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Etude des effets d’un groupe de prévention de la rechute basée sur la pleine conscience pour des patients alcoolo-dépendants L. Lefevre*, N. Camart*, L. Saintecatherine**, M. Denhier**, I. Alzib**, P. Basard** * Laboratoire CliPsyD, EA 4430, UFR de Sciences Psychologiques et de Sciences de l’Education, Université Paris Nanterre ** Unité d’ addictologie, Centre Hospitalier de Plaisir, 2 rue Saint-Germain, 78370 Plaisir Mindfulness-Based Relapse Prevention (MBRP) de Bowen et al. (2009) est un programme de prévention de la rechute basée sur la pleine conscience pour les comportements addictifs. Peu d’études françaises ont évalué ses effets dans la prévention de la rechute alcoolique. Il s’agira de présenter les résultats préliminaires d’une étude en cours menée auprès de 14 patients ayant suivi ce programme en unité d’ addictologie. L’objectif est d’étudier l’évolution à court et long terme de la consommation d’alcool mais également d’autres variables telles que la capacité à être en pleine conscience, l’anxiété, la dépression, l’affirmation de soi, la régulation émotionnelle, l’impulsivité et le sentiment d’efficacité personnelle. Intervention Méthodologie Questionnaires remplis en T1, T2 et T3 : AUDIT (Alcohol Use Disorders Identification Test) : évalue la dépendance à l’alcool MAAS (Mindfulness Attention Awareness Scale) : évalue la capacité à être en pleine conscience HADS (Hospital Anxiety and Depression Scale) : évalue les symptômes anxieux et dépressifs Rathus : évalue le niveau d’affirmation de soi CERQ (Cognitive Emotional Regulation Questionnaire) : évalue les différents modes de régulation émotionnelle utilisés BIS-11 : évalue le niveau d’impulsivité SES (Self Efficacy Scale) : évalue le sentiment d’efficacité personnelle Résultats Conclusion Tableau 1 Comparaison des scores entre T1 et T2 : test de Wilcoxon pour échantillons appariés ; N =14 ; test significatif pour p<0,05 L’étude à court terme (post intervention) montre des résultats significatifs : une diminution de la consommation d’alcool, une amélioration au niveau de l’affirmation de soi, une tendance à avoir moins recours au blâme de soi, une diminution de l’impulsivité totale et de l’impulsivité motrice. Références : Bowen, S., Chawla, N., Collins, S. E., Witkiewitz, K., Hsu, S., Grow, J., ... & Marlatt, A. (2009). Mindfulness-based relapse prevention for substance use disorders: A pilot efficacy trial. Substance abuse, 30(4), 295-305. Bowen, S., Chawla, N., & Marlatt, A. (2013). Addictions: prévention de la rechute basée sur la pleine conscience: guide clinique. De Boeck Superieur. Carpentier, D., Romo, L., Bouthillon-Heitzmann, P., & Limosin, F. (2015). Résultats préliminaires d’un groupe de pleine conscience (Mindfulness) chez des patients alcoolo-dépendants. L'Encéphale, 41(6), 521-526. Witkiewitz, K., Bowen, S., Douglas, H., & Hsu, S. H. (2013). Mindfulness-based relapse prevention for substance craving. Addictive behaviors, 38(2), 1563-1571. 8 séances de 2 heures à un rythme hebdomadaire Groupe fermé, 8 participants maximum Animé par deux psychologues d’orientation TCC formées à la méditation de pleine conscience Déroulé du programme : Séance 1 : le « pilote automatique », comment le détecter dans son quotidien Séance 2 : prendre conscience des déclencheurs et des fortes envies de consommer Séance 3 : pratiquer la pleine conscience dans la vie de tous les jours Séance 4 : pratiquer la pleine conscience dans les situations à haut risque Séance 5 : développer une attitude d’acceptation et des comportements efficaces Séance 6 : travail sur la reconnaissance des pensées et sur le rapport à celles-ci Séance 7 : prendre soin de soi et adopter un style de vie équilibré Séance 8 : comment s’appuyer sur le soutien social et réflexions autour de la poursuite de la pratique Entre les séances, il est demandé aux participants de pratiquer 45 minutes minimum par jour (méditations et activités en pleine conscience). Une revue des tâches individuelles est effectuée au début de chaque séance. T1 T2 Comparaison entre T1 et T2 Moyenne (sd) Moyenne (sd) Z p AUDIT 14,93 (11) 7,79 (9,1) 2,1 0,04 MAAS 3,66 (0,9) 4,08 (0,6) 1,8 0,08 HAD Anxiété 9 (3) 8,21 (2,4) 1,6 0,10 Dépression 6,64 (4,1) 5,86 (3,2) 0,8 0,46 Rathus 103,64 (15) 99,71 (16) 2 0,05 CERQ Blâme de soi 12,14 (3,6) 9,64 (3,3) 2,5 0,01 Acceptation 12,93 (3,2) 13 (3,6) 0,1 0,89 Ruminations 12,64 (3,7) 12,21 (2,8) 0,6 0,56 Centration positive 12 (4,7) 12 (4,1) 0,2 0,86 Centration sur l'action 14,43 (4,6) 14,29 (3,1) 0,1 0,89 Réévaluation positive 14,29 (4,3) 14 (4,3) 0,2 0,82 Mise en perspective 13,71 (3,6) 14,36 (3,7) 0,6 0,53 Dramatisation 10,43 (3,5) 9,43 (3,3) 1 0,33 Blâme d'autrui 7,5 (2,4) 6,93 (2,2) 1,1 0,26 BIS-11 Impulsivité totale 67,46 (6,4) 61,62 (5,2) 2,4 0,02 Impulsivité cognitive 17,92 (3,3) 16,31 (2,4) 1,9 0,06 Impulsivité motrice 24 (4,2) 21 (2,5) 2,1 0,04 Difficulté de planification 25,54 (5,2) 24,31 (2,6) 0,8 0,42 Sentiment d'efficacité personnelle 62,36 (3,6) 60,29 (6,3) 0,6 0,53 Différents temps de l’étude : T1 : N = 14 Juste avant le programme T2 : N = 14 Juste après le programme T3 : N = 4 1 à 2 ans après Population : 14 patients (10 hommes et 4 femmes : moyenne d’âge = 49,14 ans ; écart-type = 11,58) Critères d’inclusion : être majeur, présenter une dépendance à l’alcool, être abstinent ou en voie de l’être. Critères d’exclusion : présence d’un trouble psychotique, d’une dépression sévère ou d’attaques de panique. Tableau 2 Comparaison des scores entre T1 et T3 : test de Wilcoxon pour échantillons appariés ; N = 4 ; test significatif pour p<0,05 Evaluation en T1 Evaluation en T3 Comparaison entre T1 et T3 Moyenne (sd) Moyenne (sd) Z p AUDIT 10,75 (9,22) 4 (3,37) 1,6 0,11 MAAS 3,65 (1,15) 4,88 (0,4) 1,83 0,07 Rathus 95 (10,17) 88 (9,06) 1,83 0,07 CERQ Mise en perspective 14,75 (3,3) 11 (2,94) 1,83 0,07 BIS-11 Impulsivité cognitive 18 (3,61) 15,13 (4,44) 1,6 0,11 Bien que non significatifs, les premiers résultats à long terme (follow-up) semblent présenter quelques tendances : une baisse de la consommation d’alcool, une augmentation de la capacité à être en pleine conscience, une amélioration de l’affirmation de soi, une augmentation du mode de régulation émotionnelle « mise en perspective » et une baisse de l’impulsivité cognitive (prise de décision rapide). Cas de Monsieur P. (50 ans), patient ayant suivi le groupe en mars 2017 : Monsieur P. déclare être aujourd’hui abstinent, ce qui semble se vérifier avec le score à l’AUDIT qui a fortement diminué (T1=13 ; T3=5) passant ainsi de la catégorie « dépendance à l’alcool » à « absence de dépendance ». Selon lui, le groupe lui a permis de prendre « conscience de [son] ressenti personnel » et l’a aidé « à sortir du mode automatique ». Il dit pratiquer des exercices de pleine conscience deux à trois fois par semaine, seul. Sa capacité à être en pleine conscience a légèrement augmenté (T1=4,7 ; T3=4,9). Son score d’affirmation de soi s’est amélioré, il ne présente plus de difficultés à s’affirmer (T1=106 ; T3=98). On observe une légère augmentation de trois stratégies de régulation émotionnelle adaptées : centration positive (T1=13 ; T3=15), centration sur l’action (T1=15 ; T3=17) et réévaluation positive (T1=14 ; T3=16). Monsieur P. pense que le groupe a eu un effet sur d’autres aspects de sa vie quotidienne : une diminution de l’anxiété, une meilleure condition physique et une augmentation de la pratique d’activités saines comme le sport et le yoga. Post-intervention : Follow-up : Concernant les résultats à court terme (post-intervention) : La baisse significative de la consommation d’alcool va dans le sens de la littérature existante concernant l’efficacité du programme MBRP pour l’alcoolo-dépendance (Carpentier et al., 2015). Au vu de la littérature (Witkiewitz et al., 2013), on pouvait s’attendre à une augmentation significative de la capacité à être en pleine conscience ; ce n’est pas le cas. On peut faire l’hypothèse que les patients aient pu « surcoter » leur niveau de pleine conscience en T1. En effet, n’ayant pas encore expérimenté la pleine conscience, ils peuvent penser faire les choses de façon consciente dans leur quotidien, sans se rendre compte qu’ils sont souvent en « pilote automatique ». L’impulsivité a significativement baissé : ceci est en adéquation avec la pratique de la pleine conscience. En effet, durant le programme, les participants expérimentent le fait de ne pas réagir immédiatement en cas de situation stressante ou d’envie de consommer. L’amélioration de l’affirmation de soi ne constituant pas un but premier au sein du groupe MBRP, ce résultat semble difficile à interpréter. Les participants ont peut-être appris à mieux identifier leurs besoins, les amenant à se positionner en ce sens et à s’affirmer davantage. La tendance à moins avoir recours au blâme de soi pourrait aller également dans ce sens. Sur le long terme (follow-up), les résultats semblent encourageants concernant la consommation d’alcool, la capacité à être en pleine conscience, l’affirmation de soi et l’impulsivité. Ils sont cependant peu exploitables au vu du très faible échantillon. Lorsque l’on s’intéresse au ressenti des participants, il semble que le groupe ait été plutôt apprécié. Les patients interrogés déclarent que celui-ci a eu un effet positif sur leur consommation d’alcool et même sur certains autres aspects comme l’anxiété ou le sommeil. Contact : [email protected]

Etude des effets d’un groupe de prévention de la rechute ... · observe une légère augmentation de trois stratégies de régulation émotionnelle adaptées : centration positive

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  • Etude des effets d’un groupe de prévention de la rechute basée sur la pleine conscience pour des patients alcoolo-dépendants

    L. Lefevre*, N. Camart*, L. Saintecatherine**, M. Denhier**, I. Alzib**, P. Basard** * Laboratoire CliPsyD, EA 4430, UFR de Sciences Psychologiques et de Sciences de l’Education, Université Paris Nanterre

    ** Unité d’addictologie, Centre Hospitalier de Plaisir, 2 rue Saint-Germain, 78370 Plaisir

    Mindfulness-Based Relapse Prevention (MBRP) de Bowen et al. (2009) est un programme de prévention de la rechute basée sur la pleine conscience pour les comportements addictifs. Peu d’études françaises ont évalué ses effets dans la prévention de la rechute alcoolique. Il s’agira de présenter les résultats préliminaires d’une étude en cours menée auprès de 14 patients ayant suivi ce programme en unité d’addictologie. L’objectif est d’étudier l’évolution à court et long terme de la consommation d’alcool mais également d’autres variables telles que la capacité à être en pleine conscience, l’anxiété, la dépression, l’affirmation de soi, la régulation émotionnelle, l’impulsivité et le sentiment d’efficacité personnelle.

    Intervention Méthodologie

    Questionnaires remplis en T1, T2 et T3 :

    AUDIT (Alcohol Use Disorders Identification Test) : évalue la dépendance à l’alcool

    MAAS (Mindfulness Attention Awareness Scale) : évalue la capacité à être en pleine conscience

    HADS (Hospital Anxiety and Depression Scale) : évalue les symptômes anxieux et dépressifs

    Rathus : évalue le niveau d’affirmation de soi

    CERQ (Cognitive Emotional Regulation Questionnaire) : évalue les différents modes de régulation émotionnelle utilisés

    BIS-11 : évalue le niveau d’impulsivité

    SES (Self Efficacy Scale) : évalue le sentiment d’efficacité personnelle

    Résultats

    Conclusion

    Tableau 1 – Comparaison des scores entre T1 et T2 : test de Wilcoxon pour échantillons appariés ; N =14 ; test significatif pour p