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Extrait de la publication… · fille l'ile bleue de I'ecriture, longtemps reoee, Ie «livre de deraison», un chant du cygned'unebelle serenite. Car «Le livredederaison» lui etai!

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LE LIVREDE,

DERAISON

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Du ~ME AUTEUR

ROMANS

Cogne lacaboche, Montreal, Stanke, 1979,245 p. (prixlitteraire Champlain), 1979; [2e] edition revisee, prefacede Femand Dorais, coll. «Courant», Montreal, VLB,1989,298 p.; All theWay Home, [translation of the firstedition by Jane Pentland], Ottawa, Oberon Press, 1984,206p.Un cri trop grand, Montreal, Bellarmin, 1980, 233[2] p.Les Mensonges d'Isabelle, coll. «Litterature d'Amerique»,Montreal, Quebec/Amerique, 1983, 210 p.; 1990.LaCouronne d'oubli, Sudbury, Prise de parole, 1990,178 p.

POEsm

Petites Fugues pourunesaison seche, Hearst, Ie Nordir,1991,90 p.Nocturnes del'tzil,Sudbury, Prise de parole, 1993, 125 p.Mon pere aussi etaithorloger, Prise de parole, 1996, 143 p.

NOUVELLES

(Dir.) Rendez-vous, place del'Horloge, Sudbury, Prise deparole, 1993, 119 p.

ESSAIS

Les Miroirs d'un poeie. Image et reflets dePaul Eluard,Bruxelles-Paris, Desclee de Brouwer, et Montreal,Bellarmin, 1969, 170 p.Romans du pays, 1968-1979,Montreal, Bellarmin, 1980,454p.

ANTHOLOGm

(Avec Rene Dionne), L'.A.ge del'interrogation, 1937-1952,tome IV de l'Anthologie dela litterature quebecoise, sous ladirection de Gilles Marcotte, Montreal, La Presse, 1980,[xv], 463 p. (prix litteraire laPresse); [2e edition],L'Hexagone, 1994.

Deux cent cinquante exemplaires de cet ouvrage ont etenumerotes et signes par l'auteur.

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GABRIELLE POULIN

LE LIVREDE

DERAISON

2e edition revisee

Avec une preface de Rita Painchaud, un choix dejugements critiques et une biobibliographie

ROMAN

PRISE DE PAROLE

SUDBURY

1996

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ARene

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Preface

Depuis la parution d'un premier roman en 1979,Gabrielle Poulin voyage librement de la poesie auroman, de la nouvelle a l'essai, de la critique al'enseignement. L'ceuore est riche et se demarquenettement dans Ie paysage litteraire franco­ontarien. Du cote romanesque, Gabrielle Poulinpoursuit une mime demarche intimiste, une memeouete de bonheur. Le regard est iourne vers l'inte­rieur, vers les resistances et les fragilites de l'iire,vers des territoires nouveaux aconquerir. Plusieurspersonnages de Gabrielle Poulin vivent une crised'ideniiie, remettent en question l'ensemble desvaleurs uehiculees par une famille ou une societe.Pour certains, et ce sera Ie cas dans Ie Livre dederaison, l'ecriiure devient lieu de rebellion, deconfidences et de reappropriation de soi. Car par lesmots,on peutarriver adefaire les ombres qui voilentcette part de verite et d'eternite en nous.

Le Livre de deraison est comme une ile bleuequi prend forme et lumiere dans un regard de vieille

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dame. La narratrice principale de ce roman, uneseptuagenaire recemmeni placee dans un anciencouvent resiaure pour personnes agees, s'inventedes horizons de mer pourentrer plus librement dansla mort. Virginie remplit les pages vierges d'uncahier que lui avait offert sa petite-fille Michelle,professeure de liiterature qui reoe toujours d'ecrire,11 quarante ans, un premier roman. Sur une ilebleue. Dans son «livre de deraison», Virginieraconte l'envers du «livre de raison», triste chro­nique qu'elle avait tenue au fil des jours depuis sonmariage. Elle s'accorde desormais pleine liberie,s'abandonne aux mouvances du reoe, apprend 11aimer et 11 vivre. Le Livre de deraison donne voixaux forces vives qui lui permettront de s'affranchir.

Desson emmenagemeni au Manoir des Ormes, laseptuagenaire range ses horloges au fond d'un pla­card. La conscience du temps doit changer pour quetombent les masques et surgisse la veritable me­moire. Le temps eclate de l'inierieur, s'agrandii, sesuperpose: I'ecriiure ouvre11 toutes les demesures, 11tous les possibles. «Le temps qui coule, Ie temps quibrule. Le temps 11 retenir. Le temps 11 nier. Le tempsd'aimer. Le contretemps, lehors-temps. Lecollier sebrise. Les perles se disperseni.» Une seule perlecourt dans la main. Libre.

Au lieu de sombrer dans la douleur de la solitudeet du passe, Virginie choisit d'explorer «I'anti­chambre de l'eterniie», les lieux intimes aux confinsde soi. Elle avance vers les mots, se rechauffe aufeude I'ecriiure. Alors que d'autres s'enferment dans

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lee certitudes de l'tig«, voila que cette septuagenairebrise lee chaines invisibles qui I'avaient contrainte aune vie plus petite que la passion secrete qui I'ani­mait. Trop de regards exterieurs I'ont emprisonneeau milieu de paysages d'ombre. Virginie ne veutplus contenir ses desirs, ses eclats, ses folies; elle neveut pas mourir sans avoirreirouoe sa propre respi­ration, sa propre gestuelle. La deraison resonnecomme un appel: elle lui promet Ie jeu, dans lessurfaces comme dans les profondeurs, et la beautetoute simple de la vie quand elle a une voix et unvisage qui nous ressemblent.

Dans ses reveries a demi conscientes, la narra­trice voit deferler, comme apportes par le reflux dutemps, les anciens deguisemenis. Des blessures tou­jours brulantes. Devenuefemme, Virginie avait re­fuse la vocation religieuse: on lui avaitfait porter ladecision comme une trahison. Dans cet univers ano­nyme, sans passe et sans issue qu'est Ie Manoir desOrmes, Virginie arrive a se deiacher des vieillesodeurs et des mensonges, a recreer, malgre cettepartde desasire en elle, de nouvelles harmonies. EtVirginie comprend enfin que I'eternite est dans Iepresent d'ecriiure, dans un nocturne de Chopin,dans une promenade avec Gabriel, lenouveau voisinde palier.

Gabriel, ancien pianiste de concert, apparait icitel un ange liberaieur. C'est un personnage clef duroman. Car la musique de Gabriel donne sens aI'exploration inierieure de Virginie. Alorsque l'homme egrene les partitions de Chopin, la

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narratrice decouore la beaute dans le mouvement dela phrase, apprend anommer les [aniomes, aappri­voiser les morts avant que ne survienne la sienne.Les nocturnes et barcarolles libereni les espaces deI'ecriture, apaisent les douleurs, les dechirures.Comme Frederic, Ie petit garcon-oiseau perdu alorsqu'ii n'avait que six ans, un soir d'Halloween. Lagrande sceur Rolande avait laisse l'enfant a lui­meme. Le petit oiseau etai! revenu I'aile brisee, lafieore dans tout lecorps. Puis, la mort l'avait prise IIn'y aurait plus alors que des murs entre la mere etla fille Rolande, que des silences et des ombres, desregards opaques et etrangers.

L'ange Gabriel arriveaexorciser les mascarades,araviverlaflamme du desir, aramener les douceursen ce monde. Gabriel et Frederic, des noms presqueinterchangeables... Personnage mi-reel mi-fictif,Gabriel se confond aussi avec Virginie. «Douee dedeux mains qui dansent et d'une main aplume, dequatre oreilles, d'une paire d'ailes, d'un reil de sur­croft, d'une criniere blanche, d'un chignon toutaussi blanc et d'une barbe fleurie, c'esi une grandebete, c'est un archange. Un etre de deraison qui amis cent cinquante ans arassembler ses membres etses reoes epars» II aura fallu une vie aVirginiepour arriver ase ressembler, acoincider avec elle­meme.

Ainsi, le Livre de deraison est un romanidentitaire sur la vieillesse, un roman d'apprentis­sage. Et un roman sur l'ecriiure. Celie qui permetde toucher l'aube atravers lecrepuscule, de seniir la

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chaleur du regard amoureux malgre les hiversaccu­mulesautour du cceur. Celle quifait miroiret donnela naissance, qui sefait musique et danse. La beauieet la magie de ce roman tiennent d'ailleurs acetalliage sensible entre la prose et la poesie, qui sereconnaii dans Ie phrase de I'ecriiure, dans la ri­chesse de l'image. Mots, musique, rete et memoires'emmeleni pour mieux arrondir les angles de larealiie, de la raison, et pourdefier lamort. Les doigtsde Gabriel sur les touches noires et blanches pres­sentent les encres noires dans Ie cahier de Virginie.[amais peut-etre les deux personnages n'auront eteaussi vivants que dans ces derniers moments, quedans ces rencontres ultimes. Ensemble ils ont apprisa laisser les morts derriere eux, ensemble ils ontouvert Ie passage aleur propre mort qui viendrasimplement, comme le silence suit la musique.

Le Livre de deraison se situe dans le prolonge­ment des ceuores romanesques de Gabrielle Poulin.Les memes grands themes s'y trouvent abordes,mais sous un angle different. Dans Ies Mensongesd'IsabeIIe, l'auteure avait fouille la question del'identiie liee aI'ecriture, le theme du double, et lesdouloureux rapports entre une mere et une jeuneadolescente. Dans Ia Couronne d'oubIi, l'identiied'une dame agee etai! au cceur du roman, et lesrapports plus ou moinsheureuxau seind'une memefamille etaient approfondis. Dans Ie Livre dederaison, Gabrielle Poulin revient ala complexitedes rapports familiaux - tensions entre mere etfille, deceptions et incompreheneions, compliciies

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entre grand-mere et petite-fille, absence du pere oudu mari, rencontre de l'amant espere. Une certaineimportance est ici accordee a la relation prioilegieeentreMichelle et Virginie. Une relation hors tempsparce qu'elle contient une grande part d'eterniie.Virginie raconte avec emotion les accords tacites, lesdecouvertes de l'une comme de l'autre au fil desannees, les attentes et les retrouvailles, les plaisirsfous autour de I'amour et de la litterature. Michelleraconte les errances, les angoisses, les jragiliiee, lesaccueils. Le Livre de deraison 5'ouvre d'ailleurspar un riue inquiet de Michelle qui vient d'heriterdu cahier de sa grand-mere. Une ouverture tout afait reussie: il fallait toucher la deraison et voyagerau plus troublant du corps des les premiers mots,plonger dans l'uniuers onirique des les premierespages.

Avec la mort de Virginie, Michelle voit disparai­tre un refuge. Elle voit surgirl'infini d'une absence.Mais Virginie aura pris soin de leguer asa petite­fille l'ile bleue de I'ecriture, longtemps reoee, Ie«livre de deraison», un chant du cygne d'une belleserenite. Car «Le livredederaison» lui etai! destine.

II ne faut guere se surprendre que le Grand Prixdu Salon du livre deToronto ait etedecerne en 1994a Gabrielle Poulin, pour ce magnifique Livre dederaison, L'ceuore est genereuse, originale, sen­sible. La part de tendresse et de souffrance contenuedans les phrases traduit une realiit profonde, cellede la vieillesse qui cherche areconcilier les ombresdu passe avec la lumiere du present, a s'inscrire

12Extrait de la publication

dans un lieu d'appartenance liber« de tout men­songe. Gabrielle Poulin rappelle qu'il faut parfoisune vie pour reconnoitre la verite en soi, qu'unebraise ne cesse de couver sous les apparences dutemps. Et que l'ecriture deflamme permet toutes lessurvivances.

Rita PainchaudTrois-Rivieres, janvier 1996

13Extrait de la publication

Lait noirde l'aube nous Ie buvons Ie soirnous Ie buvons midi et matin nous Ie buvons

Ia nuitnous buvons nous buvonsnous creusons une tombe dans ·Ies airs on n'y

est pas couche al'etroii...

Paul Celan, «Fugue de mort».

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Les deux cahiers

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~Imprlmerle gagnlltle

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