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1 TDUE 2H003 Introduction à l’histoire des sciences et des techniques 6 ECTS, 1 re période, 2016 2 2017 Page web : http://www.projets.upmc.fr/ashic/Mineure_HPST/2H003.php Équipe enseignante : SA : Santiago ARAGON 2 [email protected] DA : David AUBIN 2 [email protected] HG : Hélène GAGET2 [email protected] NH : Néstor HERRAN – [email protected] RZ : René ZARAGUETA 2 [email protected] Fascicule 1 : sources primaires des séances de TD : TD 1 C Les Systèmes du Monde (DA) 1. Platon, Timée , texte établi et traduit par A. Rivaud, Les Belles Lettres, Paris, 1925, extraits. 2. Claude Ptolémée, Almageste ou Syntaxe mathématique , dans Claude Ptolémée, astronome, astrologue, géographe : connaissance et représentation du monde habité , trad. Germaine Aujac, Paris: Comité des travaux historiques et scientifiques, 1993, p. 199– 203. 3. Nicolas Copernic, Des révolutions des orbes célestes , trad. par Alexandre Koyré. Paris: Félix Alcand, 1934, p. 27– 31. TD 2 C Sciences et religion : le cas Galilée (NH) 1. « Lettre de Galilée à Christine de Lorraine, Grande2Duchesse de Toscane (1615). Trad. de Fr. Russo », Revue d'histoire des sciences et de leurs applications , 1964, 17(4), p. 332 et suivantes. 2. Galileo Galilei, Le messager des étoiles . Traduit, présenté et annoté par Fernand Allyn (Seuil, 1992), p. 115–116. 3. Galilée (1623), L'essayeur . Trad. de C. Chauviré (Presses Univ. Franche2Comté, 1980), p. 141 . 4. Galileo Galilei (1632), Dialogue sur les deux grands systèmes du monde . Trad. de René Fréreux et François de Gandt (Seuil, 1992)

Fascicule)1):)sources)primaires)des)séances)de)TD):) · TD 2H003 / Science et religion : le cas Galilée 1 Lettre de Galilée à Kepler, août 1597 Depuis de longues années, j’ai

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TDUE!2H003!!Introduction!à!l’histoire!des!sciences!et!des!techniques!

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6!ECTS,!1re!période,!201622017!!!!Page!web!:!http://www.projets.upmc.fr/ashic/Mineure_HPST/2H003.php

Équipe!enseignante!:!!• SA!:[email protected]!!• DA!:[email protected]!• HG!:!Hélè[email protected]!• NH!:!Néstor!HERRAN!–[email protected]!• RZ!:!René[email protected]!

!Fascicule)1):)sources)primaires)des)séances)de)TD):)

!TD!1!C!!Les!Systèmes!du!Monde!!(DA)!!

1. Platon,!Timée,!texte!établi!et!traduit!par!A.!Rivaud,!Les!Belles!Lettres,!Paris,!1925,!extraits.!

2. Claude!Ptolémée,!Almageste!ou!Syntaxe0mathématique,!dans!Claude0Ptolémée,0astronome,0astrologue,0géographe0:0connaissance0et0représentation0du0monde0habité,!trad.!Germaine!Aujac,!Paris:!Comité!des!travaux!historiques!et!scientifiques,!1993,!p.!199–203.!

3. Nicolas!Copernic,!Des0révolutions0des0orbes0célestes,!trad.!par!Alexandre!Koyré.!Paris:!Félix!Alcand,!1934,!!p.!27–!31.!!

!TD!2!C!!Sciences!et!religion!:!le!cas!Galilée!(NH)!!

1. «!Lettre!de!Galilée!à!Christine!de!Lorraine,!Grande2Duchesse!de!Toscane!(1615).!Trad.!de!Fr.!Russo!»,!Revue0d'histoire0des0sciences0et0de0leurs0applications,!1964,!17(4),!p.!332!et!suivantes.!!!

2. Galileo!Galilei,!Le0messager0des0étoiles.!Traduit,!présenté!et!annoté!par!Fernand!Allyn!(Seuil,!1992),!p.!115–116.!!

3. Galilée!(1623),!L'essayeur.!Trad.!de!C.!Chauviré!(Presses!Univ.!Franche2Comté,!1980),!p.!141!.!

4. Galileo!Galilei!(1632),!Dialogue0sur0les0deux0grands0systèmes0du0monde.!Trad.!de!René!Fréreux!et!François!de!Gandt!(Seuil,!1992)!!

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! 2!

TD!3!C!!Pourquoi!la!Terre!trembleCtCelle!?!(HG)!1. Aristote,!Metéorologie,!livre!2,!chapitre!8!(extraits).!0!2. Jean2Claude!Delamethrie,!Leçons0de0géologie,!tome!2!(extraits).!!3. Dossier!iconographique!:!René!Descartes,!!Athanasius!Kircher,!Thomas!Burnet,!John!

Woodward,!!Henri!Gautier,!Pierre!Louis!Antoine!Cordier,!William!Hopkins,!!Osmond!Fischer,!Edouard!Albert!Roche!et!Emil!Wiechert.!

!TD!4!C!!La!biogéographie!(RZ)!

1. René!Zaragüeta!i!Bagils,!«!Les!deux!biogéographies!:!biogéographie!historique!vs.!histoire!géographique!»,!Biosystema0n°30/2015,!p.!1332153.!!

!!

!

Nature du M

odèle du Monde : L

e vivant en soi

Cela bien établi, il nous faut encore dire ce qui en suit im

médiatem

ent. À la ressem

blance

duquel entre les vivants, l’Ordonnateur a-t-il ordonné le M

onde ? Ne croyons point que ce fut

à la ressemblance d’aucun de ces objets qui naissent, pour être par nature des parties d’un

tout. – Car, dans ce cas, ressem

blant à un être incomplet, le M

onde ne saurait être beau. –

Mais, ce dont font partie tous les autres V

ivants, soit considérés isolément, soit pris ensem

ble,

posons en principe que c’est à cela qu’il doit ressembler le plus. En effet, un tel m

odèle

enveloppe et contient en lui-mêm

e tous les Vivants intelligibles, de m

ême que ce M

onde-ci

nous contient et, avec nous, tout ce qu’il y a de bêtes visibles. Donc le D

ieu, ayant décidé de

former le M

onde, le plus possible à la ressemblance du plus beau des êtres intelligibles et d’un

Être parfait en tout, en a fait un Vivant unique, visible, ayant à l’intérieur de lui-m

ême tous les

Vivants qui sont par nature de m

ême sorte que lui. M

ais avions-nous raison d’affirmer

d’emblée qu’il existe un C

iel unique, ou bien eût-il été plus exact de dire qu’il y a une

pluralité de cieux, ou mêm

e un nombre infini ? N

on, il y en a un seul, puisqu’il a dû être

construit à l’imitation du m

odèle. En effet, ce modèle, qui enferm

e tout ce qu’il y a de Vivants

intelligibles, ne peut jamais être à la seconde place, venir après un autre. C

ar alors, il faudrait

encore un autre Vivant, celui qui envelopperait ces deux là, et dont, à leur tour, ceux-là

seraient parties. En ce cas, ce n’est d’aucun des deux premiers, m

ais de celui qui les

envelopperait, qu’il serait plus exact de dire que notre Monde est la copie. A

fin donc que ce

Monde-ci fût sem

blable, par son unité au Vivant absolu, celui qui a fait le M

onde n’a fait ni

deux Mondes, ni un nom

bre infini. Mais ce C

iel-ci est un, seul de son espèce. Tel il est né et il

continuera d’être.

[…]

Le M

onde, sphérique, se suffit et contient tous les corps

Quant à sa figure, il lui a donné celle qui lui convient le m

ieux et qui a de l’affinité avec lui.

Or, au V

ivant qui doit envelopper en lui-mêm

e tous les vivants, la figure qui convient est celle

qui comprend en elle-m

ême toutes les figures possibles. C

’est pourquoi le Dieu a tourné le

Monde en form

e sphérique et circulaire, les distances étant partout égales, depuis le centre

jusqu’aux extrémités. C

’est là de toutes les figures la plus parfaite et la plus complètem

ent

semblable à elle-m

ême. En effet, le D

ieu pensait que le semblable est m

ille fois plus beau que

le dissemblable. Q

uant à toute sa surface extérieure, il l’a très exactement polie et arrondie et

cela pour plusieurs raisons. En effet, d’abord, le Monde n’avait nullem

ent besoin d’yeux, car

il ne restait rien de visible hors de lui, ni d’oreilles, car il ne restait non plus rien d’audible. Et

nulle atmosphère ne l’entourait qui eût exigé une respiration. Il n’avait non plus besoin

d’aucun organe soit pour absorber sa nourriture, soit pour rejeter celle qu’il aurait d’abord

assimilée. C

ar, rien n’en pouvait sortir, rien n’y pouvait entrer, de nulle part – puisqu’en

dehors de lui, il n’y avait rien. En effet, c’est le Monde lui-m

ême qui se donne sa propre

nourriture, par sa propre destruction. Toutes ses passions et toutes ses opérations se produisent

en lui, par lui-mêm

e, suivant l’intention de son auteur, Car celui qui l’a construit a pensé qu’il

serait meilleur s’il se suffisait à lui-m

ême que s’il avait besoin d’autre chose. D

e mains, pour

saisir ou pour écarter quelque chose, il n’avait nul emploi, et l’artiste a pensé qu’il n’avait pas

besoin de lui adapter ces mem

bres superflus, ni de pieds, ni généralement d’aucun appareil

approprié à la marche. En effet, il lui a donné le m

ouvement corporel qui lui convenait, celui

des sept mouvem

ents qui concerne principalement l’intellect et la réflexion. C

’est pourquoi,

lui imprim

ant sur lui-mêm

e une révolution uniforme, dans le m

ême lieu, il l’a fait se m

ouvoir

d’une rotation circulaire ; il l’a privé des six autres mouvem

ents et il l’a empêché d’errer par

eux. Et, comm

e, pour cette révolution, le Monde n’avait aucunem

ent besoin de pieds, il l’a

fait naître sans jambes, ni pieds.

[…]

Origine de la D

urée

Or quand le Père qui l’avait engendré com

prit qu’il se mouvait et vivait, ce M

onde, image née

des Dieux éternels, il se réjouit et, dans sa joie, il réfléchit aux m

oyens de le rendre plus

semblable encore à son m

odèle. Et de mêm

e que ce modèle se trouve être un V

ivant éternel, il

s’efforça dans la mesure de son pouvoir, de rendre éternel ce tout lui-m

ême égalem

ent. Or,

c’est la substance du Vivant-m

odèle qui se trouvait être éternelle, nous l’avons vu, et cette

éternité, l’adapter entièrement à un M

onde engendré, c’était impossible. C

’est pourquoi son

auteur s’est préoccupé de fabriquer une certaine imitation m

obile de l’éternité, et, tout en

organisant le Ciel, il a fait, de l’éternité im

mobile et une, cette im

age éternelle qui progresse

suivant la loi des Nom

bres, cette chose que nous appelons le Temps. En effet, les jours et les

nuits, les mois et les saisons n’existaient point avant la naissance du C

iel, mais leur naissance

a été ménagée, en m

ême tem

ps que le Ciel a été construit. […

].

Structure et rôle des Planètes

En vertu de ce raisonnement et de cette intention divine concernant la naissance du Tem

ps, le

Soleil, la Lune et les cinq autres astres, ceux qu’on appelle errants, sont nés pour définir les

nombres du Tem

ps et en assurer la conservation, Ayant façonné le corps de chacun d’eux, le

dieu les a placés, au nombre de sept, dans les sept orbites que décrit la substance de l’A

utre.

La Lune, d’abord, dans la première à l’entour de la Terre, puis le Soleil dans la seconde au-

dessus de la Terre ; l’astre du matin et celui qui est consacré à H

ermès, de telle sorte qu’ils

parcourent leurs cercles avec une vitesse égale à celle du Soleil, mais qu’ils reçoivent une

impulsion de direction contraire à la sienne. D

e là vient que le Soleil, l’astre du matin et celui

d’Herm

ès se rattrapent tour à tour et sont rattrapés les uns par les autres, suivant une loi

constante.

Quant aux autres planètes, si l’on voulait déterm

iner où le Dieu les a placées et pour quelles

raisons et l’exposer à tous, cette recherche, qui est ici accessoire, apprêterait plus de peine que

le sujet principal en vue duquel on la ferait. Aussi, peut-être plus tard, pourrons-nous à loisir

en faire un exposé approprié. Lors donc que tous les astres qui étaient nécessaires pour

constituer ensemble le tem

ps eurent été mis en m

arche, chacun suivant le mouvem

ent qui lui

convenait, quand tous ces corps maintenus en des liens anim

és furent devenus des Vivants et

eurent appris ce qui leur était ordonné, leur course oblique suivant le mouvem

ent de l’Autre,

le mouvem

ent du Mêm

e la précédait et la dominait. Et, par l’effet de ce m

ouvement du

Mêm

e, les uns eurent un circuit plus petit que les autres ; ceux qui avaient le circuit le plus

petit tournaient plus vite et ceux qui avaient le circuit le plus grand tournaient plus lentement ;

et ceux qui avaient le circuit le plus petit, enveloppés par ceux qui allaient plus lentement,

semblaient, bien que les dépassant réellem

ent, être dépassés par eux. En effet, le mouvem

ent

du Mêm

e entraînant en spirale tous les cercles, et ainsi les mouvem

ents étant doubles et de

sens contraire, celui de celle des planètes qui s’éloignait le plus lentement de ce m

ouvement le

plus rapide, il le faisait paraître le suivre de plus près.

Or, afin qu’il fût pourvu, dans leurs huit m

ouvements, à une m

esure visible de leur lenteur et

de leur vitesse relatives, le Dieu fixa un lum

inaire à celle des orbites qui est placée la seconde

par rapport à la Terre, celle que nous appelons maintenant le Soleil. A

insi fut fait, afin que le

Ciel fût partout lum

ineux et que les Vivants pour lesquels cela était convenable participassent

du Nom

bre, qu’ils apprirent à connaître à la vue de la révolution du Mêm

e et du Semblable.

Ainsi et pour ces raisons naquirent la N

uit et le Jour, qui forment la révolution du cercle

unique et de tous le plus raisonnable. Ainsi naquirent le m

ois, lorsque la Lune, ayant parcouru

son orbite, rattrape le Soleil, l’année, quand le Soleil a fait le tour de son cercle.

Pour les autres astres errants, les homm

es, à l’exception d’un très petit nombre, ne s’étant pas

mis en peine de leurs révolutions, n’ont pas donné de nom

s à ces révolutions. Et, quand ils les

considèrent, ils ne les comparent pas non plus num

ériquement, si bien qu’ils ignorent, pour

ainsi dire, qu’il existe aussi un Temps pour ces courses errantes, qui sont en nom

bre

incroyable et merveilleusem

ent variées. Toutefois, il n’en est pas moins possible de concevoir

que le nombre parfait du Tem

ps a accompli l’année parfaite, lorsque les huit révolutions,

ayant égalisé leurs vitesses, reviennent au point initial et donnent comm

e mesure com

mune à

ces vitesses le cercle du Mêm

e, qui possède un mouvem

ent uniforme. C

’est ainsi et pour ces

motifs qu’ont été engendrés ceux des astres qui parcourent le C

iel et qui ont des

rétrogradations.

Je veux dire, afin que le Monde fût aussi sem

blable que possible au Vivant parfait et

intelligible et pour imiter la substance éternelle.

TD 2H003 / Science et religion : le cas Galilée

1

Lettre de Galilée à Kepler, août 1597 Depuis de longues années, j’ai adopté la théorie de Copernic… j’ai mis par écrit de nombreuses réfutations d’arguments contraires. Toutefois, je n’ai pas osé de les publiés, effrayé par le sort de Copernic, notre maître. Bien qu’il se soit acquis auprès de quelques-uns renommée immortelle, il paraît pourtant ridicule et absurde aux yeux d’une infinité de gens, tant il est grand le nombre de sots » J’aurais le courage d’exposer ma pensée s’il y avait un grand nombre d’hommes comme toi. Mais comme ils n’existent pas, je m’abstiendrai.

Cité dans : « Lettre de Galilée à Christine de Lorraine, Grande-Duchesse de Toscane (1615). Trad. de Fr. Russo », Revue d'histoire des sciences et de leurs applications, 1964, 17(4), p. 332.

Le messager des étoiles (1610) Grands, assurément, sont les sujets qu'en ce mince traité je propose à chacun de ceux qui observent la Nature, afin qu'ils les examinent et contemplent. Grands, dis-je, d'abord en raison de l'importance de la matière même, ensuite en raison de sa nouveauté inouïe au cours des siècles, enfin, également, à cause de l'Instrument grâce auquel ces sujets se sont offerts à notre perception. Oui, vraiment grande est la tâche d'augmenter la nombreuse foule des Étoiles fixes, qui par faculté naturelle à ce jour ont pu être aperçues, et d'en exposer ouvertement aux regards d'autres innombrables, jamais aperçues auparavant et qui surpassent plus de dix fois en nombre celles qui sont depuis longtemps connues. Il est magnifique, et très agréable au regard, de pouvoir observer le corps lunaire, qui est éloigné de nous de presque soixante diamètres terrestres, comme s'il n'était distant que de deux de ces mesures; à tel point que le diamètre de cette même Lune apparaît presque trente fois, sa superficie neuf cents fois, son volume presque vingt-sept mille fois plus grands que lorsqu'on regarde simplement à l'œil nu. Retirant de là la certitude de l'expérience sensible, n'importe qui pourra comprendre que la Lune n'est nullement revêtue d'une surface lisse et parfaitement polie, mais bien d'une surface accidentée et inégale, et qu'elle est, comme la face de la Terre elle-même, couverte de tous côtés d'énormes protubérances, de creux profonds, et de sinuosités. En outre, avoir éliminé les controverses qui portaient sur la Galaxie ou la Voie Lactée, avoir révélé leur nature au sens comme à l'intelligence, voilà qui ne semble pas devoir être considéré comme un acte de peu de poids; et de plus, il sera agréable et très beau d'indiquer du doigt la substance des Étoiles que jusqu'ici n'importe quel Astronome appelait Nébuleuses, et de montrer qu'elle est de beaucoup différente de ce que l'on a cru jusqu'à présent. Mais en vérité, ce qui de loin dépasse tout sujet d'émerveillement, et qui, en premier lieu, nous a poussé à informer tous les Astronomes et les Philosophes, est le fait, évidemment, d'avoir découvert quatre Étoiles errantes, qui n'étaient connues ni observées de nul d'entre nos prédécesseurs; c'est autour d'une Étoile remarquable parmi celles qui sont connues, qu'à l'instar de Vénus et de Mercure autour du Soleil elles accomplissent leurs révolutions et tantôt elles la précèdent, tantôt elles la suivent, sans jamais s'éloigner d'elle au-delà de certaines limites. Tous ces phénomènes, une lunette que j'ai conçue sous l'illumination de la grâce divine m'a permis, il y a peu de jours, de les découvrir et de les observer...

Galileo Galilei, Le messager des étoiles. Traduit, présenté et annoté par Fernand Allyn (Seuil, 1992), p. 115-116.

TD 2H003 / Science et religion : le cas Galilée

2

Lettre à Madame Christine de Lorraine, Grande-Duchesse de Toscane (1615) J'ai découvert, il y a peu d'années, comme le sait Votre Altesse Sérénissime, de nombreuses particularités dans le ciel, qui, jusqu'ici, étaient invisibles ; soit en raison de leur nouveauté, soit en raison de plusieurs conséquences qui en découlent, ces découvertes, en venant s'opposer à des propositions communément reçues dans les Écoles des philosophes, ont excité contre moi un grand nombre de ses professeurs ; au point que l'on pourrait croire que j'ai mis de ma main ces choses dans le ciel pour troubler la nature et les sciences (…) J'espère montrer que je procède avec un zèle beaucoup plus pieux et plus conforme à la religion qu'ils ne le font, lorsque je demande, non pas que l'on ne condamne pas ce livre, mais qu'on ne le condamne pas, comme ils le voudraient, sans le voir, le lire et le comprendre. Il faudrait savoir reconnaître que l'auteur n'y traite jamais de questions qui touchent à la religion ou à la foi, et qu'il ne présente pas d'arguments dépendant de l'autorité de la Sainte Écriture qu'il aurait mal interprétée, mais qu'il s'en tient toujours à des conclusions naturelles, concernant les mouvements célestes, fondés sur des démonstrations astronomiques et géométriques et procédant d'expériences raisonnables et d'observations très minutieuses. Ce qui ne veut pas dire que Copernic n'avait pas porté attention aux passages de la Sainte Écriture ; mais sa doctrine étant ainsi démontrée, il était bien persuadé qu'elle ne pouvait aucunement se trouver en contradiction avec les Écritures dès lors que celles-ci sont correctement comprises. (…)

Le motif que l'on invoque pour condamner l'opinion de la mobilité de la Terre et l'immobilité du Soleil, est qu'en beaucoup de passages des Saintes Écritures il est dit que le Soleil se déplace et que la Terre demeure immobile; or, comme l'Écriture ne peut jamais ni mentir ni errer, il en résulterait par voie de conséquence nécessaire que serait erronée et condamnable l'affirmation de celui qui voudrait prétendre que le Soleil est immobile par lui-même et que la Terre est mobile.

A ce sujet, je dirais d'abord qu'il y a en effet piété à dire et sagesse à soutenir que la Sainte Écriture ne peut jamais mentir chaque fois que son vrai sens a été saisi. Or je crois que l'on ne peut pas nier que, bien souvent, si l'on voulait s'arrêter toujours au sens littéral, on risquerait de faire indûment apparaître dans les Écritures non seulement des contradictions et des propositions éloignées de la vérité, mais de graves hérésies et même des blasphèmes : c'est ainsi qu'il apparaîtrait nécessaire de donner à Dieu des pieds, des mains, des yeux ainsi que des affections corporelles et humaines de colère, de repentir, de haine et aussi parfois l'oubli des choses passées et l'ignorance des choses futures. De telles propositions furent inspirées par l'Esprit-Saint aux écrivains sacrés pour leur permettre de s'adapter à la capacité d'un peuple vulgaire ignorant et illettré (…) Ceci étant, il me semble que, dans les discussions concernant les problèmes naturels, on ne devrait pas commencer par invoquer l'autorité de passages des Écritures ; il faudrait d'abord faire appel à l'expérience des sens et à des démonstrations nécessaires : en effet l'Écriture Sainte et la nature procèdent également du Verbe divin, celle-là dictée par l'Esprit-Saint, et celle-ci exécutrice parfaitement fidèle des ordres de Dieu ; or, alors qu'il est convenu que les Écritures, pour s'adapter aux possibilités de compréhension du plus grand nombre, disent des choses qui diffèrent beaucoup de la vérité absolue, du fait de leur genre et de la signification littérale des termes, la nature au contraire se conforme inexorablement et immuablement aux lois qui lui sont imposées sans en franchir jamais les limites et ne se préoccupe pas de savoir si ses raisons cachées et ses manières d'opérer sont à la portée de nos capacités humaines. Il en résulte que les effets naturels et l'expérience des sens que nous avons devant les yeux, ainsi que les démonstrations nécessaires que nous en

TD 2H003 / Science et religion : le cas Galilée

3

concluons, ne doivent d'aucune manière être révoqués en doute ni a fortiori condamnés au nom des passages de l'Écriture, quand bien même le sens littéral semblerait les contredire. Car les paroles de l'Écriture ne sont pas astreintes à des obligations aussi sévères que les effets de la nature et Dieu ne se révèle pas moins excellemment dans les effets de la nature que dans les Écritures sacrées (…)

De là résulte par conséquence nécessaire, que le Saint-Esprit, qui n'a pas voulu nous enseigner si le ciel se meut ou s'il demeure immobile, si sa forme est celle d'une sphère, d'un disque ou d'un plan, n'aura pas pu avoir l'intention de traiter d'autres conclusions qui sont liées à ces questions, telles que la détermination du mouvement et du repos de la Terre ou du Soleil. Et si le Saint-Esprit n'a pas voulu nous enseigner ces choses, pour la raison qu'elles ne concernaient pas l'objectif qu'il se propose, à savoir notre salut, comment pourrait-on alors affirmer que de deux affirmations sur ce sujet l'une est de Fide et l'autre erronée ? Pourrait-il s'agir d'une opinion hérétique alors qu'elle ne concerne en rien nous enseigner une chose concernant le salut ? Je dirais ici ce que j'ai entendu d'une personne ecclésiastique se trouvant dans un très haut degré de la hiérarchie, à savoir que l'intention du Saint-Esprit est de nous enseigner comment on va au ciel et non comment va le ciel. (...).

Ceci étant, et puisque, ainsi qu'on l'a dit, deux vérités ne peuvent pas se contredire, il appartient au commentateur de s'efforcer de pénétrer le vrai sens des passages de l'Écriture, qui sera indubitablement en concordance avec les conclusions naturelles dont le sens manifeste et la démonstration nécessaire auront d'abord été établis comme sûrs et certains. Et comme, ainsi qu'on l'a dit, les Écritures, en maints passages, présentent un sens littéral fort éloigné de leur sens réel, et que, de plus, on ne peut pas être assuré que tous ses interprètes sont divinement inspirés, car en ce cas il n'y aurait aucune divergence dans les interprétations qu'ils donnent, je pense qu'il serait prudent de ne permettre à aucun d'eux de faire état d'un passage de l'Écriture, pour soutenir comme vraie telle conclusion naturelle que pourrait venir contredire l'expérience ou une démonstration nécessaire.

Galileo Galilei, « Lettre à Mme Christine de Lorraine, Grande-Duchesse de Toscane. Trad. de François Russo », Revue d'histoire des sciences et de leurs applications, 1964, 17(4), p. 338-68.

L’essayeur (1623) La philosophie est écrite dans cet immense livre qui continuellement reste ouvert devant les yeux (ce livre qui est l'Univers), mais on ne peut le comprendre si, d'abord, on ne s'exerce pas à en connaître la langue et les caractères dans lesquels il est écrit. II est écrit dans une langue mathématique, et les caractères en sont les triangles, les cercles, et d'autres figures géométriques, sans lesquelles il est impossible humainement d'en saisir le moindre mot; sans ces moyens, on risque de s'égarer dans un labyrinthe obscur.

Galilée (1623), L'essayeur. Trad. de C. Chauviré (Presses Univ. Franche-Comté, 1980), p. 141.

Dialogue sur les deux grands systèmes du monde (1632) Première Journée SIMPLICIO: (…) L'expérience sensible nous montre que, sur la Terre, il y a continuellement générations, corruptions, altérations, etc.; or, ni d'après nos sens, ni d'après ce que de nos anciens nous ont transmis la tradition et la mémoire, on n'en a vu aucune dans le ciel; le ciel est donc inaltérable, etc., et la Terre altérable, etc., elle est donc différente du ciel. Je tire

TD 2H003 / Science et religion : le cas Galilée

4

mon second argument d'un phénomène principal et essentiel : un corps qui est par nature obscur et privé de lumière est différent des corps lumineux et brillants; la Terre est ténébreuse et dépourvue de lumière, alors que les corps célestes brillent et sont pleins de lumière (…) (p. 80) SALVIATI : Par conséquent, de ces deux propositions, qui toutes deux font partie de la doctrine d'Aristote, celle qui déclare que le sens doit l'emporter sur le raisonnement est plus solide et plus certaine que l'autre, qui juge le ciel inaltérable; vous philosopherez donc de manière plus aristotélicienne en disant : «Le ciel est altérable, puisque le sens me le montre», qu'en disant: «Le ciel est inaltérable, puisque le raisonnement en a persuadé Aristote ». Ajoutez que nous pouvons, bien mieux qu'Aristote, raisonner des choses du ciel; en avouant qu'il lui était difficile de les connaître parce qu'elles sont éloignées des sens, il admet du même coup que celui dont les sens pourraient mieux se le représenter pourrait aussi en traiter philosophiquement avec plus de sûreté; or, grâce au télescope, nous en sommes de trente à quarante fois plus proches qu'Aristote, nous pouvons y observer cent choses qu'il ne pouvait voir, entre autres les taches sur le Soleil qui étaient totalement invisibles pour lui; nous pouvons donc traiter du ciel et du Soleil avec plus de sûreté qu'Aristote… (p. 88) Deuxième Journée Pour apposer un dernier sceau qui marque l'invalidité de toutes les expériences présentées, c'est le lieu et le moment, me semble-t-il, de montrer comment les mettre toutes à l'épreuve très facilement. Enfermez-vous avec un ami dans la plus grande cabine sous le pont d'un grand navire et prenez avec vous des mouches, des papillons et d'autres petites bêtes qui volent; munissez-vous aussi d'un grand récipient rempli d'eau avec de petits poissons; accrochez aussi un petit seau dont l'eau coule goutte à goutte dans un autre vase à petite ouverture placé en dessous. Quand le navire est immobile, observez soigneusement comme les petites bêtes qui volent vont à la même vitesse dans toutes les directions de la cabine, on voit les poissons nager indifféremment de tous les côtés, les gouttes qui tombent entrent toutes dans le vase placé dessous ; si vous lancez quelque chose à votre ami, vous n'avez pas besoin de jeter plus fort dans une direction que dans une autre lorsque les distances sont égales; si vous sautez à pieds joints, comme on dit, vous franchirez des espaces égaux dans toutes les directions.

Quand vous aurez soigneusement observé cela, bien qu'il ne fasse aucun doute que les choses doivent se passer ainsi quand le navire est immobile, faites aller le navire à la vitesse que vous voulez; pourvu que le mouvement soit uniforme, sans balancement dans un sens ou l'autre, vous ne remarquerez pas le moindre changement dans tous les effets qu'on vient d'indiquer; aucun ne vous permettra de vous rendre compte si le navire est en marche ou immobile : en sautant, vous franchirez sur le plancher les mêmes distances qu'auparavant, et ce n'est pas parce que le navire ira très vite que vous ferez de plus grands sauts vers la poupe que vers la proue; pourtant, pendant le temps où vous êtes en l'air, le plancher au-dessous de vous court dans la direction opposée à votre saut; si vous lancez quelque chose à votre ami, vous n'aurez pas besoin de plus de force pour qu'il le reçoive, qu'il se trouve du côté de la proue ou de la poupe, et vous à l'opposé; les gouttelettes tomberont comme auparavant dans le vase du dessous sans tomber du côté de la poupe, et pourtant, pendant que la gouttelette est en l'air, le navire avance de plusieurs palmes; les poissons dans leur eau ne se fatigueront pas plus pour nager vers l'avant que vers l'arrière de leur récipient, c'est avec la même facilité qu'ils iront vers la nourriture que vous aurez

TD 2H003 / Science et religion : le cas Galilée

5

disposée où vous voudrez au bord du récipient; enfin, les papillons et les mouches continueront à voler indifféremment dans toutes les directions, jamais vous ne les verrez se réfugier vers la paroi du côté de la poupe comme s'ils étaient fatigués de suivre la course rapide du navire dont ils auront été longtemps séparés, puisqu'ils restent en l'air… (p. 205) Troisième journée SIMPLICIO : Tous ces arguments sont très bons; il ne s'agit pas de nier que la grandeur du ciel puisse dépasser notre imagination, ni que Dieu ait pu créer un ciel mille fois plus grand que celui qui existe : mais nous devons admettre que rien n'a été créé en vain, que rien n'est inutile dans l'univers. Or, quand on voit le bel ordre des planètes, disposées autour de la Terre à certaines distances proportionnées à la production sur Terre d'effets qui nous sont bénéfiques, à quelle fin faudrait-il interposer ensuite entre l'orbe suprême de Saturne et la sphère étoilée un immense espace sans aucune étoile, un espace superflu et vain? Pour la commodité et l'utilité de qui? SALVIATI: Il me semble qu'on fait preuve de trop d'arrogance, signor Simplicio, quand on veut que l'action divine soit appropriée et limitée à notre seul profit et que la sagesse et la puissance divines ne fassent et ne décident rien d'autre (…) Un exemple me paraît l'expliquer, noble et bien approprié, l'action de la lumière du Soleil : quand elle attire des vapeurs ou réchauffe une plante, elle le fait comme si elle n'avait rien d'autre à faire; quand elle fait mûrir cette grappe de raisin, même ce simple grain de raisin, elle s'y applique aussi efficacement que si son seul office était de faire mûrir ce grain. Or si ce grain reçoit du Soleil tout ce qu'on peut en recevoir et qu'il ne subit aucune privation du fait que le Soleil produit en même temps des milliers d'autres effets, il faudrait accuser ce grain d'envie et de sottise s'il croyait ou demandait que l'action des rayons du Soleil soit réservée à son seul usage. (p. 363) Quatrième journée SAGREDO : Je conjecture qu'il est arrivé à ces esprits plus spéculatifs ce qui m'arrive aussi actuellement : ne pas réussir à comprendre l'intrication des trois périodes, annuelle, mensuelle et journalière, ni comment leurs causes dépendent manifestement du Soleil et de la Lune sans que ni le Soleil ni la Lune aient rien à voir avec l'eau. Pour comprendre pleinement cette affaire, j'ai besoin de me concentrer davantage et bien plus longtemps, car jusqu'à présent la nouveauté et la difficulté de la chose me brouillent l'esprit; mais je ne désespère pas, revenant sur moi-même dans la solitude et le silence, et ruminant ce que je garde dans l'imagination sans l'avoir digéré, d'arriver à en prendre possession. Ainsi les conversations de ces quatre jours nous ont apporté de grands témoignages en faveur du système de Copernic; trois d'entre eux se montrent fort concluants : le premier est tiré des stations et rétrogradations des planètes et de leurs rapprochements et éloignements par rapport à la Terre; le second, de la révolution du Soleil sur lui-même et de ce qu'on observe dans ses taches; le troisième, des flux et reflux de la mer. (p. 442)

Galileo Galilei (1632), Dialogue sur les deux grands systèmes du monde. Trad. de René Fréreux et François de Gandt (Seuil, 1992).

1

UPMC – Mineure HPST L2 – 2H003 Hélène Gaget

TD – Les sciences de la Terre – Pourquoi la terre tremble-t-elle ?

Document 1

Météorologie - Livre II

ARISTOTE

CHAPITRE VIII. Extraits

Théorie nouvelle des tremblements de terre : c'est l'air renfermé dans la terre qui les produit. — Circonstances qui accompagnent les tremblements de terre. -- Observations diverses.

§ 1. Mais puisque évidemment il y a nécessité que l'exhalaison se forme tout à la fois, ainsi que nous l'avons dit antérieurement, et de l'humide et du sec, de même il y a nécessité que, du moment que ces phénomènes se produisent, il y ait des tremblements de terre. Par elle-même, la terre est sèche ; mais par les pluies, elle acquiert beaucoup d'humidité intérieure. Il en résulte qu'échauffée par le soleil et parle feu qu'elle a dans son sein, il se forme tant au dehors qu'au dedans d'elle beaucoup de souffle ou de vent. Tantôt ce souffle s'échappe tout entier au dehors d'une manière continue ; tantôt il s'écoule tout entier en dedans ; et d'autres fois, il se partage.

§ 3. Le [souffle] plus violent est de toute nécessité celui qui dans sa course est animé de plus de vitesse ; car c'est celui dont le choc est le plus fort, à cause de sa rapidité. Or le corps qui naturellement va le plus loin est celui qui peut le plus aisément traverser toutes choses ; et c'est le corps le plus léger qui remplit cette condition. Par conséquent, si la nature [366a] du vent est bien telle en effet, c'est le vent qui est le plus moteur de tous les corps ; car le feu, lorsqu'il est réuni avec le vent, devient de la flamme, et il a un mouvement rapide.

§ 4. Ce n'est donc ni l'eau ni la terre qui est cause du tremblement ; ce serait le vent, lorsque celui qui s'est évaporé au dehors se trouve refluer en dedans. Voilà pourquoi la plupart des tremblements de terre, et les plus violents, se produisent quand les vents ne soufflent pas. C'est que l'exhalaison, qui est continue, suit la plupart du temps l'impulsion du principe, de telle sorte qu'elle se précipite tout entière en masse, soit en dedans, soit en dehors.

§ 8. Les tremblements sont le plus violents dans les lieux où le mouvement de la mer est le plus rapide, et où la terre est spongieuse et pleine de cavernes souterraines.

2

§ 9. C'est pour cela qu'ils se produisent surtout sur les côtes de l'Hellespont, en Achaïe, en Sicile, et dans les lieux analogues qu'offre l'Eubée ; car la mer semble filtrer sous la terre par des conduits ; et c'est aussi cette même cause qui produit les eaux chaudes d'Aedepse.

§ 10. C'est le resserrement des lieux que nous venons de citer qui fait que les tremblements y sont plus fréquents ; car le flot du vent, qui souffle ordinairement de la terre, s'y trouve refoulé par la masse de la mer, qui se porte en ces lieux avec violence.

§ 19. La terre s'y souleva en effet dans un certain lieu, et s'éleva avec bruit, comme la masse d'une colline ; et cette masse étant venue à se briser, il en sortit beaucoup de vent ; elle lança des étincelles et de la cendre et ensevelit sous cette cendre toute la ville des Lipariens, qui n'est pas éloignée, se faisant sentir dans quelques-unes des villes d'Italie. Aujourd'hui, l'on peut voir encore l'endroit où se forma cette boursouflure.

§ 20. Le feu qui se produit dans la terre ne peut avoir que cette cause, à savoir que l'air se soit enflammé par le choc, du. moment même qu'il a été réduit en parties minimes. De plus, ce qui s'est passé dans ces îles est encore une preuve que les vents circulent sous la terre.

§ 33. Lorsque le tremblement de terre est violent, il ne cesse pas aussitôt et après une seule secousse ; mais quelquefois, il dure d'abord jusqu'à une quarantaine de jours; et ensuite, il se manifeste de nouveau [368a] dans les mêmes lieux pendant une année ou deux.

§ 34. Ce qui lui donne sa violence, c'est la quantité d'air, et aussi la forme des lieux dans lesquels cet air s'écoule. Là où il est répercuté et où il ne flue pas aisément, il cause un tremblement d'autant plus fort ; et il s'agite nécessaire ment dans les lieux resserrés, absolument comme de l'eau qui ne peut pas s'échapper.

§ 42. Nécessairement alors le vent intérieur ne pouvant plus résister; la mer pressée par le vent contraire déborde et produit un cataclysme.

§ 43. C'est précisément ce qui est arrivé en Achaïe ; au dehors soufflait le vent du sud, et là soufflait celui du nord ; puis, le calme s'étant établi, et le vent intérieur s'écoulant, il y eut tout à la fois inondation et tremblement de terre ; et ce qui en accrut la violence, c'est que la mer ne donna point passage au vent qui s'était élevé souterrainement, mais qu'au contraire elle l'intercepta. Par cette violence et cette résistance mutuelle, le vent causa le tremblement de terre, et cet obstacle opposé au flot causa le cataclysme.

3

Document 2

4

5

Documents 3

Modèles de structure de la Terre

Premier modèle (1644, Les principes de la philosophie) de la structure profonde de la terre, Descartes (1596-1650)

6

Les modèles des XVIIème - XVIIIème siècles

Athanasius Kircher (1601-1680), père jésuite

Thomas Burnet (1635-1715),théologien

7

John Woodward (1665-1728), grand naturaliste de terrain

8

Henri Gautier (1660-1737), ingénieur des ponts

Modèles de la structure de la Terre du XIXème siècle

Terre en fusion de Cordier (1777-1861)

9

Les trois modèles d’Hopkins (1793-1866)

Modèles consensuel des années 1880 de Fisher

Modèles de Roche (1881) et Wiechert (1897)

Les deux biogéographies : biogéographie

historique vs histoire géographique

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%,%-'(./0

Sorbonne Universités, UPMC

Univ Paris 06, UMR 7205 ISyEB C

NRS-M

NH

N-

UPM

C-EPH

E, Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité, Laboratoire

Informatique et Systém

atique, Bâtiment de G

éologie, CP48, M

uséum national

d’Histoire naturelle, 57 rue C

uvier, 75005 Paris (France)Rene.Zaragueta_Bagils@

upmc.fr

Résu

mé : D

ans cet article, je montre que la discipline connue sous le nom

de biogéo-graphie correspond à deu

x problématiques distinctes, ce qui est probablem

ent lié au faible nom

bre de laboratoires de biogéographie et de biogéographes non

principalement taxonom

istes. Ces deux biogéographies dérivent de deux tradi-

tions bien distinctes. La prem

ière biogéographie, que l’on peut appeler chorolo-!"#$%&'(")#%&*+,#%-(.&"-"/,%(#0

/,-.,-%1%2",,'%#-%&/,-%3.%4+5-"67.-"/,$%8+(#0

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étaphysique, se trouve dans un essai de mise en cohérence de légendes reli-

gieuses et de résultats empiriques. M

algré le fait d’être une théorie fondée sur des croyances religieuses, qui a échoué à tous les tests em

piriques initiaux et qui .%'-'%0

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istoire géographique des taxons, est restée très m

ajoritairement

pratiquée. La deu

xième tradition rem

onte à Candolle. E

lle comm

ence par la découverte de régions délim

itées et caractérisées par des distributions de plantes et non par des structures adm

inistratives (géographie politique) ou des accidents géographiques (géographie physique) : il s’agit d’une nouvelle géographie, la géo-graphie botanique. L

a découverte de régions zoologiques similaires perm

ettra de parler de biogéographie. C

roizat, un siècle et demi plus tard, découvrit que

lorsqu’il reliait des aires de distributions de taxons apparentés, il trouvait de la congruence entre ces liens : la T

erre et la vie évoluent ensemble. N

elson, Platnick

#-%=/5#,%0

/,-(>(#,-%?+#%5"%3#5%(#3.-"/,5%&#%8.(#,-'%#,-(#%-.@/,5%(#,5#"!,#,-%5+(%les relations de parenté entre aires biogéographiques, le problèm

e des relations entre aires biogéographiques est un problèm

e cladistique. Je montre l’équivalence

formelle qu

i existe entre la phylogénétique et la biogéographie si l’on accepte

que l’interprétation propre à l’analyse à trois éléments constitue l’interprétation

phylogénétique correcte. Cette équivalence form

elle montre aussi le m

anque de pertinence de la chorologie, qui est fondée sur les équivalents de la paraphylie (centre d’origine) et de l’hom

oplasie (explication ad hoc par dispersion).

M

ots-clés : biogéographie, biogéographie historique, chorologie, analyse cladis-tique, analyse à trois élém

ents, vicariance, paralogie, taxons à large répartition

© Éditions M

atériologiques 2015

Société française de systématique

134

Su

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espite this tradition is based on religious grounds and failed all empirical tests,

it is still largely used today and remains the m

ost popular theory. The second tra-

&"-"/,%!/#5%:.7C%-/%H.,&/33#E%A-%5-.(-#&%B

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ited and characterised by distributions of plants, instead of governmental

structures or geographical features. Candolle discovered the botanical geography,

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later, Croizat discovered a second congruence : linking distributions of related

taxa from different groups often resulted in a single generalized track : L

ife and K

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plemented by th

ree-item analysis is

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because it is based on paraphyly (centres of origin) and homoplasy (dispersal).

K

ey word

s : Biogeography, historical biogeography, chorology, cladistic analysis,

-;(##<"-#0%.,.3D5"5$%)"7.(".,7#$%8.(.3/!D$%B

"&#58(#.&%[email protected]

'12#34567578

Ce texte est u

n hom

mage à F

abrizio Cecca, probablem

ent le dernier biogéographe francophone, disparu en 2014. Fabrizio venait du m

onde de la géologie et de la paléontologie des invertébrés, des m

ondes particulièrem

ent fermés au

x développements de la

systématique phylogénétique. F

abrizio n’a pas seulement com

pris l’intérêt de ces nouvelles idées m

ais laisse derrière lui u

n des

rarissimes laboratoires où l’analyse cladistique se pratique et se

développe.

1] IntroductionL

a biogéographie présente des particularités uniques en son genre. D

’abord, l’absence de départements ou laboratoires (ou n’im

porte quelle autre structure parm

i la panoplie de sigles de l’administration

&#%(#7;#(7;#%9(.,N."5#O%3+"%#5-%&'&"'#E%A3%,*D.%8.5$%,/,%83+5$%&#%:"/!'/-graphes au sens propre, com

me il y a des taxonom

istes, paléontologues ou biochim

istes. Finalem

ent, il s’agit certainement du dom

aine de recherche le m

oins bien compris par l’ensem

ble de systématiciens,

voire des biologistes. C’est pour cette raison qu’une explication des

Biosystema, n° 30/2015

René Zaragüeta i Bagils • Les deux biogéographies : biogéographie historique vs histoire géographique135

fondements de la recherche biogéographique m

e semble encore et tou-

jours nécessaire.P

ourtant, je vais défendre dans ce papier que la biogéograph

ie n’existe pas. E

n réalité, ce qu’on appelle biogéographie regroupe trois problém

atiques largement indépendantes : une biogéographie écolo-

gique qui s’occupe de successions écologiques, phytosociologie, des-cription des conditions environnem

entales nécessaires à la survie de plantes et anim

aux particuliers ; et deux biogéographies historiques qui s’occupent de problèm

es indépendants. Je vais me concentrer sur

!"#$%"&'()&"#$%*'#$!"$+",+"-$./"'$0&12+"&*($013&$4*(&"$%"$5/6(#+1(&"$#17-

maire, voire caricaturale, des idées en biogéographie(s) historique(s)

une illustration des principaux courants de la philosophie des sciences %3$8

8e siècle.

2] Biogéographie 1 : Chorologie (une histoire sur la testabilité).L

a première tradition que je vais essayer de décrire a toujours été

largement m

ajoritaire. Je pense cependant qu’elle présente un inté-&9+$#!("'+(2:3"$5(7

(+;-$<"++"$+&*%(+(1'$413&'(+$5"$#"35$","7

05"$:3"$="$connaisse où une vision très particulière des choses, qui fait partie de !"$:3/1'$*$*00"5;$>$5/",!"0+(1'$4&*'?*(#"$@$"'$06(51#106("$%"#$#!("'!"#$AB

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"$0"3+$#342&"$K$5"$&;#13%&"-

!"#$%&'(()N

ous devons la première théorie cohérente pour expliquer la distri-

bution des taxons sur la surface de la terre à Carl von L

inné. Linné se

devait de rendre compte des raisons qui expliquaient que les plantes

et animaux qu’il rencontrait dans sa Suède natale étaient si différents

des échantillons qu’il recevait en provenance, par exemple, de l’univer-

sité de Montpellier. L

a théorie causale qui charpentait la pensée de L

inné, et de tous ses contemporains occidentaux, était le récit biblique.

Or, dans la G

enèse, on expliquait qu’au début des temps, toutes les

plantes et animau

x vivaient ensemble et, accessoirem

ent, dans un confort et abondance im

probables. Par ailleurs, la géologie était, à son

;01:3"G$+&)#$('L3"'!;"$0*&$5*$+&*%(+(1'$*&(#+1+;5(!("''"$:3($4*(#*(+$%"$la sphère l’im

age de la perfection. Dans ce cadre, dieu, qui faisait les

!61#"#$J("'$0*&$%;2'(+(1'G$*M*(+$%N$!&;"&$3'"$O

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sphérique mais constituée de couches concentriques structurées selon

leur densité : une atmosphère reposant sur une couche d’eau, les diffé-

rents éléments solides form

ant des couches de plus en plus profondes

© Éditions M

atériologiques 2015

Société française de systématique

136

suivant leur densité relative. Seule entorse à cette perfection géom

é-+&(:3"G$5"$0*&*%(#G$3'(:3"$+"&&"$;7

"&I;"$P$>$Q13&$"'+&"&$%*'#$5"$&"#+"$

de ce sujet le plus brièvement possible, je pense n’être pas en grand

danger de me trom

per en avançant la proposition suivante : Que le

Continent des prem

iers âges du monde était recouvert par la m

er, à l’exception d’une île unique située au m

ilieu de cet imm

ense océan ; où tous les anim

aux vivaient comm

odément, et où tous les végétaux

;+*("'+$0&1%3(+#$*M"!$5*$053#$I&*'%"$53,3&(*'!"$@$AR('';$STUSF-

Com

ment L

inné pouvait-il concilier l’existence d’une seule terre ém

ergée et l’antagonisme écologique de rennes et tortues d’H

ermann,

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étendue avec une énorme m

ontagne en son centre. En plaçant cette île

sous l’équateur tous les climats, toutes les conditions environnem

en-+*5"#$!1'!"M*J5"#$013M*("'+$!1",(#+"&$I;1I&*06(:3"7

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premièrem

ent le Paradis com

me situé sous l’É

quateur ; et il n’est plus nécessaire de rien pour dém

ontrer la possibilité de ces deux conditions indispensables, que de supposer qu’une m

ontagne fort élevée ornait #"#$05*('"#$#30"&J"#$@$AR

('';$STUSF-Q

uelle est la connaissance empirique que L

inné peut apporter en *003($%"$!"++"$+6;1&("$V$X

3!3'"$Y$H5$#342+$%/(7*I('"&$:3"$5"$Q

*&*%(#$a été détruit lors de l’expulsion d’anim

aux et plantes de leur confor-table dem

eure, tout à cause d’une mangeuse de pom

mes, nourriture

pourtant si saine ! Les restes de l’île devaient se trouver au fond de

l’océan, bien à l’abri des regards des empiristes.

La théorie de L

inné a un fondement indéniablem

ent métaphysique.

Z;*'7

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sens qu’elle fait des prédictions aisément testables. E

n effet, sa théorie prédit que l’on doit trouver des organism

es dans les environnements

pour lesquels ils ont été créés. Elle im

pose, en des termes actuels, une

adaptation absolue et parfaite à des environnements précis. A

insi, (5$#342+$%"$!6"&!6"&$%"#$"'M(&1''"7

"'+#$(%"'+(:3"#$%*'#$5*$7"#3&"$

du possible et constater si des représentants des mêm

es espèces sont repérées dans les m

êmes m

ilieux, indépendamm

ent de la distance les #;0*&*'+-$H5$#/*I(+$%"$5*$7

(#"$K$5/;0&"3M"$#+*'%*&%$%"#$6[01+6)#"#$13$+6;1&("#$#!("'+(2:3"#$%"03(#$5*$0&101#(+(1'$%3$&*+(1'*5(#7

"$!&(+(:3"$de K

arl Popper.

!"!$%*+,,-(L

a théorie de Linné fut en effet testée. E

t elle échoua dans tous et chacun de ces tests. Jam

ais on n’a trouvé des représentants des

Biosystema, n° 30/2015

René Zaragüeta i Bagils • Les deux biogéographies : biogéographie historique vs histoire géographique137

mêm

es taxons dans tous les environnements identiques m

ais éloignés !"#$%&#$'"#$(%)*"#+$,

"$-(.)$-%)$/0&#.'1*1$#%*2*"&(&)$3$4$5&$-(.)$61&1*(!7$

qui d’abord paraît très singulier, et que personne avant nous n’avait m

ême soupçon

né, savoir qu’aucun des an

imau

x de la zone torride '(&#$!8%&$'"#$/0&).&"&)#$&"$#8"#)$)*0%91$'(&#$!8(%)*"$:$;<

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la théorie qui a échoué d’une façon si retentissante. C

’est ce qu’on "&#".6&"$(%F$1)%'.(&)#$3$!($/0&&(.##(&/"$#/."&).BC%"$"#)$/0&#).)%1"$de conjectures testables. L

e désaccord répété avec les faits empiriques

doit nous conduire au rejet de l’hypothèse initiale.G!$&8"&$"#)$*."&+$<

%--0&$2*020#(7$(%$/0&)*(.*"7$%&"$"F2!./().0&$2"*-D

"))(&)$'"$#(%9"*$!($)H10*."$!.&&1"&&"+$GD(6.&"IJ90%#$C%"$90%#$K)"#$

un phoque (si j’ose dire), vivant aisément au paradis, dans un lac

convenablement salé à quelques m

illiers de mètres de hauteur, sur la

fameuse m

ontagne. Vous êtes heureux en m

angeant quelques-uns des nom

breux poissons qui viennent s’offrir à votre appétit lorsque, à cause '"$!8(22*02*.().0&$.&'%"$'"$/"*)(.&"#$.&-0*D

().0&#$/0&B'"&)."!!"#$2(*$!($#"%!"$-"D

D"$2*1#"&)"7$/0D

D"$2(*$H(#(*'7$!8()).)%'"$'%$4$L0##$:$/H(&6"$

radicalement : les m

archés métaphysiques appliquent une punition, il

M$($'"#$/0%2"#$L%'61)(.*"#$)"**.L!"#$")$'"#$*"#)*./).0&#$#8.D20#"&)$3$B&.$

!8(L0&'(&/"$!%F%*.(&)"$'%$4$2(*('.#$2*09.'"&/"$:+$N($#%"%*$#%*$!"$-*0&)$

")$!($'0%!"%*$#"*0&)$.D20#1"#$O$)0%)$!"$D

0&'"$;#(%-$(%$4$L0##$:7$L."&$"&)"&'%@+$P

&$B&.)$2(*$-"*D"*$!($L0Q)"$2(*('.#.(C%"$")$90%#$90%#$*")*0%-

vez à la rue : votre lac salé disparaît et vous devez vous traîner jusqu’à trouver un environnem

ent identique à celui pour lequel vous avez été /*11+$G!$-(%'*($)*(9"*#"*$'"#$2!(.&"#$1C%()0*.(!"#7$'"#$'1#"*)#7$'"#$#0D

-m

ets alpins, des imm

enses forêts tempérées, sans un seul hareng à

vous mettre sous la dent. C

e long voyage laissera des traces dans la /0&#).)%).0&$'"#$9R)*"#$3$!"#$0*6(&.#D

"#$#"*0&)$19"&)%"!!"D"&)$D

0'.B1#$lors de ce pénible voyage. D

e la perfection avec laquelle vous avez été /*11"#7$90%#$'"9."&'*"I$'"#$/02."#$'161&1*1"#$")$*1)*1/."#+$G!$-(%'*($%&$#21/.(!.#)"$20%*$'1/"!"*$"&$90%#$!8"##"&/"$2H0C%"$3$4$S

)$!0*#C%"$2(*$'"#$*190!%).0&#$#%*$!"$6!0L"$0%$2(*$!($-0*/"$'"$!8H0D

D"7$T!"#$(&.D

(%FU$0&)$été contraints d’abandonner leur terre natale ; qu’ils ont été chassés ou relégués dans des clim

ats éloignés, leur nature a subi des altérations si grandes et si profondes, qu’elle n’est pas reconnoissable à la prem

ière vue, &

que pour la juger il faut avoir recours à l’inspection la plus atten-).9"7$V

$DKD

"$(%F$"F21*."&/"#$V$O$!8(&(!06."$:$;<

%--0&$=>??@+O

n est satisfaits : on peut expliquer pourquoi on ne trouve pas les m

êmes organ

ismes partout où les m

ilieux sont les plus sim

ilaires

© Éditions M

atériologiques 2015

Société française de systématique

138

possible. Mais, ce faisant, nous avons produit une théorie qui n’est

plus testable. Que l’on trouve les m

êmes taxons ou que l’on trouve des

taxons différents, nous avons toujours l’explication. Mais une expli-

cation ad hoc. Et l’on sait ce qu’il faut penser des explications ad hoc.

L’un des points les moins bien com

pris de l’épistémologie poppé-

*."&&"$"#)$C%8%&"$L0&&"$)H10*."$#/."&).BC%"$&8"#)$2(#$%&"$)H10*."$C%.$explique le plus de cas possible m

ais, au contraire, une théorie qui rend com

pte du min

imum

de cas parmi toutes les possibilités. S

i ce sont ces observations précises et étroites qui sont effectivem

ent faites, il devient très peu vraisem

blable que la cause soit le hasard et l’hypothèse présente une grande valeur explicative. Si, au contraire, nous pouvons expliquer toute la panoplie possible d’observations poten-tielles, alors notre théorie, en expliquant tout, n’explique rien. E

lle &"$2"%)$D

KD"$2!%#$K)*"$/0&#.'1*1"$#/."&).BC%"$2%.#C%8"!!"$&8"#)$2!%#$

testable, aucune observation ne pouvant la contester.

!"#$%&'()

*+%,-%.',/0,1

La théorie de B

uffon ne peut donc plus être considérée comm

e une "F2!./().0&$#/."&).BC%"$2%.#C%8(%/%&"$0L#"*9().0&$&8"#)$#%#/"2).L!"$'"$m

ontrer qu’elle est erronée.O

n pourrait s’attendre à ce que les grands personnages qui se sont 0//%21#$'"$L.06106*(2H."$(."&)$D

.#$%&$)"*D"$O$/"))"$'1*.9"+$G!$&8"&$"#)$

rien. Bien qu’on ait voulu en faire un personnage intellectuellem

ent .&-(.!!.L!"7$"&$/"$C%.$/0&/"*&"$!($L.06106*(2H."7$!"#$(220*)#$'"$A

(*W.&$

#0&)$D.&"%*#+$G!#$#"$#0&)$!.D

.)1#$O$/0&#)()"*$C%8.!$&"$20%9(.)$2(#$"F.#-ter un paradis, ou un petit nom

bre de paradis, pour toutes les espèces. X

%$/0&)*(.*"7$/H(C%"$"#2Y/"$(9(.)$#0&$2*02*"$4$2(*('.#$:7$!($*16.0&$6106*(2H.C%"$'(&#$!(C%"!!"$"!!"$(22(*(.##(.)+$,

"2"&'(&)7$!($B!.().0&$intellectuelle biblique de cette tradition biogéographique est restée présente après l’apparition de L’O

rigine des espèces. Ainsi, le grand

'1-"&#"%*$'"$!($)H10*."$'(*W.&."&&"$#%*$!"$/0&).&"&)$"%*021"&7$S

*&#)$Z

("/["!$;=\>?@$2"*D")$'8"F"D

2!.B"*$O$C%"!$20.&)$!($B!.().0&$)H10*.C%"$"&)*"$N

.&&1$")$A(*W

.&$1)(.)$'.*"/)"+$A(&#$!"#$)*('%/).0&#$(&6!(.#"7$

2%L!.1"$O$2(*).*$'"$=\?\7$)*('%.)"$2(*$](M$N

(&["#)"*$")$2!%#$/0&&%"7$et française (H

aeckel 1877) de son Natürliche S

chöpfungsgeschichte (L’H

istoire de la création), Haeckel m

ontre les voies de dispersion des hum

ains à partir du Paradis (Fig. 1@+$^

0&$#"%!"D"&)$/"))"$B6%*"$"#)$

#%*2*"&(&)"7$"!!"$#"D

L!"$"F)*(0*'.&(.*"D"&)$D

0'"*&"+$G!$#%-B)$'"$

'12!(/"*$!"$/"&)*"$'80*.6.&"$'"#$H%D(.&#$'(&#$!($B6%*"$'"$Z

("/["!$'%$2(*('.#$#.)%1$'(&#$!80/1(&$G&'."&$(%$/"&)*"$'80*.6.&"$'(&#$!($9(!!1"$

Biosystema, n° 30/2015

René Zaragüeta i Bagils • Les deux biogéographies : biogéographie historique vs histoire géographique139

du rift est-africaine pour avoir une im

age étonnam

ment m

oderne !"#$%&!'"#()"#$*#+$)+*,-#!".#./&"0-&1()".#"-#!)#2,*0!#+)3$&/#."#450-#de l’histoire de ce qu’on appelle pom

peusement le processus d’hom

i-0&.*-&506#7

"8*,()"9#*)..&#()":#/58

8"#!*0.#$*#+$)+*,-#!".#12),".#

0'5!*,;&0&"00".#+5.-',&"),".#,"+,'."0-*0-#$%'<5$)-&50#!".#=#$&20'".#>:#

!*0.#/"$$"?/&#&$#0%@#*#*)/)0"#A).-&1/*-&50#-B'5,&()":#"8

+&,&()"#5)#8

'-B5!5$52&()"#!)#+*,/5),.#8&2,*-5&,"6#C

$$".#&0!&()"0-#=#"0#2,5.#>#$".#*410&-'.#"0-,"#$".#"-B0&".#5)#$".#,*/".#-"$$".#()%"$$".#'-*&"0-#&8

*2&0'".#a priori. M

ais aucune base empirique n’existe sur les liens précis, les

points de bifurcation, le détail des voies empruntées. F

inalement, on

+")-#05-",#()"#D*"/E"$#*#")#$"#8

',&-"#!"#/,'",#$"#-",8"#=#/B5,5$52&"#>#

(Haeckel 1876 : 351).=#F

".#/*).".#G!"#$*#!&.-,&3)-&50#2'52,*+B&()"H#50-#'-'#,'<'$'".#pour la prem

ière fois par la théorie de la sélection et sa doctrine sur la m

igration des espèces animales et végétales, et c’est seulem

ent !"+)&.#$".#-,*<*)I#!"#J

*,;&0#"-#K

*$$*/"#()%&$#".-#!"<"0)#+5..&3$"#!"#+*,$",#!"#$*#F

B5,5$52&"#/588

"#)0"#!&./&+$&0"#./&"0-&1()"#L#+*,-#"0-&M,"6#>

Figure 1 : Histoire des déplacem

ents des populations humaines à partir du « paradis »,

dans la traduction française de L’Histoire de la création d’Ernst H

aeckel (1877). La carte parut aussi, en anglais, dans la version en cette langue de ce m

ême ouvrage,

traduit par Ray Lankester (Haeckel, 1876).

© Éditions M

atériologiques 2015

Société française de systématique

140

!"#$%&'(()*

Willi H

ennig, n’apporta, lui non plus, des corrections à la théorie /B5,5$52&()"#!'4"0!)"#+*,#N

&00':#O)4450:#J

*,;&0#"-#D

*"/E"$:#"0-,"#*)-,".6#P$#."#$&8

&-*#L#.)++5.",#()":#.&#$%50#53-"0*&-#)0#/$*!52,*88

"#pectiné et que la distribution des taxons term

inaux, ordonnés de façon à pouvoir lire le cladogram

me com

me une échelle, c’est-à-dire préci-

sément de la façon dont il ne faut jam

ais lire un cladogramm

e, alors on pouvait conclure à ce que le taxon groupe frère de tous les autres habiterait le centre d’origine de l’ensem

ble ou une région proche, les autres taxons de l’inexistante échelle représentant le voyage analogue au périple du pauvre phoque évoqué com

me exem

ple plus haut, évo-luant au fur et à m

esure du voyage.L

e schéma hennigien a été adopté par la presque totalité de phy-

logénéticiens non cladistes. Notam

ment, les tenants de la phylogéo-

graphie et des méthodes proches prétendent expliquer, à partir d’un

algorithme som

me toute très sim

ple et d’un schéma tout aussi sim

ple, ce qui s’est réellem

ent passé sous la forme de séries de dispersions à

partir de centres d’origine (et de quelques rares événements de vica-

riance ; notez, néanmoins, que le term

e vicariance est utilisé de façon im

propre, comm

e je le montrerai plus bas).

En

trébuchant su

r la mêm

e pierre que les paléontologues du Q

Qe#.&M/$":#$".#3&5$52&.-".#8

5$'/)$*&,".#!)#QQ

Pe recherchent toujours

les voies des migrations, causes d’évolution des taxons. U

ne histoire dont la source ultim

e se trouve dans les légendes bibliques et dont les hypothèses ne sont pas testables : il n’existe pas de distribution de taxons qui ne puisse pas être expliquée par une narration m

ettant en scène des centres d’origines et des voies de dispersion.

3] Biogéographie 2 :la vraie biogéographie (l’im

portance de l’histoire en science)L’un des argum

ents les plus mordants contre le rationalism

e cri-tique poppérien a été apporté par l’analyse de la dynam

ique historique !)#!'<"$5++"8

"0-#!".#-B'5,&".#./&"0-&1()".#+,5+5.'#+*,#RB58

*.#S)B0#

TUVVW#GXYZUH[6#J*0.#.50#-,*<*&$#!%*0*$@."#!"#$%B&.-5&,"#!"#$*#-B'5,&.*-

-&50#./&"0-&1()":#S)B0#/50.-*-"#()":#-,M.#.5)<"0-:#$*#!@0*8

&()"#!".#-B'5,&".#./&"0-&1()".#0"#.)&-#+*.#)0#+,5/"..).#!"#,'4)-*-&50.#.)//".-sives par des théories de plus en plus inclusives. A

u contraire, il est courant que des théories différentes coexistent dès le début de la m

ise en place d’un cadre disciplinaire qui oriente les recherches d’une façon bien déterm

inée. Ces théories ne peuvent pas se réfuter parce qu’elles

Biosystema, n° 30/2015

René Zaragüeta i Bagils • Les deux biogéographies : biogéographie historique vs histoire géographique141

sont nomologiquem

ent incomm

ensurables. Par cette expression abs-

truse, Kuhn veut dire que ces théories sont incom

parables. La raison

est simple et en m

ême tem

ps pose des questions profondes quant à !"#$%!"&'()#*%+#&,-($'%+#+.'%)&'/01%+#2#!"#$-"!'&-#*1#3

()*%#4#%!!%+#5()&#appel à des entités théoriques différentes. C

’est-à-dire qu’elles utilisent des concepts, par conséquent non observables, nécessaires au fonc-tionnem

ent de ces théories distincts de ceux des autres théories. Par

exemple, la théorie cladistique fait appel à la notion d’hom

ologie alors que les théories probabilistes font appel à la notion de probabilité. O

r, ces term

es ne peuvent pas être traduits entre ces théories : homologie

ne veut rien dire dans la théorie probabiliste ; probabilité est, quant à lui, un term

e totalement étranger à la théorie cladistique. D

es théories nom

ologiquement (de nom

os, loi) incomm

ensurables (sans comm

une m

esure) ne peuvent donc pas se réfuter mutuellem

ent. Elles proposent

néanmoins des solutions aux m

êmes problèm

es (du moins aux m

êmes

01%+&'())%3%)&+#')'&'"167#%&#"..%8&%)&9#%)#8$').'8%9#!"#01"!'/."&'()#

réaliste de vraies ou fausses.L

a biogéographie historique est un bon exemple de non-application

de la testabilité poppérienne, comm

e nous avons vu dans le cas des prédictions de L

inné, contredites par l’expérience et néanmoins abri-

tées par Buffon dans une irréfutabilité qui les fait sortir du cadre de

la science selon les critères poppériens, ce qui n’a pas semblé beaucoup

déranger la plupart des biogéographes pendant deux siècles. La bio-

géographie historique est aussi un bel exemple d’incom

mensurabilité

)(3(!(:'01%#*%+#&,-($'%+#+.'%)&'/01%+#"88!'01-%+#"1#3

;3%#*(3

"')%<#E

n effet, une deuxième interprétation théorique du problèm

e appelé ='(:-(:$"8,'%#,'+&($'01%#%6'+&%#*%81'+#!%#&(1&#*-=1&#*1#>

?>e siècle.

!"#$%&'()*++,%,-%./0(E

n 1805, Lam

arck et Candolle publient la F

lore française. Certains

@(!13%+#').!1%)&9#2#!"#/

)#*%#!A(1@$":%9#1)%#."$&%#&$B+#8"$&'.1!'B$%#

(Ebach &

Goujet 2006). C

ette carte montre des régions colorées en

diverses couleurs (Fig. 2). Or, aucune de ces régions ne correspond à

des régions de la géographie physique ni, malgré le titre de l’ouvrage,

de la géographie politique. Elles ne sont pas délim

itées par des acci-dents géographiques, bien qu’une relation existe entre ceux-ci et les régions dessinées, ni par des frontières adm

inistratives. Elles sont

."$".&-$'+-%+#8"$#*%+#*'+&$'=1&'()+#*%#8!")&%+<#?!#+A":'&#*A1)%#:-(-

graphie botanique à proprement parler. C

ette carte représente donc la plus ancienne trace de la découverte d’une nouvelle géographie :

© Éditions M

atériologiques 2015

Société française de systématique

142

!"#:-(:$"8,'%#=(&")'01%<#?)&1'&'@%3

%)&#()#'3":')%#01A1)%#:-(:$"-

phie zoologique serait tout aussi pertinente. Si les deux contribuent à construire la m

ême carte, alors nous aurons découvert une géographie

biologique ou biotique : une biogéographie.A

ugustin Pyram

e de Candolle (1778-1841), botaniste genevois, est

le premier à décrire une théorie sur la répartition des taxons to ta-

lement différente de celle de L

inné. Candolle (1820) rem

arque que les distributions des plantes ne peuvent pas être expliquées par la seule *%+.$'8&'()#*%#!A%)@'$())%3

%)&#*")+#!%01%!#%!!%+#8(1++%)&#4#C#?!#)%#+%$"'&#8%1&D;&$%#8"+#*'5/.'!%#*%#&$(1@%$#*%16#8(')&+9#"16#E

&"&+DF)'+#(1#%)#

Europe, ou en A

mérique et en A

frique équinoxiales, qui présentent toutes les m

êmes circonstances : com

me, par exem

ple, la mêm

e tem-

pérature, la m

ême altitude au-dessus de la m

er, un sol semblable,

une égale teneur en hum

idité ; cependant, dans ces deux localités

semblables, presque toutes les plantes, peut-être toutes, seraient dis-

tinctes. Un certain degré d’analogie, en vérité, dans l’aspect, ou m

ême

Figure 2 : Carte des régions botaniques de France dans la Flore française de La-

marck et C

andolle (1805).

Biosystema, n° 30/2015

René Zaragüeta i Bagils • Les deux biogéographies : biogéographie historique vs histoire géographique143

la structure, pourrait très vraisemblablem

ent être découvert entre les plantes des deux localités en question, m

ais les espèces seraient en général différentes. D

es circonstances, par conséquent, différentes de !"##"$%&'(%)*+",-

(.".+%/!+'"##"-".+%#"$%$+/+(0.$1%0.+%"'%'."%(.2'".!"%

$',%#"$%3/4(+/+(0.$%)"$%5#/.+"$6%789%:

"%#;".$"-4#"%)"%!"$%</(+$1%0.%5"'+%

donc déduire qu’il existe des régions botaniques ; je désigne sous ce nom

les espaces quelconques qui, si l’on fait exception des espèces

introduites, offrent un certain nombre de plantes qui leur sont par-

+(!'#(=,"$1%"+%&'"%#;0.%50',,0(+%.0--

",%>*,(+/4#"-".+%/40,(?=."$6%@

Deux aspects sont rem

arquables dans le développement théorique

de Candolle. T

out d’abord, la clarté avec laquelle il balaye l’argumen-

tation de Linné et de ses successeurs : il y a autre chose que l’écologie

(i.e. les stations) qui détermine les distributions (i.e. les habitations).

Deuxièm

ement, le fait que la découverte d’une géographie nouvelle ne

semble pas éveiller en C

andolle le besoin pressant de trouver les pro-!"$$'$%/A/.+%/40'+(%B%!"$%)($+,(4'+(0.$6%C#%"$+%)">".'%/$$"D%5"'%!0',/.+%que les chercheurs focalisent leurs recherches sur la découverte de ce qui existe avant de vouloir expliquer les processus ayant produit une réalité sim

plement ébauchée. M

ais avant d’avoir une ontologie, une liste des entités supposées exister par une théorie, il est assez futile de se poser des questions sur ce qui a produit ces entités. C

urieusement, la

plupart de théories pertinentes sur l’histoire du vivant se fondent sur )"$%!0.!"5+$%/.3($+0,(&'"$%E#;30-

0#0?("%);FG

".1%#"%+,(5#"%5/,/##*#($-"%

d’Agassiz, la pattern cladistics et, ici, la notion de taxon aborigène).H

/.)0##"%EIJKLM%()".+(N"%)"'O%!0.!"5+$%<0.)/-

".+/'O%)*+",-

(-./.+%#"$%)($+,(4'+(0.$%)"$%+/O0.$1%#"$%$+/+(0.$%"+%#"$%3/4(+/+(0.$%P%Q%F

.%exprim

e par le terme de station, la nature spéciale de la localité dans

laquelle chaque espèce a coutume de croître, et par celui d’habitation,

l’indication générale du pays où elle croît naturellement. L

e terme de

station est essentiellement relatif au clim

at, au terrain d’un lieu donné ; celui d’habitation est plus relatif aux circonstances géographiques et m

ême géologiques. L

a station de la salicorne est dans les marais salés,

celle de la renoncule aquatique est dans les eaux douces et stagnantes ; l’habitation de ces deux plantes est en E

urope, celle du tulipier dans l’A

mérique septentrionale. L’étude des stations est, pour ainsi dire, la

+050?,/53("1%"+%!"##"%)"$%3/4(+/+(0.$%#/%?*0?,/53("%40+/.(&'"6%@E

n d’autres termes, la biogéograph

ie écologique est l’étude des $+/+(0.$%E#/%Q%+050?,/53("%40+/.(&'"%@%)"%H

/.)0##"M%R%#/%4(0?*0?,/53("%3($+0,(&'"%"$+%#;*+')"%)"$%3/4(+/+(0.$%E#/%Q%40+/.(&'"%?*0?,/53(&'"%@%)"%H

/.)0##"M6%H/.)0##"%EIJKLM%!0.$()*,/(+%&'"%Q%#/%!0.<'$(0.%)"%!"$%)"'O%

© Éditions M

atériologiques 2015

Société française de systématique

144

classes d’idées est l’une des causes qui ont le plus retardé la science "+%#;0.+%"-

5S!3*%);/!&'*,(,%#;"O/!+(+')"%@%ET"#$0.%U

%V#/+.(!W%IXJIM6

Une biogéographie qui a peu en com

mun avec la chorologie, la bio-

géographie des centres d’origine et des dispersions initiée par Linné.

!"#$%&'()%*+(,-./%012345132#6%7%8.%9.):,(;'(;+.9<,=L

a biographie de ce personnage, dans tous les sens du terme, m

éri-terait un article, voire un ouvrage. F

ranco-italien, il émigre aux É

tats-Y

.($%B%5/,+(,%)"%$0.%C+/#("%./+/#"1%0Z%(#%/>/(+%,"['%'."%<0,-/+(0.%)"%

juriste, et il essaye de vivre de ses productions artistiques, sans suc-!=$6%C#%!0-

-".!"%B%+,/>/(##",%)/.$%#"%)0-

/(."%)"%#/%40+/.(&'"%B%T"G

%York et com

me technicien à l’université d’H

arvard, près de Boston.

Postérieurem

ent, il part au Venezuela, où il travaille à l’université

des Andes et, après le divorce de sa prem

ière épouse, se marie avec

une riche imm

igrée d’origine hongroise. Croizat est polyglotte m

ais ne dispose pas de la reconnaissance académ

ique qu’il pense mériter.

Sans oublier que C

roizat est connu pour son caractère véhément et

tranchant, allant jusqu’à un total manque de respect pou

r autrui, personnel et professionnellem

ent.C

roizat développa une méthodologie très originale connue sous le

nom de panbiogéographie (Fig. 3). C

elle-ci se caractérise par les liens joign

ant des distributions géograph

iques de taxons phy lo gé né ti-

quement apparentés. C

es liens sont appelés des tracés (tracks). Croizat

remarque que, lorsqu’il relie des distributions qui se juxtaposent, il

Figure 3 : Une mappem

onde montrant les régions et les m

ain massings num

érotés identifiés par les m

éthodes de la panbiogéographie décrites par Croizat (1958).

Biosystema, n° 30/2015

René Zaragüeta i Bagils • Les deux biogéographies : biogéographie historique vs histoire géographique145

peut utiliser le mêm

e tracé pour un grand nombre de couples de taxons

non apparentés entre eux. Les tracés se superposent et peuvent être

résumés par un tracé généralisé (generalized track). P

arfois des tracés se croisent dans des nœ

uds (nodes). Des régions à forte diversité sont

!""#$%#&'(#&')'main m

assings'*+',#&'-#./

#&'-0%1.234#&'5#'&15-'6#"#5-(!5-'"!&'(%752&'!8#6'9#!4614"'(#'.2:4#4.;'6#'342'&#.!'4-2$2&%'61/

/#'

critique par des débatteurs, néanmoins peu inquiets de la pauvreté

(#'$#4.&'".1".#&'(%752-215&'(#'6#5-.#'(<1.2:25#'14'(#&'=15(#/#5-&'(#&'

voies de dispersions qu’ils utilisent.C

e qu’il me sem

ble important de reten

ir ici, c’est la découverte de deux aspects fondam

entaux grâce au travail de Léon C

roizat. Le

premier est l’existence d’une sorte d’évolution parallèle entre la géo-

:.!"02#'#-'$!'82#+'>!""#$15&'34#',

.12?!-'(%8#$1""!'&!'-0%1.2#'!8!5-'l’acceptation généralisée de la tectonique de plaques, qui n’eut lieu 34#'8#.&'$!'75'(#&'!55%#&'@ABC'#-'34#;'"!.'$!'&42-#;'5#'$!'&14-25-'"!&+'E

n deuxième lieu, la proposition d’un critère de congruence com

me

outil principal permettant la découverte, ou l’argum

entation, de cette évolution conjointe.

Or, ces deux aspects ne pouvaient pas passer inaperçus pour des

défenseurs de la théorie cladistique attentifs aux développements de

leur époque. En effet, la théorie cladistique se fonde sur la notion de

congruence (des distributions des états de caractères chez des taxons).

!"!#$%&'()*+$,'-.*/01+$2)(&*$3

'-$4/)56)57-89/&$0)::&$87)4';:

&$0'-</(./=>&D

!.#-0'E#$&15;'E

1./!5'F

$!-526G'#-'H155'I

.26'>1&#5'.#/

!.34J.#5-'6#'"!.!$$%$2&/

#'KE#$&15'L

'>1&#5'@AM@'N'E

#$&15'L'F

$!-526G'@AM@O+'P4'

fond, l’existence de distributions dont l’apparentement est m

utuelle-m

ent congruent comm

e source de la connaissance des relations d’appa-rentem

ent des aires biogéographiques rappelle une interprétation de la théorie hennigienne com

me congruence des distributions des états

de caractère comm

e source de la con

naissance des relations entre taxons. E

n d’autres termes, systém

atique phylogénétique et biogéo-graph

ie peuvent être réduites à des cas particu

liers d’une théorie

cladistique plus générale qui les inclut (voir Fig. 4).P

ourquoi la panbiogéographie ne peut-elle être cette théorie biogéo-graphique ? P

arce qu’il manque un aspect fondam

ental à la théorie de C

roizat : lorsqu’il relie des distributions de taxons à l’aide des tracés, il .#$2#'(#&'(2&-.294-215&'(#'-!Q15&'!""!.#5-%&+'R

.;'34<#&-S6#'34#'&2:527#'que des taxons soient apparentés ? U

ne découverte fondamentale de

© Éditions M

atériologiques 2015

Société française de systématique

146

Hennig fut de com

prendre que la question de la parenté phylogéné-tique im

pliquait trois et non deux : étant donné trois taxons, lesquels deux sont plus proches entre eux qu’aucun ne l’est du troisièm

e ? Cette

parenté relative est représentée par des arbres hiérarchiques. Les cla-

dogramm

es de taxons sont donc, en dernier terme, le seul accès épisté-

mique que nous avons aux relations entre les aires biogéographiques.Je vais spéculer ici sur un point : je pense (m

ais cela reste de la pure &"%64$!-215O'34#'6<#&-'T'"!.-2.'(#'6#--#'(%/

!.60#'&4.'$!'U4&-276!-215'%"2&-tém

ique de la structure de la géographie biotique que Nelson a com

pris ce qui m

anquait à la systématique (N

elson & P

latnick 1981). En effet,

Figure 4 : Symétrie entre la recherche phylogénétique et biogéographique cladis-

tiques dans le cadre de l’interprétation théorique connue comm

e « analyse à trois élém

ents ». A. Les hypothèses d’homologie sont construites com

me des hypothèses

sur l’identité relative d’ensembles de parties, structures, etc. (les hom

ologues). B. Les caractères s’obtiennent par le rem

placement des hom

ologues terminaux par les

taxons les présentant. Ils permettent la com

paraison entre les différentes hypothèses d’hom

ologie portant sur des taxons d’un mêm

e échantillonnage. D. La combinaison

et la recherche de congruence entre les différents caractères (et, donc, hypothèses d’hom

ologie), permettent d’aboutir à un cladogram

me. D. C

e mêm

e cladogramm

e est la source pour l’argum

entation des relations entre aires biogéographiques. E. Afin de com

biner ces différentes hypothèses, les taxons sont remplacés par leurs

distributions, c’est-à-dire par les aires biogéographiques les portant, appelées « aires d’endém

isme » (AE) pour les taxons term

inaux F. La combinaison et la recherche de

congruence entre les différents pseudo-caractères, permettent d’aboutir à un clado-

gramm

e d’aires biogéographiques (à ne pas confondre avec des aires géogra-phiques). M

odifié d’après Cecca et Zaragüeta (2015).

Biosystema, n° 30/2015

René Zaragüeta i Bagils • Les deux biogéographies : biogéographie historique vs histoire géographique147

si la source des connaissances en biogéographie historique se trouve !"#$%&'$%(&"!)*+",

,'$%!'%-".)#$/%"&)+$%#)0$%"1)#$%0#'%20$-34("-3)#%!'%

pourquoi les relations entre aires sont représentées de façon pertinente par des cladogram

mes d’aires, des arbres hiérarchiques, racinés et,

dans le meilleur des cas, dichotom

iques. Au fond, cela n’est pas surpre-

nant, parce que les relations entre les aires de toutes les géographies (physique, politique et m

aintenant biotique) sont hiérarchiques.5

'&"%)01+'%#6"#,)3#$%0#'%70'$-3)#%8%709'$-:('%703%20$-34'/%"&)+$/%

que les relations de parenté entre taxons soient, elles aussi, représen-tées au m

ieux par des arbres hiérarchiques et, lorsque ces relations sont totalem

ent résolues, dichotomiques ? L

a plupart des cladistes ont évacué cette question d’un revers de la m

ain avec une simple phrase :

&"%!'$('#!"#('%"1'(%,)!34("-3)#;%<

"3$%&"%!'$('#!"#('%"1'(%,)!34("-

-3)#%#'%20$-34'%'#%+3'#%#3%&"%$-+0(-0+'%=36+"+(=370'%#3%&"%!3(=)-),3';

>3%&"%20$-34("-3)#%!'%&"%$-+0(-0+'%!'$%$)&0-3)#$%?+)13'#-/%!"#$%&'$%m

éthodes analytiques comm

e la phylogénétique et la biogéographie cladistique, de celle de leu

rs parties, alors les arbres de taxons se 20$-34'#-%?"+('%70'%&'$%=@?)-=A$'$%!9=),

)&)*3'%$)#-%+'?+6$'#-6'$/%!'%façon pertinente, par des arbres hiérarchiques, donc racinés et décom

-posables, c’est-à-dire analysables, en structures dichotom

iques. Ce

sont les principes de l’analyse à trois éléments (C

ao et al. 2007 ; Carine

& S

cotland 1999 ; Nelson 1978, 1979, 1989, 1994, 1996 ; N

elson &

Platnick 1981 ; W

illiams 1996, 2004). Si on accepte ce principe, qui,

par ailleurs, procure une totale cohérence interne à la théorie phylogé-nétique, la com

préhension de la phylogénétique et de la biogéographie com

me deux facettes de la m

ême théorie devient évidente d’une façon,

je me perm

ets de l’écrire, particulièrement élégante (Fig. 4).

B9"#"&@$'%C%-+)3$%6&6,'#-$%?'+,

'-%!)#(/%4#"&',

'#-/%0#%!6%1'%&)?:pem

ent méthodologique de la biogéographie dans la tradition com

-,

'#(6'%?"+%5"#!)&&';%D

&&'%20$-34'%?&'3#','#-%70'%&"%E3)*6)*+"?=3'%

soit un problème cladistique.

3.3.1] Vicariance et dispersionL

a biogéographie cladistique a été appelée aussi biogéographie de &"%13("+3"#('%FG

'&$)#%H%I

)$'#%JKLJ%M%G'&$)#%H

%N&"-#

3(O%JKLJP;%5'%

point est devenu une cible des critiques, particulièrement de la part

des chercheurs ayant une culture en biogéographie historique rela-tivem

ent limitée. S

elon eux, la biogéographie cladistique considère

que la vicariance est le seul mécanism

e causal de la distribution des taxons, alors que, selon les m

êmes auteurs, la dispersion est om

ni-

© Éditions M

atériologiques 2015

Société française de systématique

148

présente. Cette critique ne va pas sans rappeler celle des défenseurs

de la théorie synthétique concernant l’ubiquité de la convergence.

Colin P

atterson le rappelait lors de sa très fameuse et polém

ique conférence donnée à l’A

merican M

useum of N

atural History en 1981,

conférence enregistrée par un créationniste et devenue un des fers de &"#('%!'%('$%*+)0?'$%$'(-"3+'$%'-%3*#)+"#-$%8%Q%W

ell, I don’t know w

hat an evolutionist w

ould do with this but I could guess. W

hen I ask them

about evolution the only answ

er I get from them

is, “Convergence is

everywhere”%%R.

Eh bien, il sem

ble que la dispersion se trouve, elle aussi, partout !N

ous avons vu que dans la tradition biogéographique, l’information

sur les relations entre ces ensembles de distributions de taxons que sont

les aires biogéographiques provient de la congruence entre les relations !'%?"+'#-6%'#-+'%-".)#$;%B

'%,)!A&'%$-"#!"+!%!'%!31'+$34("-3)#%-".370'%

est le modèle allopatrique de spéciation (M

ayr 1942). Or, ce m

odèle est précisém

ent biogéographique : une barrière physique est la responsable de la fragm

entation d’une aire de distribution unique en plusieurs aires dans lesquelles des populations se trouvent reproductivem

ent isolées, la condition sine qua non%!'%&"%!31'+$34("-3)#%-".370'%$'&)#%<

"@+;%S+/%

il est peu vraisemblable de supposer que la fragm

entation de l’aire de distribution par des barrières physiques ne touche qu’une seule espèce C%&"%T)3$;%U&%'$-%E3'#%?&0$%?&"0$3E&'%!'%$0??)$'+%7090#%*+"#!%#),

E+'%!'%taxons vont être concernés (Fig. 5). L

es différents taxons différenciés dans ces sous-aires nou vel lem

ent ap parues montreront des relations

de groupe-frère qui vont nous renseigner sur le mêm

e événement. C

’est l’une des explications possibles, voire la principale explication, de l’exis-tence de congruence entre les relations de parenté et les aires biogéo-graphiques. A

insi, la vicariance n’est rien d’autre que l’application du ?+)('$$0$%!'%!31'+$34("-3)#%-".370'%"&&)?"-+370'%C%&"%E3)*6)*+"?=3';

5'&"%$3*#34':-:3&%70'%&"%!3$?'+$3)#%#9'.3$-'%?"$%V%B

"%+6?)#$'%$3,?&'%

est : absolument pas. Si la vicariance seule était responsable des pro-

('$$0$%!'%!31'+$34("-3)#%-".370'/%)#%"0+"3-%0#'%()#*+0'#('%?"+T"3-'%entre la biodiversité et la biogéographie : chaque aire ne contiendrait que la distribution d’un seul taxon ou un petit groupe de taxons étroi-tem

ent apparentés. Évidem

ment ce n’est pas le cas et les raisons

sont diverses : des convergences géographiques (des collisions entre plaques tectoniques par exem

ple) ou des dispersions ; en général, la correspondance im

parfaite entre les géographies physique et biotique.C

ependant, la réponse à cette question mérite d’être un peu plus

détaillée. La vicariance perm

et d’expliquer l’existence, avérée, de

Biosystema, n° 30/2015

René Zaragüeta i Bagils • Les deux biogéographies : biogéographie historique vs histoire géographique149

congruences biogéographiques. Or, il s’agit bien d’une hypothèse tes-

table. On trouve, en effet, des incohérences entre les relations phy-

logénétiques et les distributions géographiques des taxons. Pouvons-

nous alors interpréter toutes ces incohérences comm

e des dispersions ? C

ertainement pas, m

ême si c’est une pratique cou

rante parce que facile. L

es causes de l’incohérence sont potentiellement nom

breuses. !

"#$%&"'(%)*+(%,'#$%'*,--"*("#.$&"#$/012,34'%"#$"--,'4"#.$&"#$&%#(-%56-tions m

al estimées, des bugs logiciels, des erreurs hum

aines de trans-cription, etc. L

a dispersion n’est qu’une parmi toutes ces possibilités.

Mais, plus grave, les dispersions perm

ettent l’explication de n’importe

quel ensemble de distributions, congruentes ou non.

Figure 5: Le processus de vicariance et la génération de congruence biogéogra-phique.A. Une région biogéographique définie par la distribution de trois taxons non é troi-tem

ent apparentés entre eux, A, B, C. C

es taxons vont subir une diversification par al-lopatrie, causée par l’apparition d’une barrière géographique qui isole trois groupes de populations. Finalem

ent, trois nouvelles aires géographiques X, Y, Z, peuvent être caractérisées par la coexistence des distributions de trois taxons chacune.B. C

ladogramm

es indiquant les relations de parenté étroites entre les descendants des taxons A, B et C

(par rapport à des groupes externes OG

1-3). En remplaçant

les taxons terminaux par leurs aires d’endém

isme, on produit des caractères biogéo-

graphiques qui montrent les relations entre les aires X, Y et Z (par rapport à une aire

externe OA). La congruence entre ces caractères aboutit à un cladogram

me d’aires

qui montre la m

onophylie des aires X, Y, Z.

© Éditions M

atériologiques 2015

Société française de systématique

150

Si on accepte le parallélisme entre phylogénétique et biogéographie

/-4#"'(4$&+'#$2+$)36-"$7.$+2,-#$%2$8+6($+**"/("-$96"$2:496%;+2"'($&"#$centres d’origine de la tradition chorologique correspond à la notion d’ancêtre paraphylétique de la phylogénétique. E

n effet, il s’agit de la distribution que des taxons abandonnent pour form

er des distributions allochtones : les distributions descendantes ne form

ent pas partie de la distribution initiale. C

elle-ci est, donc, paraphylétique. De la m

ême

8+<,'.$2"#$&%#/"-#%,'#.$&4)'%"#$*,==

"$*"$96%$"#($*,=/24=

"'(+%-"$>$2+$congruence, sont équivalentes des hom

oplasies. La tradition chorolo-

gique fonde ses explications sur les équivalents des ancêtres paraphy-létiques et des hom

oplasies.L

a tradition biogéographique, au contraire, fonde ses explications sur l’hom

ologie entre aires. Bien qu’elle ne présuppose aucun processus

ou mécanism

e particulier, on doit accepter dans ce cadre que la vica-riance produit de la congruence. M

ais que le processus de vicariance produise de la congruence n’im

plique pas son contraire, c’est-à-dire que l’existence de congruences biogéographiques im

plique de la vicariance.F

inalement, il est im

portant de remarquer que chez les critiques,

les notions de vicariance et de dispersion font référence à l’histoire géographique (au sens de la géographie physique) de taxons indivi-&6"2#?$@2#$*,'

8,'&"'($2"#$',(%,'#$&"$;%*+-%+'*"$*,==

"$/-,*"##6#$&"$&%;"-#%)*+(%,'$&"#$+%-"#$5%,34,3-+/0

%96"#$A+6$#"'#$&"$B+'&,22"C$"($

spéciation allopatrique.

4] ConclusionD

eux disciplines nomologiquem

ent incomm

ensurables coexistent depuis plus de deux siècles sous le nom

de biogéographie historique. C

e n’est pas quelque chose d’unique dans le domaine des sciences de la

'+(6-"?$B"/"'&+'(.$2+$','D%&"'(%)*+(%,'$&"$2:"E%#("'*"$&"$&"6E$(04,-%"#$

qui ont très peu de choses en comm

un est exceptionnelle. En effet, la

biogéographie des centres d’origine et des dispersions (la chorologie de H

aeckel), n’est rien d’autre que la narration non testable de l’histoire géographique des taxons ou des populations de taxons. A

u contraire, la biogéographie au sens de C

andolle et de Nelson résulte de la décou-

verte d’une nouvelle géographie qui s’ajoute à la géographie physique "($>$2+$34,3-+/0%"$/,2%(%96"?$@2$#:+3%($&"$2+$34,3-+/0%"$5%,2,3%96"$,6$5%,-(%96"?$F

"#$+%-"#$'"$#,'($/+#$&"#$+%-"#$34,3-+/0%96"#$&4)'%"#$/+-$&"#$accidents géographiques ou par des contours adm

inistratifs, mais par

des distributions de taxons. Ce sont donc des régions changeantes, aux

/,6-(,6-#$-"2+(%;"="'($G,6#.$"($+6E$*+-+*(4-%#+(%,'#$(-H#$+5#(-+%("#?

Biosystema, n° 30/2015

René Zaragüeta i Bagils • Les deux biogéographies : biogéographie historique vs histoire géographique151

Ces deu

x théories sont incom

men

surables et in

compatibles.

Com

ment choisir entre elles si elles ne peuvent pas se réfuter m

utuel-lem

ent ? On peut regarder la cohérence interne de chacune d’elles. L

a biogéographie sem

ble parfaitement cohérente, dans son interprétation

!"#$#%&'(")"*+,-'".%./($*'"01"2

#"'*+34*3+("($"#+5+("+#4-$."'("63'*-7("par la structure en arbre raciné des hypothèses d’hom

ologie, source initiale et unique de toute la connaissance systém

atique.Q

u’est-ce qui fonde cette structu

re dans la tradition biogéogra-89-:3(":3-"+(/

,$*(")"%#"*9.,+-("5-5%-:3(";("2-$$."<"=%"('*";->74-%(")"

*+,3?(+";("63'*-74#*-,$1"2@-/#A(";@3$("!".?,%3*-,$"#+5,+('4($*("0"('*"

récurrente dans la littérature. Mais cela reste une im

age, et les struc-tures m

athématiques par lesquelles on représente cette im

age sont ;-?(+'('1"2

('"!"#+5+('"0";@B+$'*"C

#(4D(%"E8#+"(F(/8%(";#$'"C

#(4D(%"GHIJK",3";@L

%>+(;"M,/

(+"E(1A1"GNOOK"$("',$*"8#'";('"#+5+('"#3"'($'"m

athématique (L

ebbe 1991), bien que ce soient des arbres au sens graphique (F

isler & L

ecointre 2013).D

u point de vue de l’adéquation des théories avec les processus invoqués, il existe à nouveau une contradiction interne de taille dans la tradition chorologique : le m

odèle de spéciation couramm

ent accepté com

me standard, allopatrique, est le pendant phylogénétique de la

vicariance biogéographique. O

r, les défenseurs de la tradition des

centres d’origine-dispersions, tout en acceptant ce modèle pour la phy-

%,A.$.*-:3("E%@3*-%-'#$*"/P/

("8,3+"63'*-7(+"#%"'*+34*3+("#+5,+('4($*(";('"89&%,A.$-('"'#$'"4(8($;#$*"8,3?,-+"63'*-7(+"%(3+";-49,*,/

-(Q"(1A1"C

($$

-A"GNOOQ"7A3+("JK"$("%@#44(8*($*"8#'"($"4(":3

-"4,$4(+$("%(3+'"

histoires géographiques de taxons.D

u point de vue des critères standard exigibles aux hypothèses

'4-($*-7:3('Q"%("49,-F"'(/5%("#3''-"4%#-+1"L

3*#$*"%#"*+#;-*-,$"5-,A.,-A+#89

-:3("4%#''-74#*,-+("8+,;3-*";('"9&8,*9R'('"*('*#5%('"E(*"4(")"

plusieurs niveaux), autant la tradition chorologique n’est pas testable.L

e seul point qui permettrait d’argum

enter le choix de la tradi-tion rem

ontant à Linné est l’argum

ent quantitatif, o démocratique si

l’on veut, de la quantité de pratiquants et d’articles publiés faisant appel à l’une ou à l’autre de ces traditions. Q

uelle est la valeur de cet argum

ent ? D’un point de vue rationnel, aucun. D

u point de vue de la ;&$#/

-:3(";('"*9.,+-('"'4-($*-7:3('";.>($;3"8#+"S#3%"T

(&(+#5($;"(e.g. F

eyerabend 1979), certain. Feyerabend critique, dans sa pro-

vocatrice esquisse d’une épistémologie anarchiste, l’existence d’une

:3(%4,$:3("/.*9,;("'4-($*-7:3(1"2@#+A3/

($*";.7$-*->Q"'(%,$"%3-Q"8,3+"(F8%-:3(+"%("'344R'";('"*9.,+-('"'4-($*-7:3('"('*"%#"8+,8#A#$;(1"=%"

© Éditions M

atériologiques 2015

Société française de systématique

152

'3>7*";(";.$-A+(+"'3>7'#//

($*"?,'"($$(/-'"-$*(%%(4*3(%'Q"#?(4"$@-/

-porte quel ar gum

ent, aussi invalide soit-il, mais avec l’éloquence d’un

grand avocat, pour qu’une théorie réussisse. F

eyerabend a modéré

par la suite ses propos, acceptant que l’avocat doive avoir quelques connaissances dans la discipline en question. N

éanmoins, la biogéo-

graphie semble, m

alheureusement, fonctionner selon un m

ode assez en accord avec la vision de Feyerabend (H

eads 2014). Ainsi, dans le livre

d’Alan de Q

ueiroz que Michael H

eads critique (et que je me perm

ets de ne pas inclure dans la liste de références pour ne pas contribuer )"%#"8+,8#A#$;(K",$"8(3*"%-+("E81"UIIK"V"!"W

hen I asked Steve T

rewick

why th

e panbiogeographers, on

ce promin

ent in N

ew Z

ealand

, had

been “exiled”, he replied “They w

ere seen for what they are, a group

of fundam

entalists wh

o have refu

sed to engage with oth

er thinkers or other evidence”."0"W

$"#+A3/($*";,$*"6("%#-''("%("%(4*(3+"63A(+";("%#"

'4-($*-74-*.1

Remerciem

entsU

ne bonne partie du matériel à la base de cet article provient du cours

de biogéographie de master d’H

ervé Lelièvre. Je le rem

ercie de m’avoir

4,$7."4("4,3+'"(*";("/

@#?,-+">#-*"5.$.74-(+";3"*+#?#-%";("8+.8#+#*-,$1

!"#"$%&'%(X

#,"Y1Q"Z#+#A[(*#"\

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