préoccupé d’enseigner des connaissances à ses étudiants, mais aussi de communiquer des valeurs aux-quelles il était profondément attaché; les ...

à Michel FranchimontHommage

XXXX

10|Emile & Ferdinand| N°14 | Décembre 2015

HOMMAGE

...étudiants ne s’y trompaient pas et cha-cun a retenu à qui une citation à qui une réflexion traduisant ses convictions pro-fondes relatives au procès pénal, à la jus-tice ou tout simplement au sens de la vie.

Le professeur Franchimont n’était pas avare d’innovations pour faire découvrir à ses étudiants la réalité se cachant der-rière la matière pénale enseignée et ali-menter leur réflexion; il en est ainsi des lectures dirigées, des interventions de professionnels dans les cours, des pré-stages au barreau, des visites de prisons, etc.

Peu de professeurs peuvent sans doute se targuer d’avoir à ce point passionné leurs étudiants que certains d’entre eux avaient réalisé un montage dia, à l’époque, retraçant les différentes étapes de la procédure qui aurait pu être sui-vie dans l’affaire de Jules Bradfer qui, à Gingelom-sur-Ourthe, aurait trucidé son épouse au moyen d’une statuette en bronze. Ce montage clôtura les séances d’exercices pratiques pendant plusieurs années.

À une époque où les professeurs étaient encore sur un piédestal, jouissant a priori d’un prestige particulier, Michel Franchimont faisait partie de cette nou-velle génération de professeurs plus accessibles, s’imposant naturellement de par ce qu’ils étaient ; plus que tout

autre, il était proche de ses étudiants et disponible pour eux. Il n’y avait aucune difficulté à l’aborder avant ou après un cours pour lui poser une question, lui demander conseil ou solliciter son aide pour trouver un maître de stage, et il ne se contentait pas de donner des réponses vagues ou inconsistantes. Combien n’ont ainsi vu se concrétiser leur désir d’em-brasser la carrière d’avocat ?

Pour aider les étudiants à suivre le fil du cours, parfois un peu touffu – il faut bien le reconnaître – le Professeur Franchimont a commencé avec un petit fascicule jaune de notes de cours de 180 pages, plan détaillé de la matière, laissant place aux notes des étudiants. Ce plan était remar-quable par sa structure et sa clarté, et Mi-chel Franchimont le conservera d’ailleurs - comme nous lorsque nous lui avons succédé - pour son enseignement et pour ce qui deviendra le Manuel de procédure pénale. Chaque année, il consacrait une partie de ses vacances d’été à la rédaction d’un chapitre des notes de cours. Ainsi, au grand dam des étudiants, le volume des notes de cours a grossi d’année en année, deux tomes bleus remplaçant le squelettique plan jaune… jusqu’au mo-ment où la décision fut prise de publier, avec nous, ses assistants, cette synthèse de la procédure pénale; était ainsi com-blée, à l’époque, une lacune dont se plai-gnait le monde judiciaire et académique. Nous étions en 1989, à un moment où

la jurisprudence de la Cour européenne prenait de plus en plus d’importance, où de nouveaux chantiers s’ouvraient en procédure pénale, où le Code d’instruc-tion criminelle devenait de plus en plus poussiéreux…

L’ouvrage n’était pas seulement le résul-tat d’autant d’années d’enseignement, mais aussi le fruit d’une longue expé-rience d’avocat, ayant touché du doigt l’importance des règles de procédure pénale – Michel Franchimont aimait en effet rappeler que la procédure pénale était le droit des braves gens, le droit pé-nal étant celui des bandits – mais aussi leurs limites et l’impérieuse nécessité de toujours les améliorer.

Chaque nouvelle édition du Manuel de procédure pénale procura une joie pro-fonde à l’intellectuel qu’était Michel Franchimont, mais aussi à l’ancien pro-fesseur passionné par la mise à dispo-sition de tous des connaissances accu-mulées et au praticien puisant dans sa longue expérience pour avancer une in-terprétation ou suggérer une issue à une controverse.

Le professeur Franchimont, reconnu dans le monde académique et judiciaire, se vit attribuer la chaire Francqui à l’Uni-versité d’Anvers pour l’année académique 1992-1993. Ses leçons furent l’occasion d’exposer une vision renouvelée de la procédure pénale.

Ceux qui ont connu Michel Franchimont comme avocat se rappellent d’un avocat passionné par une constante recherche de justice et d’équité. En effet pen-dant plus de cinquante ans, Michel Franchimont fut aussi en première

Décembre 2015|N°14|Emile & Ferdinand|11

ligne au barreau de Liège : avocat de re-nom, à la tête d’un des grands bureaux d’avocats liégeois, il participa active-ment à la vie du barreau, avec le même enthousiasme et portant sa vision du rôle de l’avocat, d’abord à la Conférence libre du Jeune Barreau, ensuite au Conseil de l’ordre et enfin comme bâ-tonnier de 1987 à 1989.

Michel Franchimont était un redoutable plaideur, maîtrisant parfaitement l’art de la formule – fût-elle difficile à sur-monter pour son adversaire – et toujours avec une touche d’humour.

Il fut aussi de toutes les affaires judi-ciaires majeures de ces dernières décen-nies, ouvrant la voie aux revirements de jurisprudence. On pensera par exemple aux affaires Franco-Suisse Le Ski boule-versant le rapport entre normes interna-tionales et internes, Bosman consacrant la liberté professionnelle des sportifs, et surtout KB Lux fustigeant le manque de loyauté dans une enquête pénale, ou encore, devant la Cour européenne des droits de l’homme, l’arrêt Stratégies et Communications garantissant un droit au délai raisonnable dès l’instruction, pour ne citer que quelques exemples.

Soucieux du respect du droit, de la véri-té et de la justice, Michel Franchimont l’était tout autant de ses clients. Frappé très jeune par la dureté de la vie, il était particulièrement sensible à la souffrance et à l’angoisse de tous ceux qui s’adres-saient à lui, poussés par l’espoir de sor-tir de la situation difficile à laquelle ils étaient confrontés. Michel Franchimont ne quittait jamais un client sans un re-gard et une parole bienveillants et encou-rageants.

Son expérience tant de professeur que d’avocat mais aussi de membre de la Commission de réforme du Code pénal et de la loi relative à la détention préven-tive explique sans doute sa désignation, en 1991, comme président de la Com-mission pour la réforme de la procédure pénale. Avec l’énergie et l’enthousiasme qui le caractérisaient, Michel Franchimont ouvrit la voie à une vision renouvelée de la procédure pénale, recherchant un meilleur équilibre entre accusation, dé-fense et partie civile et garantissant une meilleure protection des droits de cha-cun. Tels furent les principes gouvernant la première étape de la refonte de la pro-cédure pénale, la réforme de l’informa-tion et de l’instruction coulée dans la loi du 12 mars 1998 mieux connue comme « le Petit Franchimont ». Poursuivant son travail avec persévérance, la Commission présidée par Michel Franchimont pro-posa un projet de nouveau Code de pro-cédure pénale, vite présenté comme « le Grand Franchimont  ». Comme Michel Franchimont le répétait souvent, « les Belges sont demandeurs de reformes, mais ils n’aiment pas le changement » : si ce projet fut voté au Sénat en 2005, il fut abandonné à la Chambre après d’âpres débats mettant en lumière combien la recherche d’un équilibre entre pouvoirs et droits - qui fut le combat de tous les jours de Michel Franchimont - était ques-tion difficile et délicate. Ce n’est donc pas sans quelques regrets que Michel

Franchimont assista à la «  célébration » du bicentenaire du Code d’instruction criminelle en 2008…

Tous ceux qui ont travaillé avec Michel Franchimont, que ce soit au barreau ou à l’université, ont gardé l’image de quelqu’un de profondément humain, en-thousiaste, osant croire dans les capaci-tés de ses collaborateurs et les poussant toujours de l’avant.

Michel Franchimont fut, dans tous les domaines, soucieux du bien de tous et reconnu tel lorsqu’il fut élevé au rang de baron par le Roi Albert II en 2007.

Dans tout ce qu’il faisait, Michel Franchimont ne comptait ni son temps ni ses efforts et combien de fois ne l’a-t-on pas entendu dire, le vendredi soir, en quittant l’Univer-sité « Allez, je vais voir si on me reconnaît encore chez moi ». Et pourtant, c’était bien dans l’intimité familiale, auprès de son épouse et de ses enfants, que Michel Franchimont trouvait la source de sa joie et de son énergie. Il aimait se promener dans les bois autour de sa maison de Beaufays, se ressourcer en contemplant la nature ou passer de longues heures dans ce qu’il appelait son boudoir à lire et à méditer. Les conversations avec ses amis proches n’étaient d’ailleurs jamais banales : par un chemin ou l’autre, on en arrivait toujours au sens de la vie et à tout ce qui en fait la richesse.

HOMMAGE

“ Le professeur Franchimont n’était pas avare d’innovations pour faire découvrir à ses étudiants la réalité se cachant derrière la matière pénale enseignée. ”

12|Emile & Ferdinand| N°14 |Décembre 2015

MERCURIALE

Émile & Ferdinand vous invite à une lecture poétique du discours prononcé par Monsieur le Procureur général Ignacio de la Serna lors de la rentrée solennelle de la Cour d’appel et du travail de Mons le 1er septembre 2015. Le Procureur général revient sur l’affaire de Bruxelles qui mit en scène Verlaine et Rimbaud à la fin du 19ème siècle. Il l’analyse à l’aune de la justice de 2015.

« L’affaire de Bruxelles » à l’aune de 20151 Ignacio

de la Serna

Procureur général “Le ciel est par-dessus le toit …”Si l’affaire de Bruxelles n’était restée que secrète « histoire de ménage » de belles lignes auraient alors manqué à notre litté-rature française.

Septembre 1871, Rimbaud a 16 ans et s’ennuie à Charleville. Admiratif de Verlaine, il quitte sa campagne ardennaise pour se rendre à Paris. Séduit par le jeune garçon, à l’intelligence vive, frondeuse et impertinente, qui ose tout, capable des pires fo-lies, Verlaine le présente à ses amis poètes et artistes. Rimbaud récite son poème « le bateau ivre » et suscite l’admiration. Il n’hésite cependant pas à critiquer et même à mépriser ce cercle des poètes parnassiens parfois empêtrés dans leur suffisance et leurs vers un peu lourds. Sa poésie nouvelle, plus brillante, plus légère, plus directe, dépasse leurs œuvres.

S'il devient indésirable auprès de ses amis, Rimbaud permet néanmoins à Verlaine de s’échapper de la monotonie conjugale. La rumeur sur leur relation immorale enfle. Le 7 juillet 1872, Mathilde Maute, l’épouse de Verlaine l’envoie chercher une tisane chez le pharmacien. Verlaine sort de chez lui et croise Rimbaud qui lui propose de le suivre en Belgique. Verlaine accepte sur le champ. Mathilde ne verra jamais sa tisane2.

Mathilde se rendra bien à Bruxelles pour tenter de reconquérir son mari mais le diable de Rimbaud convaincra Verlaine de ne pas remonter dans le train en gare frontière de Quiévrain. C’est le retour en Belgique des deux amants qui, à Ostende, embar-queront pour l’Angleterre. Ils trouveront refuge à Londres.

1 Nous remercions Monsieur le substitut général, Christophe VANDERLINDEN pour sa précieuse collaboration dans l’élaboration de ce texte ainsi que Monsieur Bernard BOUSMANNE pour nous avoir permis de consulter le dossier judiciaire conservé précieusement à la Bibliothèque Royale à Bruxelles.

2 Bernard BOUSMANNE, Reviens, reviens, cher ami, Rimbaud-Verlaine, L’affaire de Bruxelles, Calmann-lévy, 2006, p. 34 et l’auteur cité par BOUSE-MANNE dans sa note 27 : E. LEBRUN, « Verlaine intime » dans les Idées françaises, avril 1924. C’est la version de Verlaine à son ami Emile LEBRUN ; Selon d’autres auteurs, il semble que VERLAINE est plutôt allé, à la demande de Mathilde, chercher le docteur CROS, en ce sens voyez, Pierre PETITFILS, « Rimbaud », Julliard, 1982, p. 179, Henri TROYAT, Verlaine, Flammarion, 1993, p. 163, François PORCHE, « Verlaine tel qu’il fut », 1933, Flammarion, p. 186.

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Mais les jours heureux anglais se font plus rares. Le ciel se couvre. Verlaine est rongé par la requête en séparation de corps déposée par Mathilde Maute3 qui outre l’abandon, invoque ses relations immorales avec Rimbaud. Blessé dans sa réputation, Verlaine boit et ne cesse de se plaindre, ce que ne supporte plus Rimbaud. Les ressources manquent et, même à Londres, on jase sur leur liaison. Il est vrai que les amants ont des amours de tigres : ils enveloppent dans des serviettes des lames tran-chantes saisies à pleine main dont seules les pointes dépassent et se battent, se griffent, se déchirent comme des bêtes féroces pour mieux se retrouver ensuite4.

Le 3 juillet 1873, Verlaine revient du marché une bouteille d’huile dans une main, un hareng dans l’autre. Rimbaud éclate de rire et lui balance : « Ce que tu peux avoir l’air con avec ton huile et ton poisson »5. Verlaine entre dans une colère noire. Poussé à bout, rongé par sa situation familiale et le peu d’égards de Rimbaud, il s’embarque sur le champ à bord d’un bateau pour Anvers. Il gagne ensuite Bruxelles.

Rimbaud, seul à Londres sans le sou, lui écrit toute sa détresse, feinte ou véritable, nous ne le saurons jamais : « reviens reviens, cher ami, seul ami, reviens. Je te jure que je serai bon. Si j’étais maussade avec toi, c’est une plaisanterie où je me suis entêté, je m’en repens plus qu’on ne peut dire. Reviens, ce sera bien oublié. Quel malheur que tu aies cru à cette plaisanterie. Voilà deux jours que je ne cesse de pleurer. Reviens. Sois Courageux, cher ami. Rien n’est perdu ( … ) »

Après des retrouvailles euphoriques à Bruxelles le 8 juillet 1873, Rimbaud souhaite maintenant rentrer à Paris. Menacé à son tour d'abandon, Verlaine qui voit en outre disparaître tout espoir de réconciliation avec Mathilde se retrouve complè-tement seul6.Au petit matin du 10 juillet, il achète pour 23 francs aux ga-leries Saint-Hubert un petit révolver de calibre 7 mm et cin-quante cartouches.

Verlaine poursuit ensuite sa matinée dans différents estami-nets bruxellois et notamment un café de la rue des Chartreux dans les toilettes duquel il aurait chargé son arme7. Vers midi,

il regagne l’hôtel. Ivre, il n’est guère plus qu’un « pauvre navire » soumis à « d’affreux naufrages ». Il montre son arme à Rimbaud qui très calmement lui demande : « Qu’est-ce que tu comptes en faire ? Verlaine qui ne sait pas très bien au juste lui répond : « C’est pour toi, c’est pour moi, c’est pour tout le monde ».

À La Maison des Brasseurs, un café de la Grand-Place, chacun campe sur ses positions. Les palabres sont houleux et de retour à l’hôtel, Rimbaud fait ses valises. Pour Verlaine qui refuse tou-jours de regagner Paris, c’en est trop. Il ferme à clef la porte de la chambre, s’assied à califourchon sur une chaise par devant, sort l’arme, la pointe vers Rimbaud et tire : « Voilà pour toi puisque tu pars ». Une première balle atteint le « Rimbe bien gentil »8 au poignet gauche. Une seconde se loge dans le plancher. Verlaine en pleurs se réfugie dans la chambre voisine de sa mère qui ac-court pour dispenser les premiers soins à Rimbaud. La blessure n'est que superficielle mais saigne abondamment et tous trois se rendent donc, à pied, à l’hôpital Saint-Jean. L'hospitalisation ne sera pas nécessaire. Sorti, Rimbaud maintient vouloir quit-ter Bruxelles. Voilà à présent que le trio se dirige vers la gare du midi en passant par la place Rouppe. Là, Verlaine fait soudain mine de sortir de sa poche le petit revolver dont personne ne s’est plus soucié. Effrayé, Rimbaud se réfugie auprès d’un agent de police qui, devant cette curieuse affaire, prend la décision d’emmener tout le monde au poste.

Et c’est ainsi que débute « l’affaire de Bruxelles ».

Le Commissaire-adjoint Joseph Delhalle prend les premières auditions.

Rimbaud relate les faits avec une certaine précision tout en chargeant Verlaine : « sa société était devenue impossible et j’avais manifesté le désir de retourner à Paris ». Il précise à la fin de son audition : « si ce dernier (Verlaine) m’avait laissé partir librement, je n’aurais pas porté plainte à sa charge pour la blessure qu’il m’a faite ». Elisa Dehee, la mère de Verlaine tout en reconnaissant les tirs de son fils, charge Rimbaud : « depuis deux ans environ le sieur Rimbaud, vit aux dépens de mon fils, lequel a eu à se plaindre de son caractère acariâtre et méchant ».

3 Le divorce n’est pas autorisé par la loi à ce moment-là.4 Pierre PETITFILS, op. cit., p. 206 à 208 qui précise même que ces pratiques sont consignées dans un rapport de police. 5 Pierre PETITFILS, op. cit., p. 209.6 Sur les motifs pour lesquels Verlaine s’oppose à la décision de Rimbaud de se rendre à Paris, les avis de certains auteurs divergent : perte de son

amant (François PORCHE, op. cit., p. 234 et 235) espoirs de réconciliation avec Mathilde qui s’envolent en raison de l’incompatibilité entre la présence simultanée à Paris de Mathilde et de Rimbaud, impossibilité de renouer avec ses amis du cénacle parisien en raison de la mauvaise réputation de Rimbaud (Bernard BOUSMANNE, op. cit., p. 90, Pierre PETITFILS, op. cit., p. 215 et 218).

7 Pierre PETITFILS, op. cit., p. 216.8 Lettre de P. Verlaine à A. Rimbaud du 28 ou 29 avril 1872.

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Entendu lui aussi, Verlaine n’a pu s’entretenir préalablement avec un avocat. La Cour européenne, sa jurisprudence et la loi du 13 août 2011 dite loi Salduz n’existent pas encore et son audition contient en elle-même les germes de sa condamna-tion. Naïf et imprudent, il explique que sa femme demande la séparation et l’accuse de relations immorales avec Rimbaud9. Il ajoute que ce dernier a voulu le quitter et que dans « un moment de folie » il a tiré sur lui. Il précisera tout de même que s’il a acheté une arme, c’était avant tout pour « se brûler la cervelle ».

Sur ce, le Commissaire-adjoint Delhalle conclut son procès-ver-bal : « En présence de ce qui précède nous avons écroué le nommé Verlaine Paul à la disposition de Monsieur le Procureur du Roi, sous prévention de blessures faites au moyen d’une arme à feu sur la personne du sieur Rimbaud Arthur, avons saisi pour être déposé au greffe du tribunal correctionnel un revolver chargé avec gaine en cuir verni et une boîte contenant 47 capsules charges ( … ) ». Verlaine est donc emmené à l’Amigo, « ce nom cordial, vestige de l’occupation espagnole aux XVIe et XVIIe siècles (qui) rend bien notre mot français violon pour désigner un poste de police »10.

Le lendemain 11 juillet, l’affaire est mise à l’instruction auprès du jeune juge Théodore t’Serstevens qui, nommé depuis moins d’un an11, n’a évidemment pas suivi la formation obligatoire dispensée actuellement par l’institut de formation judiciaire pour les nouveaux juges d’instruction. D'aucuns ont affirmé que ce dossier fut pour lui l’occasion de montrer à ses supé-rieurs l’étendue de ses compétences12.

Bien que la loi du 18 février 1852 sur la détention préventive n’obligeât pas le juge d’instruction à interroger un suspect préa-lablement à sa mise sous mandat, t’Serstevens entend Verlaine. Encore hors présence de tout avocat. Convaincu de l'existence

d'indices graves de tentative d’assassinat, il place le poète sous mandat de dépôt.

À l’époque, la loi du 18 février 1852 permettait de placer un suspect en détention préventive soit sous mandat de dépôt soit sous mandat d’arrêt13. Les deux ne peuvent être confondus. Seul le mandat d’arrêt exige en effet les conclusions préalables du ministère public, l’énonciation du fait incriminé et la cita-tion de la loi qui le punit. Créé par la loi du 7 pluviôse an IX, le mandat de dépôt n’était quant à lui à l’origine qu’une mesure provisoire permettant à un magistrat du ministère public de faire déposer un prévenu provisoirement dans une maison d'arrêt en attendant qu'un juge statue sur la prévention. Dès lors que le fait était puni des travaux forcés à perpétuité (ce qui est le cas de la tentative d’assassinat à l’époque14), le juge t’Serstevens aurait dû, après avoir entendu le procureur du Roi15, décerner mandat d'arrêt et non mandat de dépôt16. Il ne faisait certes ainsi que se conformer aux usages de l'époque jus-tifiés par la facilité et les moindres coûts du mandat de dépôt. En son Traité de l’instruction criminelle, Faustin-Hélie nous apprend en effet que « le mandat d’arrêt, avec ses formes et ses solennités, a été généralement délaissé, et le mandat de dépôt, mandat essen-tiellement provisoire, rendu sans conclusions du Ministère public et dénué de motifs, lui a été peu à peu substitué et a pris quelque peu sa place »17. Il n’en demeure pas moins que ce mandat était illégal.

Au-delà des formes, la détention préventive de Verlaine était-elle seulement nécessaire et indispensable ? La crainte d’une fuite à l’étranger alors que les mesures alternatives n’existaient pas pouvait le laisser penser. Aujourd’hui la détention sous sur-veillance électronique instituée par la loi du 27 décembre 2012 portant des dispositions diverses aurait peut-être pu constituer une alternative crédible si un récent arrêt de la Cour de cassa-

9 Le manuscrit de l’audition de Paul Verlaine par le Commissaire-adjoint Joseph DELHALLE révèle que le passage « laquelle prétend qu’il a des relations immorales avec Rimbaud » a été souligné en rouge. Est-ce là le fait du juge d’instruction ? Il n’y a pas de certitude mais au regard de la tournure que prendra l’enquête, on peut le supposer, voyez note 65 du livre à paraître de B. BOUSMANNE, Verlaine en Belgique, Cellule 252, Turbulences poétiques.

10 Paul Verlaine, Mes prisons, p. 21.11 soit le 30 juillet 1872. B. BOUSMANNE, voyez note 66 du livre à paraître de B. BOUSMANNE, Verlaine en Belgique, Cellule 252, Turbulences poétiques.12 B. BOUSMANNE, op. cit., p. 99.13 Sur ce sujet voyez les explications limpides de M. FAUSTIN-HELIE, Traité de l’instruction criminelle, Bruxelles, Bruylant, 1865, T. II pp. 430 et suiv.14 A l’heure actuelle, les mêmes dispositions du Code pénal sanctionnent la tentative d’assassinat d’une peine criminelle, soit la réclusion de 20 à

30 ans.15 l’article 3 de la loi 18 février 1852 sur la détention préventive prévoit que « si le fait est de nature à entraîner une peine seulement infamante,

la réclusion ou les travaux forcés à temps, le juge d’instruction décernera un mandat de dépôt », tandis que l’article 4 énonce que « si le fait emporte une autre peine afflictive et infamante, le juge d’instruction, après avoir entendu le procureur du Roi, décernera un mandat d’arrêt ».

16 L’article 7 de la Constitution prévoyant que nul ne peut être privé de liberté plus de 24 heures sans la décision d’un juge sonnera le glas pour le mandat de dépôt qui sera abrogé par la loi du 20 avril 1874. Curieusement, l’article 609 du C. i. crim. en fait encore état. Un oubli sans doute ! Sur l’évolution législative de la détention préventive, voyez B. DEJEMEPPE et Fr. TULKENS, L’esprit de justice, histoire et actualités de la détention préventive, in La détention préventive, Larcier, Bxl, 1992, p. 13 à 41.

17 M. FAUSTIN-HELIE, op. cit., p. 431 n° 2664.

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tion du 11 février 2015 n’en n’avait limité le champ d’applica-tion. Le législateur n’ayant pas voulu autoriser la détention sous surveillance électronique en cas de renvoi devant le tribunal correctionnel, la Cour de cassation en a déduit que la juridiction d’instruction n’a d’autre choix lors du renvoi que de mettre fin à la détention ou de libérer l’inculpé sous conditions en applica-tion de l’article 35 de la loi sur la détention préventive18.

Notons que déjà le 3 juin 1873 le Parlement dut voter une mo-tion tendant à réduire le nombre de détenus préventifs, motion qui déboucha sur la loi du 20 avril 1874 sur la détention préven-tive, loi dont nous gardons encore les fondements19. 140 ans plus tard, la problématique demeure. Entre 1980 et 2010, le nombre de détenus préventifs a augmenté de 170 %. Ils repré-sentent aujourd’hui environ 30 % de la population carcérale.

Sous mandat de dépôt, inculpé de tentative d’assassinat, Verlaine est emmené à la prison des Petits Carmes le 11 juillet 1873. Il y restera jusqu’au jugement, sans examen périodique d’une chambre du conseil qui ne se réunit que sur requête de mise en liberté provisoire20. Allongé sur sa paillasse, il attend et regarde au travers de la lucarne :

Bruxelles, Petits-Carmes, à la pistole Septembre 1873

Le ciel est par-dessus le toit, Si bleu, si calme ! Un arbre, par-dessus le toit, Berce sa palme.

La cloche, dans le ciel qu’on voit, Doucement tinte. Un oiseau sur l’arbre qu’on voit Chante sa plainte.

Mon Dieu, mon dieu, la vie est là Simple et tranquille. Cette paisible rumeur-là Vient de la ville.

Qu’as-tu fait, ô toi que voilà Pleurant sans cesse, Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà, De ta jeunesse ?

Le juge t’Serstevens a pris l’affaire à cœur. Le 12 juillet 1873, il descend à l’Hôtel de la ville de Courtrai, perquisitionne la chambre des deux compères et interroge le gérant de l’hôtel. Il poursuit ses investigations chez l’armurier des galeries Saint-Hubert. À l’hôpital Saint-Jean, il interroge un Rimbaud finale-ment hospitalisé.

On ne le sait déjà, mais la balle est toujours logée dans son poignet et l’infection gagne. Le 16 juillet, le médecin légiste, le Dr Semal, décrit minutieusement la blessure de Rimbaud et conclut que la présence d’un projectile est « douteuse ». La balle ne sera finalement extraite que le lendemain.

Le juge d’instruction saisit encore dans le portefeuille de Verlaine des lettres écrites à Rimbaud ainsi qu’un poème inti-tulé « Le bon disciple » dont le sens bien équivoque n’échappe pas au magistrat instructeur. L’affaire criminelle se voit dou-blée d’une sordide affaire de mœurs. Sur réquisition du juge d’instruction, Verlaine subit un examen corporel aussi inutile qu’humiliant21 par le Dr Semal chargé de rechercher d’éven-tuelles traces d’habitudes pédérastiques. Pour l’occasion, il est même accompagné d’un aliéniste, l’homosexualité étant à l’époque assimilée à une maladie mentale. Son rapport est acca-blant pour Verlaine. Voilà bien un état d’esprit, une mentalité en complet décalage avec les lois anti-discrimination votées ces dernières années dans notre pays.

Le 18 juillet 1873, le juge t’Serstevens entend pour la seconde fois Verlaine et Rimbaud.

Le lendemain, pris de remords ou craignant des suites du dos-sier pour sa personne et sa réputation, Rimbaud fait parvenir au juge d’instruction une lettre de désistement22. Il y explique l’ivresse de Verlaine due aux contrariétés avec sa femme, son souhait de retirer sa plainte et sa renonciation à toute action et à tout bénéfice pouvant résulter des poursuites. C’est cepen-dant oublier que les lois pénales sont d’ordre public et que, comme l’écrit déjà à l’époque Faustin-Helie « le droit au désiste-ment ne s’applique ni aux dénonciations ni aux plaintes, il ne s’ap-plique qu’aux actes constitutifs de l’action civile »23. Coup d’épée dans l’eau pour Rimbaud. La machine judiciaire est lancée et continue sa route.

18 Cass., 11.02.2015, RDP, 2015, p. 579 ; JT, 2015, p.204.19 Th. VERSEE, « La privation de liberté dans la procédure pénale belge », Rev. dr. pén. crim., 1966, pp. 345-346.20 Art. 6 de la loi sur la détention préventive du 18.02.1852.21 B. BOUSMANNE, op. cit., p. 102.22 Selon F. PORCHE, le style juridique du document donne à penser que Me NELIS, le défenseur de Verlaine, ne fut pas étranger à sa rédaction.23 M. FAUSTIN-HELIE, Traité de l’instruction criminelle, Bruylant, 1865, T. II, p. 299.

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Le 23 juillet 1873, Théodore t’Serstevens clôt déjà son instruc-tion et communique son dossier au parquet qui le lui renvoie le 25 juillet pour qu’il fasse rapport en chambre du conseil. L’enquête n’aura duré en tout et pour tout que douze jours, un délai aujourd’hui intenable dans un dossier nécessitant une descente, plusieurs auditions, des saisies, des analyses de cour-riers et d’une expertise médico-légale. Une expertise balistique a-t-elle également eu lieu ? Une reconstitution a-t-elle été réa-lisée ? Nous l’ignorons.

La chambre du conseil se réunit le 28 juillet, composée de « trois juges au moins, y compris le juge d’instruction ». Chose inimagi-nable aujourd’hui, Théodore t’Serstevens fera donc rapport et participera au délibéré puis au vote et ce, sans la moindre incompatibilité aucune, sachant qu’un seul vote positif suffit au renvoi du dossier à la chambre d’accusation, l’antichambre de la cour d’assises. Théodore t’Serstevens admet néanmoins au final l’absence de charges suffisantes pour l’infraction de tentative d’assassinat et c’est à l’unanimité que la chambre du conseil disqualifie et renvoie donc Verlaine en correctionnelle du chef de la prévention de coups et blessures ayant entraîné une incapacité de travail. Non sans préciser toutefois que ce le sera « sous mandat de dépôt ».

Le lendemain 29 juillet, l’affaire est distribuée à la 6ème chambre correctionnelle qui tient audience le 8 août : « c’était comique d’entendre, en français, cet accent par trop belge que vous avait ce jeune, à peine sorti de quelque Louvain ou de quelque Gand ou de quelque université du cru ». Pour le magistrat du Ministère pu-blic, point de comique et c’est « toute les sévérités dont la loi est armée » qu’il requiert24.

La décision des trois juges tombe immédiatement. La moti-vation du jugement est laconique, ajoutée sur un modèle pré-imprimé dont quelques articles ont été biffés. L’infraction de « coups et blessures volontaires ayant entraîné une incapacité de travail personnel à la victime (articles 398 et 400 du Code pénal) » est déclarée établie, même si Rimbaud était plutôt oi-sif, droitier et que sa blessure ne nécessita que quelques jours d’hospitalisation. C’était en effet incontestable. La loi se satis-fait d’ailleurs aujourd’hui encore d’une incapacité de travail même de faible durée25. Quant à la peine, elle est maximale : deux ans d’emprisonnement et deux cents francs d’amende. Verlaine s’effondre, le désespoir l’envahit mais lui inspire aussi le jour même le poème « Berceuse ».

L’appel lui permet néanmoins d’envisager une possible réduc-tion de la peine.

Il l’ignore encore, mais le 21 août parviendra aux autorités belges un rapport défavorable du préfet de police français interrogé un mois plus tôt par commission rogatoire du juge t’Serstevens. Il y est question de liaisons avec des personnages influents sous la Commune, de révocation de son emploi à l’hôtel de ville pour négligence dans son service, d’une passion honteuse pour Rimbaud, d’un abandon de femme et enfant en bas-âge, d’habitudes d’intempérance et d’abus de boissons alcooliques.

Un réquisitoire plutôt modéré et une excellente plaidoirie de son conseil, ne suffiront pas à renverser le cours des choses. L’arrêt du 27 août 1873, prononcé par cinq conseillers, confirme purement et simplement la peine maximale. Le dossier judi-ciaire se referme.

Le 25 octobre 1873, Verlaine est transféré en wagon cellulaire jusqu’à la nouvelle gare de Mons dont l’inauguration n’aura lieu que l’année suivante. Le reste du voyage se fera en roulotte de fer tirée par deux chevaux de trait.

Le cocher a cédé la place à l’agent pénitentiaire. La protection du transfert relève de la police et la surveillance du détenu d’un policier ou d’un agent de sécurité26. La roulotte de fer a été motorisée, parfois blindée et agrandie au point de pouvoir transporter 14 détenus mais au risque de ne pouvoir franchir les portes de certaines prisons27. Si les roulottes de fer de la Di-rection générale des Établissements pénitentiaires ne suffisent pas, appel est alors fait aux taxis qu’il faudra bien évidemment payer. 840.000 euros en 201428. À quand le Uber pénitentiaire ?

Récente, construite en 1867 en bordure du Parc, la prison de Mons laisse plutôt bonne impression à Verlaine : « La prison, cellulaire aussi, de la capitale du Hainaut, est, je dois le confesser, une chose jolie au possible. De brique rouge pâle, presque rosé, à l’ex-térieur, ce monument, ce véritable monument, est blanc de chaux et noir de goudron intérieurement avec des architectures sobres d’acier et de fer ».

Verlaine y subit maintenant l’emprisonnement cellulaire intro-duit par la loi du 4 mars 1870 disposant que « les condamnés aux travaux forcés, à la détention, à la réclusion et à l’emprisonnement

24 Paul Verlaine, mes prisons, p. 36-38.25 A. DELANNAY, Les homicides et lésions corporelles volontaires, in Les infractions, vol. II, Larcier, 2010, pp. 298, n° 243.26 article 3, 2° de la loi du 25.02.2003 portant création de la fonction d’agent de sécurité en vue de l’exécution des missions de police des cours et

tribunaux et de transfert de détenus ; Directive contraignante du 13.12.2001 ; BQR Chambre, 2011-2012, n° 0555.27 BQR Chambre, 2002-2003, n° 0794, p. 20.359.28 BQR Chambre, 2014-2015, n° 0214.

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seront, pour autant que l’état des prisons le permettra, soumis au régime de la séparation »29.

De sa cellule, il ne sortira guère plus d’une heure par jour pour se rendre au préau, et encore, ce le sera la tête couverte d’une cagoule30. Dans un poème intitulé « Autre » et rédigé à la prison des Petits-Carmes, Verlaine a décrit l’univers carcéral du préau, de l’heure dont dispose les prisonniers pour se promener, fu-mer une pipe, tourner en rond. On peut aisément imaginer qu’il en fut de même à la prison de Mons (ci-contre).

Le Verlaine d’aujourd’hui devrait, lui, partager ses neuf ou douze mètres carrés avec deux voire trois codétenus dont il ne sait rien ou très peu, mais dont il doit notamment supporter les ronflements et les choix de programmes TV. Dernier arrivé dernier servi, celui-là étalera son matelas à même le sol. L’eau est froide et les toilettes seulement séparées de la table et des chaises par un paravent. Telles sont les conséquences de la surpopulation de la prison de Mons qui, il y a peu, comptait encore 413 détenus pour 307 places31. Le manque de moyens de l’administration pénitentiaire n’arrange rien non plus. Sou-vent dépourvues de porte, les douches ne sont accessibles que deux fois 5 minutes par semaine. Crasseuses, certains s’y sou-lagent. Quant à la nourriture, le forfait de 3,5 euros par jour et par détenu n’autorise que la débrouille32. Paradoxe s’il en est, à quelques kilomètres de là, à Leuze, la nouvelle prison mise en service en août 2014 n’est toujours pas occupée à pleine capaci-té. C’est que l’administration n’a pas pourvu aux recrutements du personnel nécessaire …33

Après quelques jours de régime ordinaire, Verlaine travaille et voit son sort s’améliorer avec l’attribution, moyennant paie-ment, d’une cellule plus spacieuse et meublée - la 252 - : « Mon occupation jusqu’à présent est de trier du café. Ça tue un peu le temps. Je sors une heure par jour pendant laquelle je peux fumer. Tout le reste du temps, c’est l’emprisonnement cellulaire dans toute la stricte acceptation du mot. Je suis à la pistole avec un bon lit et de bonne nourriture »34. Le régime dit de « la pistole consiste dans la faculté d’être logé et nourri séparément à son propre compte, d’être vêtu à ses frais et d’être dispensé de travailler et de porter les habillements de la prison »35. Réservée à l’origine aux seuls condamnés, un arrêté royal du 4 avril 1833 a étendu aux détenus préventifs la pos-

29 Loi du 4 mars 1870 relative à la réduction des peines subies sous le régime de la séparation. 30 Le port obligatoire de cette cagoule pour tout détenu hors de sa cellule n’a été rendu facultatif que par AR du 24.03.1920.31 Au 04.03.2015 ; 395 détenus le 20.05.2015.32 Art. 42 de la loi de principe : « l’alimentation du détenu doit être fournie en quantité suffisante, respecter les normes d’hygiène modernes et, le

cas échéant, être adaptée aux exigences de son état de santé ».33 Le taux d’occupation était de 50 % en avril 2015 : BQR, 2014-2015, n° 0295.34 Paul Verlaine, Lettre à Edmond Lepelletier, Mons, 22 novembre 1873, citée par B. BOUSMANNE, Verlaine en Belgique. Cellule 252. Turbulences

poétiques. à paraître, p. 46.35 Article 54 de l’arrêté organique du 4 novembre 1821.

Bruxelles, juillet 1873Préau des prévenus

AUTRE

La cour se fleurit de souci Comme le front De tout ceux-ci Qui vont en rondEn flageolant sur leur fémur Débilité Le long du mur Fou de clarté.

Tournez, Samsons sans Dalila Sans Philistin, Tournez bien la Meule au destin !Vaincu risible de la loi, Mouds tour à tour Ton cœur, ta foi Et ton amour !

Ils vont ! et leurs pauvres souliers Font un bruit sec, Humiliés, La pipe au bec.Pas un mot ou bien le cachot, Pas un soupir. Il fait si chaud Qu’on croit mourir.

J’en suis de ce cirque effaré, Soumis d’ailleurs Et préparé A tous malheurs.Et pourquoi si j’ai contristé Ton vœu têtu, Société, Me choierais-tu ?

Allons, frères, bons vieux voleurs, Doux vagabonds, Filous en fleurs, Mes chers, mes bons,Fumons philosophiquement, Promenons nous Paisiblement : Rien faire est doux.

MERCURIALE

18|Emile & Ferdinand| N°14 |Décembre 2015

sibilité de disposer de « locaux convenables » moyennant un « loyer » à échoir « dans les caisses de l’état ». Elle est accordée par le gouverneur de la province sur avis du ministère public.

Aujourd’hui, la cantine permet au détenu d’acheter certains objets ou biens de consommation36 susceptibles d’améliorer l’ordinaire de la détention. Le condamné y a accès deux fois par semaine, l’inculpé, le prévenu et l’accusé, quotidiennement37. Ses tarifs sont certes de 3 à 10 % plus élevés qu’à l’extérieur mais les bénéfices qu’elle génère alimentent la caisse d’entraide des détenus les plus nécessiteux38.

De sa cellule, la nuit, lorsque le sommeil ne vient pas, Verlaine perçoit quelques bruits du monde extérieur :

« L’aile où je suis donnant juste sur une gare,J’entends, de nuit – mes nuits sont blanches – la bagarreDes machines qu’on chauffe et des trains ajustés.Et vraiment c’est des bruits de nids répercutésA des cieux de fonte et de verre et gras de houilleVous n’imaginez pas comme cela gazouilleEt comme l’on dirait des efforts d’oiselets Vers des vols tout prochains violets Encore et que le point du jour éveilla à peine …Ô ces wagons qui vont dévaler dans la plaine »

Mons, 1874, janvier, février, mars et passimVieux coppées, extrait, VII

Aujourd’hui, l’électricité a fait taire les trains. Depuis deux ans et demi, seuls les cris des pelleteuses, piques et autres tortion-naires de chantiers parviennent encore jusqu’aux barreaux des fenêtres. La gare de 1952 qui déjà succéda à celle que Verlaine a connue, œuvre de l’architecte montois René Panis, s’est effon-drée malgré d’ultimes suppliques de riverains devant le conseil d’État. Tel un dock anversois, les containers occupent désor-mais les lieux. C’est que le projet du valencien Santiago Cala-trava est ambitieux, son dragon ou plutôt sa « libellule » se vou-lant « gare passerelle » entre le cœur historique et le nouveau quartier des Grands Prés avec son centre de congrès.

En prison où le temps s’arrête et semble sans fin, Verlaine écrit des poèmes qu’il envisage de rassembler dans un ouvrage inti-

tulé « Cellulairement ». Il y exprime toute sa souffrance et sa mélancolie :

Réversibilités

Entends les pompes qui font Le cri des chats.Des sifflets viennent et vont Comme en pourchas.- Ah ! dans ces tristes décorsLes Déjàs sont les Encors !

Ô les vagues Angelus ! ( Qui viennent d’où ? )Vois s’allumer les Saluts Du fond d’un trou.- Ah ! dans ces mornes séjoursLes Jamais sont les Toujours !

Quels rêves épouvantés, Vous, grand murs blancs !Que de sanglots répétés, Fous ou dolents !- Ah ! Dans ces piteux retraits

Les Toujours sont des JamaisTu meurs doucereusement, Obscurément,Sans qu’on veille, ô cœur aimant, Sans testament !- Ah ! dans ces deuils sans rachatsLes Encors sont des Déjàs !

De la Prison cellulaire de Mons

En novembre 1874, pointe enfin l’espoir d’une libération pro-chaine du fait des 169 jours de réduction de peine dont peut bénéficier le poète en application de la loi du 4 mars 1870 « rela-tive à la réduction des peines sous le régime de la séparation »39. Selon Nypels en effet « la rigueur de ce régime et l’amendement plus prompt qu’on est en droit d’espérer doivent abréger la peine pour ceux qui y sont soumis »40.

Aujourd’hui, le sort des condamnés dont le total des peines d’emprisonnement à exécuter n’excède pas trois ans demeure pour l’essentiel41 étranger à la loi du 17 mai 2006 sur l’appli-

36 Taque électrique, vêtements, chaussures, lecteur DVD, pâtes, viande, fruits, friandises, …37 Quotidiennement pour les inculpés, prévenus et accusés.38 Circ. N° 1747 du 05.09.2002, point 8.4.2.39 La durée des peines subies sous le régime de la séparation est réduite de 3/12ème pour la 1ère année, 4/12 pour les 2ème et 3ème années.40 J. – S.G. NYPELS, Commentaire et complément du code pénal belge, T. 1er, Bruxelles, Bruylant – Christophe et compagnies, 1867, p. 373, note 2.41 Les permissions de sortie, le congé pénitentiaire et l’interruption d’exécution sont néanmoins réglementés par les articles 4 à 20 de la loi du 17

mai 2006.

MERCURIALE

Décembre 2015|N°14|Emile & Ferdinand|19

cation des peines42. Leur libération provisoire relève encore du pouvoir exécutif. La circulaire ministérielle n° 1771 du 17 jan-vier 200543 dispose que les détenus qui comme Verlaine ont été condamnés à des peines d’emprisonnement principal dont le total en exécution dépasse un an sans en excéder trois peuvent bénéficier de la mesure de libération provisoire dès qu’ils ont atteint le tiers de leur(s) peine(s), et ce même si le jugement ou l’arrêt a constaté qu’ils étaient en état de récidive légale. Lorsque la peine n’excède pas un an, la décision en appartient au directeur de la prison qui en principe libère automatique-ment lorsque les conditions de temps sont remplies. Au-delà d’un an et jusqu’à trois ans d’emprisonnement pour des faits de droit commun, c'est-à-dire pour d’autres faits que des faits de mœurs, il appartient toutefois au directeur de vérifier l’absence de contre-indications à la libération provisoire44. S’il la refuse ou l’assortit de conditions individualisées, il doit motiver spé-cialement sa décision.

Le 16 janvier 1875, après dix-huit mois d’emprisonnement dont près de treize à Mons, le « bel et bien coffré » sort enfin de sa « « boîte » presque capitonnée. Direction, la gare. Pas tout à fait libre encore, puisque c’est encadré par deux gendarmes avec « bonnets à poil sur des têtes imberbes » qu’il est remis à la maréchaussée française au poste frontière de Quiévrain45. S’il sort soulagé, le poète n’a pas pour autant vécu une véritable « saison en enfer ». Privé d’alcool, n’ayant plus à choisir entre Rimbaud et Mathilde, Verlaine se laissa vivre dans la routine des mêmes horaires et des mêmes gestes. Il écrira même avoir «(…) regret aux deux ans dans la tour car c’était bien la paix réelle et respectable (…) »46.

Libre, Verlaine gagne Douai puis Fampoux pour y retrouver le cocon familial.

*

Parmi les leçons à tirer de cette affaire dite de Bruxelles, rete-nons celles de la peine et des délais.

Si la sévérité de la peine interpelle - deux ans ferme, soit le maximum – ce l’est sans doute parce qu’elle vise davantage la personne de Verlaine que ses actes. Ses mœurs dépravées et

honteuses en ce temps-là, sa femme et son fils abandonnés pour un autre homme de surcroît et sa sympathie affichée vis-à-vis des communards n’ont pas joué en sa faveur. Plus que le coup de révolver, Verlaine paie probablement le prix de ses fré-quentations47.Certes, la jurisprudence autorise le juge à tenir compte de la personnalité mais elle ne peut l’aveugler dans son choix de la peine. C’est rarement le cas du juge professionnel, mais il n’est pas rare d’entendre en cour d’assises : « l’accusé passe mal auprès des jurés ». Il faut alors toute la poigne et l’habileté d’un pré-sident, l’objectivité de l’avocat général et le talent de l’avocat pour que le procès reste équitable et ne tourne pas au lynchage.

Les délais de la procédure impressionnent également. Les faits se sont produits le 10 juillet et le 27 août l’arrêt de la cour d’appel est rendu. Faut-il regretter pareille célérité aujourd’hui impensable ? Pas nécessairement. Une justice aussi rapide se fait au détriment des droits de la défense depuis lors fort heu-reusement renforcés par la loi Salduz imposant la présence de l’avocat dès la garde à vue, la possibilité pour l’inculpé de solli-citer des devoirs complémentaires ou encore l’obligation pour les juges de motiver leurs décisions tant sur la culpabilité que sur la peine.

La justice expéditive où tout est plié et emballé en un mois et demi a malheureusement dans de nombreux cas fait place à une justice qui n’en finit pas et qui par sa durée devient une véritable injustice. J’espère que les réformes nombreuses entreprises ré-cemment pourront contribuer à réduire le délai de traitement des dossiers sans que cela se fasse au détriment du procès équi-table et des droits de la défense. C’est là le vœu que je forme. La justice dans notre pays n’en sera alors que plus juste.

42 Mon. b., 15.06.2006.43 Cette circulaire a compilé et réuni nombre de circulaires antérieures. Elle a depuis lors été modifiée par la circulaire n° 10/2014 du 28 janvier 2014.44 Sont toutefois notamment exclus les condamnés sans droit de séjour dans le pays.45 L’article 1er de la loi du 7 juillet 1865 relative aux étrangers vise « l’étranger résidant en Belgique, qui, par sa conduite, compromet la tranquillité

publique, ou qui a été poursuivi ou condamné à l’étranger pour les crimes ou délits qui donnent lieu à l’extradition, conformément à la loi du 1er octobre 1833 ». A fortiori, cela vaut-il pour l’étranger est condamné en Belgique pour un crime ou un délit donnant lieu à extradition ( RPDB, 1950, T. IV, verbo Etrangers, p. 820, n° 45 ).

46 Paul VERLAINE, Amour, écrit en 1875 à Edmond LEPELLETIER : « J’ai naguère habité le meilleur des châteaux… »47 B. BOUSMANNE, Verlaine en Belgique, Cellule 252. Turbulences poétiques, à paraître, p. 35 et 37.

O Belgique qui m’as valu ce dur loisir,Merci ! J’ai pu du moins réfléchir et saisirDans le silence doux et blanc de tes cellulesLes raisons qui fuyaient comme des libellulesA travers les roseaux bavards d’un monde vain,Les raisons de mon être éternel et divin,Et les étiqueter comme en un beau musée,Dans les cases en fin cristal de ma pensée.Mais, ô Belgique, assez de ce huis-clos têtu !Ouvre enfin, car c’est bon pour une fois, sais tu !

Mons, 1874, janvier, février, mars et passimVieux coppées, Le dernier dizain, extrait, VII

MERCURIALE

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