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Les chevaux de pluie Marie Fardet Nouvelles pour penser à l'endroit Michel Cordeboeuf suivi de Les blessures de la terre

Extrait du livre "Les chevaux de pluie suivi de Les blessures de la terre"

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Les chevaux de pluie : "Une légende raconte que des chevaux guident les nuages et qu'ils se mêlent à la pluie pour une chevauchée sauvage... Les chevaux de pluie sont arrivés un matin. Je ne les attendais pas. Je savais qu'ils ne resteraient pas longtemps..." Une dépression qui arrive dans la vie comme les chevaux de pluie à l'horizon. Une dépression qui s'en ira, laissant devant elle... la vie. Livre écrit par Michel Cordebœuf et illustré par Marie Fardet. Ce livre est disponible sur www.pourpenser.fr

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Les chevaux de pluie

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Michel Cordeboeuf

suivi de

Les blessures de la terre

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Marie Van HilleIllustratrice

Marie est comme un petit nuage, elle donne l’impression de flotter juste au-dessus du sol... mais ne vous y trompez pas : elle est bien là ! Elle est là pour ceux qui sont tout près et ceux qui sont loin... Et puis elle a des mains de fée : elle fait des gâteaux improvisés jamais ratés, elle écrit, joue de la musique, couds des vêtements... et puis aussi, et puis surtout, elle dessine, et on part en voyage. Grands froids, grands chauds, des Pôles à l’Afrique : des enfants, des gens, des animaux, des mondes, des rêves, il y a là toute sa douceur et son regard profond...

Michel CordeboeufAuteur Michel Cordeboeuf aime la beauté de la vie et de la nature ainsi que les vaga-bondages dans l’imaginaire. L’écriture n’est-elle pas dans ce subtil mélange de réels et de fictions au goût de voyages et de richesses de la différence ?Auteur-interprète, il offre ses mots sur de jolies mélodies, œuvres de rencon-tres musicales, à travers des spectacles de création pour enfants (La cabane à chansons, Petites histoires au chocolat) ou pour les plus grands (Rue de la chan-son). www.

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Merci à Nathalie, sœur indienne de la tribu du bonheur présent et à François, frère de sang.

Et à tous mes frères indiens qui, comme les loups, m’invitent dans leurs errances.

Michel.

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Les chevaux de pluie

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Une légende raconte que des chevaux guident les nuages et qu’ils se mêlent à la pluie pour une chevauchée sauvage...

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Les chevaux de pluie sont arrivés un matin. Je ne les attendais pas. Je savais qu’ils ne resteraient pas longtemps.

Le soleil venait de mourir pour la dernière fois sur un horizon bleu. Une coupure de langue anéantissait le fl ou du présent.

- Tempête ! dit un peintre enfoui dans la palette de ses cris.

Derrière mon miroir, je me noyais dans la pluie livide et blanche.

Cerné. La nuit s’éclaircissait et refusait le noir. Couleur de la peur. Plus personne autour de moi ne semblait vivant. Et pourtant...

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Silence du peintre englouti dans sa peinture. Tous les portraits s’effaçaient, distançaient leur passé sans laisser de traces. Je m’accrochais au rêve qui voulait me suivre. Des visages disparaissaient, d’autres surgissaient...

Retour vers les pluies anciennes. Les chagrins alourdis sur les épaules du réel. Et pourtant, une nouvelle image s’invitait.

J’essayais de comprendre. Les souvenirs d’antan prenaient le pouvoir sur l’autel sombre.

Je me souvins alors de mon grand-père indien, de ses capteurs de rêves, des massacres, des effacements, de ces armes ennemies à gueule ouverte qui trouaient le torse de ses frères.

Grand-père invoquait le dieu Présent et des âmes lui répondaient. Ce n’était pas son heure de partir.

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Il ne pouvait que rester debout, hurler encore contre la guerre et emporter dans les collines sèches les traces de ses blessures.

Mon grand-père m’apprit le chemin, l’humilité des hommes. Un jour, il s’éloigna de moi et je fi s confi ance au présent. Il me sembla que je ressemblais à un cheval, à l’un de ces mustangs dont il m’avait tant parlé et que personne ne pouvait dompter. Mais j’avais beaucoup à apprendre, beaucoup à voyager, beaucoup à aimer...

J’allais me tromper, me relever, marcher, trébucher, me remettre debout, prendre le risque de vivre, marcher, marcher, marcher...

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Ce fut alors qu’ils m’apparurent pour la première fois dans le miroir battu par la tempête et les larmes du ciel. Au moment où la fenêtre qui me prolongeait disparut, un cheval de pluie surgit, suivi de tant d’autres.

Sans réfléchir, pour ne pas mourir sous les sabots, je sautai sur le premier, tout blanc, qui semblait mener le troupeau. Je m’accrochai à sa longue crinière et je volai au-dessus des bruits du monde.

- Ne dis rien ! murmura mon destrier, la terre est une alternance de griffures et de tendresse, de coups de canon et de poignées de main, de haines et de sourires...

Je crus apercevoir, dans les nuages entremêlés, le visage de mon grand-père.

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- Ce n’est qu’une image parmi tant d’autres ! me dit le cheval de pluie. Tu vois ce que tu souhaites revoir ! Mais toutes les effigies du passé ne sont qu’illusions !

Dans le tourbillon des vents, il voguait au cœur d’une mer tranquille. De temps en temps, il semblait sourire à la vie.

Je me taisais pour ne pas effacer la magie de l’instant.

Quand je me réveillai, j’aperçus les ruines de ma maison, un horizon convalescent, des nuages sans visage, un tableau blanc, une fleur fanée...

Le soleil avait tenté de me consoler. Alors, je courus pour aller voir la frontière du jour délicatement posée sur un horizon fragile.

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Je restai debout après la tempête. Et sans comprendre tous les messages du présent, je traversai une nouvelle lisière d’ombre et de fulgurance, une nouvelle marche bleue et nuit.

Et je grandi...

Des lumières inattendues se sont emparées de moi. Sur la ligne bleue de ma nouvelle vie, j’ai assis mon histoire en attendant de tourner d’autres pages.

J’ai pleuré, j’ai ri, j’ai marché, je me suis perdu.

Je me suis cherché, trouvé.

Étranges rendez-vous avec moi-même dans le quotidien du miroir.

Un escalier de lumière pour image chaque matin avant le premier pas.

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Je n’ai jamais revu les chevaux de pluie mais je sais que je n’ai pas rêvé. Ils sont heureux là où ils galopent, sur la frontière d’un arc-en-ciel.

Quelqu’un avait abandonné de la rosée sur les lèvres du monde. Mais je ne savais plus quelle était la saison. Je ne me souvenais plus de rien, seulement de l’image d’un vieillard heureux qui m’ouvrait les portes de la vie.

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J’avais souri au soleil. Il avait cligné de l’œil. Il avait encore menti, me disant qu’il avait effrayé les chevaux de pluie.

J’avais fait semblant de le croire. Je m’étais relevé. J’avais senti des racines pousser sous mes pieds. J’avais crié et l’écho m’avait donné rendez-vous avec moi-même.

J’avais eu envie de marcher, d’aller vers une cascade

secrète, une source oubliée, un sentier sans nom...

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Envie d’entendre à nouveau les martèlements des sabots, ces bruits brefs et violents qui soulevaient la poussière.

Il ne restait plus que l’odeur de terre mouillée, des gouttes d’eau accrochées pour quelques instants aux bourgeons.

Dernier ballet avant que la saison ne s’estompe. Plus un mot ! Plus un trait ! Plus une marque de lumière ! Plus d’empreintes ! Plus de certitudes !

Sur le chevalet, le dernier dessin est effacé.

Les chevaux du passé ressemblent aux chevaux de pluie. Le temps qui fuit les efface, les dessine flous dans la mémoire.

Ainsi s’écrivent les légendes pour les âmes qui ne veulent pas mourir ou bien revivre dans une autre lumière, pour un autre périple, dans le vent à qui tout est pardonné.

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Mais qui peut savoir et qui voudra le croire ?

Il existe, au coeur de chaque histoire, des terres étincelantes, des éclats de vie infinie, des lumières qui grandissent, des chevaux intérieurs que certains voudraient dompter ou seraient tentés d’enfermer et d’apprivoiser.

Mais celui qui enferme un esprit se trompe toujours.

Toujours.

Là-bas, les horizons se jouent des bruits et des cris de ce monde.

Celui qui aperçoit les chevaux de pluie ne dit rien. Il s’envole avec eux le temps d’une éclatante audace de vivre. La vie prend toute sa place.

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Les blessures de la terre

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Il suffi t de se taire et d’écouter les chants d’oiseaux, brûlants de vérités.

Il suffi t de marcher vers soi-même, tout en regardant s’attarder l’horizon.

Il suffi t d’accepter de mourir pour renaître.

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J’ai laissé des valises vides et d’autres pleines en chemin. Et des gens qui ne me regardaient plus. Qui pensaient me connaître sur une image qu’ils avaient décidée comme éternelle. Et ainsi, ils ne me discernaient plus. Mais je sus pourquoi je ne leur livrais que cette apparence. Le feu de la liberté couvait en moi mais se taisait. Je restais accroché à ma branche de petit enfant malheureux, pendu dans le vide, demandant une aide illusoire.

Elle était belle ma plaine, couverte de haies semblables à des lèvres gorgées de murmures. Seul, le vent avait le droit de lui voler des confidences. Moi, je rêvais, tout en marchant à côté de mon immense grand-père.

Des oiseaux s’envolaient. Immenses également. Ils s’emparaient du ciel avec leurs ailes légères. Puis ils le redonnaient au regard.

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Il ne reste aujourd’hui que des images douces dans ma mémoire et le souvenir du merveilleux silence laissé par les oiseaux disparus. Grand-père ne parla que longtemps après, quand le dernier plumage se fut effacé. Il répétait :

- Tu as vu ? Tu as vu ?

Oui, j’avais vu et j’aurais aimé encore mieux estamper ces diagrammes de plumes et de liberté.

Aujourd’hui, seul un arbre nargue le silence et les haies sont tombées au combat, la poitrine criblée de balles. La plaine porte le deuil de mes souvenirs d’enfance.

Quand je marche sur ces terres brûlées par un soleil sournois et que je trouve une plume, je relève désespérément les yeux vers le bleu de l’été.

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Et si un oiseau passe, je le remercie. D’être là. Puisqu’ici l’eau disparaît et la terre se couvre de blessures insoupçonnées. Les crevasses la terrassent. Les poisons l’épuisent...

Là où je marche, les hôtes de la nature sont morts, écartelés par le progrès et le rendement. Des mots contraires à la poésie tranquille et sereine de la vie. Je marche sur un sentier nu. Strié par des roues, les reins brisés par la sécheresse qui découpe la terre en petits morceaux d’oublis. Je ne sais les mots qui guérissent mais je pense qu’il est temps de se pencher au-dessus de la glèbe pour la goûter, la soigner comme autrefois quand les sages, les anciens et les fous, la vénéraient comme le plus harmonieux et le plus respectueux socle de l’homme. Agir. Guérir. Protéger.

La terre entre les bras des hommes pour continuer le long chemin.

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Se taire, c’est se terrer dans un silence coupable.

Il n’y a rien à dire si ce n’est qu’il est temps de reprendre la main de cette terre comme elle la tend à ses invités. Mais certains ont sans doute trop abusé de son hospitalité.

Si chaque jardinier prend soin de la terre qu’il foule, de l’air qu’il respire, de l’eau qui le vivifie et de son voisin, il ouvre sa porte à la liberté d’être.

Je reviens souvent sur mes terres. Jadis des noyers, des pommiers sauvages, des amandiers offraient leurs fruits à mon passage et je les emportais comme des trésors de saison. Irremplaçables et respectables.

Quand ma bouche croquait l’amande, je ne savais pas que je goûtais les derniers parfums de mon enfance.

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Nouvelles pour penser à l'endroit

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à l’endroit© Éditions Pour penser ISBN : 978-2-915125- 45-0

Dépôt légal : avril 2009

«Une légende raconte que des chevaux guident les nuages et qu’ils se mêlent à la pluie pour une chevauchée sauvage... Les chevaux de pluie sont arrivés un matin. Je ne les attendais pas. Je savais qu’ils ne resteraient pas longtemps...»

Une dépression qui arrive dans la vie comme les chevaux de pluie à l’horizon. Une dépression qui s’en ira, laissant devant elle... la vie.

«Il suffit de se taire et d’écouter les chants d’oiseaux, brûlants de vérités. Il suffit de marcher vers soi-même, tout en regardant s’attarder l’horizon. Il suffit d’accepter de mourir pour renaître...

...Si chaque jardinier prend soin de la terre qu’il foule, de l’air qu’il respire, de l’eau qui le vivifie et de son voisin, il ouvre sa porte à la liberté d’être...»

Un beau conte sur l’enfance, la terre, le temps qui passe ...

catégorie H - 8,50 €